XVe législature
2e session extraordinaire de 2016-2017
Séance du mercredi 27 septembre 2017
- Présidence de M. François de Rugy
- 1. Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme
- Discussion des articles (suite)
- Article 4
- M. Jean-Félix Acquaviva
- M. Paul-André Colombani
- M. Didier Paris
- Mme Hélène Zannier
- Mme Élise Fajgeles
- Mme Alexandra Louis
- M. Jean-Michel Fauvergue
- M. Alexis Corbière
- M. Éric Diard
- M. Erwan Balanant
- M. Patrice Verchère
- M. Bruno Bilde
- M. Sébastien Chenu
- M. Ludovic Pajot
- M. Gilbert Collard
- M. Jean Lassalle
- M. Ugo Bernalicis
- Mme Cécile Untermaier
- M. Jean-Paul Lecoq
- Amendements nos256, 408 et 420
- M. Raphaël Gauvain, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
- Amendements nos51, 257, 230, 507, 109, 426, 231, 432, 319, 59, 28, 425, 213, 116, 242, 308, 60, 10, 214 et 117
- M. le président
- Suspension et reprise de la séance
- Article 4 bis A
- Article 4 bis
- M. Erwan Balanant
- M. Sébastien Chenu
- Amendements nos 258, 150, 101, 334 et 453
- Après l’article 4 bis
- Amendements nos 303, 123, 124, 528, 527 rectifié (sous-amendements) et 159, 130
- Présidence de Mme Cendra Motin
- Avant l’article 4 ter
- Amendement no 269
- Article 4 ter
- M. Loïc Prud’homme
- Amendement no 270
- Article 4 quater
- M. Bastien Lachaud
- M. Jean Lassalle
- Amendements nos 295, 297 et 296
- Article 4 quinquies
- M. Jean-Félix Acquaviva
- Amendements nos 436, 298, 153 et 194
- Rappel au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 4 quinquies
- M. Ugo Bernalicis
- Mme la présidente
- Amendements nos 220, 36, 223, 173, 63, 176, 79, 299 deuxième rectification, 56 rectifié, 138 et 285
- Article 4
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
1e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (no 104,164, 161).
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 4.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 4.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva. Monsieur le président, madame la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, mes chers collègues, l’article 4 concerne les visites domiciliaires et les saisies.
Lors de nos précédentes interventions, Michel Castellani, Paul-André Colombani et moi-même avons exprimé nos inquiétudes, s’agissant notamment de l’absence de caractérisation des raisons sérieuses permettant de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement pourrait être délictueux ou en relation avec des organisations dont les thèses inciteraient à la commission d’actes terroristes ou en feraient l’apologie.
Il est d’autres motifs d’inquiétude : l’absence de garantie empêchant une dérive sécuritaire ou le vague de certaines notions, telle la « relation habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes terroristes », voire adhérant simplement à ces thèses.
Enfin, la discussion nous a apporté la confirmation que les amalgames n’étaient pas évités, puisque l’objet du projet de loi n’est plus uniquement la situation exceptionnelle créée par l’islamisme radical, bien que celui-ci accapare l’essentiel des débats, une situation dite de guerre étant censée justifier d’introduire l’état d’exception dans le droit commun. Or nous avons bien vu que nombre de situations politiques, sociales ou autres, pourront entrer dans le champ de cette loi, alors même que certaines d’entre elles méritent plus de dialogue que de répression. Nous ne pouvons que regretter de tels raccourcis. C’est pourquoi nous voterons contre cet article. La parole est à M. Paul-André Colombani. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, concernant ces visites et ces saisies, qui ne sont jamais que des perquisitions sans juge, je me dois d’exprimer mon inquiétude à l’heure où le gouvernement de M. Rajoy fait visiter les ministères catalans par des hommes armés et ordonne la saisie des bulletins de vote avec lesquels les Catalans doivent pacifiquement exprimer leur droit inaliénable à disposer d’eux-mêmes.
Si je ne remets pas en cause la nécessité impérieuse de lutter contre la menace exceptionnelle et ponctuelle du terrorisme djihadiste, je refuse que cette lutte soit dévoyée afin de défoncer les portes de militants politiques ; je pense, dans l’Hexagone, aux zadistes ou aux Bonnets rouges, alors que le droit en vigueur a toujours suffi à contenir les débordements et les risques d’atteinte à l’ordre public.
La campagne d’Europe de l’organisation Daech est un épisode qui nous a enlevé de nombreux concitoyens, mais, quand nous l’aurons emporté, nous laisserions inscrites dans le marbre de la loi des dispositions qui permettraient de violer de façon permanente les domiciles de présumés innocents à la faveur de simples soupçons.
Lorsque des patriotes corses avaient fait le choix de la violence désespérée – une violence qui s’est retournée contre eux –, aucune déclaration d’état d’urgence n’avait été votée par le législateur. Pourtant, de nombreux abus ont alors été commis par les forces de l’ordre lors de perquisitions, et ce dans la plus grande indifférence de beaucoup de monde. À quoi doit-on alors s’attendre avec un tel texte ?
Depuis 2014, les Corses ont exprimé une volonté unanime d’apaisement à travers plusieurs scrutins. Mais nous craignons que ces perquisitions sans juge, ordonnées selon le bon plaisir de l’exécutif, aboutissent à provoquer des Corses qui n’aspirent qu’à la paix. On a vu une telle provocation à l’œuvre lors de l’arrestation de Franck Paoli évoquée hier par mon collègue Jean-Félix Acquaviva, arrestation menée avec des méthodes d’un autre temps. La parole est à M. Didier Paris. S’il est bien un article qui, en première analyse en tout cas, devrait nous réunir, c’est bien celui-ci : nous sommes toujours dans la zone d’ombre que nous avions largement évoquée hier à propos de l’article 3, c’est-à-dire dans l’obligation de doter les forces de l’ordre de dispositifs spécifiques pour lutter contre la menace que nous connaissons tous.
Toutefois, la jurisprudence considère que nous sommes face à des mesures privatives de liberté, qui sont donc parfaitement encadrées dans notre droit. C’est pourquoi le projet de loi prévoit des dispositifs de jonction avec le monde judiciaire : d’une part, l’information du procureur de la République ; d’autre part, seconde jonction très forte, très efficace, celle de l’intervention préalable, et non plus a posteriori comme à l’article 3, du juge des libertés et de la détention.
Il ne s’agit pas d’une fiction juridique mais de la réalité, comme l’a bien établi Jean-Michel Hayat, président du tribunal de grande instance de Paris, lors de son audition par la commission des lois. Il nous a en effet expliqué comment, avec l’aide du premier vice-président, il avait organisé dans la capitale un dispositif permettant de statuer sur ces questions vingt-quatre heures sur vingt-quatre et de ne pas retarder la mise en place normale des mesures de contrôle administratif. Nous savons tous que celles-ci peuvent déboucher à un moment ou à un autre sur une translation vers le monde judiciaire. C’est donc tout à fait logiquement que le groupe La République en marche soutient l’article 4. La parole est à Mme Hélène Zannier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 4 vise à permettre à l’administration de procéder à des visites domiciliaires et à des saisies à des fins de prévention d’acte de terrorisme.
Si l’état d’urgence prévoit les perquisitions administratives, celles-ci s’appliquant à tout ce qui menace la sécurité ou l’ordre publics, et s’il existe, dans le droit commun, des possibilités de procéder à des visites domiciliaires, rien n’est prévu pour la prévention du terrorisme, du moins lorsqu’il n’y a encore aucune suspicion d’infraction pénale. Cet article s’inspire pour partie des perquisitions administratives prévues par la loi de 1955, qui prévoit qu’elles sont autorisées par le préfet. Elles ont été largement utilisées au début de l’état d’urgence actuel, mais sont devenues marginales pour deux raisons : les actions sont plus ciblées et ce dispositif n’est plus toujours adapté à la réalité.
Les visites domiciliaires vont être, quant à elles, strictement limitées à la prévention des actes de terrorisme, ce qui les distinguera bien des perquisitions administratives permises par l’état d’urgence.
De plus, les visites et les saisies feront l’objet d’un encadrement juridique renforcé. En effet, elles seront autorisées par un magistrat de l’ordre judiciaire, le juge des libertés et de la détention – le JLD –, lequel sera chargé de contrôler la légalité de l’intervention de l’autorité administrative. Ainsi, l’efficacité sera préservée et les libertés individuelles garanties.
Enfin, il faut bien voir que le dispositif proposé, qualifié par certains d’« hybride juridique », n’a rien d’une innovation. Il existe en effet déjà dans le droit commun et dans des conditions similaires. Certains agents de la répression des fraudes ou de la direction générale des finances publiques et même certains agents de l’Autorité de la concurrence peuvent se livrer à de telles visites, sous le contrôle toujours du juge des libertés et de la détention. Il serait dommageable de disposer de moins de prérogatives dans la lutte contre le terrorisme que dans la lutte contre les fraudes. C’est la raison pour laquelle il convient d’adopter cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.) La parole est à Mme Élise Fajgeles. Depuis le début de la discussion, on assiste pour le moins à un petit peu de caricature et de provocation. Du côté du groupe Les Républicains,… Ah ! Ça commence mal ! …on a entendu certaines propositions qui me semblent totalement disproportionnées, au mépris, assumé parfois, du juge constitutionnel et du risque de censure, par conséquent au mépris de notre système de valeurs et de notre Constitution.
Du côté du groupe La France insoumise, on nous accuse d’introduire dans la législation le principe de suspicion, mais c’est vous, mes chers collègues, que j’entends exprimer une suspicion envers la police, les services de renseignement, l’autorité administrative, le juge administratif, en brandissant l’argument des notes blanches (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI) et des zones grises qui justifieraient des interventions inutiles, voire des exactions qui conduiraient à la « démocrature », selon votre expression. Vous avez, comme nous, assisté aux auditions : les forces de police ont autre chose à faire que de s’occuper d’assignations à résidence ou de conduire des perquisitions reposant sur du rien, comme vous les en accusez. Les experts nous l’ont tous dit,… Vos experts ! …elles ont besoin de pouvoir mettre en œuvre ces mesures administratives, fondées sur des notes blanches qui servent notamment à protéger les sources et à étayer des renseignements provenant de sources étrangères qui ne pourraient servir de base à une procédure judiciaire, sachant que la finalité de ces mesures est toujours d’aboutir à une procédure judiciaire.
Vous ne pouvez pas nier non plus que certaines interventions doivent être réalisées dans une urgence absolue pour éviter un attentat. Car il s’agit bien de cela. Et je rappelle à nouveau que le ministre de l’intérieur nous a dit que douze attentats ont été déjoués depuis le début de l’année.
Il n’y a pas de zone grise ; il n’y a qu’un équilibre de risques pour la protection de nos concitoyens. L’article 4 se situe parfaitement dans cet équilibre. Ainsi, l’introduction du JLD dans le dispositif garantit la protection des libertés individuelles. De plus, le fait que, depuis quelque temps, les assignations à résidence soient beaucoup plus ciblées et plus productives montre bien qu’une telle spécialisation dans la lutte contre le terrorisme permet de mettre en œuvre des mesures ciblées et adaptées à la menace. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe REM.) La parole est à Mme Alexandra Louis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les terroristes mettent notre démocratie à l’épreuve. Cela nous renvoie à une double responsabilité : la première consiste à préserver les libertés individuelles, garantes de notre État de droit, la seconde à donner aux pouvoirs publics des moyens juridiques efficaces pour lutter contre le terrorisme.
Ce point d’équilibre paraît à certains introuvable, et le terme même d’équilibre peut déranger parce qu’il dépasse les clivages idéologiques traditionnels entre une certaine gauche et une certaine droite. Ainsi, d’un côté de l’hémicycle, on plaide pour plus de liberté, parfois au détriment de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme, et, de l’autre, pour plus de sécuritaire, au détriment parfois de ce qui fonde notre État de droit.
L’article que nous abordons conjugue ces deux préoccupations. La visite domiciliaire est une mesure nécessaire, car elle permet d’intervenir pour lever le doute. Lorsque nous ne disposons pas d’éléments permettant d’effectuer une perquisition dans un cadre purement judiciaire, cette mesure est absolument nécessaire, car elle permet, lorsqu’un risque existe, d’agir avec célérité.
Mais cet article offre des garanties et des contreparties judiciaires : toute visite domiciliaire devra être effectuée sous le contrôle du JLD, sera limitée dans le temps, et impliquera la notification du droit au silence ainsi que l’interdiction de tenir des auditions.
Cet article démontre qu’il est possible de mettre en œuvre des mesures concrètes visant à améliorer la sécurité des Français dans le cadre indépassable de l’État de droit : nous pouvons donc en être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à M. Jean-Michel Fauvergue. L’article 4 de ce projet de loi est emblématique, directement issu de l’état d’urgence et, en particulier, des perquisitions administratives. Les visites administratives et les saisies qui peuvent s’ensuivre, telles qu’elles sont prévues à ce même article, empruntent à ces mêmes perquisitions leur efficacité, fondée sur la rapidité d’action qu’elles autorisent.
Cette rapidité administrative n’a pas d’équivalent dans les instances judiciaires. Il s’agit en effet, et en général sur la base d’une note émise par un service de renseignement, dont il est primordial – vous comprenez pourquoi – de garder la source secrète, de lever un doute sur un risque qui pourrait s’avérer fatal et conduire, peut-être, à un massacre terroriste tels que ceux que nous avons connu il n’y a pas si longtemps.
Dans une telle situation, les décisions doivent être prises rapidement : l’autorité administrative est armée pour cela. Pour autant, le juge judiciaire n’est pas exclu du processus, puisque son intervention est prévue dès le départ.
Il s’agira en fait d’une équipe de juges des libertés et de la détention, celle du tribunal de grande instance de Paris, qui a le double avantage de connaître la matière terroriste – ils savent de quoi ils parlent – et d’être joignable vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle pourra ainsi faire face à l’urgence.
Un tel dispositif devrait être de nature à rassurer les enquêteurs de police et de gendarmerie, toujours un peu réticents face aux interventions de ces fameux JLD. En clair, ces visites, qui resteront limitées en nombre, offriront la possibilité, en cas de besoin, d’agir, et d’agir vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à M. Alexis Corbière. Sur cet article en particulier, comme depuis le début de nos échanges sur ce projet de loi, nous touchons à nos libertés publiques : j’invite chacun à ne pas l’oublier. Bien sûr, nous sommes tous animés de la volonté d’être efficaces face au terrorisme. Mais, nous l’avons également dit, il ne faut pas que nous quittions l’ère de la justice pour entrer dans celle du soupçon. De quoi parlons-nous ? Allons à l’essentiel : même si ce nouveau chapitre qu’on nous propose d’insérer dans le code de la sécurité intérieure prend pudiquement le titre de « Visites et saisies », il s’agit, en réalité, de perquisitions.
Jusque-là, il revenait au juge d’instruction, précisément instruit des faits générateurs, de prendre – certes en passant par l’intermédiaire d’un JLD – une telle décision, c’est-à-dire d’autoriser ou non une perquisition.
Désormais, ce filtre ne va quasiment plus exister : plus précisément, le préfet pourra directement, après saisine du JLD, qui lui ne disposera pas des mêmes informations que le juge d’instruction, puisqu’il s’agira uniquement de notes blanches, autoriser une perquisition.
Où est le problème ? Ce type de procédure nous a-t-il permis, ces derniers mois, d’être informés ? Certes, 4 500 perquisitions ont eu lieu sous le régime de l’état d’urgence. Sur combien d’instructions judiciaires ont-elles débouché ? Pas plus de 50, sans doute 30 !
Nous voyons donc bien l’absence d’efficacité de ce type de procédure. Sommes-nous d’accord avec cette technique du coup de filet général qui veut qu’à six heures du matin on débarque chez certains de nos concitoyens, sur la base de faits approximatifs qui n’ont pas été véritablement établis par un juge d’instruction ?
Sommes-nous d’accord pour que 4 500 perquisitions ne débouchent que sur une trentaine d’instructions judiciaires ? Il y a là une inefficacité qui doit nous ramener à la justice comme au fait qu’à tout moment, il est aujourd’hui possible de joindre la permanence du parquet anti-terroriste.
Il n’est donc pas vrai qu’à l’heure actuelle, il ne nous soit pas possible d’intervenir en cas de danger imminent. Soyons donc vigilants, mes chers collègues : c’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Éric Diard. Cet article 4 porte sur la possibilité qui serait offerte à l’administration, en vue de prévenir des actes de terrorisme, de procéder à des visites et saisies. Ce sujet, mes chers collègues, me semble bien plus sensible que celui des diverses mesures que nous avons étudiées au cours de l’examen de l’article 3. En effet, cette faculté se rapproche tout à fait de la procédure pénale.
Entière nouveauté dans le droit commun, cet article, s’il est adopté, permettra l’entrée en vigueur de dispositions qui seraient les plus proches de celles de l’état d’urgence.
Toutefois, certains points peuvent être modifiés et doivent être débattus avec la plus grande attention. En conséquence, les amendements que je vous présenterai ne viseront pas à ajouter de nouvelles dispositions, mais à approfondir celles qui sont soumises à notre examen.
Ils porteront principalement sur l’emploi des moyens humains et sur les conditions de délai qui encadrent ces visites et saisies, afin de mieux les rationaliser tout en veillant à respecter l’équilibre nécessaire entre protection de nos concitoyens et respect de la Constitution.
Mes chers collègues, je souhaite plus particulièrement appeler votre attention sur les visites domiciliaires. Tout d’abord, s’agissant des personnes qui devront être présentes au cours de leur déroulement, il faut à mon sens simplifier les conditions que vous avez prévues. Mais simplifier ne veut pas dire raboter, puisque c’est bien un magistrat qui devra être présent et s’assurer du respect des principes et des procédures. Je souhaite également débattre avec vous, madame la ministre, de la durée maximale de ces visites qu’il convient d’allonger légèrement, afin de permettre aux agents de faire plus sereinement leur travail.
Pour conclure, il me paraît nécessaire de distinguer le temps de rétention des individus pendant la visite du temps de leur garde à vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Erwan Balanant. Cet article a abouti à un certain équilibre entre les besoins de rapidité opérationnelle des forces de l’ordre et le contrôle des droits et libertés de chaque personne qui pourrait avoir à subir ces visites et saisies.
J’ai cependant une petite interrogation sur ces mots de « visites et saisies », qui, dans les faits, s’apparentent à des perquisitions. Mais nous en avons débattu en commission, et la question a été tranchée.
Je réponds à nos collègues du groupe France insoumise qui, sur ces perquisitions, tentent – une fois encore, comme depuis le début de la législature – de nous faire prendre leurs fantasmes pour des réalités. Rassurez-vous : nos fantasmes, ce n’est pas vous ! Nous non plus ! Les 4 500 perquisitions que vous avez évoquées sont celles qui ont été opérées, en grande partie, dans l’état de sidération consécutif au 13 novembre : elles répondaient à un besoin de tous nos concitoyens.
Aujourd’hui, les choses sont complètement différentes. Ce projet de loi nous permet d’atteindre un équilibre, puisque le JLD est associé à la décision et donne son avis sur l’opération envisagée.
Nous proposerons pour notre part un amendement qui donnera au juge judiciaire une sorte de droit de veto. Nous en avons discuté avec les syndicats de magistrats. Ce juge pourra être saisi prioritairement lorsqu’une visite ou une saisie sera envisagée.
Cet article équilibré permet de concilier les besoins de rapidité opérationnelle des forces de l’ordre, que notre collègue Jean-Michel Fauvergue a rappelés, ainsi que la préservation des libertés de chaque citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.) La parole est à M. Patrice Verchère. Madame la ministre, dans le projet de loi que vous nous soumettez, et qui a vocation à créer, selon vous, une alternative sérieuse à l’état d’urgence, tout en permettant d’assurer une sécurité optimale pour nos concitoyens, cet article 4 prévoit de remplacer les perquisitions administratives de l’état d’urgence par l’insertion dans le droit commun de visites domiciliaires à l’initiative des préfets, sous autorisation judiciaire.
Permettez-moi tout d’abord, avant d’étayer mon propos, de remarquer que le terme de « visite », dans un contexte de menace terroriste, me paraît inapproprié. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais, s’il m’arrive d’avoir le plaisir de rendre visite à des amis, il ne me viendrait à aucun moment à l’idée d’employer ce mot pour un éventuel terroriste.
Avec votre projet de loi, ces visites et saisies ne seront dorénavant plus des perquisitions administratives – avec toute la souplesse que cela implique, et qui est appréciée par nos forces de sécurité –, car elles seront conditionnées à une autorisation judiciaire, celle du JLD, sur saisine motivée du préfet compétent.
Cette précision étant donnée, sur le fond, je ne peux que vous rappeler que les perquisitions administratives ont montré toute leur efficience, puisque, sur les 4 000 qui ont été menées, 500 ont conduit à des interpellations, 426 à des gardes à vue, et 600 à des saisies d’armes à feu, dont 77 d’armes de guerre.
Une fois de plus, avec cet article 4 – et c’est là toute la faiblesse de votre projet –, vous allez dégrader le niveau de protection de nos concitoyens en proposant la mise en place d’un dispositif lourd et complexe, sans réelle valeur ajoutée en matière d’efficacité de nos forces de sécurité et de renseignement.
Ne pensez-vous donc pas, madame la ministre, comme l’ont d’ailleurs très légitimement souligné les syndicats de policiers, que l’on est en présence d’une monstruosité juridique et que ce dispositif, aussi beau soit-il sur le papier, sera souvent inopérationnel en pratique, le délai requis pour motiver la saisine du JLD risquant de se trouver en total décalage avec le besoin de réponse immédiate, seule de nature à éviter l’orchestration d’attentats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Très bien ! La parole est à M. Bruno Bilde. Mes chers collègues, l’article 4 traite de visites de lieux et de saisies de documents sensibles, ainsi que de l’immobilisation des personnes susceptibles de commettre des actes terroristes.
Malheureusement, madame la ministre, toutes les dispositions que vous proposez sont vides de substance, et vos intentions non suivies d’effets juridiques, ou plutôt assorties de contraintes tellement fortes qu’elles ne pourront renforcer notre arsenal de lutte contre le terrorisme islamiste.
Plusieurs exemples : on ne peut tout d’abord organiser la visite d’un lieu fréquenté par un islamiste avant six heures du matin, ni après vingt et une heures. La belle affaire ! Les islamistes pourront donc opérer tranquillement pendant ces plages horaires.
Le juge pourra également, sur demande de l’islamiste ou s’il le décide de son propre chef, suspendre la visite ou la saisie de documents : cette disposition fragilise dangereusement la mise en œuvre concrète de la lutte antiterroriste.
Enfin, un islamiste s’apprêtant à commettre un attentat ne pourra être retenu plus de quatre heures. Le projet de loi prévoit en effet qu’un islamiste qui constitue une menace grave pour la sécurité et l’ordre public devra être libéré après quatre heures d’immobilisation.
Imaginez la responsabilité politique et morale que vous porterez si un attentat est commis par un islamiste libéré après avoir été retenu pendant quatre heures à l’occasion de la visite de son domicile ! Que direz-vous aux familles des victimes ? Que vous vouliez garantir les libertés publiques des terroristes ? Que vous souhaitiez faire plaisir aux criards de la France insoumise ou plutôt, devrais-je dire, de la France soumise à l’islamisme ? (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) On élève le niveau ! Monsieur est poète ? Nous vous demandons donc, madame la ministre, de muscler ce texte pour garantir la sécurité de nos compatriotes. (Applaudissements de certains députés non inscrits.) La parole est à M. Sébastien Chenu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans cette parfaite démocratie où il nous a été interdit de nous exprimer lors de la discussion générale, nous avons cependant la mission d’éclairer la représentation nationale sur la nullité absolue de ce projet de loi, tout autant que sur sa dangerosité.
Dans cette parfaite démocratie, les Français n’ont pas ressenti le besoin, ces dernières semaines – et c’est heureux –, de se faire justice eux-mêmes. Ils voyaient en effet dans le caractère exceptionnel de l’état d’urgence la possibilité d’une réponse de l’État. Elle a malheureusement été si mal utilisée !
Avec l’article 4, vous venez, madame la ministre, mettre un terme à la confiance qui pouvait exister entre gouvernants et gouvernés, car vous affirmez, en définitive, que le terrorisme islamiste est une délinquance qui mérite des égards, et que ceux qui le mettent en œuvre méritent de ne pas être bousculés.
Ainsi, dans cet article consacré aux visites et saisies, vous prévoyez de venir toquer gentiment à la porte des personnes suspectes, non pas en les traitant comme des criminels de droit commun, mais en renonçant à les traquer nuit et jour, puisque, contrairement à ce qui se passe pour les auteurs de crimes et délits en matière de stupéfiants, de proxénétisme ou de traite d’êtres humains, vous refusez de les réveiller la nuit. Dans cette maison, on lève l’immunité d’un parlementaire parce qu’il a montré des photos de Daech, mais on refuse de s’attaquer à ceux-là mêmes qui sont à l’origine de ce type d’attentats, et donc de ces photos !
Chers collègues, si vous refusez de réveiller la nuit des personnes suspectes de terrorisme islamiste, eh bien, rassurez-vous, ce sont elles qui viendront vous réveiller, nuit et jour ! (Applaudissements de certains députés non inscrits.) La parole est à M. Ludovic Pajot. Chers collègues, je voudrais faire quatre observations sur l’article 4.
D’abord, celui-ci invente des perquisitions administratives qui ont pour caractéristique de ne plus être administratives : une perquisition qui implique le contrôle d’un juge n’est plus une perquisition administrative !
Le nouvel article L. 229-1 empile tant de conditions juridiques à sa mise en œuvre, qu’il ne sera, en pratique, jamais utilisé. Si le jeu consiste à rendre encore plus difficile le travail des autorités face aux terroristes, l’objectif est atteint !
Tout est fait pour que la personne visée puisse s’extraire de la visite de la police, soit physiquement, soit juridiquement.
L’article 4 s’excuse presque de permettre les saisies, oubliant que c’est généralement l’objectif d’une perquisition. Lorsque ses rédacteurs parlent de « visites » et non de « perquisitions », ils ont raison non seulement du point de vue juridique, mais aussi du point de vue sémantique !
Le cœur de ce projet, ce sont les perquisitions, que vous avez transformées en aimables visites de courtoisie. Ce serait sympathique s’il ne s’agissait pas de terroristes potentiels et que nous n’avions pas 250 morts à déplorer ! (Applaudissements de certains députés non inscrits.) La parole est à M. Gilbert Collard. (Exclamations sur divers bancs.) Tagada, voilà les Dalton ! Que c’est bon d’être populaire !
Mes chers collègues, c’est sans mon immunité parlementaire que je me présente devant vous. Je le prends avec fierté et humour. Moi, voyez-vous, je n’ai pas le cancer de la lâcheté, de la soumission, de la génuflexion ! Je laisse ceux qui ont ce cancer à leurs soins. Je suis très heureux de ne pas avoir cette immunité.
Prenez garde, tout de même, car ce qui arrive à l’un peut arriver à l’autre. De toute manière, il y aura, je l’espère, un procès, et j’aurai l’honneur d’y faire citer bien des personnes… Oh oui, bien des personnes… On pourra alors s’expliquer frontalement – si je puis dire. (Exclamations sur plusieurs bancs.) Et le texte ? Ce texte de loi, pour l’aborder très rapidement, est d’un côté liberticide, de l’autre d’une faiblesse proprement incroyable. C’est la marque de cette majorité : d’un côté, on donne l’impression que l’on est fort, de l’autre, on fait tout pour être faible. C’est un texte qui, d’un point de vue juridique, est complètement déséquilibré. Vous introduisez des atteintes aux libertés ; en même temps, vous réduisez les moyens d’exercer le contrôle et la répression. Ce n’est pas un bon texte.
Toutefois – et je conclurai là-dessus –, vous pourrez toujours vous consoler, en disant que l’on poursuit un député qui a posté un tweet sur les exactions de Daech : le terrorisme va avoir peur ! (Applaudissements de certains députés non inscrits.) La parole est à M. Jean Lassalle. ( « Ah ! » sur plusieurs bancs.) Nous en sommes au quatrième examen d’un texte de ce type, et l’on ressent une gêne persistante au sein de cette assemblée, quels que soient ceux qui ont la chance d’y siéger. Je me demande si le nouveau Président de la République et le Gouvernement, qui s’efforcent de faire la lumière sur un certain nombre de sujets, n’essaieraient pas de sensibiliser les Français au fait de rechercher et de traquer le mal à la racine.
En effet, n’y aurait-il pas eu, par hasard, une baisse du nombre de ces tragédies depuis que la Syrie a été reprise aux tueurs de Daech et consorts, et que la Libye et l’Irak sont en voie de l’être ? Ne faudrait-il pas aussi faire le point, en ce début de législature, sur nos échanges, et aussi sur notre diplomatie, avec des pays comme l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis, et dire clairement aux Français ce que nous faisons avec eux, et quelle est l’attitude de ces pays à l’égard de Daech ?
Enfin, ne faudrait-il pas faire le point sur nos cités ? Nous en parlons parfois, mais de façon très légère. J’ai eu le privilège d’en visiter une trentaine nuitamment ; peu de gens y dissimulent la haine qu’ils portent à notre civilisation. Pourtant, ce sont nos enfants, des enfants de France, nés en France. On ferait bien de regarder comment ils sont alimentés et quels sont les réseaux qui les poussent à la radicalisation.
Je pense donc qu’il est temps d’ouvrir une nouvelle page, une page de clarification. En ce qui me concerne, je vois mal les pouvoirs du juge passer au préfet et, ce faisant, affaiblir les deux. La parole est à M. Ugo Bernalicis. À propos de cet article 4, on a évoqué tout à l’heure un besoin de « rapidité ». Il s’agit d’une sorte d’argument d’autorité, justifiant qu’il ne faille pas passer par une procédure judiciaire, laquelle serait, au contraire, trop lente. C’est sans doute méconnaître le fait que le parquet antiterroriste de Paris tient une permanence vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qu’il est joignable à toute heure, qu’il comprend douze membres et que douze magistrats du siège accompagnent ceux-ci. Nous sommes suffisamment nombreux au sein de cet hémicycle à nous féliciter de son travail pour que l’on ne vienne pas le critiquer en arguant de sa trop grande lenteur. Ce n’est pas le sujet.
On a procédé à 4 500 perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence ; on a évoqué des saisies d’armes et des gardes à vue. Oui, il y a eu des résultats, mais qui n’ont rien à voir avec le terrorisme – c’est bien là le problème. On a utilisé les moyens de l’état d’urgence pour accélérer un certain nombre d’enquêtes, concernant notamment les stupéfiants, afin d’afficher des résultats chiffrés et dire, suivant en cela la méthode Coué : « Regardez, l’état d’urgence, ça marche, puisque, quand on fait des perquisitions, on saisit des choses ! ». C’est un procédé étrange. On voit pourtant bien que, dans la période récente, le nombre de perquisitions pour des raisons exclusivement de lutte contre le terrorisme a nettement diminué. Il ne s’agit donc pas de commencer par secouer le cocotier.
S’agissant du juge des libertés et de la détention, on l’introduit afin de donner l’impression que l’on se trouve dans un cadre judiciaire. Or le JLD n’a pas de service enquêteur. De quels moyens dispose-t-il pour examiner la note blanche ou les éléments apportés par le préfet et pour faire son contrôle, au fond, sur le bien-fondé des soupçons pesant sur un individu ? Ces moyens sont extrêmement faibles ; en réalité, ils sont identiques à ceux du juge administratif. Comme je l’ai dit dans mon intervention au début de la discussion, il ne s’agit que d’un alibi qui vous permet de vous draper dans une judiciarisation qui n’existe pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à Mme Cécile Untermaier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec les articles 3 et 10, l’article 4 figure au cœur d’un débat légitime. Comme eux, il se caractérise par une rédaction bavarde ; sans doute montre-t-on par là la difficulté à trouver un équilibre entre les mesures sécuritaires exorbitantes de l’organisation judiciaire et la préservation de la liberté individuelle de domicile.
Il ne s’agit pas d’un maintien de l’état d’urgence dans le droit commun ; c’est faux. Il ne s’agit pas non plus d’un retour au droit commun de la perquisition. C’est un entre-deux, qui voit l’émergence de la puissance administrative là où le judiciaire était souverain. Nous allons déposer des amendements, mais aux marges du texte. Comme nous l’avons déjà dit à propos de l’article 3, il nous semble nécessaire, eu égard à ce dispositif exorbitant, de mettre en œuvre un contrôle parlementaire de même nature que celui que nous avions instauré pour l’état d’urgence. Il ne s’agit pas d’une mesure de méfiance ; il s’agit au contraire d’une mesure collaborative, qui vise à renforcer la transparence et l’appréciation portée collectivement par la commission des lois sur ces dispositions. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Il est nécessaire d’agir sur les causes qui amènent à des situations de terrorisme, et pas seulement sur les effets. Or, parmi ces causes, il y a l’histoire des quartiers où se trouvent les personnes qui se radicalisent, ainsi que notre histoire, l’histoire de la France, et l’histoire des relations entre ces personnes et les forces de l’ordre, en particulier la multiplication des contrôles : on n’est pas contrôlé autant de fois suivant que l’on est Français ou que l’on est une jeune fille ou un jeune homme issu de l’immigration. Cette multiplication des contrôles crée une relation à l’autorité très particulière et plutôt violente.
La situation risque de s’aggraver avec le concept de « visites ». Imaginez-vous, chers collègues, subir une visite administrative ; imaginez vos enfants, qui vont voir la police entrer chez vous, saisir vos ordinateurs et éventuellement vous emmener, sans forcément vous expliquer les choses, en disant : « Si nous sommes là, c’est qu’il y a des raisons ; vous aurez les explications plus tard. » Il s’agirait de « lever le doute » ; mais n’avez-vous pas l’impression que cela va plutôt le semer, le doute, dans la famille, et aussi dans le voisinage : si la police est venue, c’est peut-être qu’il y a un problème ? Vous connaissez tous le proverbe : « Il n’y a pas de fumée sans feu » ! (« Eh oui, précisément ! » sur quelques bancs des groupes REM et LR.)
À la suite de ces milliers de visites administratives qui ne lèvent aucun doute, mais plutôt qui en créent un nouveau, quelle sera la vie de ces jeunes, de ces familles et de leur voisinage ? Quelle sera leur perception de l’autorité et de la police ? Je crains que l’on n’allume une nouvelle mèche, au lieu d’en éteindre. Cet article ne nous convient pas du tout, comme nous l’expliquerons à l’occasion de la défense de nos amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.) Très bien ! Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 256, 408 et 420, visant à supprimer l’article.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 256. Contrairement à ce qui a été dit, il n’y a pas que la France insoumise qui critique cet article ; c’est d’ailleurs pour cela que nous en demandons la suppression. Je l’ai déjà dit : à l’échelon national, c’est l’ensemble des organisations de défense des droits humains qui sont très critiques et qui s’opposent au projet de loi, en particulier à l’article 4 ; et, peut-être l’avez-vous vu, aujourd’hui même, c’est à l’échelon international, aux Nations unies, qu’une communication a été faite, précisément sur les points que nous soulevons.
Ce ne sont rien moins que la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la protection des droits de l’homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, c’est-à-dire pas une gauchiste ou une laxiste qui ne saurait pas de quoi elle parle, et le rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme qui ont fait une communication pour critiquer un « état d’urgence permanent » – je reprends leur terme. Ils ont dit, par exemple : « La normalisation par ce projet de loi des pouvoirs d’urgence menace gravement l’intégrité de la protection des droits en France, tant dans le cadre de la lutte contre le terrorisme que plus largement. » Leur fera-t-on le procès de ne pas savoir de quoi ils parlent, d’être laxistes ou de ne pas avoir conscience de la réalité du risque terroriste ? Dira-t-on à leur propos qu’il s’agit d’« islamo-gauchistes » ?
Nous prenons toute la mesure du risque qui existe en France et à l’échelon international, et ces personnalités, ces juristes, ces magistrats la prennent tout autant que nous. Quand ils publient ce genre de communiqué, c’est qu’il y a un problème grave et sérieux, dont on devrait tenir compte.
S’agissant plus particulièrement du présent article, comme mes collègues l’ont indiqué, il s’agit d’une stratégie d’enrobement, ce que montre bien l’utilisation de l’expression « visites et saisies », qui fait un mélange entre deux notions administratives très différentes. Il y a là une série de fragilités juridiques et, surtout, rien qui fasse progresser la prévention. Il existe déjà dans notre arsenal juridique certaines possibilités, mais au plan judiciaire.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, qui ne permettra pas de prévenir les actes de terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 408. Nous avons dit il y a quelques minutes que des perquisitions réalisées sans la présence du juge risqueraient de provoquer des abus : l’amendement est donc défendu, monsieur le président. L’amendement no 420 est également défendu, monsieur Jumel ? Je vais prendre deux minutes pour le défendre, monsieur le président.
Jean-Paul Lecoq a dit ce que nous pensions de l’esprit du texte. Nous sommes – comme nos collègues sur tous les bancs de cet hémicycle, j’imagine – profondément attachés aux valeurs de la République ; et pour défendre ces valeurs, nous devons veiller à l’équilibre des pouvoirs ainsi qu’à leur séparation.
Or, depuis le début de la mandature, on assiste à une progressive remise en cause de cette séparation : nous avions eu l’occasion de le dire, lors des débats sur la loi Travail, avec la remise en cause du pouvoir prud’homal. Tout à fait ! Cette fois, on pourra faire valoir que le pouvoir judiciaire, à travers le JLD, exerce un contrôle ; mais le JLD, on le sait, n’aura aucun moyen de vérification matérielle pour les faits qui lui seront soumis. Le pouvoir de contrôle judiciaire, théorique, s’en trouve donc réduit, et l’on ne dispose d’aucune garantie qu’il pourra s’exercer sur le pouvoir administratif : c’est aussi le sens des réserves que nous exprimons.
J’ajoute que, depuis le début de l’examen du texte, j’éprouve une forme de malaise, car l’efficacité, me semble-t-il, ne sera pas au rendez-vous, alors que la stigmatisation et le réveil des antagonismes ou des colères rentrées, eux, le seront. Cela m’inquiète profondément. Très bien ! Sur l’amendement no 51, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Raphaël Gauvain, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements. Défavorable.
Le même débat revient sur chaque article : une fois encore, on est dans la caricature. Je ne reviendrai pas sur le fond, mais le fait est que l’article n’est en rien un décalque de la perquisition administrative prévue dans le cadre de l’état d’urgence. Contrairement à ce qui a été dit, de vraies garanties sont apportées, notamment à travers l’intervention du juge judiciaire, en l’espèce le JLD.
Nous reviendrons sur ce point, mais je ne puis laisser dire que le JLD, qui intervient notamment pour décider de la détention provisoire de beaucoup de personnes, n’a aucun pouvoir. Si vous aviez assisté aux auditions que nous avons menées avec le président du tribunal de grande instance et le responsable du service du JLD à Paris, monsieur Jumel, vous auriez pu entendre celui-ci décrire très précisément sa mission et évoquer le nombre de personnes qui travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à Paris, pour placer en détention les personnes suspectées d’actes de terrorisme. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis, bien évidemment : défavorable.
Nous ne pouvons rester en permanence dans l’état d’urgence et, d’autre part, nos concitoyens attendent que nous les protégions contre la menace terroriste. Les mesures dont nous parlons ici sont strictement encadrées, soumises à l’autorisation du juge des libertés et de la détention après information du parquet, lequel peut décider, s’il y a lieu, de poursuites pénales. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Tout d’abord, monsieur le rapporteur, vous avez bien fait de rappeler que les JLD sont disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tout comme leurs collègues du parquet et du siège antiterroristes.
Je ne dis pas que le JLD, d’une façon générale, ne dispose pas d’éléments pour statuer : je dis qu’il n’en a pas dans le cas particulier dont nous parlons, celui des perquisitions, des visites domiciliaires et des saisies en matière de terrorisme. Il va de soi que, lorsque le JLD est saisi par un juge – par exemple dans le cadre d’une détention provisoire –, il dispose d’un dossier contenant tous les éléments qui lui permettent de statuer.
Ce n’est pas le cas ici, je le répète, puisque le fait générateur de la décision vient de l’autorité administrative, en l’occurrence du préfet, qui ne fournit qu’une note blanche. Le contrôle est donc bel et bien similaire à celui opéré a posteriori par le juge administratif dans le cadre de l’état d’urgence.
L’autorisation a priori est certes une avancée : comme on dit, c’est mieux que si c’était pire… Mais auprès de quel juge contester la décision de visite et de saisie ? C’est là toute la difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Erwan Balanant. Avant de me plonger dans ce texte et de suivre les nombreuses auditions conduites à son sujet, j’avais aussi des doutes. Je me demandais en particulier s’il n’était pas « liberticide », pour employer vos grands mots, chers collègues des groupes FI et GDR. Je me faisais l’idée d’un texte qui, peut-être, affecterait certaines de nos règles de droit et de nos habitudes, s’agissant notamment de notre rapport à la justice.
Puis les commissaires aux lois ont organisé de nombreuses auditions, à un certain nombre desquelles a participé Ugo Bernalicis. Des collègues qui, aujourd’hui, se permettent de donner de grandes leçons, notamment sur les bancs de l’extrême droite, n’y ont en revanche jamais assisté. Il est donc pour le moins surprenant de les entendre dire que nous n’avons pas travaillé et que nous serions « nuls », comme l’a dit, me semble-t-il, monsieur Collard. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Non, ce n’était pas moi ! Nous avons travaillé, nous ! Quoi qu’il en soit, nous avons entendu, sur ce texte, un certain nombre de magistrats. Merci de conclure. Les représentants de l’Union syndicale des magistrats, par exemple, ont jugé équilibrée la disposition dont nous discutons, et ajouté qu’elle permettrait aux juges et aux forces de l’ordre de travailler.
On doit parfois faire fi de ses idées préconçues, pour faire avancer la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et REM.) La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Je ne suis pas commissaire aux lois : je siège à la commission des affaires étrangères, mais, en tant que représentant du peuple, je m’autorise à m’exprimer sur toutes les lois de la République. Je suis même ici pour cela. Très bien ! Il n’y a donc pas, d’un côté, ceux qui travaillent, et, de l’autre, ceux qui ne travaillent pas : vous avez en face de vous des députés qui, tous, participent aux débats sur les textes de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Très bien ! J’entends bien, madame la ministre : la pédagogie est l’art de la répétition, et vous répétez que les Français veulent être en sécurité. Je le veux aussi, pour moi-même comme pour mes enfants et petits-enfants : il n’y a pas de débat sur ce point, non plus que sur la nécessité de sortir de l’état d’urgence. Mais rappelez-vous ce que nous avions tous dit au lendemain des attentats de Charlie Hebdo , dans les manifestations et lors des commémorations : « Ils ne gagneront pas, ils ne changeront pas nos vies. » Or ce projet de loi changera nos vies et nos habitudes. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe REM.)
Si, mes chers collègues ! On s’adapte à la menace, c’est tout ! Puisque nous devons sortir de l’état d’urgence, sortons-en. Comme nous l’avons dit maintes fois, notre arsenal législatif, cohérent et efficace, permet de nous défendre contre les futurs terroristes. Le présent texte, lui, tend à réduire notre espace de liberté. Or, je le répète, nous avions tous dit que nous ne céderions pas sur ce plan.
Il faut entendre ce message, madame la ministre. Nous partageons tous le même objectif : combattre les terroristes. Il n’y aura aucun débat sur ce point. Reste qu’il nous faut défendre la qualité de vie des Français et leurs libertés : c’est là-dessus, peut-être, que nous différons. Très bien ! La parole est à Mme Marie Guévenoux. Nos collègues invoquent l’efficacité. Mais que proposent-ils, concrètement ? Rien. Leurs propositions – supprimer les différents articles – n’auraient qu’un seul effet : nous désarmer face à la menace. On peut éviter ce genre d’arguments ? Vous polémiquez également sur les chiffres, le nombre de perquisitions, à vous entendre, apportant la preuve de leur inefficacité ; mais, comme on l’a suffisamment répété, elles diminuent car elles sont de plus en plus ciblées.
Enfin, ne jetez pas la suspicion sur la qualité du travail de nos forces de renseignement et de nos magistrats. Les premières rédigent, dans le respect de la protection des sources, leurs notes blanches de la façon la plus circonstanciée ; les seconds ont suffisamment conscience de la charge qui leur incombe pour rejeter une note blanche insuffisamment circonstanciée.
Ne faites donc pas croire que l’État de droit serait ici menacé. Aussi rejetterons-nous vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à Mme la ministre. Il ne s’agit pas de changer notre mode de vie, monsieur Lecoq, mais de le protéger. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
D’autre part, il existe de nombreux autres régimes de visite administrative, et ils obéissent à des règles à peu près identiques : je pense par exemple aux visites décidées par l’Autorité de la concurrence, par l’Autorité des marchés financiers, par l’Autorité de contrôle prudentiel, par l’inspection du travail, par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales – URSSAF –, par l’administration fiscale ou par les douanes. Bref, la mesure proposée ne porte nullement atteinte aux libertés.
Tous les citoyens sont conscients que la lutte contre le terrorisme est primordiale et que le Gouvernement doit se donner tous les outils pour les protéger.
Je profite aussi de cette intervention pour excuser, comme j’aurais dû le faire au début de cette séance, M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, qui assiste en ce moment au 34esommet franco-italien au côté du Président de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.) (Les amendements identiques nos 256, 408 et 420 ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements, nos 51 et 257, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 51, dont je vous rappelle qu’il a fait l’objet d’une demande de scrutin public. Madame la ministre, mes chers collègues de la majorité, je veux m’adresser à vous avec une certaine gravité.
Sur les bancs du groupe Les Républicains, nous ne vous faisons aucun procès d’intention. Nous savons que vous souhaitez, comme nous, protéger les Français. Mais si je veux présenter cet amendement avec une certaine solennité, c’est parce qu’il est au cœur du désaccord technique que nous avons avec vous.
Avec le présent amendement, nous vous proposons de maintenir pendant un an le régime des perquisitions administratives réalisées depuis deux ans sous l’empire de l’état d’urgence ; ou plutôt devrais-je dire : « réalisées pour l’essentiel depuis deux ans », car, au printemps de 2016, le choix avait été fait, lors d’une phase de prolongation de l’état d’urgence, de ne pas les maintenir. Nous avions eu, alors, un débat raisonnable et responsable avec le Gouvernement sur ce point.
Le 14 juillet 2016, jour des attentats de Nice, le Président de la République a fait le choix de rétablir ces perquisitions. En juillet 2016, nous avons donc décidé en conscience, à une large majorité, de permettre à nouveau au ministre de l’intérieur et au préfet de les ordonner.
Notre conviction est qu’il faut les maintenir : il faut laisser au préfet la faculté de lever un doute, en urgence absolue, lorsqu’un renseignement l’impose. Si une seule perquisition administrative permet d’éviter un attentat, alors nous serions bien déraisonnables d’en priver le ministère de l’intérieur. Merci de conclure. Or le dispositif alternatif que vous proposez, madame la ministre, ne nous convainc pas, car il n’est plus assimilable à une perquisition administrative. Il s’agit en réalité d’une visite, certes à l’initiative des préfets, mais soumise à l’autorisation d’un juge, ce qui est très différent. Surtout, cette procédure ne permet pas la rapidité d’initiative qui est celle du régime de perquisition administrative, et de lui seul. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l’amendement no 257. Cet article n’est au fond qu’une mesure d’affichage politique puisque les mesures qu’il propose peuvent déjà être prises en l’état actuel du droit. L’arsenal juridique existant est largement suffisant. Je n’en citerai que quelques textes.
L’article 56 du code de procédure pénale, tout d’abord, permet à l’officier de police judiciaire d’ordonner, dans le cadre d’une enquête criminelle de flagrance, de perquisitionner le domicile de toute personne qui paraît avoir participé au crime ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits incriminés.
Dans le cadre d’une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans, une perquisition domiciliaire peut être ordonnée par le juge des libertés et de la détention si les nécessités de l’enquête l’exigent.
Dans le cadre d’une information judiciaire, le juge d’instruction peut de même ordonner des perquisitions et des saisies.
En outre, le code de procédure pénale dispose d’ores et déjà de mesures permettant de s’assurer de la présence d’une personne sur place pour éclairer les éléments ayant fait l’objet de la visite ou de la saisie.
Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter au droit actuel des mesures qui se traduiront par moins de libertés, moins de protection pour ceux qui devraient être protégés par les procédures de droit commun, dans des conditions dignes de notre démocratie. Voilà notre inquiétude.
À ceux qui nous interrogent sur nos propositions, je voudrais répéter très solennellement ce que j’ai dit hier, ce que nous disons – et qui n’entre pas dans ce projet de loi. Aujourd’hui, pour être efficaces, nous avons besoin de moyens pour la justice, pour les services de renseignement, pour les douanes, pour embaucher des personnels afin d’accompagner celles et ceux dont un proche est en train de sombrer dans l’embrigadement.
Tous ces moyens ne rentrent pas dans vos lois. C’est bien pourquoi nous avons une autre vision, d’autres propositions. Antoine Leiris, dont la femme a été tuée au Bataclan, disait : « Vous n’aurez pas ma haine. » Songez à cela. C’est très important. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ? La commission a donné un avis défavorable à ces amendements.
Pour le premier, il s’agit d’un débat que nous avons déjà eu, ici et en commission. C’est un point qui nous sépare : nous faisons le choix de sortir – de façon maîtrisée – de l’état d’urgence, en adaptant au droit commun certains outils de l’état d’urgence, notamment les perquisitions administratives.
M. Larrivé considère que la nouvelle mesure de perquisition administrative, la visite domiciliaire, est difficilement opérationnelle. Ce n’est pas ce qui ressort de nos auditions durant lesquelles, je le rappelle, nous avons entendu le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, le directeur général de la sécurité intérieure – DGSI –, des policiers, des gendarmes. Tous nous ont dit que ce dispositif, que vous appelez une « monstruosité juridique », était opérationnel.
Le juge des libertés et de la détention, notamment, nous a assuré que des permanences étaient organisées vingt-quatre heures sur vingt-quatre au tribunal de grande instance de Paris, ce qui permettra d’y centraliser la mesure de visite domiciliaire. Si, à Cahors ou Bordeaux, un préfet demandait à seize heures de procéder à une visite domiciliaire, il recevrait une réponse une heure plus tard et pourrait engager la mesure à dix-huit heures.
J’ai vu les amendements que vous avez déposés, monsieur Larrivé. Nous pourrons revenir sur le caractère opérationnel des mesures et reprendre ce débat.
Quant au second amendement, je vous renvoie à mes propos sur le premier. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Bien entendu, les perquisitions administratives de l’état d’urgence ne peuvent pas être transposées en droit commun. Le Conseil d’État l’a d’ailleurs expressément rappelé dans l’avis qu’il a rendu sur le présent projet de loi. De telles mesures doivent être assorties de garanties particulières pour être conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’à nos exigences constitutionnelles.
Comme je l’ai dit précédemment, à l’instar d’autres régimes existants, le Gouvernement a décidé de faire autoriser ces visites par le juge des libertés et de la détention, notamment pour les démarquer des perquisitions administratives de l’état d’urgence. Assurément, cette intervention de l’autorité judiciaire ne nuira aucunement à l’efficacité du dispositif. La parole est à M. Guillaume Larrivé. À mon grand regret, Mme la ministre a mal lu l’amendement que nous proposons. Nous ne visons pas à introduire un article de droit commun, mais à pérenniser l’état d’urgence pour une durée de un an s’agissant de la mesure ponctuelle de perquisition administrative. Notre amendement a précisément pour objet de proroger l’état d’urgence. Ne venez donc pas nous dire que ce que nous proposons ne pourrait être fait que sous le régime de l’état d’urgence : c’est ce que nous vous disons !
Par ailleurs, madame la ministre, je le dis avec une certaine tristesse, je vous trouve extrêmement péremptoire. J’espère me tromper et que votre dispositif sera totalement opérationnel. Je constate cependant que, de manière constante depuis novembre 2015, nos prédécesseurs immédiats, le Premier ministre Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, les groupes Les Républicains, socialistes ou UDI de l’Assemblée nationale comme du Sénat – et nous étions parmi ces parlementaires –, ont fait le choix de confier aux services de l’État cette faculté de perquisition administrative.
Vous choisissez aujourd’hui d’en sortir. C’est votre responsabilité, en conscience. La nôtre, en conscience, est de soumettre cet amendement au scrutin public, pour que chacun sache ce qui, ce soir, à l’Assemblée nationale, sera voté sur cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Une démocratie ne peut pas vivre en état d’urgence permanent ! La parole est à M. Olivier Dussopt. Dans la droite ligne de ce que Cécile Untermaier a évoqué dans la discussion générale sur l’article, nous ne voterons aucun de ces deux amendements, ni celui de M. Larrivé, ni celui de M. Bernalicis, que Mme Autain a présenté.
Nous considérons d’abord qu’il faut sortir de l’état d’urgence et que les dispositions proposées par le Gouvernement nous satisfont. Ensuite, en matière de prévention du terrorisme, il n’y a pas lieu et il ne sera pas non plus opportun de s’en tenir au seul droit commun, comme le proposent nos collègues de la France insoumise.
C’est l’occasion pour moi de rappeler que nous sommes attachés tant au caractère expérimental de l’article, tel qu’introduit par le Sénat et modifié en commission s’agissant de la durée de l’expérimentation, qu’au contrôle parlementaire sur les dispositions de l’article 4, que nous voterons, de manière à être instruits par celui-ci dans deux ans, grâce à la clause de rendez-vous. La parole est à Mme Danièle Obono. De toute évidence, nos collègues n’ont pas lu les quarante-huit amendements que nous proposons. La plupart contiennent pourtant des propositions ou des rappels à droit constant.
Pour notre part, nous avons participé aux travaux de la commission, nous avons suivi les débats et les auditions. Tout le monde n’a peut-être pas été aussi attentif que nous. Aussi puis-je rappeler que, lors de ces auditions, le Syndicat des avocats de France, la Commission nationale consultative des droits de l’homme – CNCDH –, la Ligue des droits de l’homme, notamment, ont exprimé leurs désaccords avec les propositions de ce projet de loi, notamment de son article 4. La majorité des prises de position allaient dans le même sens. J’ai rappelé l’avis de multiples organisations internationales ou nationales.
Non, nous ne prenons pas ce débat à la légère. Nous avons des propositions à faire, non seulement sur le droit constant mais aussi sur la prévention des actes de terrorisme, comme nous l’avons déclaré hier. Il faut s’attaquer aux racines de la guerre, à l’argent. L’argent n’est pas la seule racine de la guerre. Qui veut faire l’ange fait la bête ! Nous présenterons d’autres propositions sur des processus au niveau international. Malheureusement, vous n’avez pas été convaincus par nos premiers amendements de proposition d’élargissement de la focale pour prévenir les actes de terrorisme. Nous espérons que vous le serez avec un peu plus de réflexion. Nous ne faisons pas de procès d’intention en prétendant que personne n’aurait conscience du danger ou que certains seraient laxistes. Nous comprenons la gravité de ce débat et nous nous inscrivons en positif.
Nous pensons seulement que les méthodes retenues actuellement vont à l’encontre de l’objectif fixé. C’est pourquoi nous travaillons très sérieusement pour proposer une alternative à un projet de loi que toutes les organisations de défense des droits humains au niveau national et international critiquent sur certains points. Si vous ne pouvez pas nous entendre, nous écouter, nous prendre au sérieux, je vous prie au moins de prendre au sérieux des personnes qui sont au fait de ce sujet et que vous ne pouvez pas contester. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Didier Paris. Plus certains débats progressent, moins on en entrevoit les limites. C’est peut-être le cas aujourd’hui. De quoi s’agit-il en réalité ? En écoutant La France insoumise, on a le sentiment que les dispositions de la loi que nous vous proposons sont inutiles parce qu’elles seraient déjà contenues ou intégrées dans le droit commun. Si c’est le cas, je comprends mal pourquoi vous vous y opposez.
En fait, nous transposons des dispositions qui, comme l’a dit Mme la ministre, sont relativement classiques, notamment en matière fiscale, pour les rendre adaptables à la lutte contre le terrorisme, dans les conditions normales, hors l’état d’urgence que nous avons à étudier aujourd’hui.
S’agissant des points évoqués par Les Républicains, ces interventions sont, là encore, difficiles à comprendre. Le présent projet de loi ne fait rien d’autre que de donner au ministre de l’intérieur la faculté de donner au préfet la possibilité de lever un doute. C’est bien ce que nous visons.
Arrêtons-nous un instant sur l’office du juge qui, dans un tel texte, a deux caractéristiques.
Tout d’abord, il juge en conscience, en fonction des preuves qui lui sont présentées. Nous n’avons pas à administrer pour lui la preuve. C’est lui qui devra prendre cette décision. C’est finalement l’office classique du juge, qui, tous les jours, dans les situations du quotidien ou dans celles d’exception que nous avons à connaître d’aujourd’hui, doit se forger une conviction propre, en fonction de ce qui lui est présenté. Ne lui retirons pas ce pouvoir. Ne commençons pas à dire que l’ensemble du dispositif est faible car le juge ne saurait pas décider. C’est absolument faux.
Ensuite, les juges, comme tous les autres êtres humains, et comme les services de police directement confrontés à la menace terroriste, doivent s’acculturer. Cette question a été largement évoquée lors de nos auditions. Les uns et les autres se parlent. Le parquet terroriste, les juges des libertés et de la détention, la DGSI, forment un ensemble de convictions et de conditions de lutte contre le terrorisme.
En conséquence, nous ne voterons aucun des deux amendements. La parole est à M. Manuel Valls. Le Gouvernement a fait le choix de sortir de l’état d’urgence. Nous pouvons en débattre – nous le faisons –, mais c’est un choix qui a été fait et qui tient compte de l’avis d’autorités administratives, notamment du Conseil constitutionnel. Il comprend un codicille important, rappelé précédemment par M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur. Nous devons en parler, car cela n’a pas été suffisamment fait, alors que l’opinion doit l’avoir à l’esprit : à tout instant, face à une menace, face à des actes terroristes, surtout, le Président de la République, le Gouvernement peuvent être amenés à proposer de rétablir l’état d’urgence.
Il est important de le signaler car l’état d’urgence, c’est le droit. Il est inscrit dans notre Constitution. Nous aurions d’ailleurs pu le consolider dans ce texte. Cela n’a pas été possible, mais, à tout moment, l’état d’urgence pourrait être activé si, malheureusement, les faits obligeaient l’exécutif à le proposer de nouveau au Parlement.
Dès lors que le choix a été fait de sortir de l’état d’urgence, la proposition du Gouvernement me paraît la plus équilibrée possible, celle qui va le plus loin, hormis quelques éléments qui, comme M. le rapporteur le rappelait, seront discutés dans un instant. Il y a là un choix de cohérence. Aussi, le présent texte me semble aller dans le bon sens. Il présente toutes les garanties nécessaires, permettant aussi au juge d’intervenir dans le temps qui a été rappelé, celui des auditions.
Je prends aussi la parole pour m’adresser à nos collègues Les Républicains, qui nous ont accompagnés tout au long des dernières années sur ces questions, notamment sur la plupart des mesures proposées par les gouvernements. Entre vous ! Ce n’est pas entre nous, c’est en termes de responsabilité. Parce que nous n’avons pas de responsabilité ? Je respecte ici les prises de parole de chacun. Ce que je sais, c’est qu’ensemble, en responsabilité, nous avons trouvé chaque fois l’accord nécessaire, aussi bien sur les lois de lutte contre le terrorisme que sur les lois relatives au renseignement. Cela n’a pas toujours été le cas ici, avec une autre partie de cet hémicycle.
Monsieur Larrivé, je ne sais pas quel sera le vote final de votre groupe sur ce projet de loi – bien que des prises de position aient déjà été annoncées. Tous les pays confrontés au terrorisme, la France notamment, ont connu une volonté d’union nationale : nous nous sommes retrouvés d’accord ici, sur l’essentiel.
Aussi, n’utilisons pas l’argument qu’il faut regarder le vote de chacun lors du scrutin public sur ces amendements pour connaître ceux qui veulent désarmer la France ou nous mettre en difficulté – j’extrapole un peu vos propos, monsieur Larrivé. Ici, j’en suis conscient, nous sommes tous parfaitement désireux de protéger nos compatriotes, même si les voies choisies peuvent être différentes. Dès lors qu’on a été Premier ministre, on a le droit de parler aussi longtemps qu’on veut ? Mais ce n’est pas sur un amendement que cela se joue : c’est sur une politique de renseignement, sur la lutte contre une idéologie totalitaire,… Il n’y a rien là-dessus dans le texte ! …sur les moyens que l’on consacre à la police, à la gendarmerie, aux forces de défense, aux services de renseignement. Merci de conclure. Et c’est pour cela que, fort de l’expérience qui est la mienne, du fait que nous avons réussi à travailler ensemble, je dis qu’il y a – même si ce n’est pas sur ce sujet-là, pas sur cette voie-là (Exclamations sur les bancs des groupes FI et LR) – des raisons de croire à l’unité nationale et de ne pas nous diviser. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes REM et MODEM.) Monsieur Larrivé, vous avez demandé la parole – pour retirer votre amendement, peut-être ? (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe REM.) Je crois que vous vous avancez, monsieur le président. Je vous donne exceptionnellement la parole une nouvelle fois, très rapidement. Je veux simplement dire un mot à notre collègue Manuel Valls. Monsieur le Premier ministre, au cours des cinq dernières années, nous vous avons, c’est vrai, non pas accompagné, mais aidé à trouver un terrain d’entente lorsqu’il nous semblait que l’intérêt national le commandait.
Il y a, c’est vrai aussi, une vérité des votes, grâce aux scrutins publics. J’en rappellerai un. En 2015, nous avons voté par scrutin public sur la loi relative au renseignement, dont le rapporteur était Jean-Jacques Urvoas et dont j’avais l’honneur d’être co-rapporteur d’application au nom du groupe UMP. L’actuel Premier ministre, Édouard Philippe, avait voté contre cette loi. Je ne lui fais pas le procès d’avoir, à cette époque, été laxiste,… C’était avant ! …mais je constate qu’il avait choisi de voter ainsi. Cela ne fait pas de lui, aujourd’hui, un irresponsable ; reste qu’il y a bien une vérité des votes. Et ce sera également le cas, par le scrutin public, sur le présent amendement relatif aux perquisitions administratives. Que chacun prenne ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Sébastien Jumel. Il ne m’a pas échappé qu’un débat était en train de s’organiser entre la droite et la droite sur cet important sujet (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI) ,mais je ne voudrais pas laisser dire que la responsabilité est la propriété de l’un des deux groupes en question. Sur les bancs de mon groupe, Hubert Wulfranc, comme maire de Saint-Étienne-du-Rouvray, et Stéphane Peu, comme député de Saint-Denis, ont montré non seulement une grande dignité face aux événements, mais aussi un profond sens des responsabilités. Sur ces questions, mon groupe a toujours fait preuve de ce sens des responsabilités. Non ! Vous venez de dire que l’état d’urgence pouvait être décrété à tout moment par le Président de la République et le Gouvernement. Alors pourquoi faire entrer dans le droit commun des principes exorbitants du droit commun ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Hier, j’interroge le ministre de la santé sur la souffrance à l’hôpital : on me dit que je n’ai pas passé vingt-cinq ans à l’hôpital. Aujourd’hui, j’interroge la ministre sur un sujet qui nous concerne tous, quelles que soient les commissions dans lesquelles nous siégeons, et on nous fait le coup de nous dire que nous aurions dû venir en commission !
Nous avons tout de même un peu bossé… Le JLD sera saisi sur le fondement de critères liés au comportement et de raisons sérieuses, lesquels proviennent de notes blanches sur lesquelles il n’a pas la main. Pourtant, un juge statue en droit, mais aussi à partir de preuves sur lesquelles il a la main. Voilà la limite de votre raisonnement, et voilà les motifs pour lesquels, en responsabilité, nous considérons que la proposition qui nous est soumise n’est ni efficace ni conforme aux principes fondamentaux du droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.) Je mets aux voix l’amendement no 51. (Il est procédé au scrutin.) (L’amendement no 51 n’est pas adopté.) (L’amendement no 257 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 230. Dans le même esprit que le précédent amendement de mon groupe, cet amendement propose de revenir aux fondamentaux qui avaient présidé à l’instauration de l’état d’urgence et à la mise en œuvre de l’une de ses mesures les plus efficaces : la perquisition administrative.
Il y a eu 4 534 perquisitions administratives dans le cadre desquelles 600 armes ont été saisies, dont 78 armes de guerre, ce qui a permis l’ouverture de 30 procédures judiciaires. C’est-à-dire que 30 personnes au moins ont été mises en cause par la justice parce qu’elles représentaient un risque majeur pour la sécurité nationale, relevant du terrorisme islamiste. Le bilan, le voilà !
Le Premier ministre Manuel Valls a posé les bonnes questions, dont la question essentielle, à laquelle vous n’avez toujours pas répondu, madame la ministre, non plus que le ministre d’État : pourquoi sortir de l’état d’urgence ? « Parce qu’il faut sortir de l’état d’urgence », dites-vous ! La question que pose Manuel Valls contient en quelque sorte sa réponse, la même que celle que nous donnent les services lorsque nous les interrogeons en privé : personne ne comprend pourquoi il faudrait sortir de l’état d’urgence alors que la menace est maximale.
En ce qui nous concerne, nous refusons la sortie de l’état d’urgence, parce qu’elle va affaiblir nos dispositifs de lutte ; et nous considérons que la perquisition telle que vous la prévoyez aujourd’hui, soumise à l’autorisation préalable du JLD, va vider de son sens cette disposition protectrice majeure. Sur ces deux points, nous ne cherchons pas à pratiquer une opposition systématique : il s’agit d’une divergence de vues essentielle. Merci. Il est vrai que, de 2012 à 2017, nous avons voulu soutenir toutes les mesures… Merci, monsieur le député. …qui allaient dans le sens d’une plus grande protection ; aujourd’hui, on recule sur cette même voie. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable.
Je ne relancerai pas un débat qui vient d’avoir lieu. Nous y reviendrons en examinant les dispositions de l’article 4, et j’espère que nous réussirons à vous convaincre du caractère opérationnel de la nouvelle saisie. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Raphaël Schellenberger. Madame la ministre, nous ne contestons pas la cohérence de vos propositions, mais le raisonnement qui les fonde. Le risque terroriste n’est pas un risque ordinaire, qui devrait être traité comme d’autres risques. Dans le débat que nous venons d’avoir, vous avez à plusieurs reprises, ainsi que M. Paris, fait valoir que d’autres moyens de visite administrative existaient dans le droit commun et que cette situation n’était pas si exceptionnelle que cela. Mais le terrorisme est-il un crime ordinaire ? Son traitement appelle-t-il des moyens juridiques ordinaires ? Face à une attaque d’une envergure insoutenable pour nos libertés, dangereuse pour notre République, c’est au contraire de moyens extraordinaires que nous devons nous armer. Recourir à des moyens ordinaires, les mêmes que pour un contrôle de l’URSSAF ou une visite de la direction de la concurrence, bref considérer un terroriste comme un fraudeur fiscal, est vraiment dangereux lorsqu’il s’agit de défendre nos libertés. (L’amendement no 230 n’est pas adopté.) La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 507. La mesure qui consiste, pour le préfet, à saisir le JLD du TGI de Paris pour chaque visite et saisie visée par le présent article risque de conduire à un engorgement du tribunal. Le caractère urgent de certaines visites ou saisies nécessite que les ordonnances soient prises rapidement, ce qui justifie la saisine du juge territorialement compétent plutôt que celle du juge parisien de manière systématique. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable.
Au contraire de ce qui vient d’être dit, d’après les auditions que nous avons menées, le fait que la décision soit prise par le JLD de Paris fournit un gage de professionnalisme et d’efficacité. En effet, le JLD est déjà chargé des matières terroristes et, je le répète, celui de Paris est organisé de manière à pouvoir assurer des permanences vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Pour reprendre un exemple déjà cité, si le préfet des Bouches-du-Rhône lui demande une ordonnance dans l’heure, il pourra la lui fournir pour permettre une perquisition en urgence ; la question lui a été posée en audition, et il nous l’a confirmé. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Cet amendement soulève une question intéressante : la possibilité de déconcentrer nos services antiterroristes, notamment les juridictions. Il aurait pu entraîner un débat opportun sur les moyens de la justice.
Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que le juge se prononce en fonction de ce qui lui est présenté. Là réside précisément la difficulté, car il le fait sans avoir de service d’enquête. Par ailleurs, le président du TGI, ainsi que le JLD, qui l’accompagnait, a déploré lors de son audition l’absence d’étude d’impact sur la saisine du JLD dans le cadre de cette procédure, qui l’empêche d’évaluer le nombre de juges nécessaires pour y faire face, et nous a demandé de faire en sorte qu’il dispose d’un deuxième juge au moins pour organiser une brigade de quatre et un roulement, de manière à assurer une permanence spécialisée vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Nous aurions pu nous laisser un peu plus de temps pour préciser ce point.
On évoque les excellentes relations qu’entretiennent à Paris, à un niveau très centralisé, le directeur général de la sécurité intérieure et le parquet antiterroriste, qui, lui, est habilité pour accéder aux dossiers secret défense, notamment au fond de l’enquête. Il arrive aussi que les enquêteurs – les officiers de police judiciaire de la DGSI – viennent s’adresser au parquet antiterroriste pour lui exposer oralement les avancées de l’enquête et déterminer si le dossier est judiciarisable. Mais ce n’est pas le cas au niveau déconcentré.
Nous proposons donc que soit créé un parquet national antiterroriste qui coordonnerait la lutte antiterroriste et que l’on renforce les juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS, en les dotant d’une compétence antiterroriste et d’habilitations confidentiel ou secret défense. Voilà qui rétablirait la confiance entre la justice, la police et la population, dans le respect de nos principes fondamentaux. (L’amendement no 507 n’est pas adopté.) La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l’amendement no 109. Il s’agit de donner la primauté aux perquisitions judiciaires lorsque celles-ci sont possibles, afin de « judiciariser » au plus tôt les situations et les individus intéressés.
Nous en avons discuté au cours des auditions avec de nombreux magistrats qui souhaitaient ce que l’un d’entre eux a appelé un droit de veto. En l’occurrence, le procureur de la République de Paris aurait la possibilité, lorsqu’il est saisi d’une demande de visite domiciliaire, de décider directement d’une perquisition judiciaire et non administrative. C’est une façon de renforcer la prédominance du pouvoir judiciaire dans ces opérations antiterroristes. La plupart du temps, le juge est en mesure de procéder ainsi ; mais cela va mieux en l’écrivant. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Je suis d’accord avec l’idée qu’il faille privilégier la voie judiciaire : c’est d’ailleurs elle que le texte favorise. Pour rappel, le préfet saisit le JLD et il y a un avis motivé du procureur. Le processus étant centralisé à Paris, si le procureur de la République de Paris dit que la procédure doit être judiciarisée, je vois mal comment le JLD de Paris passera outre. Quel est l’avis du Gouvernement ? Votre amendement est déjà satisfait, puisque, à tout moment, le procureur de la République peut décider d’une ouverture judiciaire. Je vous suggère donc de le retirer. La parole est à M. Erwan Balanant. Je le retire ! (L’amendement no 109 est retiré.) La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 426. Dans le même esprit, nous proposons de prévoir que l’ordonnance écrite et motivée du juge des libertés et de la détention justifie l’absolue nécessité de recourir à un tel dispositif. Sur les 4 500 perquisitions administratives effectuées depuis le début de l’état d’urgence, la moitié de celles qui ont été contestées devant les tribunaux administratifs, soit une centaine, ont été annulées. Motiver l’ordonnance par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations soient nécessaires conduirait, je le crois, à davantage de prudence et permettrait certainement d’éviter que des « visites » soient effectuées abusivement. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Nous avons déjà eu le débat hier. Le terme « motivée », à mon sens, suffit. C’est évidemment l’office du JLD de motiver sa décision au regard des éléments de fait. On change le code de procédure pénale, en inscrivant seulement « motivée » dedans ? Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable également. Naturellement, la saisie sera nécessairement motivée par référence aux éléments de fait et de droit, justifiant la nécessité de l’opération. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Pour répondre à cette question de la motivation, mes collègues du groupe GDR proposent d’insérer : « par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations soient nécessaires ». On touche à ce qu’a évoqué M. Paris, à un besoin d’acculturation des juges des libertés et de la détention, parce qu’ils ne connaissent pas bien les notes blanches, tout comme les juges administratifs ne les connaissaient pas bien avant eux et ont dû procéder à cette acculturation. Quelle est-elle ? C’est vérifier que ces notes soient correctement écrites, de sorte que l’on arrive à voir ce qui se cache derrière des formules un peu vagues, leur principe étant en effet de ne pas avoir d’éléments afin de protéger les sources. Cet amendement vient proposer d’être plus précis et de judiciariser plus facilement.
Je trouve regrettable que l’amendement précédent ait été retiré, alors qu’il permettait de dire noir sur blanc que le juge judiciaire a une position prépondérante par rapport au juge administratif. Cela irait mieux en le disant. Mais cette précision, c’est encore trop pour la commission et pour la ministre. C’est bien dommage. Je crains que cette lacune n’autorise des dérives. (L’amendement no 426 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 231. Cet amendement propose de revenir, en matière de perquisitions administratives, à la rédaction de la loi du 3 avril 1955.
Vous avez, madame la ministre, souhaité complexifier le dispositif, en introduisant la décision du juge des libertés et de la détention, créant par là même, selon la formule du Syndicat des commissaires de la police nationale entendue en audition, un « monstre juridique difficilement activable ». Parallèlement, vous avez souhaité restreindre les conditions permettant de mettre en œuvre ces perquisitions administratives.
En proposant une nouvelle rédaction, nous voulons revenir à la lecture originelle, laquelle a permis de mettre en œuvre ces perquisitions et ces procédures extrêmement protectrices, qui ont donné les résultats que je rappelais précédemment, en matière de saisies – 700 armes – et de procédures judiciaires – trente ont été ouvertes. Revenons à la lecture et à la rédaction initiales pour rendre cette mesure opérationnelle, alors que votre rédaction va la rendre inactive et difficilement mobilisable. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Nous avons déjà eu le débat. (L’amendement no 231, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l’amendement no 432. Le vrai débat de fond continue dans cet hémicycle. Après la sortie de l’état d’urgence, qui avait été décrété en situation de guerre, le Gouvernement a décidé d’intégrer dans la loi ordinaire des mesures d’exception. C’est une procédure juridique hybride qui renforce le pouvoir exécutif, en mettant à distance l’autorité judiciaire, quoi qu’on en dise, y compris dans le cadre des perquisitions. Certains collègues ont eu raison de dire que nous sommes là dans l’interprétation du comportement d’un individu, des raisons sérieuses qui laisseraient penser telle ou telle chose ou des relations qu’il peut avoir. Il y aura immanquablement des dérives. On choisit de mettre dans la loi ordinaire des mesures d’exception et de relativiser les droits des individus.
À défaut de pouvoir supprimer un certain nombre d’articles, notre amendement vise à essayer de circonscrire le texte au caractère exceptionnel de la situation qui a motivé l’état d’urgence et ce projet de loi : la situation de guerre liée à une barbarie, celle de l’islamisme radical. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter après le mot « terrorisme », les mots : « liés à l’islamisme radical ». C’est un amendement politique. J’espère qu’il sera suivi, même si je ne me fais pas beaucoup d’illusions. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je comprends le fondement de l’amendement de nos collègues corses. Il permettrait, en réalité, d’éviter une certaine hypocrisie présente dans cet hémicycle et dans nos débats : il s’agit bien in fine de la cible de ce texte. Je ne sais toutefois si j’emploierais les mêmes mots qu’eux. Je verrais peut-être les choses plus largement. Il ne faut pas renoncer à notre intransigeance et continuer de refuser de caractériser untel ou un autre, mais bien faire des lois sur des catégories générales et non particulières. C’est pourquoi nous nous sommes refusé à faire des amendements de repli, pour leur substituer des amendements de proposition, puisque nous nous opposons au texte dans son intégralité. Je suis sûr que certains députés du groupe La République en Marche nous répondront qu’il y a bien une hypocrisie dans nos débats. La parole est à Mme Marie Guévenoux. J’avoue ne pas très bien comprendre le propos de nos deux collègues. Si je comprends bien, il y a un terrorisme acceptable, le « soft » – on ne sait pas très bien où il est –, et un terrorisme pas acceptable, celui qui viendrait de l’islamisme radical. Pour nous, il n’y a pas de terrorisme acceptable. Tel est le sens de ce projet de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe REM.) La parole est à M. Sébastien Chenu. Cet amendement est intéressant. Oui, il faut sortir de l’hypocrisie. Oui, il faut caractériser les choses. Il n’y a pas un terrorisme acceptable et un terrorisme inacceptable. Ce n’est pas du tout le sens de cet amendement. Nous menons une guerre. Si ce n’est pas le cas, il ne faut pas employer ces mots et ce n’est pas une guerre que nous menons contre le terrorisme islamiste, mais une lutte contre quelques personnes dont on ne veut pas prononcer le nom. Il y a une guerre qui est menée au nom de Daech, au nom du terrorisme islamiste. Il faut le dire. Cet amendement le dit. Pourquoi ne pas l’adopter ? (L’amendement no 432 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 319. Sur le plan probatoire, il convient de concilier l’impératif de protection de l’ordre public avec la nécessaire préservation des droits et libertés. Comme à l’article 3, alinéa 8, cet alinéa 4 retient la notion de : « raisons sérieuses de penser ». Or cette notion comporte une dimension de subjectivité, qui, à mon sens, ne permet pas un contrôle suffisant de la décision.
Elle peut d’ailleurs comporter un risque d’arbitraire. La Cour de cassation, dans une décision du 28 mars dernier, à l’occasion du contrôle de légalité de l’acte fondant des poursuites pour violation d’une assignation à résidence, a considéré qu’il incombait « au juge répressif de répondre aux griefs évoqués par le prévenu à l’encontre de cet acte, sans faire peser la charge de la preuve sur le seul intéressé et en sollicitant, le cas échéant, le ministère public afin d’obtenir de l’autorité administrative les éléments factuels sur lesquels celle-ci s’était fondée ». S’il ne saurait être exigé pour une telle mesure d’établir « des indices graves et concordants », qui conduiraient nécessairement à la mise en mouvement de l’action publique, il peut être raisonnablement proposé que puisse être exigée la précision « d’éléments factuels précis ». Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. C’est le même argument que pour l’amendement no 426. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable, car exiger des éléments factuels précis, avant même que la visite ait eu lieu, contrevient à l’objectif même de cette mesure, dont la finalité est précisément de rassembler des éléments factuels précis attestant de l’implication de la personne dans un projet terroriste. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Beaucoup de nos collègues cherchent à renforcer ce texte, pour qu’il y ait des éléments concrets et éviter toute interprétation subjective, dans cette ère du soupçon que nous décrivons. On peut aussi voir qu’il y a une autre rhétorique, celle de la guerre, qui a été employée non seulement par le Front national, mais aussi par notre ancien Premier ministre. Cette rhétorique m’inquiète, car, si nous sommes en guerre, ce sont d’autres conventions qu’il faut appliquer, ce qui pose d’autres difficultés. Il faudrait alors juger les gens comme des criminels de guerre. C’est d’ailleurs ce que propose le Front national. Il me paraît un peu inquiétant que certains dans la majorité reprennent ce genre d’arguments. Nous combattons les actes et la préparation d’actes terroristes, d’attentats, ni plus ni moins. Il ne faut pas entrer dans une telle rhétorique, sans quoi on met le doigt dans un engrenage, sans savoir où cela s’arrêterait. Cet amendement tente d’apporter une précision. Il est, à ce titre, un bon amendement de repli. (L’amendement no 319 n’est pas adopté.) La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l’amendement no 59. Cet amendement consiste simplement à nous rappeler que l’article 3, qui a été adopté hier, et cet article 4 ont les mêmes objectifs. Il s’agit, dans les deux cas, de prévenir exclusivement la commission d’actes de terrorisme, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’une personne a des comportements qui représentent une menace sérieuse et grave pour la sécurité et l’ordre publics et que cette personne soutient ou diffuse des thèses qui incitent à des commissions d’actes de terrorisme, ou y adhère. Or il manque dans l’article 4 le terme « diffuse », présent à l’alinéa 8 de l’article 3. La diffusion de ces thèses constitue, au même titre que l’adhésion ou le soutien, un motif sérieux de voir s’appliquer, dans le cadre précis que je viens de rappeler, les mesures prévues par l’article 4. C’est en quelque sorte un simple amendement de coordination et de cohérence avec l’article 3. (L’amendement no 59, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.) La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l’amendement no 28. Cet amendement vise à ajouter les lieux où exercent les professionnels liés par le secret médical à la liste des lieux ne pouvant pas faire l’objet des opérations décrites à l’alinéa 5, par respect pour l’ensemble des patients suivis. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Je rappelle que, dans la loi relative à l’état d’urgence, seuls les lieux affectés à l’exercice professionnel des magistrats, parlementaires et avocats étaient protégés. Sur notre proposition, la commission a étendu la liste aux domiciles, mais il me paraît excessif de l’étendre aux médecins. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable également. Je précise que le juge des libertés et de la détention peut toujours, au vu d’éléments qui lui sont présentés, estimer pertinent d’autoriser une visite d’un cabinet de médecin. Il se prononce ou non en ce sens. (L’amendement no 28 n’est pas adopté.) La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 425. Comme vous le savez, dans le cadre du suivi de l’état d’urgence, le Défenseur des droits avait été saisi de réclamations dénonçant la mise en œuvre de perquisitions en pleine nuit en la présence d’enfants, parfois très jeunes, et sans qu’aucune précaution ait été prise. Le Défenseur des droits souligne à juste titre qu’il est essentiel d’éviter que les interventions soient traumatisantes pour les enfants, afin que ceux-ci ne soient pas durablement perturbés, ni n’acquièrent une représentation négative des fonctionnaires de police ou des militaires de la gendarmerie, qui pourrait contribuer, plus tard, à des attitudes non souhaitables.
Le Défenseur des droits recommande ainsi, avant l’intervention, de recueillir des informations sur la présence, le nombre et l’âge du ou des enfants afin de prévoir, si possible, dans l’équipage un intervenant social, un psychologue ou un fonctionnaire de police ou militaire de la gendarmerie de la brigade de protection des familles. Une personne au moins au sein de l’équipage intervenant doit être chargée de ce problème.
Il convient en outre de rappeler que, en 2013, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Bulgarie pour violation de l’article 3 de la Convention à propos du déroulement d’une perquisition au domicile de suspects en présence de jeunes enfants. Je tiens à votre disposition l’arrêté en question.
Pour toutes ces raisons, nous préconisons de recueillir des informations sur la présence, le nombre et l’âge des enfants avant toute visite et de prendre les précautions nécessaires. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Je suis d’accord avec vous quant à la nécessité d’une prise en charge des enfants mineurs dans le cadre d’une perquisition, voire d’une manière plus générale. Nous avons, en effet, entendu le Défenseur des droits en commission. Mais ses préconisations ne relèvent pas du domaine de la loi et doivent être mises en œuvre par le biais d’un arrêté ou d’une circulaire. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur le député, je comprends tout à fait vos arguments et suis totalement d’accord avec l’objectif. Vous avez rappelé l’avis du Défenseur des droits ; mais celui-ci ne recommandait pas de légiférer sur ce point, se contentant de souligner la nécessité de protéger les enfants dans ce type d’opérations.
À ce propos, les instructions récemment diffusées par la direction générale de la police nationale quant au port de la cagoule par les agents de police à l’occasion de certaines interventions qui se déroulent en présence de jeunes enfants indiquent que les agents spécifiquement chargés de la prise en charge de ces derniers ne doivent pas être cagoulés. La parole est à M. Pierre Dharréville. J’entends les arguments que vous m’opposez et prends acte de l’intention que vous affichez. Le problème, c’est que nous ne précisons rien dans la loi, et, chaque fois que nous essayons de faire des propositions pour tenter d’encadrer les procédures, vous nous répondez de la même façon. Je regrette que, sur un sujet aussi sensible que la protection de l’enfance, vous ne fassiez pas un petit effort. (L’amendement no 425 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 213. Je voudrais rappeler à Mme la ministre que nous sommes tous, dans notre groupe comme sur tous les bancs, animés par la même volonté de protéger nos concitoyens du terrorisme, et particulièrement du terrorisme islamiste. Nous avons été choqués par les propos caricaturaux du ministre d’État, ce matin, sur Europe 1. Il a en effet indiqué que MM. Ciotti et Larrivé voulaient tout simplement « mettre tout le monde en prison ». Je crois qu’on devrait éviter de tels raccourcis !
Ce que nous voulons, c’est peut-être bien de mettre en prison tous ceux qui représentent une menace terroriste pour nos concitoyens, et c’est ce que ces derniers attendent de nous. Ils veulent être protégés, mieux protégés. Au cours des années précédentes, dans le cadre des différents textes, nous avons, en conscience, élevé notre degré de protection – peut-être insuffisamment, mais systématiquement. Au contraire – nous le redisons et continuerons à le dire –, cet article 4 va affaiblir notre dispositif. Il prévoit notamment l’exigence de la présence de la personne dont le domicile sera perquisitionné ou de son avocat ; mais cela prive tout simplement ce dispositif de tout sens pratique et de tout caractère opérationnel ! C’est pour cela que nous voulons revenir à la rédaction initiale de la loi du 3 avril 1955. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Le dispositif actuel est exactement celui qui est prévu dans le cadre de l’état d’urgence. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis et même argument : c’est le régime des perquisitions administratives sous l’état d’urgence. (L’amendement no 213 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l’amendement no 116. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, en remplaçant les deux témoins par un magistrat dont l’indépendance et les qualifications juridiques ne sauraient être mises en cause, cet amendement vise à faciliter les visites en l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant tout en renforçant les garanties de respect des procédures. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. En exigeant que le magistrat soit sur place, c’est vous qui allez à l’encontre du caractère opérationnel de la mesure. On prévoit uniquement que le magistrat soit informé de la perquisition, notamment au cas où il y aurait une mesure de rétention administrative. Mais exiger qu’il soit sur place porte un sacré coup au caractère opérationnel du dispositif. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Éric Diard. Que fait-on si, lorsqu’on va sur les lieux, il n’y a ni l’occupant ni son représentant ? En présence d’un magistrat, on peut faire quelque chose ; en son absence, on ne fait rien. Que fait-on si l’occupant des lieux ou son représentant sont absents ? Voilà ma question. (L’amendement no 116 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 242 et 308.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 242. Cet amendement revient sur une disposition qui n’autorise pas les visites entre vingt et une heure et six heures du matin, sauf autorisation expresse du juge des libertés et de la détention.
Cette mesure va priver le dispositif de caractère opérationnel. L’intérêt de la perquisition administrative, c’est sa rapidité et sa simplicité. En présence d’une menace, elle permet de lever le doute très vite, quasiment dans l’instant. Lorsque nous avons rencontré le préfet de police, avec Mme la présidente de la commission des lois – que je remercie de nous avoir associés à cette visite –, le préfet a cité en exemple la perquisition de centaines de casiers de personnel à Roissy. Le Premier ministre de l’époque le sait bien : lorsque, au milieu de la période la plus cruciale et la plus dangereuse, il y a eu un doute et une inquiétude, il a fallu aller vite et perquisitionner de façon systématique. Il était impossible d’obtenir la présence de toutes les personnes concernées ou de leurs conseils, et il fallait agir dans un délai imposé par l’urgence et la menace. Dans ce cas précis, ces deux dispositions priveraient le dispositif de tout caractère opérationnel et pragmatique.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva. Monsieur le président, madame la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, mes chers collègues, l’article 4 concerne les visites domiciliaires et les saisies.
Lors de nos précédentes interventions, Michel Castellani, Paul-André Colombani et moi-même avons exprimé nos inquiétudes, s’agissant notamment de l’absence de caractérisation des raisons sérieuses permettant de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement pourrait être délictueux ou en relation avec des organisations dont les thèses inciteraient à la commission d’actes terroristes ou en feraient l’apologie.
Il est d’autres motifs d’inquiétude : l’absence de garantie empêchant une dérive sécuritaire ou le vague de certaines notions, telle la « relation habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes terroristes », voire adhérant simplement à ces thèses.
Enfin, la discussion nous a apporté la confirmation que les amalgames n’étaient pas évités, puisque l’objet du projet de loi n’est plus uniquement la situation exceptionnelle créée par l’islamisme radical, bien que celui-ci accapare l’essentiel des débats, une situation dite de guerre étant censée justifier d’introduire l’état d’exception dans le droit commun. Or nous avons bien vu que nombre de situations politiques, sociales ou autres, pourront entrer dans le champ de cette loi, alors même que certaines d’entre elles méritent plus de dialogue que de répression. Nous ne pouvons que regretter de tels raccourcis. C’est pourquoi nous voterons contre cet article. La parole est à M. Paul-André Colombani. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, concernant ces visites et ces saisies, qui ne sont jamais que des perquisitions sans juge, je me dois d’exprimer mon inquiétude à l’heure où le gouvernement de M. Rajoy fait visiter les ministères catalans par des hommes armés et ordonne la saisie des bulletins de vote avec lesquels les Catalans doivent pacifiquement exprimer leur droit inaliénable à disposer d’eux-mêmes.
Si je ne remets pas en cause la nécessité impérieuse de lutter contre la menace exceptionnelle et ponctuelle du terrorisme djihadiste, je refuse que cette lutte soit dévoyée afin de défoncer les portes de militants politiques ; je pense, dans l’Hexagone, aux zadistes ou aux Bonnets rouges, alors que le droit en vigueur a toujours suffi à contenir les débordements et les risques d’atteinte à l’ordre public.
La campagne d’Europe de l’organisation Daech est un épisode qui nous a enlevé de nombreux concitoyens, mais, quand nous l’aurons emporté, nous laisserions inscrites dans le marbre de la loi des dispositions qui permettraient de violer de façon permanente les domiciles de présumés innocents à la faveur de simples soupçons.
Lorsque des patriotes corses avaient fait le choix de la violence désespérée – une violence qui s’est retournée contre eux –, aucune déclaration d’état d’urgence n’avait été votée par le législateur. Pourtant, de nombreux abus ont alors été commis par les forces de l’ordre lors de perquisitions, et ce dans la plus grande indifférence de beaucoup de monde. À quoi doit-on alors s’attendre avec un tel texte ?
Depuis 2014, les Corses ont exprimé une volonté unanime d’apaisement à travers plusieurs scrutins. Mais nous craignons que ces perquisitions sans juge, ordonnées selon le bon plaisir de l’exécutif, aboutissent à provoquer des Corses qui n’aspirent qu’à la paix. On a vu une telle provocation à l’œuvre lors de l’arrestation de Franck Paoli évoquée hier par mon collègue Jean-Félix Acquaviva, arrestation menée avec des méthodes d’un autre temps. La parole est à M. Didier Paris. S’il est bien un article qui, en première analyse en tout cas, devrait nous réunir, c’est bien celui-ci : nous sommes toujours dans la zone d’ombre que nous avions largement évoquée hier à propos de l’article 3, c’est-à-dire dans l’obligation de doter les forces de l’ordre de dispositifs spécifiques pour lutter contre la menace que nous connaissons tous.
Toutefois, la jurisprudence considère que nous sommes face à des mesures privatives de liberté, qui sont donc parfaitement encadrées dans notre droit. C’est pourquoi le projet de loi prévoit des dispositifs de jonction avec le monde judiciaire : d’une part, l’information du procureur de la République ; d’autre part, seconde jonction très forte, très efficace, celle de l’intervention préalable, et non plus a posteriori comme à l’article 3, du juge des libertés et de la détention.
Il ne s’agit pas d’une fiction juridique mais de la réalité, comme l’a bien établi Jean-Michel Hayat, président du tribunal de grande instance de Paris, lors de son audition par la commission des lois. Il nous a en effet expliqué comment, avec l’aide du premier vice-président, il avait organisé dans la capitale un dispositif permettant de statuer sur ces questions vingt-quatre heures sur vingt-quatre et de ne pas retarder la mise en place normale des mesures de contrôle administratif. Nous savons tous que celles-ci peuvent déboucher à un moment ou à un autre sur une translation vers le monde judiciaire. C’est donc tout à fait logiquement que le groupe La République en marche soutient l’article 4. La parole est à Mme Hélène Zannier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 4 vise à permettre à l’administration de procéder à des visites domiciliaires et à des saisies à des fins de prévention d’acte de terrorisme.
Si l’état d’urgence prévoit les perquisitions administratives, celles-ci s’appliquant à tout ce qui menace la sécurité ou l’ordre publics, et s’il existe, dans le droit commun, des possibilités de procéder à des visites domiciliaires, rien n’est prévu pour la prévention du terrorisme, du moins lorsqu’il n’y a encore aucune suspicion d’infraction pénale. Cet article s’inspire pour partie des perquisitions administratives prévues par la loi de 1955, qui prévoit qu’elles sont autorisées par le préfet. Elles ont été largement utilisées au début de l’état d’urgence actuel, mais sont devenues marginales pour deux raisons : les actions sont plus ciblées et ce dispositif n’est plus toujours adapté à la réalité.
Les visites domiciliaires vont être, quant à elles, strictement limitées à la prévention des actes de terrorisme, ce qui les distinguera bien des perquisitions administratives permises par l’état d’urgence.
De plus, les visites et les saisies feront l’objet d’un encadrement juridique renforcé. En effet, elles seront autorisées par un magistrat de l’ordre judiciaire, le juge des libertés et de la détention – le JLD –, lequel sera chargé de contrôler la légalité de l’intervention de l’autorité administrative. Ainsi, l’efficacité sera préservée et les libertés individuelles garanties.
Enfin, il faut bien voir que le dispositif proposé, qualifié par certains d’« hybride juridique », n’a rien d’une innovation. Il existe en effet déjà dans le droit commun et dans des conditions similaires. Certains agents de la répression des fraudes ou de la direction générale des finances publiques et même certains agents de l’Autorité de la concurrence peuvent se livrer à de telles visites, sous le contrôle toujours du juge des libertés et de la détention. Il serait dommageable de disposer de moins de prérogatives dans la lutte contre le terrorisme que dans la lutte contre les fraudes. C’est la raison pour laquelle il convient d’adopter cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.) La parole est à Mme Élise Fajgeles. Depuis le début de la discussion, on assiste pour le moins à un petit peu de caricature et de provocation. Du côté du groupe Les Républicains,… Ah ! Ça commence mal ! …on a entendu certaines propositions qui me semblent totalement disproportionnées, au mépris, assumé parfois, du juge constitutionnel et du risque de censure, par conséquent au mépris de notre système de valeurs et de notre Constitution.
Du côté du groupe La France insoumise, on nous accuse d’introduire dans la législation le principe de suspicion, mais c’est vous, mes chers collègues, que j’entends exprimer une suspicion envers la police, les services de renseignement, l’autorité administrative, le juge administratif, en brandissant l’argument des notes blanches (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI) et des zones grises qui justifieraient des interventions inutiles, voire des exactions qui conduiraient à la « démocrature », selon votre expression. Vous avez, comme nous, assisté aux auditions : les forces de police ont autre chose à faire que de s’occuper d’assignations à résidence ou de conduire des perquisitions reposant sur du rien, comme vous les en accusez. Les experts nous l’ont tous dit,… Vos experts ! …elles ont besoin de pouvoir mettre en œuvre ces mesures administratives, fondées sur des notes blanches qui servent notamment à protéger les sources et à étayer des renseignements provenant de sources étrangères qui ne pourraient servir de base à une procédure judiciaire, sachant que la finalité de ces mesures est toujours d’aboutir à une procédure judiciaire.
Vous ne pouvez pas nier non plus que certaines interventions doivent être réalisées dans une urgence absolue pour éviter un attentat. Car il s’agit bien de cela. Et je rappelle à nouveau que le ministre de l’intérieur nous a dit que douze attentats ont été déjoués depuis le début de l’année.
Il n’y a pas de zone grise ; il n’y a qu’un équilibre de risques pour la protection de nos concitoyens. L’article 4 se situe parfaitement dans cet équilibre. Ainsi, l’introduction du JLD dans le dispositif garantit la protection des libertés individuelles. De plus, le fait que, depuis quelque temps, les assignations à résidence soient beaucoup plus ciblées et plus productives montre bien qu’une telle spécialisation dans la lutte contre le terrorisme permet de mettre en œuvre des mesures ciblées et adaptées à la menace. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe REM.) La parole est à Mme Alexandra Louis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les terroristes mettent notre démocratie à l’épreuve. Cela nous renvoie à une double responsabilité : la première consiste à préserver les libertés individuelles, garantes de notre État de droit, la seconde à donner aux pouvoirs publics des moyens juridiques efficaces pour lutter contre le terrorisme.
Ce point d’équilibre paraît à certains introuvable, et le terme même d’équilibre peut déranger parce qu’il dépasse les clivages idéologiques traditionnels entre une certaine gauche et une certaine droite. Ainsi, d’un côté de l’hémicycle, on plaide pour plus de liberté, parfois au détriment de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme, et, de l’autre, pour plus de sécuritaire, au détriment parfois de ce qui fonde notre État de droit.
L’article que nous abordons conjugue ces deux préoccupations. La visite domiciliaire est une mesure nécessaire, car elle permet d’intervenir pour lever le doute. Lorsque nous ne disposons pas d’éléments permettant d’effectuer une perquisition dans un cadre purement judiciaire, cette mesure est absolument nécessaire, car elle permet, lorsqu’un risque existe, d’agir avec célérité.
Mais cet article offre des garanties et des contreparties judiciaires : toute visite domiciliaire devra être effectuée sous le contrôle du JLD, sera limitée dans le temps, et impliquera la notification du droit au silence ainsi que l’interdiction de tenir des auditions.
Cet article démontre qu’il est possible de mettre en œuvre des mesures concrètes visant à améliorer la sécurité des Français dans le cadre indépassable de l’État de droit : nous pouvons donc en être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à M. Jean-Michel Fauvergue. L’article 4 de ce projet de loi est emblématique, directement issu de l’état d’urgence et, en particulier, des perquisitions administratives. Les visites administratives et les saisies qui peuvent s’ensuivre, telles qu’elles sont prévues à ce même article, empruntent à ces mêmes perquisitions leur efficacité, fondée sur la rapidité d’action qu’elles autorisent.
Cette rapidité administrative n’a pas d’équivalent dans les instances judiciaires. Il s’agit en effet, et en général sur la base d’une note émise par un service de renseignement, dont il est primordial – vous comprenez pourquoi – de garder la source secrète, de lever un doute sur un risque qui pourrait s’avérer fatal et conduire, peut-être, à un massacre terroriste tels que ceux que nous avons connu il n’y a pas si longtemps.
Dans une telle situation, les décisions doivent être prises rapidement : l’autorité administrative est armée pour cela. Pour autant, le juge judiciaire n’est pas exclu du processus, puisque son intervention est prévue dès le départ.
Il s’agira en fait d’une équipe de juges des libertés et de la détention, celle du tribunal de grande instance de Paris, qui a le double avantage de connaître la matière terroriste – ils savent de quoi ils parlent – et d’être joignable vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle pourra ainsi faire face à l’urgence.
Un tel dispositif devrait être de nature à rassurer les enquêteurs de police et de gendarmerie, toujours un peu réticents face aux interventions de ces fameux JLD. En clair, ces visites, qui resteront limitées en nombre, offriront la possibilité, en cas de besoin, d’agir, et d’agir vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à M. Alexis Corbière. Sur cet article en particulier, comme depuis le début de nos échanges sur ce projet de loi, nous touchons à nos libertés publiques : j’invite chacun à ne pas l’oublier. Bien sûr, nous sommes tous animés de la volonté d’être efficaces face au terrorisme. Mais, nous l’avons également dit, il ne faut pas que nous quittions l’ère de la justice pour entrer dans celle du soupçon. De quoi parlons-nous ? Allons à l’essentiel : même si ce nouveau chapitre qu’on nous propose d’insérer dans le code de la sécurité intérieure prend pudiquement le titre de « Visites et saisies », il s’agit, en réalité, de perquisitions.
Jusque-là, il revenait au juge d’instruction, précisément instruit des faits générateurs, de prendre – certes en passant par l’intermédiaire d’un JLD – une telle décision, c’est-à-dire d’autoriser ou non une perquisition.
Désormais, ce filtre ne va quasiment plus exister : plus précisément, le préfet pourra directement, après saisine du JLD, qui lui ne disposera pas des mêmes informations que le juge d’instruction, puisqu’il s’agira uniquement de notes blanches, autoriser une perquisition.
Où est le problème ? Ce type de procédure nous a-t-il permis, ces derniers mois, d’être informés ? Certes, 4 500 perquisitions ont eu lieu sous le régime de l’état d’urgence. Sur combien d’instructions judiciaires ont-elles débouché ? Pas plus de 50, sans doute 30 !
Nous voyons donc bien l’absence d’efficacité de ce type de procédure. Sommes-nous d’accord avec cette technique du coup de filet général qui veut qu’à six heures du matin on débarque chez certains de nos concitoyens, sur la base de faits approximatifs qui n’ont pas été véritablement établis par un juge d’instruction ?
Sommes-nous d’accord pour que 4 500 perquisitions ne débouchent que sur une trentaine d’instructions judiciaires ? Il y a là une inefficacité qui doit nous ramener à la justice comme au fait qu’à tout moment, il est aujourd’hui possible de joindre la permanence du parquet anti-terroriste.
Il n’est donc pas vrai qu’à l’heure actuelle, il ne nous soit pas possible d’intervenir en cas de danger imminent. Soyons donc vigilants, mes chers collègues : c’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Éric Diard. Cet article 4 porte sur la possibilité qui serait offerte à l’administration, en vue de prévenir des actes de terrorisme, de procéder à des visites et saisies. Ce sujet, mes chers collègues, me semble bien plus sensible que celui des diverses mesures que nous avons étudiées au cours de l’examen de l’article 3. En effet, cette faculté se rapproche tout à fait de la procédure pénale.
Entière nouveauté dans le droit commun, cet article, s’il est adopté, permettra l’entrée en vigueur de dispositions qui seraient les plus proches de celles de l’état d’urgence.
Toutefois, certains points peuvent être modifiés et doivent être débattus avec la plus grande attention. En conséquence, les amendements que je vous présenterai ne viseront pas à ajouter de nouvelles dispositions, mais à approfondir celles qui sont soumises à notre examen.
Ils porteront principalement sur l’emploi des moyens humains et sur les conditions de délai qui encadrent ces visites et saisies, afin de mieux les rationaliser tout en veillant à respecter l’équilibre nécessaire entre protection de nos concitoyens et respect de la Constitution.
Mes chers collègues, je souhaite plus particulièrement appeler votre attention sur les visites domiciliaires. Tout d’abord, s’agissant des personnes qui devront être présentes au cours de leur déroulement, il faut à mon sens simplifier les conditions que vous avez prévues. Mais simplifier ne veut pas dire raboter, puisque c’est bien un magistrat qui devra être présent et s’assurer du respect des principes et des procédures. Je souhaite également débattre avec vous, madame la ministre, de la durée maximale de ces visites qu’il convient d’allonger légèrement, afin de permettre aux agents de faire plus sereinement leur travail.
Pour conclure, il me paraît nécessaire de distinguer le temps de rétention des individus pendant la visite du temps de leur garde à vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Erwan Balanant. Cet article a abouti à un certain équilibre entre les besoins de rapidité opérationnelle des forces de l’ordre et le contrôle des droits et libertés de chaque personne qui pourrait avoir à subir ces visites et saisies.
J’ai cependant une petite interrogation sur ces mots de « visites et saisies », qui, dans les faits, s’apparentent à des perquisitions. Mais nous en avons débattu en commission, et la question a été tranchée.
Je réponds à nos collègues du groupe France insoumise qui, sur ces perquisitions, tentent – une fois encore, comme depuis le début de la législature – de nous faire prendre leurs fantasmes pour des réalités. Rassurez-vous : nos fantasmes, ce n’est pas vous ! Nous non plus ! Les 4 500 perquisitions que vous avez évoquées sont celles qui ont été opérées, en grande partie, dans l’état de sidération consécutif au 13 novembre : elles répondaient à un besoin de tous nos concitoyens.
Aujourd’hui, les choses sont complètement différentes. Ce projet de loi nous permet d’atteindre un équilibre, puisque le JLD est associé à la décision et donne son avis sur l’opération envisagée.
Nous proposerons pour notre part un amendement qui donnera au juge judiciaire une sorte de droit de veto. Nous en avons discuté avec les syndicats de magistrats. Ce juge pourra être saisi prioritairement lorsqu’une visite ou une saisie sera envisagée.
Cet article équilibré permet de concilier les besoins de rapidité opérationnelle des forces de l’ordre, que notre collègue Jean-Michel Fauvergue a rappelés, ainsi que la préservation des libertés de chaque citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.) La parole est à M. Patrice Verchère. Madame la ministre, dans le projet de loi que vous nous soumettez, et qui a vocation à créer, selon vous, une alternative sérieuse à l’état d’urgence, tout en permettant d’assurer une sécurité optimale pour nos concitoyens, cet article 4 prévoit de remplacer les perquisitions administratives de l’état d’urgence par l’insertion dans le droit commun de visites domiciliaires à l’initiative des préfets, sous autorisation judiciaire.
Permettez-moi tout d’abord, avant d’étayer mon propos, de remarquer que le terme de « visite », dans un contexte de menace terroriste, me paraît inapproprié. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais, s’il m’arrive d’avoir le plaisir de rendre visite à des amis, il ne me viendrait à aucun moment à l’idée d’employer ce mot pour un éventuel terroriste.
Avec votre projet de loi, ces visites et saisies ne seront dorénavant plus des perquisitions administratives – avec toute la souplesse que cela implique, et qui est appréciée par nos forces de sécurité –, car elles seront conditionnées à une autorisation judiciaire, celle du JLD, sur saisine motivée du préfet compétent.
Cette précision étant donnée, sur le fond, je ne peux que vous rappeler que les perquisitions administratives ont montré toute leur efficience, puisque, sur les 4 000 qui ont été menées, 500 ont conduit à des interpellations, 426 à des gardes à vue, et 600 à des saisies d’armes à feu, dont 77 d’armes de guerre.
Une fois de plus, avec cet article 4 – et c’est là toute la faiblesse de votre projet –, vous allez dégrader le niveau de protection de nos concitoyens en proposant la mise en place d’un dispositif lourd et complexe, sans réelle valeur ajoutée en matière d’efficacité de nos forces de sécurité et de renseignement.
Ne pensez-vous donc pas, madame la ministre, comme l’ont d’ailleurs très légitimement souligné les syndicats de policiers, que l’on est en présence d’une monstruosité juridique et que ce dispositif, aussi beau soit-il sur le papier, sera souvent inopérationnel en pratique, le délai requis pour motiver la saisine du JLD risquant de se trouver en total décalage avec le besoin de réponse immédiate, seule de nature à éviter l’orchestration d’attentats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Très bien ! La parole est à M. Bruno Bilde. Mes chers collègues, l’article 4 traite de visites de lieux et de saisies de documents sensibles, ainsi que de l’immobilisation des personnes susceptibles de commettre des actes terroristes.
Malheureusement, madame la ministre, toutes les dispositions que vous proposez sont vides de substance, et vos intentions non suivies d’effets juridiques, ou plutôt assorties de contraintes tellement fortes qu’elles ne pourront renforcer notre arsenal de lutte contre le terrorisme islamiste.
Plusieurs exemples : on ne peut tout d’abord organiser la visite d’un lieu fréquenté par un islamiste avant six heures du matin, ni après vingt et une heures. La belle affaire ! Les islamistes pourront donc opérer tranquillement pendant ces plages horaires.
Le juge pourra également, sur demande de l’islamiste ou s’il le décide de son propre chef, suspendre la visite ou la saisie de documents : cette disposition fragilise dangereusement la mise en œuvre concrète de la lutte antiterroriste.
Enfin, un islamiste s’apprêtant à commettre un attentat ne pourra être retenu plus de quatre heures. Le projet de loi prévoit en effet qu’un islamiste qui constitue une menace grave pour la sécurité et l’ordre public devra être libéré après quatre heures d’immobilisation.
Imaginez la responsabilité politique et morale que vous porterez si un attentat est commis par un islamiste libéré après avoir été retenu pendant quatre heures à l’occasion de la visite de son domicile ! Que direz-vous aux familles des victimes ? Que vous vouliez garantir les libertés publiques des terroristes ? Que vous souhaitiez faire plaisir aux criards de la France insoumise ou plutôt, devrais-je dire, de la France soumise à l’islamisme ? (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) On élève le niveau ! Monsieur est poète ? Nous vous demandons donc, madame la ministre, de muscler ce texte pour garantir la sécurité de nos compatriotes. (Applaudissements de certains députés non inscrits.) La parole est à M. Sébastien Chenu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans cette parfaite démocratie où il nous a été interdit de nous exprimer lors de la discussion générale, nous avons cependant la mission d’éclairer la représentation nationale sur la nullité absolue de ce projet de loi, tout autant que sur sa dangerosité.
Dans cette parfaite démocratie, les Français n’ont pas ressenti le besoin, ces dernières semaines – et c’est heureux –, de se faire justice eux-mêmes. Ils voyaient en effet dans le caractère exceptionnel de l’état d’urgence la possibilité d’une réponse de l’État. Elle a malheureusement été si mal utilisée !
Avec l’article 4, vous venez, madame la ministre, mettre un terme à la confiance qui pouvait exister entre gouvernants et gouvernés, car vous affirmez, en définitive, que le terrorisme islamiste est une délinquance qui mérite des égards, et que ceux qui le mettent en œuvre méritent de ne pas être bousculés.
Ainsi, dans cet article consacré aux visites et saisies, vous prévoyez de venir toquer gentiment à la porte des personnes suspectes, non pas en les traitant comme des criminels de droit commun, mais en renonçant à les traquer nuit et jour, puisque, contrairement à ce qui se passe pour les auteurs de crimes et délits en matière de stupéfiants, de proxénétisme ou de traite d’êtres humains, vous refusez de les réveiller la nuit. Dans cette maison, on lève l’immunité d’un parlementaire parce qu’il a montré des photos de Daech, mais on refuse de s’attaquer à ceux-là mêmes qui sont à l’origine de ce type d’attentats, et donc de ces photos !
Chers collègues, si vous refusez de réveiller la nuit des personnes suspectes de terrorisme islamiste, eh bien, rassurez-vous, ce sont elles qui viendront vous réveiller, nuit et jour ! (Applaudissements de certains députés non inscrits.) La parole est à M. Ludovic Pajot. Chers collègues, je voudrais faire quatre observations sur l’article 4.
D’abord, celui-ci invente des perquisitions administratives qui ont pour caractéristique de ne plus être administratives : une perquisition qui implique le contrôle d’un juge n’est plus une perquisition administrative !
Le nouvel article L. 229-1 empile tant de conditions juridiques à sa mise en œuvre, qu’il ne sera, en pratique, jamais utilisé. Si le jeu consiste à rendre encore plus difficile le travail des autorités face aux terroristes, l’objectif est atteint !
Tout est fait pour que la personne visée puisse s’extraire de la visite de la police, soit physiquement, soit juridiquement.
L’article 4 s’excuse presque de permettre les saisies, oubliant que c’est généralement l’objectif d’une perquisition. Lorsque ses rédacteurs parlent de « visites » et non de « perquisitions », ils ont raison non seulement du point de vue juridique, mais aussi du point de vue sémantique !
Le cœur de ce projet, ce sont les perquisitions, que vous avez transformées en aimables visites de courtoisie. Ce serait sympathique s’il ne s’agissait pas de terroristes potentiels et que nous n’avions pas 250 morts à déplorer ! (Applaudissements de certains députés non inscrits.) La parole est à M. Gilbert Collard. (Exclamations sur divers bancs.) Tagada, voilà les Dalton ! Que c’est bon d’être populaire !
Mes chers collègues, c’est sans mon immunité parlementaire que je me présente devant vous. Je le prends avec fierté et humour. Moi, voyez-vous, je n’ai pas le cancer de la lâcheté, de la soumission, de la génuflexion ! Je laisse ceux qui ont ce cancer à leurs soins. Je suis très heureux de ne pas avoir cette immunité.
Prenez garde, tout de même, car ce qui arrive à l’un peut arriver à l’autre. De toute manière, il y aura, je l’espère, un procès, et j’aurai l’honneur d’y faire citer bien des personnes… Oh oui, bien des personnes… On pourra alors s’expliquer frontalement – si je puis dire. (Exclamations sur plusieurs bancs.) Et le texte ? Ce texte de loi, pour l’aborder très rapidement, est d’un côté liberticide, de l’autre d’une faiblesse proprement incroyable. C’est la marque de cette majorité : d’un côté, on donne l’impression que l’on est fort, de l’autre, on fait tout pour être faible. C’est un texte qui, d’un point de vue juridique, est complètement déséquilibré. Vous introduisez des atteintes aux libertés ; en même temps, vous réduisez les moyens d’exercer le contrôle et la répression. Ce n’est pas un bon texte.
Toutefois – et je conclurai là-dessus –, vous pourrez toujours vous consoler, en disant que l’on poursuit un député qui a posté un tweet sur les exactions de Daech : le terrorisme va avoir peur ! (Applaudissements de certains députés non inscrits.) La parole est à M. Jean Lassalle. ( « Ah ! » sur plusieurs bancs.) Nous en sommes au quatrième examen d’un texte de ce type, et l’on ressent une gêne persistante au sein de cette assemblée, quels que soient ceux qui ont la chance d’y siéger. Je me demande si le nouveau Président de la République et le Gouvernement, qui s’efforcent de faire la lumière sur un certain nombre de sujets, n’essaieraient pas de sensibiliser les Français au fait de rechercher et de traquer le mal à la racine.
En effet, n’y aurait-il pas eu, par hasard, une baisse du nombre de ces tragédies depuis que la Syrie a été reprise aux tueurs de Daech et consorts, et que la Libye et l’Irak sont en voie de l’être ? Ne faudrait-il pas aussi faire le point, en ce début de législature, sur nos échanges, et aussi sur notre diplomatie, avec des pays comme l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis, et dire clairement aux Français ce que nous faisons avec eux, et quelle est l’attitude de ces pays à l’égard de Daech ?
Enfin, ne faudrait-il pas faire le point sur nos cités ? Nous en parlons parfois, mais de façon très légère. J’ai eu le privilège d’en visiter une trentaine nuitamment ; peu de gens y dissimulent la haine qu’ils portent à notre civilisation. Pourtant, ce sont nos enfants, des enfants de France, nés en France. On ferait bien de regarder comment ils sont alimentés et quels sont les réseaux qui les poussent à la radicalisation.
Je pense donc qu’il est temps d’ouvrir une nouvelle page, une page de clarification. En ce qui me concerne, je vois mal les pouvoirs du juge passer au préfet et, ce faisant, affaiblir les deux. La parole est à M. Ugo Bernalicis. À propos de cet article 4, on a évoqué tout à l’heure un besoin de « rapidité ». Il s’agit d’une sorte d’argument d’autorité, justifiant qu’il ne faille pas passer par une procédure judiciaire, laquelle serait, au contraire, trop lente. C’est sans doute méconnaître le fait que le parquet antiterroriste de Paris tient une permanence vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qu’il est joignable à toute heure, qu’il comprend douze membres et que douze magistrats du siège accompagnent ceux-ci. Nous sommes suffisamment nombreux au sein de cet hémicycle à nous féliciter de son travail pour que l’on ne vienne pas le critiquer en arguant de sa trop grande lenteur. Ce n’est pas le sujet.
On a procédé à 4 500 perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence ; on a évoqué des saisies d’armes et des gardes à vue. Oui, il y a eu des résultats, mais qui n’ont rien à voir avec le terrorisme – c’est bien là le problème. On a utilisé les moyens de l’état d’urgence pour accélérer un certain nombre d’enquêtes, concernant notamment les stupéfiants, afin d’afficher des résultats chiffrés et dire, suivant en cela la méthode Coué : « Regardez, l’état d’urgence, ça marche, puisque, quand on fait des perquisitions, on saisit des choses ! ». C’est un procédé étrange. On voit pourtant bien que, dans la période récente, le nombre de perquisitions pour des raisons exclusivement de lutte contre le terrorisme a nettement diminué. Il ne s’agit donc pas de commencer par secouer le cocotier.
S’agissant du juge des libertés et de la détention, on l’introduit afin de donner l’impression que l’on se trouve dans un cadre judiciaire. Or le JLD n’a pas de service enquêteur. De quels moyens dispose-t-il pour examiner la note blanche ou les éléments apportés par le préfet et pour faire son contrôle, au fond, sur le bien-fondé des soupçons pesant sur un individu ? Ces moyens sont extrêmement faibles ; en réalité, ils sont identiques à ceux du juge administratif. Comme je l’ai dit dans mon intervention au début de la discussion, il ne s’agit que d’un alibi qui vous permet de vous draper dans une judiciarisation qui n’existe pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à Mme Cécile Untermaier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec les articles 3 et 10, l’article 4 figure au cœur d’un débat légitime. Comme eux, il se caractérise par une rédaction bavarde ; sans doute montre-t-on par là la difficulté à trouver un équilibre entre les mesures sécuritaires exorbitantes de l’organisation judiciaire et la préservation de la liberté individuelle de domicile.
Il ne s’agit pas d’un maintien de l’état d’urgence dans le droit commun ; c’est faux. Il ne s’agit pas non plus d’un retour au droit commun de la perquisition. C’est un entre-deux, qui voit l’émergence de la puissance administrative là où le judiciaire était souverain. Nous allons déposer des amendements, mais aux marges du texte. Comme nous l’avons déjà dit à propos de l’article 3, il nous semble nécessaire, eu égard à ce dispositif exorbitant, de mettre en œuvre un contrôle parlementaire de même nature que celui que nous avions instauré pour l’état d’urgence. Il ne s’agit pas d’une mesure de méfiance ; il s’agit au contraire d’une mesure collaborative, qui vise à renforcer la transparence et l’appréciation portée collectivement par la commission des lois sur ces dispositions. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Il est nécessaire d’agir sur les causes qui amènent à des situations de terrorisme, et pas seulement sur les effets. Or, parmi ces causes, il y a l’histoire des quartiers où se trouvent les personnes qui se radicalisent, ainsi que notre histoire, l’histoire de la France, et l’histoire des relations entre ces personnes et les forces de l’ordre, en particulier la multiplication des contrôles : on n’est pas contrôlé autant de fois suivant que l’on est Français ou que l’on est une jeune fille ou un jeune homme issu de l’immigration. Cette multiplication des contrôles crée une relation à l’autorité très particulière et plutôt violente.
La situation risque de s’aggraver avec le concept de « visites ». Imaginez-vous, chers collègues, subir une visite administrative ; imaginez vos enfants, qui vont voir la police entrer chez vous, saisir vos ordinateurs et éventuellement vous emmener, sans forcément vous expliquer les choses, en disant : « Si nous sommes là, c’est qu’il y a des raisons ; vous aurez les explications plus tard. » Il s’agirait de « lever le doute » ; mais n’avez-vous pas l’impression que cela va plutôt le semer, le doute, dans la famille, et aussi dans le voisinage : si la police est venue, c’est peut-être qu’il y a un problème ? Vous connaissez tous le proverbe : « Il n’y a pas de fumée sans feu » ! (« Eh oui, précisément ! » sur quelques bancs des groupes REM et LR.)
À la suite de ces milliers de visites administratives qui ne lèvent aucun doute, mais plutôt qui en créent un nouveau, quelle sera la vie de ces jeunes, de ces familles et de leur voisinage ? Quelle sera leur perception de l’autorité et de la police ? Je crains que l’on n’allume une nouvelle mèche, au lieu d’en éteindre. Cet article ne nous convient pas du tout, comme nous l’expliquerons à l’occasion de la défense de nos amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.) Très bien ! Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 256, 408 et 420, visant à supprimer l’article.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 256. Contrairement à ce qui a été dit, il n’y a pas que la France insoumise qui critique cet article ; c’est d’ailleurs pour cela que nous en demandons la suppression. Je l’ai déjà dit : à l’échelon national, c’est l’ensemble des organisations de défense des droits humains qui sont très critiques et qui s’opposent au projet de loi, en particulier à l’article 4 ; et, peut-être l’avez-vous vu, aujourd’hui même, c’est à l’échelon international, aux Nations unies, qu’une communication a été faite, précisément sur les points que nous soulevons.
Ce ne sont rien moins que la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la protection des droits de l’homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, c’est-à-dire pas une gauchiste ou une laxiste qui ne saurait pas de quoi elle parle, et le rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme qui ont fait une communication pour critiquer un « état d’urgence permanent » – je reprends leur terme. Ils ont dit, par exemple : « La normalisation par ce projet de loi des pouvoirs d’urgence menace gravement l’intégrité de la protection des droits en France, tant dans le cadre de la lutte contre le terrorisme que plus largement. » Leur fera-t-on le procès de ne pas savoir de quoi ils parlent, d’être laxistes ou de ne pas avoir conscience de la réalité du risque terroriste ? Dira-t-on à leur propos qu’il s’agit d’« islamo-gauchistes » ?
Nous prenons toute la mesure du risque qui existe en France et à l’échelon international, et ces personnalités, ces juristes, ces magistrats la prennent tout autant que nous. Quand ils publient ce genre de communiqué, c’est qu’il y a un problème grave et sérieux, dont on devrait tenir compte.
S’agissant plus particulièrement du présent article, comme mes collègues l’ont indiqué, il s’agit d’une stratégie d’enrobement, ce que montre bien l’utilisation de l’expression « visites et saisies », qui fait un mélange entre deux notions administratives très différentes. Il y a là une série de fragilités juridiques et, surtout, rien qui fasse progresser la prévention. Il existe déjà dans notre arsenal juridique certaines possibilités, mais au plan judiciaire.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, qui ne permettra pas de prévenir les actes de terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 408. Nous avons dit il y a quelques minutes que des perquisitions réalisées sans la présence du juge risqueraient de provoquer des abus : l’amendement est donc défendu, monsieur le président. L’amendement no 420 est également défendu, monsieur Jumel ? Je vais prendre deux minutes pour le défendre, monsieur le président.
Jean-Paul Lecoq a dit ce que nous pensions de l’esprit du texte. Nous sommes – comme nos collègues sur tous les bancs de cet hémicycle, j’imagine – profondément attachés aux valeurs de la République ; et pour défendre ces valeurs, nous devons veiller à l’équilibre des pouvoirs ainsi qu’à leur séparation.
Or, depuis le début de la mandature, on assiste à une progressive remise en cause de cette séparation : nous avions eu l’occasion de le dire, lors des débats sur la loi Travail, avec la remise en cause du pouvoir prud’homal. Tout à fait ! Cette fois, on pourra faire valoir que le pouvoir judiciaire, à travers le JLD, exerce un contrôle ; mais le JLD, on le sait, n’aura aucun moyen de vérification matérielle pour les faits qui lui seront soumis. Le pouvoir de contrôle judiciaire, théorique, s’en trouve donc réduit, et l’on ne dispose d’aucune garantie qu’il pourra s’exercer sur le pouvoir administratif : c’est aussi le sens des réserves que nous exprimons.
J’ajoute que, depuis le début de l’examen du texte, j’éprouve une forme de malaise, car l’efficacité, me semble-t-il, ne sera pas au rendez-vous, alors que la stigmatisation et le réveil des antagonismes ou des colères rentrées, eux, le seront. Cela m’inquiète profondément. Très bien ! Sur l’amendement no 51, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Raphaël Gauvain, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements. Défavorable.
Le même débat revient sur chaque article : une fois encore, on est dans la caricature. Je ne reviendrai pas sur le fond, mais le fait est que l’article n’est en rien un décalque de la perquisition administrative prévue dans le cadre de l’état d’urgence. Contrairement à ce qui a été dit, de vraies garanties sont apportées, notamment à travers l’intervention du juge judiciaire, en l’espèce le JLD.
Nous reviendrons sur ce point, mais je ne puis laisser dire que le JLD, qui intervient notamment pour décider de la détention provisoire de beaucoup de personnes, n’a aucun pouvoir. Si vous aviez assisté aux auditions que nous avons menées avec le président du tribunal de grande instance et le responsable du service du JLD à Paris, monsieur Jumel, vous auriez pu entendre celui-ci décrire très précisément sa mission et évoquer le nombre de personnes qui travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à Paris, pour placer en détention les personnes suspectées d’actes de terrorisme. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis, bien évidemment : défavorable.
Nous ne pouvons rester en permanence dans l’état d’urgence et, d’autre part, nos concitoyens attendent que nous les protégions contre la menace terroriste. Les mesures dont nous parlons ici sont strictement encadrées, soumises à l’autorisation du juge des libertés et de la détention après information du parquet, lequel peut décider, s’il y a lieu, de poursuites pénales. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Tout d’abord, monsieur le rapporteur, vous avez bien fait de rappeler que les JLD sont disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tout comme leurs collègues du parquet et du siège antiterroristes.
Je ne dis pas que le JLD, d’une façon générale, ne dispose pas d’éléments pour statuer : je dis qu’il n’en a pas dans le cas particulier dont nous parlons, celui des perquisitions, des visites domiciliaires et des saisies en matière de terrorisme. Il va de soi que, lorsque le JLD est saisi par un juge – par exemple dans le cadre d’une détention provisoire –, il dispose d’un dossier contenant tous les éléments qui lui permettent de statuer.
Ce n’est pas le cas ici, je le répète, puisque le fait générateur de la décision vient de l’autorité administrative, en l’occurrence du préfet, qui ne fournit qu’une note blanche. Le contrôle est donc bel et bien similaire à celui opéré a posteriori par le juge administratif dans le cadre de l’état d’urgence.
L’autorisation a priori est certes une avancée : comme on dit, c’est mieux que si c’était pire… Mais auprès de quel juge contester la décision de visite et de saisie ? C’est là toute la difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Erwan Balanant. Avant de me plonger dans ce texte et de suivre les nombreuses auditions conduites à son sujet, j’avais aussi des doutes. Je me demandais en particulier s’il n’était pas « liberticide », pour employer vos grands mots, chers collègues des groupes FI et GDR. Je me faisais l’idée d’un texte qui, peut-être, affecterait certaines de nos règles de droit et de nos habitudes, s’agissant notamment de notre rapport à la justice.
Puis les commissaires aux lois ont organisé de nombreuses auditions, à un certain nombre desquelles a participé Ugo Bernalicis. Des collègues qui, aujourd’hui, se permettent de donner de grandes leçons, notamment sur les bancs de l’extrême droite, n’y ont en revanche jamais assisté. Il est donc pour le moins surprenant de les entendre dire que nous n’avons pas travaillé et que nous serions « nuls », comme l’a dit, me semble-t-il, monsieur Collard. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Non, ce n’était pas moi ! Nous avons travaillé, nous ! Quoi qu’il en soit, nous avons entendu, sur ce texte, un certain nombre de magistrats. Merci de conclure. Les représentants de l’Union syndicale des magistrats, par exemple, ont jugé équilibrée la disposition dont nous discutons, et ajouté qu’elle permettrait aux juges et aux forces de l’ordre de travailler.
On doit parfois faire fi de ses idées préconçues, pour faire avancer la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et REM.) La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Je ne suis pas commissaire aux lois : je siège à la commission des affaires étrangères, mais, en tant que représentant du peuple, je m’autorise à m’exprimer sur toutes les lois de la République. Je suis même ici pour cela. Très bien ! Il n’y a donc pas, d’un côté, ceux qui travaillent, et, de l’autre, ceux qui ne travaillent pas : vous avez en face de vous des députés qui, tous, participent aux débats sur les textes de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Très bien ! J’entends bien, madame la ministre : la pédagogie est l’art de la répétition, et vous répétez que les Français veulent être en sécurité. Je le veux aussi, pour moi-même comme pour mes enfants et petits-enfants : il n’y a pas de débat sur ce point, non plus que sur la nécessité de sortir de l’état d’urgence. Mais rappelez-vous ce que nous avions tous dit au lendemain des attentats de Charlie Hebdo , dans les manifestations et lors des commémorations : « Ils ne gagneront pas, ils ne changeront pas nos vies. » Or ce projet de loi changera nos vies et nos habitudes. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe REM.)
Si, mes chers collègues ! On s’adapte à la menace, c’est tout ! Puisque nous devons sortir de l’état d’urgence, sortons-en. Comme nous l’avons dit maintes fois, notre arsenal législatif, cohérent et efficace, permet de nous défendre contre les futurs terroristes. Le présent texte, lui, tend à réduire notre espace de liberté. Or, je le répète, nous avions tous dit que nous ne céderions pas sur ce plan.
Il faut entendre ce message, madame la ministre. Nous partageons tous le même objectif : combattre les terroristes. Il n’y aura aucun débat sur ce point. Reste qu’il nous faut défendre la qualité de vie des Français et leurs libertés : c’est là-dessus, peut-être, que nous différons. Très bien ! La parole est à Mme Marie Guévenoux. Nos collègues invoquent l’efficacité. Mais que proposent-ils, concrètement ? Rien. Leurs propositions – supprimer les différents articles – n’auraient qu’un seul effet : nous désarmer face à la menace. On peut éviter ce genre d’arguments ? Vous polémiquez également sur les chiffres, le nombre de perquisitions, à vous entendre, apportant la preuve de leur inefficacité ; mais, comme on l’a suffisamment répété, elles diminuent car elles sont de plus en plus ciblées.
Enfin, ne jetez pas la suspicion sur la qualité du travail de nos forces de renseignement et de nos magistrats. Les premières rédigent, dans le respect de la protection des sources, leurs notes blanches de la façon la plus circonstanciée ; les seconds ont suffisamment conscience de la charge qui leur incombe pour rejeter une note blanche insuffisamment circonstanciée.
Ne faites donc pas croire que l’État de droit serait ici menacé. Aussi rejetterons-nous vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à Mme la ministre. Il ne s’agit pas de changer notre mode de vie, monsieur Lecoq, mais de le protéger. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
D’autre part, il existe de nombreux autres régimes de visite administrative, et ils obéissent à des règles à peu près identiques : je pense par exemple aux visites décidées par l’Autorité de la concurrence, par l’Autorité des marchés financiers, par l’Autorité de contrôle prudentiel, par l’inspection du travail, par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales – URSSAF –, par l’administration fiscale ou par les douanes. Bref, la mesure proposée ne porte nullement atteinte aux libertés.
Tous les citoyens sont conscients que la lutte contre le terrorisme est primordiale et que le Gouvernement doit se donner tous les outils pour les protéger.
Je profite aussi de cette intervention pour excuser, comme j’aurais dû le faire au début de cette séance, M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, qui assiste en ce moment au 34esommet franco-italien au côté du Président de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.) (Les amendements identiques nos 256, 408 et 420 ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements, nos 51 et 257, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 51, dont je vous rappelle qu’il a fait l’objet d’une demande de scrutin public. Madame la ministre, mes chers collègues de la majorité, je veux m’adresser à vous avec une certaine gravité.
Sur les bancs du groupe Les Républicains, nous ne vous faisons aucun procès d’intention. Nous savons que vous souhaitez, comme nous, protéger les Français. Mais si je veux présenter cet amendement avec une certaine solennité, c’est parce qu’il est au cœur du désaccord technique que nous avons avec vous.
Avec le présent amendement, nous vous proposons de maintenir pendant un an le régime des perquisitions administratives réalisées depuis deux ans sous l’empire de l’état d’urgence ; ou plutôt devrais-je dire : « réalisées pour l’essentiel depuis deux ans », car, au printemps de 2016, le choix avait été fait, lors d’une phase de prolongation de l’état d’urgence, de ne pas les maintenir. Nous avions eu, alors, un débat raisonnable et responsable avec le Gouvernement sur ce point.
Le 14 juillet 2016, jour des attentats de Nice, le Président de la République a fait le choix de rétablir ces perquisitions. En juillet 2016, nous avons donc décidé en conscience, à une large majorité, de permettre à nouveau au ministre de l’intérieur et au préfet de les ordonner.
Notre conviction est qu’il faut les maintenir : il faut laisser au préfet la faculté de lever un doute, en urgence absolue, lorsqu’un renseignement l’impose. Si une seule perquisition administrative permet d’éviter un attentat, alors nous serions bien déraisonnables d’en priver le ministère de l’intérieur. Merci de conclure. Or le dispositif alternatif que vous proposez, madame la ministre, ne nous convainc pas, car il n’est plus assimilable à une perquisition administrative. Il s’agit en réalité d’une visite, certes à l’initiative des préfets, mais soumise à l’autorisation d’un juge, ce qui est très différent. Surtout, cette procédure ne permet pas la rapidité d’initiative qui est celle du régime de perquisition administrative, et de lui seul. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l’amendement no 257. Cet article n’est au fond qu’une mesure d’affichage politique puisque les mesures qu’il propose peuvent déjà être prises en l’état actuel du droit. L’arsenal juridique existant est largement suffisant. Je n’en citerai que quelques textes.
L’article 56 du code de procédure pénale, tout d’abord, permet à l’officier de police judiciaire d’ordonner, dans le cadre d’une enquête criminelle de flagrance, de perquisitionner le domicile de toute personne qui paraît avoir participé au crime ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits incriminés.
Dans le cadre d’une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans, une perquisition domiciliaire peut être ordonnée par le juge des libertés et de la détention si les nécessités de l’enquête l’exigent.
Dans le cadre d’une information judiciaire, le juge d’instruction peut de même ordonner des perquisitions et des saisies.
En outre, le code de procédure pénale dispose d’ores et déjà de mesures permettant de s’assurer de la présence d’une personne sur place pour éclairer les éléments ayant fait l’objet de la visite ou de la saisie.
Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter au droit actuel des mesures qui se traduiront par moins de libertés, moins de protection pour ceux qui devraient être protégés par les procédures de droit commun, dans des conditions dignes de notre démocratie. Voilà notre inquiétude.
À ceux qui nous interrogent sur nos propositions, je voudrais répéter très solennellement ce que j’ai dit hier, ce que nous disons – et qui n’entre pas dans ce projet de loi. Aujourd’hui, pour être efficaces, nous avons besoin de moyens pour la justice, pour les services de renseignement, pour les douanes, pour embaucher des personnels afin d’accompagner celles et ceux dont un proche est en train de sombrer dans l’embrigadement.
Tous ces moyens ne rentrent pas dans vos lois. C’est bien pourquoi nous avons une autre vision, d’autres propositions. Antoine Leiris, dont la femme a été tuée au Bataclan, disait : « Vous n’aurez pas ma haine. » Songez à cela. C’est très important. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ? La commission a donné un avis défavorable à ces amendements.
Pour le premier, il s’agit d’un débat que nous avons déjà eu, ici et en commission. C’est un point qui nous sépare : nous faisons le choix de sortir – de façon maîtrisée – de l’état d’urgence, en adaptant au droit commun certains outils de l’état d’urgence, notamment les perquisitions administratives.
M. Larrivé considère que la nouvelle mesure de perquisition administrative, la visite domiciliaire, est difficilement opérationnelle. Ce n’est pas ce qui ressort de nos auditions durant lesquelles, je le rappelle, nous avons entendu le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, le directeur général de la sécurité intérieure – DGSI –, des policiers, des gendarmes. Tous nous ont dit que ce dispositif, que vous appelez une « monstruosité juridique », était opérationnel.
Le juge des libertés et de la détention, notamment, nous a assuré que des permanences étaient organisées vingt-quatre heures sur vingt-quatre au tribunal de grande instance de Paris, ce qui permettra d’y centraliser la mesure de visite domiciliaire. Si, à Cahors ou Bordeaux, un préfet demandait à seize heures de procéder à une visite domiciliaire, il recevrait une réponse une heure plus tard et pourrait engager la mesure à dix-huit heures.
J’ai vu les amendements que vous avez déposés, monsieur Larrivé. Nous pourrons revenir sur le caractère opérationnel des mesures et reprendre ce débat.
Quant au second amendement, je vous renvoie à mes propos sur le premier. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Bien entendu, les perquisitions administratives de l’état d’urgence ne peuvent pas être transposées en droit commun. Le Conseil d’État l’a d’ailleurs expressément rappelé dans l’avis qu’il a rendu sur le présent projet de loi. De telles mesures doivent être assorties de garanties particulières pour être conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’à nos exigences constitutionnelles.
Comme je l’ai dit précédemment, à l’instar d’autres régimes existants, le Gouvernement a décidé de faire autoriser ces visites par le juge des libertés et de la détention, notamment pour les démarquer des perquisitions administratives de l’état d’urgence. Assurément, cette intervention de l’autorité judiciaire ne nuira aucunement à l’efficacité du dispositif. La parole est à M. Guillaume Larrivé. À mon grand regret, Mme la ministre a mal lu l’amendement que nous proposons. Nous ne visons pas à introduire un article de droit commun, mais à pérenniser l’état d’urgence pour une durée de un an s’agissant de la mesure ponctuelle de perquisition administrative. Notre amendement a précisément pour objet de proroger l’état d’urgence. Ne venez donc pas nous dire que ce que nous proposons ne pourrait être fait que sous le régime de l’état d’urgence : c’est ce que nous vous disons !
Par ailleurs, madame la ministre, je le dis avec une certaine tristesse, je vous trouve extrêmement péremptoire. J’espère me tromper et que votre dispositif sera totalement opérationnel. Je constate cependant que, de manière constante depuis novembre 2015, nos prédécesseurs immédiats, le Premier ministre Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, les groupes Les Républicains, socialistes ou UDI de l’Assemblée nationale comme du Sénat – et nous étions parmi ces parlementaires –, ont fait le choix de confier aux services de l’État cette faculté de perquisition administrative.
Vous choisissez aujourd’hui d’en sortir. C’est votre responsabilité, en conscience. La nôtre, en conscience, est de soumettre cet amendement au scrutin public, pour que chacun sache ce qui, ce soir, à l’Assemblée nationale, sera voté sur cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Une démocratie ne peut pas vivre en état d’urgence permanent ! La parole est à M. Olivier Dussopt. Dans la droite ligne de ce que Cécile Untermaier a évoqué dans la discussion générale sur l’article, nous ne voterons aucun de ces deux amendements, ni celui de M. Larrivé, ni celui de M. Bernalicis, que Mme Autain a présenté.
Nous considérons d’abord qu’il faut sortir de l’état d’urgence et que les dispositions proposées par le Gouvernement nous satisfont. Ensuite, en matière de prévention du terrorisme, il n’y a pas lieu et il ne sera pas non plus opportun de s’en tenir au seul droit commun, comme le proposent nos collègues de la France insoumise.
C’est l’occasion pour moi de rappeler que nous sommes attachés tant au caractère expérimental de l’article, tel qu’introduit par le Sénat et modifié en commission s’agissant de la durée de l’expérimentation, qu’au contrôle parlementaire sur les dispositions de l’article 4, que nous voterons, de manière à être instruits par celui-ci dans deux ans, grâce à la clause de rendez-vous. La parole est à Mme Danièle Obono. De toute évidence, nos collègues n’ont pas lu les quarante-huit amendements que nous proposons. La plupart contiennent pourtant des propositions ou des rappels à droit constant.
Pour notre part, nous avons participé aux travaux de la commission, nous avons suivi les débats et les auditions. Tout le monde n’a peut-être pas été aussi attentif que nous. Aussi puis-je rappeler que, lors de ces auditions, le Syndicat des avocats de France, la Commission nationale consultative des droits de l’homme – CNCDH –, la Ligue des droits de l’homme, notamment, ont exprimé leurs désaccords avec les propositions de ce projet de loi, notamment de son article 4. La majorité des prises de position allaient dans le même sens. J’ai rappelé l’avis de multiples organisations internationales ou nationales.
Non, nous ne prenons pas ce débat à la légère. Nous avons des propositions à faire, non seulement sur le droit constant mais aussi sur la prévention des actes de terrorisme, comme nous l’avons déclaré hier. Il faut s’attaquer aux racines de la guerre, à l’argent. L’argent n’est pas la seule racine de la guerre. Qui veut faire l’ange fait la bête ! Nous présenterons d’autres propositions sur des processus au niveau international. Malheureusement, vous n’avez pas été convaincus par nos premiers amendements de proposition d’élargissement de la focale pour prévenir les actes de terrorisme. Nous espérons que vous le serez avec un peu plus de réflexion. Nous ne faisons pas de procès d’intention en prétendant que personne n’aurait conscience du danger ou que certains seraient laxistes. Nous comprenons la gravité de ce débat et nous nous inscrivons en positif.
Nous pensons seulement que les méthodes retenues actuellement vont à l’encontre de l’objectif fixé. C’est pourquoi nous travaillons très sérieusement pour proposer une alternative à un projet de loi que toutes les organisations de défense des droits humains au niveau national et international critiquent sur certains points. Si vous ne pouvez pas nous entendre, nous écouter, nous prendre au sérieux, je vous prie au moins de prendre au sérieux des personnes qui sont au fait de ce sujet et que vous ne pouvez pas contester. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Didier Paris. Plus certains débats progressent, moins on en entrevoit les limites. C’est peut-être le cas aujourd’hui. De quoi s’agit-il en réalité ? En écoutant La France insoumise, on a le sentiment que les dispositions de la loi que nous vous proposons sont inutiles parce qu’elles seraient déjà contenues ou intégrées dans le droit commun. Si c’est le cas, je comprends mal pourquoi vous vous y opposez.
En fait, nous transposons des dispositions qui, comme l’a dit Mme la ministre, sont relativement classiques, notamment en matière fiscale, pour les rendre adaptables à la lutte contre le terrorisme, dans les conditions normales, hors l’état d’urgence que nous avons à étudier aujourd’hui.
S’agissant des points évoqués par Les Républicains, ces interventions sont, là encore, difficiles à comprendre. Le présent projet de loi ne fait rien d’autre que de donner au ministre de l’intérieur la faculté de donner au préfet la possibilité de lever un doute. C’est bien ce que nous visons.
Arrêtons-nous un instant sur l’office du juge qui, dans un tel texte, a deux caractéristiques.
Tout d’abord, il juge en conscience, en fonction des preuves qui lui sont présentées. Nous n’avons pas à administrer pour lui la preuve. C’est lui qui devra prendre cette décision. C’est finalement l’office classique du juge, qui, tous les jours, dans les situations du quotidien ou dans celles d’exception que nous avons à connaître d’aujourd’hui, doit se forger une conviction propre, en fonction de ce qui lui est présenté. Ne lui retirons pas ce pouvoir. Ne commençons pas à dire que l’ensemble du dispositif est faible car le juge ne saurait pas décider. C’est absolument faux.
Ensuite, les juges, comme tous les autres êtres humains, et comme les services de police directement confrontés à la menace terroriste, doivent s’acculturer. Cette question a été largement évoquée lors de nos auditions. Les uns et les autres se parlent. Le parquet terroriste, les juges des libertés et de la détention, la DGSI, forment un ensemble de convictions et de conditions de lutte contre le terrorisme.
En conséquence, nous ne voterons aucun des deux amendements. La parole est à M. Manuel Valls. Le Gouvernement a fait le choix de sortir de l’état d’urgence. Nous pouvons en débattre – nous le faisons –, mais c’est un choix qui a été fait et qui tient compte de l’avis d’autorités administratives, notamment du Conseil constitutionnel. Il comprend un codicille important, rappelé précédemment par M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur. Nous devons en parler, car cela n’a pas été suffisamment fait, alors que l’opinion doit l’avoir à l’esprit : à tout instant, face à une menace, face à des actes terroristes, surtout, le Président de la République, le Gouvernement peuvent être amenés à proposer de rétablir l’état d’urgence.
Il est important de le signaler car l’état d’urgence, c’est le droit. Il est inscrit dans notre Constitution. Nous aurions d’ailleurs pu le consolider dans ce texte. Cela n’a pas été possible, mais, à tout moment, l’état d’urgence pourrait être activé si, malheureusement, les faits obligeaient l’exécutif à le proposer de nouveau au Parlement.
Dès lors que le choix a été fait de sortir de l’état d’urgence, la proposition du Gouvernement me paraît la plus équilibrée possible, celle qui va le plus loin, hormis quelques éléments qui, comme M. le rapporteur le rappelait, seront discutés dans un instant. Il y a là un choix de cohérence. Aussi, le présent texte me semble aller dans le bon sens. Il présente toutes les garanties nécessaires, permettant aussi au juge d’intervenir dans le temps qui a été rappelé, celui des auditions.
Je prends aussi la parole pour m’adresser à nos collègues Les Républicains, qui nous ont accompagnés tout au long des dernières années sur ces questions, notamment sur la plupart des mesures proposées par les gouvernements. Entre vous ! Ce n’est pas entre nous, c’est en termes de responsabilité. Parce que nous n’avons pas de responsabilité ? Je respecte ici les prises de parole de chacun. Ce que je sais, c’est qu’ensemble, en responsabilité, nous avons trouvé chaque fois l’accord nécessaire, aussi bien sur les lois de lutte contre le terrorisme que sur les lois relatives au renseignement. Cela n’a pas toujours été le cas ici, avec une autre partie de cet hémicycle.
Monsieur Larrivé, je ne sais pas quel sera le vote final de votre groupe sur ce projet de loi – bien que des prises de position aient déjà été annoncées. Tous les pays confrontés au terrorisme, la France notamment, ont connu une volonté d’union nationale : nous nous sommes retrouvés d’accord ici, sur l’essentiel.
Aussi, n’utilisons pas l’argument qu’il faut regarder le vote de chacun lors du scrutin public sur ces amendements pour connaître ceux qui veulent désarmer la France ou nous mettre en difficulté – j’extrapole un peu vos propos, monsieur Larrivé. Ici, j’en suis conscient, nous sommes tous parfaitement désireux de protéger nos compatriotes, même si les voies choisies peuvent être différentes. Dès lors qu’on a été Premier ministre, on a le droit de parler aussi longtemps qu’on veut ? Mais ce n’est pas sur un amendement que cela se joue : c’est sur une politique de renseignement, sur la lutte contre une idéologie totalitaire,… Il n’y a rien là-dessus dans le texte ! …sur les moyens que l’on consacre à la police, à la gendarmerie, aux forces de défense, aux services de renseignement. Merci de conclure. Et c’est pour cela que, fort de l’expérience qui est la mienne, du fait que nous avons réussi à travailler ensemble, je dis qu’il y a – même si ce n’est pas sur ce sujet-là, pas sur cette voie-là (Exclamations sur les bancs des groupes FI et LR) – des raisons de croire à l’unité nationale et de ne pas nous diviser. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes REM et MODEM.) Monsieur Larrivé, vous avez demandé la parole – pour retirer votre amendement, peut-être ? (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe REM.) Je crois que vous vous avancez, monsieur le président. Je vous donne exceptionnellement la parole une nouvelle fois, très rapidement. Je veux simplement dire un mot à notre collègue Manuel Valls. Monsieur le Premier ministre, au cours des cinq dernières années, nous vous avons, c’est vrai, non pas accompagné, mais aidé à trouver un terrain d’entente lorsqu’il nous semblait que l’intérêt national le commandait.
Il y a, c’est vrai aussi, une vérité des votes, grâce aux scrutins publics. J’en rappellerai un. En 2015, nous avons voté par scrutin public sur la loi relative au renseignement, dont le rapporteur était Jean-Jacques Urvoas et dont j’avais l’honneur d’être co-rapporteur d’application au nom du groupe UMP. L’actuel Premier ministre, Édouard Philippe, avait voté contre cette loi. Je ne lui fais pas le procès d’avoir, à cette époque, été laxiste,… C’était avant ! …mais je constate qu’il avait choisi de voter ainsi. Cela ne fait pas de lui, aujourd’hui, un irresponsable ; reste qu’il y a bien une vérité des votes. Et ce sera également le cas, par le scrutin public, sur le présent amendement relatif aux perquisitions administratives. Que chacun prenne ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Sébastien Jumel. Il ne m’a pas échappé qu’un débat était en train de s’organiser entre la droite et la droite sur cet important sujet (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI) ,mais je ne voudrais pas laisser dire que la responsabilité est la propriété de l’un des deux groupes en question. Sur les bancs de mon groupe, Hubert Wulfranc, comme maire de Saint-Étienne-du-Rouvray, et Stéphane Peu, comme député de Saint-Denis, ont montré non seulement une grande dignité face aux événements, mais aussi un profond sens des responsabilités. Sur ces questions, mon groupe a toujours fait preuve de ce sens des responsabilités. Non ! Vous venez de dire que l’état d’urgence pouvait être décrété à tout moment par le Président de la République et le Gouvernement. Alors pourquoi faire entrer dans le droit commun des principes exorbitants du droit commun ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Hier, j’interroge le ministre de la santé sur la souffrance à l’hôpital : on me dit que je n’ai pas passé vingt-cinq ans à l’hôpital. Aujourd’hui, j’interroge la ministre sur un sujet qui nous concerne tous, quelles que soient les commissions dans lesquelles nous siégeons, et on nous fait le coup de nous dire que nous aurions dû venir en commission !
Nous avons tout de même un peu bossé… Le JLD sera saisi sur le fondement de critères liés au comportement et de raisons sérieuses, lesquels proviennent de notes blanches sur lesquelles il n’a pas la main. Pourtant, un juge statue en droit, mais aussi à partir de preuves sur lesquelles il a la main. Voilà la limite de votre raisonnement, et voilà les motifs pour lesquels, en responsabilité, nous considérons que la proposition qui nous est soumise n’est ni efficace ni conforme aux principes fondamentaux du droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.) Je mets aux voix l’amendement no 51. (Il est procédé au scrutin.) (L’amendement no 51 n’est pas adopté.) (L’amendement no 257 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 230. Dans le même esprit que le précédent amendement de mon groupe, cet amendement propose de revenir aux fondamentaux qui avaient présidé à l’instauration de l’état d’urgence et à la mise en œuvre de l’une de ses mesures les plus efficaces : la perquisition administrative.
Il y a eu 4 534 perquisitions administratives dans le cadre desquelles 600 armes ont été saisies, dont 78 armes de guerre, ce qui a permis l’ouverture de 30 procédures judiciaires. C’est-à-dire que 30 personnes au moins ont été mises en cause par la justice parce qu’elles représentaient un risque majeur pour la sécurité nationale, relevant du terrorisme islamiste. Le bilan, le voilà !
Le Premier ministre Manuel Valls a posé les bonnes questions, dont la question essentielle, à laquelle vous n’avez toujours pas répondu, madame la ministre, non plus que le ministre d’État : pourquoi sortir de l’état d’urgence ? « Parce qu’il faut sortir de l’état d’urgence », dites-vous ! La question que pose Manuel Valls contient en quelque sorte sa réponse, la même que celle que nous donnent les services lorsque nous les interrogeons en privé : personne ne comprend pourquoi il faudrait sortir de l’état d’urgence alors que la menace est maximale.
En ce qui nous concerne, nous refusons la sortie de l’état d’urgence, parce qu’elle va affaiblir nos dispositifs de lutte ; et nous considérons que la perquisition telle que vous la prévoyez aujourd’hui, soumise à l’autorisation préalable du JLD, va vider de son sens cette disposition protectrice majeure. Sur ces deux points, nous ne cherchons pas à pratiquer une opposition systématique : il s’agit d’une divergence de vues essentielle. Merci. Il est vrai que, de 2012 à 2017, nous avons voulu soutenir toutes les mesures… Merci, monsieur le député. …qui allaient dans le sens d’une plus grande protection ; aujourd’hui, on recule sur cette même voie. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable.
Je ne relancerai pas un débat qui vient d’avoir lieu. Nous y reviendrons en examinant les dispositions de l’article 4, et j’espère que nous réussirons à vous convaincre du caractère opérationnel de la nouvelle saisie. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Raphaël Schellenberger. Madame la ministre, nous ne contestons pas la cohérence de vos propositions, mais le raisonnement qui les fonde. Le risque terroriste n’est pas un risque ordinaire, qui devrait être traité comme d’autres risques. Dans le débat que nous venons d’avoir, vous avez à plusieurs reprises, ainsi que M. Paris, fait valoir que d’autres moyens de visite administrative existaient dans le droit commun et que cette situation n’était pas si exceptionnelle que cela. Mais le terrorisme est-il un crime ordinaire ? Son traitement appelle-t-il des moyens juridiques ordinaires ? Face à une attaque d’une envergure insoutenable pour nos libertés, dangereuse pour notre République, c’est au contraire de moyens extraordinaires que nous devons nous armer. Recourir à des moyens ordinaires, les mêmes que pour un contrôle de l’URSSAF ou une visite de la direction de la concurrence, bref considérer un terroriste comme un fraudeur fiscal, est vraiment dangereux lorsqu’il s’agit de défendre nos libertés. (L’amendement no 230 n’est pas adopté.) La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 507. La mesure qui consiste, pour le préfet, à saisir le JLD du TGI de Paris pour chaque visite et saisie visée par le présent article risque de conduire à un engorgement du tribunal. Le caractère urgent de certaines visites ou saisies nécessite que les ordonnances soient prises rapidement, ce qui justifie la saisine du juge territorialement compétent plutôt que celle du juge parisien de manière systématique. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable.
Au contraire de ce qui vient d’être dit, d’après les auditions que nous avons menées, le fait que la décision soit prise par le JLD de Paris fournit un gage de professionnalisme et d’efficacité. En effet, le JLD est déjà chargé des matières terroristes et, je le répète, celui de Paris est organisé de manière à pouvoir assurer des permanences vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Pour reprendre un exemple déjà cité, si le préfet des Bouches-du-Rhône lui demande une ordonnance dans l’heure, il pourra la lui fournir pour permettre une perquisition en urgence ; la question lui a été posée en audition, et il nous l’a confirmé. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Cet amendement soulève une question intéressante : la possibilité de déconcentrer nos services antiterroristes, notamment les juridictions. Il aurait pu entraîner un débat opportun sur les moyens de la justice.
Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que le juge se prononce en fonction de ce qui lui est présenté. Là réside précisément la difficulté, car il le fait sans avoir de service d’enquête. Par ailleurs, le président du TGI, ainsi que le JLD, qui l’accompagnait, a déploré lors de son audition l’absence d’étude d’impact sur la saisine du JLD dans le cadre de cette procédure, qui l’empêche d’évaluer le nombre de juges nécessaires pour y faire face, et nous a demandé de faire en sorte qu’il dispose d’un deuxième juge au moins pour organiser une brigade de quatre et un roulement, de manière à assurer une permanence spécialisée vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Nous aurions pu nous laisser un peu plus de temps pour préciser ce point.
On évoque les excellentes relations qu’entretiennent à Paris, à un niveau très centralisé, le directeur général de la sécurité intérieure et le parquet antiterroriste, qui, lui, est habilité pour accéder aux dossiers secret défense, notamment au fond de l’enquête. Il arrive aussi que les enquêteurs – les officiers de police judiciaire de la DGSI – viennent s’adresser au parquet antiterroriste pour lui exposer oralement les avancées de l’enquête et déterminer si le dossier est judiciarisable. Mais ce n’est pas le cas au niveau déconcentré.
Nous proposons donc que soit créé un parquet national antiterroriste qui coordonnerait la lutte antiterroriste et que l’on renforce les juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS, en les dotant d’une compétence antiterroriste et d’habilitations confidentiel ou secret défense. Voilà qui rétablirait la confiance entre la justice, la police et la population, dans le respect de nos principes fondamentaux. (L’amendement no 507 n’est pas adopté.) La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l’amendement no 109. Il s’agit de donner la primauté aux perquisitions judiciaires lorsque celles-ci sont possibles, afin de « judiciariser » au plus tôt les situations et les individus intéressés.
Nous en avons discuté au cours des auditions avec de nombreux magistrats qui souhaitaient ce que l’un d’entre eux a appelé un droit de veto. En l’occurrence, le procureur de la République de Paris aurait la possibilité, lorsqu’il est saisi d’une demande de visite domiciliaire, de décider directement d’une perquisition judiciaire et non administrative. C’est une façon de renforcer la prédominance du pouvoir judiciaire dans ces opérations antiterroristes. La plupart du temps, le juge est en mesure de procéder ainsi ; mais cela va mieux en l’écrivant. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Je suis d’accord avec l’idée qu’il faille privilégier la voie judiciaire : c’est d’ailleurs elle que le texte favorise. Pour rappel, le préfet saisit le JLD et il y a un avis motivé du procureur. Le processus étant centralisé à Paris, si le procureur de la République de Paris dit que la procédure doit être judiciarisée, je vois mal comment le JLD de Paris passera outre. Quel est l’avis du Gouvernement ? Votre amendement est déjà satisfait, puisque, à tout moment, le procureur de la République peut décider d’une ouverture judiciaire. Je vous suggère donc de le retirer. La parole est à M. Erwan Balanant. Je le retire ! (L’amendement no 109 est retiré.) La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 426. Dans le même esprit, nous proposons de prévoir que l’ordonnance écrite et motivée du juge des libertés et de la détention justifie l’absolue nécessité de recourir à un tel dispositif. Sur les 4 500 perquisitions administratives effectuées depuis le début de l’état d’urgence, la moitié de celles qui ont été contestées devant les tribunaux administratifs, soit une centaine, ont été annulées. Motiver l’ordonnance par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations soient nécessaires conduirait, je le crois, à davantage de prudence et permettrait certainement d’éviter que des « visites » soient effectuées abusivement. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Nous avons déjà eu le débat hier. Le terme « motivée », à mon sens, suffit. C’est évidemment l’office du JLD de motiver sa décision au regard des éléments de fait. On change le code de procédure pénale, en inscrivant seulement « motivée » dedans ? Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable également. Naturellement, la saisie sera nécessairement motivée par référence aux éléments de fait et de droit, justifiant la nécessité de l’opération. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Pour répondre à cette question de la motivation, mes collègues du groupe GDR proposent d’insérer : « par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations soient nécessaires ». On touche à ce qu’a évoqué M. Paris, à un besoin d’acculturation des juges des libertés et de la détention, parce qu’ils ne connaissent pas bien les notes blanches, tout comme les juges administratifs ne les connaissaient pas bien avant eux et ont dû procéder à cette acculturation. Quelle est-elle ? C’est vérifier que ces notes soient correctement écrites, de sorte que l’on arrive à voir ce qui se cache derrière des formules un peu vagues, leur principe étant en effet de ne pas avoir d’éléments afin de protéger les sources. Cet amendement vient proposer d’être plus précis et de judiciariser plus facilement.
Je trouve regrettable que l’amendement précédent ait été retiré, alors qu’il permettait de dire noir sur blanc que le juge judiciaire a une position prépondérante par rapport au juge administratif. Cela irait mieux en le disant. Mais cette précision, c’est encore trop pour la commission et pour la ministre. C’est bien dommage. Je crains que cette lacune n’autorise des dérives. (L’amendement no 426 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 231. Cet amendement propose de revenir, en matière de perquisitions administratives, à la rédaction de la loi du 3 avril 1955.
Vous avez, madame la ministre, souhaité complexifier le dispositif, en introduisant la décision du juge des libertés et de la détention, créant par là même, selon la formule du Syndicat des commissaires de la police nationale entendue en audition, un « monstre juridique difficilement activable ». Parallèlement, vous avez souhaité restreindre les conditions permettant de mettre en œuvre ces perquisitions administratives.
En proposant une nouvelle rédaction, nous voulons revenir à la lecture originelle, laquelle a permis de mettre en œuvre ces perquisitions et ces procédures extrêmement protectrices, qui ont donné les résultats que je rappelais précédemment, en matière de saisies – 700 armes – et de procédures judiciaires – trente ont été ouvertes. Revenons à la lecture et à la rédaction initiales pour rendre cette mesure opérationnelle, alors que votre rédaction va la rendre inactive et difficilement mobilisable. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Nous avons déjà eu le débat. (L’amendement no 231, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l’amendement no 432. Le vrai débat de fond continue dans cet hémicycle. Après la sortie de l’état d’urgence, qui avait été décrété en situation de guerre, le Gouvernement a décidé d’intégrer dans la loi ordinaire des mesures d’exception. C’est une procédure juridique hybride qui renforce le pouvoir exécutif, en mettant à distance l’autorité judiciaire, quoi qu’on en dise, y compris dans le cadre des perquisitions. Certains collègues ont eu raison de dire que nous sommes là dans l’interprétation du comportement d’un individu, des raisons sérieuses qui laisseraient penser telle ou telle chose ou des relations qu’il peut avoir. Il y aura immanquablement des dérives. On choisit de mettre dans la loi ordinaire des mesures d’exception et de relativiser les droits des individus.
À défaut de pouvoir supprimer un certain nombre d’articles, notre amendement vise à essayer de circonscrire le texte au caractère exceptionnel de la situation qui a motivé l’état d’urgence et ce projet de loi : la situation de guerre liée à une barbarie, celle de l’islamisme radical. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter après le mot « terrorisme », les mots : « liés à l’islamisme radical ». C’est un amendement politique. J’espère qu’il sera suivi, même si je ne me fais pas beaucoup d’illusions. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je comprends le fondement de l’amendement de nos collègues corses. Il permettrait, en réalité, d’éviter une certaine hypocrisie présente dans cet hémicycle et dans nos débats : il s’agit bien in fine de la cible de ce texte. Je ne sais toutefois si j’emploierais les mêmes mots qu’eux. Je verrais peut-être les choses plus largement. Il ne faut pas renoncer à notre intransigeance et continuer de refuser de caractériser untel ou un autre, mais bien faire des lois sur des catégories générales et non particulières. C’est pourquoi nous nous sommes refusé à faire des amendements de repli, pour leur substituer des amendements de proposition, puisque nous nous opposons au texte dans son intégralité. Je suis sûr que certains députés du groupe La République en Marche nous répondront qu’il y a bien une hypocrisie dans nos débats. La parole est à Mme Marie Guévenoux. J’avoue ne pas très bien comprendre le propos de nos deux collègues. Si je comprends bien, il y a un terrorisme acceptable, le « soft » – on ne sait pas très bien où il est –, et un terrorisme pas acceptable, celui qui viendrait de l’islamisme radical. Pour nous, il n’y a pas de terrorisme acceptable. Tel est le sens de ce projet de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe REM.) La parole est à M. Sébastien Chenu. Cet amendement est intéressant. Oui, il faut sortir de l’hypocrisie. Oui, il faut caractériser les choses. Il n’y a pas un terrorisme acceptable et un terrorisme inacceptable. Ce n’est pas du tout le sens de cet amendement. Nous menons une guerre. Si ce n’est pas le cas, il ne faut pas employer ces mots et ce n’est pas une guerre que nous menons contre le terrorisme islamiste, mais une lutte contre quelques personnes dont on ne veut pas prononcer le nom. Il y a une guerre qui est menée au nom de Daech, au nom du terrorisme islamiste. Il faut le dire. Cet amendement le dit. Pourquoi ne pas l’adopter ? (L’amendement no 432 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 319. Sur le plan probatoire, il convient de concilier l’impératif de protection de l’ordre public avec la nécessaire préservation des droits et libertés. Comme à l’article 3, alinéa 8, cet alinéa 4 retient la notion de : « raisons sérieuses de penser ». Or cette notion comporte une dimension de subjectivité, qui, à mon sens, ne permet pas un contrôle suffisant de la décision.
Elle peut d’ailleurs comporter un risque d’arbitraire. La Cour de cassation, dans une décision du 28 mars dernier, à l’occasion du contrôle de légalité de l’acte fondant des poursuites pour violation d’une assignation à résidence, a considéré qu’il incombait « au juge répressif de répondre aux griefs évoqués par le prévenu à l’encontre de cet acte, sans faire peser la charge de la preuve sur le seul intéressé et en sollicitant, le cas échéant, le ministère public afin d’obtenir de l’autorité administrative les éléments factuels sur lesquels celle-ci s’était fondée ». S’il ne saurait être exigé pour une telle mesure d’établir « des indices graves et concordants », qui conduiraient nécessairement à la mise en mouvement de l’action publique, il peut être raisonnablement proposé que puisse être exigée la précision « d’éléments factuels précis ». Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. C’est le même argument que pour l’amendement no 426. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable, car exiger des éléments factuels précis, avant même que la visite ait eu lieu, contrevient à l’objectif même de cette mesure, dont la finalité est précisément de rassembler des éléments factuels précis attestant de l’implication de la personne dans un projet terroriste. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Beaucoup de nos collègues cherchent à renforcer ce texte, pour qu’il y ait des éléments concrets et éviter toute interprétation subjective, dans cette ère du soupçon que nous décrivons. On peut aussi voir qu’il y a une autre rhétorique, celle de la guerre, qui a été employée non seulement par le Front national, mais aussi par notre ancien Premier ministre. Cette rhétorique m’inquiète, car, si nous sommes en guerre, ce sont d’autres conventions qu’il faut appliquer, ce qui pose d’autres difficultés. Il faudrait alors juger les gens comme des criminels de guerre. C’est d’ailleurs ce que propose le Front national. Il me paraît un peu inquiétant que certains dans la majorité reprennent ce genre d’arguments. Nous combattons les actes et la préparation d’actes terroristes, d’attentats, ni plus ni moins. Il ne faut pas entrer dans une telle rhétorique, sans quoi on met le doigt dans un engrenage, sans savoir où cela s’arrêterait. Cet amendement tente d’apporter une précision. Il est, à ce titre, un bon amendement de repli. (L’amendement no 319 n’est pas adopté.) La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l’amendement no 59. Cet amendement consiste simplement à nous rappeler que l’article 3, qui a été adopté hier, et cet article 4 ont les mêmes objectifs. Il s’agit, dans les deux cas, de prévenir exclusivement la commission d’actes de terrorisme, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’une personne a des comportements qui représentent une menace sérieuse et grave pour la sécurité et l’ordre publics et que cette personne soutient ou diffuse des thèses qui incitent à des commissions d’actes de terrorisme, ou y adhère. Or il manque dans l’article 4 le terme « diffuse », présent à l’alinéa 8 de l’article 3. La diffusion de ces thèses constitue, au même titre que l’adhésion ou le soutien, un motif sérieux de voir s’appliquer, dans le cadre précis que je viens de rappeler, les mesures prévues par l’article 4. C’est en quelque sorte un simple amendement de coordination et de cohérence avec l’article 3. (L’amendement no 59, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.) La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l’amendement no 28. Cet amendement vise à ajouter les lieux où exercent les professionnels liés par le secret médical à la liste des lieux ne pouvant pas faire l’objet des opérations décrites à l’alinéa 5, par respect pour l’ensemble des patients suivis. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Je rappelle que, dans la loi relative à l’état d’urgence, seuls les lieux affectés à l’exercice professionnel des magistrats, parlementaires et avocats étaient protégés. Sur notre proposition, la commission a étendu la liste aux domiciles, mais il me paraît excessif de l’étendre aux médecins. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable également. Je précise que le juge des libertés et de la détention peut toujours, au vu d’éléments qui lui sont présentés, estimer pertinent d’autoriser une visite d’un cabinet de médecin. Il se prononce ou non en ce sens. (L’amendement no 28 n’est pas adopté.) La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 425. Comme vous le savez, dans le cadre du suivi de l’état d’urgence, le Défenseur des droits avait été saisi de réclamations dénonçant la mise en œuvre de perquisitions en pleine nuit en la présence d’enfants, parfois très jeunes, et sans qu’aucune précaution ait été prise. Le Défenseur des droits souligne à juste titre qu’il est essentiel d’éviter que les interventions soient traumatisantes pour les enfants, afin que ceux-ci ne soient pas durablement perturbés, ni n’acquièrent une représentation négative des fonctionnaires de police ou des militaires de la gendarmerie, qui pourrait contribuer, plus tard, à des attitudes non souhaitables.
Le Défenseur des droits recommande ainsi, avant l’intervention, de recueillir des informations sur la présence, le nombre et l’âge du ou des enfants afin de prévoir, si possible, dans l’équipage un intervenant social, un psychologue ou un fonctionnaire de police ou militaire de la gendarmerie de la brigade de protection des familles. Une personne au moins au sein de l’équipage intervenant doit être chargée de ce problème.
Il convient en outre de rappeler que, en 2013, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Bulgarie pour violation de l’article 3 de la Convention à propos du déroulement d’une perquisition au domicile de suspects en présence de jeunes enfants. Je tiens à votre disposition l’arrêté en question.
Pour toutes ces raisons, nous préconisons de recueillir des informations sur la présence, le nombre et l’âge des enfants avant toute visite et de prendre les précautions nécessaires. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Je suis d’accord avec vous quant à la nécessité d’une prise en charge des enfants mineurs dans le cadre d’une perquisition, voire d’une manière plus générale. Nous avons, en effet, entendu le Défenseur des droits en commission. Mais ses préconisations ne relèvent pas du domaine de la loi et doivent être mises en œuvre par le biais d’un arrêté ou d’une circulaire. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur le député, je comprends tout à fait vos arguments et suis totalement d’accord avec l’objectif. Vous avez rappelé l’avis du Défenseur des droits ; mais celui-ci ne recommandait pas de légiférer sur ce point, se contentant de souligner la nécessité de protéger les enfants dans ce type d’opérations.
À ce propos, les instructions récemment diffusées par la direction générale de la police nationale quant au port de la cagoule par les agents de police à l’occasion de certaines interventions qui se déroulent en présence de jeunes enfants indiquent que les agents spécifiquement chargés de la prise en charge de ces derniers ne doivent pas être cagoulés. La parole est à M. Pierre Dharréville. J’entends les arguments que vous m’opposez et prends acte de l’intention que vous affichez. Le problème, c’est que nous ne précisons rien dans la loi, et, chaque fois que nous essayons de faire des propositions pour tenter d’encadrer les procédures, vous nous répondez de la même façon. Je regrette que, sur un sujet aussi sensible que la protection de l’enfance, vous ne fassiez pas un petit effort. (L’amendement no 425 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 213. Je voudrais rappeler à Mme la ministre que nous sommes tous, dans notre groupe comme sur tous les bancs, animés par la même volonté de protéger nos concitoyens du terrorisme, et particulièrement du terrorisme islamiste. Nous avons été choqués par les propos caricaturaux du ministre d’État, ce matin, sur Europe 1. Il a en effet indiqué que MM. Ciotti et Larrivé voulaient tout simplement « mettre tout le monde en prison ». Je crois qu’on devrait éviter de tels raccourcis !
Ce que nous voulons, c’est peut-être bien de mettre en prison tous ceux qui représentent une menace terroriste pour nos concitoyens, et c’est ce que ces derniers attendent de nous. Ils veulent être protégés, mieux protégés. Au cours des années précédentes, dans le cadre des différents textes, nous avons, en conscience, élevé notre degré de protection – peut-être insuffisamment, mais systématiquement. Au contraire – nous le redisons et continuerons à le dire –, cet article 4 va affaiblir notre dispositif. Il prévoit notamment l’exigence de la présence de la personne dont le domicile sera perquisitionné ou de son avocat ; mais cela prive tout simplement ce dispositif de tout sens pratique et de tout caractère opérationnel ! C’est pour cela que nous voulons revenir à la rédaction initiale de la loi du 3 avril 1955. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Le dispositif actuel est exactement celui qui est prévu dans le cadre de l’état d’urgence. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis et même argument : c’est le régime des perquisitions administratives sous l’état d’urgence. (L’amendement no 213 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l’amendement no 116. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, en remplaçant les deux témoins par un magistrat dont l’indépendance et les qualifications juridiques ne sauraient être mises en cause, cet amendement vise à faciliter les visites en l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant tout en renforçant les garanties de respect des procédures. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. En exigeant que le magistrat soit sur place, c’est vous qui allez à l’encontre du caractère opérationnel de la mesure. On prévoit uniquement que le magistrat soit informé de la perquisition, notamment au cas où il y aurait une mesure de rétention administrative. Mais exiger qu’il soit sur place porte un sacré coup au caractère opérationnel du dispositif. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Éric Diard. Que fait-on si, lorsqu’on va sur les lieux, il n’y a ni l’occupant ni son représentant ? En présence d’un magistrat, on peut faire quelque chose ; en son absence, on ne fait rien. Que fait-on si l’occupant des lieux ou son représentant sont absents ? Voilà ma question. (L’amendement no 116 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 242 et 308.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 242. Cet amendement revient sur une disposition qui n’autorise pas les visites entre vingt et une heure et six heures du matin, sauf autorisation expresse du juge des libertés et de la détention.
Cette mesure va priver le dispositif de caractère opérationnel. L’intérêt de la perquisition administrative, c’est sa rapidité et sa simplicité. En présence d’une menace, elle permet de lever le doute très vite, quasiment dans l’instant. Lorsque nous avons rencontré le préfet de police, avec Mme la présidente de la commission des lois – que je remercie de nous avoir associés à cette visite –, le préfet a cité en exemple la perquisition de centaines de casiers de personnel à Roissy. Le Premier ministre de l’époque le sait bien : lorsque, au milieu de la période la plus cruciale et la plus dangereuse, il y a eu un doute et une inquiétude, il a fallu aller vite et perquisitionner de façon systématique. Il était impossible d’obtenir la présence de toutes les personnes concernées ou de leurs conseils, et il fallait agir dans un délai imposé par l’urgence et la menace. Dans ce cas précis, ces deux dispositions priveraient le dispositif de tout caractère opérationnel et pragmatique.