Première séance du jeudi 27 juillet 2017
- Présidence de M. Sacha Houlié
- 1. Confiance dans la vie publique
- Discussion des articles (suite)
- Article 4 (suite)
- Amendement no545
- Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
- Amendements nos121, 85, 86, 542, 227 deuxième rectification, 243, 502, 230, 376, 377, 378, 379, 475 et 492
- Article 5
- Mme Isabelle Florennes
- M. François-Michel Lambert
- Amendements nos66, 553, 479, 516, 232 deuxième rectification, 244 et 501
- Article 5 bis
- Amendement no233 rectifié
- Article 5 ter
- Suspension et reprise de la séance
- Amendement no179
- M. Ugo Bernalicis
- Article 6
- Mme Emmanuelle Ménard
- Mme Bérengère Poletti
- M. François-Michel Lambert
- M. Philippe Gosselin
- Amendements nos67, 32, 246, 247, 34 et 37, 38
- Après l’article 6
- Amendement no19
- Article 6 bis
- Après l’article 6 bis
- Avant l’article 7
- Amendements nos470 deuxième rectification et 270
- Article 4 (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sacha Houlié
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1. Confiance dans la vie publique
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour la confiance dans la vie publique (nos 98, 106, 102).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 545 à l’article 4.
Article 4 (suite)
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement no 545.
M. François-Michel Lambert
Nous avons lu hier soir, tardivement, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 mais il me semble judicieux, ce matin, de le relire : « Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux [ceux de la loi] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
Cet amendement propose de revenir sur l’interdiction des emplois familiaux auprès des parlementaires ou d’autorités territoriales et de faire qu’ils soient classés dans la même catégorie que les emplois dits de proximité définis, me semble-t-il, par l’existence de « liens personnels et étroits », même si je crois que Mme la rapporteure envisage une réécriture de cette formule.
Les dispositions du texte initial n’offrent pas une solution satisfaisante et suffisante à l’objectif visé par le projet : rétablir la confiance des citoyens. La priorité est d’assurer que les moyens alloués aux parlementaires pour rémunérer leurs collaborateurs soient utilisés à rémunérer des personnes qui assistent effectivement les parlementaires plutôt que d’introduire des dispositions qui contreviendraient à des garanties fondamentales des libertés publiques concernant notamment le respect de la vie privée ou le droit à l’emploi et dont les effets sur l’amélioration du travail législatif seraient hypothétiques.
De plus, en vertu de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que je viens de citer, ce texte pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel car une telle mesure serait jugée disproportionnée et discriminatoire.
Je propose donc de rétablir un juste équilibre sans perdre de vue notre objectif, qui est de répondre à l’injonction des Français : « Halte aux emplois fictifs ! ».
M. le président
La parole est à Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
La commission est défavorable à l’adoption de cet amendement, le dispositif qu’elle a adopté lui paraissant très équilibré.
M. le président
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
La mesure dont nous discutons, qui répond je crois à une attente des Français, est un marqueur fort du texte que nous défendons. Il n’est donc pas possible d’aller dans le sens que vous évoquez. Avis défavorable.
Par ailleurs, l’objectif d’intérêt général de cette mesure étant très puissant, sa constitutionnalité ne me semble pas pouvoir être remise en cause.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Nous avons répété toute la semaine qu’il importait de veiller à l’équité de ce texte en faisant en sorte que le Gouvernement et les hauts fonctionnaires soient soumis au même régime que celui que nous voulons adopter pour les députés. L’inverse étant vrai, la mesure qui a été votée hier soir doit être appliquée à ces derniers. Cette réciprocité me semble logique.
Je répète mes propos sur l’égalité des chances : un Français sur dix et un jeune sur quatre étant au chômage, comment comprendraient-ils que nous, nous puissions confier ces emplois à des personnes avec qui nous entretenons des liens forts, avec qui nous avons des liens de sang, alors que chaque emploi est précieux ? Ce ne serait pas un bon message du point de vue l’équité et de l’égalité des chances.
À titre personnel, je suis très favorable à cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)
(L’amendement no 545 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Arnaud Viala, pour soutenir l’amendement no 121.
M. Arnaud Viala
Avant de présenter cet amendement, je souhaiterais que Mme la rapporteure ou Mme la ministre précise leur état d’esprit quant à cet article 4 : s’agit-il bien de le rédiger, mutatis mutandis, dans le même sens que l’article voté hier concernant les collaborateurs du gouvernement ?
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
En effet.
M. le président
La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud Viala
Je retire donc cet amendement.
(L’amendement no 121 est retiré.)
M. le président
Vous conservez la parole, monsieur Viala, pour soutenir l’amendement no 85.
M. Arnaud Viala
Même question !
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
Même réponse !
M. le président
Monsieur Viala ?
M. Arnaud Viala
Je retire donc cet amendement aussi, monsieur le président.
(L’amendement no 85 est retiré.)
M. le président
En est-il de même, monsieur Viala, pour l’amendement no 86 ?
M. Arnaud Viala
Pas tout à fait, monsieur le président !
En l’occurrence, je souhaite revenir sur un point dont nous avons longuement discuté en commission.
Je suis favorable à une clarification et à ce que l’on mette un terme à une situation que les gens et nous-mêmes jugeons inacceptable et abusive : la disposition dont nous discutons doit également s’appliquer aux autres catégories d’employeurs publics et, en l’occurrence, aux autres élus.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
Cet amendement relevant de l’article 5, qui concerne les élus locaux et les collectivités territoriales, sans doute pourrons-nous en discuter un peu plus tard.
M. le président
La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud Viala
En effet, cet amendement n’est pas à sa place. Je le retire donc.
M. Fabien Di Filippo
Ne pourrait-il être déplacé à l’article 5 ?
M. le président
Ayant été déposé sur l’article 4, il ne peut être discuté qu’ici. Je veux bien, exceptionnellement, que M. Viala s’exprime à nouveau.
Vous avez la parole, monsieur Viala.
M. Arnaud Viala
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je prie mes collègues de bien vouloir nous excuser de cette méprise. Nous demandons l’extension de la disposition aux autres catégories d’employeurs publics énumérées dans l’amendement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Avis défavorable également.
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert
Je suis étonné. Je l’ai dit hier : nous sommes ici pour garantir le bon usage de l’argent public, alors, regardons-nous en face ! Nombre d’acteurs disposant d’argent public pourront continuer d’embaucher des personnes figurant sur la longue liste de personnes que nous nous interdisons, nous, d’embaucher.
Mme la garde des Sceaux a évoqué « l’intérêt général » pour justifier l’interdiction d’embaucher des personnes avec qui nous avons des liens de sang. Mais quid de toutes les structures disposant d’argent public comme, par exemple, une association qui recevrait 100 000 ou 1 million d’euros d’aides publiques, au demeurant parfaitement justifiées ? Son président pourrait embaucher qui il voudrait quand nous serions contraints, nous, ou qu’un maire d’une petite commune ne pourrait pas profiter de la seule expertise disponible sur place, si elle se trouve être celle de son fils ou d’un proche. En revanche, il n’y aurait aucun regard sur les associations, alors que des scandales ont eu lieu et que des présidents ont déjà détourné de l’argent en embauchant des proches ?
Vous n’allez pas jusqu’au bout ! Je vous le dis solennellement ce matin : oui, allez jusqu’au bout en édictant les mêmes interdits pour toutes les structures disposant d’argent public sinon, vous n’aurez accompli qu’un quart, que dis-je, qu’un dixième du chemin, ce qui ne manquera pas de vous revenir dans la figure !
Mme Nicole Trisse
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud Viala
Nous avons déjà longuement débattu et tout le monde a à cœur d’avancer. Il s’agit d’envoyer aux Français un message clair.
M. François-Michel Lambert
Il ne l’est pas !
M. Arnaud Viala
Cher collègue, je ne vous ai pas interrompu.
Hier, nous avons trouvé un accord sur une formulation qui permet de clarifier la situation quant aux emplois de proches pour les collaborateurs de membres du Gouvernement ; nous sommes maintenant sur le point d’adopter une formulation identique pour les collaborateurs parlementaires.
Par cet amendement, dont je conviens qu’il n’est pas à sa place, je demande simplement que la même disposition s’applique aux autres élus, en particulier dans les exécutifs locaux. Si vous voulez aller plus loin, rien ne vous empêche de déposer un amendement qui étende encore cette disposition. Quant à moi, je défends le texte que j’ai déposé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)
M. Pierre Cordier
Très bien !
Mme Christine Pires Beaune
Très bien !
(L’amendement no 86 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 542.
Mme Laure de La Raudière
Madame la ministre, cet amendement vous permettra de répondre à une question soulevée par Julien Aubert lors de la séance de nuit d’hier. La loi comporte en effet un petit travers. Les collaborateurs parlementaires conjoints de députés ou de sénateurs seront licenciés d’office suite à son adoption ; ils toucheront des indemnités de licenciement, or, rien ne les empêche de divorcer et d’être réembauchés !
M. Jean-Luc Reitzer
Incroyable…
Mme Laure de La Raudière
Cet amendement permet de rectifier ce travers. Je suis certaine, bien entendu, que la majorité des conjoints ne se comportera pas ainsi mais nous sommes là pour éviter la fraude et je vous promets que cela risque d’arriver !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
La commission est défavorable à cet amendement, dans la mesure où les anciens conjoints sont déjà visés par le deuxième volet de notre dispositif et que leur embauche doit faire l’objet d’une déclaration à l’autorité déontologique – il nous a paru normal qu’elle ne tombe pas sous le coup d’une sanction pénale.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Votre raisonnement, madame la députée, me paraît un peu compliqué…
M. Jean-Luc Reitzer
Il est tordu, oui !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
…et le prix à payer me paraît très lourd, même s’il s’agit naturellement d’un choix personnel… Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert
Jusqu’où va aller la chasse aux prétendus détournements de fonds publics ? On semble oublier que 99 % des collaborateurs et des collaboratrices faisant partie de l’entourage des parlementaires, à l’exception d’une collaboratrice d’origine britannique, travaillent effectivement !
J’ai une question très simple à vous poser au sujet du terme « concubin », dont il est constamment question. Je comprends bien ce qu’est le concubin ou la concubine à un instant t, mais si l’on se penche sur le passé – pour ne pas dire le passif – d’un parlementaire, faudra-t-il faire la liste de tous ses anciens concubins ou concubines ? Cela en fait sourire certains, mais on voit bien que tout cela est un peu compliqué d’un point de vue juridique.
Mme Laure de La Raudière
Vous pouvez proposer un sous-amendement, monsieur Lambert !
M. François-Michel Lambert
Je n’y tiens pas ! Nous sommes en train de légiférer en utilisant des termes qui ne me semblent pas tout à fait appropriés d’un point de vue juridique.
(L’amendement no 542 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 227 deuxième rectification, 243 et 502, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 227 deuxième rectification.
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
Cet amendement reprend le dispositif que nous avons adopté hier à l’article 3. Pour répondre aux interrogations de M. Viala, nous avons supprimé l’expression « liens personnels directs », qui était trop imprécise, et nous avons précisé les liens familiaux visés par la deuxième partie de notre dispositif.
Pour rappel, la commission a en effet retenu à la quasi-unanimité un dispositif à deux étages : une interdiction stricte des emplois familiaux en ligne directe, assortie d’une sanction pénale, d’une part, et une obligation de déclaration auprès du déontologue pour les emplois familiaux correspondant à un cercle élargi, d’autre part, à charge pour lui d’investiguer s’il s’avère que ces emplois sont fictifs.
M. le président
La parole est à M. Arnaud Viala, pour soutenir l’amendement no 243.
M. Arnaud Viala
Puisque vous avez répondu à ma question, madame la rapporteure, je retire évidemment l’amendement no 243, et nous voterons la disposition que nous avons soutenue hier soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe REM.)
(L’amendement no 243 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 502.
M. Paul Molac
L’amendement de la rapporteure apporte une clarification, en supprimant la référence à des « liens personnels ». Je n’ai plus de raison de maintenir le mien.
(L’amendement no 502 est retiré.)
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement no 227 deuxième rectification, le seul qui reste en discussion ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Avis favorable.
M. le président
La parole est à Mme Lise Magnier.
Mme Lise Magnier
Madame la ministre, madame la rapporteure, j’aimerais avoir une précision. L’amendement no 227 deuxième rectification prévoit que les parlementaires fassent une déclaration à l’organe de déontologie en cas d’embauche de leur frère, de leur sœur ou de leur conjoint. En revanche, rien n’empêche qu’ils embauchent le frère de leur conjoint sans en faire part à l’organe de déontologie. Par parallélisme des formes, il aurait fallu envisager également ce cas de figure.
Mme Laure de La Raudière et M. Philippe Vigier
Très bien !
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert
Je m’en tiendrai ici au droit. Le texte, qui fait la liste de toutes les personnes dont le député doit déclarer l’embauche auprès du déontologue, mentionne notamment « son ancien conjoint, la personne ayant été liée à lui par un pacte civil de solidarité ou son ancien concubin ».
J’aimerais savoir comment vous définissez le terme « concubin » d’un point de vue juridique. Moi qui ai cinquante et un ans, cela fait un peu plus de trente ans que je suis en âge de partager ma vie avec quelqu’un. Comment comptez-vous vérifier que je n’ai pas vécu, à l’âge de vingt ans, avec une personne que j’emploierais aujourd’hui ? Cette disposition pose un vrai problème juridique. Les autres liens renvoient à un acte administratif, mais le lien de concubinage, s’il peut être vérifié à un instant donné, ne peut pas l’être dans le passé.
M. Fabien Di Filippo
Il faudrait faire un registre des anciens concubins ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Reitzer
Avez-vous envisagé le cas des personnes que l’on a connues à la maternité ?
M. le président
La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud Viala
Monsieur Lambert, il ne faudrait pas que nous donnions l’impression à nos concitoyens que les parlementaires sont des irresponsables notoires qui vont, par tous les moyens, chercher à truander et à contourner la règle. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, REM, MODEM et NG.)
Autant nous avons le désir d’agir dans la transparence et de nous soumettre à des obligations déclaratives, autant nous devons aussi afficher notre intention, à titre collectif et individuel, de le faire de manière sincère, sans chercher nécessairement à trouver la faille. (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Cordier
Très bien !
(L’amendement no 227 deuxième rectification est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 230.
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
Il s’agit d’un amendement de précision, monsieur le président.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Avis favorable.
M. le président
La parole est à Mme Laure de La Raudière.
Mme Laure de La Raudière
Nous sommes passés un peu vite sur la question du parallélisme des formes, posée par ma collègue Lise Magnier sur l’amendement précédent.
M. Erwan Balanant
Il a été voté !
Mme Laure de La Raudière
Il importe que le dispositif soit symétrique : veillez-y au moins au moment de la commission mixte paritaire. Ce n’est pas un problème de fond ; c’est un problème juridique.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
En réalité, la situation que vous évoquez est déjà prise en compte, puisque le projet de loi vise l’ex-conjoint, ainsi que les frères et sœurs de ce dernier, à savoir l’ancien beau-frère et l’ancienne belle-sœur.
Mme Laure de La Raudière
Mais pas les actuels !
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
Si, bien sûr. Il me semble que les cas que vous évoquez sont visés par le dispositif.
M. le président
La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton
Je ne comprends pas l’amendement rédactionnel de Mme la rapporteure, dans la mesure où le mot « information » a déjà été remplacé par le mot « injonction » dans le texte de la commission.
M. Frédéric Reiss
Absolument !
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
Si le déontologue intervient et fait usage de son pouvoir d’injonction, il faut que cette injonction – et non l’information qu’il fait usage de ce pouvoir – soit rendue publique.
M. Gilles Lurton et M. Pierre Cordier
C’est déjà ce qui figurait dans le texte !
(L’amendement no 230 est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 376, 377, 378 et 379.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 376.
Mme Cécile Untermaier
Le Sénat a voté un amendement qui interdit à un parlementaire d’engager son suppléant comme collaborateur. Nous souhaitons revenir sur cette question d’une manière plus modérée.
Nous considérons que le député suppléant, que nous préférons même qualifier de « remplaçant », a un statut particulier. Il remplace en effet le député en de nombreuses occasions, notamment sur son territoire. Il semblerait donc normal qu’à ce titre il puisse bénéficier d’une indemnité. Mais il nous semble important, d’un point de vue éthique – et c’est aussi le point de vue qui avait justifié la décision des sénateurs – de différencier le statut du collaborateur, qui est lié au parlementaire par un lien de subordination – je vous rappelle en effet que nous avons inscrit dans la loi la nécessité de contrôler ses travaux – et le statut de suppléant remplaçant, dont le rôle est de remplacer le député, et non de l’assister comme collaborateur.
Puisque le suppléant effectue souvent un travail réel sur le terrain, il paraît souhaitable que le député puisse l’indemniser – cette indemnité serait plafonnée – mais nous considérons que son statut doit être distinct de celui de collaborateur.
M. le président
La parole est à M. Olivier Dussopt, pour soutenir l’amendement no 377.
M. Olivier Dussopt
Il est défendu, monsieur le président.
M. le président
En est-il de même l’amendement no 378 ?
M. Boris Vallaud
Oui, monsieur le président.
M. le président
Et pour l’amendement no 379 ?
Mme Laurence Dumont
Absolument, monsieur le président.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
Sur le principe, je pense qu’il revient au bureau de l’assemblée, s’il le souhaite, de fixer librement un plafond de rémunération. Je ne vois pas pourquoi on lui imposerait de le faire. C’est pour cette seule raison que j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Cette question est un peu compliquée, puisque le Sénat a souhaité interdire à un député d’employer son suppléant comme collaborateur. La commission des lois n’a pas le même avis et, sur ce sujet, je suis l’avis de la rapporteure.
M. le président
La parole est à Mme Caroline Abadie.
Mme Caroline Abadie
Vous l’avez rappelé, madame la garde des sceaux, le Sénat a décidé, à l’alinéa 5 de l’article 4, d’interdire l’embauche par un député de son suppléant en qualité de collaborateur. La commission a sagement supprimé cet alinéa, considérant qu’il était préférable de procéder à une simple déclaration de cette embauche auprès du bureau de l’assemblée et du déontologue.
Par vos amendements, chers collègues, vous proposez, non pas d’interdire franchement cet emploi, mais de limiter sa rémunération à 10 % de « l’enveloppe collaborateur », ce qui représente une somme de 741 euros.
M. Philippe Gosselin
Absolument !
Mme Caroline Abadie
Je note que le suppléant ne dispose, juridiquement, d’aucun statut, ni d’aucun mandat. Il m’apparaît injuste, voire disproportionné, d’interdire l’accès à un emploi à une personne n’étant pas juridiquement liée au député. Pour ma part, je pense qu’il serait plus sage de nous en tenir à ce qui a été décidé en commission des lois et d’imposer que l’embauche du suppléant, en sa qualité de personne ayant un lien direct avec le parlementaire, fasse l’objet d’une déclaration préalable. Je ne voterai donc pas ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
Nous partageons tout à fait ce point de vue. Que les emplois familiaux soient davantage encadrés, c’est nécessaire, ce sera le cas et je crois que nul ne le conteste. En revanche, le suppléant ou les suivants de liste ne sont absolument pas dans la même situation. C’est typiquement le cas d’emploi de proches, non pas au sens familial, mais au sens politique. Le suppléant lui-même n’a pas de statut, comme chacun sait, alors qu’il est amené assez régulièrement à représenter le député. C’est particulièrement le cas dans les circonscriptions rurales, souvent très étendues et où il faut parfois posséder le don d’ubiquité. Il peut remplacer le député lors de certaines réunions ou remettre des décorations, coupes et médailles, au nom du député.
Il ne me paraît pas anormal que ce travail, qui en est véritablement un, soit reconnu. Cependant, fixer un plafond, par exemple de 10 % – je reprends exactement le chiffre proposé par Mme Untermaier dans son amendement –, n’aurait pas vraiment d’intérêt. Cela reviendrait à le rémunérer environ 600 euros net par mois – je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que cela donne. Selon moi, le système déclaratif, tel qu’il a été sagement proposé en commission des lois, remplira toutes les fonctions et missions que nous lui assignons.
Mme Stéphanie Kerbarh
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune
Madame la garde des sceaux, notre objectif avec ces amendements était simplement d’éviter des abus, d’éviter que nous nous retrouvions, dans quelques années, avec des suppléants rémunérés en quelque sorte de manière fictive. Pour ma part, je remercie la commission d’avoir annulé la disposition adoptée par le Sénat, qui allait beaucoup trop loin.
Quant au chiffre de 10 %, il figure dans l’exposé sommaire, non dans le dispositif de l’amendement, qui attribue au bureau de chaque assemblée la responsabilité de fixer ce plafond. Cela me semble indispensable car, à défaut, il y aura, dans quelques mois ou quelques années, des suppléants rémunérés.
Or les suppléants ne sont effectivement pas des collaborateurs des parlementaires : il existe entre eux non pas un lien de subordination, mais un lien politique.
Pour ma part, je préférerais que le bureau de chaque assemblée fixe un plafond – mais peut-être pourrons nous discuter du statut du suppléant à l’occasion de la réforme constitutionnelle – pour éviter, je le répète, des abus, car je pense qu’il y en a.
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M. Jean-Paul Dufrègne
L’idée n’est pas de pouvoir rémunérer le suppléant uniquement pour qu’il remette des coupes…
M. Philippe Gosselin
Cela peut être aussi des dossiers, des rendez-vous…
Mme Marie-Noëlle Battistel
Non, c’est le travail du collaborateur !
M. Jean-Paul Dufrègne
Je pense que le suppléant peut tout à fait être un collaborateur comme n’importe quel autre collaborateur, et même un collaborateur précieux, car il forme un binôme avec le député.
M. Philippe Gosselin
Nous sommes bien d’accord !
M. Jean-Paul Dufrègne
Cela ne me gêne absolument pas que le suppléant soit un collaborateur. Bien au contraire, cela permet un prolongement du lien entre le député et le suppléant.
M. Frédéric Reiss
Dans ce cas, c’est un véritable emploi !
M. Jean-Paul Dufrègne
Il serait particulièrement injuste que l’on soit pénalisé parce qu’on a accepté d’être suppléant.
M. Philippe Gosselin
Vous le dites autrement, mais nous sommes bien d’accord !
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Je suis un néophyte, mais je voudrais bien comprendre : je ne vois pas ce qu’il y aurait de scandaleux à recruter son suppléant comme collaborateur si c’est la personne que l’on veut choisir. Et je voudrais être sûr que l’on ne nous demande pas ici de payer notre suppléant à partir d’un budget autre que celui qui est prévu pour nos collaborateurs. Je ne comprends pas de quoi nous parlons, et je ne vois pas en quoi le fait de repousser cet amendement pourrait créer un scandale.
M. le président
Je clos la discussion sur ces amendements. Chacun a eu l’occasion de s’exprimer.
M. Fabien Di Filippo et M. Pierre Cordier
Pas nous, monsieur le président ! Et c’est important !
M. le président
M. Gosselin s’est déjà exprimé au nom du groupe Les Républicains.
(Les amendements identiques nos 376, 377, 378 et 379 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 475.
M. Philippe Vigier
Madame la garde des sceaux, madame la rapporteure, nous avons eu un long débat sur les emplois familiaux. Certains regrettent les dispositions qui ont été prises, mais elles font partie, selon moi, d’un mouvement imposant la transparence de la vie politique auquel nous ne pouvions pas échapper, même si, malheureusement, certains collaborateurs seront écartés du travail qu’ils accomplissaient jusqu’à présent. Dont acte.
Mais il ne faut pas s’arrêter à mi-chemin : alors que nous avons pris des mesures pour empêcher les députés d’embaucher des membres de leur famille comme collaborateurs, il ne faudrait pas que de tels emplois familiaux soient possibles au sein des groupes parlementaires. Il n’y a pas de raison qu’un groupe puisse employer un membre de la famille d’un député appartenant à ce groupe. Ce serait exactement la même chose.
M. Philippe Gosselin
Ce ne sont pas des emplois familiaux !
M. Philippe Vigier
Nous l’avons prévu pour les cabinets ministériels, mais il faudra aussi un jour décliner cette mesure dans les grandes collectivités telles que les régions ou les départements. À défaut, ce texte viserait uniquement les parlementaires, au travers de l’équipe qu’ils constituent autour d’eux.
Je souhaite donc, madame la garde des sceaux, que la règle que nous avons établie, à savoir l’interdiction des emplois familiaux, s’applique aussi aux groupes parlementaires.
M. André Villiers et M. Guy Bricout
Très bien !
M. Jean-Luc Reitzer
Quand on aura fini de tout interdire…
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
Avis défavorable. Nous pensons que cette mesure est disproportionnée. Il y avait un élément à ce sujet dans l’avis du Conseil d’État…
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Monsieur le député, les groupes politiques se rattachent, me semble-t-il, à l’article 4 de la Constitution, selon lequel les partis « se forment et exercent leur activité librement ». D’après la jurisprudence du Conseil constitutionnel, établie par plusieurs de ses décisions, on ne peut pas imposer de règles de ce type aux groupes politiques. C’est ce que le Conseil d’État a relevé dans son avis. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai, vous le savez, deux chevaux de bataille : d’une part, l’équité et l’égalité des chances ; d’autre part, le souci de ne pas ouvrir de boîte de Pandore, ainsi que je l’ai évoqué hier. Les groupes parlementaires restent des associations de droit privé. En tant que parlementaire, je n’ai aucun mot à dire sur les recrutements effectués par mon groupe.
Mme Laure de La Raudière
Tout à fait !
M. Fabien Di Filippo
Je ne pense pas que cet amendement pose de problème du point de vue de l’égalité des chances. En revanche, nous sommes bien en train d’ouvrir une boîte de Pandore : va-t-on, dès lors, montrer du doigt toutes les associations et toutes les structures privées et y interdire les emplois familiaux ? Selon moi, cela va beaucoup trop loin.
M. Erwan Balanant
Elles sont privées ! Il y a le mot « privées » !
M. Jean-Luc Reitzer
Il faut arrêter !
M. Frédéric Reiss
Cela n’a plus aucun sens !
M. Jean-Luc Reitzer
On devient fous !
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert
C’est effectivement assez extraordinaire…
Tout le monde connaît – je pense que même les nouveaux députés en ont conscience – la place et le rôle des collaborateurs de groupe. Ce que nous demandent les Français, c’est de faire meilleur usage de l’argent public et d’empêcher – si j’ai bien compris la raison pour laquelle nous ne pourrons plus embaucher de proches – les cas d’enrichissement personnel.
Qui peut croire que l’opinion publique comprendra que le parlementaire ne puisse pas embaucher sa femme, son mari ou son fils, mais que, par un petit effet de miroir ou de parallèle, le groupe puisse embaucher cette même personne ? Allons jusqu’au bout ! Si vous voulez être crédibles vis-à-vis des Français, il faut voter cet amendement. Ils ne comprendraient pas que l’on puisse être collaborateur du groupe alors qu’on ne peut pas être collaborateur du parlementaire lui-même.
M. Fabien Di Filippo
Il n’y a pas de lien de famille !
M. Jean-Luc Reitzer
Ce n’est pas possible !
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Madame la garde des sceaux, comment un groupe parlementaire se constitue-t-il ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Librement.
M. Philippe Vigier
Certes, mais ce n’est pas un parti politique. Dans cette assemblée, certains groupes parlementaires sont constitués de membres appartenant à des partis politiques différents.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Oui.
M. Philippe Vigier
Et de quoi vit un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, mes chers collègues ? D’une dotation de l’Assemblée nationale. Le reste, c’est la contribution des élus.
Ainsi que l’a très bien dit notre collègue à l’instant, nous interdisons les emplois familiaux. On peut l’accepter ou le regretter, mais c’est acté, c’est ainsi. Dès lors, allons-nous laisser la possibilité de « faire des croisements », comme le dirait mon ami Charles de Courson ?
Pour parler simple, la femme du député untel ne pourra pas travailler avec son mari, mais pourra travailler pour le groupe parlementaire auquel il adhère. Ou le contraire. Mais de qui se moque-t-on ? Les Français nous regardent ! Ils diront : « Regardez ! Pas vu, pas pris ! Comme ils n’ont pas pu employer un membre de leur famille, ils l’ont placé dans leur groupe parlementaire ! » Mais où sommes-nous donc ? (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. André Villiers et M. Guy Bricout
Très bien !
M. François-Michel Lambert
Il a raison !
M. Jean-Luc Reitzer
La seule solution pour les collaborateurs, ce sera l’ANPE ! Ils iront travailler chez Auchan !
M. le président
La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel
Je remercie le groupe qui a déposé cet amendement. Peut-être est-ce parce que je ne suis pas en détail tout ce que nous propose le Gouvernement, mais je pensais très sincèrement que cette disposition était incluse dans le texte, tellement elle me semble évidente.
M. François-Michel Lambert et M. Frédéric Petit
Très bien !
M. Éric Coquerel
Nous nous retrouvons dans la situation suivante : du fait de quelques députés qui ont employé des membres de leur famille de manière fictive, nous sommes obligés de légiférer dans la défiance absolue.
M. Pierre Cordier
Exactement !
M. Éric Coquerel
Soit. Il faut le faire, donc faisons-le.
Mais, dans ce cas, madame la garde des sceaux, ne le faisons pas à moitié ! Si un président de groupe fait employer un membre de sa famille par ledit groupe – il a tout de même quelques moyens d’influer sur celui-ci –, c’est exactement la même chose !
M. François-Michel Lambert
Très bien !
M. Éric Coquerel
Et c’est exactement le même risque. Compte tenu du niveau de défiance, il faut aller jusqu’au bout.
Une remarque pour terminer : hier, on a rejeté des amendements de fond proposés par notre groupe en arguant qu’ils étaient hors sujet car ils concernaient les fonctionnaires ou les ministres. Or, cette fois-ci, nous sommes en plein dans le sujet, dans la mesure où, selon vous, restaurer la confiance dans la vie publique se résume uniquement à instaurer une défiance généralisée vis-à-vis des parlementaires. Puisque tel est votre objectif, allez au moins jusqu’au bout !
M. le président
La parole est à Mme la garde des sceaux. Je donnerai ensuite la parole à d’autres orateurs qui ont demandé à intervenir.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Je me permets de vous répondre, monsieur Coquerel : cette fois-ci, nous sommes non pas hors sujet, mais hors Constitution. Vous convenez certainement que les partis doivent se former librement. Or les groupes parlementaires sont assimilés aux partis par le Conseil constitutionnel. C’est pourquoi ils doivent eux aussi se constituer librement.
M. Philippe Gosselin
C’est d’ailleurs le cas…
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Le Conseil constitutionnel l’a affirmé clairement dans plusieurs décisions. Adopter cet amendement serait, j’en suis sûre, une erreur de droit.
M. le président
Je donnerai la parole successivement à quatre orateurs : Mme Florennes, M. Faure, M. Gosselin et M. Rebeyrotte. La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Mme Isabelle Florennes
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés aurait bien aimé déposer l’amendement défendu par M. Vigier, mais cela lui a échappé. Nous sommes évidemment favorables à l’équité et au parallélisme des formes et nous voterons cet amendement pour les raisons exposées par MM. Vigier et Coquerel. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)
M. François-Michel Lambert et M. Philippe Vigier
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Olivier Faure.
M. Olivier Faure
S’agissant des emplois familiaux, que visons-nous ? Le fait qu’un député, seul décideur, puisse embaucher quelqu’un, sans contrôle d’ailleurs, et qu’il puisse en faire un emploi fictif.
M. Éric Woerth
Ce n’est pas ça !
M. Olivier Faure
Personne n’imagine qu’une personne embauchée par un groupe parlementaire puisse être sous le seul contrôle du président du groupe : elle est sous le regard de l’ensemble des membres du groupe. Dès lors, l’emploi fictif n’est pas possible.
M. Gilles Lurton
Très bien !
M. Olivier Faure
Il faut évidemment veiller à éradiquer des règles de notre assemblée tout ce qui est susceptible d’éveiller du soupçon.
M. Jean-Luc Reitzer
C’est de la folie !
M. Olivier Faure
Mais, en l’occurrence, – je suis désolé de le dire à M. Philippe Vigier, pour qui j’ai de l’estime – cet amendement relève en réalité d’une forme de démagogie ; il va un peu trop loin par rapport aux règles que nous devons nous imposer.
M. Philippe Gosselin
Totalement ! C’est du populisme !
M. Olivier Faure
Je vous mets en garde contre cette logique qui va parfois un peu trop loin.
Si cet amendement est adopté, ce ne sera pas un drame. Mais, selon moi, nous nous mettons nous-mêmes dans la situation d’être stigmatisés, alors que nous n’avons jamais eu l’occasion de l’être sur ce point. Je n’ai jamais eu connaissance, au sein d’un groupe, de cas d’emplois familiaux relevant de l’emploi fictif.
M. le président
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
Il s’agit d’une question non pas d’équité, mais de constitutionnalité, ce qui est très différent. Même si la Constitution actuelle a été la première à donner un pseudo-statut aux partis politiques, son article 4 ne dit pas grand-chose à leur sujet, si ce n’est qu’ils « concourent à l’expression du suffrage » et qu’ils « se forment et exercent leur activité librement », ce qui est déjà essentiel. La liberté d’organisation des partis politiques se prolonge dans celle des groupes politiques au sein des assemblées. C’est une évidence et cela répond à une logique juridique. Du reste, il est heureux qu’il en soit ainsi.
Par ailleurs, au cas où vous ne voudriez pas retenir cette interprétation, je rappelle qu’une personne morale fait écran entre le groupe employeur et les députés membres de ce groupe : une association relevant de la loi de 1901.
Au-delà même de l’aspect constitutionnel, je ne vois pas comment la disposition pourrait être conforme au droit ordinaire même, car sur le plan juridique, il s’agirait bien d’une forme de discrimination à l’embauche, ce que sanctionnent évidemment le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme, dont je ne vous rappellerai pas l’ensemble des décisions et arrêts. Ce que propose cet amendement est réellement un non-sens et ne peut pas tenir la route sur le plan juridique. Si cette disposition devait être adoptée, elle ferait évidemment partie des éléments du recours que nous porterions devant le Conseil constitutionnel.
M. Jean-Luc Reitzer
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Rémy Rebeyrotte.
M. Rémy Rebeyrotte
Je souscris pleinement aux propos de M. Faure. Avec un groupe ou une personne morale, il y a nécessairement une régulation. Je ne vois donc pas en quoi les deux situations pourraient être comparables.
(L’amendement no 475 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement no 492.
M. François-Michel Lambert
Je vous rassure, chers collègues, c’est mon dernier amendement. Aux termes de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, « la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. » Le présent amendement vise à ajouter un alinéa permettant de ne pas rompre les CDI en cours, établis en bonne et due forme – une trentaine, je crois, à l’Assemblée nationale, et peut-être le même nombre au Sénat.
La mesure proposée par le projet de loi, qui se fonde sur la filiation, la situation familiale ou les liens personnels directs entre le collaborateur et son employeur, créerait des contraintes que le Conseil constitutionnel pourrait juger disproportionnées. Elle créerait de l’insécurité pour la personne concernée, dont l’emploi, le projet professionnel, la situation financière et, bien sûr, la situation familiale, la vie privée et les relations familiales se trouveraient bouleversés, en contrevenant notamment au respect de libertés publiques fondamentales, notamment le droit à l’emploi. Le présent amendement vise également à supprimer l’article 6 et l’article 6 bis du titre III et à les remplacer.
Vous l’aurez bien compris, il s’agit non pas d’emplois virtuels ou putatifs, mais de réalités vécues par cinquante, cent – peut-être davantage – personnes, qui ont signé en toute légalité un CDI il y a un certain temps, et ont construit un projet, lequel va s’effondrer soudainement. Elles devront rebâtir une vie, alors qu’elles n’ont commis aucune faute. La rétroactivité n’est pas le sens de notre projet de loi. Nous demandons donc l’adoption de cet amendement.
M. Jean-Luc Reitzer
Très bien ! Il faut voter cet amendement !
M. Philippe Gosselin
La rétroactivité de la loi est un vrai sujet !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
La commission a émis un avis défavorable.
M. Jean-Luc Reitzer
Pourquoi ?
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
Nous partageons l’avis du Conseil d’État, selon lequel l’objectif poursuivi, qui est d’accroître la confiance des citoyens dans l’action publique en renforçant les garanties de probité des responsables publics et en limitant les situations de conflit d’intérêts ainsi que les risques de népotisme, nous permet de prendre des dispositions immédiates. Nous ne voyons pas pourquoi, au regard de l’objectif poursuivi, il faudrait traiter différemment les emplois en cours et les emplois futurs.
Enfin, je le rappelle, nous avons adopté tout un dispositif pour les contrats en cours...
M. Éric Woerth et M. Jean-Luc Reitzer
C’était autorisé, madame !
M. le président
S’il vous plaît ! Seule Mme la rapporteure a la parole.
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
C’était autorisé, mais il nous apparaît aujourd’hui qu’il faut l’interdire strictement et de façon équilibrée. Tel est le sens du dispositif que nous avons adopté. L’avis de la commission est défavorable.
M. Jean-Luc Reitzer
Et les personnes concernées ?
M. Éric Woerth
C’est inhumain !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Nous sommes également défavorables à cet amendement. Je rappelle que le Gouvernement souhaite une application rapide des dispositions que vous allez adopter. Il me semble que le texte, tel qu’il a été adopté par la commission, apporte une réponse proportionnée aux objectifs de la loi. Comme vous le savez sans doute, le Conseil constitutionnel considère que les atteintes portées à des situations contractuelles légalement acquises doivent être justifiées par un impérieux motif d’intérêt général, qui est ici celui de la dignité de la vie publique. Ce motif existe donc.
Comme Mme la rapporteure l’a rappelé, le Conseil d’État a considéré que l’atteinte portée par le texte en discussion aux situations contractuelles en cours était justifiée par un motif d’intérêt général pertinent. Le Conseil d’État avait suggéré, d’ailleurs, de porter d’un à deux mois le délai de préavis. Cela a été fait. Le Sénat a souhaité, pendant les débats, ajouter un délai de trois mois supplémentaires de préavis. Le délai finalement retenu est plus long que celui prévu initialement. Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président
La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard
Hier, nous avons discuté longuement du meilleur statut possible pour les collaborateurs parlementaires, et vous aviez tous le souci de leur donner un certain nombre de garanties. Curieusement, aujourd’hui, les demandes de ceux qui auraient des liens familiaux avec les parlementaires ne sont nullement prises en considération, aussi légitimes soient-elles.
Or il existe, en ce moment, des situations humaines très douloureuses. On aurait pu imaginer que la loi ne s’applique qu’à la prochaine législature, ou au moins au terme du contrat du collaborateur familial, dans la même logique que la loi sur le cumul des mandats, laquelle ne s’est pas appliquée immédiatement mais seulement au renouvellement de l’Assemblée.
M. Jean-Luc Reitzer
Absolument !
Mme Annie Genevard
J’ajoute que nous sommes également préoccupés par le motif du licenciement, qui n’offre pas aux collaborateurs parlementaires les garanties auxquelles ils pourraient prétendre. Si c’était un licenciement pour raison économique, ce serait tout de même plus digne. Mais aucun de nos amendements n’a pu franchir la barrière de l’article 40. Toute une catégorie de collaborateurs parlementaires se trouve aujourd’hui dans une situation économique et humaine extrêmement difficile. Je m’étonne que cet aspect des choses n’ait jamais été pris en compte par le Gouvernement et ceux qui ont travaillé à ce texte.
M. Jean-Luc Reitzer et M. François-Michel Lambert
Très bien !
M. le président
Je vous informe que, par dérogation aux dispositions du règlement, trois orateurs s’exprimeront encore sur cet amendement : M. Lambert, Mme Thourot, et M. Petit. À l’issue de leurs interventions, je clorai la discussion et nous passerons au vote.
La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert
Je redonne lecture de la jurisprudence du Conseil constitutionnel : « Une mesure rétroactive doit être ainsi justifiée par un intérêt général suffisant ». En outre, le Conseil d’État juge qu’au regard des dispositions de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’intervention rétroactive des législateurs au profit de l’État doit reposer sur d’impérieux motifs d’intérêt général. Il juge, de même, qu’au regard de l’article 1er
Est-ce que le motif d’intérêt général est en l’espèce suffisant pour liquider une centaine de personnes, avec toutes les difficultés que cela va leur créer, alors que ces personnes, il ne faut pas oublier de le dire, travaillent – leur emploi n’a rien de fictif ? Car les collaborateurs qui seront licenciés dans quelques semaines travaillent, et parfois même au-delà du raisonnable.
M. Jean-Luc Reitzer
Exactement !
M. François-Michel Lambert
Je crois que cela dépasse l’entendement. On aurait pu parvenir progressivement à cette interdiction des emplois familiaux auprès des parlementaires, que vous avez décidée.
M. Jean-Luc Reitzer
Très bien !
M. François-Michel Lambert
On va retrouver le même sujet à l’article 5, et là, cela sera plus compliqué.
M. le président
La parole est à Mme Alice Thourot.
Mme Alice Thourot
Je rappelle simplement qu’il s’agit de mettre un terme maintenant – je dis bien maintenant – à des pratiques qui ne sont plus tolérées ni acceptées par nos concitoyens. (« Ce n’est pas le sujet ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Jean-Luc Reitzer
Et le côté humain des choses ?
Mme Alice Thourot
Il s’agit non pas de remettre en cause celles et ceux qui ont réellement travaillé auprès de leurs conjoints, mais de lever tous doutes sur le sujet. Un mandat n’est pas une entreprise familiale et nous devons le réaffirmer aujourd’hui, avec cette loi.
Sur le plan juridique, je rappelle simplement que la loi sera non pas rétroactive, mais d’application immédiate, ce qui est tout à fait différent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe REM.)
M. Jean-Luc Reitzer
Ils ne pourront plus trouver de boulot ; ils seront marqués au fer rouge !
M. le président
M. Petit, qui avait demandé la parole, ne souhaitant plus intervenir, je vais mettre aux voix l’amendement no 492.
(L’amendement no 492 n’est pas adopté.)
(L’article 4, amendé, est adopté.)
Article 5
M. le président
Deux orateurs sont inscrits sur l’article 5.
La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Mme Isabelle Florennes
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je ne rappellerai pas une nouvelle fois le détail des différentes affaires qui nous ont conduits à nous prononcer sur l’interdiction des emplois familiaux pour les collaborateurs de dirigeants politiques. Le problème majeur, nous le savons tous, ce n’est pas celui d’employer un membre de sa famille, proche ou éloignée, mais bien celui de le rémunérer avec de l’argent public pour un emploi qu’il n’occupe pas effectivement.
Pour parer à toutes attaques, le travail en commission a été intéressant et les débats ont été longs. Nous sommes parvenus, je le pense, à trouver un juste équilibre. L’amendement no 232 deuxième rectification de la rapporteure nous semble intéressant en ce que ses dispositions sont applicables à l’ensemble de la classe politique : membres du Gouvernement, parlementaires, et élus des collectivités territoriales. Aussi, l’amendement no 516 du Gouvernement, qui rendrait l’application du dispositif à géométrie variable, ne nous semble pas acceptable. Pour faire de cette loi l’acte fondateur d’un renouvellement de nos pratiques politiques, il faut que les nouvelles règles de recrutement de leurs collaborateurs soient applicables à tous les élus.
Le groupe Mouvement démocrate et apparentés soutient le dispositif prévu par l’amendement no 232 rectifié de Mme la rapporteure, qui précise le texte et supprime la référence à la notion de « lien personnel direct », que nous avions jugée floue et trop large en commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, après avoir traité le cas des parlementaires et des membres du Gouvernement, nous allons aborder celui des autorités territoriales, qui, si je ne m’abuse, sont les maires, les adjoints, les présidents des collectivités départementales et régionales, les présidents des différents établissements publics de coopération territoriale, les syndicats gestionnaires de services et de regroupements de collectivités, ce qui représente quelque 37 000 personnes. Il s’agit également des agents ayant reçu délégation de pouvoirs et de responsabilités sur le fondement des trois critères jurisprudentiels de l’autorité, de la compétence et des moyens nécessaires et suffisants : les secrétaires généraux, les directeurs et chefs de service, les directeurs d’établissements publics et territoriaux. Tel est ce que signifie « autorité territoriale ».
Avec la mise sous contrôle des entourages de toutes ces personnes, comme le prévoient les articles 3 à 6, voire l’interdiction de l’exercice de certains métiers à leurs proches, on peut estimer qu’entre 100 000 et 1 million de personnes seront touchées et contraintes dans leur propre projet de vie. Avec une telle proportion de la population qui ne pourra plus accéder à certaines activités professionnelles, nous nous éloignons de l’idée que nous nous faisons de la démocratie.
De plus, si une telle disposition était adoptée, il faudrait certainement engager d’importants moyens de contrôle, qui, sans conteste, exigeraient des ressources financières supplémentaires. Madame la ministre, pouvez-vous nous communiquer les résultats de l’étude d’impact conduite sur les articles 3, 4, 5 et 6 ? Combien de personnes seraient limitées dans leur projet de vie, du seul fait de leur naissance, leur alliance amoureuse ou leur proximité avec un élu ? Estimez-vous que telle est la démocratie que nous voulons ? Quels moyens faudra-t-il mobiliser pour contrôler que les dispositions prévues dans ces trois articles sont respectées et, le cas échéant, engager les poursuites nécessaires ?
M. le président
La parole est à M. Arnaud Viala, pour soutenir l’amendement no 66.
M. Arnaud Viala
Il est retiré.
(L’amendement no 66 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l’amendement no 553.
M. Ludovic Pajot
À partir du moment où l’article 5 interdit l’emploi familial dans le cabinet d’une collectivité, il convient d’adopter la même règle pour tous les postes pourvus au sein de la collectivité par simple décision de l’exécutif. Concrètement, on comprend bien que, si un maire se voit interdire d’embaucher un membre de sa famille dans son cabinet, il l’embauchera dans un de ses services sur un poste pourvu de manière discrétionnaire. C’est ce contournement que le présent amendement vise à prohiber.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, considérant que cette situation est déjà visée par le délit de prise illégale d’intérêt.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Même avis.
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert
Notre collègue Olivier Dussopt a rappelé hier que la loi sanctionne déjà la prise illégale d’intérêt – du côté de Gisors, un élu et sa sœur ont encore été récemment sanctionnés à ce titre. En matière de parallélisme des formes, on peut être surpris que le même argument vaille une fois et ne plus valoir la fois suivante. Soyons cohérents. Je soutiens ce qui a déjà été dit : ou nous balayons tout, y compris les collaborateurs des groupes – mais ça, c’est raté, on vient de le voir –, ou nous nous en tenons à ce que la loi permet d’ores et déjà de sanctionner. Nous réécrivons actuellement une loi qui fonctionne parfaitement bien. Les réponses ne sont à la hauteur ni de la demande ni de l’amendement proposé.
(L’amendement no 553 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 479.
M. Philippe Vigier
Madame la rapporteure, cet amendement s’inscrit dans le prolongement de l’amendement no 475 que j’ai présenté à l’article 4. Vous avez l’ambition, que nous partageons sur beaucoup de ces bancs, de redonner confiance à nos compatriotes. Si nous avons réglé le problème des emplois familiaux pour les parlementaires, nous ne l’avons pas réglé pour les groupes parlementaires avec des arguments que je ne comprends toujours pas : il est si facile d’invoquer la Constitution ! Combien de fois avons-nous signé des recours pour un résultat qui n’était pas celui que nous attendions ?
Il existe au sein des collectivités des groupes d’élus. Sont-ils obligatoirement sous le régime associatif ? Non. Par qui sont-ils alimentés ? Comment cela se passe-t-il au sein d’une collectivité territoriale – qu’elle soit départementale ou régionale ? J’ai eu l’honneur de présider un groupe d’élus au sein d’une collectivité régionale : la région avait voté, dans le cadre de son budget, une dotation permettant de financer des collaborateurs.
J’ai écouté avec grande attention les propos que M. Olivier Faure a tenus tout à l’heure – je suis toujours sensible à ses arguments. Mais il sait comme moi que ceux qu’il ne sera pas possible de recruter comme collaborateurs dans le cabinet d’une collectivité, puisque ce sera désormais interdit, seront recasés dans les groupes d’élus. Regardons ce que nous sommes en train de faire, mes chers collègues. En tout cas, les Français le verront ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Cela en gêne peut-être certains, moi cela ne me gêne pas ! Il faut aller au bout de la logique ! Si nous nous arrêtons en chemin, alors, peut-être nous serons-nous fait plaisir à bon compte, mais, rassurez-vous, nous serons rattrapés à un moment ou à un autre par l’opinion publique, qui est désormais au courant de tout via les réseaux sociaux. Elle verra bien que celui qui n’aura pas été embauché au sein du cabinet l’a été dans le groupe d’élus. Tournons le dos à toutes ces hypocrisies ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LC et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe REM.) Nous savons cela par cœur. Cessons de nous cacher derrière des paravents qui ne masquent rien ! Nous savons tous très bien comment ça marche ! Ceux qui sont élus depuis vingt ans savent comment cela marche dans les collectivités. Arrêtons ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, considérant qu’il est inutile d’étendre le champ de l’interdiction aussi largement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud Viala
Chers collègues, je le redis, nous devons faire attention à l’image que nous renvoyons au travers de nos débats ! Ce que nous voulons faire, c’est instituer une règle identique pour tous les emplois publics directs afin que tous les entourages soient clairement circonscrits, c’est-à-dire soit interdits, soit soumis à déclaration, comme la rapporteure l’a rappelé.
Toute extension de cette règle contrevient à la liberté individuelle, d’autant que les groupes parlementaires sont des structures externes, comme il en existe tant d’autres : tout élu est appelé à siéger dans différentes structures. Si nous nous mettons à interdire à tous les proches des élus d’être embauchés dans toutes les structures où ceux-ci peuvent siéger à un titre ou un autre, dans les conseils d’administration ou les assemblées générales par exemple, alors il est évident que nos proches, quels qu’ils soient, ne pourront plus jamais travailler !
M. Philippe Vigier
Pas du tout.
M. Arnaud Viala
Monsieur Vigier, je suis désolé de vous le dire, mais les propos que vous venez de tenir donnent de nous une image absolument délétère. Je fais partie des élus qui n’ont jamais ni casé ni recasé qui que ce soit : je ne laisserai pas dire ici que notre volonté, c’est de nous livrer en permanence à de telles pratiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes, LR, REM et NG.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Il faut, sur un tel sujet, conserver son calme. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
Seul M. Vigier a la parole.
M. Philippe Vigier
Je regarde les choses avec beaucoup de calme, mais n’oubliez pas, mes chers collègues, que l’opinion publique juge. Rappelons-nous que seuls 13 % du corps électoral ont envoyé les députés que nous sommes siéger sur ces bancs, toutes sensibilités confondues – 13 % seulement du corps électoral se sont déplacés ! Or une des raisons de cette abstention est la défiance de nos concitoyens à l’encontre de la classe politique.
M. Julien Dive
Ne mélangez pas tout !
M. Philippe Vigier
Je dis les choses très simplement : nous pouvons nous draper de toute la vertu possible, la politique n’est pas une entreprise familiale. Si dans le privé, on fait ce qu’on veut, à partir du moment où de l’argent public est en cause, il convient, à mes yeux, d’observer des règles.
Je le dis sans chercher à dramatiser, mais vous serez bien forcés de reconnaître un jour que le fonctionnement quotidien de la vie politique repose sur de l’argent public. Telle est la vérité. Trop de cabinets ministériels ont permis de caser des enfants, des neveux… ! Allons jusqu’au bout du chemin sans polémiquer, monsieur Viala. Votre caractère méridional est aussi bouillant que peut l’être le mien par moment.
M. Arnaud Viala
La question n’est pas là.
M. Philippe Vigier
Il faut aller au bout de la logique du texte. Sinon, nous serons obligés d’y revenir !
(L’amendement no 479 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 516.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Cet amendement a pour objet de supprimer l’obligation de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – HATVP – des emplois familiaux qui ne seraient pas interdits, et donc le pouvoir d’injonction qui lui serait donné pour faire cesser les éventuels conflits d’intérêts.
Pourquoi proposons-nous de supprimer cette disposition, tout en reconnaissant qu’il existe peut-être une difficulté – Mme la rapporteure et moi-même l’avons évoquée à l’instant ? Pour trois raisons.
Première raison : il paraît matériellement très difficile de charger la HATVP du contrôle des éventuels conflits d’intérêts s’agissant des collaborateurs de cabinet de l’ensemble des autorités territoriales qui en disposent. On évalue à 1 800 les emplois de collaborateurs de cabinet qui pourraient être concernés par cette nouvelle obligation.
Deuxième raison : la procédure de signalement telle qu’elle est prévue, si elle