XVe législature
2e session extraordinaire de 2016-2017

Séance du jeudi 28 septembre 2017

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (nos 104, 164, 161). Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 6. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 6.
La parole est à M. Loïc Prud’homme.
Madame la présidente, mes chers collègues, l’article 6 vise à mettre le fichier PNR – données des dossiers passagers –, dans lequel sont enregistrées les listes de passagers empruntant les transports aériens, en conformité avec le droit de l’Union européenne, à la suite de l’adoption d’une directive de 2016 qui définit les infractions pour la prévention et la répression desquelles ces données peuvent être utilisées.
Comme nous l’avions indiqué dans notre programme « L’Avenir en commun », nous sommes pour la remise en question des pratiques et dispositifs de surveillance de masse, ainsi que pour l’interdiction du fichage généralisé des citoyens. D’ailleurs, le Gouvernement n’a apporté aucun élément tangible tendant à montrer que ce dispositif de fichage généralisé aurait eu une quelconque utilité, notamment en permettant de prévenir un attentat sur le sol français ou à l’étranger.
Pour toutes ces raisons et en cohérence avec notre opposition à la prorogation sans aucune durée limite du fichier PNR proposé à l’article 5 du projet de loi, nous sommes contre l’adoption de l’article 6.
La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade. La discussion sur les articles 6 et 7 nous permet de prendre un peu de hauteur. En effet, la dimension européenne est largement absente des débats qui animent nos jours et nos nuits depuis le début de la semaine – pas un mot ou presque. Or, mes chers collègues, la France n’est pas une île, elle n’est pas coupée du reste du monde, elle est au cœur de l’Europe. Depuis 2001, plus de 2 300 Européens sont morts sur notre continent du fait d’attentats terroristes et notre pays a payé un lourd tribut ces dernières années.
Vous le savez, les terroristes se jouent des frontières. Ils prospèrent, en Europe, sur le manque de coopération entre les services de renseignement et l’absence d’interopérabilité entre les bases de données. Le terrorisme sans frontières ne pourra être vaincu sans un renseignement sans frontières. Le Président de la République l’a rappelé dans son discours de la Sorbonne : « Dans la lutte contre le terrorisme, l’Europe doit assurer le rapprochement de nos capacités de renseignement ».
Je tiens à le souligner dans cet hémicycle, ces articles sur le PNR sont très importants car ils permettent de transposer en droit français une directive votée depuis plus d’un an et demi par le Parlement européen. Le PNR n’est ni la potion magique contre le terrorisme que certains voudraient nous faire croire ni le monstre liberticide que d’autres décrivent. Il n’est qu’un instrument dans l’arsenal nécessaire pour aider nos services de renseignement et de sécurité à collecter et traiter les informations utiles dans la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité.
La parole est à Mme Séverine Gipson. Les eurodéputés ont adopté il y a plus d’un an, le 14 avril 2016, la directive créant le registre européen des données des passagers aériens, dit PNR, afin de doter l’Union de meilleurs outils pour faire face à des menaces terroristes. Le texte, mis sur la table en 2011 par la Commission européenne, a été voté à une large majorité par le Parlement européen : 465 voix pour, 179 contre et 9 abstentions.
Les terribles attaques terroristes de janvier et de novembre 2015 à Paris et de mars 2016 à Bruxelles ont montré que l’Europe devait amplifier sa réponse commune pour combattre le terrorisme et le crime organisé. C’est pourquoi cette directive doit être transposée dans le droit des États membres d’ici au 25 mars 2018. L’Union européenne aura alors un arsenal de prévention et de défense commun.
La menace terroriste aujourd’hui présente en France et en Europe continuant malheureusement de frapper, elle justifie l’impérieuse nécessité d’adopter les articles du texte que nous examinons maintenant. En effet, la France, qui a joué un rôle moteur pour l’adoption du PNR européen, ne doit pas se dérober devant ses responsabilités. Il est grand temps de doter notre pays d’un outil précieux pour renforcer la sécurité des citoyens européens en facilitant en amont le repérage des mouvements des terroristes empruntant les transports aériens.
Les articles dont nous allons discuter ce matin visent à mettre en conformité le système français avec la directive de l’Union européenne. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, en quoi le PNR aérien est nécessaire dans la lutte contre le terrorisme et de quelle façon les données récoltées seront traitées afin de protéger les libertés fondamentales ?
Nous ne sommes pas aux questions au Gouvernement ! Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 272 et 423, tendant à supprimer l’article 6.
La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 272.
Comme je l’ai déjà souligné, cet article est un bel exemple de transposition fidèle et zélée d’un texte européen, en l’occurrence la directive européenne relative à l’utilisation des données des dossiers passagers « pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière » – vous avez recopié mot à mot l’intitulé de la directive –, lorsque ces infractions sont punies d’une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’une durée similaire.
Nous sommes, nous aussi, cohérents en demeurant opposés à votre volonté d’autoriser la surveillance de masse de nos concitoyennes et concitoyens. Il s’agit là d’une mesure aussi liberticide et idéologique qu’inefficace, comme je l’ai également déjà souligné.
Ce sont autant de raisons pour lesquelles nous ferons front contre toutes mesures de surveillance générale de millions de voyageurs et de voyageuses. Nous vous proposons, chers collègues, de supprimer l’article 6 au moyen de notre amendement.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement identique no 423. S’il est injustifiable, cela a déjà été dit, que la CNIL – la Commission nationale de l’informatique et des libertés – n’ait pas été préalablement consultée, il convient ce matin d’entendre son avis.
Elle s’inquiète particulièrement des données PNR, un fichier expérimental composé d’informations non vérifiées, données par les voyageurs aériens aux transporteurs et que le projet de loi souhaite pérenniser et étendre à la prévention des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. Il s’agit, relève la CNIL, d’« un type de traitement de grande ampleur, susceptible d’avoir une incidence majeure sur le droit au respect de la vie privée ». La CNIL, qui revendique une position de « juste conciliation », salue par ailleurs l’ajout de garde-fous, comme l’exclusion des mots de passe de la liste des éléments à déclarer par les services d’abonnement ou un droit d’accès indirect,
via la CNIL, aux informations recueillies sur un citoyen. Néanmoins la CNIL souligne que ces garde-fous sont trop parcellaires : « il leur manque […] une composante essentielle : un contrôle indépendant et global de la gestion de ces fichiers. » En l’état, observe-t-elle, les fichiers de données constitués échapperaient à tout contrôle externe général. Elle souligne enfin un « risque collectif d’affaissement du niveau de sécurité ».
Le chiffrement, soit l’ensemble des techniques permettant de sécuriser des données pour éviter leur exploitation à des fins malveillantes, n’est pas évoqué dans le projet de loi, alors qu’il fait l’objet aux États-Unis d’importants débats entre défenseurs de « portes dérobées » –
backdoors – pour permettre à des enquêteurs l’accès aux données de smartphones, et leurs opposants.
Les données des voyageurs conservées durant cinq ans, un laps de temps bien trop considérable, sont plus que vulnérables face à des
hackers toujours plus efficaces et organisés.
Enfin, ces fichiers de collecte systématique et généralisée de données personnelles de passagers non soupçonnés, susceptibles d’être partagées avec les États membres et des États tiers, constituent une atteinte grave et de grande ampleur au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles, qui sont protégées par les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 8 de la Convention européenne de droits de l’homme. Nous demandons donc la suppression de l’article 6.
La parole est à M. Raphaël Gauvain, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques. Défavorable. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Avis défavorable à ces amendements de suppression pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées hier soir. Un, contrairement à ce que j’ai entendu, le PNR est efficace et nécessaire. Deux, nous sommes tenus par les traités de transposer la directive européenne ; j’ignore s’il s’agit d’une « transposition fidèle et zélée », mais c’est en tout cas une exigence constitutionnelle. Nous ne sommes tenus à rien ! C’est ici que les choses devraient se décider ! Mais l’Assemblée est une chambre d’enregistrement ! La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement. L’avis du Gouvernement est défavorable et je voudrais apporter quelques précisions.
Le système PNR est évidemment un instrument essentiel de nos services dans la lutte contre le terrorisme et contre les formes graves de criminalité. Son exploitation à titre expérimental, depuis 2016, a déjà produit des résultats très concluants d’un point de vue opérationnel, qui valident le bien-fondé de la démarche.
Il a par ailleurs déjà été souligné que la pérennisation de ces systèmes est justifiée par la nécessité d’une transposition complète et conforme de la directive relative à l’utilisation des données des dossiers passagers – PNR – avant le 25 mai 2018, le délai a été rappelé.
Enfin, la directive PNR pose les conditions d’un encadrement très strict visant à assurer un équilibre entre, d’une part, la lutte contre les infractions et, d’autre part, la garantie de liberté des citoyens. Il n’était pas nécessaire de consulter la CNIL ; c’est le Conseil d’État, lorsqu’il est saisi d’un projet de loi, qui décide si elle doit être consultée.
Cela n’aurait rien coûté. Peut-être, mais les projets de loi qui ne dérogent pas au cadre de la loi de 1978 – c’est le cas en l’espèce – n’ont pas à être soumis à la CNIL. La parole est à M. Fabien Gouttefarde. Je tiens simplement à préciser qu’il n’est absolument pas question, à travers ces mesures, d’un fichage de masse, comme cela a été affirmé hier soir, bien au contraire ! Si, comme vous l’avez souligné, monsieur Lecoq, les données sont conservées durant une période de cinq ans à compter de leur réception dans le système, en réalité, les données susceptibles de révéler l’identité des passagers font l’objet d’un traitement spécifique, appelé « masquage », et, à l’issue d’un délai de deux ans, bien que conservées, elles ne peuvent plus être communiquées aux agents des services demandeurs, sauf autorisation expresse du directeur de l’IUP – unité d’information passagers –, après formulation d’une demande motivée. De plus, en application du point 2 de l’article 12 de la directive, ce délai sera réduit à six mois.
Je voulais ajouter qu’il est fort étrange que nos collègues de La France insoumise s’offusquent que les pouvoirs publics collectent ces données provenant des centrales de réservation, alors que ces acteurs privés en font quelquefois un usage commercial. Nous préférons que ces données, utilisées par certains à des fins de publicité ciblée, soient utiles à la protection de nos concitoyens.
La parole est à M. Éric Ciotti. Je trouve ce débat totalement ahurissant. Je ne comprends pas, mes chers collègues insoumis ou communistes, qu’on puisse s’opposer en toute bonne foi à un dispositif qui a démontré sa capacité à mieux protéger nos concitoyens contre le terrorisme. Ce n’est pas vrai. Dire que je suis étonné serait trop faible. Rendons-nous compte du temps qui a été perdu à cause de positions telles que la vôtre ! Je me souviens d’une réunion de la commission LIBE – la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen –, juste après l’attentat visant Charlie Hebdo , en 2015, à Bruxelles, où j’avais conduit une délégation du Parlement français. Combien de temps a été perdu à cause de blocages dus à de tels arguments, qui sont d’une extraordinaire mauvaise foi ? Nous n’avons toujours pas de PNR français opérationnel. Nous sommes encore en phase expérimentale – je ne fais aucun procès à ce gouvernement, car la responsabilité est très largement partagée – mais cet outil technique, qui n’est en aucune façon attentatoire aux libertés, offre aux services de renseignement des informations extraordinairement précieuses.
Sincèrement, avec ces arguments que vous soulevez en permanence, nous en sommes à nous demander si vous voulez réellement lutter contre le terrorisme.
Oh ! Ça va bien ! Quel argument original ! La parole est à M. Loïc Prud’homme. En matière de mauvaise foi, je ne crois pas avoir de leçon à recevoir de votre part, monsieur Ciotti. Ça, c’est sûr ! Quant à l’efficacité de cette mesure, que vous soutenez, elle n’a jamais été démontrée : le fichage généralisé des citoyens n’a jamais permis de lutter contre les actes de terrorisme.
Vous pouvez nous accuser d’être laxistes sur ce sujet mais nous n’avons pas encore été en position d’exercer le pouvoir dans ce pays.
Heureusement ! Ce n’est pas demain la veille ! Quand nous le serons, nous vous expliquerons comment lutter efficacement contre les actes de terrorisme. Au secours ! Voyez ce qui se passe au Venezuela ! Par ailleurs, permettez-moi de rappeler à mon collègue du groupe La République en marche qu’en matière de constitution de fichiers, il ne faut pas être naïf : une fois que le fichier a été constitué, il est bien difficile d’en contrôler l’utilisation. Comme l’explique la CNIL, le fichier peut être piraté ou utilisé à l’insu des services qui l’ont alimenté. Ceux qui manient des fichiers en big data connaissent bien les risques qu’ils comportent. La parole est à M. Sylvain Waserman. Je veux évidemment exprimer mon soutien à l’article 6 et dire que les amendements de suppression nos 272 et 423 ne me semblent pas pertinents. Je veux aussi appeler votre attention sur deux points.
Nous sommes tous attachés à la liberté individuelle et le sujet de l’utilisation des données est une question évidemment majeure. Mais le monde va plus vite que nous, il est aujourd’hui dans le
big data , dans un mouvement d’information continue. Pour le citoyen, il paraît naturel et logique de décliner son identité, par exemple quand on prend l’avion, et il est incompréhensible que les dépositaires de la puissance publique, garants tant de nos libertés que de notre sécurité, ne puissent pas accéder à ces données.
Je pense que ce débat fondamental reviendra à de nombreuses reprises au cours de la discussion des prochains textes que nous aurons à examiner. Réussirons-nous à être à la hauteur des défis actuels en matière de transmission et d’utilisation des données ? Il convient de distinguer la donnée elle-même de l’usage qui en est fait. Il ne faut pas oublier non plus que les citoyens nous regardent et que les délais nécessaires pour partager des données déjà détenues à un niveau individuel paraissent longs – ils se comptent en années. Il est urgent d’améliorer notre culture générale sur ce sujet.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. La question n’est pas de donner aux services de renseignement les moyens de lutter contre le terrorisme. Pour notre part, nous sommes les premiers à lutter contre le terrorisme – peut-être mieux que vous, d’ailleurs, parce que nous considérons qu’il faut aussi agir sur les causes qui peuvent conduire certains individus à devenir des terroristes. Nous aussi ! Nous n’agissons pas que sur les conséquences. C’est peut-être la différence entre vous et nous. Pas du tout ! Si, mon cher collègue !
S’agissant des fichiers de données, nous sommes très attachés au service public. Nous avons beaucoup plus confiance dans le service public que dans toute société privée qui viendrait, dans nos ambassades, gérer les visas, les fichiers et exploiter les données en lieu et place du service public. Construisez donc un service public, un dispositif public protégé garantissant la sécurité des citoyens ! Ensuite, nous pourrons reparler des questions de fichiers !
La parole est à M. Philippe Vigier. Dans notre arsenal de lutte contre le terrorisme, nous devons nous doter de tous les outils. J’entends bien ce que vient de dire notre collègue Lecoq : il faut d’abord tuer les racines du terrorisme. Bien sûr, cela doit être une action commune, mais il n’y a pas que cela.
Dans notre pays, en Europe et dans le monde, nous avons été marqués par le terrorisme. Rappelez-vous ces images des
Twin Towers , aux États-Unis, le 11 septembre 2001… Personne ne les a oubliées. Nous avons connu des avions fous, des camions fous, comme à Nice, et nous connaîtrons peut-être un jour des bateaux fous. Que dira-t-on si nous avons laissé une petite maille ouverte dans la raquette, si nous n’avons pas utilisé un dispositif adéquat pour lutter contre un terroriste ? Nous ne devons rien laisser passer.
Quand vous prenez un avion, n’avez-vous pas une carte d’embarquement ? Ne présentez-vous pas une carte d’identité ? Quand vous prenez un TGV, ne montrez-vous pas une carte d’embarquement ou un ticket ? Quand vous vous baladez dans les rues des grandes villes, par exemple à Londres, la capitale d’un grand pays connu pour la protection très forte qu’il accorde aux libertés individuelles, n’êtes-vous pas filmés par un réseau de caméras dix fois plus important que ce que nous connaissons en France ?
Hélas !
BigBrother ! Cela n’empêche pas qu’il y ait des attentats à Londres ! Quand vous allez au supermarché, n’êtes-vous pas tracés ? Enfin, mon cher collègue, les mains qui utiliseront ces données ne sont pas celles de n’importe qui : ce sont des mains expertes. La ministre l’a dit tout à l’heure : la CNIL n’avait pas besoin d’être saisie.
Je suis tout autant que vous attaché à la garantie des libertés individuelles. Mais les citoyens qui ne sont pas des terroristes et qui n’ont pas vocation à l’être n’ont rien à se reprocher. Je ne vois donc pas d’inconvénient à ce que nous nous donnions tous les moyens pour lutter contre le terrorisme. Les moyens technologiques iront toujours plus vite : utilisons-les ! De grâce, ne laissons rien passer, sous peine de recevoir un reproche collectif des générations qui nous suivront !
La belle société que vous nous préparez !
(Les amendements identiques nos 272 et 423 ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 154. Le Gouvernement veut supprimer, à l’article L. 232-1 du code de la sécurité intérieure, la surveillance actuellement pratiquée sur les réservations de billets pour des déplacements internationaux. En supprimant le contrôle des registres de réservations, le Gouvernement veut baisser la garde alors qu’au même moment, jour après jour, l’État islamique se réduit comme peau de chagrin.
Que pensez-vous que les islamistes partis combattre à l’étranger vont faire maintenant ? Tout simplement le chemin inverse : ils reviendront chez nous. Après avoir quitté la France, ils vont y revenir, et cette fois ce ne seront plus des hommes, des femmes ou des enfants radicalisés, mais des soldats armés, formés et habitués à la violence. Dans un contexte de guerre islamiste, peut-on se permettre de réduire le champ de contrôle des déplacements de ces individus ou de leur volonté de déplacement ? Une fois encore, nous devons être intraitables et sans scrupule. Nous devons utiliser tous les moyens de contrôle légitimes, qu’il s’agisse des systèmes de contrôle des départs ou des systèmes de contrôle des réservations. Ces données informatiques sont nécessaires.
J’entends ceux qui invoquent la protection des données personnelles et des libertés individuelles pousser des cris d’orfraie, mais n’inversons pas les choses ! Pour préserver notre liberté et protéger la vie de tous les Français, ce contrôle est nécessaire. Rétablissons-le !
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. La parole est à M. le rapporteur pour avis. La commission de la défense est également défavorable à cet amendement. Nous ne désarmons pas : nous ne faisons que nous conformer à la réalité opérationnelle. En pratique, le système européen de traitement des données d’enregistrement et de réservation SETRADER ne recueille et n’exploite que les données d’enregistrement – les API, les informations préalables relatives aux passagers –, et non les données de réservation de type PNR. D’ailleurs, l’arrêté portant création de SETRADER ne concerne que les données API. Par conséquent, l’alinéa 2 de l’article 6 se borne à mettre les dispositions législatives en accord avec la réalité opérationnelle.
(L’amendement no 154, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Nous en venons à l’amendement no 304, sur lequel je suis saisie par le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement.
L’article 6 vise à transposer la directive européenne relative au PNR. Vous savez que le mûrissement de ce texte à Bruxelles a été long, puisqu’il a commencé en 2011. Six ans plus tard, alors que la France développe déjà un tel système à titre expérimental, elle doit, à mes yeux, faire partie des pays chefs de file sur ce dossier. Il y va de notre responsabilité.
Cependant, si le dispositif intègre tous les vols intra-européens et intercontinentaux, il exclut les vols intramétropolitains, c’est-à-dire les vols France-France, à l’exclusion des vols au départ des départements et collectivités d’outre-mer ou vers eux. Les vols intramétropolitains échapperont donc au recueil des données PNR, qu’il convient pourtant de récupérer afin d’empêcher l’embarquement d’un éventuel passager terroriste.
Je ne comprends pas au nom de quoi vous élargissez un dispositif tout en écartant tout ce qui se passe en France métropolitaine. On va me répondre que le nombre de passagers est trop important, et que le recueil des données serait très compliqué puisqu’il est possible de réserver un vol une heure à l’avance et qu’on ne dispose alors pas du temps nécessaire pour compiler les données informatiques. Mais je ne suis pas du tout convaincu par cet argument.
Il me semble que nous sommes des fers de lance pour la mise en œuvre de ce dispositif. Notre pays a été durement frappé par les attentats et nous savons très bien que les risques sont multiformes. Mon amendement vise donc à nous rendre capables d’avancer sur ce sujet. Il ne constitue pas une atteinte à la liberté individuelle, mais il permettra d’éviter de se rendre compte, dans quelques années, que le dispositif présentait une faille. Il convient de combler celle-ci, d’abord dans notre pays, puis sur l’ensemble du territoire européen.
Madame la ministre, je souhaiterais vraiment que vous entendiez cet argument, que j’ai d’ailleurs soumis au ministre d’État, ministre de l’intérieur, il y a quelques jours, ne comprenant pas pourquoi, dans le cadre de la transposition de la directive relative au PNR, le système français n’incluait pas tous les vols intramétropolitains.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. La parole est à M. le rapporteur pour avis. La commission de la défense est également défavorable à cet amendement. Monsieur Vigier, vous avez évoqué le nombre de passagers. Un tel dispositif concernerait en effet un volume de près de 25 millions de passagers, pour un intérêt opérationnel très relatif. Parlez-vous de 25 millions de passagers par jour ? Par an ? Je parle de 25 millions de passagers par an, avec un intérêt très, très, très relatif. Il s’agit de vols courts, avec des temps d’attente très réduits avant l’embarquement, ce qui laisserait donc aux services peu de temps pour agir le cas échéant. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Vigier, vous posez avec cet amendement une question très importante, à laquelle je souhaite bien sûr répondre. Comme vous le savez – vous l’avez d’ailleurs vous-même rappelé –, la France a joué un rôle très important dans les discussions visant à doter l’ensemble des membres de l’Union européenne d’un système PNR. M. Ciotti et vous-même avez rappelé la durée des négociations, notamment à cause d’un groupe qui a retardé la mise en œuvre de ce système.
À ce stade, le Gouvernement estime que la priorité doit être donnée à la transposition de la directive et au raccordement de notre système national aux vols entre pays de l’Union européenne et hors de l’Union. Sur le plan opérationnel, cela n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît : il faut mettre en place un certain nombre de choses. Nous attendons bien sûr des résultats importants en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.
La question de l’extension de ce système aux vols domestiques, que vous posez, n’est évidemment pas illégitime. Cependant, je souhaite vous faire quelques observations.
Les services de renseignement – je ne parle pas ici des services techniques – ne demandent pas d’inclure les vols intérieurs dans le système. Bien sûr, tout système est perfectible mais, pour l’instant, je m’en tiens aux arguments avancés par les rapporteurs.
Tout d’abord, votre amendement augmenterait de façon considérable – de 30 à 35 % – le nombre de passagers concernés, ce qui poserait nécessairement la question des moyens matériels et humains nécessaires pour traiter ces flux supplémentaires.
Surtout, sur un plan opérationnel, il n’est pas certain qu’un tel effort – qui pourrait être effectué, je vous l’accorde – présente un intérêt évident.
L’utilité du fichage n’est pas prouvée ! Mme la ministre a raison, c’est complètement inutile ! En effet, les réservations s’effectuent souvent le matin pour le soir, les embarquements peuvent être annulés, d’autres personnes interviennent et la durée de ces vols fait obstacle à l’analyse des données d’enregistrement, récoltées, comme vous le savez, au moment de la clôture du vol.
Pour toutes ces raisons, tout en comprenant parfaitement les motivations d’un tel amendement, le Gouvernement souhaite – pour l’instant – se concentrer sur l’achèvement du système PNR résultant de la directive.
Je vous invite, comme nous l’avons déjà évoqué, à venir vérifier sur place, dans un aéroport, ce que je viens de dire et l’opérationnalité potentielle de votre amendement. Cher Philippe Vigier, son retrait serait un geste de compréhension de la situation dans laquelle nous nous trouvons, à la fois sur le plan de l’efficacité et sur le plan opérationnel.
La parole est à M. Philippe Vigier. Madame la ministre, merci de votre réponse et de votre diplomatie, que je connais depuis longtemps.
Cependant vous m’avez davantage convaincu que ne l’a fait le rapporteur, que je souhaiterais inviter à une seconde de réflexion : le temps de vol entre Londres et Paris est plus court qu’entre Nice et Paris – je parle sous le contrôle d’Éric Ciotti –, et je vous assure que l’on peut prendre un billet à Londres une demi-heure avant le décollage. J’entends donc la proposition de la ministre mais il conviendrait de réfléchir aux lignes que nous savons être les plus exposées.
Épargnez-moi l’explication selon laquelle on n’aurait pas le temps de traiter les données informatiques ! Pour avoir eu l’occasion de travailler, dans ma vie parlementaire, sur les taxes sur les transactions financières et sur la traçabilité de ces opérations qui s’effectuent à l’échelle de la milliseconde, je sais qu’on parvient à savoir, à la milliseconde, qui donne un ordre à tel endroit de la planète. L’idée qu’on ne parviendrait pas à savoir que quelqu’un a réservé un avion une demi-heure à l’avance ne tient donc pas une seconde.
Mais vous m’avez convié, madame la ministre, à voir avec Paris Aéroport comment le système pourrait être opérationnel. Compte tenu de votre geste et de votre proposition, je retire mon amendement.
(L’amendement no 304 est retiré.) C’était bien la peine de demander un scrutin public !
(L’article 6 est adopté.) La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 488. Le débat sur le PNR était déjà intéressant et cet amendement propose de compléter ce dispositif.
Nous avons entendu les arguments de Mme la ministre et les précisions apportées à propos de la CNIL. Celle-ci, même si elle n’a pas été saisie du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, a formulé des observations, auxquelles nous devons être attentifs. Elle a ainsi précisé qu’il lui incombe de veiller à l’équilibre entre le contrôle des données personnelles et le respect de la vie privée. Depuis longtemps, la France et les parlementaires que nous sommes avons, tous ensemble, défendu la CNIL.
Le projet de loi que nous examinons supprime certains éléments expérimentaux des données PNR, conformément à la directive européenne. Le fait d’instituer ce dispositif de façon permanente n’ôte rien cependant à l’exigence d’évaluation, ce que prévoit précisément la directive, au moyen notamment d’une clause de réexamen de l’ensemble du dispositif, sur la base des informations communiquées sur les États membres.
Compte tenu de plusieurs autres dispositions visant le contrôle de la communication des voyageurs et l’établissement des bases de données qui en résultent, notre amendement tend à réaffirmer la compétence d’évaluation de la CNIL en la matière. Les autorités de ce type étant reconnues par tous les États au niveau européen, il serait important que nous puissions compléter le présent texte en réaffirmant la compétence essentielle, en particulier, de la CNIL française, pour l’évaluation des différents dispositifs relatifs aux données personnelles dans ce domaine.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. La parole est à M. le rapporteur pour avis. J’émettrai également un avis défavorable. Cet amendement est en effet déjà satisfait, car la CNIL, conformément à ses attributions, procède déjà régulièrement à des contrôles auprès de l’UIP, l’unité information passagers. Lors de son audition, le directeur de cette unité nous a du reste indiqué que la CNIL venait déjà régulièrement la contrôler. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame Karamanli, la CNIL sera consultée sur le projet de décret en Conseil d’État relatif au système PNR France qui sera mis en œuvre. Elle pourra, à cette occasion, s’assurer que les garanties applicables aux personnes concernées sont suffisantes.
Enfin, comme vient de le dire le rapporteur, la CNIL dispose de larges pouvoirs de contrôle
a posteriori et pourra donc veiller à ce que soient respectés les principes fixés par la loi de janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que les règles prévues par la directive PNR et transposées dans le droit français, notamment en matière de garanties applicables aux personnes concernées.
Pour ces raisons, le Gouvernement considère que votre amendement n’est – comment le dire élégamment ? – pas utile.
La parole est à Mme Marietta Karamanli. Je tiens à insister sur le fait que, s’agissant d’un texte de cette importance et au terme du travail que nous avons mené ensemble sur la question du PNR, il importe aussi que la CNIL soit associée à tous les stades. Le décret en Conseil d’État pourrait donc préciser, comme il est proposé dans l’amendement, les conditions de cette participation, qui pourrait n’être pas seulement a posteriori . C’est important pour la garantie des libertés publiques et privées.
(L’amendement no 488 n’est pas adopté.) Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 7.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.
Députés d’une majorité territoriale autonomiste, mes collègues et moi sommes partisans de l’État de droit, de la démocratie, de la transparence, du respect des droits des individus et de la vie humaine. Il n’est pas en jeu ici d’être caution d’un quelconque terrorisme – il ne faudra pas comprendre ce genre d’idées dans mes propos.
Néanmoins, ce projet de loi – né, je le répète, dans un contexte particulier, mais qui a vocation à être généralisé – ne caractérise pas assez ce que sont réellement les « actes de terrorisme » ni les « atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation ». Cela peut laisser présager que l’on s’engage sur des terrains glissants, avec le risque de voir apparaître une police politique ou des interprétations restrictives – j’en veux pour preuve certains débats qui ont amalgamé à diverses situations.
Nous ne voulons pas entrer dans la prise en compte de catégories localisées mais il faut différencier les situations. Il y a, dans une démocratie ou dans un pays, des situations de conflit politique, voire de violence politique qui, même si elles sont répréhensibles, ne sont pas forcément du terrorisme. Dans certaines situations, il y a du terrorisme parce qu’il y a négation de l’homme, de l’humain, des droits fondamentaux de la personne. Il y a des degrés d’intensité de violence qui conduisent à appeler cela du terrorisme.
Il faudra aborder ces questions, car il existe aussi des contextes de conflits sociaux ou politiques qui doivent être traités autrement que par des lois d’exception. Cela n’empêche pas non plus d’appliquer la justice et d’employer la police de manière ordinaire. Mais cela demande d’autres solutions que d’accélérer en klaxonnant et de foncer dans un mur, surtout lorsqu’un apaisement est en cours, ce qui est le cas en Corse et au Pays basque, avec un arrêt des violences et un dépôt des armes.
Lorsqu’on fait le contraire et qu’on fonce en klaxonnant, on risque de souffler sur les braises. Or, parmi les causes qui ont provoqué ces situations, l’État et les gouvernements successifs n’ont pas été exemplaires. Je vous engage donc à un peu d’humilité et de sens de la mesure.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Le traitement des données à caractère personnel en matière de lutte contre le terrorisme islamiste ne doit bien évidemment avoir qu’un seul objectif : l’efficacité. L’objet du projet de loi que nous examinons est de nous protéger contre le terrorisme islamiste. Le titre du projet de loi fait référence au terrorisme en général ! L’adjectif « islamiste » n’y figure pas ! Nous en discuterons tout à l’heure, lors de l’examen du titre. Vous touchez une prime chaque fois que vous prononcez le mot ? Pourquoi, dès lors, serait-il impossible de traiter des données à caractère religieux ? La non-discrimination a bon dos. Là encore, privilégions une approche pragmatique : si nos ennemis revendiquent ouvertement de perpétrer leurs actes au nom de l’islam – que celui-ci soit, ou non, mal interprété n’est pas l’objet du débat –, il me semble opportun, et même nécessaire, d’utiliser les données personnelles qui peuvent faciliter le profilage des personnes susceptibles de perpétrer des attentats. Vous voulez faire un fichier religieux ! Non ! Si ! Toujours dans un souci de réalisme, on ne comprend pas bien pourquoi ces données devraient être effacées au bout de cinq ans, alors que l’on sait que certaines personnes peuvent mettre des années à se radicaliser avant de passer à l’acte. Un fichier à vie pour les musulmans ! Sans nier notre État de droit, des dérogations strictement encadrées doivent exister pour que les données permettant d’identifier nos ennemis ne soient pas détruites. Il ne faut pas, je le répète, se tromper de combat. Quelle honte ! La parole est à M. Paul-André Colombani. Alors que nous vivons dans une société où nos concitoyens craignent de plus en plus pour la sécurité de leurs données personnelles, on autorise ici un ministre à effectuer unilatéralement un fichage sans contrôle ni même simple avis du juge judiciaire, au motif d’un terrorisme que l’on ne veut pas nommer et des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation.
Pourtant, ce n’est pas la nation française qui a été spécifiquement visée par le terrorisme. Berlin, Stockholm, Londres, Barcelone, Bruxelles et d’autres villes ont été visées par un adversaire qui cible tout ce que l’Europe représente et le hait. La lutte contre le terrorisme ne peut se faire qu’à un niveau européen. Le parquet européen, FRONTEX – l’Agence européenne de garde-côtes et garde-frontières –, TRACFIN – le service de traitement du renseignement et d’action contre les circuits financiers clandestins – sont des instruments qui illustrent le fait que l’échelle d’une nation est dépassée face à de tels enjeux. Le Président Macron n’a pas dit autre chose, avant-hier, en appelant à la création d’un parquet antiterroriste européen.
Si un individu radicalisé domicilié en France devait, sans pour autant verser dans le terrorisme, porter atteinte à des intérêts fondamentaux des Italiens, des Allemands ou des Belges, la rédaction de l’article 7 se révélerait indigente. En effet, c’est souvent dans d’autres pays européens que s’alimente la radicalité qui sévit en France. C’est dans une logique de coopération des services de renseignement européens que l’efficacité se joue.
La parole est à M. Jean-François Eliaou. L’article 7 stabilise dans la loi la création d’un PNR maritime. Je tiens à saluer les avancées obtenues avec cet article attendu et avec l’amendement déposé par le rapporteur pour avis.
La menace terroriste toujours présente, la croissance significative du trafic maritime sur toutes les côtes françaises, avec un volume annuel de 32,5 millions de passagers, et un secteur maritime présentant des vulnérabilités auxquelles il est important de remédier, nous conduisent à pérenniser le PNR maritime, dont la phase d’expérimentation se termine le 31 décembre 2017. Complété par le recueil et le traitement automatisé de données équivalentes à celles de l’API – système d’informations préalables relatives aux passagers – aérien, ce dispositif fonctionnel permettra une sécurisation du trafic maritime comparable à celle du trafic aérien.
Toutefois, la question de la création d’une UIP maritime n’apparaît pas clairement dans le texte en l’état. Il est souhaitable qu’elle soit mise en œuvre au plus tôt, afin de faciliter une exploitation contrôlée des données recueillies par le dispositif API-PNR maritime. J’y suis personnellement favorable, en dépit de son coût relativement élevé. Je souhaite donc que le Gouvernement puisse nous éclairer sur ce point. Nous pourrions même aller plus loin en fusionnant, à terme, cette future UIP maritime avec l’UIP aérienne de Roissy.
Enfin, la prochaine étape, ou l’objectif à atteindre, est l’évolution nécessaire vers une plus grande mutualisation des données maritimes et aériennes françaises avec celles de nos amis européens.
La France se dote actuellement d’un appareil législatif performant et dispose de compétences techniques élaborées pour préserver ses frontières et son territoire, dans le respect des libertés individuelles.
La parole est à M. Didier Le Gac. Je souhaite bien faire comprendre que l’article 7 vise à protéger notre pays contre le risque d’une attaque terroriste en mer et tient donc compte des spécificités maritimes. Notre législation a déjà répondu à ce risque avec, d’une part, la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires et, d’autre part, la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.
Dans ce contexte, il convient d’agir sur la prévention, comme le fait le PNR aérien, en pérennisant cette fois le PNR maritime, qui fut introduit à titre expérimental par la loi du 20 juin 2016 sur l’économie bleue. Il s’agit d’anticiper et de prémunir notre pays contre une menace terroriste qui pourrait avoir pour cadre un navire de commerce, marchand ou de passagers. Je rappelle à la représentation nationale que de tels faits, même s’ils sont rares, se sont déjà produits par le passé : nous nous souvenons tous de l’attaque le 8 octobre 1985 contre le paquebot de croisière italien
Achille Lauro .
Qui pourrait aujourd’hui balayer d’un revers de main toute menace sur les navires de croisière, les ferries et autres navires, transportant près de 32 millions de passagers par an à travers le monde ? Ce risque augmente parallèlement au développement du marché des croisières et au gigantisme des navires. Pouvons-nous imaginer les conséquences d’une attaque terroriste sur un navire avec à son bord 8 400 personnes ? C’est la hantise des préfets maritimes. Le préfet maritime de l’Atlantique, que nous avons rencontré récemment, nous a confirmé qu’il y avait déjà eu des tentatives d’attentats terroristes en mer et que les autorités devaient se préparer à cette menace.
Notre pays a donc le droit et même le devoir de mettre en place un système de croisement et d’analyse des données d’enregistrement des équipages et des passagers, d’agir en amont, sans remettre en cause la liberté de circulation des personnes et des biens, tout en renforçant leur sécurité, en optimisant l’anticipation des forces de protection. Tel est le défi qui nous est lancé : l’article 7 y répond.
La parole est à M. Jean-Michel Jacques. La gendarmerie maritime a renforcé ses pelotons de sûreté portuaire et mis en place, depuis août 2016, des équipes de protection des navires à passagers.
L’article 7 a pour objectif de protéger nos concitoyens. Nous ne pouvons pas ignorer le nombre de personnes voyageant à travers le monde par les voies maritimes. Ce nouvel outil législatif permettra, à l’instar du PNR aérien, de prévenir les actes terroristes. En Atlantique, en Manche, en Méditerranée et dans les collectivités d’outre-mer, la France a le devoir de mettre en place un système de croisement et d’analyse des données d’enregistrement des équipages et des passagers. Cela permettra à nos forces de protection d’anticiper et d’agir en amont, afin d’écarter des personnels qui seraient déjà fichés.
Aussi, sans remettre en cause ni nos libertés fondamentales exprimées dans le préambule de la Constitution, ni le droit de l’Union européenne, ni notre législation sur les données personnelles, l’article 7 constitue sans nul doute un progrès. Il va dans le sens des conclusions des experts en sécurité maritime et constitue une protection supplémentaire pour nos concitoyens face aux attentats.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 273 et 411, tendant à supprimer l’article 7.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 273.
Sur le système API-PNR, nous vous aurons donné trois possibilités de vous rattraper et vous n’en avez saisi aucune jusqu’à maintenant. J’aimerais, mes chers collègues, que vous mesuriez l’importance des articles concernés, en particulier de l’article 7. Celui-ci propose de surveiller toujours plus, en masse, pour ficher de manière généralisée. Nous sommes opposés à ce genre de démarche, tout comme nombre d’entre vous, j’en suis sûr.
Créer un nouvel outil de traitement automatisé des données pour les passagers du transport maritime est une restriction supplémentaire des garanties de l’État de droit dans notre pays. On fichera bientôt ceux qui payent la cantine des enfants en retard ou ceux qui s’énervent au volant !
Cette mesure est non seulement improductive mais aussi injustifiée. Nous vous demandons d’essayer d’abord la technique humaine, respectueuse des droits et libertés de chacun et chacune. Il s’agit de mettre en place davantage de moyens financiers et humains au service de la lutte contre le terrorisme. La gloutonnerie d’informations des machines, le mirage du
big data comme nouvelle panacée sécuritaire, tout cela n’est que dangereuse illusion.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de vous opposer à cette mesure liberticide en votant pour notre amendement de suppression.
Très bien ! La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement identique no 411. Dans la lignée de ce que je viens d’exposer, je vous demande d’être plus ambitieux avec cet article en inscrivant le renseignement antiterroriste à l’échelle de l’Union européenne, car c’est à cette échelle qu’opèrent nos ennemis en ce moment.
Cette majorité se prévaut d’être europhile et de souhaiter une nouvelle impulsion pour l’Europe. En rester à la rédaction actuelle serait en contradiction avec les valeurs que vous avez affirmées devant les millions de citoyens qui vous ont élus. Ce serait se recroqueviller sur une conception égoïste de la nation, qui n’utiliserait l’Europe que comme paravent électoral. Les déclarations d’intention fusent depuis des mois mais les citoyens attendent désormais des actes concrets et des mesures réelles.
Voter contre notre amendement de suppression aura probablement pour l’opinion et la presse la même signification que de nationaliser les chantiers STX : cela révélerait une volonté de tirer l’Europe à soi sans tendre la main aux autres peuples européens, qui en sont tous des parties différentes mais indivisibles. Après les belles paroles du président Macron, place aux actes !
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ? Défavorable. La parole est à M. le rapporteur pour avis. J’ai rappelé un peu plus tôt, tout comme certains collègues lors de la discussion générale, que le secteur maritime présente de réelles vulnérabilités alors qu’il représente des flux de voyageurs considérables – 32,5 millions de passagers par an pour la France. Des mesures ont déjà été prises dans le domaine de la sécurité portuaire et de la sûreté maritime, mais les menaces existent, elles sont bien là – je sais que nous en avons toutes et tous conscience, comme nous le rappelait notre collègue Didier Le Gac à l’instant.
Rappelons-nous les difficultés à gérer un événement terroriste sur terre et transposons un tel acte terroriste en mer, à 200 kilomètres de nos côtes, avec plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de personnes enfermées dans un navire : je vous laisse imaginer les dégâts que cela causerait !
Je vous pose donc la question : souhaitez-vous réellement prendre la responsabilité de supprimer les contrôles à l’embarquement ? Je ne le pense pas. Je considère personnellement que l’on ne peut pas faire comme si la menace s’arrêtait à nos ports.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable aux deux amendements qui viennent d’être présentés.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. La parole est à M. Jacques Marilossian. Au risque de nous répéter, l’article 7 a pour objet de pérenniser le PNR maritime déjà mis en place depuis l’année dernière dans le cadre de la loi sur l’économie bleue, l’expérimentation devant s’interrompre le 31 décembre.
Ce PNR maritime expérimental a permis de renforcer les services de l’État dans la prévention et l’anticipation des menaces d’attaques sur un navire de passagers. C’est aussi un système cohérent et complémentaire pour notre sûreté portuaire et nos forces comme les pelotons de sûreté maritime.
L’article 7 pérennise le système du PNR maritime selon le même modèle et les mêmes finalités que le PNR aérien. Il est respectueux de l’État de droit puisqu’il prévoit que les modalités de contrôle des données seront élaborées avec l’aide de la CNIL et par décret en Conseil d’État.
Que va-t-il améliorer ? Face à un flux annuel de 32,5 millions de passagers transitant par la France, il permettra d’anticiper et améliorera la surveillance de toutes les liaisons maritimes entre deux ports continentaux ainsi qu’avec la Corse et les collectivités ultramarines. Le flux transmanche, par exemple, concerne 17 millions de passagers. Il a également été expliqué que, grâce aux algorithmes d’analyse procurés par le
big data , nous pouvons mieux détecter les comportements suspects, notamment à partir de l’identification de signaux faibles.
Enfin, l’article 7 n’entraînera pas un fichage massif de nos concitoyens et n’est pas un dispositif voué à l’échec car il nous permettra d’anticiper les menaces terroristes venues de la mer et de renforcer la lutte contre les trafics illicites transitant avec les flux maritimes. La lutte contre la criminalité en tout genre a particulièrement besoin d’être soutenue.
Qui, dans cet hémicycle, pourrait s’opposer à un dispositif de bon sens et respectant l’État de droit ?
La parole est à M. Ugo Bernalicis. Évidemment, personne ne s’opposerait à un dispositif qui irait dans le bon sens, mais c’est justement le bon sens du dispositif proposé qui est en question ; sinon nous ne serions pas là en train de débattre. On peut enchaîner les formules comme celles-là toute la journée, pour se faire plaisir. Vous dites que ce dispositif améliorera la prévention des actes terroristes, sans jamais dire en quoi, ni pour quelles raisons. Il n’y a jamais aucun argument, si ce n’est l’argument d’autorité : cela va le renforcer, c’est efficace, donc il faut le voter. Je trouve cela un peu limite.
Nous ne disons pas qu’il ne faut pas de contrôle à l’embarquement, sur les bateaux ou dans les affaires maritimes en général, mais qu’il faut un contrôle humain, parce qu’il est plus efficace, parce qu’il est, lui, capable de discernement, contrairement à l’automatisation des fichiers. En outre, le fichage automatisé porte en lui, structurellement, des dérives – ce n’est pas une nouveauté, sinon la CNIL n’existerait pas.
Avouez que ce n’est pas faux ! Ajoutez à cela le fait que l’on a privatisé les moyens de sécurité dans les affaires maritimes !
Compte tenu de l’amalgame de tous ces éléments, la mise en place de ce genre de dispositif ne me rassure absolument pas. Améliorons le renseignement humain, améliorons les moyens de sécurité humains dans le cadre d’un service public digne de ce nom, et nous pourrons alors voter des dispositions ensemble !
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Madame la ministre, étant, comme vous, mobilisé pour la lutte contre le terrorisme, je vous invite à examiner les données suivantes : le port du Havre étant situé dans ma circonscription, je vois à la fois les grands paquebots – dont le Queen Mary 2 dernièrement – et les grands porte-conteneurs. Or ceux-ci peuvent transporter toutes sortes de marchandises, y compris des marchandises explosives ou des armes.
Ces dernières années, dans le port du Havre, votre ministère – ce n’était pas vous-même mais M. Cazeneuve, je crois – a fait fermer le Sycoscan. Ce scanner radiographiait les conteneurs, les services douaniers analysaient leur contenu après leur départ et, s’ils y trouvaient des choses illicites, ils rattrapaient le conteneur sur la route. Cet équipement a été fermé et des postes de douaniers ont été supprimés au nom de la libre circulation et de la fluidité du trafic des marchandises. Or cette fluidité peut aussi s’appliquer à la circulation des moyens utilisés pour le terrorisme.
Je veux bien que vous nous proposiez une loi, même si je la qualifie de liberticide. Mais alors que l’on disposait des moyens de contrôler et d’empêcher les trafics d’armes et le transport des matières dangereuses – notamment les matières explosives pouvant être utilisées par les terroristes –, vous avez réduit comme peau de chagrin les services publics et vous envisagez de réduire encore les services douaniers dans la prochaine loi de finances.
Il faut considérer l’ensemble du dispositif, et je vous invite, puisqu’il n’a pas encore été démantelé, à agir pour la réouverture immédiate, avec les effectifs, du Sycoscan du port du Havre.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à Mme Natalia Pouzyreff. Je veux répondre à M. Bernalicis à propos de l’efficacité potentielle du dispositif. Les services de renseignement dûment accrédités et cadrés par des procédures très contraignantes peuvent lancer des requêtes et, par recoupements, faire ressortir des informations, ce qu’on peut appeler des « signaux faibles ». Si, en cas de suspicion, la collecte de ces signaux faibles permet de faire émerger une information qui parvient à prévenir ne serait-ce qu’un seul incident ou une seule tentative de quelque nature que ce soit, je considère que l’on pourra dire que le dispositif est efficace.
(Les amendements identiques nos 273 et 411 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l’amendement no 433. J’ai exposé, au nom de mes collègues députés corses, notre crainte quant à l’absence de qualification de la notion de terrorisme et d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Nous étions donc favorables à la suppression de l’article 7 mais, puisqu’il ne sera pas supprimé, cet amendement se focalise sur la notion d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation : nous demandons que cette notion soit supprimée dans la mesure où elle alourdit l’article et surtout parce qu’elle est trop large.
Je rappelle, même si certains députés ne partageront pas mon point de vue, qu’en ce moment même c’est au nom d’une Constitution et d’une atteinte supposée aux intérêts fondamentaux de la nation espagnole que l’on s’apprête à envoyer des chars dans les rues de Barcelone contre des gens qui ne brandiront qu’un bulletin de vote. Qu’est-ce qui doit primer ? La démocratie populaire ou la Constitution ? En ce qui nous concerne, nous pensons que le peuple a toujours raison, surtout lorsqu’il veut exprimer librement son choix par le vote.
Nous voudrions donc éviter le risque que cette notion ne fasse à l’avenir l’objet de telles extrapolations, le Gouvernement n’ayant pas caractérisé ces « atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation ». C’est pourquoi nous appelons à la suppression de ces termes, ce qui n’enlèverait rien à la teneur de l’article.
Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. La parole est à M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable également. Il est nécessaire de préserver la prévention et la répression des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation au nombre des finalités du PNR maritime.
Je rappelle que cette notion renvoie à des aspects essentiels de notre vie commune : l’indépendance de la nation, sa sécurité, la forme républicaine de ses institutions ou encore la sauvegarde de sa population, en France ou à l’étranger. Il me semble difficile de prétendre qu’il ne faudrait pas prévenir ou lutter contre les atteintes portées dans ces domaines.
Le risque soulevé par les auteurs de détournement à des fins politiques ne me semble pas caractérisé, voire nul. Il s’agit d’une notion classique du droit français, bien connue, parfaitement encadrée par la jurisprudence et le cas échéant contrôlée par le juge.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis défavorable. La parole est à M. Jean Lassalle. Je trouve ce débat bien à l’image de notre temps, marqué par beaucoup d’hypocrisie et un manque total de clairvoyance. Nous nous entre-déchirons, depuis quatre jours, comme nous l’avons fait trois fois déjà dans cette assemblée avec à peu près les mêmes noms, les mêmes mots, pour aboutir à toujours la même répression des libertés, sans aucun effet, hélas ! sur nos ennemis.
N’est-ce pas soulever un rideau de fumée pour cacher le fait – on devait revenir sur cette décision mais on ne l’a toujours pas fait – que tous les avoirs qataris en France sont exonérés d’impôt depuis 2008 ? Pour cacher le fait qu’Alstom est totalement démantelé sans que la représentation nationale dise le moindre mot ?
Oh ! Pour cacher le fait que les chantiers de Saint-Nazaire partent en Italie, au prix probablement de centaines de chômeurs, sans que personne ne dise mot ? C’est toujours ainsi que ça commence, mes chers collègues ; je suis d’un âge suffisamment avancé pour le savoir.
Il faudrait peut-être en finir au plus vite avec ce rideau de fumée qui n’apporte malheureusement plus grand-chose à la sécurité. Nous sommes tous favorables à la sécurité. Nous savons tous ce que nous pouvons faire. À force de nourrir le doute, nous renforçons nos ennemis et nous décourageons ceux qui veulent vraiment se défendre. Il y a des enjeux très forts qui devraient nous occuper jour et nuit cette semaine à l’Assemblée et dont nous ne disons pas un mot.
Très bien !
(L’amendement no 433 n’est pas adopté.) La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 448. Je voudrais répéter ce qui a été dit il y a quelques minutes. Si un individu radicalisé domicilié en France devait, sans pour autant verser dans le terrorisme, porter atteinte aux intérêts fondamentaux des Italiens, des Allemands, des Belges, alors nous estimons que la rédaction de l’article 7 se révélerait totalement indigente. Nous vous demandons donc de faire preuve de plus d’audace.
C’est un nouveau député qui vous parle, monsieur le rapporteur : si notre assemblée a été très largement renouvelée, c’est certainement que les Français trouvaient qu’elle était devenue une simple chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif. Nous sommes là pour faire la loi, et non pas simplement pour entendre des rappels à la loi.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. La parole est à M. le rapporteur pour avis. Autant que je sache, la notion d’atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Union européenne, que vous soulevez, n’a pas d’existence juridique à ce jour. Par conséquent, si cet amendement venait à être adopté, il n’aurait aucune portée. À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement même si, je le comprends, il interroge sur la nécessité, exposée lors de la discussion générale, d’une réflexion sur les moyens d’améliorer la coordination entre les différents pays de l’Union européenne. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis, pour les mêmes raisons juridiques.
(L’amendement no 448 n’est pas adopté.) Je suis saisie de deux amendements, nos 337 rectifié et 458, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, pour soutenir l’amendement no 337 rectifié.
Cet amendement vise à ce que les opérateurs concernés transmettent au système PNR maritime l’ensemble des données utiles : les données de réservation mais aussi les données mises à jour et contrôlées lors de l’embarquement, c’est-à-dire les mêmes, mais actualisées.
Cet amendement satisfait l’amendement no 458 de M. Pahun et des membres du groupe MODEM, et il est plus sécurisant juridiquement. En effet, tel qu’il est rédigé, l’amendement no 458 laisse supposer que les exploitants de navires disposeraient de systèmes de contrôle des embarquements analogues au système de réservation, ce qui techniquement n’est pas le cas. Je propose donc à ses auteurs de le retirer au profit du mien.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l’amendement no 458. Nous allons effectivement le retirer parce que nous sommes d’accord avec l’argumentation juridique de M. le rapporteur pour avis et que la rédaction de son amendement nous convient.
Je voudrais simplement préciser le contexte dans lequel s’inscrit notre proposition. L’article 7 répond à un cauchemar des préfets maritimes : comme cela a été dit dans le cadre des interventions sur l’article, il bouche un « trou dans la raquette » – je sais que cette expression ne plaît pas à tout le monde, que certains la trouvent très parisienne. Aujourd’hui, dans les circonscriptions maritimes, tout ce qui touche au transport de passagers sur des ferries reliant des îles entre elles ou le continent aux îles, entre la France et l’étranger, est un cauchemar. Vous avez rappelé que le transport maritime constitue aujourd’hui une véritable cible pour les attentats terroristes, mais aussi un bon moyen d’essayer de passer au travers des dispositifs de surveillance. Il est donc clair qu’il faut absolument mettre en place ce système de contrôle.
Nous retirons notre amendement pour des raisons de rédaction et maintenons bien évidemment notre soutien au vôtre, monsieur Gouffier-Cha.
(L’amendement no 458 est retiré.)
(L’amendement no 337 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 7, amendé, est adopté.) La commission a supprimé l’article 7 bis .
Je suis saisie de trois amendements, nos 388, 393 et 473, tendant à rétablir l’article 7
bis , qui peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Marine Brenier, pour soutenir l’amendement no 388.
Cet amendement vise à rétablir un article qui permettait de combler le vide juridique empêchant les organismes privés à but non lucratif d’organiser un service de sécurité intérieure, alors même que les établissements privés de statut commercial, donc à but lucratif, peuvent le faire, ainsi que, par dérogation, les établissements publics.
On le sait, un véritable risque pèse sur les hôpitaux. Dans une vidéo diffusée en août 2015, je vous rappelle que Daech appelait ses combattants à frapper les écoles et les hôpitaux. Il est donc impératif de permettre aux organismes privés à but non lucratif d’avoir la même sécurité que les établissements publics et les établissements privés à but lucratif.
Les amendements nos 393 et 473 sont identiques.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 393.
Je défendrai également l’amendement de M. Ramadier, même si je n’en suis pas signataire, car il est parfaitement identique.
Madame la ministre, nous sommes face à une véritable incohérence et je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement a souhaité supprimer l’article 7
bis . Il est possible de mettre en place des services de sécurité intérieure dans les établissements hospitaliers ou sanitaires du secteur public et du secteur commercial, notamment dans les EHPAD – établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes –, mais le secteur associatif est exclu de ce dispositif. Celui-ci gère pourtant beaucoup d’établissements sanitaires – c’est le cas, en particulier, de la Croix-Rouge. Mais peut-être avez-vous une explication, madame la ministre.
L’utilité de ces services de sécurité étant avérée, je crois que nous pourrions vraiment nous retrouver. Nous savons que les hôpitaux peuvent être des cibles, nous savons ce qui peut se passer dans des services d’urgence, où les personnels hospitaliers sont de plus en plus souvent confrontés à une violence qui va croissant. Il convient donc qu’ils disposent de services afin de mieux se protéger et mieux protéger les malades. La faille juridique est là mais je pense que, sur un tel sujet, nous pouvons tous nous rejoindre pour la combler. Il est totalement incompréhensible que le secteur associatif à but non lucratif ne bénéficie pas d’un dispositif dont disposent les secteurs public et privé.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement identique no 473. Je ne fais pas beaucoup de bruit mais je suis présent…
Cet amendement vise à réintroduire l’article 7
bis adopté par nos collègues sénateurs puis supprimé par le Gouvernement lors de la dernière réunion de la commission des lois. Il entend ainsi permettre à un organisme privé à but non lucratif, sanitaire, social ou médico-social d’organiser un service de sécurité intérieur, à l’instar des établissements de santé publics ou privés à statut commercial. Il s’agit d’introduire une équité de traitement entre établissements et services de différents statuts.
Le Gouvernement ne peut continuer de se cacher derrière le prétexte qu’un tel sujet mériterait au préalable une réflexion plus globale. Les acteurs concernés, c’est-à-dire les établissements de santé à but non lucratif, entendent cet argument gouvernemental depuis le mois de juillet dernier sans qu’aucune avancée significative ne se soit produite depuis lors.
La possibilité d’internaliser un service de sécurité permettrait de mutualiser des compétences et des moyens avec d’autres exigences que ces établissements doivent satisfaire, en qualité d’établissements recevant du public. En outre, cela permettrait d’éviter que ces établissements soient pieds et poings liés par les conditions et les tarifs des sociétés de surveillance, en leur permettant de comparer les avantages et les inconvénients des solutions internes et externes.
Mes chers collègues, à l’heure où la situation de notre pays impose davantage de pragmatisme et un véritable esprit de responsabilité, sans faux-semblants, il convient d’ouvrir le champ des options de gestion offertes à l’ensemble des établissements de santé en mettant en œuvre les dispositifs juridiques adéquats.
Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable sur cette série d’amendements. Vous l’avez rappelé, monsieur Ramadier, l’article 7 bis a été supprimé en commission à la demande du Gouvernement. Le ministre d’État nous a alors indiqué qu’une réflexion à ce sujet était en cours et que des propositions seraient formulées. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Ciotti, je comprends bien la préoccupation que vous évoquez mais j’ose dire que cet amendement est un cavalier : la mesure qu’il contient est sans lien avec le terrorisme. Une loi de sécurité du quotidien sera discutée, dans laquelle je m’engage à ce que cette question soit traitée. Avis défavorable. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. J’ai failli qualifier ce moment de « bal des faux-culs » mais comme ce n’est pas très correct, je m’abstiens… (Murmures sur les bancs du groupe REM.)
Un certain nombre d’entre nous ont siégé dans des conseils d’administration d’hôpitaux, ont connu les budgets des établissements et ont dû faire des choix : d’un côté, les soins, la raison d’être de l’hôpital ; de l’autre, la sécurité parfaite, qui coûte cher – les hôpitaux sont si endettés qu’ils ne sont pas en mesure de l’assurer. Entrez à l’hôpital du Havre, allez dans n’importe quel service : à aucun moment vous ne croiserez un agent de sécurité. L’hôpital du Havre, cela vous parle ? Vous connaissez certainement celui qui, il n’y a pas très longtemps, en présidait le conseil exécutif…
Si l’on choisit de sécuriser tous nos concitoyens, où qu’ils soient, on y met les moyens. Nous allons voir ce qu’il en sera, madame la ministre, puisque vous assurez y travailler. Cela signifie que le budget 2018 renforcera les moyens financiers des hôpitaux afin que tous puissent disposer d’un service de sécurité. On va voir ! Il ne faut pas faire de la communication, ici, autour de la sécurisation de nos concitoyens dans ces sites sensibles sans mettre les moyens nécessaires pour que cela se fasse.
La parole est à M. Éric Ciotti. Mon cher collègue, je crois que vous n’avez pas bien compris l’esprit de cet amendement. Bien sûr que si ! Les établissements publics peuvent organiser un service de sécurité. Ils n’en ont pas les moyens. Vous avez raison de soulever la question des moyens mais certains établissements le font en recourant à des services de sécurité privés – sans doute pas tous, mais la loi l’autorise pour le secteur public, de même que pour le secteur privé lucratif. Tel est l’état du droit et telle est la volonté du Gouvernement.
Ensuite, il y a une faille, un manque, un oubli que je m’explique mal et dont je ne comprends pas que le Gouvernement ne veuille pas y remédier : le secteur associatif, qui couvre nombre d’établissements, réclame de pouvoir disposer de ces mêmes outils de protection.
Dès lors, madame la ministre, je ne peux entendre votre argumentation. Puisque vous assurez qu’une réflexion est en cours, cela signifie que cette question est pertinente. Alors pourquoi ne la réglons-nous pas aujourd’hui ?
Où voyez-vous un cavalier législatif ? Nous discutons d’un texte visant à lutter contre le terrorisme, et la sécurisation de nos établissements sanitaires participe de cette politique. Excusez-moi mais les services de sécurité de tous les établissements privés ou publics, sanitaires ou non, se sont considérablement développés après le 7 janvier 2015, preuve dramatique, s’il en est, qu’il est nécessaire de se protéger contre le terrorisme – je pense notamment à tous les locaux de presse, où des services de sécurité sont systématiquement présents à l’entrée. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais nier un lien direct, c’est quelque peu osé !
Sans doute avez-vous une autre explication pour rejeter cet amendement, qui me paraît relever du bon sens. Je pense que M. le rapporteur et M. Didier Paris, vice-président de la commission des lois, sont d’accord avec moi. Faisons peut-être un petit effort : ce n’est pas parce que l’opposition propose quelque chose de bon sens qu’il faut systématiquement le refuser !
Très bien ! Ça, c’est un slogan de La France insoumise ! Nous ne vous opposons pas un refus systématique. La parole est à Mme Marine Brenier. Je me permettrai simplement de conforter les propos d’Éric Ciotti. Une telle situation est vraiment injuste. Il suffit d’aller à la rencontre des directeurs d’établissement à but non lucratif pour savoir que la situation dans laquelle ils se trouvent est particulièrement compliquée. Je ne prendrai que l’exemple de l’hôpital pour enfants Lenval, à Nice : situé sur la promenade des Anglais, il a été exposé à l’attentat du 14 juillet 2016 et les difficultés sont aujourd’hui importantes pour en assurer la sécurité. En l’occurrence, il s’agit simplement de rétablir une équité entre les différents acteurs qui interviennent dans le cadre de l’hospitalisation, entre les EPHAD et entre les établissements médico-sociaux. La parole est à Mme Valérie Boyer. Je suis un peu surprise des réactions suscitées par cet amendement, que j’aurais pour ma part qualifié de rédactionnel ou de technique. J’avoue ne pas comprendre ce qui se cache derrière votre refus.
On ne peut pas nier que l’augmentation des mesures de sécurité, dans quelque établissement que ce soit, soit liée au terrorisme. Notre vie a changé depuis les attentats : on ne s’assoit pas à la terrasse comme auparavant ; lorsque nos enfants sortent le soir, on trouve des prétextes fallacieux pour savoir où ils se trouvent car on a toujours peur ; on ne rentre pas dans un magasin ou ailleurs sans que son sac ne soit fouillé.
Il est donc absolument aberrant que des établissements de santé du secteur associatif ne puissent pas bénéficier des mêmes possibilités que des établissements publics ou privés, d’autant plus que nous examinerons dans quelques jours le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et que l’on s’exclamera : « Convergence entre tous les établissements chargés d’une mission de service public ! »
Éric Ciotti l’a rappelé : les établissements du secteur associatif sont particulièrement exposés ; ils représentent des pans très importants de notre offre sanitaire et sociale, et ils rendent le même service aux malades que ceux des secteurs public ou privé. Ils doivent donc pouvoir bénéficier des mêmes outils de sécurisation.
Cet amendement de bon sens me semble plus technique et rédactionnel que politique. Oui à la sécurité du quotidien, madame la ministre, mais la menace terroriste est bien réelle pour ces établissements et pour les autres. Ils doivent donc bénéficier des outils leur permettant de se défendre et de protéger leurs malades.
Très bien ! La parole est à Mme la ministre. Je souhaite répondre à ces interventions.
Premièrement, si l’on élargit aux groupes à but non lucratif, il n’y a aucune raison de se limiter au secteur sanitaire.
Proposez un sous-amendement, alors ! D’autres secteurs peuvent être concernés : par exemple les lieux culturels comme les musées, etc. Cela mérite réflexion.
Deuxièmement, l’impact sur l’équilibre économique de la sécurité privée étant réel, il sera souhaitable d’en parler avec le Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS.
Incroyable ! Troisièmement, ce n’est pas forcément la mesure la plus intéressante économiquement. Laissez-leur le choix ! Ils l’ont, bien sûr, mais avant d’inscrire une telle mesure dans la loi, madame, nous voulons examiner ses conséquences et ses implications.
Monsieur Ciotti, grâce à votre intervention, nous sommes attentifs à ce point et, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, nous y reviendrons dans le texte concernant la police de proximité… pardon, la sécurité du quotidien !
C’est en fait le retour de la police de proximité ! Lapsus révélateur ! La parole est à M. Jean Lassalle. L’étalage public de nos faiblesses devant nos ennemis me terrifie. Voilà un nouvel exercice dont on pourrait se passer, à la rigueur. Que faisons-nous sinon donner des idées à ceux qui sont les plus malintentionnés à notre égard ?
Depuis deux ou trois jours, je répète que le problème n’est pas là : en matière de sécurité, on fait ce que l’on peut, on ne pourra jamais fouiller tout le monde. Le problème est ailleurs : c’est celui de la nature de nos accords avec les pays qui arment les tueurs, y compris chez nous, des Français qui sont nés chez nous et veulent malheureusement détruire la civilisation.
Ce n’est pas en étalant nos impuissances que nous convaincrons qui que ce soit et encore moins que nous emporterons l’adhésion de notre jeunesse ! Je nous mets en garde. Je pensais que ce débat allait passer comme cela – nous avons l’habitude, c’est la quatrième fois. Mais les mêmes arguments sont encore échangés et nous baissons un peu plus la garde chaque fois. Notre attitude me terrorise.
Pendant ce temps, Alstom, les chantiers de Saint-Nazaire :…
Cela n’a rien à voir ! …la précarité est en route ! Et les hôpitaux continueront de fermer – ce sera bientôt le cas du mien –, comme ça, il ne sera plus nécessaire de les sécuriser. Sur les amendements identiques nos 393 et 473, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
(L’amendement no 388 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Ciotti. Sincèrement, madame la ministre, je ne comprends absolument pas votre position : les arguments que vous venez de développer n’ont aucun rapport avec le fond du problème ; j’avoue ne pas comprendre celui selon lequel cette disposition risquerait de déstabiliser le secteur de sécurité privé.
Vous avez par ailleurs renvoyé ce débat à l’examen du texte sur la « police de proximité ». En utilisant cette expression, vous avez bien montré que l’intitulé de ce texte, censé porter sur la « sécurité du quotidien », n’est qu’un habillage, et que vous voulez en réalité revenir à la police de proximité de MM. Lionel Jospin et Daniel Vaillant, qui a pourtant laissé le souvenir que l’on sait parmi les services de police, compte tenu de son efficacité : une augmentation de la délinquance de 16 %. Je ferme cette parenthèse, qui n’a rien à voir avec notre sujet.
Marine Brenier a évoqué tout à l’heure l’hôpital Lenval, à Nice, dont la situation est très intéressante. Cet établissement, naguère fondation associative, est devenu un groupement d’intérêt public. Il peut donc à présent, en l’état du droit en vigueur, recourir à un service de sécurité privé, ce qu’il ne pouvait pas faire auparavant.
Cette situation est absurde. Il n’est pas nécessaire de saisir le CNAPS sur une question aussi simple. Certains de vos collègues sont contraints à la discipline de vote – nous avons connu cela aussi, en d’autres temps – mais c’est une question de bon sens. Cette disposition est assez anodine, puisqu’il s’agit seulement d’étendre au secteur associatif à but non lucratif ce qui s’applique déjà au secteur public et au secteur à but lucratif et commercial. Cette différence de traitement est totalement incompréhensible. Sur cette question, madame la ministre, vous devriez faire preuve d’autorité et ne pas écouter vos services. J’avoue ne pas comprendre ce qui vous empêche de donner un avis favorable sur cet amendement.
Les lobbies ! On nous cache manifestement quelque chose ; la gêne avec laquelle vous exposez votre argumentation le montre suffisamment. C’est évident ! Dites-nous franchement pourquoi vous ne voulez pas entendre parler de notre proposition ! N’ayez pas peur, nous vous soutiendrons ! Quand c’est flou… La parole est à Mme Valérie Boyer. Un mot seulement pour dire que ces amendements m’apparaissaient comme strictement rédactionnels et techniques. Nous en débattons depuis dix minutes, alors qu’il s’agit seulement de permettre au secteur associatif de bénéficier d’une disposition qui s’applique déjà dans le secteur public et le secteur privé à but lucratif.
Vous avez dit tout à l’heure, madame la ministre, que notre disposition était trop large et qu’elle pouvait aussi concerner les musées. Puisque nous examinerons prochainement le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, pourquoi ne pas y présenter une nouvelle rédaction des amendements présentés par nos trois collègues, assez précise pour s’appliquer aux services de santé associatifs ? C’est du bon sens.
Absolument ! Laisser cette question en suspens, c’est peut-être priver ces établissements de possibilités et de moyens d’assurer leur sécurité. Or nous travaillons tous dans le même but : faire en sorte que nos concitoyens soient mieux protégés, en simplifiant les choses. Je mets aux voix les amendements identiques nos 393 et 473.
(Il est procédé au scrutin.)
(Les amendements identiques nos 393 et 473 ne sont pas adoptés.) La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures quinze.) La séance est reprise. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 7 bis .
La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement no 81.
Le 13 septembre dernier, les Pays-Bas ont déchu de leur nationalité quatre djihadistes qui s’étaient rendus dans une zone de conflit. D’autres démocraties – le Canada, la Belgique et le Royaume-Uni – se sont récemment dotées d’une législation relative à la déchéance de nationalité qui permet d’éloigner les terroristes du territoire national. Pas nous, pas la France, alors qu’elle a subi les attentats les plus effroyables commis sur le sol européen : Charlie Hebdo , Hyper Cacher, Bataclan, Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray, et j’en passe ; 250 morts et des centaines de blessés.
Dès avril 2013, notre collègue Philippe Meunier avait déposé une proposition de loi dans ce sens, rejetée par la majorité socialiste. En novembre 2014, Jean-Christophe Lagarde avait fait de même : encore un rejet. Après le 13 novembre 2015, le Président de la République a fait, enfin, une annonce solennelle à ce sujet, avant d’enterrer le projet, on le sait, en mars 2016.
Ouvrons les yeux : la quasi-totalité des actes barbares ont été commis, hélas, par des Français. Le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Jean-Pierre Bosser, l’a rappelé la semaine dernière : le nouvel ennemi lié au terrorisme djihadiste a étudié dans nos écoles, voire porté nos uniformes.
Il s’agit non pas de stigmatiser telle race ou telle religion, mais de protéger la nation, de nous rassembler autour de nos valeurs. Être Français, c’est être porteur d’un héritage culturel, celui des Lumières, et d’un patrimoine spirituel, l’humanisme judéo-chrétien.
« Judéo-chrétien » ? Allons bon ! Il faut être laïc ! Des djihadistes qui vomissent la France, outragent nos valeurs, massacrent des innocents n’ont pas leur place dans la communauté nationale. Quant au fait de rendre quelqu’un apatride, à ce jour, la règle de droit ne l’interdit pas : mon père a été apatride pendant des années après avoir été italien. En revanche, ce sont des centaines de vies qui seront peut-être sauvées. Je vous demande donc d’adopter cet amendement. Très bien ! Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Vous proposez un assouplissement considérable des conditions de la déchéance de nationalité : ces dispositions iraient jusqu’à rendre des gens apatrides. Tout à fait ! Ce débat a eu lieu, vous l’avez rappelé, pendant la précédente législature. Il s’agissait d’un projet de loi constitutionnelle. Or le débat doit précisément avoir lieu à partir d’un texte de cette nature, car ces dispositions iraient à l’encontre d’un certain nombre de principes constitutionnels. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis que le rapporteur. La parole est à M. Dimitri Houbron. Cet amendement vise à élargir les conditions de déchéance de nationalité. Or l’article 25 du code civil dispose d’ores et déjà qu’elle peut être prononcée lorsqu’un individu est condamné pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou pour acte de terrorisme. Mais ce n’est pas appliqué actuellement ! Si !
La déchéance de nationalité pose un second problème, celui des apatrides. La France est, vous le savez, l’un des berceaux des droits de l’homme, et l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme interdit de rendre un individu apatride.
Enfin, l’objectif d’une peine est, en définitive, de dissuader. Or, je peux vous l’assurer, un terroriste qui a l’intention de passer à l’acte ne craint pas la déchéance de nationalité.
Dès lors, cette proposition est à la fois inefficace – puisqu’elle n’empêchera pas le passage à l’acte – et totalement inadmissible dans un État de droit tel que la France.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM ainsi que sur les bancs des groupes GDR et FI.)
(L’amendement no 81 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Marine Brenier, pour soutenir l’amendement no 92. Vous avez décidé de remettre en place, par ce texte, le dispositif d’autorisation préalable à la sortie du territoire pour tous les mineurs. Nous pensons évidemment que ce dispositif va dans le bon sens mais, si l’on veut qu’il soit réellement efficace, il faut, selon nous, soumettre l’autorisation de sortie du territoire à la validation de la mairie de la commune de résidence du mineur. Actuellement, je le rappelle, près de 25 % de ceux qui partent combattre pour le djihad sont mineurs. Il convient, selon moi, de renforcer le dispositif : imposer simplement de remplir un formulaire CERFA ne sera absolument pas suffisant. Quel est l’avis de la commission ? Le mineur qui voyage à l’étranger doit déjà fournir non seulement l’original signé de l’autorisation de sortie du territoire, mais aussi la photocopie de la carte d’identité du parent. En l’état, il paraît peu opportun de confier à la commune le soin de valider l’autorisation de sortie du territoire, ainsi que vous le proposez, car il s’agit d’un domaine dans lequel les prérogatives sont exercées par le ministère de l’intérieur et les préfectures. Nous avons déjà eu ce débat en commission. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis que le rapporteur. La parole est à Mme Annie Genevard. Madame la ministre, vous avez systématiquement écarté tous les amendements qui visaient à associer les mairies et les maires à la lutte contre le terrorisme et à l’amélioration de la sécurité intérieure. Nous ne comprenons pas ce choix. L’association du maire qui est proposée dans cet amendement paraît, là encore, des plus pertinentes.
Le maire est un bon connaisseur de sa population. Grâce à sa police municipale,…
Quand il en a une ! …il est un interlocuteur de proximité.
À titre personnel, je serais d’avis – je regrette que mon amendement en ce sens ait été repoussé en commission – que nous obligions les personnes qui s’installent dans une commune à s’inscrire auprès de la mairie, conformément à ce que font beaucoup de démocraties en Europe. Par exemple, en Suisse, pays qui n’est pas connu pour être autre chose qu’une démocratie tout à fait accomplie, chaque fois que vous arrivez dans une commune, vous devez y déclarer votre identité, votre état civil, votre numéro d’assuré social et votre nationalité. Cela permet une meilleure connaissance des résidents. Selon moi, les communes sont des lieux où peut se collecter le renseignement. Cela serait utile au regard de l’objectif poursuivi par ce projet de loi.
Donc, je ne comprends pas la position de principe qui consiste à écarter les mairies et les maires de l’amélioration de la sécurité intérieure et de la lutte contre le terrorisme. Madame la ministre, j’aimerais, si c’est possible, que vous nous répondiez sur ce point.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Très bien !
(L’amendement no 92 n’est pas adopté.)