titres de séjour
Question de :
Mme Martine Martinel
Haute-Garonne (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Martine Martinel attire l'attention de M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur les difficultés rencontrées par les conjoints étrangers de citoyens français pour obtenir un titre de séjour en France. Au moment où il stigmatise les "mariages gris" et souhaite lancer une "réflexion" visant à multiplier les procédures suspicieuses à l'égard des couples mixtes (franco-étrangers), elle lui demande quelles mesures il entend plutôt prendre afin que la France reconnaisse à ces couples le droit de vivre ensemble sur notre territoire et que la délivrance rapide d'un titre de séjour aux étrangers vivant en couple avec un Français soit la règle et le refus motivé l'exception.
Réponse en séance, et publiée le 24 décembre 2009
TITRES DE SÉJOUR POUR LES CONJOINTS ÉTRANGERS
DE CITOYENS FRANÇAIS
Mme Martine Martinel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et porte sur les difficultés rencontrées par les conjoints étrangers de citoyens français pour obtenir un titre de séjour en France, notamment pour des couples résidant dans la circonscription dont je suis l'élue. Au moment, monsieur le ministre, où vous stigmatisez ce que vous appelez les " mariages gris " - que je préfère appeler les mariages mixtes - et où vous dénoncez " des escroqueries sentimentales à but migratoire ", il me semble important de rétablir quelques vérités.
Vous vous appuyez sur le témoignage de quelques membres d'une Association nationale des victimes de l'insécurité, inconnue jusqu'à présent, alors qu'on fait état en général de seulement 0,45 % d'annulations pour fraude pour les 88 123 mariages mixtes recensés en France l'an dernier. Comment pouvez-vous dès lors justifier votre politique de stigmatisation et d'intrusion dans la vie privée des individus, alors que tout démontre qu'il s'agit d'un phénomène ultraminoritaire ? Derrière les chiffres il y a des drames humains, tel celui que vit, dans ma circonscription, ce couple pacsé depuis 2007, qui atteste d'une vie commune depuis mai 2006. L'État demande en effet à la dame de retourner au Togo où, de surcroît, elle court de graves dangers du fait de ses engagements politiques. De quel droit l'État peut-il ainsi séparer un couple établi ? Peut-on encore accepter que certains de nos concitoyens, au motif qu'ils aiment une personne étrangère, voient bafouer leur vie privée et leur dignité ? Le métissage est une des richesses de la France et la présomption de culpabilité à l'encontre de tous les couples mixtes n'est pas acceptable. C'est tout l'arsenal législatif en la matière, largement modifié ces trois dernières années, qu'il faut revoir afin de garantir à tous le libre choix d'aimer dans la dignité. Il est de l'honneur de la France de permettre à ces couples de vivre ensemble sur son territoire. C'est là un sentiment que partagent nombre d'élus, y compris sur les bancs de la majorité. Quelles mesures entendez-vous prendre pour que la délivrance rapide d'un titre de séjour aux étrangers vivant en couple avec un Français soit la règle et le refus motivé l'exception ?
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Madame la députée, d'abord les chiffres démentent vos affirmations. Le nombre de mariages mixtes en France est particulièrement important. Les seuls mariages mixtes célébrés en France s'élevaient à 35 838 en 2007, sans compter ceux célébrés à l'étranger dans la même proportion. Par ailleurs, le mariage représente l'un des principaux modes d'acquisition de la nationalité française. Sur 100 000 naturalisations en 2007, les accessions par mariage en représentaient à elles seules près de 30 000, et les demandes sont satisfaites à 90 %.
Il est également faux de laisser croire que la délivrance des titres de séjour se heurte à des difficultés importantes : les conjoints de Français ont été 38 700 à entrer sur notre territoire en 2008.
Enfin, les refus de visas, pour cette catégorie, doivent être motivés. Cela répond à votre préoccupation. Ils ne peuvent reposer que sur un motif d'ordre public, de fraude ou d'annulation du mariage ; ils sont donc assez peu nombreux. Quand le mariage a été transcrit, le conjoint de Français, titulaire du visa de long séjour, obtient un titre de séjour de droit qui n'est soumis à aucune autre condition. Ainsi, le refus est bien l'exception.
S'agissant de la facilitation d'obtention du titre de séjour, un décret instaure, depuis juin 2009, un visa de long séjour qui dispense le conjoint de Français de demander un titre de séjour à son arrivée en France, pour la première période de validité du visa d'un an. Cette mesure simplifie ses démarches puisqu'il ne doit se déplacer, à son arrivée, qu'auprès de la délégation territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour signer le contrat d'accueil et d'intégration et passer la visite médicale.
Enfin, les conjoints entrés régulièrement et se mariant en France peuvent demander leur visa de long séjour depuis la France, sans avoir à repartir dans leur pays.
La lutte contre les mariages dits de complaisance ou les mariages forcés constitue une priorité et ne consiste bien évidemment pas à remettre en cause les mariages mixtes. Ceux-ci sont un apport et une réalité dans notre pays. La liberté du mariage est, de plus, protégée par la Constitution, et le Conseil constitutionnel l'a érigée en composante de la liberté individuelle.
Lutter contre les mariages simulés ou de complaisance, c'est lutter contre des filières qui détournent le mariage et abusent leurs victimes. C'est éviter des drames, c'est protéger tous ceux qui sont de bonne foi. C'est pourquoi j'ai demandé à Claude Greff, députée d'Indre-et-Loire, de présider et d'animer un groupe de travail chargé de faire des propositions.
Si vous avez des doutes, madame la députée, et que vous voulez rencontrer des victimes de ces mariages de complaisance, qu'ils soient blancs ou gris, je suis à votre disposition pour organiser cette rencontre.
Enfin, j'imagine que vous avez commis un lapsus en disant que vous préfériez appeler les mariages gris des mariages mixtes. Non, les mariages gris sont une fraude et cela n'a strictement rien à voir avec les mariages mixtes. Je vous suggère donc, puisque, visiblement, vous allez me répondre, de retirer votre propos.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Martinel.
Mme Martine Martinel. Monsieur le ministre, lorsque j'ai évoqué un chiffre, ce n'était pas celui des mariages mixtes mais de ce que vous avez appelé les mariages gris. Je n'ai pas commis de lapsus : je trouve les mots " mariages gris " infamants, stigmatisants, et je ne les confonds pas avec les mariages mixtes.
Enfin, vous dites que ce que j'avance est faux. Peut-être dans mon département le préfet fait-il du zèle. En tout cas, je pourrais vous citer beaucoup de cas de gens qui ont énormément de difficultés à obtenir leur droit et à résider en France, alors qu'ils ne posent aucun problème pour l'ordre public.
Auteur : Mme Martine Martinel
Type de question : Question orale
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire
Ministère répondant : Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er décembre 2009