DOM-ROM : Guadeloupe
Question de :
Mme Jeanny Marc
Guadeloupe (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Jeanny Marc attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le RSA et le RSTA. En effet, la Guadeloupe faisant partie du territoire national, elle devrait se voir appliquer de plein droit toutes les lois et mesures qui sont votées au Parlement. Malheureusement, on nous explique très régulièrement que certaines lois ne sont pas applicables en Outre-mer, alors que nous sommes dans le droit commun. S'agissant du RSA, qui concerne une partie très importante de notre population, la seule réponse obtenue, suite aux travaux d'une mission parlementaire, est qu'il ne serait applicable dans les DOM qu'à partir de 2011. Par contre, la Guadeloupe n'est pas exclue de la contribution à la solidarité nationale jusqu'en 2011, puisque les fonds sont bel et bien collectés, notamment sur les revenus du patrimoine et les investissements immobiliers réalisés sur place, pour financer le RSA que perçoivent les Français de l'hexagone. De plus, il est envisagé de substituer le RSA au RSTA, alors que ce sont deux prestations distinctes. Elle lui rappelle que ce ne sont pas les mêmes publics visés par ces deux mesures tendant à aider les personnes ou familles défavorisées par les effets pervers de la conjoncture économique actuelle. Selon l'accord Bino, signé le 29 février 2009, le RSTA est un complément de salaire pour ceux qui travaillent et qui perçoivent un bas salaire. Le RSA vise à favoriser l'accès à l'emploi et devrait remplacer le RMI. C'est pourquoi il concerne prioritairement les personnes sans revenus. Il est clairement établi que le RSA, compte tenu de son efficacité, devrait être une réponse adaptée, bien qu'insuffisante, pour prendre en compte la lutte contre le chômage endémique que connaît notre département. Par ailleurs, nous constatons que le RSTA favorise beaucoup plus les personnes célibataires sans enfant au détriment des familles dont la composition est prise en compte pour le calcul du RSA ce qui n'est pas le cas avec le RSTA. Pour ces raisons, elle s'élève avec force et détermination contre une politique sociale à deux vitesses, contre une solidarité nationale totalement discriminatoire pour nos populations ultramarines. Elle l'exhorte à ouvrir les yeux sur cette discrimination flagrante, dont nous sommes encore les seules victimes. Elle souhaite savoir quels sont les moyens qu'il compte mettre en oeuvre pour appliquer un traitement équitable pour l'ensemble des Français quel que soit le lieu où ils se trouvent sur le territoire national.
Réponse en séance, et publiée le 10 décembre 2009
APPLICATION DU RSA ET DU RSTA EN GUADELOUPE
M. le président. La parole est à Mme Jeanny Marc, pour exposer sa question, n° 846, relative à l'application du RSA et du RSTA en Guadeloupe.Mme Jeanny Marc. Ma question s'adressait à Mme la ministre chargée de l'outre-mer, mais je constate qu'elle n'est pas là.
La Guadeloupe, comme les autres départements d'outre-mer, est régie par l'article 73 de la Constitution, c'est-à-dire selon le principe de l'identité législative. Elle devrait donc se voir appliquer de plein droit lois et règlements décidés par le Parlement ou le Gouvernement. Malheureusement, ces territoires font régulièrement l'objet de discriminations qui ne sont plus acceptables, ni même tolérables. À cet égard, le décret n° 2009-1442 du 25 novembre 2009 relatif au contrat unique d'insertion confirme, une fois de plus, que la population des outre-mer est victime d'un processus inégalitaire criant.
Les collectivités d'outre-mer ne sont pas exclues de la contribution de solidarité nationale finançant le RSA depuis son vote et son application en juin 2009 dans l'hexagone, puisque les fonds sont bel et bien collectés, notamment sur les revenus du patrimoine et les investissements immobiliers réalisés sur place.
La situation économique de notre département, monsieur le secrétaire d'État, est de plus en plus inquiétante. Comme vous le savez, le dernier bulletin trimestriel de conjoncture publié par l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, montre une nette dégradation du tissu économique de la Guadeloupe, où l'on attend des jours sombres. Si les données de l'IEDOM s'avèrent fondées, il sera en effet impossible, pour les chefs d'entreprise, de respecter les engagements de l'accord Bino conclu pour sortir de la crise sociale ayant récemment frappé le département. L'État doit donc assumer ses responsabilités pour maintenir la paix sociale, et le Gouvernement doit soutenir notre économie, comme c'est le cas pour les entreprises situées en France métropolitaine.
Il est par ailleurs envisagé de remplacer le RSA par le RSTA, alors que ces deux prestations sont totalement distinctes. Vous le savez, les mesures favorisant l'accès ou le retour à l'emploi ne sont pas efficientes dans nos départements ; les chiffres du chômage, déjà catastrophiques, continuent d'augmenter, à hauteur de 10 % en un an. Le dernier décret publié au sujet du contrat unique d'insertion dispose en son article 4, alinéa 2, que son application est conditionnée à l'article 29 de la loi du 1er décembre 2008 relative au RSA. Autrement dit, tant qu'il n'y aura pas de RSA, le contrat unique d'insertion ne pourra être mis en oeuvre, non plus que ses déclinaisons - le contrat initiative emploi et le contrat d'accompagnement dans l'emploi.
Plus grave encore : je m'interroge sur l'application du RSA jeunes, qui concerne la frange la plus vulnérable de notre population. Nous voici donc, monsieur le secrétaire d'État, victimes d'une quadruple peine : nous contribuons, mais nous n'aurons ni le RSA avant janvier 2011, ni le CUI, ni le RSA jeunes.
M. le président. Merci de conclure.
Mme Jeanny Marc. Ce constat m'inspire les questions suivantes. Si les entreprises sont dans l'incapacité de verser les 200 euros prévus par l'accord Bino, l'État maintiendra-t-il le RSTA ? Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à l'application du RSA en outre-mer ? Dites-le nous clairement. Enfin, quels moyens le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour assurer un traitement équitable de l'ensemble des Français, quel que soit le lieu où ils résident ?
Pardon, monsieur le président, d'avoir été un peu longue.
M. Éric Raoult. Que fait donc la région Guadeloupe ?
M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, madame la députée, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Le revenu supplémentaire temporaire d'activité est une prestation nouvelle, mise en oeuvre depuis le 1er mars 2009. Elle ne remet nullement en cause les allocations existantes, comme le RMI ou l'allocation de parent isolé, qui demeurent applicables dans les départements et régions d'outre-mer. Les personnes sans activité peuvent donc, dans les conditions prévues, recevoir le RMI qui correspond au " RSA-socle ".
Les personnes exerçant une activité professionnelle et qui perçoivent un salaire inférieur ou égal à 1,4 fois le SMIC mensuel pour un temps complet ont droit, quant à elles, au RSTA.
Quelque 317 000 personnes outre-mer touchent le RMI et 209 000 l'allocation de parent isolé, auxquelles il faut ajouter les 200 000 qui perçoivent le RSTA.
Dans la mesure où il s'agit de l'application d'une loi votée, il ne saurait être question de discrimination. En effet, un article de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA précise qu'elle " entre en vigueur dans les départements d'outre-mer et les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon au plus tard le 1er janvier 2011, sous réserve de l'inscription dans la loi de finances des dispositions relatives à la compensation des charges résultant de l'extension de compétences réalisée par la présente loi ".
Le RSTA, quant à lui, a été mis en oeuvre par un décret du 27 mai 2009, qui répondait aux revendications exprimées localement et qui a fait l'objet d'un avis favorable sans réserve du conseil régional et du conseil général de Guadeloupe.
Je rappelle que le RSTA est proportionnel au temps de travail. Il ne tient pas compte de la composition de la famille, contrairement à d'autres dispositifs.
Pour certains, le RSTA peinerait à se mettre en place. Mme Penchard s'inscrit totalement en faux contre ces assertions. La ministre de l'outre-mer est intervenue à plusieurs reprises pour accélérer les prises en charge et, au 26 novembre 2009, il avait été procédé au paiement de 245 262 RSTA, pour un montant total de plus de 60 millions d'euros.
Enfin, la question de la date d'application du RSA et du devenir du RSTA est bien connue. La ministre de l'outre-mer l'a elle-même abordée lors de son dernier déplacement en Guadeloupe. Elle a clairement rappelé à cette occasion que l'État tiendra ses engagements, qui ont été traduits dans les textes : le protocole d'accord signé en Guadeloupe précise que le RSTA est versé dans l'attente de la mise en place du RSA ; la loi relative à la mise en oeuvre du RSA prévoit que celui-ci est mis en application au plus tard le 1er janvier 2011.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Enfin, le décret du 27 mai 2009 confirme que le RSTA ne sera plus versé à compter de l'application du RSA.
Mme Jeanny Marc. Je ne peux pas admettre cela ! Monsieur le président, je demande à répondre à M. le secrétaire d'État !
M. le président. Je suis désolée, ma chère collègue, mais vous avez très largement dépassé votre temps de parole. J'ai même dû vous demander de conclure. Vous avez choisi de poser une longue question : nous en sommes à près de huit minutes de débat, alors que cela n'aurait pas dû excéder six minutes.
Auteur : Mme Jeanny Marc
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Ministère répondant : Outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2009