auto-entrepreneurs
Question de :
M. Albert Facon
Pas-de-Calais (14e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Albert Facon rappelle à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville que le statut d'auto-entrepreneur permet à des personnes de créer leur propre entreprise en simplifiant les formalités administratives et en limitant les risques financiers. Il est vrai que ce statut connaît un succès depuis sa création le 1er janvier 2009, surtout pour les demandeurs d'emploi qui sont de plus en plus nombreux. Cependant, un an après, il connaît d'ores et déjà de graves dérives sociales. En effet, il est parfois utilisé comme moyen de substitution au contrat de travail chez certaines PME qui n'hésitent plus à imposer à des personnes de travailler pour eux sous le statut d'auto-entrepreneur au lieu de les embaucher. Cela permet aux entreprises de bénéficier des services d'un salarié sans les risques liés à un contrat de travail. Elles ne paieront ni charges, ni primes et leurs démarches administratives seront facilitées. Le salarié ou plutôt l'auto-entrepreneur, lui, perd beaucoup. Bien évidemment il va bénéficier des avantages d'un indépendant, mais il va surtout connaître une privation d'avantages sociaux telle que les cotisations chômages, les congés payés, etc. Pire, en cas de non-renouvellement de ses « prestations », l'auto-entrepreneur ne touchera pas les indemnités chômages et/ou de licenciement. Ce statut est du « pain béni » pour des entreprises peu scrupuleuses, qui gagnent la compétence d'un salarié, sans prendre en charge les coûts obligatoires tels que les charges patronales, etc. Enfin, elles peuvent mettre unilatéralement fin à la prestation de l'auto-entrepreneur sans pénalités financières. Nous voilà donc devant un nouveau genre de salariés, qui se retrouvent avec des avantages sociaux proches du néant ! C'est pourquoi il lui demande ce qu'il compte faire pour arrêter très rapidement cette dérive.
Réponse en séance, et publiée le 26 février 2010
STATUT D'AUTO-ENTREPRENEUR
Mme la présidente. La parole est à M. Albert Facon, pour exposer sa question, n° 974.M. Albert Facon. Le statut d'auto-entrepreneur permet à des personnes de créer leur propre entreprise en simplifiant les formalités administratives et en limitant les risques financiers. S'il est vrai que ce statut connaît un succès depuis sa création, le 1er janvier 2009, surtout pour les demandeurs d'emploi, qui sont de plus en plus nombreux, il connaît aussi de graves dérives sociales. En effet, il est parfois utilisé comme moyen de substitution au contrat de travail dans certaines PME, qui n'hésitent plus à imposer à des personnes de travailler pour elles sous le statut d'auto-entrepreneur au lieu de les embaucher. Cela permet aux entreprises de bénéficier des services d'un salarié sans les risques liés au contrat de travail. Elles ne paieront ni charges ni primes, et leurs démarches administratives seront facilitées.
Le salarié, ou plutôt l'auto-entrepreneur, lui, perd beaucoup. Bien évidemment, il va bénéficier des avantages d'un indépendant, mais il va surtout connaître une privation d'avantages sociaux, tels que les cotisations chômage, les congés payés, etc. Pire, en cas de non-renouvellement de ses " prestations ", l'auto-entrepreneur ne touchera pas les indemnités de chômage et de licenciement.
Ce statut est pain bénit pour des entreprises peu scrupuleuses, qui gagnent la compétence d'un salarié sans prendre en charge les coûts obligatoires, en particulier les charges patronales. Enfin, elles peuvent mettre unilatéralement fin à la prestation de l'auto-entrepreneur sans pénalités financières. Nous voilà donc devant un nouveau genre de salariés, qui se retrouvent avec des avantages sociaux proches du néant !
C'est pourquoi je demande ce que M. le ministre compte faire pour arrêter très rapidement cette dérive. D'ailleurs, hier, lors des questions au Gouvernement, un de mes collègues de l'UMP a en partie posé cette question.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le député, je vous prie d'excuser l'absence de Xavier Darcos, qui m'a chargée de vous apporter la réponse suivante.
Vous avez évoqué le risque d'abus et de dérives qui découlent du succès du statut de l'auto-entrepreneur.
M. Albert Facon. Ce n'est pas un risque mais une réalité !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Il est vrai que le régime est en cours d'appropriation par la société ; il est normal que l'usage de cette nouvelle possibilité d'entreprendre se stabilise progressivement.
À cet égard, le ministre du travail souhaite insister sur un point précis : la spécificité du régime de l'auto-entrepreneur n'en fait nullement un régime dérogatoire au droit du travail. Vous évoquez des employeurs qui incitent des salariés à se déclarer auto-entrepreneurs alors qu'ils continueront en pratique à travailler exclusivement pour ces mêmes employeurs, restant ainsi de facto dans un lien de subordination, et donc salariés.
Le Gouvernement est bien évidemment très soucieux de ce risque de dérive, et Xavier Darcos rappelle avec force à cet égard que le régime de l'auto-entrepreneur, s'il constitue une facilitation remarquable de la création de petites activités indépendantes, ne saurait être utilisé pour que des employeurs peu scrupuleux précarisent par ce biais certains de leurs salariés, en leur faisant perdre leurs garanties contractuelles, conventionnelles, ainsi que la protection liée à l'assurance chômage.
Toutefois, il n'est pas apparu utile de prendre une disposition juridique spécifique en la matière, cette question relevant du contentieux, bien connu en droit du travail, de la requalification contractuelle ou de la fraude à la loi par marchandage de main-d'oeuvre du fait de l'élusion délibérée des dispositions légales et conventionnelles applicables à la relation de travail.
En la matière, la jurisprudence élaborée par la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé à maintes reprises que le juge n'est pas tenu par la qualification contractuelle choisie par les parties au contrat, et que le prestataire dans un contrat dit de louage ou de prestation de services doit exercer de façon réellement indépendante, sans lien de subordination de fait, faute de quoi la relation est requalifiée en contrat de travail. La jurisprudence examine les aspects concrets de la relation de travail pour apprécier s'il y a lieu de la requalifier en contrat de travail.
Les services de contrôle en charge de la lutte contre les différentes formes de travail illégal, notamment l'inspection du travail et les Urssaf, sont sensibilisés depuis de nombreuses années à cette problématique du faux travail indépendant, qui n'a pas débuté avec la création de l'auto-entrepreneur et ne peut donc remettre en question la réalité du choix du travail indépendant faite à ce jour par plus de 320 000 auto-entrepreneurs.
En tout état de cause, l'évaluation du régime de l'auto-entrepreneur, qui va très prochainement être engagée après une première année de mise en oeuvre, permettra de mieux apprécier les modalités d'exercice des auto-entrepreneurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Albert Facon.
M. Albert Facon. Madame la secrétaire d'État, vous avez parlé de risque : ce n'est pas un risque, cela existe. Vous devez bien savoir que les salariés sont parfois obligés d'accepter ce statut pour conserver leur emploi. Hier, le ministre a répondu partiellement, mais avec plus de fermeté.
Auteur : M. Albert Facon
Type de question : Question orale
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville
Ministère répondant : Commerce, artisanat, pme,tourisme, services et consommation
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 16 février 2010