maisons d'arrêt
Question de :
M. Alain Rousset
Gironde (7e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Alain Rousset attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de la maison d'arrêt de Gradignan. Cet établissement est unanimement reconnu comme vétuste et incapable de mener correctement les missions de garde et de réinsertion qui lui sont confiées. Malheureusement, elle connaît bien la situation des prisons françaises. Malheureusement le cas de l'unique prison girondine n'est pas isolé. Pour autant, la maison d'arrêt de Gradignan bénéficiait d'un projet de démolition reconstruction avancé, qui avait notamment prévu d'humaniser ce site. Ce projet se justifiait par une situation particulièrement difficile qui heurte profondément nos convictions. Des cellules de neuf mètres carrés avec une densité de population parfois de quatre ou cinq détenus, des paillasses posées au sol et une promiscuité hygiénique déplorable. Cette insalubrité, comme aux Baumettes, fait qu'il n'y est pas rare de croiser des rats. Cette densité place Gradignan dans les prisons les plus surpeuplées, avec un taux d'occupation de 192 % pour les hommes et 142 % pour les femmes. L'établissement est en tension constante, devant faire face à des fluctuations parfois très importantes. Entre le 29 septembre 2012 et le 10 décembre 2012 une augmentation de 87 détenus supplémentaires a pu être comptabilisée. Il appelle également son attention sur les conditions de détention, la vétusté des bâtiments ayant conduit ces dernières années à un niveau d'insalubrité inacceptable, et engendrant violence, problèmes de santé, détériorant bien évidemment les conditions de travail des personnels pénitentiaires. Il avait formulé des propositions aux précédents gardes des sceaux afin de permettre d'associer le plus en amont possible les associations œuvrant dans le domaine carcéral pour définir au mieux ce projet. Une forte attente est née liée à un besoin qui ne peut souffrir d'aucunes contestations. Elle sait mieux que quiconque l'importance pour nos maisons d'arrêt de pouvoir assumer leur mission de réinsertion. En l'état, l'établissement de Gradignan ne peut les remplir pleinement. C'est pourquoi, alors qu'un flou semble exister sur le calendrier d'exécution et que des doutes sont nourris sur la réalisation de ce projet, il souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ce projet et le cas échéant son calendrier d'exécution.
Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2013
SITUATION DE LA MAISON D'ARRÊT DE GRADIGNAN
M. le président. La parole est à M. Alain Rousset, pour exposer sa question, n° 112, relative à la situation de la maison d'arrêt de Gradignan.M. Alain Rousset. Cette question, qui s'adresse à Mme la Garde des Sceaux, intéresse également, je suppose, le ministre délégué chargé du budget, ici présent : elle concerne le projet de reconstruction de la prison de Gradignan que nous avons visitée récemment avec l'ensemble des parlementaires de Gironde. Ce projet était inscrit dans le programme du précédent gouvernement - je sais parfaitement, du reste, que les projets alors retenus n'étaient pas financés.
Reste que l'état de cette prison suscite une forte indignation : cet établissement est vétuste et il est impossible d'y remplir les missions de garde et de réinsertion. Son taux d'occupation est de 192 % pour les hommes et de 142 % pour les femmes. J'ai l'occasion de visiter régulièrement, en tant que député de la circonscription, ces cellules de 9 mètres carrés contenant parfois trois ou quatre détenus, certaines, dites " chauffoirs ", en contenant même plus de six ! Les conditions d'hygiène et de sécurité y sont déplorables : il n'y est pas rare, comme aux Baumettes, d'y croiser des rats.
Je ne pense pas que ce soit avec ce type d'établissement que nous pouvons assurer à la fois une punition humaine, telle que définie par la Commission européenne, et le devoir de réinsertion. Je sais aussi que le système public-privé utilisé était une façon de pousser l'endettement à travers un système de loyer, une façon de ne pas choisir.
Comment réinscrire dans une programmation de reconstruction cette prison qui me semble être l'une des plus vétustes de France ? Ne pourrions-nous réfléchir, et pourquoi pas ensemble, à un mode de financement qui ne relèverait pas du partenariat public-privé mais peut-être des baux à construction, via des organismes HLM, comme cela se pratique par ailleurs, notamment pour le logement des jeunes, le logement étudiant, le logement des jeunes travailleurs ? Je pourrais ainsi présenter aux gardiens, à ceux qui vivent et travaillent dans cet établissement pénitentiaire, un calendrier de reconstruction qui soit le plus visible possible.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, de rassurer d'un mot M. Straumann qui m'avait interrogé sur le livret A ; le logement social n'est pas la seule mission que finance la Caisse des dépôts et consignations, puisque c'est aussi le cas des hôpitaux ou des infrastructures publiques. Vous le savez parfaitement bien, monsieur le président, puisque vous êtes un membre assidu de la commission des finances.
Monsieur le député Alain Rousset, votre question a trait au devenir du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, que vous connaissez parfaitement, puisque vous vous êtes encore rendu très récemment sur place en compagnie d'autres parlementaires.
Cet établissement, situé en périphérie de la ville de Bordeaux, dans la commune de Gradignan, se compose de trois bâtiments de détention distincts. Deux d'entre eux datent de 1967 et présentent des dégradations structurelles importantes ainsi que des non conformités techniques. Le troisième, un quartier pour peines aménagées, a pour sa part été mis en service en 2011 et semble en bon état.
L'établissement hébergeait 701 personnes détenues au 1er janvier 2013, pour une capacité opérationnelle théorique de 448 places, soit un taux d'occupation de 156,5 %.
Le discours que je veux tenir au nom du Gouvernement, en vous demandant de bien vouloir excuser l'absence de Mme Taubira, est un discours de vérité et de responsabilité.
Le parc pénitentiaire tel que nous l'avons trouvé est en très mauvais état. Cet état est d'ailleurs historiquement connu et s'est chroniquement dégradé. Depuis l'arrivée de ce gouvernement, Mme Taubira s'est totalement engagée dans la lutte pour l'amélioration de la dignité des conditions de détention et des conditions de travail des personnels, en initiant une nouvelle politique pénale qui vise à réinsérer et à prévenir la récidive, loin de l'idéologie du tout carcéral qui a en partie démontré son inefficacité depuis dix ans, et en élaborant un programme immobilier ambitieux.
C'est ainsi que, dès le premier budget du ministère de la justice, il a été prévu de construire 6 500 places de détention supplémentaires, d'organiser la fermeture de 1 082 places de détention particulièrement vétustes, et de lancer de grands chantiers de rénovation aux Baumettes, à la Santé et à Fleury-Mérogis
Pour établir ce budget, la Garde des Sceaux a dû définir des priorités, sur la base de deux critères précis : la surpopulation et la vétusté des établissements. Elle a également dû composer avec des promesses sans fondement, des hypothèses de projets très souvent simplement explorées, des projets sans étude préalable, sans terrain, ou encore, comme c'est malheureusement le cas pour Bordeaux-Gradignan, sans le moindre financement, malgré un coût de construction particulièrement important, qui plus est dans le cadre d'un partenariat public-privé.
La liste des établissements concernés par ce premier budget triennal est connue de votre assemblée depuis le vote du budget, et Bordeaux-Gradignan, je le regrette, n'en fait pas partie.
En ce qui concerne l'administration pénitentiaire, les critères retenus pour le prochain triennal seront bien évidemment la surpopulation carcérale et la vétusté des structures. Compte tenu des éléments décrits à propos de l'établissement de Bordeaux-Gradignan, tout indique qu'il fera partie des projets qui devront être mis à l'étude pour ce nouveau budget triennal.
Dans l'attente, et grâce à l'augmentation de 20 % des crédits de rénovation des établissements inscrits dans le budget, des travaux visant à améliorer la sécurité et le confort du centre pénitentiaire et représentant un investissement de 520 000 euros seront menés en 2013 avec une remise aux normes électriques, une consolidation des cuisines, un désenfumage des cellules du quartier disciplinaire.
Il a également été demandé à l'administration pénitentiaire d'achever les démarches administratives visant à rendre constructibles les terrains envisagés dans le projet de construction d'un nouvel établissement. Sans présager des décisions que la Garde des Sceaux serait amenée à prendre, il apparaît en effet important de faire en sorte qu'aucun retard ne soit pris pour la réalisation du projet, si une nouvelle construction était décidée.
M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.
M. Alain Rousset. Merci, monsieur le ministre, pour votre réponse. Je vous confirme que des possibilités foncières existent bien sur place. Cet établissement présente le paradoxe d'être à la fois complètement vétuste et surpeuplé et de permettre cependant à des détenus, grâce au petit bâtiment, de travailler ou de suivre des formations la journée. C'est cette différence qui provoque aussi un certain nombre de problèmes. Je propose que l'on réfléchisse, non pas à un système public-privé, mais à un système de baux à construction. Je pense que le ministre du budget pourrait être sensible à cette proposition.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il l'est.
Auteur : M. Alain Rousset
Type de question : Question orale
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2013