pêche
Question de : M. Ibrahim Aboubacar (Mayotte - Socialiste, écologiste et républicain)
M. Ibrahim Aboubacar attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'application de la politique commune de la pêche (PCP) à Mayotte. Par dérogation aux dispositions générales de libre accès aux eaux communautaires pour les navires de pêche européens, la PCP permet dans les régions ultra-périphériques (RUP) à un État membre de restreindre l'accès dans la limite des 100 milles marins d'une RUP aux seuls navires de pêche immatriculés dans cette région. Le conseil de gestion du parc naturel marin de Mayotte a demandé à l'État de prendre cette disposition concernant Mayotte, en cohérence avec les orientations du décret de création du parc et les objectifs de son plan de gestion. Or l'Union européenne a validé récemment un accord de pêche négocié par la Commission avec les Seychelles qui inclut l'espace marin de Mayotte. Cet accord permet aux navires seychellois d'opérer jusqu'à 24 milles des côtes mahoraises et entre donc en contradiction avec l'application de la disposition générale susmentionnée. Il lui demande quelle suite sera donnée à cette demande et dans quel délai, eu égard à l'urgence de la situation. Par ailleurs, il attire également son attention sur la nécessité de prolonger les délais de mise aux normes des barques et de trouver des réponses satisfaisantes à la question de la gestion de la pêche dite de plaisance.
Réponse en séance, et publiée le 6 mai 2015
MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE À MAYOTTE
M. le président. La parole est à M. Ibrahim Aboubacar, pour exposer sa question, n° 1014, relative à la mise en œuvre de la politique commune de la pêche à Mayotte.
M. Ibrahim Aboubacar. Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche, le secteur de la pêche à Mayotte va connaître une nouvelle phase de son développement avec l'application des dispositions de la politique commune de la pêche.
Parmi une série de préoccupations exprimées par les professionnels, je souhaite aborder ici la question de la protection de la ressource dans la zone des 100 milles marins, qui se trouve correspondre peu ou prou à la zone économique exclusive autour de Mayotte, ZEE d'ailleurs entièrement érigée en parc marin.
Je suis très inquiet car la richesse de nos eaux, les spécificités de nos usages et la fragilité de nos ressources n'ont pas été suffisamment prises en compte lors des discussions sur la réforme de la politique commune de la pêche, la PCP, malgré la multitude d'interventions des différents acteurs au cours des derniers mois.
Je regrette tout d'abord que la reconnaissance officielle de l'existence du parc naturel marin dans la PCP, pourtant validée par la Commission et le Parlement européens, n'ait pas été adoptée par le Conseil. Les objectifs du parc sont pourtant de répondre à la situation sociale et économique du département, en combinant au mieux protection et valorisation du milieu marin.
Je tiens à souligner que par dérogation aux dispositions générales de libre accès aux eaux communautaires pour les navires de pêche européens, la PCP permet à un État membre de restreindre l'accès aux 100 milles marins, au large d'une région ultrapériphérique, aux seuls navires de pêche immatriculés dans cette région.
Le conseil de gestion du parc marin de Mayotte, par délibération du 23 septembre 2014, a demandé à l'État de prendre cette disposition concernant Mayotte.
Son application est un préalable indispensable pour atteindre les objectifs de gestion équilibrée de la pêche établis dans le plan de gestion du parc marin, qui implique de professionnaliser les pêcheurs et de les accompagner dans le développement d'une pêche ciblant de façon préférentielle les espaces pélagiques hors du lagon.
Cette disposition devra concerner les navires battant pavillon d'un État membre de l'Union européenne, mais également les navires étrangers. Il y a aujourd'hui urgence, car l'Union a récemment validé un accord de pêche avec les Seychelles qui inclut l'espace marin de Mayotte, et cela sans consultation du parc naturel marin. Cet accord, qui permet aux navires seychellois d'opérer jusqu'à 24 milles des côtes mahoraises, entre en contradiction avec l'application de la disposition générale sus-mentionnée et avec les objectifs du parc naturel marin.
Monsieur le secrétaire d'État, eu égard à l'urgence de la situation, j'aimerais savoir dans quel délai interviendra la traduction réglementaire opérationnelle de la PCP qui permettra de protéger et de restreindre l'accès aux 100 milles marins autour de Mayotte, espace érigé en parc naturel marin.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, Mayotte est désormais un territoire dont les eaux, depuis le 1erjanvier 2014, relèvent de la politique commune de la pêche. Dans ce cadre, la France a obtenu certaines dérogations spécifiques, comme la protection des 24 milles autour de Mayotte ou l'adaptation progressive des navires de pêche mahorais. Mayotte sera également éligible au FEAMP, le fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche : 3 millions d'euros de crédits européens sont ainsi prévus pour la période 2014-2020, auxquels s'ajoutent les contreparties nationales et les crédits du régime de compensation des surcoûts.
Pour ce qui est de l'accès aux eaux de Mayotte, il convient de distinguer le cas des navires battant pavillon de l'Union européenne de ceux battant pavillon seychellois, dans le cadre de l'accord de pêche entre l'Union européenne et les Seychelles.
Le règlement européen relatif à la politique commune de la pêche prévoit ainsi, à titre dérogatoire, que les États membres possédant des régions ultrapériphériques peuvent limiter l'accès à moins de 100 milles marins aux navires immatriculés dans les ports de ces territoires. La France a donc informé la Commission européenne de l'application de cette stricte limitation pour Mayotte. Je serai attentif à ce que cette disposition pour les navires battant pavillon de l'Union européenne, c'est-à-dire les thoniers senneurs français et espagnols, soit pleinement appliquée afin que leur effort de pêche n'augmente pas.
Concernant les navires ne battant pas pavillon de l'UE, jusqu'au 31 décembre 2013, huit navires thoniers senneurs et deux navires d'assistance battant pavillon seychellois pouvaient accéder à la zone économique exclusive de Mayotte. Dans le cadre de l'accord de pêche entre l'Union européenne et les Seychelles, signé le 20 mai 2014 pour les six prochaines années et ratifié par le Parlement européen le 16 janvier 2015, ce nombre sera maintenu, sans augmentation du nombre de senneurs autorisés à pêcher. Le régime n'est donc pas modifié par rapport à ce qu'il était avant 2013.
Dans le cadre de l'accord entre l'Union européenne et les Seychelles, les recettes collectées par l'Union européenne seront versées à la France pour la mise en place à Mayotte de l'accompagnement et du contrôle de la filière.
Il est en effet essentiel de parvenir à la structuration et à la professionnalisation de la flotte de pêche mahoraise en procédant à la mise aux normes progressive des règles de sécurité des navires.
Enfin, des démarches sont en cours, monsieur le député, en lien avec la ministre des outre-mer, en vue de sensibiliser les commissaires européens en charge de la pêche et de la politique régionale à la nécessité d'accompagner le développement de la flotte de pêche artisanale mahoraise.
M. le président. La parole est à M. Ibrahim Aboubacar.
M. Ibrahim Aboubacar. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour cette réponse complète qui aborde tous les aspects de la pêche à Mayotte, en particulier la professionnalisation, l'accompagnement de la flotte en vue de la mise aux normes, les difficultés des aquaculteurs. Je serai très attentif au suivi des différentes mesures que vous avez présentées.
Auteur : M. Ibrahim Aboubacar (Mayotte - Socialiste, écologiste et républicain)
Type de question : Question orale
Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle
Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie
Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 avril 2015