XVe législature
2e session extraordinaire de 2017-2018
Séance du vendredi 28 septembre 2018
- Présidence de M. Sylvain Waserman
- 1. Croissance et transformation des entreprises
- Discussion des articles (suite)
- Article 13 quater
- Article 13 quinquies
- Article 13 sexies
- Article 13 septies
- Après l’article 13 septies
- Article 14
- Rappel au règlement
- Article 14 (suite)
- M. Sébastien Jumel
- Amendements nos 2251, 2639, 709 et 793
- Après l’article 14
- Article 15
- M. Michel Lauzzana
- Amendements nos 1450, 1458, 1454 et 2146
- Après l’article 15
- Suspension et reprise de la séance
- Article 16
- Mme Olivia Gregoire, présidente de la commission spéciale
- M. François Ruffin
- Amendements nos 2253, 1845, 1844, 1122, 1271, 2584, 2826 et 1123 rectifié
- Après l’article 16
- Amendement no 360
- Article 17
- Mme Fiona Lazaar
- Amendements nos 58, 2642, 2641, 2200 et 2606
- Après l’article 17
- Amendement no 2607
- Article 18
- Amendement no 1124
- Article 19
- Après l’article 19
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
1e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (nos 1088, 1237).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures cinq minutes pour le groupe La République en marche, dont 366 amendements sont en discussion ; cinq heures trente-cinq minutes pour le groupe Les Républicains, dont 559 amendements sont en discussion ; deux heures quatorze minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 140 amendements sont en discussion ; trois heures trente-huit minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 167 amendements sont en discussion ; trois heures vingt-neuf minutes pour le groupe Socialistes et apparentés, dont 114 amendements sont en discussion ; deux heures trente-sept minutes pour le groupe La France insoumise, dont 91 amendements sont en discussion ; deux heures trente et une minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 80 amendements sont en discussion ; dix-huit minutes pour les députés non inscrits, dont 115 amendements sont en discussion.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures cinq minutes pour le groupe La République en marche, dont 366 amendements sont en discussion ; cinq heures trente-cinq minutes pour le groupe Les Républicains, dont 559 amendements sont en discussion ; deux heures quatorze minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 140 amendements sont en discussion ; trois heures trente-huit minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 167 amendements sont en discussion ; trois heures vingt-neuf minutes pour le groupe Socialistes et apparentés, dont 114 amendements sont en discussion ; deux heures trente-sept minutes pour le groupe La France insoumise, dont 91 amendements sont en discussion ; deux heures trente et une minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 80 amendements sont en discussion ; dix-huit minutes pour les députés non inscrits, dont 115 amendements sont en discussion.
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 13
quater
.
L’amendement no 2264 n’étant pas défendu, je mets aux voix l’article 13
quater
.
(L’article 13 quater est adopté.)
(L’article 13 quinquies est adopté.)
(L’article 13 sexies est adopté.)
(L’article 13 septies est adopté.)
La parole est à Mme Véronique Riotton, pour soutenir l’amendement no 2091.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs thématiques, mes chers collègues, la transmission des entreprises est toujours complexe. Lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, il est difficile de céder le bail hors du cadre familial. Cette situation entraîne parfois le démantèlement des exploitations dont l’exploitant ne trouve pas de successeur, et inversement l’obligation pour les jeunes qui s’installent hors cadre familial de reconstruire une exploitation agricole complète.
Pour permettre ou faciliter la transmission des exploitations dans leur globalité, nous proposons de rendre le bail à ferme cessible hors du cadre familial, avec agrément du bailleur. La parole est à M. Denis Sommer, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission. La question du foncier est particulièrement importante en agriculture. Une mission d’information commune sur le foncier agricole est conduite par notre collègue Jean-Bernard Sempastous. Je vous propose de retirer l’amendement et de poursuivre le dialogue dans ce cadre pour faire avancer la réflexion. La parole est à Mme Véronique Riotton. Je n’ignore pas qu’une mission commune sur le foncier agricole est en cours, mais il m’a semblé important de déposer cet amendement d’appel. Nous devons en effet travailler à faciliter la transmission des entreprises agricoles, compte tenu des problèmes propres au foncier et des difficultés d’exploitation de ces entreprises.
Je retire l’amendement. (L’amendement no 2091 est retiré.) La parole est à M. Denis Sommer, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 2132. Hier, au cours de nos débats, des orateurs de tous les groupes ont évoqué les relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants en ce qui concerne les délais de paiement, les politiques de prix ou les modifications des relations commerciales lors de la mise sur le marché de nouveaux produits ou du transfert de missions de recherche et développement. Cette question très large mérite d’être approfondie.
Depuis la loi de modernisation de l’économie – LME – et la crise industrielle de 2008-2009, certaines filières ont réalisé de nombreux progrès. De grands donneurs d’ordre ont joué un rôle essentiel pour construire des relations plus solidaires, comme on en trouve en Allemagne, où les logiques de développement sont largement partagées et les sous-traitants associés aux stratégies de filière pour tirer tout le monde vers le haut.
À l’heure de l’usine 4.0, de la numérisation et de la robotisation, la France souffre en la matière d’une certaine insuffisance, que M. le ministre a soulignée plusieurs fois, en comparaison de ses grands concurrents européens. Elle a besoin que ses sous-traitants réalisent des marges suffisantes pour conserver des capacités d’investissement qui leur permettent de se mettre à niveau et de se projeter dans l’avenir.
Le Conseil national de l’industrie – CNI – présidé par le Premier ministre travaille sur ces sujets que nous devons, je le redis, approfondir ensemble. Quelle sera l’issue de ces débats et de la mission dont j’ai demandé la création au président de la commission des affaires économiques ? Je ne les connais pas encore, mais nous devons nous réfléchir.
Une telle mission, parfaitement dans l’esprit de ce projet de loi, permettra de tirer notre économie, et particulièrement notre industrie, vers le haut. La parole est à M. Roland Lescure, rapporteur général de la commission spéciale. Je retire un instant ma casquette de rapporteur général de la commission spéciale pour remettre celle de président de la commission des affaires économiques.
On parle souvent de chasser en meute : il s’agit de chasser ensemble et non les uns contre les autres. Il faut vraiment que nous nous intéressions aux relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants pour nous assurer que ceux-ci œuvrent ensemble et dans le même sens.
Je suis donc évidemment favorable à la création de la mission proposée par M. Sommer, que je suggère d’inscrire à l’ordre du jour de notre prochain bureau. Je suis certain que M. Fasquelle, ici présent, ne s’y opposera pas.
Je compte bien sûr sur l’aide que M. Sommer pourra nous apporter, après la fin de l’examen de ce projet de loi. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances, pour donner l’avis du Gouvernement. Je remercie M. Sommer de sa proposition et lui suggère de retirer cet amendement, que je considère comme un amendement d’appel. J’en partage la philosophie.
On répète souvent que le Gouvernement n’a pas de stratégie industrielle. En ce début de matinée, devant un hémicycle comble (Sourires), je veux au contraire rappeler qu’au contraire, la stratégie industrielle du Gouvernement est claire.
Le premier volet de cette stratégie concerne la poursuite de l’amélioration de la compétitivité-coût de notre industrie. Je le répète : tous les gouvernements, de gauche comme de droite, se sont engagés depuis plusieurs années dans cette direction. Il faut que nous arrivions à produire moins cher. On peut toujours le regretter, mais c’est indispensable si nous voulons résister à la concurrence internationale : la filière a des consommateurs d’une part, des concurrents d’autre part. Il faut que nous soyons concurrentiels, que nos outils de production soient moins coûteux et que le coût du travail dans notre industrie soit compétitif, comparé à celui de nos grands voisins.
En la matière, la France a accompli des progrès considérables. Pour le coup, je considérerais comme une erreur d’aller vers le moins-disant en matière salariale, d’autant, je l’ai dit, que nous avons progressé.
La compétitivité-coût pose une question majeure – je le répète devant la représentation nationale : celle des impôts de production. Ces impôts sur l’industrie doivent diminuer. C’est le cap fixé par le Premier ministre. Ma conviction est que le plus tôt sera le mieux. Nous avons commencé en supprimant le forfait social, qui est un impôt de production.
Les décideurs, quelle que soit leur affiliation politique, éprouvent toujours la tentation de créer un impôt ou une taxe qui leur paraissent justifiés pour tel ou tel motif. Mais, au bout du compte, la somme des impôts de production augmente, nous vendons moins de produits et le chômage augmente à son tour. C’est pourquoi les impôts de production doivent baisser. Il faut tenir ce cap de manière obstinée si l’on veut obtenir des résultats, tant le réflexe classique des gouvernants – quelle que soit, encore une fois, l’affiliation politique – consiste non à diminuer les impôts mais à les augmenter.
Le deuxième volet est capital, à mon sens – le Premier ministre en a parlé lors de son déplacement chez Dassault Systèmes. Il concerne l’innovation, la numérisation et la robotisation. Je me souviens d’une très belle visite à l’usine Renault Alpine, en compagnie du député de Dieppe. Nous avions vu un outil de production exceptionnel, notamment par son niveau de numérisation et de robotisation. Celui-ci permet une production remarquable, la nouvelle Alpine, qui se vend bien. Ce fleuron de l’industrie automobile française est la preuve que celle-ci a un avenir.
Au passage, je rappelle que l’innovation est le meilleur lien avec la tradition. Si nous sommes une grande nation en matière d’industrie automobile, c’est d’abord parce que nous avons été parmi les premiers à inventer et à créer des systèmes de propulsion et des machines automobiles. Quand nous innovons, nous sommes fidèles à notre tradition. Les conservateurs qui ne veulent jamais innover, refusent les nouvelles technologies, la robotisation ou la numérisation et ne veulent pas forcer les portes de l’avenir sont en contradiction avec l’esprit français, qui est un esprit d’inventivité et d’innovation.
Numérisation, robotisation, suramortissement sont ainsi le deuxième volet de notre stratégie industrielle.
Le troisième, souvent passé sous silence, est celui que M. Sommer a mis en lumière : il est temps qu’il y a ait davantage de coopération dans les filières industrielles françaises. Et là, il y a un sacré boulot à faire, et d’abord en matière d’organisation.
Certaines filières sont remarquablement structurées. Parce que j’ai un esprit positif, je ne citerai que celles-là. La filière aéronautique est un modèle d’organisation et de structuration entre les grands donneurs d’ordre comme Airbus et les sous-traitants.
Dans ma région, cette filière est exceptionnelle. On cite toujours Toulouse, mais la Normandie, en matière de réalisation de nacelles ou d’ailes d’avion,... Grâce à Safran ! ...est capable de réalisations remarquables. Cette filière est bien structurée.
Je vais vous dire mon sentiment : la France compte deux ou trois filières industrielles bien structurées. Pas plus. Des dizaines d’autres ne le sont pas du tout. Il est temps que, sous la direction du Conseil national de l’industrie, où Philippe Varin accomplit un excellent travail, nous reprenions la situation en main et que les filières se structurent.
Il y a quelques jours, à l’occasion d’une visite en compagnie du Premier ministre chez Dassault Systèmes, j’ai eu l’occasion de le dire de façon tout aussi directe aux industriels : faites votre travail, comme l’État et les pouvoirs publics font le leur. Nous avons commencé à réduire les impôts de production. Nous améliorons la compétitivité. Nous réduisons le coût du travail. Nous transformons le crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – en allégements de charges. Nous vous accordons un dispositif de suramortissement pour que vous puissiez vous robotiser. Faites votre travail ! On ne peut pas toujours compter sur la puissance publique. Les entreprises et les filières doivent aussi s’organiser.
En matière d’organisation, j’insiste sur un autre point. Il faut certes une solidarité entre donneurs d’ordre et sous-traitants, mais il faut aussi que les très grandes entreprises fassent attention quand elles passent des commandes. Quand elles ont le choix entre un producteur français ou européen et un producteur américain, ou demain chinois, j’aimerais qu’elles aient le réflexe de retenir le producteur français ou européen.
Je ne dis pas que nous pouvons l’écrire noir sur blanc – je connais certaines limites juridiques. Mais il me semble important que nos grands donneurs d’ordre industriels, quand ils commandent un logiciel ou un système d’information, se demandent s’il n’y a pas une solution française ou européenne... Française ! …avant de se tourner vers un producteur situé à l’extérieur de notre continent, qu’il soit en Amérique ou ailleurs.
J’y insiste, car je regarde attentivement les commandes passées par les grands groupes industriels. Ou par l’État ! Je suis parfois surpris de voir qu’au lieu de se tourner vers les solutions françaises, ils optent souvent pour la solution de facilité en choisissant un partenaire américain.
Il faut se poser systématiquement la question : l’intérêt industriel français et européen n’est-il pas de privilégier une commande française ou européenne ? Cette solution est peut-être un peu plus chère au départ, mais elle garantit notre indépendance, l’emploi et le développement de la filière. Autant de points sur lesquels nous devons travailler. La parole est à M. Daniel Fasquelle. Il faut éviter de mélanger deux sujets. Concernant la structuration des filières – automobile et, plus généralement, industrielles –vous avez parfaitement raison. Je regrette aussi qu’on ne parle pas souvent de l’économie touristique, qui est une grande oubliée de votre projet de loi : vous êtes complètement passé à côté de ce sujet, alors que le tourisme représente 7 % du PIB.
La sous-traitance, qui ne concerne pas seulement l’automobile, est un autre sujet. Je renvoie la balle au président de la commission des affaires économiques, qui, si j’ai bien compris, a beaucoup pratiqué le volley-ball : chiche, mais, en commission, travaillons sur les filières dans leur ensemble, et pas seulement sur les filières industrielles, et d’autre part sur la sous-traitance, qui est l’une des autres grandes oubliées de ce projet de loi PACTE – plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises. La parole est à M. Sébastien Jumel. Je suis d’accord sur le fait qu’une des grandes difficultés que connaît l’industrie provient du manque de solidarité entre les grands donneurs d’ordre et les sous-traitants d’une filière. Dans mon rapport pour avis sur le budget de l’industrie, l’an dernier, j’avais présenté, en partant de l’exemple de la filière verrière, un schéma illustrant la composition du prix d’un flacon de parfum de luxe – ces parfums sont fabriqués, pour 95 % d’entre eux, dans la vallée de la Bresle, chez moi. Pour un flacon à 100 euros, il y a 19,6 euros de TVA, 35 euros pour la distribution, 25 euros pour la publicité et le marketing, 15 euros pour la marge de la marque – la société LVMH avait fait parler d’elle, en son temps –, 3 euros seulement pour le flacon et le packaging, 1 euro pour la fabrication en usine et 1,5 euro au titre du coût du « jus » concentré.
Les 3 euros facturés au titre du flacon et du packaging vont à la filière verrière, aux sous-traitants verriers, qui constituent souvent la variable d’ajustement des grands donneurs d’ordre : ils les pressurent, les mettent en concurrence entre eux, ce qui aboutit d’ailleurs à des scandales. Peut-être avez-vous gardé le souvenir de l’affaire des Palace Parfums : même Fillon, devant le sort de ces pauvres femmes travaillant la nuit, à domicile, dans des conditions dignes du XIXe siècle, avait parlé de patrons voyous ; pour que Fillon emploie des mots pareils, vous pensez bien qu’ils devaient vraiment l’être... Pour ma part, comme je l’avais indiqué dans mon avis budgétaire, je pense que les labels, les chartes, le recours au droit souple ne suffisent pas à réguler les relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants. Ça, c’est évident ! Je ne suis pas de ceux qui prennent souvent l’exemple de l’Allemagne – parce qu’il n’est pas à suivre, à mon avis, sur tous les sujets – mais, en l’occurrence, force est de reconnaître que nos voisins d’outre-Rhin ont un patriotisme industriel plus structuré. Au moins sur la question de la structuration des PME-PMI autour des grandes filières industrielles, peut-être pourrions-nous nous inspirer de leur exemple.
S’agissant, à présent, du secteur automobile, reconnaissons que – même quand l’État est actionnaire ou a son mot à dire dans les conseils de surveillance –, les grands groupes automobiles ne jouent pas le jeu non plus du « réflexe national » – termes que vous n’avez pas employés, car cette notion n’est pas euro-compatible ; peut-être est-ce d’ailleurs un sujet dont il faudrait discuter. Mettre en concurrence les sous-traitants entre eux aboutit, dans des régions comme la Normandie, à des asphyxies, des drames industriels et des disparitions de savoir-faire préoccupantes, même si, monsieur le ministre, vous avez raison de rappeler qu’il existe des contre-exemples, à l’image d’Alpine. Il y a là une société à dimension humaine et une grappe d’entreprises qui se sont structurées pour offrir des compétences correspondant aux besoins d’une marque comme Alpine ; cela marche, cela crée de l’emploi dans le territoire et cela renforce même le sentiment d’appartenance.
Je note que les auteurs de l’amendement, comme le ministre, ont exprimé leur volonté de progresser sur ce sujet, mais il va falloir le faire autrement qu’avec de bonnes intentions, en établissant un cadre juridique coercitif, en tout cas plus contraignant qu’il ne l’est aujourd’hui. L’État doit également donner l’exemple. Par exemple, dans la filière nucléaire, force est de constater que les grands appels d’offres lancés par EDF, y compris pour les carénages de centrales, avec plusieurs milliards d’euros à la clé, aboutissent à du dumping social. Et on sait les conséquences que cela entraîne sur le niveau de formation et de qualification des intervenants, ainsi que sur la sécurité et la sûreté. La main d’œuvre peu formée – et, le cas échéant, venant de pays étrangers – à laquelle il est parfois fait appel ne connaît pas nécessairement les consignes de sécurité et elle est parfois accoutumée à des règles de droit du travail sans commune mesure avec les nôtres. On aboutit ainsi à des déstructurations de filières, voire à des pertes de savoir-faire au sein de filières qui, à cet égard, ont pourtant longtemps fait la fierté de notre pays. Je salue donc les bonnes intentions qui ont été exprimées, mais je souligne qu’elles devront se traduire par des décisions plus contraignantes. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel. Dans le droit fil des propos de notre collègue Jumel, je salue également les intentions du rapporteur et les propos du ministre concernant la structuration des filières et le soutien aux filières françaises. J’ajoute que l’État joue aussi très régulièrement un rôle de donneur d’ordre et, à ce titre, a la possibilité de soutenir dans certains combats nos filières stratégiques, notamment la filière énergétique, ainsi que nos opérateurs historiques. Donc, oui, organisons la structuration des filières, améliorons les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants, mais aussi entre l’État et ces entreprises nationales stratégiques ou celles qui jouent un rôle important pour les filières, notamment dans l’énergie. La parole est à M. le rapporteur général. Je me félicite que la commission des affaires économiques soit bien représentée dans cet hémicycle en cette heure matinale. Eh oui ! Je préfère que M. Fasquelle me renvoie la balle plutôt qu’il ne me décoche une flèche. (Sourires.) Nous allons évidemment nous pencher sur ce sujet à l’occasion du prochain bureau de la commission des affaires économiques, dont certains présents de ce matin sont membres. Nous pourrons discuter en détail de la stratégie à conduire en la matière. Vous le savez, monsieur Fasquelle, nous avons déjà étudié un certain nombre de stratégies de filières et conduit des auditions dans des secteurs tels que l’automobile ou les télécoms, pour ne citer qu’eux. Pas le tourisme ! Nous allons évidemment continuer. Pour l’heure, nous retirons notre amendement. (L’amendement no 2132 est retiré.)
Pour permettre ou faciliter la transmission des exploitations dans leur globalité, nous proposons de rendre le bail à ferme cessible hors du cadre familial, avec agrément du bailleur. La parole est à M. Denis Sommer, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission. La question du foncier est particulièrement importante en agriculture. Une mission d’information commune sur le foncier agricole est conduite par notre collègue Jean-Bernard Sempastous. Je vous propose de retirer l’amendement et de poursuivre le dialogue dans ce cadre pour faire avancer la réflexion. La parole est à Mme Véronique Riotton. Je n’ignore pas qu’une mission commune sur le foncier agricole est en cours, mais il m’a semblé important de déposer cet amendement d’appel. Nous devons en effet travailler à faciliter la transmission des entreprises agricoles, compte tenu des problèmes propres au foncier et des difficultés d’exploitation de ces entreprises.
Je retire l’amendement. (L’amendement no 2091 est retiré.) La parole est à M. Denis Sommer, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 2132. Hier, au cours de nos débats, des orateurs de tous les groupes ont évoqué les relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants en ce qui concerne les délais de paiement, les politiques de prix ou les modifications des relations commerciales lors de la mise sur le marché de nouveaux produits ou du transfert de missions de recherche et développement. Cette question très large mérite d’être approfondie.
Depuis la loi de modernisation de l’économie – LME – et la crise industrielle de 2008-2009, certaines filières ont réalisé de nombreux progrès. De grands donneurs d’ordre ont joué un rôle essentiel pour construire des relations plus solidaires, comme on en trouve en Allemagne, où les logiques de développement sont largement partagées et les sous-traitants associés aux stratégies de filière pour tirer tout le monde vers le haut.
À l’heure de l’usine 4.0, de la numérisation et de la robotisation, la France souffre en la matière d’une certaine insuffisance, que M. le ministre a soulignée plusieurs fois, en comparaison de ses grands concurrents européens. Elle a besoin que ses sous-traitants réalisent des marges suffisantes pour conserver des capacités d’investissement qui leur permettent de se mettre à niveau et de se projeter dans l’avenir.
Le Conseil national de l’industrie – CNI – présidé par le Premier ministre travaille sur ces sujets que nous devons, je le redis, approfondir ensemble. Quelle sera l’issue de ces débats et de la mission dont j’ai demandé la création au président de la commission des affaires économiques ? Je ne les connais pas encore, mais nous devons nous réfléchir.
Une telle mission, parfaitement dans l’esprit de ce projet de loi, permettra de tirer notre économie, et particulièrement notre industrie, vers le haut. La parole est à M. Roland Lescure, rapporteur général de la commission spéciale. Je retire un instant ma casquette de rapporteur général de la commission spéciale pour remettre celle de président de la commission des affaires économiques.
On parle souvent de chasser en meute : il s’agit de chasser ensemble et non les uns contre les autres. Il faut vraiment que nous nous intéressions aux relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants pour nous assurer que ceux-ci œuvrent ensemble et dans le même sens.
Je suis donc évidemment favorable à la création de la mission proposée par M. Sommer, que je suggère d’inscrire à l’ordre du jour de notre prochain bureau. Je suis certain que M. Fasquelle, ici présent, ne s’y opposera pas.
Je compte bien sûr sur l’aide que M. Sommer pourra nous apporter, après la fin de l’examen de ce projet de loi. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances, pour donner l’avis du Gouvernement. Je remercie M. Sommer de sa proposition et lui suggère de retirer cet amendement, que je considère comme un amendement d’appel. J’en partage la philosophie.
On répète souvent que le Gouvernement n’a pas de stratégie industrielle. En ce début de matinée, devant un hémicycle comble (Sourires), je veux au contraire rappeler qu’au contraire, la stratégie industrielle du Gouvernement est claire.
Le premier volet de cette stratégie concerne la poursuite de l’amélioration de la compétitivité-coût de notre industrie. Je le répète : tous les gouvernements, de gauche comme de droite, se sont engagés depuis plusieurs années dans cette direction. Il faut que nous arrivions à produire moins cher. On peut toujours le regretter, mais c’est indispensable si nous voulons résister à la concurrence internationale : la filière a des consommateurs d’une part, des concurrents d’autre part. Il faut que nous soyons concurrentiels, que nos outils de production soient moins coûteux et que le coût du travail dans notre industrie soit compétitif, comparé à celui de nos grands voisins.
En la matière, la France a accompli des progrès considérables. Pour le coup, je considérerais comme une erreur d’aller vers le moins-disant en matière salariale, d’autant, je l’ai dit, que nous avons progressé.
La compétitivité-coût pose une question majeure – je le répète devant la représentation nationale : celle des impôts de production. Ces impôts sur l’industrie doivent diminuer. C’est le cap fixé par le Premier ministre. Ma conviction est que le plus tôt sera le mieux. Nous avons commencé en supprimant le forfait social, qui est un impôt de production.
Les décideurs, quelle que soit leur affiliation politique, éprouvent toujours la tentation de créer un impôt ou une taxe qui leur paraissent justifiés pour tel ou tel motif. Mais, au bout du compte, la somme des impôts de production augmente, nous vendons moins de produits et le chômage augmente à son tour. C’est pourquoi les impôts de production doivent baisser. Il faut tenir ce cap de manière obstinée si l’on veut obtenir des résultats, tant le réflexe classique des gouvernants – quelle que soit, encore une fois, l’affiliation politique – consiste non à diminuer les impôts mais à les augmenter.
Le deuxième volet est capital, à mon sens – le Premier ministre en a parlé lors de son déplacement chez Dassault Systèmes. Il concerne l’innovation, la numérisation et la robotisation. Je me souviens d’une très belle visite à l’usine Renault Alpine, en compagnie du député de Dieppe. Nous avions vu un outil de production exceptionnel, notamment par son niveau de numérisation et de robotisation. Celui-ci permet une production remarquable, la nouvelle Alpine, qui se vend bien. Ce fleuron de l’industrie automobile française est la preuve que celle-ci a un avenir.
Au passage, je rappelle que l’innovation est le meilleur lien avec la tradition. Si nous sommes une grande nation en matière d’industrie automobile, c’est d’abord parce que nous avons été parmi les premiers à inventer et à créer des systèmes de propulsion et des machines automobiles. Quand nous innovons, nous sommes fidèles à notre tradition. Les conservateurs qui ne veulent jamais innover, refusent les nouvelles technologies, la robotisation ou la numérisation et ne veulent pas forcer les portes de l’avenir sont en contradiction avec l’esprit français, qui est un esprit d’inventivité et d’innovation.
Numérisation, robotisation, suramortissement sont ainsi le deuxième volet de notre stratégie industrielle.
Le troisième, souvent passé sous silence, est celui que M. Sommer a mis en lumière : il est temps qu’il y a ait davantage de coopération dans les filières industrielles françaises. Et là, il y a un sacré boulot à faire, et d’abord en matière d’organisation.
Certaines filières sont remarquablement structurées. Parce que j’ai un esprit positif, je ne citerai que celles-là. La filière aéronautique est un modèle d’organisation et de structuration entre les grands donneurs d’ordre comme Airbus et les sous-traitants.
Dans ma région, cette filière est exceptionnelle. On cite toujours Toulouse, mais la Normandie, en matière de réalisation de nacelles ou d’ailes d’avion,... Grâce à Safran ! ...est capable de réalisations remarquables. Cette filière est bien structurée.
Je vais vous dire mon sentiment : la France compte deux ou trois filières industrielles bien structurées. Pas plus. Des dizaines d’autres ne le sont pas du tout. Il est temps que, sous la direction du Conseil national de l’industrie, où Philippe Varin accomplit un excellent travail, nous reprenions la situation en main et que les filières se structurent.
Il y a quelques jours, à l’occasion d’une visite en compagnie du Premier ministre chez Dassault Systèmes, j’ai eu l’occasion de le dire de façon tout aussi directe aux industriels : faites votre travail, comme l’État et les pouvoirs publics font le leur. Nous avons commencé à réduire les impôts de production. Nous améliorons la compétitivité. Nous réduisons le coût du travail. Nous transformons le crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – en allégements de charges. Nous vous accordons un dispositif de suramortissement pour que vous puissiez vous robotiser. Faites votre travail ! On ne peut pas toujours compter sur la puissance publique. Les entreprises et les filières doivent aussi s’organiser.
En matière d’organisation, j’insiste sur un autre point. Il faut certes une solidarité entre donneurs d’ordre et sous-traitants, mais il faut aussi que les très grandes entreprises fassent attention quand elles passent des commandes. Quand elles ont le choix entre un producteur français ou européen et un producteur américain, ou demain chinois, j’aimerais qu’elles aient le réflexe de retenir le producteur français ou européen.
Je ne dis pas que nous pouvons l’écrire noir sur blanc – je connais certaines limites juridiques. Mais il me semble important que nos grands donneurs d’ordre industriels, quand ils commandent un logiciel ou un système d’information, se demandent s’il n’y a pas une solution française ou européenne... Française ! …avant de se tourner vers un producteur situé à l’extérieur de notre continent, qu’il soit en Amérique ou ailleurs.
J’y insiste, car je regarde attentivement les commandes passées par les grands groupes industriels. Ou par l’État ! Je suis parfois surpris de voir qu’au lieu de se tourner vers les solutions françaises, ils optent souvent pour la solution de facilité en choisissant un partenaire américain.
Il faut se poser systématiquement la question : l’intérêt industriel français et européen n’est-il pas de privilégier une commande française ou européenne ? Cette solution est peut-être un peu plus chère au départ, mais elle garantit notre indépendance, l’emploi et le développement de la filière. Autant de points sur lesquels nous devons travailler. La parole est à M. Daniel Fasquelle. Il faut éviter de mélanger deux sujets. Concernant la structuration des filières – automobile et, plus généralement, industrielles –vous avez parfaitement raison. Je regrette aussi qu’on ne parle pas souvent de l’économie touristique, qui est une grande oubliée de votre projet de loi : vous êtes complètement passé à côté de ce sujet, alors que le tourisme représente 7 % du PIB.
La sous-traitance, qui ne concerne pas seulement l’automobile, est un autre sujet. Je renvoie la balle au président de la commission des affaires économiques, qui, si j’ai bien compris, a beaucoup pratiqué le volley-ball : chiche, mais, en commission, travaillons sur les filières dans leur ensemble, et pas seulement sur les filières industrielles, et d’autre part sur la sous-traitance, qui est l’une des autres grandes oubliées de ce projet de loi PACTE – plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises. La parole est à M. Sébastien Jumel. Je suis d’accord sur le fait qu’une des grandes difficultés que connaît l’industrie provient du manque de solidarité entre les grands donneurs d’ordre et les sous-traitants d’une filière. Dans mon rapport pour avis sur le budget de l’industrie, l’an dernier, j’avais présenté, en partant de l’exemple de la filière verrière, un schéma illustrant la composition du prix d’un flacon de parfum de luxe – ces parfums sont fabriqués, pour 95 % d’entre eux, dans la vallée de la Bresle, chez moi. Pour un flacon à 100 euros, il y a 19,6 euros de TVA, 35 euros pour la distribution, 25 euros pour la publicité et le marketing, 15 euros pour la marge de la marque – la société LVMH avait fait parler d’elle, en son temps –, 3 euros seulement pour le flacon et le packaging, 1 euro pour la fabrication en usine et 1,5 euro au titre du coût du « jus » concentré.
Les 3 euros facturés au titre du flacon et du packaging vont à la filière verrière, aux sous-traitants verriers, qui constituent souvent la variable d’ajustement des grands donneurs d’ordre : ils les pressurent, les mettent en concurrence entre eux, ce qui aboutit d’ailleurs à des scandales. Peut-être avez-vous gardé le souvenir de l’affaire des Palace Parfums : même Fillon, devant le sort de ces pauvres femmes travaillant la nuit, à domicile, dans des conditions dignes du XIXe siècle, avait parlé de patrons voyous ; pour que Fillon emploie des mots pareils, vous pensez bien qu’ils devaient vraiment l’être... Pour ma part, comme je l’avais indiqué dans mon avis budgétaire, je pense que les labels, les chartes, le recours au droit souple ne suffisent pas à réguler les relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants. Ça, c’est évident ! Je ne suis pas de ceux qui prennent souvent l’exemple de l’Allemagne – parce qu’il n’est pas à suivre, à mon avis, sur tous les sujets – mais, en l’occurrence, force est de reconnaître que nos voisins d’outre-Rhin ont un patriotisme industriel plus structuré. Au moins sur la question de la structuration des PME-PMI autour des grandes filières industrielles, peut-être pourrions-nous nous inspirer de leur exemple.
S’agissant, à présent, du secteur automobile, reconnaissons que – même quand l’État est actionnaire ou a son mot à dire dans les conseils de surveillance –, les grands groupes automobiles ne jouent pas le jeu non plus du « réflexe national » – termes que vous n’avez pas employés, car cette notion n’est pas euro-compatible ; peut-être est-ce d’ailleurs un sujet dont il faudrait discuter. Mettre en concurrence les sous-traitants entre eux aboutit, dans des régions comme la Normandie, à des asphyxies, des drames industriels et des disparitions de savoir-faire préoccupantes, même si, monsieur le ministre, vous avez raison de rappeler qu’il existe des contre-exemples, à l’image d’Alpine. Il y a là une société à dimension humaine et une grappe d’entreprises qui se sont structurées pour offrir des compétences correspondant aux besoins d’une marque comme Alpine ; cela marche, cela crée de l’emploi dans le territoire et cela renforce même le sentiment d’appartenance.
Je note que les auteurs de l’amendement, comme le ministre, ont exprimé leur volonté de progresser sur ce sujet, mais il va falloir le faire autrement qu’avec de bonnes intentions, en établissant un cadre juridique coercitif, en tout cas plus contraignant qu’il ne l’est aujourd’hui. L’État doit également donner l’exemple. Par exemple, dans la filière nucléaire, force est de constater que les grands appels d’offres lancés par EDF, y compris pour les carénages de centrales, avec plusieurs milliards d’euros à la clé, aboutissent à du dumping social. Et on sait les conséquences que cela entraîne sur le niveau de formation et de qualification des intervenants, ainsi que sur la sécurité et la sûreté. La main d’œuvre peu formée – et, le cas échéant, venant de pays étrangers – à laquelle il est parfois fait appel ne connaît pas nécessairement les consignes de sécurité et elle est parfois accoutumée à des règles de droit du travail sans commune mesure avec les nôtres. On aboutit ainsi à des déstructurations de filières, voire à des pertes de savoir-faire au sein de filières qui, à cet égard, ont pourtant longtemps fait la fierté de notre pays. Je salue donc les bonnes intentions qui ont été exprimées, mais je souligne qu’elles devront se traduire par des décisions plus contraignantes. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel. Dans le droit fil des propos de notre collègue Jumel, je salue également les intentions du rapporteur et les propos du ministre concernant la structuration des filières et le soutien aux filières françaises. J’ajoute que l’État joue aussi très régulièrement un rôle de donneur d’ordre et, à ce titre, a la possibilité de soutenir dans certains combats nos filières stratégiques, notamment la filière énergétique, ainsi que nos opérateurs historiques. Donc, oui, organisons la structuration des filières, améliorons les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants, mais aussi entre l’État et ces entreprises nationales stratégiques ou celles qui jouent un rôle important pour les filières, notamment dans l’énergie. La parole est à M. le rapporteur général. Je me félicite que la commission des affaires économiques soit bien représentée dans cet hémicycle en cette heure matinale. Eh oui ! Je préfère que M. Fasquelle me renvoie la balle plutôt qu’il ne me décoche une flèche. (Sourires.) Nous allons évidemment nous pencher sur ce sujet à l’occasion du prochain bureau de la commission des affaires économiques, dont certains présents de ce matin sont membres. Nous pourrons discuter en détail de la stratégie à conduire en la matière. Vous le savez, monsieur Fasquelle, nous avons déjà étudié un certain nombre de stratégies de filières et conduit des auditions dans des secteurs tels que l’automobile ou les télécoms, pour ne citer qu’eux. Pas le tourisme ! Nous allons évidemment continuer. Pour l’heure, nous retirons notre amendement. (L’amendement no 2132 est retiré.)
La parole est à M. Éric Girardin, inscrit sur l’article.
Faire confiance au dirigeant, à l’entrepreneur, qui est au cœur de la vie de l’entreprise et dont l’engagement personnel est souvent très fort, dans les bons comme dans les mauvais moments, tel est l’objectif de cet article. Aujourd’hui, le pouvoir reconnu au juge commissaire de modifier la rémunération du dirigeant de manière discrétionnaire en cas de redressement judiciaire jette l’opprobre sur le chef d’entreprise. C’est une marque de défiance. Il sous-tend que le dirigeant ne prendrait pas lui-même l’initiative d’adapter sa rémunération à la situation de son entreprise, alors que le bateau coule, s’accrochant ainsi, par exemple, à un salaire important, considérant son intérêt personnel avant celui de son entreprise et de ses salariés. Cette vision est bien sûr erronée. Dans une période difficile, pour la survie de son entreprise, de ses collaborateurs, mais aussi pour lui-même, le dirigeant, dans la grande majorité des cas, se bat et travaille sans relâche au rebond de son outil de travail.
Pourtant, dans ce contexte, le dirigeant voit sa rémunération réduite, situation qu’il vit souvent comme une sanction qui s’ajoute à ses difficultés. Aujourd’hui, iI est temps de redonner confiance et dignité au dirigeant, de reconnaître son sens des responsabilités et sa capacité de discernement. Il est le premier concerné et le mieux placé pour adapter sa rémunération au contexte général. Aussi cet article pose-t-il un nouvel équilibre et crée-t-il une nouvelle harmonie. Il renverse la charge de la preuve en faveur du dirigeant et ne propose le recours au juge que de manière exceptionnelle, sur saisine, le cas échéant, de l’administrateur judiciaire, du ministère public ou du mandataire, dans les cas limités où la rémunération du dirigeant est déconnectée de la réalité et de la capacité financière de son entreprise, et où elle est susceptible de remettre en question la pérennité de la société.
Nous voterons cet article 14, car il va dans le bon sens en responsabilisant le dirigeant dans un climat de confiance, tout en laissant une possibilité de rectification. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Jean Lassalle. Je me permets de vous rappeler, mon cher collègue, que, par décision de la conférence des présidents, le temps de parole maximal d’intervention d’un député non inscrit est de cinq minutes. Nous examinons un texte très important, en particulier pour nos entreprises. Je suis de ceux qui ont été frappés, mardi soir, par l’émission de France 2 consacrée aux 150 dernières années de l’histoire de notre pays et par ce va-et-vient de la main-d’œuvre, parfois enthousiasmant mais le plus souvent terrifiant, hélas, d’un point de vue humain. J’ai également regardé – après des questions au Premier ministre qui n’étaient ni truquées, ni filtrées, m’a-t-il semblé – le débat d’hier soir entre deux hommes de bonne volonté, Édouard Philippe et Laurent Wauquiez, qui a porté sur des questions importantes. M. le ministre vient de rappeler que le développement de notre industrie automobile est ancien. On ne peut que partager son point de vue sur le fait que, si nous parvenons à faire redémarrer ce secteur, il y a certainement beaucoup à en espérer. Par ailleurs, monsieur Jumel, votre démonstration est malheureusement reproductible à l’infini ; il faut avoir conscience de la part qui revient au vrai travail, à celui qui prend des risques, à celui qui fait. Ce texte nous invite à nous interroger largement.
Je reviens toujours à l’idée – à laquelle nous réfléchissons tous, dans ce contexte de mutation considérable et inédit, et sans trouver forcément des solutions – que le vide politique majeur que nous connaissons sera, une fois de plus, sanctionné très violemment dans les urnes. Je ne parle pas là uniquement de la France, mais de l’ensemble des pays que l’on disait développés, il n’y a pas si longtemps encore, et, plus largement, de tous ceux de l’espace européen. Une autre difficulté concerne le manque de financement dans le domaine public. On ne peut pas tordre l’histoire... Cela n’a rien à voir avec l’article 14 ! Nous nous sommes construits sur une base complètement différente de celle des Américains, qui se sont développés à leur manière – et d’ailleurs nous ne sommes pas toujours très reconnaissants à leur égard, mais c’est autre chose.
Comment donner un élan dans une telle situation politique ? L’espace financier public ne peut pas évoluer : on veut passer sous la barre des 3 % de déficit budgétaire, mais à quel prix se paie cet effort ? On est obligé de sacrifier l’emploi de je ne sais combien de milliers de personnes, dont nous avons pourtant besoin. Nous ne créons pas d’ambiance propice à susciter la joie d’aller de l’avant. Et comment essayer de récupérer de l’argent quand les circonstances nous contraignent à faire équipe avec les paradis fiscaux que sont le Luxembourg, Monaco, l’Irlande, les Pays-Bas et Chypre ?
Les projets dont nous parlons remontent aux Trente Glorieuses, et il en faudrait aujourd’hui de nouveaux, notamment autour de la transition énergétique. La parole est à M. Philippe Gosselin. Je collerai davantage à l’article 14 – et je n’ai que deux minutes.
Je voulais faire un joli clin d’œil à cet article, qui est le bienvenu. Trop de chefs d’entreprise se retrouvent dans une situation extrêmement délicate lorsque le redressement judiciaire de leur entreprise est prononcé. Il s’agit en quelque sorte d’une double peine : la stigmatisation et l’opprobre s’ajoutent à la perte de l’entreprise, l’opinion publique ayant tendance à dire que ces dirigeants n’ont pas su gérer leurs affaires. La réalité est beaucoup plus complexe, car la vie d’un chef d’entreprise, particulièrement dans les PME et les TPE, ressemble à un parcours du combattant. Je ne fais aucune polémique, ni n’adresse aucun tacle au Gouvernement : il faut simplement avoir conscience que les chefs d’entreprise doivent être des moutons à cinq pattes, capables d’élaborer des devis, de satisfaire les clients, de récupérer ce qui est dû, etc. Bref, c’est un parcours du combattant, et parfois les investissements ne suivent pas ou, anticipés, ils ne se matérialisent finalement pas à cause du climat économique ; il y a également des crises internationales, comme la guerre du Koweït, il y a un peu plus de vingt-cinq ans, qui avait entraîné des difficultés pour beaucoup d’entreprises.
Le maintien a priori de la rémunération du chef d’entreprise, même si, évidemment, des raisons précises peuvent conduire à écarter ce principe, est une bonne chose. Cela permettra aux chefs d’entreprise, notamment de PME et de TPE, d’affronter les difficultés avec un peu plus de sérénité, pour eux et pour leur famille. Cela permettra également de consolider le tissu économique des territoires ruraux, où les TPE et les artisans sont plus nombreux que les grandes entreprises. Tel est sans doute le pari fait à cet article 14, et j’y souscris. Monsieur Gosselin, nous examinons ce texte dans la procédure du temps législatif programmé, qui induit une grande liberté, n’excluant toutefois pas un certain cadre. Votre temps de parole n’est donc pas limité à deux minutes. Je le sais bien ; je m’y suis limité moi-même. J’apporte cette précision pour que les choses soient claires. En revanche, les députés non inscrits n’ayant pas de président de groupe pour réguler la parole, la règle fixée dispose qu’aucune intervention ne peut dépasser cinq minutes. On ne peut plus parler après son intervention ? Chaque intervention, pour les députés non inscrits et seulement pour eux, a une durée maximale de cinq minutes. Vous pourrez donc participer à la discussion sur un amendement, mais sans dépasser cinq minutes. L’ensemble des députés non inscrits disposent d’un contingent de temps de parole, comme chaque groupe de cette assemblée. Je tenais à apporter cette précision sur la gestion du temps.
Pourtant, dans ce contexte, le dirigeant voit sa rémunération réduite, situation qu’il vit souvent comme une sanction qui s’ajoute à ses difficultés. Aujourd’hui, iI est temps de redonner confiance et dignité au dirigeant, de reconnaître son sens des responsabilités et sa capacité de discernement. Il est le premier concerné et le mieux placé pour adapter sa rémunération au contexte général. Aussi cet article pose-t-il un nouvel équilibre et crée-t-il une nouvelle harmonie. Il renverse la charge de la preuve en faveur du dirigeant et ne propose le recours au juge que de manière exceptionnelle, sur saisine, le cas échéant, de l’administrateur judiciaire, du ministère public ou du mandataire, dans les cas limités où la rémunération du dirigeant est déconnectée de la réalité et de la capacité financière de son entreprise, et où elle est susceptible de remettre en question la pérennité de la société.
Nous voterons cet article 14, car il va dans le bon sens en responsabilisant le dirigeant dans un climat de confiance, tout en laissant une possibilité de rectification. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Jean Lassalle. Je me permets de vous rappeler, mon cher collègue, que, par décision de la conférence des présidents, le temps de parole maximal d’intervention d’un député non inscrit est de cinq minutes. Nous examinons un texte très important, en particulier pour nos entreprises. Je suis de ceux qui ont été frappés, mardi soir, par l’émission de France 2 consacrée aux 150 dernières années de l’histoire de notre pays et par ce va-et-vient de la main-d’œuvre, parfois enthousiasmant mais le plus souvent terrifiant, hélas, d’un point de vue humain. J’ai également regardé – après des questions au Premier ministre qui n’étaient ni truquées, ni filtrées, m’a-t-il semblé – le débat d’hier soir entre deux hommes de bonne volonté, Édouard Philippe et Laurent Wauquiez, qui a porté sur des questions importantes. M. le ministre vient de rappeler que le développement de notre industrie automobile est ancien. On ne peut que partager son point de vue sur le fait que, si nous parvenons à faire redémarrer ce secteur, il y a certainement beaucoup à en espérer. Par ailleurs, monsieur Jumel, votre démonstration est malheureusement reproductible à l’infini ; il faut avoir conscience de la part qui revient au vrai travail, à celui qui prend des risques, à celui qui fait. Ce texte nous invite à nous interroger largement.
Je reviens toujours à l’idée – à laquelle nous réfléchissons tous, dans ce contexte de mutation considérable et inédit, et sans trouver forcément des solutions – que le vide politique majeur que nous connaissons sera, une fois de plus, sanctionné très violemment dans les urnes. Je ne parle pas là uniquement de la France, mais de l’ensemble des pays que l’on disait développés, il n’y a pas si longtemps encore, et, plus largement, de tous ceux de l’espace européen. Une autre difficulté concerne le manque de financement dans le domaine public. On ne peut pas tordre l’histoire... Cela n’a rien à voir avec l’article 14 ! Nous nous sommes construits sur une base complètement différente de celle des Américains, qui se sont développés à leur manière – et d’ailleurs nous ne sommes pas toujours très reconnaissants à leur égard, mais c’est autre chose.
Comment donner un élan dans une telle situation politique ? L’espace financier public ne peut pas évoluer : on veut passer sous la barre des 3 % de déficit budgétaire, mais à quel prix se paie cet effort ? On est obligé de sacrifier l’emploi de je ne sais combien de milliers de personnes, dont nous avons pourtant besoin. Nous ne créons pas d’ambiance propice à susciter la joie d’aller de l’avant. Et comment essayer de récupérer de l’argent quand les circonstances nous contraignent à faire équipe avec les paradis fiscaux que sont le Luxembourg, Monaco, l’Irlande, les Pays-Bas et Chypre ?
Les projets dont nous parlons remontent aux Trente Glorieuses, et il en faudrait aujourd’hui de nouveaux, notamment autour de la transition énergétique. La parole est à M. Philippe Gosselin. Je collerai davantage à l’article 14 – et je n’ai que deux minutes.
Je voulais faire un joli clin d’œil à cet article, qui est le bienvenu. Trop de chefs d’entreprise se retrouvent dans une situation extrêmement délicate lorsque le redressement judiciaire de leur entreprise est prononcé. Il s’agit en quelque sorte d’une double peine : la stigmatisation et l’opprobre s’ajoutent à la perte de l’entreprise, l’opinion publique ayant tendance à dire que ces dirigeants n’ont pas su gérer leurs affaires. La réalité est beaucoup plus complexe, car la vie d’un chef d’entreprise, particulièrement dans les PME et les TPE, ressemble à un parcours du combattant. Je ne fais aucune polémique, ni n’adresse aucun tacle au Gouvernement : il faut simplement avoir conscience que les chefs d’entreprise doivent être des moutons à cinq pattes, capables d’élaborer des devis, de satisfaire les clients, de récupérer ce qui est dû, etc. Bref, c’est un parcours du combattant, et parfois les investissements ne suivent pas ou, anticipés, ils ne se matérialisent finalement pas à cause du climat économique ; il y a également des crises internationales, comme la guerre du Koweït, il y a un peu plus de vingt-cinq ans, qui avait entraîné des difficultés pour beaucoup d’entreprises.
Le maintien a priori de la rémunération du chef d’entreprise, même si, évidemment, des raisons précises peuvent conduire à écarter ce principe, est une bonne chose. Cela permettra aux chefs d’entreprise, notamment de PME et de TPE, d’affronter les difficultés avec un peu plus de sérénité, pour eux et pour leur famille. Cela permettra également de consolider le tissu économique des territoires ruraux, où les TPE et les artisans sont plus nombreux que les grandes entreprises. Tel est sans doute le pari fait à cet article 14, et j’y souscris. Monsieur Gosselin, nous examinons ce texte dans la procédure du temps législatif programmé, qui induit une grande liberté, n’excluant toutefois pas un certain cadre. Votre temps de parole n’est donc pas limité à deux minutes. Je le sais bien ; je m’y suis limité moi-même. J’apporte cette précision pour que les choses soient claires. En revanche, les députés non inscrits n’ayant pas de président de groupe pour réguler la parole, la règle fixée dispose qu’aucune intervention ne peut dépasser cinq minutes. On ne peut plus parler après son intervention ? Chaque intervention, pour les députés non inscrits et seulement pour eux, a une durée maximale de cinq minutes. Vous pourrez donc participer à la discussion sur un amendement, mais sans dépasser cinq minutes. L’ensemble des députés non inscrits disposent d’un contingent de temps de parole, comme chaque groupe de cette assemblée. Je tenais à apporter cette précision sur la gestion du temps.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, je souhaiterais une précision sur notre règlement. À ma connaissance, celui-ci contraint les intervenants sur un article à s’exprimer sur cet article. L’intervention de M. Lassalle était brillante, mais elle ne m’a pas semblé concerner l’article 14 ; or elle a consommé quelque cinq minutes du temps des députés non inscrits.
Nos collègues non inscrits ont peut-être encore des amendements à défendre. En appliquant strictement le règlement, ne conviendrait-il pas, monsieur le président, de redonner ces cinq minutes à l’ensemble des députés non-inscrits, faute d’avoir interrompu notre collègue qui ne parlait pas de l’article 14 ? Je n’émets pas de jugement d’opportunité sur le propos d’un député. Les députés non inscrits sont tenus par un plafond de temps de parole global, leur intervention ne pouvant pas dépasser cinq minutes pour qu’ils ne puissent pas puiser dans ce temps, au détriment des autres députés non inscrits.
Les députés ont une grande liberté de parole et je ne vais pas vérifier si chaque phrase concerne bien l’article en discussion. C’est pourtant ce que dit le règlement ! Je ne savais pas que je prenais du temps de parole à quelqu’un ! Les temps resteront comptabilisés comme il est d’usage.
Nos collègues non inscrits ont peut-être encore des amendements à défendre. En appliquant strictement le règlement, ne conviendrait-il pas, monsieur le président, de redonner ces cinq minutes à l’ensemble des députés non-inscrits, faute d’avoir interrompu notre collègue qui ne parlait pas de l’article 14 ? Je n’émets pas de jugement d’opportunité sur le propos d’un député. Les députés non inscrits sont tenus par un plafond de temps de parole global, leur intervention ne pouvant pas dépasser cinq minutes pour qu’ils ne puissent pas puiser dans ce temps, au détriment des autres députés non inscrits.
Les députés ont une grande liberté de parole et je ne vais pas vérifier si chaque phrase concerne bien l’article en discussion. C’est pourtant ce que dit le règlement ! Je ne savais pas que je prenais du temps de parole à quelqu’un ! Les temps resteront comptabilisés comme il est d’usage.
Vous avez la parole, monsieur Jumel, pour un temps libre, dans le cadre du quota de parole de votre groupe.
Je tenterai de ne pas abuser de cette liberté.
Je sais que des chefs d’entreprise, des artisans, des dirigeants de PME et de PMI sont confrontés à l’échec d’une vie lorsqu’ils rencontrent des difficultés ; ils en souffrent et s’octroient généralement, dans ces périodes délicates, une rémunération de façon responsable.
Néanmoins, il ne faut pas verser de larmes de crocodile en considérant que ces comportements parfaits sont universels. Il arrive aussi fréquemment que, dans des entreprises en liquidation, mal gérées, dans des entreprises qui se restructurent et qui licencient, les rémunérations des dirigeants soient exorbitantes, voire insultantes pour les salariés.
Je m’excuse auprès de vous de ramener à chaque fois mes interventions à des exemples concrets et locaux, mais, au bout du compte, discuter de la croissance et de l’économie sans avoir en tête les visages des hommes et des femmes qui vivent dans nos territoires n’a pas beaucoup de sens.
Davigel est une filière agroalimentaire précédemment rattachée à Nestlé et récemment rachetée par le groupe américain Sysco, qui l’a fusionnée avec Brake France qu’il possède également. Le groupe vient d’annoncer, sans que cela suscite beaucoup d’émoi dans cet hémicycle et dans l’opinion publique, un plan de réorganisation comprenant la suppression de 631 postes, dont 112 à Davigel, chez moi, à Dieppe. Les dirigeants, que j’ai rencontrés, présentent leur plan comme étant de nature à améliorer la compétitivité et la performance, à prendre en considération les nouveaux besoins et les évolutions de produits, à s’appuyer sur une logistique numérique... Bref, ils tiennent un discours bien construit expliquant que la situation économique justifie le plan de sauvegarde de l’emploi tel qu’il a été présenté aux familles, dont les vies seront broyées par les licenciements.
Certains syndicats ont approuvé le PSE, mais d’autres l’ont refusé. Je les ai récemment rencontrés et ils m’ont présenté l’expertise de la situation du groupe qu’ils venaient de réaliser. Ils ont une vision précise de la rémunération des dirigeants, qui a explosé et qui affiche plusieurs zéros. Quand, dans le même temps, on annonce la suppression de 112 emplois sur un site, vous imaginez l’émoi, l’émotion et le décalage ressentis – un peu à l’instar de la retraitée qui, hier, interpellait le Premier ministre sur les effets de sa mauvaise politique, en réponse aux chiffres macroéconomiques qu’il avait avancés.
Nous proposons la suppression de cet article, car l’intervention du juge-commissaire pour fixer la rémunération du dirigeant en cas de liquidation de l’entreprise offre une protection contre les abus et les dérives, que l’on ne retrouve pas à chaque fois, mais qui ne sont pas rares. Nous en venons aux amendements à l’article 14.
Je suis saisi de deux amendements de suppression de l’article, nos 2251 et 2639.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l’amendement no 2251. Il a été défendu à l’instant. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 2639. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Il était évident que cet article susciterait des débats. Dans l’esprit collectif, le dirigeant est toujours responsable des difficultés de son entreprise, comme vous l’avez expliqué, monsieur Gosselin. Or les choses sont bien plus complexes. Comme cela a été dit à plusieurs reprises en commission, un client défaillant peut faire tomber une entreprise. Une baisse du prix de produits où la marge à la pièce est très faible peut abattre une entreprise si les volumes s’écroulent, sans aucune faute de gestion du dirigeant.
Il faut tenir compte de cette réalité, tout en conservant des limites et des protections. Actuellement, le juge-commissaire fixe la rémunération en cas de liquidation ; on ne vous propose pas de supprimer le rôle du juge-commissaire, mais de permettre à l’administrateur, constatant la situation de l’entreprise et connaissant ses capacités financières, de soulever, s’il y a lieu, l’existence d’un problème sur la rémunération du dirigeant. Il pourra alors saisir le juge-commissaire, qui fixera la rémunération.
Voilà l’esprit dans lequel nous proposons cet article. Monsieur Jumel, vous avez une longue expérience, j’en ai également une, et vous savez qu’il ne s’agit pas ici de réguler la rémunération des dirigeants des grands groupes, qui, vous le savez, trouveront, quelle que soit la décision du juge, les moyens de se rémunérer, très confortablement pour la plupart d’entre eux. Nous avons une proposition sur ce sujet ! Cet article concerne nos TPE et nos PME, et vise à mettre en œuvre une mesure de justice, à éviter l’humiliation des dirigeants et à faciliter leur rebond quand ils ne sont, bien évidemment, pas coupables d’abus de biens sociaux ou d’autre chose. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Je n’ai rien à ajouter, car le rapporteur a tout dit, et remarquablement. La parole est à M. Sébastien Jumel. Nous avons déposé des amendements sur les écarts de rémunération, ne vous en faites pas ! Nous aborderons cette question, parce que les excès en la matière sont insupportables pour nos concitoyens. C’est de PME qu’il s’agit ici, pas des dirigeants du CAC 40 ! Vous semblez de bonne foi, monsieur le rapporteur, et vous défendez ce texte avec conviction, mais vos propositions s’inscrivent dans le contexte dans lequel nous vivons depuis un an. Vous avez modifié le code du travail, en introduisant souplesse et déréglementation, afin de permettre aux entreprises de remettre en cause des clauses substantielles du contrat de travail, comme le lieu, la rémunération et les conditions de travail, lorsque des conditions économiques le justifient. Autrement dit, avec Muriel Pénicaud, vous avez fait en sorte que l’on puisse imposer aux salariés, lorsque l’entreprise rencontre des difficultés, de se serrer la ceinture et de faire des efforts financiers, alors que leurs salaires sont souvent de misère, pour sauver leur entreprise et leur emploi.
Le maintien de la rémunération n’est donc plus un principe irréfragable du code du travail – comme c’est le cas d’ailleurs de tous les autres droits fondamentaux. Mais lorsqu’il s’agit de la rémunération des dirigeants, vous érigez son maintien en principe de droit commun. Tout juste cette rémunération pourra-t-elle, à titre d’exception, être révisée, après avis de l’administrateur et du juge-commissaire.
Tout cela m’amène à dire que, dans votre esprit – que je respecte, c’est un esprit libéral assumé –, il y a une loi qui protège les riches, le petit nombre, et une loi plus souple, plus naïve et moins protectrice pour le plus faible – le salarié, en l’occurrence. Voilà le sujet de ces amendements ! Ce n’est pas vrai ! Il faut défendre le petit entrepreneur ! Moi, je parle des salariés ! Caricature ! La parole est à M. Boris Vallaud. M. le rapporteur a soulevé une question essentielle, celle du rapport des chefs d’entreprise au redressement judiciaire. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, qu’il s’agit ici, au fond, d’épargner au dirigeant d’entreprise l’humiliation de voir sa rémunération systématiquement fixée dans le cadre d’un redressement judiciaire.
Toutefois, nous savons tous – et c’est un enjeu majeur – que les dirigeants d’entreprises en difficulté considèrent que le fait même de se placer sous la protection de la justice est leur dernier recours et constitue déjà une infamie. Or se placer sous la protection de la justice permet souvent de garantir la pérennité de leur activité.
Nous défendrons plusieurs amendements sur ce sujet. À nos yeux, l’un des enjeux du sauvetage des entreprises en difficulté consiste à faire en sorte que la perception des chefs d’entreprise évolue, afin que la protection de la justice ne soit vécue ni comme une humiliation ni comme une infamie, moins encore comme l’antichambre de la liquidation. Comme son nom l’indique, le redressement judiciaire a vocation à redresser l’entreprise. La parole est à M. Denis Sommer, rapporteur. J’ai plusieurs choses à dire à M. Jumel. Tout d’abord, comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, j’ai le plus grand respect et la plus grande reconnaissance pour le discours qu’ont tenu les élus communistes à une certaine époque, un discours de ferme défense de notre industrie, tandis que d’autres développaient l’idée selon laquelle l’avenir appartenait aux seuls services et non à l’industrie, considérée comme une chose du passé, qu’il fallait abandonner. L’industrie pesait alors environ 22 % du PIB, contre 11 % de nos jours.
À l’époque, je m’en souviens, nous observions le Royaume-Uni avec une certaine ironie, voire avec beaucoup de condescendance, en disant : « Voyez comme ils ont laissé filer leur industrie ! ». À l’heure actuelle, la contribution de l’industrie au PIB britannique est supérieure à celle de notre industrie au nôtre. Monsieur Jumel, je sais donc les combats que vous et les vôtres avez menés sur ce sujet, le discours que vous avez tenu et le soutien que vous avez apporté aux salariés en la matière. De ce point de vue, respect !
Mais les années passent. À vous entendre, j’ai le sentiment que vous avez renoncé à peser sur le monde en pleine évolution dans lequel nous vivons, car vous ne le regardez pas tel qu’il est. Et je pense à titre personnel que c’est un drame ! Au contraire ! Vous dressez un parallèle entre le présent projet de loi et les ordonnances Travail, sur lesquelles nous n’allons pas engager le débat ici, car il a déjà eu lieu et aura sans doute encore lieu dans un autre cadre. J’évoquerai toutefois le développement des accords d’entreprise. La CFDT et la CGT en ont signé respectivement 92 % et 84 %. Ce qui ne signifie rien ! Ils n’avaient pas le choix ! Avec les ordonnances Travail, nous ne mettons pas à mal le dialogue social, au contraire : nous créons les conditions d’un dialogue social performant au service des entreprises et des salariés ainsi que de la compétitivité et de la réussite de nos entreprises. Pour ma part, je suis persuadé que le dialogue social est nécessaire et indispensable à la réussite de notre économie. Les choix que nous avons faits sont profondément justes, car ils sont inspirés par la réalité de la vie économique contemporaine de la France. Il fallait les faire.
Votre discours me semble complètement en porte-à-faux. En fin de compte, vous demeurez dans une extériorité permanente, de sorte que vous ne pesez plus sur le cours des choses – vous y avez renoncé. Ce renoncement qui vous caractérise, ainsi que les vôtres, compte tenu de votre histoire et de votre engagement au service du pays – notamment de son industrie –, n’est pas bon pour celui-ci. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Sébastien Jumel. Je remercie M. le rapporteur du respect dont il vient de faire part et lui renvoie le compliment : c’est son approche libérale qui est rétrograde.
Rassurez-vous, monsieur le rapporteur : les combats des parlementaires communistes sont connectés et à l’économie réelle et à la situation de notre temps. Vous avez eu raison de le rappeler : la part de l’industrie dans le PIB est d’environ 11 %. C’est le fruit de renoncements successifs auxquels votre famille politique a participé depuis de trop nombreuses années : 750 000 emplois industriels supprimés sous Sarkozy, et la casse industrielle a été poursuivie depuis, car vous avez renoncé à l’idée d’un État stratège se dotant des moyens nécessaires pour veiller à la structuration de nos filières industrielles, à l’innovation, à la recherche et à la préservation de la souveraineté de nos fleurons industriels ! C’est vrai ! Non ! Tout cela, nous l’avons fait ! Au demeurant, nous avons eu l’occasion de dire comment l’affaire STX-Fincantieri, après l’affaire Alstom-Siemens, était l’illustration du renoncement productif que vous incarnez désormais.
Vous vous félicitez du fait que la CFDT et la CGT aient signé beaucoup d’accords d’entreprise depuis la promulgation des ordonnances Travail. Mais citez les chiffres constatés avant ! Peut-être venez-vous seulement d’en prendre conscience, mais il n’est pas nouveau que les organisations syndicales, lorsqu’elles pèsent dans l’entreprise, lorsqu’elles établissent un rapport de force et obtiennent un bon accord, le signent. La CGT en a signé dès lors que tout se passait bien dans l’entreprise bien avant votre mauvaise loi sur la casse du droit du travail !
Vous rêvez d’un monde sans syndicats et d’une société sans régulation ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) Pas ça ! Aujourd’hui, 6 % des Français sont syndiqués ! Ce ne sont pas les syndicats qui font la loi ! Vous rêvez de libérer et de déréguler l’économie, comme si la main invisible du marché allait faire son œuvre ! Ce faisant, vous participez du rêve de ceux qui veulent un pays sans usines. Je ne prétends pas que vous en rêvez personnellement, monsieur le rapporteur, mais que vous contribuez à renforcer l’économie virtuelle au détriment de l’économie réelle. Alors, je vous en prie, pas de leçons ! Et réciproquement ! Je suis élu d’un territoire où la part de l’industrie dans le PIB s’élève à 24 %. Avec les salariés et les élus de tous bords, nous avons mené des combats afin de faire face aux fonds d’investissement prédateurs et aux spécialistes du LBO – leverage buy out – qui voulaient siphonner nos fleurons industriels. Rien, dans le projet de loi PACTE, n’assure la souveraineté des capitaux investis dans les entreprises ; rien ne permet d’éviter que des fonds d’investissement étrangers ne siphonnent nos fleurons les uns après les autres ! Or les cent plus grosses entreprises françaises courent à tout moment le risque de subir ce sort. Rien dans le projet de loi ne permet de faire face à cette réalité !
Par conséquent, les leçons sur le thème « vous êtes le passé, nous sommes l’avenir », vous pouvez les garder ! Je suis ancré dans le présent et connecté aux réalités vécues par les salariés. Nous formulerons de nombreuses propositions visant à faire en sorte que le renouveau industriel made in France ne soit pas une utopie mais bien une réalité à l’heure où nous parlons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialistes et apparentés ainsi que sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. le ministre. J’apprécie que le débat commence à s’animer. C’est le signe que nous en venons aux vrais sujets, même si nous nous écartons un peu – un chouïa – du fond de l’article. Ce n’est pas grave, car nous nous approchons des grandes questions, dont je préfère qu’elles soient débattues à l’Assemblée nationale plutôt que sur les plateaux de télévision.
Je reconnais bien volontiers que des erreurs ont été commises, par le passé, en matière industrielle, à droite comme à gauche. Je me souviens des grands discours sur l’industrie sans usines, qui ont constitué, pendant des années, une sorte de mantra. C’était chic ; c’était original ; c’était suicidaire. Oui ! On a laissé croire aux Français que l’on pouvait se passer des usines, des ateliers de fabrication et au passage des ouvriers. Nous avons payé très cher cette utopie néfaste. En l’espèce, c’est plutôt la famille politique à laquelle j’ai appartenu qui porte là une part de responsabilité, je le reconnais bien volontiers. Toutefois, de l’autre côté, l’obsession de taxer le capital – mot qui est comme frappé d’un stigmate en France – a aussi été une profonde erreur, qui nous a amenés à oublier que l’industrie, comme l’agriculture, est consommatrice de capital. Eh oui ! Si elle ne dispose pas de capital et si celui-ci n’est pas suffisamment rémunéré, elle ne peut pas investir, se robotiser, se numériser, acheter des machines, s’agrandir et se moderniser. Ce n’est pas plutôt la financiarisation de l’économie qui empêche l’investissement ? Cette obsession de taxer tant et plus le capital a, elle aussi, été très néfaste pour notre industrie. Tel est en tout cas le diagnostic que je dresse.
Quoi qu’il en soit, il est une question que tous ici nous pouvons nous poser : la France peut-elle reconstruire son industrie ? Moi, je le crois. La transformation technologique en cours constitue à mon sens une chance historique, pour la France, de mener une reconquête industrielle.
Notre force principale, je le répète, c’est le génie français – l’inventivité, la créativité, l’imagination. Autant nous ne sommes pas faits pour les grandes séries, la production en masse, l’anonymat et la reproduction des mêmes machines, des mêmes outils et des mêmes produits, autant, pour l’industrie dans laquelle nous entrons – une industrie du sur-mesure, de la haute valeur ajoutée et de la précision –, la France a des atouts dont aucun autre État européen ne dispose. J’en suis profondément convaincu. L’industrie qui vient sera une industrie française si nous nous en donnons les moyens. Très bien ! Pour ce faire, il faut définir une stratégie. C’est là mon seul vrai point de divergence avec M. Jumel : nous avons une stratégie. Nous croyons à la nécessité d’un État stratège afin de guider la reconquête industrielle française au cours des vingt-cinq prochaines années.
Les mesures que nous prenons en matière de formation et de qualification s’inscrivent dans ce cadre. En effet, il faut commencer par reconquérir les esprits, afin que nos enfants aient envie de travailler dans l’industrie. À l’heure actuelle, ils refusent d’y mettre les pieds, car ils estiment que l’industrie, c’est fini. Non ! L’industrie, ce n’est pas fini, ça commence !
La stratégie que nous avons adoptée consiste à alléger la fiscalité pesant sur le capital. Nous en avons longuement débattu ensemble. Elle consiste également à mettre en avant le sur-mesure, ce qui permettra de rapatrier des emplois en France. Nous ne conserverons pas les grandes chaînes de production à l’identique, mais nous pouvons faire revenir en France une production sur-mesure, sur la base de commandes en 3D et de l’essor de la numérisation. La France est l’un des pays les mieux placés au monde pour rapatrier ses savoir-faire, ses technologies et ses emplois.
Enfin, j’évoquerai le siphonnage des technologies, qui constitue un autre point de divergence avec Sébastien Jumel. Plus loin dans le texte, nous examinerons des dispositions visant à renforcer le décret relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Exactement ! Évitons les querelles politiciennes complètement inutiles ! En 2005, Dominique de Villepin, alors Premier ministre, a indiqué que nous avions un problème en matière de protection de nos technologies et qu’il fallait adopter un patriotisme économique permettant de les protéger. Il se trouve que je travaillais avec lui à l’époque, j’en ai un souvenir assez précis.
Par la suite, Arnaud Montebourg, qui pourtant n’appartient pas vraiment à la même famille politique,... Je confirme ! ... a renforcé le décret réglementant les relations financières avec l’étranger et portant application de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, promulgué en 2005, par le décret relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Enfin, je m’apprête à vous proposer, mesdames, messieurs les députés, à l’initiative du Président de la République, un renforcement sans précédent de celui-ci.
Plutôt que nous chercher querelle inutilement, reconnaissons que, sur certains sujets – par exemple la protection des technologies et des savoir-faire industriels –, depuis 2005, soit à peu près treize ans, et ce quel que soit le pouvoir en place, nous avons pris conscience du défi et nous sommes dotés des moyens de faire face au risque de pillage technologique en France. Pour une fois que nous parvenons à conclure des accords sur certains sujets, en dépassant nos appartenances et nos convictions politiques, il faut s’en réjouir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) (Les amendements identiques nos 2251 et 2639 ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Graziella Melchior, pour soutenir l’amendement no 709. L’article 14 ne garantit pas le maintien automatique de la rémunération des dirigeants d’une société en redressement judiciaire, sans lequel ceux-ci pourront difficilement anticiper les problèmes auxquels ils auront à faire face dans le cadre de cette procédure. Or il faut permettre aux dirigeants d’anticiper, de diminuer le passif et de s’en sortir.
Cet amendement prévoit donc des modalités financières moins contraignantes pour le dirigeant, notamment le maintien automatique de sa rémunération, sauf, naturellement, si le juge-commissaire le décide, en cas d’abus de biens sociaux. Quel est l’avis de la commission ? Seules la situation de l’entreprise et son incapacité à verser le salaire du dirigeant avant le redressement judiciaire peuvent conduire à décider de diminuer cette rémunération. Si l’administrateur judiciaire constate que le maintien de ce salaire pourrait remettre en cause le redressement de l’entreprise, il devra saisir le juge commissaire, qui prendra une décision.
Le débat porte non seulement sur un éventuel abus de biens sociaux mais surtout sur les capacités réelles de l’entreprise à maintenir le salaire.
Je vous suggère donc, madame Melchior, de retirer votre amendement. À défaut, je demanderai à l’Assemblée de le rejeter. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Madame Melchior, souhaitez-vous maintenir votre amendement ? Mme Fontenel-Personne étant à l’initiative de cet amendement, je souhaiterais qu’il soit mis aux voix. (L’amendement no 709 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 793. Cet amendement répond aux arguments du rapporteur selon lesquels le principe de base reste le maintien de la rémunération, sauf décision contraire du juge commissaire, qui évalue avec discernement le rapport entre la situation de l’entreprise et la rémunération du dirigeant.
Il vise à préciser les conditions dans lesquelles le juge peut fixer la rémunération du dirigeant d’une entreprise en redressement judiciaire et à inscrire à l’article 14 que sa décision doit être motivée par le fait que la rémunération pourrait compromettre le redressement de l’entreprise. Quel est l’avis de la commission ? C’est justement l’esprit de la loi, et son texte même ! Cet amendement n’apportant pas de précision vraiment utile, j’émettrai un avis défavorable. (L’amendement no 793, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 14 est adopté.)
Je sais que des chefs d’entreprise, des artisans, des dirigeants de PME et de PMI sont confrontés à l’échec d’une vie lorsqu’ils rencontrent des difficultés ; ils en souffrent et s’octroient généralement, dans ces périodes délicates, une rémunération de façon responsable.
Néanmoins, il ne faut pas verser de larmes de crocodile en considérant que ces comportements parfaits sont universels. Il arrive aussi fréquemment que, dans des entreprises en liquidation, mal gérées, dans des entreprises qui se restructurent et qui licencient, les rémunérations des dirigeants soient exorbitantes, voire insultantes pour les salariés.
Je m’excuse auprès de vous de ramener à chaque fois mes interventions à des exemples concrets et locaux, mais, au bout du compte, discuter de la croissance et de l’économie sans avoir en tête les visages des hommes et des femmes qui vivent dans nos territoires n’a pas beaucoup de sens.
Davigel est une filière agroalimentaire précédemment rattachée à Nestlé et récemment rachetée par le groupe américain Sysco, qui l’a fusionnée avec Brake France qu’il possède également. Le groupe vient d’annoncer, sans que cela suscite beaucoup d’émoi dans cet hémicycle et dans l’opinion publique, un plan de réorganisation comprenant la suppression de 631 postes, dont 112 à Davigel, chez moi, à Dieppe. Les dirigeants, que j’ai rencontrés, présentent leur plan comme étant de nature à améliorer la compétitivité et la performance, à prendre en considération les nouveaux besoins et les évolutions de produits, à s’appuyer sur une logistique numérique... Bref, ils tiennent un discours bien construit expliquant que la situation économique justifie le plan de sauvegarde de l’emploi tel qu’il a été présenté aux familles, dont les vies seront broyées par les licenciements.
Certains syndicats ont approuvé le PSE, mais d’autres l’ont refusé. Je les ai récemment rencontrés et ils m’ont présenté l’expertise de la situation du groupe qu’ils venaient de réaliser. Ils ont une vision précise de la rémunération des dirigeants, qui a explosé et qui affiche plusieurs zéros. Quand, dans le même temps, on annonce la suppression de 112 emplois sur un site, vous imaginez l’émoi, l’émotion et le décalage ressentis – un peu à l’instar de la retraitée qui, hier, interpellait le Premier ministre sur les effets de sa mauvaise politique, en réponse aux chiffres macroéconomiques qu’il avait avancés.
Nous proposons la suppression de cet article, car l’intervention du juge-commissaire pour fixer la rémunération du dirigeant en cas de liquidation de l’entreprise offre une protection contre les abus et les dérives, que l’on ne retrouve pas à chaque fois, mais qui ne sont pas rares. Nous en venons aux amendements à l’article 14.
Je suis saisi de deux amendements de suppression de l’article, nos 2251 et 2639.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l’amendement no 2251. Il a été défendu à l’instant. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 2639. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Il était évident que cet article susciterait des débats. Dans l’esprit collectif, le dirigeant est toujours responsable des difficultés de son entreprise, comme vous l’avez expliqué, monsieur Gosselin. Or les choses sont bien plus complexes. Comme cela a été dit à plusieurs reprises en commission, un client défaillant peut faire tomber une entreprise. Une baisse du prix de produits où la marge à la pièce est très faible peut abattre une entreprise si les volumes s’écroulent, sans aucune faute de gestion du dirigeant.
Il faut tenir compte de cette réalité, tout en conservant des limites et des protections. Actuellement, le juge-commissaire fixe la rémunération en cas de liquidation ; on ne vous propose pas de supprimer le rôle du juge-commissaire, mais de permettre à l’administrateur, constatant la situation de l’entreprise et connaissant ses capacités financières, de soulever, s’il y a lieu, l’existence d’un problème sur la rémunération du dirigeant. Il pourra alors saisir le juge-commissaire, qui fixera la rémunération.
Voilà l’esprit dans lequel nous proposons cet article. Monsieur Jumel, vous avez une longue expérience, j’en ai également une, et vous savez qu’il ne s’agit pas ici de réguler la rémunération des dirigeants des grands groupes, qui, vous le savez, trouveront, quelle que soit la décision du juge, les moyens de se rémunérer, très confortablement pour la plupart d’entre eux. Nous avons une proposition sur ce sujet ! Cet article concerne nos TPE et nos PME, et vise à mettre en œuvre une mesure de justice, à éviter l’humiliation des dirigeants et à faciliter leur rebond quand ils ne sont, bien évidemment, pas coupables d’abus de biens sociaux ou d’autre chose. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Je n’ai rien à ajouter, car le rapporteur a tout dit, et remarquablement. La parole est à M. Sébastien Jumel. Nous avons déposé des amendements sur les écarts de rémunération, ne vous en faites pas ! Nous aborderons cette question, parce que les excès en la matière sont insupportables pour nos concitoyens. C’est de PME qu’il s’agit ici, pas des dirigeants du CAC 40 ! Vous semblez de bonne foi, monsieur le rapporteur, et vous défendez ce texte avec conviction, mais vos propositions s’inscrivent dans le contexte dans lequel nous vivons depuis un an. Vous avez modifié le code du travail, en introduisant souplesse et déréglementation, afin de permettre aux entreprises de remettre en cause des clauses substantielles du contrat de travail, comme le lieu, la rémunération et les conditions de travail, lorsque des conditions économiques le justifient. Autrement dit, avec Muriel Pénicaud, vous avez fait en sorte que l’on puisse imposer aux salariés, lorsque l’entreprise rencontre des difficultés, de se serrer la ceinture et de faire des efforts financiers, alors que leurs salaires sont souvent de misère, pour sauver leur entreprise et leur emploi.
Le maintien de la rémunération n’est donc plus un principe irréfragable du code du travail – comme c’est le cas d’ailleurs de tous les autres droits fondamentaux. Mais lorsqu’il s’agit de la rémunération des dirigeants, vous érigez son maintien en principe de droit commun. Tout juste cette rémunération pourra-t-elle, à titre d’exception, être révisée, après avis de l’administrateur et du juge-commissaire.
Tout cela m’amène à dire que, dans votre esprit – que je respecte, c’est un esprit libéral assumé –, il y a une loi qui protège les riches, le petit nombre, et une loi plus souple, plus naïve et moins protectrice pour le plus faible – le salarié, en l’occurrence. Voilà le sujet de ces amendements ! Ce n’est pas vrai ! Il faut défendre le petit entrepreneur ! Moi, je parle des salariés ! Caricature ! La parole est à M. Boris Vallaud. M. le rapporteur a soulevé une question essentielle, celle du rapport des chefs d’entreprise au redressement judiciaire. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, qu’il s’agit ici, au fond, d’épargner au dirigeant d’entreprise l’humiliation de voir sa rémunération systématiquement fixée dans le cadre d’un redressement judiciaire.
Toutefois, nous savons tous – et c’est un enjeu majeur – que les dirigeants d’entreprises en difficulté considèrent que le fait même de se placer sous la protection de la justice est leur dernier recours et constitue déjà une infamie. Or se placer sous la protection de la justice permet souvent de garantir la pérennité de leur activité.
Nous défendrons plusieurs amendements sur ce sujet. À nos yeux, l’un des enjeux du sauvetage des entreprises en difficulté consiste à faire en sorte que la perception des chefs d’entreprise évolue, afin que la protection de la justice ne soit vécue ni comme une humiliation ni comme une infamie, moins encore comme l’antichambre de la liquidation. Comme son nom l’indique, le redressement judiciaire a vocation à redresser l’entreprise. La parole est à M. Denis Sommer, rapporteur. J’ai plusieurs choses à dire à M. Jumel. Tout d’abord, comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, j’ai le plus grand respect et la plus grande reconnaissance pour le discours qu’ont tenu les élus communistes à une certaine époque, un discours de ferme défense de notre industrie, tandis que d’autres développaient l’idée selon laquelle l’avenir appartenait aux seuls services et non à l’industrie, considérée comme une chose du passé, qu’il fallait abandonner. L’industrie pesait alors environ 22 % du PIB, contre 11 % de nos jours.
À l’époque, je m’en souviens, nous observions le Royaume-Uni avec une certaine ironie, voire avec beaucoup de condescendance, en disant : « Voyez comme ils ont laissé filer leur industrie ! ». À l’heure actuelle, la contribution de l’industrie au PIB britannique est supérieure à celle de notre industrie au nôtre. Monsieur Jumel, je sais donc les combats que vous et les vôtres avez menés sur ce sujet, le discours que vous avez tenu et le soutien que vous avez apporté aux salariés en la matière. De ce point de vue, respect !
Mais les années passent. À vous entendre, j’ai le sentiment que vous avez renoncé à peser sur le monde en pleine évolution dans lequel nous vivons, car vous ne le regardez pas tel qu’il est. Et je pense à titre personnel que c’est un drame ! Au contraire ! Vous dressez un parallèle entre le présent projet de loi et les ordonnances Travail, sur lesquelles nous n’allons pas engager le débat ici, car il a déjà eu lieu et aura sans doute encore lieu dans un autre cadre. J’évoquerai toutefois le développement des accords d’entreprise. La CFDT et la CGT en ont signé respectivement 92 % et 84 %. Ce qui ne signifie rien ! Ils n’avaient pas le choix ! Avec les ordonnances Travail, nous ne mettons pas à mal le dialogue social, au contraire : nous créons les conditions d’un dialogue social performant au service des entreprises et des salariés ainsi que de la compétitivité et de la réussite de nos entreprises. Pour ma part, je suis persuadé que le dialogue social est nécessaire et indispensable à la réussite de notre économie. Les choix que nous avons faits sont profondément justes, car ils sont inspirés par la réalité de la vie économique contemporaine de la France. Il fallait les faire.
Votre discours me semble complètement en porte-à-faux. En fin de compte, vous demeurez dans une extériorité permanente, de sorte que vous ne pesez plus sur le cours des choses – vous y avez renoncé. Ce renoncement qui vous caractérise, ainsi que les vôtres, compte tenu de votre histoire et de votre engagement au service du pays – notamment de son industrie –, n’est pas bon pour celui-ci. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Sébastien Jumel. Je remercie M. le rapporteur du respect dont il vient de faire part et lui renvoie le compliment : c’est son approche libérale qui est rétrograde.
Rassurez-vous, monsieur le rapporteur : les combats des parlementaires communistes sont connectés et à l’économie réelle et à la situation de notre temps. Vous avez eu raison de le rappeler : la part de l’industrie dans le PIB est d’environ 11 %. C’est le fruit de renoncements successifs auxquels votre famille politique a participé depuis de trop nombreuses années : 750 000 emplois industriels supprimés sous Sarkozy, et la casse industrielle a été poursuivie depuis, car vous avez renoncé à l’idée d’un État stratège se dotant des moyens nécessaires pour veiller à la structuration de nos filières industrielles, à l’innovation, à la recherche et à la préservation de la souveraineté de nos fleurons industriels ! C’est vrai ! Non ! Tout cela, nous l’avons fait ! Au demeurant, nous avons eu l’occasion de dire comment l’affaire STX-Fincantieri, après l’affaire Alstom-Siemens, était l’illustration du renoncement productif que vous incarnez désormais.
Vous vous félicitez du fait que la CFDT et la CGT aient signé beaucoup d’accords d’entreprise depuis la promulgation des ordonnances Travail. Mais citez les chiffres constatés avant ! Peut-être venez-vous seulement d’en prendre conscience, mais il n’est pas nouveau que les organisations syndicales, lorsqu’elles pèsent dans l’entreprise, lorsqu’elles établissent un rapport de force et obtiennent un bon accord, le signent. La CGT en a signé dès lors que tout se passait bien dans l’entreprise bien avant votre mauvaise loi sur la casse du droit du travail !
Vous rêvez d’un monde sans syndicats et d’une société sans régulation ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) Pas ça ! Aujourd’hui, 6 % des Français sont syndiqués ! Ce ne sont pas les syndicats qui font la loi ! Vous rêvez de libérer et de déréguler l’économie, comme si la main invisible du marché allait faire son œuvre ! Ce faisant, vous participez du rêve de ceux qui veulent un pays sans usines. Je ne prétends pas que vous en rêvez personnellement, monsieur le rapporteur, mais que vous contribuez à renforcer l’économie virtuelle au détriment de l’économie réelle. Alors, je vous en prie, pas de leçons ! Et réciproquement ! Je suis élu d’un territoire où la part de l’industrie dans le PIB s’élève à 24 %. Avec les salariés et les élus de tous bords, nous avons mené des combats afin de faire face aux fonds d’investissement prédateurs et aux spécialistes du LBO – leverage buy out – qui voulaient siphonner nos fleurons industriels. Rien, dans le projet de loi PACTE, n’assure la souveraineté des capitaux investis dans les entreprises ; rien ne permet d’éviter que des fonds d’investissement étrangers ne siphonnent nos fleurons les uns après les autres ! Or les cent plus grosses entreprises françaises courent à tout moment le risque de subir ce sort. Rien dans le projet de loi ne permet de faire face à cette réalité !
Par conséquent, les leçons sur le thème « vous êtes le passé, nous sommes l’avenir », vous pouvez les garder ! Je suis ancré dans le présent et connecté aux réalités vécues par les salariés. Nous formulerons de nombreuses propositions visant à faire en sorte que le renouveau industriel made in France ne soit pas une utopie mais bien une réalité à l’heure où nous parlons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialistes et apparentés ainsi que sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. le ministre. J’apprécie que le débat commence à s’animer. C’est le signe que nous en venons aux vrais sujets, même si nous nous écartons un peu – un chouïa – du fond de l’article. Ce n’est pas grave, car nous nous approchons des grandes questions, dont je préfère qu’elles soient débattues à l’Assemblée nationale plutôt que sur les plateaux de télévision.
Je reconnais bien volontiers que des erreurs ont été commises, par le passé, en matière industrielle, à droite comme à gauche. Je me souviens des grands discours sur l’industrie sans usines, qui ont constitué, pendant des années, une sorte de mantra. C’était chic ; c’était original ; c’était suicidaire. Oui ! On a laissé croire aux Français que l’on pouvait se passer des usines, des ateliers de fabrication et au passage des ouvriers. Nous avons payé très cher cette utopie néfaste. En l’espèce, c’est plutôt la famille politique à laquelle j’ai appartenu qui porte là une part de responsabilité, je le reconnais bien volontiers. Toutefois, de l’autre côté, l’obsession de taxer le capital – mot qui est comme frappé d’un stigmate en France – a aussi été une profonde erreur, qui nous a amenés à oublier que l’industrie, comme l’agriculture, est consommatrice de capital. Eh oui ! Si elle ne dispose pas de capital et si celui-ci n’est pas suffisamment rémunéré, elle ne peut pas investir, se robotiser, se numériser, acheter des machines, s’agrandir et se moderniser. Ce n’est pas plutôt la financiarisation de l’économie qui empêche l’investissement ? Cette obsession de taxer tant et plus le capital a, elle aussi, été très néfaste pour notre industrie. Tel est en tout cas le diagnostic que je dresse.
Quoi qu’il en soit, il est une question que tous ici nous pouvons nous poser : la France peut-elle reconstruire son industrie ? Moi, je le crois. La transformation technologique en cours constitue à mon sens une chance historique, pour la France, de mener une reconquête industrielle.
Notre force principale, je le répète, c’est le génie français – l’inventivité, la créativité, l’imagination. Autant nous ne sommes pas faits pour les grandes séries, la production en masse, l’anonymat et la reproduction des mêmes machines, des mêmes outils et des mêmes produits, autant, pour l’industrie dans laquelle nous entrons – une industrie du sur-mesure, de la haute valeur ajoutée et de la précision –, la France a des atouts dont aucun autre État européen ne dispose. J’en suis profondément convaincu. L’industrie qui vient sera une industrie française si nous nous en donnons les moyens. Très bien ! Pour ce faire, il faut définir une stratégie. C’est là mon seul vrai point de divergence avec M. Jumel : nous avons une stratégie. Nous croyons à la nécessité d’un État stratège afin de guider la reconquête industrielle française au cours des vingt-cinq prochaines années.
Les mesures que nous prenons en matière de formation et de qualification s’inscrivent dans ce cadre. En effet, il faut commencer par reconquérir les esprits, afin que nos enfants aient envie de travailler dans l’industrie. À l’heure actuelle, ils refusent d’y mettre les pieds, car ils estiment que l’industrie, c’est fini. Non ! L’industrie, ce n’est pas fini, ça commence !
La stratégie que nous avons adoptée consiste à alléger la fiscalité pesant sur le capital. Nous en avons longuement débattu ensemble. Elle consiste également à mettre en avant le sur-mesure, ce qui permettra de rapatrier des emplois en France. Nous ne conserverons pas les grandes chaînes de production à l’identique, mais nous pouvons faire revenir en France une production sur-mesure, sur la base de commandes en 3D et de l’essor de la numérisation. La France est l’un des pays les mieux placés au monde pour rapatrier ses savoir-faire, ses technologies et ses emplois.
Enfin, j’évoquerai le siphonnage des technologies, qui constitue un autre point de divergence avec Sébastien Jumel. Plus loin dans le texte, nous examinerons des dispositions visant à renforcer le décret relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Exactement ! Évitons les querelles politiciennes complètement inutiles ! En 2005, Dominique de Villepin, alors Premier ministre, a indiqué que nous avions un problème en matière de protection de nos technologies et qu’il fallait adopter un patriotisme économique permettant de les protéger. Il se trouve que je travaillais avec lui à l’époque, j’en ai un souvenir assez précis.
Par la suite, Arnaud Montebourg, qui pourtant n’appartient pas vraiment à la même famille politique,... Je confirme ! ... a renforcé le décret réglementant les relations financières avec l’étranger et portant application de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, promulgué en 2005, par le décret relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Enfin, je m’apprête à vous proposer, mesdames, messieurs les députés, à l’initiative du Président de la République, un renforcement sans précédent de celui-ci.
Plutôt que nous chercher querelle inutilement, reconnaissons que, sur certains sujets – par exemple la protection des technologies et des savoir-faire industriels –, depuis 2005, soit à peu près treize ans, et ce quel que soit le pouvoir en place, nous avons pris conscience du défi et nous sommes dotés des moyens de faire face au risque de pillage technologique en France. Pour une fois que nous parvenons à conclure des accords sur certains sujets, en dépassant nos appartenances et nos convictions politiques, il faut s’en réjouir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) (Les amendements identiques nos 2251 et 2639 ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Graziella Melchior, pour soutenir l’amendement no 709. L’article 14 ne garantit pas le maintien automatique de la rémunération des dirigeants d’une société en redressement judiciaire, sans lequel ceux-ci pourront difficilement anticiper les problèmes auxquels ils auront à faire face dans le cadre de cette procédure. Or il faut permettre aux dirigeants d’anticiper, de diminuer le passif et de s’en sortir.
Cet amendement prévoit donc des modalités financières moins contraignantes pour le dirigeant, notamment le maintien automatique de sa rémunération, sauf, naturellement, si le juge-commissaire le décide, en cas d’abus de biens sociaux. Quel est l’avis de la commission ? Seules la situation de l’entreprise et son incapacité à verser le salaire du dirigeant avant le redressement judiciaire peuvent conduire à décider de diminuer cette rémunération. Si l’administrateur judiciaire constate que le maintien de ce salaire pourrait remettre en cause le redressement de l’entreprise, il devra saisir le juge commissaire, qui prendra une décision.
Le débat porte non seulement sur un éventuel abus de biens sociaux mais surtout sur les capacités réelles de l’entreprise à maintenir le salaire.
Je vous suggère donc, madame Melchior, de retirer votre amendement. À défaut, je demanderai à l’Assemblée de le rejeter. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Madame Melchior, souhaitez-vous maintenir votre amendement ? Mme Fontenel-Personne étant à l’initiative de cet amendement, je souhaiterais qu’il soit mis aux voix. (L’amendement no 709 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 793. Cet amendement répond aux arguments du rapporteur selon lesquels le principe de base reste le maintien de la rémunération, sauf décision contraire du juge commissaire, qui évalue avec discernement le rapport entre la situation de l’entreprise et la rémunération du dirigeant.
Il vise à préciser les conditions dans lesquelles le juge peut fixer la rémunération du dirigeant d’une entreprise en redressement judiciaire et à inscrire à l’article 14 que sa décision doit être motivée par le fait que la rémunération pourrait compromettre le redressement de l’entreprise. Quel est l’avis de la commission ? C’est justement l’esprit de la loi, et son texte même ! Cet amendement n’apportant pas de précision vraiment utile, j’émettrai un avis défavorable. (L’amendement no 793, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 14 est adopté.)
Je suis saisi de trois amendements, nos 2700, 2391 rectifié et 2392 rectifié, portant article additionnel après l’article 14 et pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 2700. Cet amendement vise à rendre obligatoire la désignation d’un administrateur judiciaire pour les procédures collectives dans lesquelles sont engagées les entreprises de moins de 20 salariés et dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à 3 millions d’euros.
À l’heure actuelle, ces structures ne peuvent pas bénéficier de l’expertise d’un administrateur judiciaire. Or ce sont précisément dans ces petites entreprises, qui ne disposent pas toujours des compétences adéquates, que le savoir-faire des administrateurs pourraient être le plus utile. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Cette disposition, qui contribuerait à renchérir les coûts pour l’entreprise, pourraient mettre en péril son redressement. Et elle crée encore un seuil ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. Veuillez m’excuser, mes chers collègues, il s’agissait d’une discussion commune.
Je suis saisi de l’amendement no 2391 rectifié. Souhaitez-vous le défendre avec l’amendement no 2392 rectifié, monsieur Vallaud ? Sur votre aimable suggestion, monsieur le président, j’en ferai en effet une présentation groupée.
On peut tenir pour une infamie ou une humiliation du chef d’entreprise le fait que sa rémunération soit fixée dans le cadre d’une procédure collective – c’était le sens de notre position sur l’article 14. En réalité, c’est cette procédure qu’il convient de démythifier. Les entrepreneurs ne doivent plus en avoir peur : dès lors qu’ils sont en difficulté, la sauvegarde ou le redressement les placent sous la protection de la justice.
Ces deux amendements visent à abaisser le seuil au-dessous duquel le tribunal n’est pas obligatoirement tenu de désigner un administrateur judiciaire dans le cadre d’une procédure collective, qu’il s’agisse de la sauvegarde, du redressement ou de la liquidation.
Le premier introduit deux conditions nécessaires – 10 salariés et 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires hors taxes. Pour le second, une seule de ces deux conditions peut être remplie, le « ou » remplaçant le « et ».
J’imagine, monsieur le rapporteur, que vous évoquerez à nouveau la question du coût. L’administrateur judiciaire se rémunère aussi sur son plan de redressement : il lui revient donc de déterminer un montant soutenable, sachant qu’il ne sera pas payé si l’entreprise ne survit pas.
Les administrateurs judiciaires, personnes de grande qualité avec lesquelles j’ai beaucoup travaillé, apportent un soutien extrêmement précieux aux entreprises. Leur généralisation constituerait sans aucun doute un moyen de sauver davantage d’entreprises. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, comme pour l’amendement précédent. C’est un peu court ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Nommer un administrateur judiciaire reste une possibilité pour ces entreprises, même si nous ne voulons pas introduire une obligation, car le coût d’une telle mesure pèserait sur les petites entreprises.
Je profite de cette intervention pour saluer les représentants des cadets de la République et de la police nationale, que je remercie de leur présence dans les tribunes. (Applaudissements sur tous les bancs.) (Les amendements nos 2700, 2391 rectifié et 2392 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 2701. Le crédit-bail est une solution de financement prévoyant la mise à disposition d’un bien par un crédit-bailleur à un crédit-preneur, pour une période déterminée, en contrepartie d’une redevance périodique.
Dans le contexte actuel, où l’accès au crédit est très restreint pour les petites et moyennes entreprises, celles-ci recourent fréquemment au crédit-bail. Or, en cas de procédure collective, ce mode de financement n’est pas considéré comme un crédit mais comme un contrat en cours, qu’il faut payer chaque mois. Il ne peut donc pas bénéficier de l’effet de gel qu’entraîne l’ouverture d’une procédure collective.
Cet amendement vise donc à intégrer le crédit-bail aux crédits bénéficiant de l’effet de gel lié à l’ouverture d’une procédure collective. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. La question est importante car le crédit-bail est un moyen de financement de l’investissement productif très largement utilisé par nos entreprises. Il se différencie du crédit ordinaire en ce que le bien acheté reste la propriété du crédit-bailleur, jusqu’au terme de son amortissement – cinq ou sept ans, le plus souvent.
Cet amendement conduirait à ce que les banquiers, qui sont souvent les crédit-bailleurs, restreignent les possibilités de crédit-bail pour les entreprises, ce qui, en augmentant les coûts, amenuiserait les possibilités d’investissement pour les entreprises.
Le crédit-bail reste un moyen de financement pour les entreprises – quelquefois par habitude, à côté d’autres outils, parfois plus intéressants. Je rappelle ainsi que si l’entreprise recourt au crédit-bail alors qu’elle bénéficie d’une aide publique, le montant prêté est directement octroyé au crédit-bailleur, qui l’amortit sur la durée prévue. L’effet sur la trésorerie de l’entreprise est donc nul. C’est pourquoi, selon les investissements à réaliser et son niveau de trésorerie, l’entreprise doit toujours bien réfléchir au meilleur choix de son mode de financement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ne prolongerai pas l’explication du rapporteur, dont je partage l’avis. Monsieur Ratenon, nous sommes opposés à votre amendement pour la seule raison qu’il renchérirait le coût du crédit-bail, donc du financement, pour les PME. Avis défavorable. (L’amendement no 2701 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 2713. Les tribunaux de commerce, juridictions qui traitent des litiges relatifs au code du commerce, notamment, ne disposent d’aucun juge professionnel, mais uniquement de représentants des entreprises, dits juges consulaires. Cette situation a été à l’origine de plusieurs scandales.
C’est pourquoi, en 2016, la réforme menée par l’ancienne garde des sceaux Christiane Taubira en avait renforcé la déontologie et avait créé un réel statut du juge consulaire. Elle n’avait cependant pas modifié la composition des tribunaux en introduisant un échevinage, mélanges de juges professionnels et non professionnels.
Cet amendement, qui vise à aller au bout de cette logique, s’inspire d’une proposition du rapport présenté en 2013 par Cécile Untermaier et Marcel Bonnot sur le rôle de la justice en matière commerciale. Il s’agit de mêler magistrats professionnels et juges consulaires dans des tribunaux, en première instance comme en appel.
Cela permettrait de confronter les points de vue du juriste et du commerçant, non seulement lors de l’audience mais aussi lors du délibéré. Cette mixité aurait l’immense avantage d’allier l’expertise économique et la sécurité juridique.
Rappelons que, ce faisant, nous ne ferions qu’étendre à toute la métropole les dispositions existant en Alsace-Moselle – un tribunal de grande instance disposant d’une chambre commerciale composée de juges professionnels et non professionnels – et en outre-mer, où l’on compte sept tribunaux mixtes de commerce. Sur l’amendement no 1669, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. (L’amendement no 2713, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l’amendement no 1669. Mes chers collègues, vous avez certainement suivi le devenir des salariés de GM&S : des familles broyées, éclatées par les licenciements. Aujourd’hui encore, ces salariés demandent des comptes, notamment aux grands donneurs d’ordre comme Peugeot ou Renault, dont les comportements peuvent être à l’origine des situations qu’ils subissent.
Cet amendement, issu des propositions des salariés de l’entreprise, que nous avons rencontrés à plusieurs reprises, vise à responsabiliser les donneurs d’ordre. Nous le savons, des entreprises échappent aujourd’hui à leur responsabilité économique, sociale et environnementale, en se défaussant sur les sous-traitants : dans les faits, l’employeur en dernier ressort est rarement inquiété, alors que les décisions qu’il prend peuvent être de nature à déstabiliser économiquement un bassin d’emploi entier, par des fermetures de sites et des licenciements massifs.
Cet amendement prévoit donc une implication conjointe et solidaire de la société donneuse d’ordre et des entreprises sous-traitantes dans le cadre de licenciements économiques.
Il n’introduit une exception qu’à une double condition : que le sous-traitant ait été intégré au comité de groupe et qu’un comité inter-groupe ait été créé d’un part, et d’autre part que le volume des commandes du donneur d’ordres n’ait pas été baissé au cours des deux derniers exercices. Dans cette hypothèse, les difficultés de l’entreprise sous-traitante n’étant pas regardées comme lui étant imputables, le donneur d’ordres est exonéré de sa responsabilité.
À rebours de la logique de déresponsabilisation des entreprises donneuses d’ordre, nous proposons de combler le vide juridique actuel.
J’ai cru comprendre que ce texte visait notamment à consolider la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Nous approuvons cet objectif mais nous pensons, que, pour être concret, il doit se traduire par des dispositions comme celle-ci. Quel est l’avis de la commission ? Je comprends la logique de votre amendement qui fait écho à notre discussion en début de matinée sur la création d’une mission d’information. Le sujet que vous évoquez est particulièrement important mais aussi, me semble t-il, plus complexe. Il mérite donc d’être approfondi.
Je vous propose de retirer l’amendement – il ne s’agit pas d’en diminuer la valeur – et de poursuivre la réflexion dans le cadre de cette mission, qui devrait être créée très rapidement.
Les difficultés que vous décrivez peuvent en effet avoir de multiples causes : une entreprise peut être dépendante d’un unique client, ne pas être suffisamment diversifiée, etc. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable car il ne me paraît pas souhaitable de créer, par la loi, une entité juridique rassemblant l’entreprise donneuse d’ordre et le sous-traitant. En revanche, je crois profondément à la responsabilité des entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants – je l’ai dit à propos des filières industrielles et je le répète.
Je profite de cet amendement pour dire un mot sur la situation de GM&S à La Souterraine. Lors de ma visite il y a quelques mois, j’avais pris deux engagements : le premier était d’offrir une solution à chacun des salariés, le second, de garantir un volume de commandes de la part de Renault et de Peugeot.
Parmi les 140 salariés suivis par la cellule de reclassement, 62 ont retrouvé un emploi, 55 sont en formation professionnelle, 3 sont engagés dans un projet de création d’entreprise, 3 ont pris leur retraite, et 3 salariés connaissent des difficultés sur lesquelles nous sommes en train de nous pencher.
En revanche, Renault et PSA avaient pris des engagements de commande à hauteur de 10 millions d’euros pour le premier et de 12 millions d’euros pour le second. Or, aujourd’hui, le compte n’y est pas. Une première réunion a été organisée par mon cabinet il y a quelques jours pour leur demander de tenir ces engagements. J’appellerai les dirigeants des deux entreprises dans les prochains jours pour leur enjoindre d’honorer les promesses qu’ils ont faites à l’État et aux salariés de GM&S. L’État est encore actionnaire de Renault et a également apporté son soutien à PSA lorsque le groupe rencontrait des difficultés. Les engagements sont faits pour être tenus – c’est toujours mieux. La parole est à M. Sébastien Jumel. Nous maintenons l’amendement – c’est un appel, non une posture. Nous serons disponibles pour travailler dans le cadre que vous avez indiqué, monsieur le rapporteur.
Je salue l’engagement du ministre s’agissant de GM&S. Toutefois, quelques précisions s’imposent : parmi les 157 personnes licenciées, seulement 31 ont retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée ; seulement 40 % des engagements de Renault et Peugeot ont été honorés alors que 6 millions d’euros d’aide ont été injectés par l’État dans ce dossier et que 10 millions ont été mobilisés au profit des constructeurs automobiles concernés. La parole donnée n’est pas tenue.
Je prends acte de votre volonté de réunir l’ensemble des acteurs prochainement, monsieur le ministre. Nous serons évidemment à vos côtés, vigilants, afin que les engagements soient respectés dans ce dossier qui a une valeur symbolique immense mais également une importance économique bien réelle pour les habitants concernés. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau. Je voterai cet amendement car, monsieur le ministre, ce n’est pas là un problème juridique mais éthique. Les grosses entreprises ont besoin des petites – comme un porte-avions a besoin de petits bateaux autour de lui ; elles ne peuvent pas fonctionner sans une flottille qui les accompagne. La moindre des choses, c’est qu’elles portent attention à leurs sous-traitants lorsqu’ils connaissent des difficultés et non pas qu’elles les laissent perdus au milieu de l’océan économique. Je mets aux voix l’amendement no 1669. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l’adoption 7
Contre 29 (L’amendement no 1669 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 2698. Il est défendu. (L’amendement no 2698, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 2700. Cet amendement vise à rendre obligatoire la désignation d’un administrateur judiciaire pour les procédures collectives dans lesquelles sont engagées les entreprises de moins de 20 salariés et dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à 3 millions d’euros.
À l’heure actuelle, ces structures ne peuvent pas bénéficier de l’expertise d’un administrateur judiciaire. Or ce sont précisément dans ces petites entreprises, qui ne disposent pas toujours des compétences adéquates, que le savoir-faire des administrateurs pourraient être le plus utile. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Cette disposition, qui contribuerait à renchérir les coûts pour l’entreprise, pourraient mettre en péril son redressement. Et elle crée encore un seuil ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. Veuillez m’excuser, mes chers collègues, il s’agissait d’une discussion commune.
Je suis saisi de l’amendement no 2391 rectifié. Souhaitez-vous le défendre avec l’amendement no 2392 rectifié, monsieur Vallaud ? Sur votre aimable suggestion, monsieur le président, j’en ferai en effet une présentation groupée.
On peut tenir pour une infamie ou une humiliation du chef d’entreprise le fait que sa rémunération soit fixée dans le cadre d’une procédure collective – c’était le sens de notre position sur l’article 14. En réalité, c’est cette procédure qu’il convient de démythifier. Les entrepreneurs ne doivent plus en avoir peur : dès lors qu’ils sont en difficulté, la sauvegarde ou le redressement les placent sous la protection de la justice.
Ces deux amendements visent à abaisser le seuil au-dessous duquel le tribunal n’est pas obligatoirement tenu de désigner un administrateur judiciaire dans le cadre d’une procédure collective, qu’il s’agisse de la sauvegarde, du redressement ou de la liquidation.
Le premier introduit deux conditions nécessaires – 10 salariés et 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires hors taxes. Pour le second, une seule de ces deux conditions peut être remplie, le « ou » remplaçant le « et ».
J’imagine, monsieur le rapporteur, que vous évoquerez à nouveau la question du coût. L’administrateur judiciaire se rémunère aussi sur son plan de redressement : il lui revient donc de déterminer un montant soutenable, sachant qu’il ne sera pas payé si l’entreprise ne survit pas.
Les administrateurs judiciaires, personnes de grande qualité avec lesquelles j’ai beaucoup travaillé, apportent un soutien extrêmement précieux aux entreprises. Leur généralisation constituerait sans aucun doute un moyen de sauver davantage d’entreprises. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, comme pour l’amendement précédent. C’est un peu court ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Nommer un administrateur judiciaire reste une possibilité pour ces entreprises, même si nous ne voulons pas introduire une obligation, car le coût d’une telle mesure pèserait sur les petites entreprises.
Je profite de cette intervention pour saluer les représentants des cadets de la République et de la police nationale, que je remercie de leur présence dans les tribunes. (Applaudissements sur tous les bancs.) (Les amendements nos 2700, 2391 rectifié et 2392 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 2701. Le crédit-bail est une solution de financement prévoyant la mise à disposition d’un bien par un crédit-bailleur à un crédit-preneur, pour une période déterminée, en contrepartie d’une redevance périodique.
Dans le contexte actuel, où l’accès au crédit est très restreint pour les petites et moyennes entreprises, celles-ci recourent fréquemment au crédit-bail. Or, en cas de procédure collective, ce mode de financement n’est pas considéré comme un crédit mais comme un contrat en cours, qu’il faut payer chaque mois. Il ne peut donc pas bénéficier de l’effet de gel qu’entraîne l’ouverture d’une procédure collective.
Cet amendement vise donc à intégrer le crédit-bail aux crédits bénéficiant de l’effet de gel lié à l’ouverture d’une procédure collective. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. La question est importante car le crédit-bail est un moyen de financement de l’investissement productif très largement utilisé par nos entreprises. Il se différencie du crédit ordinaire en ce que le bien acheté reste la propriété du crédit-bailleur, jusqu’au terme de son amortissement – cinq ou sept ans, le plus souvent.
Cet amendement conduirait à ce que les banquiers, qui sont souvent les crédit-bailleurs, restreignent les possibilités de crédit-bail pour les entreprises, ce qui, en augmentant les coûts, amenuiserait les possibilités d’investissement pour les entreprises.
Le crédit-bail reste un moyen de financement pour les entreprises – quelquefois par habitude, à côté d’autres outils, parfois plus intéressants. Je rappelle ainsi que si l’entreprise recourt au crédit-bail alors qu’elle bénéficie d’une aide publique, le montant prêté est directement octroyé au crédit-bailleur, qui l’amortit sur la durée prévue. L’effet sur la trésorerie de l’entreprise est donc nul. C’est pourquoi, selon les investissements à réaliser et son niveau de trésorerie, l’entreprise doit toujours bien réfléchir au meilleur choix de son mode de financement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ne prolongerai pas l’explication du rapporteur, dont je partage l’avis. Monsieur Ratenon, nous sommes opposés à votre amendement pour la seule raison qu’il renchérirait le coût du crédit-bail, donc du financement, pour les PME. Avis défavorable. (L’amendement no 2701 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 2713. Les tribunaux de commerce, juridictions qui traitent des litiges relatifs au code du commerce, notamment, ne disposent d’aucun juge professionnel, mais uniquement de représentants des entreprises, dits juges consulaires. Cette situation a été à l’origine de plusieurs scandales.
C’est pourquoi, en 2016, la réforme menée par l’ancienne garde des sceaux Christiane Taubira en avait renforcé la déontologie et avait créé un réel statut du juge consulaire. Elle n’avait cependant pas modifié la composition des tribunaux en introduisant un échevinage, mélanges de juges professionnels et non professionnels.
Cet amendement, qui vise à aller au bout de cette logique, s’inspire d’une proposition du rapport présenté en 2013 par Cécile Untermaier et Marcel Bonnot sur le rôle de la justice en matière commerciale. Il s’agit de mêler magistrats professionnels et juges consulaires dans des tribunaux, en première instance comme en appel.
Cela permettrait de confronter les points de vue du juriste et du commerçant, non seulement lors de l’audience mais aussi lors du délibéré. Cette mixité aurait l’immense avantage d’allier l’expertise économique et la sécurité juridique.
Rappelons que, ce faisant, nous ne ferions qu’étendre à toute la métropole les dispositions existant en Alsace-Moselle – un tribunal de grande instance disposant d’une chambre commerciale composée de juges professionnels et non professionnels – et en outre-mer, où l’on compte sept tribunaux mixtes de commerce. Sur l’amendement no 1669, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. (L’amendement no 2713, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l’amendement no 1669. Mes chers collègues, vous avez certainement suivi le devenir des salariés de GM&S : des familles broyées, éclatées par les licenciements. Aujourd’hui encore, ces salariés demandent des comptes, notamment aux grands donneurs d’ordre comme Peugeot ou Renault, dont les comportements peuvent être à l’origine des situations qu’ils subissent.
Cet amendement, issu des propositions des salariés de l’entreprise, que nous avons rencontrés à plusieurs reprises, vise à responsabiliser les donneurs d’ordre. Nous le savons, des entreprises échappent aujourd’hui à leur responsabilité économique, sociale et environnementale, en se défaussant sur les sous-traitants : dans les faits, l’employeur en dernier ressort est rarement inquiété, alors que les décisions qu’il prend peuvent être de nature à déstabiliser économiquement un bassin d’emploi entier, par des fermetures de sites et des licenciements massifs.
Cet amendement prévoit donc une implication conjointe et solidaire de la société donneuse d’ordre et des entreprises sous-traitantes dans le cadre de licenciements économiques.
Il n’introduit une exception qu’à une double condition : que le sous-traitant ait été intégré au comité de groupe et qu’un comité inter-groupe ait été créé d’un part, et d’autre part que le volume des commandes du donneur d’ordres n’ait pas été baissé au cours des deux derniers exercices. Dans cette hypothèse, les difficultés de l’entreprise sous-traitante n’étant pas regardées comme lui étant imputables, le donneur d’ordres est exonéré de sa responsabilité.
À rebours de la logique de déresponsabilisation des entreprises donneuses d’ordre, nous proposons de combler le vide juridique actuel.
J’ai cru comprendre que ce texte visait notamment à consolider la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Nous approuvons cet objectif mais nous pensons, que, pour être concret, il doit se traduire par des dispositions comme celle-ci. Quel est l’avis de la commission ? Je comprends la logique de votre amendement qui fait écho à notre discussion en début de matinée sur la création d’une mission d’information. Le sujet que vous évoquez est particulièrement important mais aussi, me semble t-il, plus complexe. Il mérite donc d’être approfondi.
Je vous propose de retirer l’amendement – il ne s’agit pas d’en diminuer la valeur – et de poursuivre la réflexion dans le cadre de cette mission, qui devrait être créée très rapidement.
Les difficultés que vous décrivez peuvent en effet avoir de multiples causes : une entreprise peut être dépendante d’un unique client, ne pas être suffisamment diversifiée, etc. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable car il ne me paraît pas souhaitable de créer, par la loi, une entité juridique rassemblant l’entreprise donneuse d’ordre et le sous-traitant. En revanche, je crois profondément à la responsabilité des entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants – je l’ai dit à propos des filières industrielles et je le répète.
Je profite de cet amendement pour dire un mot sur la situation de GM&S à La Souterraine. Lors de ma visite il y a quelques mois, j’avais pris deux engagements : le premier était d’offrir une solution à chacun des salariés, le second, de garantir un volume de commandes de la part de Renault et de Peugeot.
Parmi les 140 salariés suivis par la cellule de reclassement, 62 ont retrouvé un emploi, 55 sont en formation professionnelle, 3 sont engagés dans un projet de création d’entreprise, 3 ont pris leur retraite, et 3 salariés connaissent des difficultés sur lesquelles nous sommes en train de nous pencher.
En revanche, Renault et PSA avaient pris des engagements de commande à hauteur de 10 millions d’euros pour le premier et de 12 millions d’euros pour le second. Or, aujourd’hui, le compte n’y est pas. Une première réunion a été organisée par mon cabinet il y a quelques jours pour leur demander de tenir ces engagements. J’appellerai les dirigeants des deux entreprises dans les prochains jours pour leur enjoindre d’honorer les promesses qu’ils ont faites à l’État et aux salariés de GM&S. L’État est encore actionnaire de Renault et a également apporté son soutien à PSA lorsque le groupe rencontrait des difficultés. Les engagements sont faits pour être tenus – c’est toujours mieux. La parole est à M. Sébastien Jumel. Nous maintenons l’amendement – c’est un appel, non une posture. Nous serons disponibles pour travailler dans le cadre que vous avez indiqué, monsieur le rapporteur.
Je salue l’engagement du ministre s’agissant de GM&S. Toutefois, quelques précisions s’imposent : parmi les 157 personnes licenciées, seulement 31 ont retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée ; seulement 40 % des engagements de Renault et Peugeot ont été honorés alors que 6 millions d’euros d’aide ont été injectés par l’État dans ce dossier et que 10 millions ont été mobilisés au profit des constructeurs automobiles concernés. La parole donnée n’est pas tenue.
Je prends acte de votre volonté de réunir l’ensemble des acteurs prochainement, monsieur le ministre. Nous serons évidemment à vos côtés, vigilants, afin que les engagements soient respectés dans ce dossier qui a une valeur symbolique immense mais également une importance économique bien réelle pour les habitants concernés. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau. Je voterai cet amendement car, monsieur le ministre, ce n’est pas là un problème juridique mais éthique. Les grosses entreprises ont besoin des petites – comme un porte-avions a besoin de petits bateaux autour de lui ; elles ne peuvent pas fonctionner sans une flottille qui les accompagne. La moindre des choses, c’est qu’elles portent attention à leurs sous-traitants lorsqu’ils connaissent des difficultés et non pas qu’elles les laissent perdus au milieu de l’océan économique. Je mets aux voix l’amendement no 1669. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l’adoption 7
Contre 29 (L’amendement no 1669 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 2698. Il est défendu. (L’amendement no 2698, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Lauzzana.
L’article 15 illustre parfaitement l’esprit du projet de loi PACTE. Il vise à faciliter le rebond des entreprises et des entrepreneurs en accélérant deux procédures et en les simplifiant.
La première – le rétablissement professionnel – est malheureusement méconnue et, par conséquent, peu utilisée. L’article prévoit que le tribunal devra systématiquement examiner les conditions d’un possible rétablissement professionnel lorsqu’il est saisi d’une demande de liquidation judiciaire.
La seconde procédure concernée est la liquidation judiciaire simplifiée, plus rapide et plus simple. L’article propose de substituer aux deux variantes qu’elle comporte une procédure unique, réservée aux entreprises n’ayant pas plus de cinq salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 750 000 euros. Je suis saisi de trois amendements, nos 1450, 1458 et 1454, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Jean Terlier, pour les soutenir. Ces amendements ont été déposés par notre collègue de l’Aveyron Stéphane Mazars – son inspiration aveyronnaise est indéniable puisqu’il est le fruit de la consultation des tribunaux de commerce de Millau et de Rodez.
Cette proposition importante répond à l’objectif assigné à cet article de faciliter le rebond des entreprises qui – nous l’avons tous dit – sont marquées au fer rouge dès lors qu’elles sont en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Les entrepreneurs sont ainsi stigmatisés au moment où ils ont le plus besoin d’être aidés.
Les articles 45 et 51 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics interdisent aux entreprises soumises à une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire de soumissionner des marchés publics. C’est une vraie difficulté. La suppression de ces dispositions que propose l’amendement contribuerait à faciliter leur redressement.
Je prends l’exemple d’une commune tarnaise, qui souhaite lancer un appel d’offres pour sa cantine scolaire : la boulangerie locale, qui connaît quelques difficultés, et donc en redressement judiciaire, n’est pas en mesure d’y répondre.
En supprimant les dispositions en cause, on offre aux collectivités locales la possibilité de choisir des entreprises locales en difficulté pour leurs marchés publics, permettant ainsi de redonner à ces dernières de l’énergie et du souffle. Ce serait un bienfait que de revenir sur l’interdiction actuelle et de laisser les collectivités apprécier la situation. Quel est l’avis de la commission ? Il s’agit en effet d’une proposition importante. Je sais que nous avons toutes et tous ici envie de vous donner satisfaction. Mais cela supposerait que toutes les entreprises visées par une procédure de sauvegarde ou de redressement réussissent à sortir des difficultés. Or la vie n’est pas ainsi faite, et certaines de ces entreprises connaissent des difficultés structurelles dont l’issue peut être fatale. Sachant que les marchés publics s’exécutent souvent sur de très longues périodes, nous risquerions de compromettre la bonne exécution de ces marchés, voire de mettre la collectivité en grande difficulté – je pense à la construction de routes ou d’un pont. Il faut laisser le maire décider ! Dans l’exemple que vous avez choisi de la restauration scolaire, imaginez que l’entreprise qui nourrit 200 enfants s’arrête !
Des progrès restent à accomplir dans le domaine des procédures collectives. La première chose à faire est d’éviter aux entreprises d’avoir à recourir à ces procédures. Il faut pouvoir reconnaître suffisamment tôt les signaux faibles qui révèlent les difficultés d’une entreprise afin de construire des solutions financières qui leur permettent de ne pas rentrer dans une procédure. C’est le sens de plusieurs amendements que Mme la présidente de la commission spéciale et moi-même proposerons par la suite. Je vous suggère donc le retrait des amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je suggère également le retrait. L’idée est très intéressante mais je souhaite apporter deux précisions, dans la continuité des propos du rapporteur.
D’abord, lorsqu’un plan de redressement est validé par le tribunal de commerce, l’entreprise concernée peut soumissionner un marché public. Il existe donc une première option – je ne dis pas qu’elle est satisfaisante – qui garantit la fiabilité et la solidité de l’entreprise.
Ensuite, le principe de continuité des services publics ne doit souffrir aucune exception, sinon le concept même de service public est remis en cause. L’exemple de la restauration scolaire est très parlant. Je veux bien qu’on donne une chance à une entreprise qui fournit des pommes, mais, si elle est en redressement judiciaire et ne peut pas approvisionner la cantine, la continuité du service public n’est pas assurée et ce sont les enfants qui sont pénalisés – ce n’est même pas envisageable.
Je suis prêt à continuer à travailler sur ce sujet mais il faut trouver des solutions qui garantissent le respect de la continuité du service public. La parole est à M. Boris Vallaud. D’après le rapporteur, il faut à tout prix éviter d’entrer en procédure collective. Je ne suis pas certain que cette approche soit la bonne. Souvent, la procédure collective est pour les entreprises une façon de se redresser. Le problème auquel nous sommes confrontés en France tient à ce que les entreprises y entrent beaucoup trop tard. Le discours que vous tenez consistant à dramatiser la procédure collective ne me paraît donc pas approprié. Nous faisons tout l’inverse, monsieur Vallaud, quelle mauvaise foi ! Ce sujet mérite un propos plus équilibré.
Nous avons déposé un amendement – j’ignore quand il sera examiné – qui va dans le même sens et qui est assorti de garanties pour assurer notamment la continuité du service public. À ce stade, le groupe socialiste soutiendra l’amendement, s’il est maintenu. La parole est à Mme Véronique Louwagie. Le débat sur les difficultés des entreprises est très important. En l’espèce, ces amendements s’attaquent à une difficulté supplémentaire : l’impossibilité pour les entreprises de soumissionner un marché public lorsqu’elles sont soumises à une procédure visant à prévenir leurs difficultés. Si l’on veut aider de telles entreprises à se sortir d’une phase difficile, à passer un cap crucial, il est dommageable, selon moi, de les priver de la possibilité de soumissionner un marché public.
Vous objectez, monsieur le rapporteur, que l’on ne connaît pas l’issue de la procédure : peut-être l’entreprise réussira-t-elle à traverser ce moment difficile et à retrouver une situation plus normale, mais peut-être que non. Mais cela vaut pour toutes les entreprises : même lorsqu’une entreprise n’est pas soumise à une procédure visant à prévenir ses difficultés, vous ne pouvez pas savoir si elle ne va pas demain connaître des embarras. Donc, de mon point de vue, votre argument ne tient pas.
Par ailleurs, si la continuité du service public est effectivement un élément important, je crois qu’il faut aussi faire confiance aux donneurs d’ordre, notamment aux élus, qui savent faire preuve de discernement et sont en mesure d’apprécier les situations – vous avez donné l’exemple d’une boulangerie attributaire d’un marché pour fournir une cantine. C’est en partant du terrain local, en faisant confiance aux élus, en leur laissant la liberté de choix et de décision, que l’on pourra aider ces entreprises à rebondir.
Nous sommes tout de même confrontés à un gros problème : le taux d’échec des entreprises en procédure de redressement judiciaire. Bien souvent, elles n’arrivent pas à se sortir de cette procédure et se retrouvent, au bout de deux ou trois ans, en liquidation. Cela doit nous alerter et nous amener à nous interroger sur ce qui les empêche aujourd’hui de rebondir. Très juste ! La parole est à M. le rapporteur. Je ne pense pas qu’il faille passer la matinée sur ce sujet.
Je suis évidemment d’accord avec vous, monsieur Vallaud : il peut être très bénéfique pour une entreprise d’engager une procédure, car cela peut s’avérer très protecteur pour elle. Si j’ai dit qu’il fallait être capable d’identifier très rapidement les signaux faibles, c’est précisément pour que l’on puisse construire des solutions avant même que la situation ne se dégrade. C’est là que le commissaire aux comptes peut être utile ! Madame Louwagie, un certain nombre de possibilités sont déjà ouvertes, M. le ministre les a rappelées. Allons plus loin ! Faisons un pacte ! (Sourires.) Je suis entièrement d’accord pour que l’on travaille sur le sujet, que l’on essaie d’élargir ces possibilités et de rendre les choses plus aisées. Cependant, je ne pense pas que nous disposions aujourd’hui des solutions pour le faire. Et je veux vous mettre en garde sur un point : si l’on votait ces amendements, on mettrait les élus sous pression permanente. Exactement ! Les maires, les présidents de communauté d’agglomération, les présidents de conseil départemental ou régional seraient assaillis de demandes. Le principal motif d’octroi d’un marché public deviendrait le soutien à une entreprise en difficulté. Je vous le dis, car j’ai été maire pendant seize ans. J’ai été maire aussi – pas pendant seize ans, certes... Nous avons donc une expérience commune. Nous savons que, si nous n’encadrons pas le dispositif, nous mettrons les élus en difficulté eux aussi. Il convient donc d’approfondir le sujet en faisant preuve de l’ouverture nécessaire. Exactement ! Les élus supporteront les difficultés ! La parole est à M. Jean Terlier. À la lumière des explications données par M. le ministre et M. le rapporteur, je retire les amendements. C’est dommage ! Il faut les retravailler pour la deuxième lecture ! Il s’agissait, vous l’avez bien compris, d’amendements d’appel. Il serait effectivement un peu dangereux aujourd’hui – cela a été rappelé très justement par M. le rapporteur – de supprimer de manière sèche les dispositions en cause de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et de donner ainsi la possibilité à toutes les entreprises de soumissionner. Nous devons trouver des solutions intermédiaires. Peut-être pouvons-nous explorer la piste que vous avez indiquée très justement, madame Louwagie : redonner le libre choix aux maires et autres présidents d’exécutif local, les laisser décider de prendre ou non ce risque, tout en entourant cela de garde-fous. On peut créer un seuil ! (Sourires.) Reste tout de même un impératif : la continuité du service public. Il paraît donc un peu cavalier, je le répète, de supprimer sèchement les dispositions en question à ce stade des discussions. Il faut en parler avec les sénateurs ! Nous reprenons les amendements ! Lequel ou lesquels ? Les trois ! Puis-je dire un mot ? La règle est de passer directement au vote lorsqu’un amendement est repris. Néanmoins, comme la procédure du temps législatif programmé nous offre une grande liberté, je vous donne la parole pour une brève intervention, monsieur Vallaud. Je comprends chacun des arguments. Il s’agissait d’amendements d’appel, je propose un vote d’appel, ce qui n’épuisera évidemment pas le débat. Pas mal, l’idée du vote d’appel ! (Les amendements nos 1450, 1458 et 1454, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Michel Lauzzana, pour soutenir l’amendement no 2146. Mon collègue Philippe Chassaing est le premier signataire de cet amendement. Lorsque l’on détermine la dette des micro-entrepreneurs, nous savons qu’il est difficile, compte tenu de leur statut, de faire la différence entre la dette de l’entreprise et leur dette personnelle. Or, en cas de requalification de la dette en dette personnelle, certains juges ne leur permettent pas d’avoir accès à une procédure collective. Cela concerne plus de 3 200 dossiers par an. Dès lors, il est plus difficile pour ces micro-entrepreneurs de rebondir. Quel est l’avis de la commission ? Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Cela dit, vous avez soulevé un vrai sujet de débat : d’après mes informations, il y aurait environ 3 500 cas de cette nature par an en France, ce qui n’est pas rien. Toutefois, je ne suis pas sûr que la réponse que vous proposez soit parfaitement adaptée. Cela demande un travail d’évaluation, afin de mieux définir la réponse. Je m’engage à ce que l’on travaille sur le sujet. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Michel Lauzzana. Je retire l’amendement. (L’amendement no 2146 est retiré.) (L’article 15 est adopté.)
La première – le rétablissement professionnel – est malheureusement méconnue et, par conséquent, peu utilisée. L’article prévoit que le tribunal devra systématiquement examiner les conditions d’un possible rétablissement professionnel lorsqu’il est saisi d’une demande de liquidation judiciaire.
La seconde procédure concernée est la liquidation judiciaire simplifiée, plus rapide et plus simple. L’article propose de substituer aux deux variantes qu’elle comporte une procédure unique, réservée aux entreprises n’ayant pas plus de cinq salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 750 000 euros. Je suis saisi de trois amendements, nos 1450, 1458 et 1454, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Jean Terlier, pour les soutenir. Ces amendements ont été déposés par notre collègue de l’Aveyron Stéphane Mazars – son inspiration aveyronnaise est indéniable puisqu’il est le fruit de la consultation des tribunaux de commerce de Millau et de Rodez.
Cette proposition importante répond à l’objectif assigné à cet article de faciliter le rebond des entreprises qui – nous l’avons tous dit – sont marquées au fer rouge dès lors qu’elles sont en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Les entrepreneurs sont ainsi stigmatisés au moment où ils ont le plus besoin d’être aidés.
Les articles 45 et 51 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics interdisent aux entreprises soumises à une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire de soumissionner des marchés publics. C’est une vraie difficulté. La suppression de ces dispositions que propose l’amendement contribuerait à faciliter leur redressement.
Je prends l’exemple d’une commune tarnaise, qui souhaite lancer un appel d’offres pour sa cantine scolaire : la boulangerie locale, qui connaît quelques difficultés, et donc en redressement judiciaire, n’est pas en mesure d’y répondre.
En supprimant les dispositions en cause, on offre aux collectivités locales la possibilité de choisir des entreprises locales en difficulté pour leurs marchés publics, permettant ainsi de redonner à ces dernières de l’énergie et du souffle. Ce serait un bienfait que de revenir sur l’interdiction actuelle et de laisser les collectivités apprécier la situation. Quel est l’avis de la commission ? Il s’agit en effet d’une proposition importante. Je sais que nous avons toutes et tous ici envie de vous donner satisfaction. Mais cela supposerait que toutes les entreprises visées par une procédure de sauvegarde ou de redressement réussissent à sortir des difficultés. Or la vie n’est pas ainsi faite, et certaines de ces entreprises connaissent des difficultés structurelles dont l’issue peut être fatale. Sachant que les marchés publics s’exécutent souvent sur de très longues périodes, nous risquerions de compromettre la bonne exécution de ces marchés, voire de mettre la collectivité en grande difficulté – je pense à la construction de routes ou d’un pont. Il faut laisser le maire décider ! Dans l’exemple que vous avez choisi de la restauration scolaire, imaginez que l’entreprise qui nourrit 200 enfants s’arrête !
Des progrès restent à accomplir dans le domaine des procédures collectives. La première chose à faire est d’éviter aux entreprises d’avoir à recourir à ces procédures. Il faut pouvoir reconnaître suffisamment tôt les signaux faibles qui révèlent les difficultés d’une entreprise afin de construire des solutions financières qui leur permettent de ne pas rentrer dans une procédure. C’est le sens de plusieurs amendements que Mme la présidente de la commission spéciale et moi-même proposerons par la suite. Je vous suggère donc le retrait des amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je suggère également le retrait. L’idée est très intéressante mais je souhaite apporter deux précisions, dans la continuité des propos du rapporteur.
D’abord, lorsqu’un plan de redressement est validé par le tribunal de commerce, l’entreprise concernée peut soumissionner un marché public. Il existe donc une première option – je ne dis pas qu’elle est satisfaisante – qui garantit la fiabilité et la solidité de l’entreprise.
Ensuite, le principe de continuité des services publics ne doit souffrir aucune exception, sinon le concept même de service public est remis en cause. L’exemple de la restauration scolaire est très parlant. Je veux bien qu’on donne une chance à une entreprise qui fournit des pommes, mais, si elle est en redressement judiciaire et ne peut pas approvisionner la cantine, la continuité du service public n’est pas assurée et ce sont les enfants qui sont pénalisés – ce n’est même pas envisageable.
Je suis prêt à continuer à travailler sur ce sujet mais il faut trouver des solutions qui garantissent le respect de la continuité du service public. La parole est à M. Boris Vallaud. D’après le rapporteur, il faut à tout prix éviter d’entrer en procédure collective. Je ne suis pas certain que cette approche soit la bonne. Souvent, la procédure collective est pour les entreprises une façon de se redresser. Le problème auquel nous sommes confrontés en France tient à ce que les entreprises y entrent beaucoup trop tard. Le discours que vous tenez consistant à dramatiser la procédure collective ne me paraît donc pas approprié. Nous faisons tout l’inverse, monsieur Vallaud, quelle mauvaise foi ! Ce sujet mérite un propos plus équilibré.
Nous avons déposé un amendement – j’ignore quand il sera examiné – qui va dans le même sens et qui est assorti de garanties pour assurer notamment la continuité du service public. À ce stade, le groupe socialiste soutiendra l’amendement, s’il est maintenu. La parole est à Mme Véronique Louwagie. Le débat sur les difficultés des entreprises est très important. En l’espèce, ces amendements s’attaquent à une difficulté supplémentaire : l’impossibilité pour les entreprises de soumissionner un marché public lorsqu’elles sont soumises à une procédure visant à prévenir leurs difficultés. Si l’on veut aider de telles entreprises à se sortir d’une phase difficile, à passer un cap crucial, il est dommageable, selon moi, de les priver de la possibilité de soumissionner un marché public.
Vous objectez, monsieur le rapporteur, que l’on ne connaît pas l’issue de la procédure : peut-être l’entreprise réussira-t-elle à traverser ce moment difficile et à retrouver une situation plus normale, mais peut-être que non. Mais cela vaut pour toutes les entreprises : même lorsqu’une entreprise n’est pas soumise à une procédure visant à prévenir ses difficultés, vous ne pouvez pas savoir si elle ne va pas demain connaître des embarras. Donc, de mon point de vue, votre argument ne tient pas.
Par ailleurs, si la continuité du service public est effectivement un élément important, je crois qu’il faut aussi faire confiance aux donneurs d’ordre, notamment aux élus, qui savent faire preuve de discernement et sont en mesure d’apprécier les situations – vous avez donné l’exemple d’une boulangerie attributaire d’un marché pour fournir une cantine. C’est en partant du terrain local, en faisant confiance aux élus, en leur laissant la liberté de choix et de décision, que l’on pourra aider ces entreprises à rebondir.
Nous sommes tout de même confrontés à un gros problème : le taux d’échec des entreprises en procédure de redressement judiciaire. Bien souvent, elles n’arrivent pas à se sortir de cette procédure et se retrouvent, au bout de deux ou trois ans, en liquidation. Cela doit nous alerter et nous amener à nous interroger sur ce qui les empêche aujourd’hui de rebondir. Très juste ! La parole est à M. le rapporteur. Je ne pense pas qu’il faille passer la matinée sur ce sujet.
Je suis évidemment d’accord avec vous, monsieur Vallaud : il peut être très bénéfique pour une entreprise d’engager une procédure, car cela peut s’avérer très protecteur pour elle. Si j’ai dit qu’il fallait être capable d’identifier très rapidement les signaux faibles, c’est précisément pour que l’on puisse construire des solutions avant même que la situation ne se dégrade. C’est là que le commissaire aux comptes peut être utile ! Madame Louwagie, un certain nombre de possibilités sont déjà ouvertes, M. le ministre les a rappelées. Allons plus loin ! Faisons un pacte ! (Sourires.) Je suis entièrement d’accord pour que l’on travaille sur le sujet, que l’on essaie d’élargir ces possibilités et de rendre les choses plus aisées. Cependant, je ne pense pas que nous disposions aujourd’hui des solutions pour le faire. Et je veux vous mettre en garde sur un point : si l’on votait ces amendements, on mettrait les élus sous pression permanente. Exactement ! Les maires, les présidents de communauté d’agglomération, les présidents de conseil départemental ou régional seraient assaillis de demandes. Le principal motif d’octroi d’un marché public deviendrait le soutien à une entreprise en difficulté. Je vous le dis, car j’ai été maire pendant seize ans. J’ai été maire aussi – pas pendant seize ans, certes... Nous avons donc une expérience commune. Nous savons que, si nous n’encadrons pas le dispositif, nous mettrons les élus en difficulté eux aussi. Il convient donc d’approfondir le sujet en faisant preuve de l’ouverture nécessaire. Exactement ! Les élus supporteront les difficultés ! La parole est à M. Jean Terlier. À la lumière des explications données par M. le ministre et M. le rapporteur, je retire les amendements. C’est dommage ! Il faut les retravailler pour la deuxième lecture ! Il s’agissait, vous l’avez bien compris, d’amendements d’appel. Il serait effectivement un peu dangereux aujourd’hui – cela a été rappelé très justement par M. le rapporteur – de supprimer de manière sèche les dispositions en cause de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et de donner ainsi la possibilité à toutes les entreprises de soumissionner. Nous devons trouver des solutions intermédiaires. Peut-être pouvons-nous explorer la piste que vous avez indiquée très justement, madame Louwagie : redonner le libre choix aux maires et autres présidents d’exécutif local, les laisser décider de prendre ou non ce risque, tout en entourant cela de garde-fous. On peut créer un seuil ! (Sourires.) Reste tout de même un impératif : la continuité du service public. Il paraît donc un peu cavalier, je le répète, de supprimer sèchement les dispositions en question à ce stade des discussions. Il faut en parler avec les sénateurs ! Nous reprenons les amendements ! Lequel ou lesquels ? Les trois ! Puis-je dire un mot ? La règle est de passer directement au vote lorsqu’un amendement est repris. Néanmoins, comme la procédure du temps législatif programmé nous offre une grande liberté, je vous donne la parole pour une brève intervention, monsieur Vallaud. Je comprends chacun des arguments. Il s’agissait d’amendements d’appel, je propose un vote d’appel, ce qui n’épuisera évidemment pas le débat. Pas mal, l’idée du vote d’appel ! (Les amendements nos 1450, 1458 et 1454, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Michel Lauzzana, pour soutenir l’amendement no 2146. Mon collègue Philippe Chassaing est le premier signataire de cet amendement. Lorsque l’on détermine la dette des micro-entrepreneurs, nous savons qu’il est difficile, compte tenu de leur statut, de faire la différence entre la dette de l’entreprise et leur dette personnelle. Or, en cas de requalification de la dette en dette personnelle, certains juges ne leur permettent pas d’avoir accès à une procédure collective. Cela concerne plus de 3 200 dossiers par an. Dès lors, il est plus difficile pour ces micro-entrepreneurs de rebondir. Quel est l’avis de la commission ? Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Cela dit, vous avez soulevé un vrai sujet de débat : d’après mes informations, il y aurait environ 3 500 cas de cette nature par an en France, ce qui n’est pas rien. Toutefois, je ne suis pas sûr que la réponse que vous proposez soit parfaitement adaptée. Cela demande un travail d’évaluation, afin de mieux définir la réponse. Je m’engage à ce que l’on travaille sur le sujet. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Michel Lauzzana. Je retire l’amendement. (L’amendement no 2146 est retiré.) (L’article 15 est adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 15.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, pour soutenir l’amendement no 2360. Il vise à instaurer un système de garantie afin de protéger les acquéreurs individuels et les petites et moyennes entreprises contre l’insolvabilité et la communication de fausses informations en cas de reprise ou de cession d’un fonds de commerce. Quel est l’avis de la commission ? Le processus serait trop lourd et soulèverait un certain nombre de problèmes, notamment celui de la mutualisation de ce genre de risques. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. (L’amendement no 2360, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 2640. Il est défendu. (L’amendement no 2640, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La séance est suspendue. (La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures vingt.) La séance est reprise.
La parole est à Mme Graziella Melchior, pour soutenir l’amendement no 711. Dès l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, un inventaire du patrimoine du débiteur doit être dressé. Cet amendement de Mme Fontenel-Personne tend à ce que le débiteur réalise lui-même cet inventaire, qui devra dater de moins de trois mois après la date d’ouverture de la procédure et être certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable. Cette mesure induirait en outre des économies dans la procédure. Quel est l’avis de la commission ? Je demande le retrait de cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable. Cette idée risque en effet de provoquer des conflits d’intérêts. Ce n’est pas au débiteur de faire cet inventaire, car il risquerait d’être juge et partie. Il convient de laisser cette tâche aux créanciers ou à un officier public. (L’amendement no 711, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 2494 rectifié et 1269, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l’amendement no 2494 rectifié. Cet amendement s’inscrit dans la série de ceux que nous avons déjà proposés et proposerons encore en vue de faciliter la vie des PME, qui peuvent, du fait des procédures collectives qui les concernent ou qui concernent leurs clients, se trouver dans des situations difficiles.
Les PME sont souvent les premières victimes économiques du placement d’un de leurs clients en procédure collective. En cas de défaillance, les difficultés qu’elles peuvent éprouver pour recouvrer leurs créances fragilisent leur bilan et peuvent gravement dégrader leur trésorerie.
Pour y remédier, l’amendement vise à positionner les petites et moyennes entreprises à un rang élevé parmi les créanciers privilégiés définis par le code de commerce lors des procédures de liquidation judiciaire ou dans le cadre des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1269. Cet amendement tend aussi à revoir l’ordre de préséance des créances et à permettre qu’à la demande du créancier, le magistrat puisse revenir sur cet ordre de passage des créances. Quel est l’avis de la commission ? C’est peut-être une fausse bonne idée. C’est évidemment une bonne idée, sur le principe, que d’essayer d’appuyer les PME, qui sont souvent les premières victimes des procédures. Le risque est que, si on fait passer les établissements de crédit après elles, ils renchériront par avance le coût du crédit. Il y a donc là un vrai risque de non-accès au crédit, ou du moins de renchérissement du crédit, car les établissements bancaires intégreront le risque lié à l’ordre des créances dans l’évaluation a priori des crédits. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Boris Vallaud. L’argumentation est un peu léonine, et un peu courte. En effet, l’un des créanciers privilégiés est l’État, et les banques doivent d’une manière ou d’une autre intégrer dans leurs prix la hiérarchie des créanciers. Il me semble donc que l’argument ne tient pas. Il est en revanche certain que les entreprises mises en difficulté auront des problèmes avec leurs banquiers. La parole est à Mme Laure de La Raudière. C’est une question qui est évoquée ici depuis bien plus longtemps que ne suis moi-même députée. Le fait est que la procédure manque de souplesse et de jugement. Il peut souvent y avoir des faillites en cascade. Je ne sais pas comment traiter la question d’un point de vue juridique, car je souscris, monsieur le rapporteur, à votre analyse selon laquelle les banques tiendront compte de ce risque dans leur évaluation. Toutefois, le risque potentiel que l’entreprise fasse faillite et que peut-être l’établissement de crédit ne soit pas à un rang privilégié est peut-être beaucoup plus faible que celui d’une cascade de faillites des entreprises concernées.
On nous répond toujours la même chose, mais ce que nous proposons ici, c’est juste, dans quelques cas précis, à détailler, que le magistrat puisse intervertir l’ordre des privilèges. Cette question n’a jamais été traitée jusqu’au bout, à cause sans doute du rang privilégié de l’État créancier. Mais l’État n’est pas le seul créancier, il y a aussi les établissements de crédit et il est dommage que nous n’allions pas plus loin dans cette réflexion. (Les amendements nos 2494 rectifié et 1269, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Jean Terlier, pour soutenir l’amendement no 1468.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, pour soutenir l’amendement no 2360. Il vise à instaurer un système de garantie afin de protéger les acquéreurs individuels et les petites et moyennes entreprises contre l’insolvabilité et la communication de fausses informations en cas de reprise ou de cession d’un fonds de commerce. Quel est l’avis de la commission ? Le processus serait trop lourd et soulèverait un certain nombre de problèmes, notamment celui de la mutualisation de ce genre de risques. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. (L’amendement no 2360, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 2640. Il est défendu. (L’amendement no 2640, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La séance est suspendue. (La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures vingt.) La séance est reprise.
La parole est à Mme Graziella Melchior, pour soutenir l’amendement no 711. Dès l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, un inventaire du patrimoine du débiteur doit être dressé. Cet amendement de Mme Fontenel-Personne tend à ce que le débiteur réalise lui-même cet inventaire, qui devra dater de moins de trois mois après la date d’ouverture de la procédure et être certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable. Cette mesure induirait en outre des économies dans la procédure. Quel est l’avis de la commission ? Je demande le retrait de cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable. Cette idée risque en effet de provoquer des conflits d’intérêts. Ce n’est pas au débiteur de faire cet inventaire, car il risquerait d’être juge et partie. Il convient de laisser cette tâche aux créanciers ou à un officier public. (L’amendement no 711, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 2494 rectifié et 1269, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l’amendement no 2494 rectifié. Cet amendement s’inscrit dans la série de ceux que nous avons déjà proposés et proposerons encore en vue de faciliter la vie des PME, qui peuvent, du fait des procédures collectives qui les concernent ou qui concernent leurs clients, se trouver dans des situations difficiles.
Les PME sont souvent les premières victimes économiques du placement d’un de leurs clients en procédure collective. En cas de défaillance, les difficultés qu’elles peuvent éprouver pour recouvrer leurs créances fragilisent leur bilan et peuvent gravement dégrader leur trésorerie.
Pour y remédier, l’amendement vise à positionner les petites et moyennes entreprises à un rang élevé parmi les créanciers privilégiés définis par le code de commerce lors des procédures de liquidation judiciaire ou dans le cadre des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1269. Cet amendement tend aussi à revoir l’ordre de préséance des créances et à permettre qu’à la demande du créancier, le magistrat puisse revenir sur cet ordre de passage des créances. Quel est l’avis de la commission ? C’est peut-être une fausse bonne idée. C’est évidemment une bonne idée, sur le principe, que d’essayer d’appuyer les PME, qui sont souvent les premières victimes des procédures. Le risque est que, si on fait passer les établissements de crédit après elles, ils renchériront par avance le coût du crédit. Il y a donc là un vrai risque de non-accès au crédit, ou du moins de renchérissement du crédit, car les établissements bancaires intégreront le risque lié à l’ordre des créances dans l’évaluation a priori des crédits. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Boris Vallaud. L’argumentation est un peu léonine, et un peu courte. En effet, l’un des créanciers privilégiés est l’État, et les banques doivent d’une manière ou d’une autre intégrer dans leurs prix la hiérarchie des créanciers. Il me semble donc que l’argument ne tient pas. Il est en revanche certain que les entreprises mises en difficulté auront des problèmes avec leurs banquiers. La parole est à Mme Laure de La Raudière. C’est une question qui est évoquée ici depuis bien plus longtemps que ne suis moi-même députée. Le fait est que la procédure manque de souplesse et de jugement. Il peut souvent y avoir des faillites en cascade. Je ne sais pas comment traiter la question d’un point de vue juridique, car je souscris, monsieur le rapporteur, à votre analyse selon laquelle les banques tiendront compte de ce risque dans leur évaluation. Toutefois, le risque potentiel que l’entreprise fasse faillite et que peut-être l’établissement de crédit ne soit pas à un rang privilégié est peut-être beaucoup plus faible que celui d’une cascade de faillites des entreprises concernées.
On nous répond toujours la même chose, mais ce que nous proposons ici, c’est juste, dans quelques cas précis, à détailler, que le magistrat puisse intervertir l’ordre des privilèges. Cette question n’a jamais été traitée jusqu’au bout, à cause sans doute du rang privilégié de l’État créancier. Mais l’État n’est pas le seul créancier, il y a aussi les établissements de crédit et il est dommage que nous n’allions pas plus loin dans cette réflexion. (Les amendements nos 2494 rectifié et 1269, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Jean Terlier, pour soutenir l’amendement no 1468.