emploi et activité
Question de :
M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Paul Bacquet attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la situation de l'emploi sur le bassin d'Issoire. La situation de l'emploi sur le bassin d'Issoire se dégrade régulièrement et le taux de chômage est aujourd'hui supérieur au taux moyen français, la progression étant elle-même supérieure. Après la suppression des intérimaires, l'arrêt des heures supplémentaires, on assiste à des licenciements ou des menaces de licenciements dans les entreprises Valéo et Alcan. Alcan a déjà programmé 79 départs. Bourbié, après règlement judiciaire, a supprimé plus de 100 emplois. Voxan, actuellement en quête de repreneur, risque de licencier l'ensemble de son personnel. Tant d'autres PME souffrent et subissent un refus des banques pour ouvrir des lignes de trésorerie. Il lui demande donc d'indiquer quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour aider ces entreprises a préparer la période de post-crise avec un outil industriel adapté et pour garder le personnel existant et compétent afin de répondre demain à la demande.
Réponse en séance, et publiée le 24 février 2010
SITUATION DE L'EMPLOI DANS LE BASSIN D'ISSOIRE
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question, n° 941, relative à la situation de l'emploi dans le bassin d'Issoire.M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, début novembre, l'entreprise Bourbié, spécialisée dans la ferraille, en liquidation judiciaire, a été reprise par la société Praxis Finance, avec un plan social de cent vingt et un licenciements, dont cent cinq sur le site d'Issoire.
L'entreprise Valeo a supprimé l'an dernier les heures supplémentaires et les intérimaires, puis l'usine a été fermée pendant plusieurs périodes pour cause de chômage partiel. Or il semble que les carnets de commandes soient pleins pour le premier trimestre, même s'il n'y a pas de visibilité sur le deuxième. L'inquiétude règne donc chez les salariés, qui s'interrogent sur le devenir de leur site.
L'entreprise ex-Pechiney et ex-Alcan, devenue Rio Tinto, après avoir elle aussi supprimé les intérimaires et les heures supplémentaires, envisage de supprimer soixante-dix-neuf emplois de maintenance, alors qu'elle est en vente. Il semble que le fonds d'investissement américain Apollo soit intéressé par l'acquisition de 50 à 60 % du groupe.
Rio Tinto risque donc de s'engager dans une sorte de procédure de vente par appartements des activités du groupe. Dans ce contexte, la question de la participation de l'État par l'intermédiaire du fonds stratégique d'investissement doit être posée, car il ne serait pas acceptable qu'une entreprise qui travaille pour la défense nationale puisse être vendue à des investisseurs étrangers.
L'entreprise Voxan, seul producteur de motos françaises, après de multiples péripéties et difficultés, est en vente par démantèlement, ce qui suppose une fermeture définitive et le licenciement de tous les personnels.
De nombreuses PME, souvent très performantes et très pointues en matière aéronautique ou automobile, souffrent sur le bassin d'Issoire-Val d'Allier, en raison de la frilosité des banques qui leur refusent les aides et les lignes de trésorerie. Le préfet, M. Stefanini, lors d'une visite de ces entreprises, a pu constater sur place la difficulté des chefs d'entreprises à se faire entendre des banques et le risque qu'il y avait à détruire un tissu industriel de grande qualité. Les conséquences seraient très graves en période post-crise.
Monsieur le secrétaire d'État, la situation de l'emploi est très difficile dans le bassin d'Issoire-Val d'Allier. M. Estrosi, qui nous a fait le plaisir de nous recevoir avec le maire d'Issoire, Jacques Magne, la semaine dernière, en a bien conscience. Le taux de chômage - en particulier celui des jeunes - y est supérieur à la moyenne nationale ; l'inquiétude est partout, parce qu'il n'y a que des craintes et des incertitudes sur le devenir industriel du bassin.
Je vous demande donc de bien vouloir faire jouer la clause de défense nationale pour l'entreprise Alcan-Rio Tinto et de bien vouloir exiger des banques qu'elles s'investissent, pour l'avenir de notre pays, dans les entreprises du bassin d'Issoire.
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le député, permettez-moi d'abord de rendre hommage à votre opiniâtreté pour la défense du territoire d'Issoire. Vous attirez très régulièrement mon attention, ainsi que celle des autres membres du Gouvernement, sur la situation de ce territoire et sur les différents dossiers que vous avez à coeur de défendre ; vous le faites toujours énergiquement, avec le souci de trouver les meilleures solutions possible.
C'est un territoire que je connais. Je sais qu'il a effectivement été rudement touché par la crise. Comme vous l'avez rappelé, le taux de chômage y est élevé : 9,6 %, soit un point de plus que la moyenne régionale. Le taux est même supérieur à la moyenne nationale, même si, sur l'ensemble de l'Auvergne, le taux de chômage est heureusement un peu plus faible que la moyenne nationale.
Surtout, il existe sur ce territoire des inquiétudes pour la suite, que vous avez relevées avec les connaissances et la précision qui sont les vôtres. Il y a les suppressions d'emplois chez Valeo, les inquiétudes sur le site ex-Alcan, repris aujourd'hui par Rio Tinto, les menaces pesant sur la filière aéronautique, sans compter le dossier de Voxan, qui a été assez fortement médiatisé et qui constitue lui aussi un sujet de préoccupation.
À ce stade, nous avons essayé de mobiliser, pour soutenir votre territoire, des dispositifs comme l'activité partielle, qui a d'ailleurs été très utilisée et qui a permis à un certain nombre de PME de garder leurs salariés, de ne pas recourir à des plans de licenciements et, en même temps, d'apporter des compensations en termes de salaires.
Nous sommes prêts à aller plus loin, conjointement avec vous, si vous le souhaitez, en mobilisant des outils de formation et de requalification plus efficaces, qui permettraient une meilleure indemnisation pour les salaires et offriraient en même temps la possibilité de mieux organiser les parcours de reconversion professionnelle.
Par ailleurs, vous attirez mon attention sur trois dossiers.
D'abord, sur Valeo, vous soulignez le fait que la suppression des heures supplémentaires et le recours au travail partiel n'ont pas été opérés de manière très rationnelle. Je vais demander à mon administration de faire rapidement le point sur ce sujet.
Ensuite, concernant le dossier d'Alcan, je me ferai auprès de Christian Estrosi le relais des préoccupations et des attentes qui sont les vôtres.
Enfin, sur les aides pour le financement du tissu de PME, et si vous en êtes d'accord, je me rapprocherai de mon collègue Brice Hortefeux pour voir comment assurer le mieux possible une aide pendant la période de transition que vont constituer les six à huit mois qui viennent et qui seront déterminants pour le tissu industriel d'Issoire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. J'en profite aussi pour remercier M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie, de nous avoir reçus avec le maire d'Issoire et de nous avoir écoutés et, je le crois, entendus.
D'abord, et surtout, il ne faut pas refaire la même erreur que lors de la vente de Pechiney. Ensuite, il faut faire en sorte que le site d'Issoire soit préservé et qu'il soit demain un site d'avenir, avec des investissements majeurs sur l'aluminium et le lithium, si possible en partenariat avec Airbus.
En outre - et si nécessaire - il faut que l'État s'engage, au travers du fonds stratégique d'investissement, pour faire en sorte que l'on sauvegarde cet outil industriel exceptionnel. Par ailleurs, n'oublions pas que, derrière la question des entreprises en tant que telles, il y a le drame de ceux qui sont licenciés. Il faut savoir que, sur les soixante-dix-neuf personnes chargées de la maintenance qui devaient être licenciées, vingt-neuf ont moins de cinquante-cinq ans. Elles seront donc licenciées et connaîtront de grandes difficultés, alors que l'entreprise a réalisé 30 millions de bénéfices cette année et 300 millions sur les cinq dernières années.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État - vous avez conclu sur ce sujet, et je vous en remercie -, il faut en effet pousser les banques à jouer le jeu, car, lorsqu'elles ont été en difficulté, le Gouvernement n'a pas hésité à leur apporter le soutien qu'elles demandaient, sans contreparties, ce que je regrette. Il faudrait tout de même que, aujourd'hui, elles renvoient l'ascenseur.
Auteur : M. Jean-Paul Bacquet
Type de question : Question orale
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : Économie, industrie et emploi
Ministère répondant : Économie, industrie et emploi
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 16 février 2010