SNCF
Question de :
M. Jacques Bascou
Aude (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jacques Bascou attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur la mise en oeuvre du dernier plan fret SNCF et ses conséquences sur la protection des populations et de l'environnement mais aussi l'économie et l'emploi, en particulier dans l'Aude et l'Hérault. Sur le plan économique, dans le seul secteur Narbonne-Béziers, 19 entreprises représentant 2 000 emplois et 9 000 wagons par an ont été brutalement mises au pied du mur par la SNCF. Fin août, ces clients industriels en « wagons isolés » ont été informés qu'à partir du 1er décembre l'entreprise publique n'assurerait plus que les trafics par trains entiers. Les entreprises ont d'abord dû se battre pour avoir connaissance des nouvelles conditions techniques et tarifaires. Celles qui leurs ont été tardivement proposées ont été tellement insoutenables qu'elles mettent en péril leur avenir. Suite à une forte mobilisation régionale, un sursis d'un mois a été donné. Sur le plan environnemental, dans une région ou le réseau routier est déjà saturé, il paraît impensable d'ajouter plus de 27 000 camions supplémentaires. Le transfert du rail vers la route est particulièrement contre-indiqué pour les produits chimiques dangereux. Plusieurs entreprises concernées sont classées SEVESO et l'État leur interdit d'utiliser le transport routier. Il n'y a donc pas d'autres solutions que le rail pour ces entreprises comme pour celles qui réparent ou reconditionnent des wagons. Alors que, par ailleurs, se tenait un « Grenelle de l'environnement », de tels procédés, sans concertation, ni accompagnement, sont une offense au développement et à l'aménagement durables. Depuis septembre, les entreprises concernées soutenues par les CCI de Narbonne et Béziers supplient la SNCF pour qu'un moratoire de quelques mois leur soit accordé dans l'attente de la mise en place de solutions alternatives réalistes par le rail. Il lui demande, au nom de l'équilibre budgétaire du fret SNCF, comment le Gouvernement a pu ignorer les conséquences des décisions de l'entreprise publique sur l'économie, l'emploi, la sécurité des populations, la protection de l'environnement et l'aménagement du territoire, notamment languedocien ; comment il peut ignorer que l'abandon du service des « wagons isolés » va s'accompagner de la suppression de 262 gares de marchandises en France et de plusieurs milliers d'emplois cheminots, et que des entreprises sont laissées sans solution de remplacement par le rail. Enfin, il souligne que cet abandon brutal ne tient aucun compte des objectifs du Grenelle de l'environnement.
Réponse en séance, et publiée le 9 janvier 2008
PERSPECTIVES DU FRET SNCF EN LANGUEDOC-ROUSSILLON
M. le président. La parole est à M. Jacques Bascou, pour exposer sa question, n° 79, relative aux perspectives du fret SNCF en Languedoc-Roussillon.M. Jacques Bascou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, je tiens à appeler votre attention sur les conséquences du dernier plan fret SNCF pour la protection des populations et de l'environnement, mais aussi l'économie et l'emploi, en particulier dans l'Aude et l'Hérault.
Sur le plan économique, dans le seul secteur de Narbonne et Béziers, dix-neuf entreprises représentant 2 000 emplois et utilisant 9 000 wagons par an ont été brutalement mises devant le fait accompli par la SNCF. Fin août, ces clients industriels en " wagons isolés " ont été informés qu'à partir du 1er décembre, l'entreprise publique n'assurerait plus que les trafics par trains entiers. Les entreprises ont dû d'abord multiplier les démarches pour avoir connaissance des nouvelles conditions techniques et tarifaires. Celles qui leur ont été tardivement proposées sont tellement inadaptées qu'elles mettent en péril leur avenir. À la suite d'une forte mobilisation régionale des élus, des représentants consulaires et des entrepreneurs, un sursis d'un mois a été accordé, mais en ce début d'année la plus grande incertitude continue à régner.
Sur le plan environnemental, dans une région où le réseau routier est déjà saturé, il paraît impensable d'ajouter plus de 27 000 camions supplémentaires. Le transfert du rail vers la route est particulièrement contre-indiqué pour les produits chimiques dangereux et aucune solution adaptée n'a été trouvée à ce jour. Plusieurs entreprises concernées sont du reste classées Seveso et l'État leur interdit d'utiliser le transport routier. Il n'y a donc pas d'autres solutions que le rail pour ces entreprises comme pour celles qui réparent ou reconditionnent des wagons.
Alors que par ailleurs se tenait le Grenelle de l'environnement, de tels procédés, sans concertation ni accompagnement, sont une offense au développement et à l'aménagement durables. Depuis septembre, les entreprises concernées, soutenues par les chambres de commerce et d'industrie de Narbonne et Béziers, demandent à la SNCF qu'un moratoire de quelques mois leur soit accordé dans l'attente de solutions alternatives réalistes par le rail. Ces entreprises étudient actuellement la mise en place d'un opérateur ferroviaire de proximité.
Comment le Gouvernement a-t-il pu ignorer les conséquences des décisions prises par la SNCF, au nom de l'équilibre financier de son secteur fret, sur l'économie, l'emploi, la sécurité des populations, la protection de l'environnement et l'aménagement du territoire, et particulièrement le territoire languedocien ? A-t-on vraiment mesuré que l'abandon du service dit wagons isolés s'accompagnera de la suppression de 262 gares de marchandises en France et de plusieurs milliers d'emplois cheminots ? A-t-on vraiment mesuré que des entreprises, laissées sans solution de remplacement par le rail, voient leur compétitivité et leurs emplois menacés et que cet abandon brutal ne tient aucun compte des objectifs du Grenelle de l'environnement ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le député Jacques Bascou, la SNCF a, c'est vrai, décidé de déréférencer 262 gares au trafic de wagons isolés de marchandises. Cette action s'inscrit dans le cadre du programme défini par la SNCF pour améliorer sa performance ainsi que l'efficacité économique et opérationnelle de son activité de transport de fret et accélérer sa modernisation pour devenir un prestataire de services logistiques compétitif.
Ce programme, entre autres objectifs, vise à améliorer l'allocation des moyens au sein des activités " fret " de la SNCF afin de reconquérir des parts de marché sur des segments où elle est performante, donc sur les grands axes de fret. Vous le savez, le trafic " wagons isolés " de ces 262 gares aujourd'hui déréférencées ne représente que 20 % du trafic transitant par les gares concernées, ce qui est déjà très peu, et seulement 2,5 % des wagons chargés et acheminés chaque année par Fret SNCF. Parallèlement, cette même activité génère des coûts élevés par rapport au chiffre d'affaires engagé.
Nous avons néanmoins demandé que toutes les mesures soient prises pour répondre au cas par cas aux besoins des clients affectés par la fermeture des gares au traitement du wagon isolé, au trafic toutefois significatif. S'il est vrai que ces gares posaient de gros problèmes de rentabilité et obéraient les capacités de développement et de reconversion de la SNCF par ailleurs, il n'en reste pas moins juste, comme vous l'avez souligné, que certains opérateurs locaux y voyaient leur moyen principal d'acheminement de leurs produits et peuvent rencontrer, de ce fait, de sérieuses difficultés. Nous avons demandé que ces mesures fassent l'objet d'une étroite concertation avec les collectivités et les territoires concernés. Plusieurs pistes possibles sont actuellement étudiées par la SNCF : la massification pour constituer des trains entiers - la SNCF est beaucoup plus compétitive en la matière -, la reconfiguration des dessertes en termes de fréquences et de conditions tarifaires et le recours à la technique combinée rail-route ou à la desserte terminale routière depuis une gare proche toujours desservie par fer.
La réorganisation mise en place par Fret SNCF fait l'objet d'une négociation sociale approfondie au sein de l'activité. Cela pourrait entraîner des redéploiements de postes pour tenir compte des adaptations nécessaires à l'évolution de l'activité. La SNCF ne procédera dans ce cadre à aucun licenciement, mais s'attachera sur ce sujet aussi à proposer au cas par cas des solutions et des perspectives au sein de l'entreprise, en priorité naturellement sur les mêmes bassins d'emplois.
Dans ce cadre général et s'agissant plus particulièrement de la région Languedoc-Roussillon, trente-six gares sont concernées par la mesure de déférencement de la desserte " wagons isolés " ; parmi elles, vingt-quatre gares n'ont réalisé aucun trafic " wagons isolés " en 2006, trois ont traité en moyenne entre zéro et trois wagons par mois, ce qui est peu. Des discussions ont été entamées entre Fret SNCF et ses clients durant l'été 2007. Elles ont bien souvent permis de trouver des solutions techniques avec une reconfiguration des dessertes en termes de fréquences, notamment pour les ateliers de wagons privés. Elles se poursuivent, par ailleurs, sur les aspects économiques et tarifaires.
Enfin, d'autres options doivent être développées. Les exemples étrangers montrent que l'acheminement des trafics diffus des wagons isolés est assuré plus efficacement par les opérateurs de petite taille. Nous encourageons donc le développement d'opérateurs de proximité en France. Au cours de l'été 2007, des acteurs économiques de la région Languedoc-Roussillon ont exprimé leur intérêt pour cette solution en créant l'association PROFER Languedoc-Roussillon - initiative que nous soutenons fortement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bascou.
M. Jacques Bascou. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État. M. Bussereau nous avait déjà répondu s'agissant de la réorganisation du fret. Il est vrai que des négociations se poursuivent, dont une s'est tenue hier encore avec un certain nombre d'entreprises. Je me fais toutefois le porte-parole de l'association PROFER et de ces entreprises : une telle mutation nécessite, en effet, du temps. C'est la raison pour laquelle nous avions demandé un moratoire. Si des sociétés comme la COMURHEX à Narbonne, filière d'AREVA, peuvent éventuellement supporter un coût de 32 000 euros par mois, les petites entreprises en revanche, notamment celles qui réparent et conditionnent les wagons, et qui ne peuvent par le fait travailler qu'en wagons isolés, rencontrent de grosses difficultés. Ainsi, les Ateliers d'Occitanie à Narbonne, qui emploient 150 personnes, risquent effectivement de rencontrer de sérieux problèmes et de voir éventuellement leur pérennité menacée. En amont, la SNCF n'a pas donné d'informations suffisantes. Je sais que votre ministère a insisté pour que cette concertation soit mise en place. Il faut aussi laisser à la réorganisation le temps de se mettre en oeuvre. Reconnaissons toutefois qu'une réorganisation qui se traduit par des suppressions de services sur des gares comme Narbonne et de Béziers, qui n'ont rien de secondaire, dans le but de créer une deuxième gare, n'a rien de forcément optimal... Nous le verrons à l'usage...
Je vous demande, madame la secrétaire d'État, d'insister pour que cette concertation prenne en compte l'intérêt des entreprises. Or M. Novelli, que j'avais saisi du problème, m'a répondu que cela ne relevait pas de sa compétence, mais de celle du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables qui, chargé d'une mission sur le réchauffement climatique, coordonne tous ces travaux.
Auteur : M. Jacques Bascou
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : Écologie, développement et aménagement durables
Ministère répondant : Écologie, développement et aménagement durables
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 janvier 2008