enseignants
Question de :
M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la judiciarisation que connaît depuis quelques années, la communauté éducative. En effet, comme l'ont montré récemment deux affaires, dont l'une survenue dans la commune du Raincy (Seine-Saint-Denis), les parents n'hésitent pas à placer immédiatement devant les tribunaux, leurs différends avec un enseignant, pour des raisons souvent futiles. Dans un premier cas, l'instituteur est déféré devant les tribunaux pour avoir dit à un gamin « qu'il allait lui couper » s'il continuait à « le » montrer à ses copains. Dans un autre, une institutrice ayant mis un bandeau sur la bouche, d'un élève bavard, lors d'un jeu de cow-boy et d'indien, se voit elle aussi poursuivie devant les tribunaux. Il s'agit d'une judiciarisation inquiétante des relations parents-enseignants, qui pour une raison ou pour une autre se retrouvent devant les tribunaux pour des faits mineurs. Ce genre de conflits se développe de manière inquiétante et se renouvelle périodiquement comme une forme nouvelle d'action revendicative à l'égard de l'éducation nationale. De plus, ces affaires se révèlent être souvent des périodes d'affrontements et de déstabilisation pour les enseignants concernés, qui ressentent particulièrement mal ces remises en cause de leur activité professionnelle et leur pédagogie. Ces dossiers doivent être pris très au sérieux car, loin d'être des épiphénomènes, ils bouleversent le corps enseignant et divisent profondément les parents d'élèves. C'est pourquoi il lui demande de lui indiquer sa position sur ce dossier.
Réponse en séance, et publiée le 1er juillet 2009
JUDICIARISATION DES RELATIONS PARENTS-ENSEIGNANTS
M. le président. La parole est à M. Éric Raoult, pour exposer sa question, n° 793, relative à la judiciarisation des relations parents-enseignants.M. Éric Raoult. Pour commencer, monsieur le ministre, je souhaite m'associer aux voeux que Mme Mazetier vous a adressés dans la première partie de son intervention. Les députés de la majorité sont très heureux de voir votre compétence, votre clairvoyance, votre courage récompensés au sein de ce gouvernement ; ils sont également très fiers de voir un homme comme vous à la tête de ce ministère, très proche du coeur de bien des parlementaires par le fait qu'il est amené à gérer les problèmes quotidiens de l'école. C'est justement sur un de ces problèmes quotidiens que je voudrais vous interroger.
Depuis quelques mois, les relations entre parents d'élèves et professeurs ont atteint une nouvelle dimension, malheureusement conflictuelle, dans un certain nombre d'écoles.
Deux affaires récentes l'ont rappelé, dont l'une survenue dans ma commune du Raincy. Les parents n'hésitent plus à porter immédiatement devant les tribunaux leurs différends avec un enseignant, pour des raisons souvent futiles. Dans un premier cas, un instituteur a été déféré devant les tribunaux pour avoir dit à un gamin " qu'il allait la lui couper " s'il continuait à " la " montrer à ses copains. Dans un autre, une institutrice ayant mis un bandeau sur la bouche d'un élève bavard, lors d'un jeu de cow-boy et d'indien, s'est vue elle aussi poursuivie devant les tribunaux.
Cette judiciarisation inquiétante des relations parents-enseignants, qui pour une raison ou pour une autre se retrouvent devant les tribunaux, mérite d'être prise au sérieux, car ces affaires, loin d'être des épiphénomènes, commencent à susciter l'inquiétude de la communauté éducative.
Les maires croyaient avoir tout vu en matière de liste des insatisfactions, des méfiances et des incompréhensions entre parents et enseignants. Nous étions habitués à travailler avec les enseignants pour atténuer leur déception de ne pas pouvoir rencontrer plus de parents lorsque ces derniers les invitaient ; nous avions pris l'habitude de rassurer les familles lorsqu'elles dénonçaient un professeur qui n'avait pas pu prendre le temps de les recevoir pour parler de la situation de leur enfant. Mais face à cette nouvelle forme d'action revendicative à l'égard de l'éducation nationale, qui suscite craintes et interrogations, pouvez-vous, monsieur le ministre, rassurer les enseignants qui ressentent particulièrement mal ces remises en cause de leur activité professionnelle et de leur pédagogie ?
Enfin, que pouvez-vous dire aux parents d'élèves qui, divisés sur la question, attentent des réponses des pouvoirs publics pour continuer à défendre la nécessité d'établir et d'entretenir des relations cordiales et suivies entre parents et enseignants ?
Enfin, monsieur le ministre, nous sommes un certain nombre ici à veiller attentivement au concept d'école sanctuaire. Or il est vrai que, parfois, ces incompréhensions, ces différents, peuvent être aggravés par des parents qui passent la nuit dans les écoles, accrochent des banderoles ou des calicots - comme on l'a vu notamment à Paris durant des semaines et des mois.
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, je vous remercie pour votre message de sympathie et vos félicitations.
Vous appelez très justement mon attention sur la " judiciarisation " observée dans les écoles et les établissements scolaires. Cette tendance est du reste décrite par le médiateur de l'éducation nationale qui a remis hier son rapport pour 2008 à la presse.
Ce phénomène de judiciarisation dans l'espace scolaire s'inscrit dans un mouvement de fond plus large, qui traverse l'ensemble de nos sociétés contemporaines. l'éducation nationale, premier point de rencontre entre les familles, l'État, la République, les acteurs du monde éducatif, n'échappe pas à ce phénomène.
Je ne peux que déplorer certaines dérives contentieuses parfois formées de manière abusive. Les exemples que vous avez cités illustrent effectivement des pratiques regrettables, mais qui restent le fait d'une minorité infime de parents d'élèves. Chaque jour, l'école accueille et prend en charge des millions d'élèves et l'immense majorité des familles éprouve un sentiment de respect et de confiance à l'égard des personnels de l'éducation nationale.
Je veux dire aux chefs d'établissement, aux professeurs, aux personnels d'éducation qu'ils peuvent compter sur mon soutien sans faille et sur celui de l'institution toute entière pour la mission qu'ils accomplissent au quotidien dans l'intérêt des élèves. Je m'engage d'ailleurs à ce que les personnels de l'éducation nationale soient soutenus par l'administration et se voient proposer la protection juridique due aux fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions.
Au-delà, monsieur le député, je souhaite rendre hommage au dialogue permanent qui existe dans l'immense majorité des établissements scolaires entre les enseignants, les directeurs d'école, les chefs d'établissement et les parents d'élèves. Avant de passer à la phase contentieuse, il faut toujours dialoguer, il faut se parler. Les chefs d'établissement et les directeurs d'école et tous les personnels sont disponibles pour engager ce dialogue avec les parents. De nombreux relais existent pour aider les parents et les élèves à s'exprimer et à évoquer les difficultés que peuvent rencontrer leurs enfants.
Mon ambition, comme ministre de l'éducation nationale, est de renforcer ce lien de confiance nécessaire à la sérénité du travail des personnels et à la réussite de tous les élèves.
Auteur : M. Éric Raoult
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement : personnel
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 juin 2009