Fabrication de la liasse
Adopté
(samedi 19 mai 2018)
Déposé par : Le Gouvernement

Après l’article 11 de la loi n° 2011‑725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, il est inséré un article 11‑1 ainsi rédigé :

« Art. 11‑1. – I. – À Mayotte et en Guyane, lorsque des locaux ou installations édifiés sans droit ni titre constituent un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l’article 1‑1 de la loi n° 90‑449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement forment un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d’assiette et présentent des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique, le représentant de l’État dans le département peut, par arrêté, ordonner aux occupants de ces locaux et installations d’évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition à l’issue de l’évacuation. L’arrêté prescrit toutes mesures nécessaires pour empêcher l’accès et l’usage de cet ensemble de locaux et installations au fur et à mesure de leur évacuation.

« Un rapport motivé établi par les services chargé de l’hygiène et de la sécurité placés sous l’autorité du représentant de l’État dans le département et une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence adaptée à chaque occupant sont annexés à l’arrêté mentionné au premier alinéa.

« Le même arrêté précise le délai accordé pour évacuer et démolir les locaux et installations mentionnés au premier alinéa, qui ne peut être inférieur à un mois à compter de la notification de l’arrêté et de ses annexes aux occupants et aux propriétaires. Lorsque le propriétaire est non occupant, le délai accordé pour procéder à la démolition est augmenté de huit jours à compter de l’évacuation volontaire des lieux.

« À défaut de pouvoir identifier les propriétaires, notamment en l’absence de mention au fichier immobilier ou au livre foncier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune et sur la façade des locaux et installations concernés.

« II. – Lorsqu’il est constaté par procès verbal dressé par un officier de police judiciaire qu’un local ou une installation est en cours d’édification sans droit ni titre dans un secteur d’habitat informel au sens du deuxième alinéa de l’article 1‑1 de la loi n° 90‑449 du 31 mai 1990 précitée, le représentant de l’État dans le département peut, par arrêté, ordonner au propriétaire de procéder à sa démolition dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l’acte, effectuée dans les conditions prévues au I.

« III. – L’obligation d’évacuer les lieux et l’obligation de les démolir résultant des arrêtés mentionnés aux I et II ne peuvent faire l’objet d’une exécution d’office ni avant l’expiration des délais accordés pour y procéder volontairement, ni avant que le tribunal administratif n’ait statué, s’il a été saisi, par le propriétaire ou l’occupant concerné dans les délais d’exécution volontaire, d’un recours dirigé contre ces décisions sur le fondement des articles L. 521‑1 à L. 521‑3 du code de justice administrative. L’État supporte les frais liés à l’exécution d’office des mesures prescrites. »

Exposé sommaire

Les territoires de Mayotte et de Guyane sont confrontés à une expansion des constructions illicites par des occupants sans droit ni titre, dans un contexte de pression migratoire sans comparaison avec l’hexagone et les autres territoires ultramarins. Ainsi, Mayotte compte 20 000 baraquements de fortune en tôle (« bangas ») occupés très majoritairement par des étrangers en situation irrégulière. Ce chiffre ne cesse de croître. Il en va de même en Guyane : un recensement en mai 2015 faisait état de 3260 logements insalubres à Cayenne, 2070 à Matoury et 1800 à Saint-Laurent-du Maroni. Ces chiffres ont fortement augmenté depuis l’arrivée massive d’étrangers en situation irrégulière en provenance d’Haïti.

Cette extension de l’habitat informel en Guyane et à Mayotte est à l’origine de troubles graves à l’ordre public. Elle a été centrale dans les revendications du mouvement social du printemps 2017 en Guyane, et est à l’origine du phénomène des « décasages » à Mayotte (expulsion illégale par la force d’occupants sans droit ni titre, au mépris du respect du droit). Le drame survenu à Koungou le 11 janvier 2018, qui s’est soldé par le décès de 4 enfants et de leur mère à la suite de l’effondrement d’une « banga », rappelle la nécessite d’endiguer rapidement ce phénomène.

Si les dispositions prévues aux articles 9, 10 et 11 de la loi n°2011‑725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat informel, sont adaptées pour résorber des poches d’habitat informel résiduel aux Antilles et à la Réunion, elles ne le sont pas pour des bidonvilles en pleine expansion. Elles ne permettent qu’une centaine de démolitions par an dans chacun de ces territoires, soit un rythme très inférieur à l’expansion des bidonvilles.

En effet, ces procédures ne permettent une action sur un ensemble d’habitat informel homogène qu’en cas de « projet global d’aménagement et d’assainissement ». Elles nécessitent l’intervention au préalable du juge en cas de démolition, ce qui n’est pas réaliste dans le cas de Mayotte et de Guyane sauf à engorger immédiatement les tribunaux. Elles exigent un avis préalable du CODERST, inutile dans le cas de Mayotte et de la Guyane où l’habitat informel n’a pas vocation à être régularisé en cas d’insalubrité remédiable. Enfin, ces procédures ne permettent pas une intervention immédiate pour procéder à la démolition des constructions en cours d’identification.

L’amendement proposé complète la loi n°2011‑725 du 23 juin 2011 pour permettre aux préfets de Mayotte et de Guyane de procéder aux démolitions de locaux et installations par ensemble homogène d’habitat informel, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir préalablement une ordonnance du juge et un avis du CODERST. Pour garantir les droits des occupants, il prévoit un délai minimal d’un mois pour procéder à l’évacuation et une obligation pour le préfet de proposer à chaque occupant une solution de relogement ou d’hébergement d’urgence.

Il prévoit également une procédure plus courte en cas d’édification en cours d’une construction illégale pour permettre au préfet d’interrompre les travaux.