Question orale n° 847 :
DOM-ROM : Guyane

13e Législature

Question de : Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Christiane Taubira interroge M. le secrétaire d'État chargé des transports sur le statut des fleuves en Guyane et leur navigabilité ainsi que sur le statut des piroguiers. Elle lui demande de lui indiquer les possibilités d'adaptation du code du domaine public fluvial, du code de la navigation intérieure et la nomenclature des voies navigables ou flottables afin de reconnaître en Guyane un statut aux fleuves ordinairement utilisés pour la circulation des hommes et des marchandises, ainsi qu'aux piroguiers traditionnels assurant le transport fluvial. Elle l'interroge également sur les conditions de travail des piroguiers en Guyane qui participent à des opérations risquées et qui sont, de fait, exposés au même danger que les militaires qu'ils transportent dans leurs pirogues alors qu'ils ont le statut d'ouvriers civils. Elle demande qu'un régime spécifique en leur faveur soit mis en place, afin, notamment, qu'ils puissent bénéficier d'indemnités spéciales et d'un régime de retraite particulier qui prendrait en considération la dangerosité de leur mission.

Réponse en séance, et publiée le 10 décembre 2009

STATUT DES FLEUVES ET DES PIROGUIERS EN GUYANE

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour exposer sa question, n° 847, relative au statut des fleuves et des piroguiers en Guyane.
Mme Christiane Taubira. Ma question concerne le transport fluvial en Guyane. Je comptais m'adresser à M. le secrétaire d'État chargé des transports mais, monsieur le secrétaire d'État, vous ferez parfaitement l'affaire...
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je vous remercie ! (Sourires.)
Mme Christiane Taubira. ...puisque ce sujet a fait l'objet d'interpellations multiples ces dernières années et relève à la fois la continuité de l'État et de la solidarité gouvernementale.
Il s'agit d'un problème structurel, qui impose à la fois des dispositions de droit et des mesures pratiques. Vous savez que les fleuves Maroni et Oyapock, longs de plus de 1 500 kilomètres au total, ne sont pas répertoriés dans la nomenclature des voies navigables et flottables. Par conséquent, les dispositions du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ne s'y appliquent pas. Le Conseil d'État a considéré que l'adaptation des textes nationaux à leurs caractéristiques modifierait trop substantiellement lesdits textes et qu'une législation spécifique est nécessaire. Autrement dit, les personnes qui circulent sur ces fleuves le font à leurs risques et périls.
Or la navigation sur le Maroni et l'Oyapock fait l'objet d'appels d'offres pour des marchés publics. Depuis 2005, un arrêté préfectoral tient lieu de cadre juridique. La loi organique pour l'outre-mer de février 2007 ouvre un droit à compensation pour la collectivité départementale dans le cadre de ses dépenses pour le transport fluvial scolaire, qui s'élèvent à 2 millions d'euros par an. La loi d'orientation pour l'outre-mer de décembre 2000 s'était déjà aventurée à prévoir des compensations, mais nous en attendons encore les décrets d'application.
Je vous parle, monsieur le secrétaire d'État, de plus de 60 000 personnes riveraines de ces fleuves, de plus de 3 000 enfants qui les empruntent plus d'une heure tous les jours pour aller à l'école. Les transports sont assurés par des piroguiers amérindiens et bushinenge, dont deux ont péri cette année. Ils sont recrutés par l'armée, associés aux missions dangereuses et exposés aux représailles des orpailleurs clandestins, mais ne disposent pourtant que d'un statut d'ouvrier civil. La situation des enfants et adolescents du littoral est moins grave, mais ceux-ci sont encore confrontés à un obstacle perturbant pour se rendre à l'école : le pont du Larivot, qui relie l'île de Cayenne aux communes du littoral, est fermé à la circulation à cause de défaillances techniques.
Le secrétaire d'État aux transports est le quatrième membre du Gouvernement que je saisis de cette affaire, après M. Borloo, M. Jégo et M. Morin. Je demande simplement quelle part M. Bussereau est disposée à prendre au règlement du problème du statut de ces fleuves, qui passe par le balisage, la signalisation et la sécurisation, l'homologation des embarcations, la reconnaissance des compétences professionnelles des piroguiers, l'accès aux assurances ainsi que la responsabilité civile et pénale de la collectivité départementale qui assure ces transports.
M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Madame Taubira, vous avez raison de rappeler que beaucoup de modifications réglementaires sont intervenues. L'objectif poursuivi est de soumettre les cours d'eau de Guyane aux mêmes règles que les cours d'eau métropolitains s'agissant de leurs délimitations, de leur déclassement et de leur transfert au profit des collectivités locales qui en feraient la demande. Cela n'a pas d'incidence sur la navigabilité des cours d'eau concernés, qui n'est pas remise en cause.
C'est pourquoi il nous semble important, comme à vous, d'améliorer la sécurité de la navigation sur les fleuves guyanais dans le cadre de la réforme de la sécurité fluviale. Le secrétaire d'État chargé des transports a engagé un travail visant à définir des règles spécifiques aux bateaux fluviaux guyanais, notamment à ceux chargés du transport scolaire. À la suite d'une mission en Guyane, qui lui a permis de rencontrer la plupart des acteurs locaux de la navigation fluviale, des propositions adaptées aux bateaux fluviaux guyanais et relatives aux procédures et aux prescriptions techniques sont en cours de finalisation. Elles feront l'objet d'une concertation conduite par le préfet et la direction départementale de l'équipement.
Le secrétaire d'État a également demandé que soit étudiée une réglementation adaptée en matière de permis de conduire et de capacité professionnelle. L'objectif est, à court terme, de rendre plus sûre, comme vous le demandez, la navigation fluviale tout en tenant compte, évidemment, de la spécificité des embarcations guyanaises.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
Mme Christiane Taubira. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien pris note de ce que vous venez d'indiquer. Si vous demandiez à M. Bussereau de me fournir un calendrier précis, j'en serais fort aise. Je vous rappelle que le sénateur Antoinette a déposé plusieurs amendements à l'occasion du Grenelle 2 pour clarifier la situation, mais le ministre n'a pas jugé bon de les retenir. Pour ma part, j'ai demandé que soit organisée une séance de travail avant l'examen du Grenelle 2 à l'Assemblée, mais je n'ai pas encore obtenu satisfaction. Nous voulons voir les choses prendre forme, car d'autres séances de travail ont déjà eu lieu, ainsi que des missions sur le terrain, mais sans aboutir à rien.
On peut lire, sur le site de la DDE, des informations contradictoires : le fleuve y est considéré comme navigable, mais sans les références juridiques attestant de cette navigabilité, et avec la mention que ceux qui y naviguent le font à leurs risques et périls. Nous avons donc besoin d'éclaircissements.
Je demande aussi au secrétaire d'État de ne pas délaisser, dans les réflexions et les travaux qu'il mène actuellement, la question du statut des piroguiers. Ce sont des ouvriers civils, mais qui paient de leur vie leur implication dans les opérations militaires de lutte contre l'orpaillage clandestin.

Données clés

Auteur : Mme Christiane Taubira

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er décembre 2009

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