XVe législature
2e session extraordinaire de 2016-2017

Séance du mercredi 27 septembre 2017

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (nos 104, 164, 161). Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 509 portant article additionnel après l’article 4 quinquies . Je suis saisi de deux amendements, nos 509 et 35, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l’amendement no 509.
Cet amendement vise à porter le quantum de peine de dix à quinze ans de détention pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme. Il s’agit donc d’augmenter ce quantum pour toute personne condamnée à un acte de terrorisme, tel que défini par l’article 421-2-1 du code pénal.
Puisque nous travaillons à un projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, il s’agit de renforcer notre arsenal pénal pour que celui-ci soit à la hauteur de l’intensité de la menace.
Outre le quantum de peine, cet amendement augmente le montant de l’amende encourue de 225 000 à 340 000 euros. Cette modification offrirait la possibilité aux magistrats de mettre plus longtemps à l’écart des individus jugés dangereux pour notre société, qui représentent une menace avérée.
Avant la levée de séance cet après-midi, Mme la ministre et M. le rapporteur ont répondu à des amendements se situant dans la même ligne, notamment ceux défendus par notre collègue Robin Reda, en renvoyant ce type de débat à des textes ultérieurs. Cependant, c’est en discutant du renforcement de notre arsenal de lutte contre le terrorisme qu’il pourrait s’avérer également utile d’alourdir les peines.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 35. Mme Le Grip a très bien défendu le principe de cet amendement. La parole est à M. Raphaël Gauvain, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour donner l’avis de la commission. Avis défavorable. Le débat sur ce point s’est tenu cet après-midi. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis.
(Les amendements nos 509 et 35, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l’amendement no 142. Cet amendement vise à favoriser un traitement médiatique du terrorisme plus responsable, en interdisant – sauf avis de recherche – la diffusion des photographies et de l’identité des personnes poursuivies pour un acte de terrorisme ou ayant été jugées coupables d’un tel acte.
En effet, tandis que les familles pleurent leurs défunts et blessés, les visages et noms des terroristes sont omniprésents dans le traitement médiatique des attentats. Or nous devons admettre qu’en dévoilant leurs noms, en diffusant leurs portraits sur les chaînes d’information en continu, à la une des journaux, en page d’accueil des sites d’information ainsi que sur les réseaux sociaux, la médiasphère accorde à ces criminels une vitrine et une publicité
post mortem et contribue au processus d’héroïsation des terroristes.
Laisser des traces fait partie de la stratégie des terroristes. Aussi, la médiasphère fonce ainsi tête baissée dans la mise en scène de ces crimes odieux, orchestrée par les terroristes eux-mêmes, qui n’aspirent qu’au martyre et à une renommée qu’ils souhaitent proportionnelle au degré de sauvagerie de leurs actes.
Il est urgent de cesser de donner de l’importance à ces individus en les cantonnant à l’anonymat, en refusant que les noms des terroristes soient sur toutes les lèvres alors que ceux des victimes tombent dans l’oubli.
Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Cette problématique me paraît relever davantage d’une autorégulation par les médias et le Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA. Quel est l’avis du Gouvernement ? Sur ce sujet, monsieur Christophe, nous partageons la préoccupation que vous avez exprimée. Il est important que les médias aient une attitude responsable lorsqu’ils traitent des actes de terrorisme – et c’est en très grande majorité le cas.
Le législateur, vous le savez, a cependant répondu à votre attente, notamment par l’article 20 de la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, qui a complété l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, pour prévoir que le Conseil supérieur de l’audiovisuel élabore un code de bonne conduite relatif à la couverture audiovisuelle d’actes terroristes.
Le CSA a ainsi publié le 25 octobre 2016 un guide intitulé
Précautions relatives à la couverture audiovisuelle d’actes terroristes. Ce document a été élaboré après des rencontres avec des experts, des représentants des victimes d’actes de terrorisme et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris. Les préconisations formulées répondent donc à vos attentes, monsieur Christophe, et permettent de concilier l’impératif essentiel de libre information avec d’autres impératifs d’intérêt général, comme la préservation de l’enquête, la préservation de l’intégrité des forces de sécurité intérieure ou, c’est essentiel, la protection des victimes et de leurs proches.
C’est pourquoi, monsieur Christophe, je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, je demanderai à l’Assemblée de le rejeter.
Retirez-vous votre amendement, monsieur Christophe ? Je le maintiens, monsieur le président. La parole est à M. Fabien Di Filippo. Je ne comprends pas bien. Nous sommes d’accord sur le constat : pour certaines personnes déséquilibrées, le fait de diffuser des portraits et des noms de terroristes peut avoir un effet incitatif et les pousser au passage à l’acte, en raison de la gloire posthume qu’elles recherchent.
Aujourd’hui, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, un règlement a été élaboré. Nous ne savons cependant pas s’il a une vertu contraignante. Lorsque j’ai allumé ma télévision ces derniers mois, après les événements effroyables qui se sont produits, j’ai continué de voir que certaines chaînes diffusaient les noms et des photos de terroristes qui avaient commis des attentats sur notre sol ou sur des sols étrangers.
Cet amendement est donc fort bienvenu, si l’on est d’accord sur le fait que cela ne doit pas arriver. Nous ne sommes pas là pour décider ce qui est bien ou pas, ni ce qui empêche le CSA ou les médias de travailler. Nous sommes là pour protéger les gens du terrorisme. Si nous partageons le constat que ce type de traitement médiatique peut favoriser le passage à l’acte chez certaines personnes déséquilibrées, il faut adopter des mesures à portée contraignante, ce que permet cet amendement.
J’aimerais donc, madame la ministre, que vous nous répondiez sur la portée contraignante du règlement que vous avez évoqué. Sinon, pourquoi n’êtes-vous pas favorable au fait de pouvoir enfin interdire de telles images à la télévision ?
Très bien !
(L’amendement no 142 n’est pas adopté.) La parole est à M. Bruno Bilde, pour soutenir l’amendement no 174. Cet amendement permet de suspendre le versement des prestations sociales aux ressortissants français ou étrangers partis faire le djihad. En 2014, selon l’ancien ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, 290 djihadistes ont bénéficié du versement du revenu de solidarité active – RSA.
Cette situation est insupportable pour nos compatriotes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Surtout, elle permet de donner des moyens financiers à des djihadistes partis combattre en Syrie ou en Irak. La solidarité nationale subvient en quelque sorte aux besoins de terroristes.
N’exagérons rien ! C’est pourquoi, chers collègues, je vous demande d’adopter l’amendement qui introduit dans le code pénal un article 422-8 ainsi rédigé : « Une personne qui se rend à l’étranger dans le but de se livrer à l’une des infractions prévues par le présent titre voit le versement des prestations de toute nature dont elle est le bénéficiaire cesser de plein droit. » Il s’agit là d’une proposition de bon sens. (Applaudissements parmi certains députés non inscrits.) Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par l’existence de nombreux dispositifs, instaurés depuis 2014. Les services du ministère de l’intérieur, notamment, transmettent aux caisses d’allocations familiales – CAF – les noms des personnes qui partent vers les zones de guerre en Irak. En conséquence, celles-ci ne perçoivent plus les prestations. Combien de temps met la CAF pour réagir ? Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis.
(L’amendement no 174 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 219 rectifié. Cet amendement vise à compléter l’article L. 111-1 du code de l’action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée : « Une personne présente sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ne peut bénéficier des formes de l’aide sociale telles qu’elles sont définies par le présent code. » La simple lecture de cet article dispense de tout commentaire. Quel est l’avis de la commission ? Même avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis, pour les mêmes raisons. (Interruptions sur les bancs du groupe LR.) En pratique, cela ne fonctionne pas !
(L’amendement no 219 rectifié n’est pas adopté.) La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 207. Cet amendement vise à anonymiser les procédures effectuées par des fonctionnaires de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale.
Il me donne aussi l’occasion de demander à Mme la ministre si, sur ces sujets, la loi qui a été votée au début de l’année 2017 a fait l’objet d’un décret d’application. Alors que M. Le Roux était ministre de l’intérieur, nous avions voté un dispositif qui, pour partie, anonymisait certaines procédures.
Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. La disposition a en effet été votée pour partie en février dernier. Je crois que les décrets d’application sont en cours d’adoption. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Je vous confirme, monsieur Larrivé, que le décret n’a pas encore été publié mais il va l’être. Il est en cours de rédaction. Nous l’attendons avec impatience ! La parole est à M. Éric Straumann. Le Gouvernement dispose-t-il de chiffres sur le nombre de bénéficiaires du RSA qui se trouvent sur le théâtre d’opérations de groupements terroristes ?
Lorsque je présidais le conseil départemental du Haut-Rhin, les instructions données à la CAF mettaient six, dix, voire douze mois à être effectivement enregistrées. Durant ce laps de temps, la prestation continuait d’être versée.
Je m’interroge d’ailleurs sur le fait que le préfet puisse légalement suspendre l’octroi du RSA. Cette possibilité est réservée au président du conseil départemental.
Ainsi, madame la ministre, avez-vous des statistiques montrant que l’octroi du RSA a bien été suspendu pour les bénéficiaires partis combattre à l’étranger ? À mon avis, vous n’en trouverez pas.
C’est scandaleux ! Tout cela aux frais du contribuable local, alors que l’on cherche de l’argent public !
(L’amendement no 207 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Aurore Bergé, pour soutenir l’amendement no 463. Aaaah ! C’est dans mon département qu’a eu lieu le drame de Magnanville. Lequel ? Le premier ou le deuxième ? Il est de notre responsabilité de protéger aussi celles et ceux qui nous protègent. Voilà pourquoi je propose d’étendre à l’ensemble des officiers de police judiciaire le dispositif d’anonymisation applicable aux agents de la police nationale ou de la gendarmerie nationale dans les cas où le fait de révéler leur identité mettrait en danger leur vie, leur intégrité physique ou celles de leurs proches. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment : les décrets sont en cours d’établissement. Nous verrons dans le cadre de la loi sur la procédure pénale s’il faut compléter ce dispositif d’anonymisation au vu de l’application qui en aura été faite. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Guillaume Larrivé. Je remercie Mme la ministre de nous dire que le décret sera publié le moment venu, ce qui est le sort de tout décret… C’était en réponse à votre question ! Mais pourriez-vous préciser où l’on en est exactement ? Nous sommes fin septembre, nous avons voté cette loi en février,… Je vous ai dit que ce serait chose faite avant la fin de l’année parce que je n’ai pas de date plus précise à vous donner. Nous aimerions disposer d’éléments précis, et si, le cas échéant, vous aviez l’amabilité de nous transmettre un projet de décret, nous en serions très heureux. Pour le corriger, peut-être ? La parole est à Mme Aurore Bergé. Je retire mon amendement, puisque nous y reviendrons lors de la modification du code de procédure pénale. Aaaah!
(L’amendement no 463 est retiré.) La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l’amendement no 389. En attendant que le décret soit publié et que la loi soit révisée, je vous propose un amendement de simplification visant à faciliter la procédure d’anonymisation pour les fonctionnaires, notamment de la police judiciaire, amenés à travailler sur des procédures relevant de la lutte contre le terrorisme.
(L’amendement no 389, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 241. Nous abordons différents amendements qui concernent une question importante : la mobilisation de l’administration pénitentiaire dans la lutte contre le terrorisme islamiste.
Le présent amendement porte sur la qualification d’officier de police judiciaire, dont nous pensons, après avoir travaillé sur plusieurs rapports au sein de la commission des lois, qu’il serait utile de l’étendre aux directeurs d’administration pénitentiaire dans certains cas qui restent à préciser, afin de sécuriser davantage l’administration pénitentiaire.
Je profite de l’occasion pour interroger le Gouvernement : je l’ai dit à M. le ministre d’État en commission des lois, nous aimerions, madame la ministre, que vous nous présentiez ce soir un vrai bilan de la sécurisation des établissements pénitentiaires français eu égard à la lutte contre le terrorisme islamiste. L’œuvre dévastatrice de Christiane Taubira a fait des ravages dans les prisons de France entre 2012 et 2016, puis Jean-Jacques Urvoas s’est efforcé de mettre un peu d’ordre dans ces affaires. Où en êtes-vous aujourd’hui ? Isolez-vous les détenus radicalisés islamistes ? La doctrine de l’administration pénitentiaire, sous l’autorité du Gouvernement, a-t-elle évolué ? Il importe que, dans le cadre de ce projet de loi consacré à la lutte antiterroriste, le Gouvernement, par votre voix ou par celle du garde des sceaux, éclaire la représentation nationale.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable.
À l’heure actuelle, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, les directeurs d’administration pénitentiaire ont la possibilité de dénoncer des faits au procureur de la République, lequel peut alors ouvrir une procédure.
Quel est l’avis du Gouvernement ? La série d’amendements que nous abordons relèvent d’une loi pénitentiaire, alors que la loi que nous examinons traite du terrorisme. Tout ce qui concerne le domaine pénitentiaire pourrait être renvoyé à la garde des sceaux. Je vais néanmoins essayer de vous répondre, monsieur le député.
Dans le prolongement de l’action de M. Urvoas, nous avons davantage pris en considération la radicalisation en prison. L’écrou des personnes détenues pour faits de terrorisme est principalement centralisé dans les établissements d’Île-de-France,…
De vraies universités du terrorisme ! …où l’on trouve 300 détenus terroristes, ce qui résulte bien sûr de la compétence nationale antiterroriste du TGI de Paris.
Dès 2015, une liste de vingt-sept établissements a été dressée afin d’y déployer en priorité les moyens humains et budgétaires du plan de lutte antiterroriste. À l’heure actuelle, seuls soixante-cinq établissements accueillent les détenus terroristes radicalisés et les détenus repérés comme radicalisés ; les premiers sont 484, les seconds 1 156. L’inscription d’un établissement sur la liste emporte trois types de conséquences : premièrement, l’affectation des personnes détenues pour des faits d’association de malfaiteurs en vue de commettre un acte de terrorisme, qu’elles soient prévenues ou condamnées ; deuxièmement, la mise en œuvre de mesures de sécurité particulières qui sont tracées et transmises à l’administration centrale ; troisièmement, une formation spécifique des personnels.
Les personnes détenues pour des faits de terrorisme sont orientées vers des quartiers d’évaluation de la radicalisation en vue d’évaluer leur dangerosité réelle. Il existe trois QER, permettant d’évaluer treize détenus : à la maison d’arrêt du Val d’Oise et dans les centres pénitentiaires de Fresnes et de Fleury-Mérogis. Cette évaluation permet de procéder à une synthèse pluridisciplinaire portant sur le niveau du risque que représente le détenu et sur son positionnement par rapport aux faits reprochés, afin de proposer au magistrat une orientation ayant fait l’objet de la réflexion la plus rigoureuse.
En l’état, ces QER n’accueillent pas de personnes incarcérées pour des faits de droit commun, mais il est prévu d’étendre le dispositif à d’autres établissements, en particulier en province, afin d’évaluer des personnes incarcérées pour des faits de droit commun et susceptibles d’être radicalisées.
À l’issue de cette synthèse, les détenus radicalisés incarcérés pour des faits de terrorisme sont affectés en détention ordinaire chaque fois que leur profil le permet – les personnes qui représentent un risque jugé moyen ou faible étant disséminées –, et en quartier d’isolement lorsqu’ils représentent un risque élevé. Depuis plus d’un an, le nombre de détenus terroristes placés à l’isolement reste stable : autour de soixante-dix. Enfin, ils sont affectés en quartier pour détenus violents lorsque, de manière cumulative, ils représentent un risque élevé de passage à l’acte, détiennent un pouvoir de domination sur les plus vulnérables et sont les plus récalcitrants vis-à-vis de la prise en charge. Il existe actuellement à Lille un quartier de ce type, qui accueille dix-huit détenus.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger. Madame la ministre, vous nous expliquez que notre amendement, puisqu’il concerne le domaine pénitentiaire, relève d’une loi pénitentiaire qui portera sur ce domaine dans son ensemble. Mais, si l’on adopte une approche transversale, on voit que la question de la détention a aussi trait à la lutte contre le terrorisme. Il est donc tout à fait légitime que nous nous posions cette question dans le cadre de la présente loi. C’est pour cela que je vous ai répondu ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) De la suffisance et du mépris, maintenant ? C’est la IVe République ! Vous avez commencé par écarter la question en la renvoyant à une loi ultérieure. C’est un réflexe assez agaçant que vous avez pris depuis le début de la législature : chaque fois qu’une question vous dérange, vous renvoyez à une commission d’enquête ou à une loi à venir !
Monsieur le rapporteur, la possibilité offerte à un directeur d’établissement de demander l’ouverture d’une enquête n’équivaut pas à la qualité d’officier de police judiciaire, laquelle confère, en matière d’enquête et de qualification de preuves, des compétences spécifiques qui peuvent être très utiles, comme on le voit dans le cas des maires et de leurs adjoints. Même s’ils sont très peu employés, ces moyens, en dernier recours ou à un certain stade d’une enquête, peuvent permettre de consolider des preuves, ce qui sera déterminant lorsque l’affaire viendra en justice.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la ministre, je ne suis pas spécialiste de la sécurité mais, chaque année, dans le cadre d’un rapport spécial sur l’action du Gouvernement, j’auditionne Mme Hazan, Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Ce que vous nous avez annoncé a-t-il fait l’objet d’une concertation avec ses services, et ceux-ci vous ont-ils donné leur aval ? Cela me paraît aller de soi, mais j’aimerais entendre votre réponse. La parole est à Mme la ministre. Madame la députée, la pénitentiaire relève du ministère de la justice. Et alors ? Nous sommes le législateur!
(L’amendement no 241 n’est pas adopté.) La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 196. Défendu. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable également, mais l’amendement est intéressant ; il devrait être redéposé dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Pourquoi ne pas l’adopter tout de suite ? Mais enfin, on peut se parler normalement, sans beugler ! (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Nous aussi, on vous parle !
(L’amendement no 196 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 152 et 179.
La parole est à Mme Lise Magnier, pour soutenir l’amendement no 152.
La loi du 3 juin 2016 a encore prolongé la durée des étapes imposées lors d’une garde à vue : délai d’attente de l’avocat porté à deux heures, entretien de trente minutes avec un tiers, rédaction de nouveaux procès-verbaux, etc.
Il conviendrait donc de porter à quarante-huit heures la durée de la garde à vue initiale, afin de faciliter le travail des enquêteurs compte tenu de ces nouvelles contraintes, du fait qu’ils gèrent souvent plusieurs gardes à vue en même temps et qu’on leur impose toujours plus de tâches administratives, réduisant d’autant le temps qu’ils peuvent consacrer à l’enquête.
La parole est à M. Bruno Bilde, pour soutenir l’amendement no 179. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ? Défavorable.
Une fois de plus, on est ici assez loin de l’objet du texte. La question soulevée devra sans doute faire l’objet d’une discussion, d’une évaluation et d’auditions, car ce qui est proposé bouleverserait l’équilibre du code de procédure pénale.
En outre, la durée de la garde à vue est actuellement de vingt-quatre heures, prolongeables une fois : elle peut être portée à quarante-huit heures sur simple instruction du procureur de la République.
(Les amendements identiques nos 152 et 179, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 172 et 232.
La parole est à M. Bruno Bilde, pour soutenir l’amendement no 172.
Puisque c’est aussi d’une loi de sécurité intérieure qu’il s’agit ici, je vous propose de renforcer notre arsenal pénal afin de répondre favorablement aux doléances des policiers, qui réclament depuis très longtemps des mesures concrètes facilitant leur travail d’enquête.
Cet amendement permet d’empêcher l’OPJ d’autoriser le gardé à vue à communiquer, pendant une durée qui peut aller jusqu’à trente minutes, avec un tiers qui pourrait être un complice, ce qui compromet le bon déroulement de l’enquête et fait perdre un temps considérable aux enquêteurs, lesquels ne disposent que de vingt-quatre heures pour garder à vue une personne.
Les policiers demandent un allégement considérable des obligations issues du code de procédure pénale. Dans un contexte sécuritaire particulièrement tendu, nous devons réarmer notre appareil d’État pour mieux lutter aussi contre la délinquance ordinaire. Mes chers collègues, il est temps de soutenir nos policiers !
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 232. Défendu. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
(Les amendements identiques nos 172 et 232, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l’amendement no 405. Cet amendement de simplification vise à alléger les contraintes administratives des officiers de police judiciaire en matière de procès-verbaux. Alors que le témoignage d’une personne gardée à vue est filmé, dès lors qu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que cette dernière a commis ou tenté de commettre une infraction, les officiers de police judiciaire doivent néanmoins retranscrire la totalité des propos du gardé à vue dans le procès-verbal. Dans un souci de simplification, il est proposé, lorsque les auditions font l’objet d’un enregistrement visuel, d’autoriser les officiers de police judiciaire à rédiger un compte rendu synthétique de l’audition. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. C’est une idée très intéressante, mais cela va bouleverser la procédure. Cela fera très certainement l’objet de discussions dans le cadre du projet de réforme de la procédure pénale. Quel est l’avis du Gouvernement ? Le ministère de l’intérieur mène actuellement avec les différentes directions et en lien avec le ministère de la justice des réflexions importantes quant aux mesures permettant de simplifier le travail des officiers de police judiciaire dans l’exercice de leurs missions. L’instauration d’une plus grande culture de l’oral, dans le cadre d’une procédure pénale, très fortement marquée, c’est vrai, par l’écrit, est une piste intéressante, qui nécessite néanmoins de mesurer précisément les impacts sur le travail des officiers de police judiciaire, ainsi que sur l’ensemble de la chaîne pénale. Pour le moment, je vous demanderai plutôt de retirer votre amendement ; sinon, je lui donnerai un avis défavorable. Mais je m’engage à ce que cette question soit rapidement traitée. La parole est à M. Sébastien Chenu. Il vous est proposé des mesures pragmatiques. Cela ne va pas bouleverser le code de procédure pénale. Mais si ! Cela permet de soulager les forces de police et de répondre à leurs attentes de façon très concrète. On peut profiter de ce moment pour le faire. On peut faciliter la vie de la police nationale et des enquêteurs. Vous refusez de le faire, en vous retranchant derrière des prétextes. Nous avions une porte d’entrée pragmatique. Vous dites que vous êtes attentifs à cet aspect des choses. Or quand la possibilité se présente, vous la refusez. C’est assez incompréhensible. La parole est à M. Jean-Michel Fauvergue. J’entends bien les demandes faites pour simplifier la procédure et la vie des officiers de police judiciaire, qu’ils soient de la police ou de la gendarmerie. Mais c’est agir en ordre dispersé dans une loi qui n’est pas faite pour cela. Il y aura un effort de simplification de la procédure pénale et de son code bientôt. Cela est très important, car les officiers de la police judiciaire de la police et de la gendarmerie, pour une heure sur le terrain, passent entre six et sept heures derrière leurs ordinateurs à faire de la procédure, laquelle n’a cessé de se complexifier. Certaines règles viennent du droit anglo-saxon, fondé sur une procédure orale. Il y aura nécessité à simplifier cela, à oraliser les procédures, dans une grande loi aussi nécessaire qu’incontournable. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Madame la ministre, c’est la première fois depuis le début de la discussion de cette loi que vous me rassurez par vos réponses. Enfin, on est prudent. Pas prudent ! Timide ! Enfin, on ne fait pas les choses à l’emporte-pièce. Des collègues nous proposent de bouleverser le code de procédure pénale par un amendement, alors que cela nécessite peut-être des auditions, des vérifications de faisabilité technique et de protection des données. Il y a des avocats dans l’hémicycle qui pourraient dire que, dans ces conditions, les droits de la défense pourraient ne pas être garantis. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Chers collègues, laissons parler M. Lecoq ! Je veux bien engager un dialogue, si vous m’en laissez le temps, monsieur le président ! Il n’y a pas de problème.
S’il faut améliorer et simplifier, nous devons rester dans le cadre d’un État de droit et préserver les droits de la défense. Je vais me faire son avocat : jusqu’à preuve du contraire, un terroriste a le droit d’être défendu, et personne n’a déposé d’amendement dans le sens contraire. On sort de l’état d’urgence pour entrer dans une autre période, qui doit conserver l’esprit de l’État de droit. Il faut donc prendre le temps d’auditionner avant de modifier la procédure pénale. Cela ne peut se faire à coup d’amendements qui relèvent du bricolage. Je suis d’accord avec la ministre, lorsqu’elle dit que nous allons travailler sur le sujet et prendre le temps nécessaire.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)
(L’amendement no 405 n’est pas adopté.) La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 221. Il s’agit d’un amendement que Les Républicains ont très régulièrement déposé et soutenu, demandant que les policiers municipaux soient habilités, comme les policiers et les gendarmes, à effectuer des contrôles d’identité sur la voie publique. C’est une mesure de bon sens. La police municipale est la troisième force de sécurité dans notre pays, à côté des policiers et des gendarmes. Aujourd’hui, nous avons plus de 20 000 agents, et il est regrettable qu’ils ne soient pas pleinement mobilisables pour ces tâches de contrôles d’identité, comme le sont leurs collègues de la police nationale ou de la gendarmerie, alors que le cadre réglementaire définissant leurs missions est extrêmement abouti. Nous avons déjà porté cette demande, dans le cadre de l’état d’urgence, du temps de « l’ancien monde ». Nous espérons que votre gouvernement sera plus attentif à cette demande parfaitement légitime et que vous mettrez fin à cette règle totalement incompréhensible qui distingue police municipale et police nationale. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Cette disposition figurait mot pour mot dans la loi d’orientation et programmation pour la sécurité intérieure de 2011. Elle a été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable, pour les mêmes raisons d’inconstitutionnalité. La parole est à Mme Valérie Boyer. Je souscris à ce que mon collègue Marleix vient de dire. C’est un vrai sujet. Comment cela est-il encore possible, aujourd’hui, avec l’état d’urgence sous lequel nous vivons et les attentats que nous avons connus ? La police municipale est la troisième force de police, après la gendarmerie nationale et la police nationale. Ce sont des policiers qui sont de plus en plus formés, sur lesquels on s’appuie pour des missions de sécurité croissantes dans nos villes. Ce sont d’ailleurs souvent des personnes issues de la police ou de la gendarmerie, qui ont passé des concours. Cet amendement vise à permettre aux agents de police municipaux d’effectuer des contrôles d’identité, en ayant la possibilité d’exiger la présentation d’un document d’identité.
Je me permets de vous rappeler qu’au supermarché, quand on passe un paquet de lessive à la caisse, la caissière peut demander des papiers d’identité, quand la police municipale, elle, ne peut pas le faire, alors que nous sommes en état d’urgence !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et parmi certains des députés non inscrits) On n’est pas en capacité de faire évoluer la législation ? Ces choses sont absolument aberrantes aujourd’hui. Ce sont des personnes qui prêtent serment, qui sont formées et qui agissent au quotidien pour la sécurité de nos villes, et nous en sommes toujours à buter sur ce sujet. On n’a pas pu travailler depuis le temps que l’on pose cette question ? Encore une fois, essayons de faire de la politique autrement. Évoluons ! Soyons concrets ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Ugo Bernalicis. J’ai beaucoup aimé le coup de la caissière ! Franchement, ce n’est pas mal ! Sauf que la caissière ne fait pas un contrôle d’identité, elle reporte le numéro de la carte nationale d’identité… (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.) Elle ne fait pas un contrôle ! Vous le savez aussi bien que moi ! Elle regarde la photo ! Si c’est une fausse pièce d’identité, elle n’en saura jamais rien. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) C’est pareil pour l’hôtesse de l’air ! Ce n’est pas le sujet. Ce n’est pas un contrôle d’identité. Ce n’est pas grave, cela fait sourire tout le monde. C’est un effet de manche. C’est intéressant.
En revanche, il y a un vrai débat sur la question de la police municipale. Depuis plusieurs années, il y a une sorte d’alignement tendanciel et progressif des missions de la police municipale sur celles de la police nationale : l’accès à des fichiers auxquels elle n’avait pas accès auparavant ou l’autorisation récente du port d’une arme. Il y a une certaine hypocrisie, puisque l’on voit que la police municipale s’est construite en creux par rapport à la police nationale et à son manque d’effectifs. Pourquoi les policiers municipaux demandent-ils que leurs prérogatives soient identiques à celles de la police nationale ? C’est parce que, dans bien des cas, ils sont incapables d’agir et qu’ils doivent s’en remettre à la police nationale, laquelle n’est pas toujours au rendez-vous. C’est un problème concret de terrain. C’est pourquoi, dans nos réflexions pendant la campagne présidentielle, nous avons été conduits à proposer la fusion en un seul et même corps de la gendarmerie nationale, de la police nationale et de la police municipale
(Exclamations sur les bancs du groupe LR) , Et des gardiens de musée ! …de sorte à redéployer tous ces effectifs sur le territoire et à avoir des forces localisées, de proximité, qui exercent le métier de policier et d’autres policiers qui aient d’autres prérogatives. Ce commandement unique permettrait une souplesse dans le recours à ces trois forces. Ce serait un débat intéressant, tandis que la caissière, ce n’est pas terrible… C’est pourtant une réalité ! La parole est à M. Éric Straumann. Je sens bien que le Gouvernement et le rapporteur sont plutôt favorables à cet amendement, mais qu’il y a un problème constitutionnel. Quelle est cette difficulté ? Quels arguments ont été avancés par le Conseil constitutionnel en 2011, sachant que le contexte a beaucoup évolué depuis ? La parole est à M. Guillaume Larrivé. Ce que le Conseil constitutionnel a jugé en 2011, c’est que l’article 66 de la Constitution implique, selon cette jurisprudence, que le contrôle d’identité doit être fait par un agent qui aura été sous l’autorité d’un officier de police judiciaire. Le Gouvernement à l’époque avait soutenu que les agents de police municipale seraient quasiment sous l’autorité de l’OPJ, puisque leur contrôle se ferait en présence d’un OPJ – c’était l’argumentation développée en 2011. Le Conseil constitutionnel n’avait pas retenu cette interprétation. Si nous présentons de nouveau cet amendement, c’est pour appeler le Gouvernement à travailler sur une rédaction naturellement différente de celle qui a été censurée en 2011, pour trouver la bonne accroche. La question de fond est bel et bien posée.
Nous souhaitons alléger le travail des fonctionnaires de la police nationale, pour que des agents de police municipaux puissent apporter leur concours, éventuellement sous l’autorité de policiers nationaux, dans le cadre d’une convention qui resterait peut-être à imaginer et à rédiger. L’enjeu est de décharger la police nationale. Ce que nous voulons bâtir dans le cadre de ce contre-projet pour la sécurité intérieure que nous vous présentons, c’est une véritable communauté sécuritaire, où à côté des agents de la police nationale, il y aurait aussi des agents de police municipale, investis de missions plus importantes qu’aujourd’hui, pour améliorer la sécurité des Français.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) La parole est à Mme la ministre. Monsieur Larrivé, je vous remercie pour votre présentation précise et intéressante. J’ai reçu récemment l’ensemble des représentants des polices municipales. Nous avons beaucoup travaillé sur la manière dont la police municipale pourra s’articuler avec la police du quotidien, qui a été mise en place, et avec la police nationale. C’est dans ce même esprit que nous travaillons. Pour avoir été maire pendant vingt-cinq ans, je connais le rôle des polices municipales. Ce qui est très important, c’est la coordination de toutes les polices sur le territoire.
(L’amendement no 221 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 289. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les mesures que propose ce projet de loi doivent s’accompagner d’une évolution de notre système pénal. Il n’a été jusqu’ici question des contrôles d’identité que du point de vue des forces de l’ordre ; mais si nous voulons assurer une véritable cohésion sociale et apaiser les tensions qui existent malheureusement entre la police et la population, il faut également mieux encadrer ces procédures. Aujourd’hui, les organisations des droits humains – la Ligue des droits de l’homme, le Groupe d’information et de soutien des immigrés, le Syndicat des avocats de France – sont nombreuses à dénoncer l’inertie des pouvoirs publics dans ce domaine. Elles se fondent notamment sur une étude menée en 2007 et 2008 dans deux gares parisiennes, qui a démontré que des personnes perçues comme noires couraient entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques que celles perçues comme blanches d’être contrôlées par la police. Les personnes perçues comme Arabes couraient, quant à elles, entre 1,8 et 14,8 fois plus de risques que celles supposées blanches. Cette étude a conclu à la nécessité d’introduire des récépissés de contrôle d’identité. Malheureusement, nous n’avons pas pu proposer un amendement en ce sens étant donné que l’article 40 nous interdit de créer de nouvelles charges – disposition qui contredit la volonté affichée d’accorder plus de moyens pour prévenir la commission d’actes terroristes. Il serait important de permettre aux agents de police de mener leur action dans un climat apaisé et dans la cohésion.
Nous proposons cet amendement pour mettre à plat et faire évoluer les pratiques. Comme le souligne la Ligue des droits de l’homme, les contrôles d’identité doivent être mieux encadrés. La Commission nationale consultative des droits de l’homme a recommandé aux pouvoirs publics d’assurer la traçabilité de ces opérations. La Cour de cassation a confirmé dans une condamnation que l’État était coupable de discrimination dans les contrôles d’identité ; le Défenseur des droits également. Il existe aujourd’hui tout un ensemble de propositions et de mesures qui permettraient de prévenir les tensions et d’aménager les relations entre la population et la police ; nous vous demandons de les inclure dans ce projet de loi.
Quel est l’avis de la commission ? L’avis est défavorable pour les mêmes raisons : vous proposez une modification des contrôles d’identité, donc un bouleversement de la procédure pénale en la matière. Les contrôles d’identité au faciès représentent évidemment un vrai problème. Depuis mars, un dispositif est à l’étude, qui permettra aux officiers de police judiciaire d’enregistrer l’ensemble des contrôles d’identité grâce à une caméra vidéo ; il sera sans doute généralisé et apportera une réponse pratique à ce problème. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Gilbert Collard. Il peut y avoir des abus dans la manière dont les contrôles sont effectués par la police ; la jurisprudence des tribunaux nous l’enseigne. Ces abus sont condamnés, et Dieu sait que je suis pour réprimer le moindre excès. En revanche – et j’ai le souci de venir à ce micro pour vous le dire –, il est franchement déplacé de suggérer que d’une manière générale, au point qu’il faille un texte, le policier qui fait son métier a par présomption un comportement qui relèverait de la loi pénale. Il ne s’agit pas de présomptions ! Aujourd’hui, ce sont les policiers qui tombent, ce sont eux qui prennent des coups, eux qui se font insulter. Ce sont des organisations syndicales qui manifestent en insultant la police. Alors si l’on doit être vigilant et intransigeant, on ne peut pas accepter que la mise en cause de la police devienne un principe général. (Applaudissements de certains des députés non inscrits.) La parole est à M. François Ruffin. Bonsoir. Bonsoir. Je voulais vous raconter une anecdote, quelque chose qui m’est arrivé avant que je ne sois député. C’était au moment du ramadan ; autour du quartier Nord, les CRS marquaient comme une frontière à franchir. J’étais avec un copain, Aziz, qui est éducateur. On revenait du salon de thé, et je roulais très lentement, à 30 km/h, pour laisser la priorité aux mamans poussant des landaus. Un CRS me demande les papiers afférents à l’usage du véhicule… (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Café du commerce ! Je m’exécute, je descends de la 205. Il compare ma tête avec celle du permis, me scrute et reprend sa lecture à zéro. (Mêmes mouvements.) Comme le contrôle traîne… La conclusion ? Laissez-moi terminer ! S’il vous plaît, laissez M. Ruffin s’exprimer ! Comme le contrôle traîne, mon copain descend aussi, et le CRS lui demande : « Qu’est-ce que vous faites là ? » Il répond : « C’est un ami, je l’accompagne, j’étais à l’intérieur, alors je sors ». Le CRS nous dit : « Eh bien, qu’il reste à l’intérieur ou qu’il aille manger une frite, il y a de très bonnes friteries ici ! » J’étais pris d’un accès de surréalisme belge : je ne sais pas ce qu’on n’avait pas le droit de faire ; être sur le trottoir ? Ensuite, j’ai eu le sentiment, pendant cinq minutes, de repasser le contrôle technique parce que le CRS s’est mis à tout vérifier et à regarder de nouveau mes papiers en long, en large et en travers. Et je sentais que ses collègues étaient très gênés par cette scène.
Au fond, je remercie ce CRS de m’avoir fait vivre cette expérience qui en général est réservée aux jeunes de banlieue. Je ne suis pas un jeune de banlieue et ne vis généralement pas cela.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Eh oui, il n’y en a pas beaucoup dans la représentation nationale qui, à ce titre, n’est pas très représentative ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Ce que j’ai ressenti pendant ces dix minutes, c’est une très grande violence, car il est impossible de répliquer. Comédien ! Quoiqu’on réplique, on a tort. Il faut conclure, cher collègue. Je pense donc que c’est une question à prendre très au sérieux si on veut raccommoder les rapports entre la police et les jeunes des quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe LR.) Il ne faut pas généraliser, monsieur ! La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Selon les statistiques, on a beaucoup plus de probabilité de se faire contrôler si on est de couleur que si on est blanc, si on est un homme de couleur que si on est une femme de couleur. Au bout du compte, pour certains, cela devient du harcèlement ; c’est vécu comme une exclusion de la République, de l’unité nationale. Même des gens qui cherchent à s’intégrer, ces contrôles leur signifient qu’ils n’y arriveront jamais puisque leur couleur, leur look en feront toujours des exclus. Voilà la question avec les contrôles d’identité ! Après les attentats, on a dit qu’il fallait essayer de faire République tous ensemble, malgré nos différences. Mais faire République tous ensemble, c’est essayer de faire en sorte que les statistiques bougent et qu’à l’avenir, que l’on soit blanc ou de couleur, homme ou femme, l’on ait la même probabilité d’être contrôlé, le même nombre de contrôles d’identité dans l’année. Voilà l’enjeu. Je ne critique pas les policiers, mais je constate le problème. Il faut donc y travailler plutôt que de proposer, comme vous le faites, des amendements qui renforcent la dispersion.
Monsieur Collard, il y a certes des policiers qui tombent et il faut se battre pour qu’il n’y en ait plus. Il faut bien les équiper, il faut leur donner le matériel et les outils nécessaires pour bien faire leur métier.
Il faut les faire respecter ! Mais il n’y a pas que des policiers qui tombent. Je connais un jeune qui s’appelle Adama Traoré qui est tombé, lui aussi. Alors ne voyez pas que les policiers ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Didier Paris. Je m’exprime tant sur l’amendement no 289 que sur l’amendement no 287 puisqu’ils ont le même objet et la même approche, sans tenir compte des litanies des expériences individuelles car chacun d’entre nous en a beaucoup. Mais ce ne sont pas les mêmes ! Il est évident que nos services de police n’ont pas à adopter d’attitudes discriminantes, quelles qu’en soient les formes et les circonstances. Il n’y a aucun doute là-dessus et la loi les réprime. L’amendement no 287 est donc privé de toute substance : il demande aux policiers de faire une preuve impossible alors que de toute façon, en cas d’infraction, ils sont sanctionnés par la loi.
L’article 78-2 du code de procédure pénale permet des contrôles d’identité soit en cas d’infraction flagrante, soit sur réquisition du procureur de la République. De plus, les services de police doivent pouvoir effectuer des contrôles pour empêcher des troubles à l’ordre public ou des comportements qui troublent l’ordre public, notamment pour assurer la sécurité des biens et des personnes. Nous sommes dans un texte de répression du terrorisme et non un texte de droit pénal de fond ; il me semble évident que dans les conditions actuelles d’atteintes fréquentes aux personnes et notamment aux forces de police sur la voie publique, nous devons permettre aux services de police de procéder à des contrôles d’identité dans de telles circonstances, sous peine de les mettre en danger et de mettre en danger notre population. Ces dispositions sont impératives.
La parole est à Mme Annie Genevard. Je trouve qu’à l’heure où nous débattons d’un texte sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme, où nos policiers et nos gendarmes sont devenus, par le port de leur uniforme, les cibles privilégiées des terroristes, contester le bien-fondé des contrôles d’identité et accuser les forces de l’ordre de dérives dans l’exercice de leurs fonctions est presque indécent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi certains des députés non inscrits.) La parole est à M. Sébastien Chenu. J’entends parler de tensions entre la police et la population. On ne doit pas regarder les mêmes événements : au moment des attentats contre Charlie Hebdo , la population entière embrassait la police dans les rues de Paris. Il faudrait savoir ! Il y a probablement des tensions entre la police et les voyous, et les policiers le paient assez cher ; mais non entre la police et la population qui, je crois, soutient la police de France.
Votre groupe porte un soupçon à l’encontre de la police. Ne peut-on pas faire confiance à des professionnels quant à leur capacité de discernement ? Les policiers savent très bien distinguer différents comportements ; ils y sont habitués. C’est notre police et nous devrions être à l’unisson pour la soutenir, plutôt que de laisser entendre qu’il faut la soupçonner. Le petit numéro de M. Ruffin – je connais Machin ou Machine qui a vécu ceci ou cela –, il nous le fait à peu près sur tous les sujets, on commence à être habitué et ce n’est pas très convaincant. On devrait, tous à l’unisson, soutenir notre police plutôt que de laisser planer une espèce de haine anti-flics de votre côté dans cette Assemblée – une haine qui, dans le cadre de ce texte, me paraît totalement déplacée.
(Applaudissements de certains des députés non inscrits.)
(L’amendement no 289 n’est pas adopté.) La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l’amendement no 287. Mes chers collègues, j’observe combien MM. Collard et Chenu donnent manifestement le ton à beaucoup d’autres parlementaires. Je laisse chacun avec sa conscience ! On a bien vu que vous utilisiez les mêmes arguments tels que la prétendue indécence de nos propositions. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Mais qu’est-ce que la police vous a fait ? Chers collègues, laissons parler M. Corbière ! Et laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes ! Soyons précis. Je m’adresse notamment à nos camara… à nos collègues de la République en marche. (Rires sur les bancs du groupe LR.) Camarades, cela veut dire « qui partagent la chambre », et nous partageons tous la Chambre des députés !
Lorsque dernièrement nous avons débattu du texte sur le code du travail, il vous semblait évident – et vous aviez bien raison – qu’il fallait lutter contre les discriminations, notamment celles qui touchent les femmes dans l’entreprise. Cette exigence signifie-t-elle que tout homme, tout patron dans l’entreprise représente une menace pour les femmes ? Absolument pas. Mais nous pensions toutefois qu’il fallait légiférer car il existe parfois des situations que nous ne pouvons pas laisser se régler par le seul bon vouloir des acteurs. Des études scientifiques prouvent qu’il existe aujourd’hui dans la façon dont les forces de police exercent les contrôles d’identité une facilité – due à l’habitude ou peut-être à la surcharge de travail – qui consiste, selon la manière dont les gens sont habillés ou la couleur de leur peau, à concentrer les contrôles sur certains de nos concitoyens.
C’est du racisme anti-flic ! C’est une réalité analysée par le CNRS ! Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Et il faut être sacrément peu observateur de l’état de notre société pour ne jamais en avoir entendu parler dans une permanence ou lors d’une rencontre avec nos concitoyens !
Monsieur Corbière, votre temps de parole pour présenter l’amendement touche à son terme… J’aimerais qu’on parle de la France et de sa réalité ! Vous ne connaissez rien à la France ! Ce n’est pas la peine d’arriver à 22 heures pour faire la leçon à tout le monde ! Il fallait être là cet après-midi, dès 15 heures ! Par cet amendement je demande une chose simple, pour l’honneur de nos forces de police. Il s’agit d’autoriser nos concitoyens, lorsque leur identité est contrôlée d’une manière qu’ils jugent discriminatoire, à demander aux forces de l’ordre de justifier les motifs du contrôle. C’est bien le minimum, et je suis fort surpris… Merci, monsieur Corbière. Gesticulations grotesques ! Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. La parole est à Mme Valérie Boyer. Je voudrais simplement rappeler à mes collègues qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi sur la sécurité en général. Il serait inconcevable que la représentation nationale jette le discrédit sur les policiers et les militaires qui, aujourd’hui, représentent des cibles parce qu’ils portent un uniforme.
Comme l’indique son titre, ce texte a pour objet de renforcer la sécurité intérieure et de lutter contre le terrorisme. Nous sommes réunis ici pour lutter contre le terrorisme, pas pour parler des délinquants de droit commun, de la criminalité ordinaire. Ce n’est pas du tout la même chose. Il faut savoir raison garder : respectons et soutenons notre police.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi certains députés non inscrits.) Absolument ! La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde. C’est le deuxième amendement qui porte sur ce problème. À la question de savoir s’il y a en France des contrôles au faciès, de la discrimination dans les contrôles de police, la réponse est évidemment : oui. Merci, monsieur Lagarde ! Nous sommes d’accord ! À la question de savoir si ces contrôles discriminants sont généralisés, la réponse est évidemment : non. Les lois de notre République, que nous votons dans cette enceinte, ne permettent pas aux forces de police d’agir autrement – par exemple dans le cas du squat de halls d’immeubles – qu’en effectuant des contrôles d’identité ce qui est stupide, inutile et finit par représenter une provocation du fait de leur répétition.
Pardonnez-moi de m’immiscer dans ce débat, mais il existe en Grande-Bretagne un système différent du récépissé de contrôle d’identité que vous proposez. Cela ne sert à rien de contrôler la même personne cinq ou dix fois dans une même journée ou une même semaine. Cela confine à la provocation, et cela finit par monter les gens les uns contre les autres. En revanche, lorsque des délits sont commis, qui empoisonnent la population, alors ce n’est pas contrôler les identités qui est nécessaire, mais dresser des contraventions ; or précisément, nous ne donnons pas cette possibilité à nos forces de police.
La parole est à Mme Danièle Obono. Je remercie notre collègue Lagarde d’avoir eu l’honnêteté de reconnaître les faits. Il ne s’agit pas d’une litanie, nous ne disons pas cela simplement pour dire quelque chose, il s’agit de faits. Non, mesdames et messieurs les députés de droite et d’extrême-droite, il ne s’agit pas de délinquants, mais de citoyens de la République. Non, les mesures que nous proposons ne sont pas dirigées contre la police. Au contraire, elles lui seraient favorables.
Là encore, nous nous appuyons sur des faits. Dans tous les États où des mesures de ce type ont été adoptées, les relations entre la police et la population se sont améliorées. Le travail de la police lui-même s’en est trouvé facilité. Pour prévenir les troubles à l’ordre public mais aussi pour recueillir des renseignements, il vaut mieux que la police entretienne un lien de confiance avec la population.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Le fait même de la discrimination est avéré. Le fait qu’il est possible d’améliorer les relations entre la police et la population avec ce type de mécanisme est lui aussi avéré.
Il s’agit là de lutter contre le terrorisme ! À moins que vous ne cherchiez à améliorer les relations entre la police et les terroristes ? Cette question a tout à fait sa place dans notre discussion. Nous cherchons à prévenir les actes terroristes, dont nous convenons tous que les causes sont multifactorielles. Nous nous accordons tous aussi à reconnaître la nécessité de renforcer la cohésion sociale dans notre pays, et d’améliorer les droits : droit à la sécurité, droit à la sûreté. C’est la meilleure réponse que l’on puisse apporter au terrorisme, et ces amendements vont dans ce sens, n’en déplaise à la droite et à l’extrême-droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Interruptions sur les bancs du groupe LR et parmi certains des députés non inscrits.) La parole est à M. Gilbert Collard, après quoi je mettrai aux voix cet amendement pour que nous puissions poursuivre ce débat. Je rappelle à nos contradicteurs que j’ai admis l’existence d’actes répréhensibles de la part de la police. J’ai même précisé que la jurisprudence sur ce point est abondante. Mais vous devriez garder une chose à l’esprit : nous qui discutons de ce projet de loi sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme, nous écrivons la loi avec une plume et du papier, avec des mots. Nous décidons ici, calmement ou non, mais enfin dans la sécurité. Mais les policiers qui devront appliquer ce texte, eux, affrontent le danger, l’insulte souvent et la mort parfois. Eux risqueront leur peau pour exécuter la loi que nous aurons votée.
Je reconnais que vous n’avez pas tort sur tout, parce qu’il est vrai qu’il y a des abus – et j’appelle à des sanctions contre leurs auteurs. D’ailleurs ces sanctions tombent !
Justement pas ! Mais je voudrais que dans vos propos, vous accordiez à notre police le respect qu’elle mérite, et que vous n’oubliiez pas que les policiers aussi ont droit à la présomption d’innocence. (Applaudissements de certains des députés non inscrits.)
(L’amendement no 287 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l’amendement no 292. Je voudrais revenir sur l’exemple pris tout à l’heure par notre collègue, qui a énervé beaucoup de monde. Dans notre pays, on en demande toujours plus aux gens dans leur travail, tout en leur donnant de moins en moins de moyens. Par exemple, lorsqu’un soignant doit réaliser un soin sur une personne sans avoir le temps de le faire correctement, alors le soin se passe très mal, au point que cela devient de la maltraitance. Vous avez vraiment l’esprit de l’escalier ! C’est la même chose pour les gendarmes et les policiers, à qui l’on demande de faire toujours plus avec moins de moyens, et qui par précipitation se retrouvent dans des situations incontrôlables. Dire cela, ce n’est pas leur manquer de respect, c’est simplement être lucides quant à leur manque de moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
J’en viens au contenu de l’amendement. Une expérimentation relative au déclenchement automatique de caméras mobiles lors des contrôles d’identité est en cours. Elle a été instituée par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ; menée depuis février dernier, elle doit durer jusqu’au 1er mars 2018.
Le mécanisme faisant l’objet de l’expérimentation permet de lutter efficacement contre toutes les formes de discrimination à l’encontre des personnes contrôlées par les forces de l’ordre en vertu de l’article 78-2 du code de procédure pénale.
Toutefois cette expérimentation ne concerne que 23 zones en France, ce qui n’est pas suffisant pour se faire une idée des avancées et de la pacification apportées par ce dispositif. Par ailleurs il est possible que nous ne puissions même pas tirer tous les enseignements sur les effets de ce dispositif avant que celui-ci ne s’arrête. Il semble donc judicieux que cette expérimentation soit élargie et prolongée.
Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Et pourquoi donc ? Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable, car le Gouvernement, en lien avec le Conseil d’État, a pris en considération le niveau d’équipement en caméras mobiles de la police nationale et de la gendarmerie pour définir le périmètre de cette expérimentation. Rendre obligatoire l’enregistrement de l’ensemble des contrôles d’identité sur le territoire national reviendrait de facto à obliger la police nationale et la gendarmerie à équiper la totalité de leurs effectifs, alors même que nous attendons les résultats de l’expérimentation en cours. Et qu’il faut faire face aux baisses de dotations ! Soyez cependant assurés que le ministre de l’intérieur a bien la volonté de développer l’usage de ces moyens techniques dans la police et la gendarmerie. La parole est à M. François Ruffin. J’ai entendu parler de « haine anti-flics ». Je voudrais dire que ce n’est pas du tout le sentiment qui m’habite, au contraire. Peut-être qu’il ne vous habite pas, mais vous l’alimentez ! Si je pense que nous devrions envisager des dispositifs tels que le récépissé de contrôle d’identité, c’est à la fois pour les jeunes des quartiers populaires et pour les policiers eux-mêmes – et au-delà, pour la chose publique en général. Ce serait être aveugle que de nier le problème qui existe entre les jeunes des quartiers populaires et la police. Il y a bel et bien un problème :… Un problème avec l’autorité, ça c’est vrai ! …soit on détourne pudiquement le regard, en laissant la situation pourrir, en laissant la gangrène gagner notre République, soit on prend cette affaire à bras-le-corps.
Je lisais cet été un bouquin…
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.) On s’en moque pas mal, de vos lectures de vacances ! D’accord, alors dans cet hémicycle on n’a pas le droit de raconter d’anecdote, ni de citer des auteurs ? C’est bon ! Chers collègues, veuillez laisser parler M. Ruffin ! C’est un bouquin de Ta-Nehisi Coates, un essayiste américain, intitulé Une colère noire , en forme de lettre adressée à son fils. Il l’y avertit des violences qu’il aura à subir aux États-Unis, notamment de la part de la police. Il y relate aussi un voyage qu’il a fait à Paris avec son fils… Formidable ! …Ce sont de très belles pages, où il écrit : « Notre couleur de peau n’est pas un signe distinctif à Paris, pas autant que le fait d’être américains, dont témoignait notre piètre maîtrise du français. Nous n’avons pas été réduits à l’esclavage en France, nous ne sommes pas le problème particulier des Français ni leur fierté nationale, nous ne sommes pas leurs nègres. »
Moi, je me demande où nous en sommes dans cette histoire, et surtout j’aimerais qu’on puisse continuer à dire, non seulement à Paris mais aussi à Aulnay-sous-Bois ou à Beaumont-sur-Oise que la couleur de peau n’est pas un signe distinctif, mais je n’en suis pas certain. J’aimerais que cette guerre larvée cesse, à la fois pour nous, pour les habitants des quartiers populaires, et pour la police elle-même.
Faut arrêter de faire des films, cela ne vous réussit pas ! On n’a pas compris la fin de votre raisonnement !
(L’amendement no 292 n’est pas adopté.)