sécurité
Question de :
M. Jean Lassalle
Pyrénées-Atlantiques (4e circonscription) - Non inscrit
M. Jean Lassalle interroge M. le ministre de l'intérieur sur les modalités du suivi de la mise en œuvre des mesures annoncées pour assurer la protection et la sécurité des Français face à la menace terroriste, dans le cadre de la prorogation de l'état d'urgence en métropole et en outre-mer. Si le Gouvernement se devait de réagir avec force à la suite d'attentats meurtriers perpétrés sur notre territoire, il existe de nombreux risques pour les libertés publiques, déjà largement restreintes, qui appellent à la plus grande vigilance. Aussi, il souhaite savoir comment va s'articuler la faculté du Parlement de requérir toute information complémentaire dans le cadre de son contrôle et de son évaluation, avec l'obligation d'information sans délai de ce dernier des mesures prises par le Gouvernement pendant l'état d'urgence ? Cela permettrait notamment de distinguer celles relevant exclusivement de la lutte anti-terroriste, de celles relevant des menaces à la sécurité et l'ordre publics.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2015
INFORMATION DU PARLEMENT SUR LES MESURES PRISES PAR LE GOUVERNEMENT EN APPLICATION DE L'ÉTAT D'URGENCE
M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour exposer sa question, n° 1195, relative à l'information du Parlement sur les mesures prises par le Gouvernement en application de l'état d'urgence.
M. Jean Lassalle. Ma question porte sur les modalités de suivi de la mise en œuvre des mesures annoncées afin d'assurer la protection et la sécurité des Français face à la menace terroriste, dans le cadre de la prorogation de l'état d'urgence en métropole et en outre-mer.
Le Gouvernement se devait de réagir avec force aux attentats meurtriers perpétrés sur notre territoire – réaction qui s'est traduite par la loi sur l'état d'urgence, que j'ai votée. Cependant ce régime comporte de nombreux risques pour les libertés publiques, déjà largement restreintes : cela nous appelle à la plus grande vigilance.
La France a informé le Conseil de l’Europe qu'elle pourra, à cause de l'état d'urgence, déroger à certains droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au demeurant, le Parlement aurait dû être informé de cette initiative, voire être saisi d'un projet de loi.
De nombreuses organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme font état d'abus dans l'application de ces mesures. De plus en plus de médias s'en font aussi l'écho. Le Gouvernement doit s'assurer que toute mesure prise en vertu de la loi soit strictement proportionnée à l'objectif visé et veiller à ne pas appliquer ces pouvoirs de manière discriminatoire, pour ne pas stigmatiser les personnes en fonction de leur appartenance ethnique, religieuse ou sociale.
Dans une déclaration faite le 2 décembre, à propos de l'initiative prise par M. Urvoas, président de la commission des lois, M. le ministre de l'intérieur a indiqué qu'un bilan quotidien sera remis aux parlementaires appartenant à la seule commission des lois. Je souhaite savoir comment s'articulera cette obligation, à la charge du Gouvernement, d'informer sans délai la commission des lois des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence, avec la faculté qu'a chaque parlementaire, dans l'exercice de sa mission de contrôle et d'évaluation, de requérir toute information complémentaire ? Cela permettrait de distinguer les mesures qui relèvent exclusivement de la lutte antiterroriste de celles qui relèvent des menaces à la sécurité et à l'ordre publics.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre de l'intérieur. Je sais qu'il est très attentif à la préoccupation que vous avez exprimée au sujet de l'application de l'état d'urgence.
Je me permets de vous rappeler que le mécanisme de contrôle parlementaire des mesures prises sous l'empire de l'état d'urgence a été introduit par la loi du 20 novembre 2015 prorogeant l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions. Le Gouvernement en général, et le ministre de l'intérieur en particulier, sont donc très attachés à ce dispositif.
Ce dernier me charge de vous rappeler, en réponse à votre question, que nos forces de police et de gendarmerie, ainsi que l'administration, agissent dans ces circonstances particulières avec des pouvoirs spécifiques qui sont – vous l'avez dit – limités dans le temps, dans le plein respect du droit et des procédures.
Vous avez évoqué la question du contrôle : il y en a plusieurs niveaux. D'abord, le contrôle interne : le ministre de l'intérieur a transmis des consignes internes très strictes pour que les perquisitions administratives et les décisions individuelles soient soumises aux principes de l'État de droit, et protègent le lien entre la police, les forces de l'ordre, et la population, lien auquel il est personnellement attaché.
Ensuite, je rappelle que les décisions individuelles ou collectives prises au titre de l'état d'urgence sont soumises au contrôle de droit commun du juge administratif. Des recours ont d'ores et déjà été déposés devant les tribunaux administratifs ; deux référés-liberté ont notamment été présentés – ils ont été rejetés.
Troisième niveau de contrôle : le contrôle parlementaire. Le Gouvernement – plus spécialement le Premier ministre et le ministre de l'intérieur – a pris des engagements sur ce sujet. Un dispositif inédit et très précis a été mis en place : vous y avez fait référence. Comme vous l'avez dit, un bilan quotidien est transmis aux parlementaires de la majorité comme de l'opposition, sous l'égide de Jean-Jacques Urvoas et de Jean-Frédéric Poisson à l'Assemblée nationale, et de Michel Mercier et Philippe Bas au Sénat. Je rappelle que M. le ministre ne veut rien passer sous silence : il souhaite que le ministère réponde de manière très précise à toutes les questions des parlementaires.
Le ministère s'est organisé afin de répondre aux préoccupations des parlementaires. Un préfet, François Ambroggiani, qui travaille auprès du cabinet, a été chargé de transmettre l'information en continu et de répondre à toutes les questions. Le ministre lui-même se tient à la disposition des parlementaires de tous les groupes, et de toutes les commissions. Certes, dans le fonctionnement normal du Parlement, c'est la commission des lois qui joue le rôle de contact avec le ministère de l'intérieur ; cependant le ministère répondra également aux questions posées par les députés qui n'en sont pas membres.
Le ministre de l'intérieur souhaite enfin vous dire que les Français font confiance au Gouvernement, aux services de l'État, aux administrations, aux forces de l'ordre, dans ce moment très particulier. Cette confiance exige que nous soyons incontestables. L'État de droit ne doit pas être une faiblesse face à la menace terroriste, mais une force sur laquelle nous appuyer pour neutraliser les terroristes qui menacent nos concitoyens. Encore une fois, monsieur le député, M. le ministre se tient à votre disposition sur ces questions.
M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean Lassalle. Je vous remercie très chaleureusement, madame la secrétaire d'État, pour cette réponse très complète. Je n'ai pas bien compris ce que vous avez dit à propos de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; j'aurai l'occasion d'y revenir. Je tenais simplement, par cette question, à dire mon accord total avec les dispositions qui ont été prises par le Gouvernement.
Dans le même temps, dans une situation si difficile, face à un peuple si inquiet – nous l'avons ressenti encore récemment –, il nous faut agir juste. Notre action doit rassurer les Français, et non les inquiéter ; pour cela, il ne faut pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer leur sécurité.
Auteur : M. Jean Lassalle
Type de question : Question orale
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2015