Question orale n° 869 :
apiculture

13e Législature

Question de : Mme Delphine Batho
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Delphine Batho alerte Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie sur la présence et la prolifération du frelon asiatique sur une grande partie du pays et sur les dangers qu'elles représentent pour l'apiculture, la biodiversité et la santé publique. Arrivé sur le territoire français en 2004, le frelon asiatique est un ennemi avéré des autres hyménoptères sociaux, et notamment de l'abeille. Il détruit les ruches, affectant ainsi lourdement la filière apicole. Actuellement, la prolifération du frelon asiatique ne fait que progresser, faute de bases juridiques nationales pour la prise d'arrêtés préfectoraux de destruction des nids. Pourtant, le 27 octobre 2009, la commission « faune » du CNPN a examiné puis validé le projet d'arrêté conjoint du ministère de l'écologie et du ministère de l'agriculture visant à classer le frelon asiatique comme espèce invasive, conformément aux dispositions de l'article 411-3 du code de l'environnement, et permettant ainsi la prise d'arrêtés préfectoraux de destruction sur l'ensemble du territoire métropolitain. C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir, d'une part, lui indiquer les raisons pour lesquelles ce projet d'arrêté n'est à l'heure actuelle pas signé et publié au Journal officiel et, d'autre part, lui préciser l'aide que l'État pourrait apporter concernant, d'une part, la prise charge financière de la destruction des nids se situant sur des propriétés privées et, d'autre part, une campagne destinée à installer de façon conséquente des dispositifs destinés à piéger les reines.

Réponse en séance, et publiée le 27 janvier 2010

PROTECTION DES ABEILLES CONTRE LE FRELON ASIATIQUE

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour exposer sa question, n° 869, relative à la Protection des abeilles contre le frelon asiatique.
Mme Delphine Batho. Je souhaitais interroger Mme Jouanno ; mais j'espère que M. le secrétaire d'État chargé des transports pourra parfaitement me répondre.
Le sud du département des Deux-Sèvres est confronté depuis plus d'un an à la prolifération du frelon asiatique, prédateur redoutable pour les colonies d'abeilles qui constituent, on le sait, un maillon essentiel de la biodiversité. Il s'agit d'une menace supplémentaire pour la filière apicole, déjà lourdement affectée par les dégâts considérables liés à l'utilisation massive de pesticides.
La prolifération du frelon asiatique, arrivé sur le territoire français en 2004, est rapide : cette année, nous avons recensé plusieurs centaines de nids dans le sud des Deux-Sèvres et plus de cent cinquante dans le seul Marais poitevin. Ces frelons détruisent les ruches : les colonies d'abeilles, déjà en déclin et affaiblies par les pesticides, ne sont pas assez résistantes pour se défendre. Les apiculteurs sont inquiets et se sentent démunis.
Alors que plusieurs parlementaires ont interrogé le Gouvernement à ce sujet depuis 2007, force est de constater une certaine passivité de l'État : aucune mesure n'a été prise ; beaucoup de temps a été perdu.
À cet égard, nous aimerions vous poser trois questions.
Pourquoi le projet d'arrêté conjoint du ministère de l'écologie et du ministère de l'agriculture permettant de classer le frelon asiatique comme espèce invasive, conformément aux dispositions de l'article 411-3 du code de l'environnement, n'est-il toujours pas signé et publié au Journal officiel alors qu'il a été validé le 27 octobre 2009 par la commission " faune " du Conseil national de protection de la nature ? Je rappelle que sa publication permettrait que des arrêtés préfectoraux de destruction des nids soient pris.
Deuxièmement, quels moyens l'État compte-t-il dégager pour que les frais de destructions des nids ne soient plus laissés à la charge financière des particuliers, sachant que les coûts d'intervention vont de 150 à 300 euros ?
Troisièmement, des mesures ou des moyens de recherches ont-ils été mis en oeuvre pour mettre au point des stratégies de lutte contre la prolifération de cet insecte invasif, notamment au travers de campagnes adéquates de piégeage sélectif des reines fondatrices ? Celles-ci doivent intervenir avant le printemps ; autant dire que nous sommes à une période charnière
L'année 2010 a été déclarée année internationale de la biodiversité, ce qui donne une importance toute particulière au problème que j'ai soulevé.
Pour terminer, monsieur le secrétaire d'État, j'évoquerai la création de l'Institut technique apicole, qui doit faire suite au rapport de notre collègue Martial Saddier. Les apiculteurs sont stupéfaits de constater que le Gouvernement prévoit que l'industrie agrochimique siégera au sein des organes dirigeants de cette structure. Pouvez-vous nous rassurer sur ce qui est ressenti comme une provocation ?
M. le président. La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. J'espère, madame la députée, que le terme " provocation " a dépassé votre pensée. En tout cas, votre question ne manque pas de piquant et je vais tenter d'y répondre à la place de Mme Jouanno.
Du point de vue de la santé et de la sécurité publiques, le frelon asiatique à pattes jaunes n'est pas à ce jour responsable d'un nombre plus élevé de piqûres qu'à l'accoutumée. Les quelques envenimations observées semblent posséder les mêmes caractères que celles venant de nos bonnes vieilles espèces autochtones.
Par ailleurs, on ne lui connaît pas d'impact significatif sur la biodiversité, notamment sur les espèces protégées. On ne dispose pas non plus d'informations inquiétantes sur l'influence qu'exercerait le frelon asiatique sur l'état des populations d'autres hyménoptères sociaux que l'on trouve en France, c'est-à-dire principalement les guêpes et les frelons européens.
En revanche, le frelon asiatique possède une particularité problématique, celle de s'attaquer aux ruches. L'abeille domestique n'a pas développé de stratégie de défense et les dégâts provoqués par le frelon asiatique peuvent être importants. Dans un contexte où l'apiculture rencontre déjà de nombreuses difficultés - infestations par le varroa, défaut de ressources alimentaires, impact de certains produits phytosanitaires -, l'arrivée de ce nouveau prédateur est durement ressentie par les apiculteurs, qu'ils soient amateurs ou professionnels.
L'ensemble de ces considérations a conduit les autorités à rechercher des moyens réglementaires d'intervention. C'est ainsi que le ministère du développement durable a présenté à la commission " faune " du Conseil national de la protection de la nature un projet d'arrêté visant à classer le frelon asiatique comme espèce invasive. Ce texte sera prochainement présenté devant son comité permanent.
Il faut savoir qu'un simple arrêté pris sur la base du code de l'environnement n'est pas suffisant pour imposer des interventions contre une espèce en expansion. Les dispositions viseront avant tout à interdire l'introduction et la commercialisation de l'espèce. En tout état de cause, rien ne s'oppose à la destruction de ces insectes ou de leurs nids.
Deux voies complémentaires à l'éradication méritent d'être explorées : les protections ponctuelles et le contrôle de l'espèce. Les protections ponctuelles impliquent de recenser les intérêts à protéger, soit par un dispositif préventif, dans le cas des ruchers, soit par une intervention dans les zones à risques. Mais se pose la question de la prise charge financière de la destruction des nids se situant sur des propriétés privées - je préside un service départemental d'incendie et de secours et je sais qu'il ne peut intervenir sur des propriétés privées. Le contrôle de l'espèce vise, quant à lui, à retarder l'expansion des frelons ou à en diminuer localement la densité.
Chacune de ces deux voies nécessite des solutions techniques fiables, qui font encore défaut. Par exemple, le piégeage des reines sortant d'hibernation a été conseillé par un institut technique mais déconseillé par le Muséum national d'histoire naturelle ; les spécialistes divergent également sur l'opportunité de détruire les nids.
Une mission interministérielle est en cours et nous attendons son rapport. Sachez que le ministère du développement durable apporte son soutien au Muséum national d'histoire naturelle qui travaille à réunir et valider toutes les données relatives à l'expansion de cette espèce en France et à chercher de solutions nouvelles.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, analogue aux réponses déjà fournies à mes collègues sur ce sujet. Pourtant le temps presse et la situation impose la publication rapide d'un arrêté.
Par ailleurs, je vous précise que le terme " provocation " que j'ai employé ne vient pas de moi mais de l'Union nationale de l'apiculture française qui dénonce, je cite : " le projet d'intégrer au sein même des organes dirigeants de l'institut apicole l'industrie agrochimique représentée par l'Union des industries de la protection des plantes. Cela manifeste une intention de subordination de l'abeille à la prééminence de l'agrochimie, ce qui est ressenti comme une provocation par la masse des apiculteurs victimes des grandes intoxications pesticides de ces dernières années. "

Données clés

Auteur : Mme Delphine Batho

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Écologie

Ministère répondant : Écologie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2010

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