entreprises nationales
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jacques Desallangre attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la profonde mutation du périmètre de l'État actionnaire. L'État organise son retrait progressif des services publics par le changement du statut public vers la forme de société privée, puis il vend le capital. Ce fut vrai pour France Télécom, EDF, Air France et demain ce sera au tour de la Poste. Les critères d'intérêt général, de service aux usagers, qui caractérisent ces services publics précédemment en situation monopolistique, sont perdus de vue par l'introduction de la concurrence. Alors, si ce n'est plus la doctrine de l'intérêt général qui guide les pas de l'État lorsqu'il intervient en matière économique, quelles sont les lignes directrices de sa conduite ? Demain, avec le grand emprunt et dès aujourd'hui aussi avec le fonds stratégique investissements, quelles sont les valeurs, les intérêts supérieurs que l'État entend promouvoir lorsqu'il prend une participation dans une entreprise ? A-t-il pour mission de se comporter comme tout actionnaire cherchant la rentabilité de son investissement ou promeut-il une certaine éthique dans sa pratique ? L'État peut-il investir et se désintéresser de l'emploi ? L'État peut-il apporter son soutien et se désintéresser de l'aménagement du territoire ? L'État, même quand il est actionnaire, doit être porteur d'un projet collectif ; il ne peut être un actionnaire comme les autres. L'État et le fonds stratégique investissements ont pris 5 % du capital de Nexans qui va supprimer 300 emplois à Chauny dans l'Aisne. Si l'actionnaire minoritaire qu'est le fonds stratégique investissements n'a pas vocation à empêcher les dirigeants de mener l'entreprise, il a au moins, en tant que représentant de l'État, l'obligation de promouvoir une gestion responsable et éthique qui se soucie de la formation des hommes, qui prenne en charge une profonde reconversion du site, qui trouve de nouveaux aménageurs pour palier son retrait, etc. L'État, par sa seule présence, ne pourrait cautionner une restructuration irresponsable qui brise 220 ménages, laisse un territoire diminué avec une fiscalité encore plus dégradée. En conséquence, il lui demande quelles sont les valeurs éthiques que l'État a la charge de promouvoir lorsqu'il est actionnaire et quelle est la feuille de route que le Gouvernement compte imposer à Nexans dans le cadre des restructurations qu'elle entreprend.
Réponse en séance, et publiée le 10 décembre 2009
PARTICIPATION DE L'ÉTAT DANS LE CAPITAL DE NEXANS
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour exposer sa question, n° 832, relative à la participation de l'État dans le capital de Nexans.M. Jacques Desallangre. Madame la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, le constat du retrait progressif de l'État des services publics, privatisés les uns après les autres, amène à s'interroger. Les critères d'intérêt général et de service aux usagers, caractéristiques de ces services publics, disparaissent, cependant que l'introduction de la concurrence introduit une philosophie d'entreprise bien différente.
Si ce n'est plus la doctrine de l'intérêt général qui guide les pas de l'État lorsqu'il intervient en matière économique, quelles sont les lignes directrices de sa conduite ? Demain, avec le grand emprunt, et dès aujourd'hui avec le fonds stratégique d'investissement, quelles valeurs, quels intérêts supérieurs l'État entendra-t-il promouvoir en prenant une participation dans une entreprise ?
L'État a-t-il pour mission de se comporter comme tout actionnaire préoccupé uniquement par la rentabilité de son investissement ou défend-il une certaine éthique dans sa pratique ? L'État peut-il investir et se désintéresser de l'emploi ? L'État peut-il apporter son soutien sans se soucier de l'aménagement du territoire ? L'État peut-il être un actionnaire comme les autres ?
Mobilisant 58 millions d'euros, le fonds stratégique d'investissement, autrement dit l'État, a pris 5 % du capital de Nexans qui va supprimer près de 300 emplois à Chauny dans l'Aisne. Si le fonds stratégique d'investissement, actionnaire minoritaire, n'a pas vocation à empêcher les dirigeants de diriger l'entreprise, au moins a-t-il, en tant qu'émanation de l'État, l'obligation de promouvoir une gestion responsable et éthique soucieuse de la formation des hommes, qui prenne en charge une profonde reconversion du site, qui trouve de nouveaux aménageurs pour palier son retrait, etc. L'État, par sa seule présence, ne peut cautionner une restructuration irresponsable qui va briser 220 ménages, laisser un territoire diminué avec une fiscalité dégradée. Madame la secrétaire d'État, quelles valeurs éthiques l'État a-t-il à votre sens la charge de promouvoir lorsqu'il est actionnaire, et quelle est la feuille de route le Gouvernement compte-t-il imposer à Nexans dans le cadre des restructurations que cette entreprise mène à la hache ?
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le député, je voudrais, de la part de Christine Lagarde et de Christian Estrosi, sans prétendre répondre à l'ensemble des questions de politique générale, quasi philosophiques, que vous avez posées...
M. Jacques Desallangre. C'était pourtant une bonne question !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. ...vous indiquer que l'État actionnaire cherche, dans ses relations avec les entreprises à participation publique, à se comporter comme un actionnaire éclairé, actif et pragmatique, soucieux de la défense de ses intérêts patrimoniaux qui sont ceux de la nation, tout en soutenant le développement de ces entreprises.
Il cherche en permanence à amener les entreprises de l'État à converger vers trois priorités : contribuer à l'avenir industriel de la France, créer de la valeur pour notre économie et fournir aux 1,5 million de salariés concernés des perspectives d'emploi et de développement de leur projet professionnel.
En 2008 et 2009, l'État actionnaire a continué à jouer son rôle d'appui stratégique aux entreprises publiques qui se sont engagées dans des opérations structurantes pour le paysage industriel européen et mondial.
L'État actionnaire promeut également l'application de règles de gouvernance éthiques dans les entreprises à participation publique. D'une part, une vigilance toute particulière est portée sur les questions de rémunération des dirigeants, qui ont fait l'objet de diverses décisions au cours des derniers mois. D'autre part, l'État assume ses responsabilités d'actionnaire en faisant en sorte que ses entreprises soient exemplaires dans la gestion de leurs salariés.
Venons-en maintenant au Fonds stratégique d'investissement et au rôle direct de l'État actionnaire sur le plan industriel dans ce contexte de crise.
Nous avons souhaité intervenir massivement et rapidement afin de restaurer la confiance et de préserver l'outil industriel et l'emploi.
Créé dès la fin 2008 sous la forme d'une société anonyme au capital détenu à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 49 % par l'État, le FSI dispose de 20 milliards d'euros apportés par ses deux actionnaires. Sa mission est de prendre des participations au capital d'entreprises stratégiques pour l'économie française présentant des besoins en fonds propres. Il a pour objectif essentiel de réaliser des investissements minoritaires au capital de ces entreprises. À ce titre, il investit aussi bien dans des PME de croissance, dans des entreprises de taille moyenne présentant un potentiel de création de valeur, que dans des grandes entreprises présentant un besoin de stabilisation de leur capital.
Certains appellent de leurs voeux, et j'ai cru comprendre que c'était votre cas, monsieur le député, une interdiction de supprimer tout emploi pour les entreprises dans lesquelles le fonds stratégique d'investissement a investi. Mais la réalité économique est qu'aucune entreprise ne saurait s'engager à ne jamais devoir restructurer ses activités et que ce serait un bien mauvais usage de l'argent public que d'engager le fonds stratégique d'investissement dans ce type d'approche.
Le FSI, en tant qu'investisseur avisé - c'est de l'argent public - n'a pas vocation à empêcher les entreprises dans lesquelles il investit de se restructurer ponctuellement, là où cela est nécessaire, pour assurer la viabilité économique d'une activité traversant une zone de turbulences, ce qui est malheureusement le cas pour Nexans.
Les entreprises savent en revanche qu'en acceptant le FSI au sein de leur gouvernance, ses représentants seront particulièrement vigilants à la motivation réelle ainsi qu'à la qualité des éventuels plans sociaux. Telle l'éthique qui les anime. Ce sujet est systématiquement abordé avant d'entrer au capital et les actionnaires de Nexans le savent parfaitement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Madame la secrétaire d'État, les actionnaires de Nexans savaient surtout que leur capital allait être conforté à hauteur de 58 millions mais qu'ils pourraient licencier plus de 300 personnes.
Je n'ai pas demandé qu'on empêche tout licenciement. Simplement, il y des restructurations dont le but est de sauver l'entreprise et d'autres - c'est le cas de Nexans - qui ne visent qu'à faire plus de profit, et pour lesquelles l'État devrait être beaucoup plus exigeant qu'il ne l'est. Si ma question n'était pas à vos yeux aussi bonne que celle de M. Raoult, je n'ai pas trouvé pour ma part que votre réponse ait été excellente...
M. Éric Raoult. Jaloux !
M. Jacques Desallangre. Au moins me permettra-t-elle d'informer ceux qui seront sacrifiés sur l'autel de la rentabilité financière, préoccupation première de Nexans !
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question orale
Rubrique : Secteur public
Ministère interrogé : Économie, industrie et emploi
Ministère répondant : Économie, industrie et emploi
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2009