livrets d'épargne
Question de :
M. Alain Rodet
Haute-Vienne (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Alain Rodet attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la décollecte des fonds du livret A observée depuis quelques mois. En effet, alors que de janvier à avril les dépôts ont été largement supérieurs aux retraits (de 23,76 milliards d'euros), ces derniers ont affiché une hausse vertigineuse sur la période de mai à octobre 2009, venant à dépasser les dépôts de plus de 5,71 milliards d'euros. Ce mauvais résultat s'expliquerait, d'une part, par les effets de l'ouverture de la distribution du livret A à tout le système bancaire et, d'autre part, par les deux baisses consécutives de son taux de rémunération, ramené une première fois à 1,75 % le 1er mai 2009, puis une seconde à 1,25 % au 1er août. Affichant ainsi le taux le plus bas de son histoire, ce produit auparavant extrêmement populaire, a souffert d'une brutale désaffection de la part de nos concitoyens, toutefois bénéfique aux banques qui n'ont pas eu de mal à inciter leurs nouveaux clients à se tourner vers d'autres formes d'épargne plus rentables pour elles, comme les assurances vie, par exemple. Or il faut rappeler que, depuis sa création en 1818, cette épargne a permis à l'État de financer de très nombreuses réalisations d'intérêt général telles que l'électrification du territoire, la construction d'écoles publiques, la réalisation de voies et canaux. En outre, grâce à ses fonds, la Caisse des dépôts et consignations, en tant qu'organisme centralisateur, a pu consentir jusqu'alors 80 % des prêts pour la construction ou la réhabilitation de logements sociaux. Cette décollecte significative vient donc confirmer les craintes préalablement exprimées d'une remise en cause du financement du logement social. Par ailleurs, elle contrecarre les prévisions de croissance affichées au moment de la généralisation de l'offre à tout le réseau bancaire et met en doute les récentes affirmations de la Commission européenne, selon lesquelles, cette ouverture aurait dû avoir un effet dynamique sur le montant des fonds collectés. En conséquence, il lui demande si le Gouvernement entend prendre prochainement des mesures qui permettront d'enrayer la forte augmentation des retraits.
Réponse en séance, et publiée le 26 février 2010
DÉCOLLECTE DES FONDS DU LIVRET A
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rodet, pour exposer sa question, n° 965.M. Alain Rodet. Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la décollecte préoccupante des fonds du livret A observée depuis plusieurs mois. Il est vrai que si, de janvier à avril 2009, les dépôts se sont révélés largement supérieurs aux retraits, c'est le contraire que l'on constate depuis : les retraits l'emportent de plus de 5,5 milliards d'euros sur les dépôts.
Ces mauvais résultats s'expliquent sans doute, d'une part, par les effets de l'ouverture de la distribution du livret A à tout le système bancaire et, d'autre part, par les deux baisses consécutives de son taux de rémunération, ramené à 1,75 % le 1er mai 2009, puis à 1,25 % le 1er août. C'est le taux le plus bas depuis la création du livret A, il y a plus d'un siècle.
Certes, cette brutale désaffection de la part de nos concitoyens a été bénéfique pour les banques, qui n'ont pas eu de mal à inciter leurs nouveaux clients à se tourner vers d'autres formes d'épargne plus profitables pour elles. Il faut ainsi regretter que de nombreux titulaires du livret A aient été très fortement incités, notamment par le biais de démarchages agressifs, à transformer leurs comptes en épargne volatile. Je ne reviendrai pas sur la pénible affaire de Natixis. Cette transaction hasardeuse se traduit aujourd'hui par des pertes considérables pour les petits épargnants.
Depuis sa création au début du XIXe siècle, le livret A a pourtant permis à la puissance publique de financer de très nombreuses réalisations d'intérêt général telles que l'électrification du territoire, la construction d'écoles publiques, la réalisation de voies et de canaux. En outre, grâce à la centralisation de ses fonds par la Caisse des dépôts et consignations, le livret A a permis de financer 80 % des prêts consentis pour la construction ou la réhabilitation de logements sociaux.
La décollecte actuelle confirme les craintes que j'ai exprimées il y a deux ans et demi à l'occasion de la banalisation du livret A dans tout le système bancaire. Cette décollecte remet profondément en cause les affirmations des responsables de la Commission européenne selon lesquelles l'ouverture à la concurrence de la distribution du livret A permettrait d'augmenter considérablement le montant des fonds collectés.
Au moment où de nombreux économistes des pays du G7 insistent de façon unanime sur la nécessité d'une stricte séparation entre les activités des banques de détail et celles des banques d'investissement, il est grand temps que le Gouvernement change de position et reconsidère toute la politique à conduire en matière d'épargne populaire et, en l'espèce, pour ce qui concerne le livret A.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le député, permettez-moi tout d'abord excuser l'absence de Mme Lagarde, qui m'a chargée de vous répondre.
Le Gouvernement ne partage pas votre constat alarmiste pour deux raisons. D'abord, en janvier 2010, les encours sur livret A n'ont pas baissé ; bien au contraire, en un mois, ils ont augmenté de 1,7 milliard d'euros. Ensuite, il n'y a pas eu d'érosion des encours en 2009 : avec l'entrée en vigueur de la réforme qui a généralisé la distribution du livret A à toutes les banques à partir du 1er janvier 2009, les encours ont augmenté de 24 milliards d'euros entre janvier et avril 2009. Huit millions de nouveaux livrets A ont ainsi été ouverts.
Avec une réforme d'une telle ampleur, l'engouement était inévitable. On constate une normalisation de la situation sur les huit derniers mois de l'année. À la fin 2009, les encours de livret A ont augmenté de plus de 14 milliards d'euros - l'équivalent de sept ans de collecte si l'on se réfère à la période 1999-2009.
Plus 14 milliards d'euros en 2009, plus 1,7 milliard d'euros pour le seul mois de janvier 2010 : ces chiffres témoignent de l'attachement des Français à ce produit d'épargne. Je ne vois pas les indices de la brutale désaffection que vous évoquez. Bien au contraire, l'excellent résultat du mois de janvier 2010, dont je viens de vous informer, montre l'attrait persistant de l'épargne sûre et liquide que représente le livret A.
La réforme de la distribution du livret A s'est donc traduite par des ressources supplémentaires pour le financement du logement social. Elle a consolidé ce financement, objectif auquel le Gouvernement reste très attaché. C'est d'ailleurs pour cette raison que la loi de modernisation de l'économie a pour la première fois inscrit dans notre droit que les ressources du livret A sont destinées en priorité au financement du logement social.
Le taux de rémunération du livret A - 1,25 % - est effectivement bas, dans un contexte où l'ensemble des taux, y compris celui de l'inflation, sont historiquement faibles. Il n'en demeure pas moins que ce taux préserve le pouvoir d'achat des épargnants. C'est d'ailleurs pour préserver la rémunération des épargnants que le Gouvernement a décidé, le 1er février, de déroger à la formule de détermination automatique du taux et de le fixer à un niveau supérieur.
Ce taux bénéficie également aux organismes de logement social en leur permettant de se financer à meilleur coût et donc de construire davantage.
J'espère, monsieur le député, avoir répondu à vos inquiétudes.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rodet.
M. Alain Rodet. Je crois, madame la ministre, qu'il convient d'apprécier la situation non pas sur un ou deux trimestres mais sur au moins deux ans, c'est-à-dire depuis l'entrée en vigueur de la banalisation. Cette banalisation, hélas, me paraît avoir incité le système bancaire à dévoyer une partie des fonds du livret A. Et si l'on constate aujourd'hui un bon niveau des dépôts, c'est précisément parce que nombre de moyens et petits épargnants ont été touchés par la crise financière. Dans ces conditions, je ne saurais partager votre optimisme.
Auteur : M. Alain Rodet
Type de question : Question orale
Rubrique : Banques et établissements financiers
Ministère interrogé : Économie, industrie et emploi
Ministère répondant : Économie, industrie et emploi
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 février 2010