Question orale n° 903 :
sociétés d'exercice libéral

13e Législature

Question de : M. Daniel Boisserie
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Daniel Boisserie appelle l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la transposition en droit français de la directive européenne sur les services. Il souhaite évoquer plusieurs points de ce texte qui inquiètent fortement la profession des architectes. Le premier concerne les sociétés d'architecture et notamment la détention du capital de ces sociétés. La législation française actuellement en vigueur prévoit que des architectes ou des sociétés d'architecture doivent détenir plus de la moitié de leur capital et de leur droit de vote. Les personnes morales autres que les sociétés d'architecture ne peuvent quant à elles détenir plus de 25 %. Ce dispositif a pour but de garantir l'indépendance et la capacité d'exercice des architectes en les mettant à l'abri des intérêts d'acteurs économiques dont les logiques sont différentes. Or il s'avère que la directive européenne sur les services entend supprimer cette disposition protectrice. Il lui demande donc de bien vouloir lui faire savoir ses intentions quant à cette logique ultralibérale. Un deuxième point concerne les incidences de cette directive sur la profession d'architecte dans son ensemble. Aucun texte de transposition n'a pour l'instant été évoqué par le Gouvernement. Les architectes se posent donc un certain nombre de questions sur la manière dont le Gouvernement entend procéder pour transposer la directive. Aura-t-elle lieu par voie législative ou réglementaire, profession par profession et sous quels délais ? Les architectes s'inquiètent donc bien légitimement des conséquences que pourraient avoir pour leur profession une transposition brutale et sans précautions. Celle-ci ne manquerait pas de remettre en cause l'indépendance et la qualité du service rendu par ces professionnels reconnus et appréciés.

Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2010

TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EUROPÉENNE
SUR LES SERVICES POUR LES ARCHITECTES

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour exposer sa question, n° 903.
M. Daniel Boisserie. Je regrette l'absence de M. le ministre de la culture et de la communication, car ma question est très importante, mais peut-être M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes pourra-t-il me répondre.
Dans la perspective de la transposition en droit français de la directive européenne sur les services, je souhaite évoquer plusieurs points de ce texte qui inquiètent fortement la profession d'architecte.
Le premier concerne les sociétés d'architecture, notamment la détention du capital de ces sociétés. La législation française actuellement en vigueur prévoit que les architectes ou les sociétés d'architecture doivent détenir plus de la moitié de leur capital et de leurs droits de vote. Les personnes morales autres que les sociétés d'architecture ne peuvent, quant à elles, détenir plus de 25 %. Ce dispositif a pour but de garantir l'indépendance et la capacité d'exercice des architectes en les mettant à l'abri des intérêts d'acteurs économiques dont les logiques sont totalement différentes.
Si cette directive devait être adoptée, de nombreux architectes pourraient se retrouver salariés ou actionnaires minoritaires de grandes sociétés de promoteurs, de BTP ou d'ingénierie, de fonds d'investissements, sociétés dont les intérêts sont souvent bien éloignés du souci de qualité architecturale. Or il s'avère que la directive européenne sur les services entend supprimer cette disposition protectrice. Je demande donc au Gouvernement de bien vouloir me faire connaître ses intentions quant à cette logique ultralibérale.
Un deuxième point concerne les incidences de cette directive sur la profession d'architecte dans son ensemble. Aucun texte de transposition n'a pour l'instant été évoqué par le Gouvernement. Les architectes se posent donc un certain nombre de questions sur les modalités de transposition de la directive. Aura-t-elle lieu par voie législative ou réglementaire, profession par profession, et dans quels délais ?
Les architectes s'inquiètent bien légitimement des conséquences que pourrait avoir pour leur profession une transposition effectuée de façon brutale et sans précautions, qui ne manquerait pas de remettre en cause l'indépendance et la qualité du service rendu par ces professionnels responsables et reconnus.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Mais votre question relève également des affaires européennes, et nous sommes amenés à y travailler ensemble.
M. Daniel Boisserie. C'est vrai !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Il n'y a donc pas de raison que vous vous sentiez orphelin ce matin.
Le ministre de la culture est particulièrement attentif - comme je le suis moi-même - à la transposition en droit français de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.
Je rappelle qu'il s'agit d'un texte très important, qui doit contribuer à dynamiser le marché intérieur européen et favoriser la croissance et les emplois en France et en Europe. C'est un enjeu majeur au moment où les économies européennes, France et Allemagne en tête, s'engagent dans la sortie de crise. La transposition de cette directive doit toutefois pleinement prendre en compte la spécificité du secteur de la culture, qui n'est pas un service comme les autres.
C'est pourquoi, pour répondre à votre première question, le Gouvernement a retenu une approche permettant la prise en compte de cette spécificité de la culture. Il a exclu une loi unique de transposition et laissé à chaque secteur, dans le cadre d'une réflexion générale, le soin de proposer les adaptations nécessaires au corpus législatif et réglementaire propres à chaque activité.
Pour répondre plus précisément sur l'architecture - cette question ayant d'ailleurs été posée par de nombreux parlementaires -, je vous rappelle que la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 consacre l'architecture comme une expression de la culture. Le Gouvernement est très attaché au maintien de cette approche. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le cadre de vie renvoient à la dimension culturelle de notre environnement. Elles sont donc d'intérêt public et participent directement au développement et à l'aménagement durables de nos territoires. Dans ce contexte, le respect des principes fondamentaux posés par la loi de 1977, comme l'indépendance, la capacité d'exercice et la responsabilité des architectes et des sociétés d'architecture, est essentiel.
Le ministre de la culture a donc fermement défendu, au cours de l'exercice de transposition, les dispositions de la loi du 3 janvier 1977 concernant les sociétés et la détention du capital et des droits de vote, en précisant qu'elles ne constituaient pas un obstacle à la liberté d'établissement et qu'elles étaient à la fois proportionnées et justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général.
Ces positions ont été approuvées lors d'une réunion interministérielle et officiellement transmises par le Gouvernement sous forme de fiches de notification à la Commission européenne avant le 31 décembre 2009.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Boisserie.
M. Daniel Boisserie. Je vous remercie pour les précisions que vous avez apportées, monsieur le secrétaire d'État. Toutefois, la date du 31 décembre 2009 est passée, et nous ne savons toujours pas ce qu'il va advenir de cette loi.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je vous ai expliqué ce qu'avait fait le Gouvernement !
M. Daniel Boisserie. Je retiens que vous voulez imposer la loi de 1977 dans la transposition. Je vous en remercie et j'espère que vous réussirez à le faire, afin que ces sociétés ultralibérales ne viennent pas troubler la profession d'architecte.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Nous nous référons à un principe de fond, le principe de subsidiarité. En tant qu'européen convaincu, je dis oui quand nous avons affaire à un multiplicateur d'influence et à un facteur de développement du marché de l'emploi. En revanche, je dis non à ce qui représente un moins-disant pour nos consommateurs - ce qui est le cas de la directive sur la consommation dont nous commençons à débattre avec le Parlement européen -, comme je dis non à ce texte sur lequel nous avons émis des réserves, transmises à la Commission. L'invocation de ce principe, qui figure dans le traité de Lisbonne, va nous permettre d'entamer une discussion avec la Commission.

Données clés

Auteur : M. Daniel Boisserie

Type de question : Question orale

Rubrique : Sociétés

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 janvier 2010

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