- Texte visé : Projet de loi instituant un système universel de retraite, n° 2623 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
À l’alinéa 4, substituer aux mots :
« à la retraite des assurés »
les mots :
« en bonne santé des assurés. La détermination du nouvel âge d’équilibre prend en compte les inégalités d’espérance de vie en bonne santé entre assurés. »
L’article 10 du projet de loi porté par le Gouvernement prévoit la mise en œuvre d’un « âge d’équilibre » à partir duquel les assurés pourront partir à la retraite à taux plein. Autour de cette « référence collective », s’articulera un mécanisme de bonus/malus qui impactera le montant des pensions.
Le Gouvernement ne cache pas l’objectif de cette disposition : inciter les Françaises et les Français à travailler plus longtemps.
Alors qu’il appuie son argumentation sur l’évolution de l’espérance de vie constatée au sein de la population française, le Gouvernement omet deux données majeures :
L’espérance de vie en bonne santé – c’est-à-dire sans limitation irréversible d’activité dans la vie quotidienne ni incapacités – reste faible dans notre pays et atteint péniblement 64,1 ans pour les femmes et 62,7 pour les hommes quand elle culmine respectivement à 64,2 et 63,5 ans dans le reste de l’Europe. L’écart avec le leader européen, la Suède, est de presque dix ans (73 ans) alors que l’espérance de vie à la naissance est quasi équivalente dans les deux pays.
Reculer le moment du départ à la retraite revient donc à emprisonner les travailleuses et travailleurs dans des situations d’emploi difficiles, parfois synonymes de souffrances, au détriment de leur santé.
Le Gouvernement, dans ses projections, nie par ailleurs les inégalités d’espérance de vie au sein même de la population française. Dans une étude rendue publique en février 2016, l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) mettait en lumière un écart d’espérance de vie de six ans, en moyenne, entre un ouvrier et un cadre. La valorisation de l’endurance, en particulier dans les métiers physiques, et les difficultés à s’arrêter de travailler sans risquer de perdre son emploi lors de la vie active (notamment) ont un impact conséquent sur la durée de vie des plus modestes.
Corréler l’âge de départ à la retraite à l’espérance de vie globale de la population, c’est donc condamner les plus faibles, les plus vulnérables, à travailler plus longtemps en se basant sur une statistique tirée vers le haut par des catégories de travailleurs moins exposés à la souffrance au travail. En plus de perpétrer les inégalités existantes, ce système punira les plus fragiles.
Le présent amendement propose donc calculer le futur âge d’équilibre à partir des prévisions d’espérance de vie en bonne santé pour une génération, en prenant en compte les inégalités entre assurés.