Question orale n° 837 :
insecticides

13e Législature

Question de : M. François Rochebloine
Loire (3e circonscription) - Nouveau Centre

M. François Rochebloine attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur les difficultés rencontrées par la filière apicole, du fait de la surmortalité des abeilles dans notre pays. Outre les conséquences sur la production de miel, ce phénomène soulève de nombreuses et importantes questions sur l'état de santé de notre environnement. Les abeilles participent en effet, pour une bonne part, au processus de pollinisation et elles sont, à ce titre, un indicateur écologique particulièrement révélateur. Il lui cite le cas des apiculteurs du massif du Pilat qui observent de fortes pertes inexpliquées dans leurs ruchers, et cela depuis plusieurs années. Au fur et à mesure des progrès de la connaissance scientifique, des produits de traitement, utilisés massivement en agriculture tels des insecticides ou des fongicides, sont mis en cause pour leur nocivité directe sur les abeilles. Face aux inquiétudes des apiculteurs, certains pays de l'Union européenne ont pris des mesures d'interdiction pour ces produits. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître sa position sur ce sujet et de lui indiquer les différentes actions menées par les pouvoirs publics pour soutenir la filière apicole.

Réponse en séance, et publiée le 10 décembre 2009

DIFFICULTÉS DE LA FILIÈRE APICOLE

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question, n° 837, relative aux difficultés rencontrées par la filière apicole.
M. François Rochebloine. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée du commerce, mes chers collègues, " si les abeilles devaient disparaître, l'humanité n'aurait plus que quelques années à vivre ". Cette citation d'Albert Einstein est désormais très connue de la plupart des apiculteurs de notre pays, très inquiets face aux crises sanitaires qui affectent dangereusement les colonies d'abeilles mais aussi les populations d'insectes pollinisateurs qui connaissent un déclin croissant, notamment depuis la décennie des années quatre-vingt. Ce phénomène n'est pas propre à notre pays, loin s'en faut, puisque tous les pays industrialisés sont touchés.
Outre les conséquences sur la production de miel, ce phénomène soulève de nombreuses et importantes questions sur l'état de santé de notre environnement. Les abeilles participent en effet, pour une bonne part, au processus de pollinisation et elles sont, à ce titre, un indicateur écologique particulièrement révélateur.
Les causes de ce phénomène préoccupant ne sont pas totalement élucidées et peuvent être sujettes à controverse, comme l'a bien souligné l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Cependant, tout indique que les pollutions liées aux activités humaines ne sont manifestement pas étrangères à cette surmortalité d'abeilles.
À titre d'exemple, il m'a paru intéressant de m'appuyer sur quelques résultats d'observations qui m'ont été communiqués par des apiculteurs du massif du Pilat dans le département de la Loire. Sur l'année 2008, les pertes ont été massives puisqu'elles dépassaient 40 %. Quant à 2009, les pertes seraient un peu moins importantes, aux alentours de 30 %. L'étude portait sur 800 ruches détenues par soixante producteurs non professionnels.
Ces taux de perte se sont traduits directement sur l'évolution de la production annuelle de miel pour cette petite région de production de montagne. Nous, sommes loin désormais des 5 à 10 % de pertes annuelles que l'on enregistrait auparavant et qui paraissaient représenter la norme acceptable. Il est à noter que le massif du Pilat, n'est pas une région de grande culture intensive.
L'activité apicole dans cette partie du département de la Loire peut être caractérisée comme une activité de petits producteurs non professionnels qui écoulent leur production localement sans pour autant en vivre.
À travers cet exemple, nous mesurons toute l'étendue de la difficulté pour appréhender le problème. Pour les apiculteurs cette situation est difficile voire décourageante. La reconstitution des ruchers nécessite du temps et il est à craindre que si cette situation perdure, nombre d'apiculteurs jetteront l'éponge.
Au fur et à mesure des progrès de la connaissance scientifique, des produits de traitement utilisés massivement en agriculture tels des insecticides ou des fongicides, sont mis en cause pour leur nocivité directe sur les abeilles. Face aux inquiétudes des apiculteurs, certains pays de l'Union européenne ont pris des mesures d'interdiction pour ces produits. Aussi souhaiterions-nous connaître la position du Gouvernement sur ce sujet et les différentes actions qu'il compte engager pour sauver - je dis bien sauver - la filière apicole.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Je vous prie, monsieur le député, de bien vouloir excuser l'absence de Bruno Le Maire qui comptait bien venir, mais il reçoit ce matin ses vingt et un homologues européens pour concrétiser des actions communes en faveur d'une régulation commune des marchés agricoles,...
M. François Rochebloine. Réunion importante en effet !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. ...sujet qui, je le sais, vous intéresse particulièrement, de même que l'ensemble des députés de votre groupe.
Vous avez appelé l'attention du ministre de l'agriculture sur les préoccupations des apiculteurs, sur le risque d'exposition des abeilles aux fongicides et insecticides et sur leur surmortalité.
La mise sur le marché des produits insecticides et fongicides fait l'objet de règles d'évaluation et de contrôles particulièrement strictes. Le risque pour les organismes non cibles et notamment pour les abeilles y est attentivement pris en compte. Ces règles ont d'ailleurs été renforcées sous la présidence française de l'Union européenne avec l'adoption des règlements du " paquet pesticides ".
L'effondrement des colonies d'abeilles est un phénomène rencontré dans de nombreux pays industrialisés. Le rapport de l'AFSSA intitulé " Mortalités, effondrements et affaiblissements des colonies d'abeilles " met en exergue plus de quarante facteurs, dont le parasitisme, les pathologies, les pratiques agricoles et apicoles.
Pour remédier à ce fléau, le Gouvernement a mis en place un plan qui reprend des pistes contenues dans le rapport du député Saddier. Ce plan gouvernemental permet, dans une approche globale, de définir les priorités de notre stratégie nationale dans ce secteur.
Les vingt-six propositions de ce plan ont fait l'objet de travaux importants associant les syndicats d'apiculteurs, les organisations professionnelles agricoles, les associations de protection de l'environnement et les organismes techniques et de recherche. Il prévoit de construire les outils nécessaires à la préservation des pollinisateurs, indispensables à l'agriculture et à la préservation de la biodiversité.
Un Institut scientifique et technique de l'abeille, appuyé par l'Association de coordination technique agricole et comprenant un conseil scientifique indépendant, sera créé. Il aura pour mission d'identifier les principales causes de mortalité des abeilles et d'assurer le développement d'outils efficaces pour le renforcement de la filière. Une première réunion du conseil d'administration de cet institut se tiendra avant la fin du mois de janvier 2010.
Par ailleurs, le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a annoncé la création d'un groupe spécifique dédié à l'organisation du suivi sanitaire des ruches dans le cadre des états généraux du sanitaire, que Bruno Le Maire avait annoncé à Cournon-d'Auvergne le 7 octobre dernier. Le développement de nouveaux médicaments de lutte contre le varroa sera notamment une priorité pour l'année 2010.
Sept millions d'euros d'aides publiques et européennes sont consacrés chaque année au développement de la filière apicole et aux programmes de recherche pour la résolution des difficultés liées à l'augmentation de leur mortalité. À ces dispositifs nationaux doivent être ajoutés près de 6,5 millions d'euros de financement de projets retenus dans le cadre de l'édition 2009 du programme cadre européen de recherche et de développement.
M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, des précisions que vous avez bien voulu m'apporter. C'est parce que cette question devient cruciale que je me suis permis d'appeler l'attention du Gouvernement, même si je sais qu'il en a déjà pris conscience.
Comme vous l'avez dit, c'est également au niveau de l'Union européenne qu'un tel sujet doit être traité.
Je terminerai en souhaitant pleine réussite au ministre de l'agriculture pour sa réunion d'aujourd'hui. J'espère que cette rencontre avec ses vingt et un collègues permettra de trouver des solutions parce que le monde agricole tout entier souffre.

Données clés

Auteur : M. François Rochebloine

Type de question : Question orale

Rubrique : Produits dangereux

Ministère interrogé : Alimentation, agriculture et pêche

Ministère répondant : Alimentation, agriculture et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2009

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