- Texte visé : Projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, n° 3464
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
- Code concerné : Code monétaire et financier
Au début du chapitre III du titre III du livre IV du code monétaire et financier, il est ajouté un article L. 433‑1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 433‑1 A. – Les dispositions des sections 1 et 2 du présent chapitre ne s’appliquent pas aux offres publiques d’achat non sollicitées pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire prévu par les articles L. 3131‑12 et suivants du code de la santé publique. »
La situation sanitaire que nous connaissons depuis le mois de mars 2020 a fortement déstabilisé notre pays et, notamment, son économie. En effet, la crise que nous traversons a engendré une déstabilisation majeure des marchés financiers, fragilisant de nombreux secteurs et exposant certaines entreprises à des opérations agressives de prise de contrôle.
La crise a aussi révélé certaines fragilités de la souveraineté industrielle de la France, et la faiblesse des mécanismes de protection de l’État actionnaire.
Afin de faire face à l’ampleur de la pandémie, le gouvernement a dû prendre des mesures exceptionnelles restreignant les libertés fondamentales, et notamment la liberté d’aller et venir ainsi que la liberté d’entreprendre sur l’ensemble du territoire national. Avec ce projet de loi visant à étendre l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février, l’État continue d’agir afin de lutter contre la propagation du virus et ses multiples conséquences néfastes.
Toutefois, aucune mesure n’a encore été envisagée afin de sauvegarder notre souveraineté industrielle en protégeant les entreprises face aux raids boursiers dont elles pourraient être victimes. Plus particulièrement, aucune mesure spécifique n’a été prise pour protéger les entreprises délégataires de service public qui subiraient ces assauts.
En atteste, une offre publique d’achat de la participation d’Engie dans Suez par Veolia qui a été acceptée le 5 octobre 2020 par le conseil d’administration d’Engie. Or, cette décision a été prise contre l’avis des administrateurs représentant l’État, qui ont été mis en minorité.
Il eût pourtant été légitime que l’État-stratège joue un rôle proactif et dual : celui d’actionnaire de l’entreprise cédante, et celui de garant de nos biens communs, en l’occurrence de l’eau et du traitement des déchets. En effet, il est à craindre que ce type d’opération ait des conséquences sur les prix dans les secteurs de l’eau et du traitement des déchets, mais aussi sur la qualité de service et la capacité d’investissement en infrastructures locales. La fusion pourrait donc compromettre l’exercice de missions de service public.
Il est donc légitime que ce projet de loi, qui vise à répondre aux urgences engendrées par le contexte sanitaire, prenne aussi en compte ces enjeux économiques de souveraineté industrielle qui affaiblissent notre pays.
Plus encore, il paraît urgent de légiférer afin de s’assurer que les périodes de crise sanitaire ne soient pas des périodes d’aubaines boursières qui fragilisent la stratégie industrielle de l’État actionnaire.
Cet amendement vise donc à ajouter un article additionnel qui a pour objectif d’empêcher la mise en œuvre d’OPA non-sollicitées tant que perdure l’application des mesures sanitaires contraignantes que va permettre l’adoption de ce projet de loi. La situation exceptionnelle que nous traversons, marquée notamment par une forte instabilité des marchés financiers, nous dicte d’agir dans le sens de l’intérêt national face aux intérêts particuliers. Il paraît plus que légitime d’empêcher que des entreprises plus ou moins bien intentionnées profitent du désordre économique et des perturbations graves de la vie des affaires, causés par ces mesures sanitaires, pour s’emparer d’entreprises fragilisées. Ce n’est qu’après un retour à la normale, tant sur le plan sanitaire que sur le plan économique et financier, que les acteurs pourront retrouver leur liberté.