tribunaux des affaires de sécurité sociale
Question de :
M. Jean-Jacques Urvoas
Finistère (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur la décision prise par le Gouvernement de procéder à la « rationalisation » de la carte des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS). Il malheureux que les critères retenus, relevant d'une vision strictement comptable, fassent, semble-t-il, totalement abstraction du droit pour tous d'accéder facilement au juge. Par ailleurs, ce projet de réforme ne prend nullement en compte les impératifs liés à l'aménagement du territoire. Ainsi la suppression programmée du TASS de Quimper, si elle venait à être confirmée, toucherait une ville déjà pénalisée par la décision prise voici quelques mois d'installer à Brest le futur pôle de l'instruction. L'équité voudrait donc qu'en contrepartie, elle bénéficie du regroupement présentement envisagé sur le Finistère. Il lui demande donc s'il est dans ses intentions de préserver le TASS de Quimper.
Réponse en séance, et publiée le 5 juin 2009
AVENIR DU TRIBUNAL
DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE QUIMPER
M. Jean-Michel Clément. La question de Jean-Jacques Urvoas s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur le projet de suppression de quarante-quatre des cent quinze tribunaux des affaires de sécurité sociale que compte aujourd'hui notre pays.
Une circulaire en date du 9 janvier dernier aurait fixé à 550 requêtes nouvelles en moyenne chaque année le seuil légitimant la survie d'une juridiction. Peut-être des adaptations sont-elles nécessaires en la matière. Toutefois, comment concevoir que la réforme envisagée se fonde sur un critère purement arithmétique, faisant abstraction du droit pour tous d'accéder facilement au juge ?
Un essayiste français du xviiie siècle, Joseph Joubert, faisait remarquer que " la justice est le droit du plus faible ". Le " droit du plus faible " est actuellement garanti par le maillage étroit des juridictions des affaires de sécurité sociale. Car ce sont bien les plus fragiles de nos concitoyens - retraités de condition modeste, malades, handicapés - qui y ont recours, et souvent sans l'assistance d'un avocat. En supprimant ces tribunaux, vous ne feriez qu'accroître leurs difficultés, alors même qu'ils sont déjà confrontés à des problèmes physiques, moraux, matériels, parfois insurmontables.
Réformez donc, si tel est votre désir, mais sans jamais perdre de vue l'intérêt du justiciable, et sans tourner le dos - contrairement à ce que, semble-t-il, vous vous apprêtez à le faire - aux impérieuses nécessités d'une politique d'aménagement du territoire équilibrée.
Avec ses 354 affaires jugées en 2008, il semblerait que la juridiction des affaires de sécurité sociale de Quimper soit vouée à faire partie de la charrette des tribunaux sacrifiés sur l'autel du rendement judiciaire.
Si une telle décision devait être confirmée, elle soulignerait le caractère pour le moins incohérent d'une réforme fondée sur des considérations purement quantitatives.
Ainsi, comment pourrait-on ne pas tenir compte du fait que le Finistère est un département particulièrement vaste, de surcroît divisé en deux zones clairement distinctes sur le plan administratif et culturel ?
De même, comment faire abstraction du fait que, les modes de transports collectifs demeurant insuffisamment développés dans le département, il deviendrait quasiment insurmontable pour un justiciable de la région de Quimperlé, dépourvu de tout moyen de locomotion propre, de se rendre à Brest, 200 kilomètres plus loin, pour suivre une procédure ?
Comment ne pas voir aussi que la suppression du TASS de Quimper toucherait une ville déjà lourdement pénalisée par la décision prise voici quelques mois d'installer à Brest le futur pôle de l'instruction ?
Enfin, comment refuser de prendre en considération le fait qu'il est somme toute légitime qu'un chef-lieu de département, conformément à sa vocation naturelle, reste en mesure de dispenser des services publics de qualité, pour le plus grand profit de nos concitoyens ?
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser si la fermeture de quarante-quatre tribunaux des affaires de sécurité sociale demeure toujours d'actualité, si le Gouvernement a bien envisagé les conséquences d'une telle réforme sur l'accès au droit des plus fragiles de nos concitoyens, et si la juridiction de Quimper, en dépit du bon sens, fait toujours partie de celles dont la suppression est programmée ?
M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Monsieur le député, vous interrogez le Gouvernement sur l'avenir des tribunaux des affaires de sécurité sociale. Le Gouvernement n'entend nullement les remettre en cause. Au contraire, il souhaite faire en sorte qu'ils fonctionnent mieux. On ne peut pas dire, d'un côté, qu'ils ne fonctionnent pas et, de l'autre, qu'il ne faut rien changer.
Ces 115 tribunaux, qui sont présidés par un magistrat de l'ordre judiciaire assisté de deux assesseurs et d'un secrétariat administratif, sont chargés de régler les litiges d'application de la législation de la sécurité sociale. Les requérants qui s'adressent à ces tribunaux sont des personnes qui peuvent connaître de grandes difficultés. Ils ont droit de faire appel à un tribunal qui fonctionne et qui puisse apporter des réponses rapides dans de bonnes conditions.
Effectivement, le Gouvernement travaille sur un projet de réforme et de réorganisation allant jusqu'à envisager le regroupement de tribunaux de très petite taille dont l'activité ne permet pas de garantir un fonctionnement cohérent et de bon niveau. Cet avant-projet a pour objectif principal de répondre à de véritables difficultés qui sont constatées aujourd'hui dans le fonctionnement des tribunaux et que personne ne peut nier.
Mais, je vous rassure, le Gouvernement a souhaité mener une concertation approfondie, qui a été organisée au plan local durant les mois de février et de mars derniers, par les premiers présidents de cours d'appel et les procureurs généraux près les cours d'appel d'une part, et par les préfets de région d'autre part. Il a demandé qu'une attention spécifique soit portée à la consultation des parlementaires et des élus locaux pour examiner en profondeur la question importante de l'accessibilité pour les justiciables, qui sont souvent des personnes fragilisées. Les directions des ministères concernés ont pris soin de recevoir la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés dont l'expérience est précieuse en ce domaine.
Cette consultation a démontré que le projet de réforme devait poursuivre son travail d'approfondissement, qu'il était nécessaire d'expertiser sa phase préalable et que les nécessités d'aménagement du territoire que vous avez évoquées à l'instant concernant le département du Finistère n'étaient pas encore suffisamment prises en compte. Par conséquent, une mission d'inspection sera prochainement diligentée afin de répondre aux difficultés de fonctionnement de cette juridiction sociale en conciliant l'évolution du dispositif et la proximité à laquelle le Gouvernement est très attaché.
Je vous rassure donc : il n'y a pas de mesure coercitive, mais une volonté du Gouvernement d'améliorer la situation en prenant en compte la dimension sociale et d'aménagement du territoire de cette juridiction.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.
M. Jean-Michel Clément. Nous sommes tous d'accord pour dire que les tribunaux des affaires de sécurité sociale ici ou les tribunaux d'instance ailleurs fonctionnent au mieux de l'intérêt des justiciables. Toutefois, vous aurez compris qu'il faut absolument prendre en considération les distances qui sont un facteur d'accessibilité à la justice.
J'espère que le couperet qui était tombé pourra être relevé afin que, notamment dans la situation que M. Urvoas a décrite, nous puissions envisager un accès à proximité de tous les justiciables et plus particulier de ceux ayant recours aux tribunaux d'affaires de sécurité sociale.
Auteur : M. Jean-Jacques Urvoas
Type de question : Question orale
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville
Ministère répondant : Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mai 2009