XVe législature
Session extraordinaire de 2017-2018

Séance du jeudi 26 juillet 2018

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (nos 1106, 1173).
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 147, 242 et 321 à l’article 5.
L’amendement no 147 n’est pas défendu. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 242 et 321, visant à supprimer l’article.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 242.
Il vise effectivement à supprimer l’article 5, qui affaiblit et détériore considérablement les garanties et droits fondamentaux des demandeurs d’asile. Je pense à la réduction de 120 à 90 jours du délai courant à compter de l’entrée sur le territoire francais et au-delà duquel le dépôt d’une demande d’asile peut entraîner l’examen de celle-ci selon la procédure accélérée. Comme je l’ai dit hier, toutes les associations disent à quel point c’est mal connaître les spécificités des parcours des demandeurs d’asile. L’association ELENA considère que les difficultés ne sont nullement imputables aux demandeurs d’asile et ne peuvent être considérées par l’administration comme l’indice d’un défaut sérieux des motifs de demande. Il existe de nombreux obstacles sur le chemin d’un demandeur d’asile.
Plutôt que de chercher à améliorer le dispositif et à assurer un meilleur respect des droits, cet article empêche encore plus les demandeurs d’asile d’accéder à leurs droits, afin de les expulser au plus vite. Par cette réduction des délais, vous souhaitez augmenter le nombre de procédures accélérées, dans une simple logique arithmétique. Cette procédure accélérée prive le justiciable de la collégialité de la Cour nationale du droit d’asile – CNDA – et raccourcit le délai de préparation du dossier, au détriment de la qualité de l’instruction. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 321.
C’est un point que nous avons évoqué en première lecture, et sur lequel les sénateurs ont insisté lors de leurs débats. Nous aurions pu, a priori, partager l’objectif de l’article 5, visant à réduire les délais d’instruction et à dissuader les demandes ne relevant pas de la protection humanitaire, mais à la condition d’avoir les moyens pour y parvenir.
Actuellement, le délai moyen d’attente des demandes à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides – OFPRA – est de trois mois. Comme l’a relevé le Commissaire aux droits de l’homme au Conseil de l’Europe, les obstacles linguistiques et matériels auxquels se heurtent les demandeurs d’asile à leur arrivée sur le territoire, la nécessité de bénéficier d’un accompagnement juridique et social pour rédiger leur demande et les difficultés rencontrées par un certain nombre d’entre eux pour accéder aux plateformes d’accueil des demandeurs d’asile et aux centres d’accueil et d’examen des situations – CAES – rendent ce délai difficilement tenable. Un délai supérieur est souhaitable.
Cet article ne permet pas de garantir un traitement normal du dossier et une procédure équitable. Faute de moyens en personnel et de crédits suffisants, la situation ne s’améliorera pas. Plus largement, le projet de loi ne traite même pas des demandes d’asile en préfecture. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer cet article, qui se traduira par une dégradation de la situation.
La parole est à Mme Élise Fajgeles, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Comme je l’ai dit en première lecture, les difficultés et la longueur du délai pour accéder au guichet unique ne sont pas imputables au demandeur d’asile, qui peut repasser en procédure normale à tout moment, surtout lorsque la longueur du délai est due à des difficultés d’accès au GUDA – guichet unique pour demandeur d’asile. En tout état de cause, les moyens que vous demandez, Mme Karamanli, sont là. Dans la région parisienne par exemple, où des engorgements assez importants étaient constatés, une nouvelle méthode est appliquée depuis deux mois : une plateforme téléphonique permet de prendre rendez-vous auprès du guichet unique, et l’on est passé de trois semaines d’attente environ il y a deux mois à seulement quatre ou cinq jours aujourd’hui. Bref, les moyens arrivent et l’accès à la demande d’asile se fait beaucoup plus vite.
Quant aux associations, j’en ai encore rencontré une la semaine dernière à Marseille : ils m’ont dit qu’ils étaient critiques sur de nombreux aspects du texte, mais que plus vite les demandeurs d’asile entraient dans la demande, mieux c’était pour eux. Avis défavorable sur ces amendements.
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.
Nous avions déposé un amendement, en première lecture, car nous craignions que la procédure accélérée n’exclue, de fait, les personnes les plus fragiles, les moins informées, celles qui ont le plus besoin de protection. Si cette mesure est prise, et nous pensons qu’elle le sera, nous souhaiterions que l’administration s’adapte pour que ces personnes soient informées de leurs droits.
Je soutiens les amendements de M. Peu et de Mme Karamanli. Mon expérience m’amène à penser qu’un délai de 90 jours est trop court pour de très nombreux demandeurs d’asile. Une durée de 120 jours est plus raisonnable. Je crains que la réduction des délais n’augmente le nombre de procédures accélérées, souvent dangereuses, qui risquent de porter atteinte au bon examen des dossiers.
(Les amendements identiques nos 242 et 321 ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 430.
À l’heure de la transparence – ne riez pas ! – il faut souhaiter que les chiffres sur l’immigration soient les plus complets possibles, pour éviter que l’on crie au scandale en parlant de manipulation des chiffres ou de ce concept à la mode de « fausses informations », car cette menace entraîne une restriction de la liberté d’expression et muselle les débats. Demander des chiffres et des informations factuelles sur les demandeurs d’asile ou les apatrides, et plus précisément sur leur pays d’origine ainsi que sur les langues qu’ils utilisent, est primordial pour la liberté de parole et la qualité de l’information.
Pour cela, il faut que les rapports annuels de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides renseignent plus précisément les Français : c’est permettre à ces derniers d’être informés sur les vrais chiffres de l’immigration ; c’est accorder des sources d’informations réelles aux médias ; c’est donner aux hommes politiques l’opportunité de voter des politiques migratoires en connaissance de cause ; enfin, et ce n’est pas la moindre des raisons, c’est enrichir le débat public.
Cette mesure, qui nous vient du Sénat, est de bon sens et n’a rien de politiquement incorrect : au contraire, elle prône la transparence, et je sais que cela vous est cher. C’est la raison pour laquelle il faut voter cet amendement.
(L’amendement no 430, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 57.
(L’amendement no 57, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 307.
Nous avons abordé ce sujet hier. Cet amendement vise à améliorer la rédaction de cet article en la complétant. Nous proposons d’exclure, par principe, de la liste des pays sûrs au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA – des pays qui pratiquent des discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. La rédaction actuelle de l’article est insuffisante, puisqu’elle ne mentionne que l’orientation sexuelle.
Je partage votre préoccupation, mais nous avons déjà adopté un amendement en première lecture, et conservé un amendement du Sénat qui vise à inclure l’identité de genre. Votre amendement est donc satisfait par les articles 4 A et 5.
Je partage l’avis de Mme la rapporteure qui partage l’avis de Mme Karamanli, mais j’émets un avis défavorable.
(Sourires.)
(L’amendement no 307 n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 308.
Je suis très heureuse de cet esprit de partage, sauf qu’il ne se traduit pas dans les votes !
Je vais essayer de vous convaincre avec le cœur, alors. Nous proposons que les pays qui pénalisent l’interruption volontaire de grossesse ne soient pas considérés comme des pays sûrs. Vous ne pouvez qu’être d’accord avec nous, et donc accepter notre amendement.
Défavorable. Nous n’allons pas faire une liste à la Prévert : les personnes persécutées sont protégées.
(L’amendement no 308, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 309.
(L’amendement no 309, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Nadia Essayan, pour soutenir l’amendement no 221.
Cet amendement vise à obliger l’OFPRA à remettre à jour les fiches pays tous les six mois, afin de tenir compte de l’évolution de leur situation. L’actuelle rédaction, qui prévoit la mise à jour « régulière » n’étant pas assez contraignante, certaines fiches ne sont pas actualisées comme il le faudrait.
(L’amendement no 221, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 311 rectifié.
Les modalités de la communication de l’OFPRA avec les demandeurs d’asile méritent d’être entourées de garanties légales, destinées à assurer la bonne information de ces derniers. Il importe à cet égard de préciser que les demandeurs disposent de la faculté de choisir le ou les moyens de communication les mieux adaptés à leur situation personnelle. La possibilité de choisir le mode de communication est la meilleure garantie d’une bonne information des demandeurs et donc de l’effectivité de leur droit. C’est en ce sens que cet amendement cherche à améliorer la rédaction de l’alinéa 4 de l’article 5.
Nous avions déjà bien travaillé en première lecture en commission pour améliorer la garantie du mode de communication. Avis défavorable.
La notion de « pays sûr » nous laisse dubitatifs compte tenu de l’évolution souvent très rapide de la situation géopolitique. Nous souhaiterions un suivi et une révision régulière de la définition et de la liste de ces pays.
(L’amendement no 311 rectifié n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 313.
Cet amendement concerne les alinéas 5 à 7. L’application des procédures accélérées apparaît manifestement incompatible avec la possibilité pour les demandeurs d’asile de préparer leur demande dans des conditions raisonnables. Pour rappel, les procédures accélérées conduisent à un traitement superficiel par l’OFPRA, et en cas de recours devant la CNDA l’audience doit se tenir dans les cinq semaines, contre cinq mois dans le cadre d’une procédure normale. De plus, le recours est examiné par un juge unique.
(L’amendement no 313, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l’amendement no 243.
L’article L. 723-2 du CESEDA prévoit les hypothèses dans lesquelles l’OFPRA ou le préfet peuvent décider de classer les demandes d’asile en procédure accélérée. Dix cas sont prévus, qui sont définis largement et d’appréciation subjective, ce qui en pratique permet le recours à la procédure accélérée dans de très nombreuses situations. Or la procédure accélérée offre de moindres garanties aux demandeurs d’asile. En procédure accélérée, l’OFPRA a quinze jours pour statuer après enregistrement du dossier, et la CNDA, cinq semaines après enregistrement du recours. Et dans ce cas, l’affaire est jugée par un juge unique et non par une formation collégiale, ce qui conduit à écarter l’assesseur nommé par le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, alors même que sa présence constitue un élément fondateur du dispositif français d’asile.
La multiplication des dossiers soumis à la procédure accélérée témoigne d’une logique comptable de l’asile, qui fait primer le raccourcissement des délais de jugement sur la qualité de l’instruction des demandes et des décisions rendues. Cette logique engendre des dérives dans le fonctionnement de la CNDA et pour le droit des demandeurs d’asile. Aussi, au regard des garanties réduites qu’offre la procédure accélérée, nous considérons qu’elle devrait rester exceptionnelle. C’est pourquoi nous proposons de limiter les recours à la procédure accélérée aux seuls cas de fraude sur l’identité, de demande manifestement infondée, telle que définie par le Comité exécutif du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, et de demande d’asile en rétention.
En plus des cas que vous avez cités, il y a aussi les demandes de réexamen ou liées à la liste des pays sûrs ! Il est important que ces dossiers puissent également faire l’objet d’une procédure accélérée. Avis défavorable.
(L’amendement no 243, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 310.
(L’amendement no 310, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 317.
L’amendement propose de transposer une disposition de l’article 14 de la directive « procédures », qui garantit qu’une absence d’entretien pour raison médicale n’influe pas dans un sens défavorable sur la décision de l’ Office. Il nous semble important que les raisons médicales soient prises en compte.
C’est déjà le cas : lorsque la non-présentation à l’entretien est due à des raisons médicales, l’OFPRA en tient compte. Avis défavorable.
(L’amendement no 317, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Aina Kuric, pour soutenir l’amendement no 402.
Par cet amendement, nous proposons de maintenir à 120 jours le délai de dépôt de demande d’asile permettant d’accéder à la procédure normale. Avec ce délai, le primo-arrivant en France rencontre déjà de nombreuses difficultés dans l’élaboration de sa demande d’asile. Il n’est pas toujours suffisamment informé des différentes démarches qu’il doit entreprendre pour bénéficier d’une protection internationale. L’obtention de ces informations peut prendre du temps, notamment lorsqu’il n’est pas francophone et qu’il est confronté à la barrière de la langue.
Il faut rappeler que les primo-arrivants font souvent état de nombreux traumatismes liés tant à leur histoire qu’aux moyens déployés pour arriver en France. Ainsi, ils peuvent mettre plusieurs semaines avant de se présenter dans une plateforme d’accueil. Réduire ce délai à 90 jours ne ferait qu’accentuer les difficultés rencontrées par les primo-arrivants, et ne permettrait pas aux demandeurs d’asile d’exercer correctement leurs droits. C’est pourquoi cet amendement propose la suppression de l’alinéa 6 de l’article 5.
Je vous rappelle qu’à partir du moment où on est demandeur d’asile, on bénéficie des conditions matérielles d’accueil et d’un suivi par des associations. Avis défavorable.
(L’amendement no 402, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 315.
(L’amendement no 315, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Je suis saisi de trois amendements, nos 216, 119 et 447, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l’amendement no 216.
Il apparaît aujourd’hui très clairement, y compris au Gouvernement, que le droit d’asile est dévoyé et utilisé comme une filière d’immigration clandestine. Ainsi, tout doit être fait pour lui redonner sa place, je dirais même sa noblesse. Évidemment, nous préférons, comme des millions de Français, qu’un étranger entré illégalement en France soit immédiatement expulsé. En attendant, notre amendement propose de baisser davantage le délai à partir duquel l’administration peut recourir à la procédure accélérée d’examen de la demande d’asile.
Demander l’asile dans un pays n’est pas une démarche anodine et ne se fait pas sur un coup de tête. Si, 20 jours après son arrivée clandestine, un étranger n’a pas demandé l’asile, surtout avec les dispositifs incitatifs mis en place par les associations pro-immigration, c’est clairement un détournement de la procédure. La France s’est toujours fait un devoir d’accueillir ceux qui sont réellement persécutés dans leur pays d’origine, mais comme le disait Michel Rocard, elle ne peut accueillir toute la misère du monde.
Michel Rocard ajoutait : mais elle doit en prendre sa part !
La France est en voie de paupérisation. Charité bien ordonnée commence par soi-même : tâchons déjà d’apporter aux Français en difficulté, de plus en plus nombreux, l’aide dont ils ont besoin avant de vouloir jouer les bons samaritains dans le monde entier.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 119.
Cet amendement vise à réduire de 90 à 30 jours le délai au cours duquel une demande d’asile doit être déposée. On assiste aujourd’hui à des détournements de procédure de plus en plus fréquents, où des personnes en situation irrégulière sont autorisées à se prévaloir du fait qu’elles pourraient demander l’asile dans notre pays alors qu’elles s’y trouvent parfois depuis presque 90 jours – ce qui est la durée maximale prévue dans le texte. Nous proposons de limiter cette durée à 30 jours pour éviter le détournement des procédures.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 447.
Comme en première lecture, nous revenons sur l’une des mesures phares de la réforme. On nous affirme, la main sur le cœur, qu’on veut maîtriser les délais d’instruction et dissuader les demandes pouvant apparaître comme étrangères à un besoin de protection. Pour cela, le Gouvernement veut réduire les délais d’instruction des dossiers des demandeurs d’asile, pour les faire passer de 120 à 90 jours.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire en première lecture, cette mesure est positive et va dans le bon sens, mais elle manque d’audace. Une personne qui ne demande pas rapidement à bénéficier du droit d’asile n’envoie pas un signal positif pour entrer dans une procédure légale. Certains, au Sénat comme à l’Assemblée, estiment que la réduction des délais d’instruction constitue une atteinte directe aux droits de l’homme et qu’elle ferait tomber l’examen de la demande d’asile sous le régime de la procédure accélérée. Je crois au contraire que la réduction du délai de traitement des dossiers protège les droits fondamentaux des demandeurs d’asile.
Cette mesure est non seulement respectueuse des personnes qui demandent l’asile, qui méritent d’avoir une réponse rapide, mais aussi de nature à envoyer un signal fort aux Français, dont 57 % ne veulent plus financer l’immigration massive. Il faut donc réduire ce délai encore davantage et passer à 60 jours.
Le signal fort aux Français, c’est d’avoir une position équilibrée, tenant compte de la difficulté de la situation des demandeurs d’asile comme de la nécessité d’accélérer les procédures. Pour cela, 90 jours représentent un bon compromis. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.
(Les amendements nos 216, 119 et 447, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 314.
(L’amendement no 314, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 245 et 316, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 245.
Hier soir, Mme la rapporteure et M. le ministre d’État nous ont expliqué qu’on avait affaire à un texte majeur qu’il fallait examiner au plus vite, si bien que la commission d’enquête pouvait attendre, voire prendre fin conformément à la volonté de l’Élysée et de la majorité. Je constate pourtant ce matin que l’examen de ce texte est très pauvre, tant en matière de mobilisation des députés que de débat puisque le ministre d’État et la rapporteure estiment visiblement qu’il suffit d’exprimer un avis défavorable sans avoir à le justifier.
L’amendement no 245 reprend une préconisation de l’association des avocats du droit d’asile et vise à interdire le recours à la procédure accélérée pour les mineurs non accompagnés. Alors qu’ils sont extrêmement vulnérables, qu’ils doivent être protégés au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, aucune garantie procédurale particulière n’est prévue dans le traitement de leurs demandes d’asile par l’OFPRA et la CNDA.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 316.
Cet amendement pose l’interdiction des procédures accélérées pour le traitement des demandes de mineurs comme un principe auquel on ne peut déroger. En prévoyant que la procédure ne peut être mise en œuvre à leur égard, la loi aurait le mérite d’être claire. C’est pourquoi nous souhaitons insérer un alinéa après l’alinéa 6.
Madame Faucillon, je ne sais pas si vous venez d’arriver, mais je me lève régulièrement depuis ce matin pour donner mon avis sur tous les amendements.
J’étais là avant vous, madame la rapporteure !
Néanmoins ce sera un avis défavorable puisque la vulnérabilité du demandeur d’asile est déjà prise en compte par l’OFPRA et la CNDA, qui peuvent décider de replacer le dossier en procédure normale. Or la minorité fait évidemment partie des critères de vulnérabilité.
Je suis toujours Mme la rapporteure, donc je vais moi aussi me lever pour donner un avis défavorable. J’ai fait hier un long exposé liminaire. Peut-être Mme Faucillon n’a-t-elle pas pu l’entendre dans son intégralité…
Ne faites pas trop de provocation, monsieur le ministre d’État !
…mais j’y avais traité l’ensemble des arguments. Avis défavorable.
(Les amendements nos 245 et 316, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 318.
Je rappelle que les règles de notre assemblée et la simple politesse exigent que les orateurs se lèvent. Mme la rapporteure le fait depuis hier, et c’est bien normal.
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Eh oui, chers collègues : lisez donc le règlement !
Mais la remarque de nos collègues du groupe GDR allait bien au-delà : ce qu’ils demandent, c’est qu’on leur réponde sur le fond, de façon plus précise.
Cet amendement vise à modifier l’alinéa 7 de l’article 5, afin de prévoir la consultation, par l’OFPRA, des associations luttant contre les persécutions et les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou les pratiques sexuelles. Ces associations disposent en effet d’informations pertinentes et régulièrement actualisées sur l’état des droits des personnes LGBT. Elles sont donc en mesure d’éclairer l’OFPRA et la CNDA le cas échéant.
Les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre font déjà partie des formations dispensées aux agents de l’OFPRA. Votre demande est donc déjà satisfaite. Avis défavorable.
Nous avons déjà longuement discuté de cette question lors de la première lecture. Avis défavorable.
(L’amendement no 318 n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 312.
Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’alinéa 9, afin que les demandeurs puissent choisir le ou les moyens de communication les mieux adaptés à leur situation personnelle. La possibilité de choisir le mode de communication est en effet la meilleure garantie d’une bonne information des demandeurs, et donc de l’effectivité de leurs droits.
Nous avons déjà travaillé en première lecture à garantir la qualité de la transmission de toutes les communications de l’OFPRA au demandeur d’asile. L’avis de la commission est donc défavorable.
(L’amendement no 312, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 319.
Nous insistons, par cet amendement, sur le libre choix de la langue dans laquelle le demandeur pourra être entendu : l’effectivité du droit d’asile en dépend. Dans bien des cas, lors de leur enregistrement en préfecture, les demandeurs d’asile déclarent comprendre une langue dans laquelle ils ne sont pourtant pas très à l’aise, simplement pour manifester leurs bonnes dispositions et leur volonté de s’intégrer. Ainsi ont-ils ensuite des difficultés de compréhension.
Les dispositions du projet loi permettront de former les agents de préfecture à mieux présenter le choix des langues. J’ai beaucoup discuté à ce sujet, et encore dans un CAES à Marseille récemment : il apparaît qu’il n’est pas toujours nécessaire que la procédure ait lieu dans le dialecte particulier du demandeur pour que celui-ci se fasse comprendre. Avis défavorable.
(L’amendement no 319, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Nadia Essayan, pour soutenir l’amendement no 222.
Cet amendement porte lui aussi sur la question du choix de la langue. L’article 7 du projet de loi prévoit que le demandeur d’asile est entendu tout au long de la procédure dans la langue pour laquelle il a manifesté une préférence lors de l’enregistrement de sa demande ou, à défaut, dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante, celle-ci pouvant être identifiée par l’OFPRA ou la CNDA.
Le choix de la langue employée pour toute la procédure est donc fixé lors de l’enregistrement de la demande d’asile, au guichet de la préfecture, lors d’un bref entretien au cours duquel est remis à l’étranger le dossier à envoyer à l’OFPRA. Ce choix ne peut être contesté que lors du recours devant la CNDA. Or, lors de cet entretien en préfecture, le demandeur d’asile n’est pas assisté : à défaut d’interprète, il peut ne pas saisir tous les termes de la question ni sa portée réelle.
Le projet de loi ne garantit ainsi pas l’accès effectif du demandeur à la procédure en cas de choix de la langue par l’administration, car le critère de « connaissance suffisante » de la langue, tel qu’il est défini par le projet de loi, ne permet pas de s’assurer que le demandeur comprend et s’exprime clairement dans cette langue.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
(L’amendement no 222, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 14.
Alors que selon l’OFPRA plus de 80 % des entretiens avec les demandeurs d’asile se déroulent en présence d’un interprète, il convient de s’assurer que leur présence est indispensable et que leur neutralité est acquise. C’est pourquoi je demande, par cet amendement, à l’administration de s’assurer des intentions de ces traducteurs. Pour cela, il convient de lui conférer un droit de regard sur leurs prestations dans les officines qui les emploient.
Cette mesure de contrôle est primordiale, à l’heure où nos voisins italiens ont eu à souffrir de traducteurs au service du gouvernement érythréen d’Asmara. Il est nécessaire que ces entretiens, qui déboucheront éventuellement sur la délivrance d’un titre de séjour, se déroulent de façon neutre et objective. Elle est importante également pour la sécurité des Français : il ne faut pas laisser séjourner sur notre territoire des individus sur la base de propos fallacieux. C’est enfin une mesure primordiale pour la souveraineté de nos institutions.
Je ne partage pas votre suspicion à l’égard des traducteurs et des agents de l’OFPRA. Avis défavorable.
Il ne s’agit pas de suspicion, mais de réalisme !
(L’amendement no 14, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 15 et 427.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 15.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 427.
(Les amendements identiques nos 15 et 427, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 56.
Cet amendement s’inscrit dans la lignée de ceux que j’ai déposés pour lutter contre les associations dont les membres agissent impunément au mépris de la loi. Il est certes nécessaire que les personnes handicapées soient accompagnées, mais il est indispensable que l’OFPRA s’assure du sérieux des associations concernées. Compte tenu des exactions commises par certaines associations militantes, nous demandons que l’OFPRA s’assure de la neutralité politique des structures auxquelles elle fait appel.
Je vous encourage à aller à l’OFPRA, à rencontrer son directeur général, Pascal Brice, et à assister aux entretiens réalisés. Il faut leur faire une parfaite confiance. Avis défavorable.
(L’amendement no 56, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 320.
(L’amendement no 320, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l’amendement no 262.
(L’amendement no 262, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 58.
Aux termes de cet amendement, si le demandeur ne souhaite pas être accueilli sur le territoire français, l’OFPRA est tenu, de manière impérative, de statuer sur son cas. Compte tenu des flux migratoires massifs qui assaillent la France, il faut prendre toutes les mesures nécessaires, lorsqu’un demandeur ne souhaite pas demeurer sur le territoire national, pour qu’en effet il n’y demeure pas. En laissant ouverte cette possibilité, vous encouragez l’administration à ne pas statuer sur ces cas. Rendre cette décision impérative permettrait de clarifier la mission de l’OFPRA comme la situation des personnes en situation irrégulière.
(L’amendement no 58, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 322.
(L’amendement no 322, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 5 est adopté.)
bis
A.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 51 et 133, tendant à supprimer l’article.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 51.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 133.
Dans le climat européen actuel, nous craignons que cet article n’ouvre une brèche dans le droit français, qui permettrait, à terme, l’externalisation totale de l’asile. Nous demandons donc sa suppression.
Cet article a été ajouté au Sénat pour consacrer la procédure de réinstallation, qui permet au contraire à l’OFPRA de traiter les demandes d’asile directement dans les camps gérés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés – HCR – de manière à éviter que les demandeurs d’asile ne se lancent dans des traversées au péril de leur vie, en se livrant aux mains des passeurs. Cette disposition est vraiment très importante. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
Je précise que dans le cadre de la politique équilibrée que nous voulons mener, nous avons procédé, au cours des derniers mois, à un certain nombre de réinstallations, afin que ces personnes n’aient pas à affronter la dangereuse traversée de la mer Méditerranée ou d’autres parcours éprouvants. Avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 51 et 133 ne sont pas adoptés.)
(L’article 5 bis est adopté.)
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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 263 et 448, tendant à le rétablir.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l’amendement no 263.
Cet amendement vise à rétablir un article ajouté par le Sénat, qui tendait à préciser que les demandeurs d’asile à qui une protection est accordée doivent reconnaître la primauté des lois de la République.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 448.
Effectivement, l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire doit être regardé comme faisant partie d’un contrat moral et philosophique avec la France. La Franc permet à des étrangers de régulariser leur venue. Ce faisant, l’État leur témoigne sa confiance. Cette confiance ne doit pas être à sens unique, elle doit aussi être honorée par la personne ayant demandé l’asile.
Les personnes qui reçoivent des papiers doivent manifester leur envie de s’intégrer et leur reconnaissance à la France qui les accueille, et donner l’assurance qu’ils respecteront nos us et coutumes. Cette forme de contrat entre la France et les réfugiés qu’elle accueille, qui paraît évidente, ne peut plus être tacite. Cela va sans dire, mais cela ira encore mieux en le disant. C’est pourquoi nous proposons d’inscrire dans notre droit que « Après l’octroi du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, l’intéressé doit signer une charte par laquelle il s’engage à reconnaître et à respecter la primauté des lois et des valeurs de la République parmi lesquelles la liberté, l’égalité, dont celle des hommes et des femmes, la fraternité et la laïcité. »
Cette disposition, adoptée par le Sénat, engage chaque réfugié à s’investir sincèrement, et ce dès sa régularisation. Il s’agit tout simplement de poser des règles, de définir un cadre, de demander aux réfugiés de s’impliquer dans leur intégration. Si 60 % des Français estiment que la France accueille trop de migrants, c’est bien parce qu’une grande partie des personnes que nous accueillons n’arrivent pas à s’intégrer, ou parfois ne le veulent pas.
Les étrangers qui arrivent sur notre territoire doivent déjà signer le contrat d’intégration républicaine, qui est bien plus complet et bien plus contraignant que votre charte, d’autant qu’il a été complété par un amendement du Gouvernement en première lecture. Par ailleurs, les mesures reprises du rapport d’Aurélien Taché permettront de parfaire l’intégration des réfugiés.
Pour finir, nous n’avons pas à demander aux réfugiés de s’intégrer, mais à les aider à le faire. L’avis de la commission est donc défavorable.
J’ajoute que la notion de « réfugiés » concerne 30 000 personnes par an, et le contrat d’intégration républicaine 120 000. Avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 263 et 448 ne sont pas adoptés et l’article demeure supprimé.)
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l’amendement no 247, tendant à supprimer l’article.
Au préalable, je voudrais vous dire, madame la rapporteure, que vous n’aviez pas à apostropher Mme Faucillon comme vous l’avez fait tout à l’heure…
Apostropher les députés, c’est la spécialité de Mme la rapporteure !
…simplement parce qu’elle demandait des arguments à l’appui des avis que vous donnez à nos amendements. Si certains sont fébriles, ce n’est pas de notre faute.
Nous proposons, par cet amendement, de supprimer l’article 6, pour trois raisons.
Premièrement, nous nous opposons à l’élargissement de la procédure accélérée. Ce projet de loi prévoit que les dossiers de cessation de protection pour un motif de menace grave pour l’ordre public, la securite publique, la surete de l’Etat ou pour un motif d’exclusion seront desormais places en procedure acceleree, avec un objectif de traitement en cinq semaines, et qu’ils seront examines par un juge unique a la CNDA. Or, comme le souligne l’intersyndicale de la CNDA, ces dossiers sont parmi les plus complexes que la cour ait a traiter, du fait de leur caractère sensible et technique. Ils necessitent une instruction particulierement rigoureuse et approfondie eu egard aux consequences qu’une decision de rejet ou d’annulation pourrait entrainer.
Dans la pratique, ces dossiers presentant une difficulte serieuse seront reorientes systematiquement en procedure normale par le juge unique, afin qu’ils soient juges par une formation collegiale, comme le permet le code de l’entree et du sejour des etrangers et du droit d’asile. Ainsi, au lieu de raccourcir les délais de jugement, cet élargissement inadapté de la procédure accélérée ne ferait que les rallonger en imposant à ces dossiers complexes un détour inutile devant un juge statuant seul.
Deuxièmement, nous nous opposons à la généralisation du recours à la vidéo-audience. L’article 6 supprime le caractère facultatif de la visioconférence et l’impose au justiciable. Comme le souligne l’intersyndicale de la CNDA, le recours a la vidéo-audience déshumanise le rapport entre le juge et les parties. Il est d’autant plus inadapté au contentieux de l’asile que l’oralité en est une composante essentielle. Or les difficultés du demandeur d’asile pour raconter son parcours, souvent dramatique, dans les moindres détails seront encore accrues devant une caméra.
Je termine, monsieur le président. Troisièmement, nous nous opposons à l’instauration d’un délai de quinze jours pour solliciter l’aide juridictionnelle. En nouvelle lecture, la commission des lois à certes conservé le délai de trente jours pour le recours contentieux devant la CNDA, mais a fixé le délai de demande d’aide juridictionnelle à quinze jours suivant la notification de la décision de l’OFPRA. Or l’article 6 modifié par la rapporteure supprime la possibilité, qui existait, de solliciter l’aide juridictionnelle au-delà d’un délai de quinze jours. Sous couvert de maintenir un délai de recours d’un mois, il s’agit en fait de limiter les délais de demande d’aide juridictionnelle.
Merci, monsieur Dufrègne, j’ai accepté à titre exceptionnel ce dépassement de votre temps de parole.
Quel est l’avis de la commission ?
S’agissant de la procédure accélérée pour les personnes présentant une menace grave pour l’ordre public, il me semble que la demande d’asile doit être instruite, évidemment, mais le plus rapidement possible eu égard à la gravité de cette menace pour la sécurité de nos concitoyens. Quant au délai de quinze jours pour demander l’aide juridictionnelle, il a semblé à la commission que c’était un bon compromis pour maintenir le droit au recours tout en gagnant du temps. Je rappelle en effet que c’est un des objectifs du projet de loi que de réduire les délais de traitement de la demande d’asile : c’est une question de dignité. Le recours à la vidéo-audience constitue lui aussi une manière plus rapide et plus efficace d’administrer la justice. Lors de nos auditions, des avocats nous ont dit qu’il était tout à fait possible de procéder par vidéo-audience tout en respectant la dignité des demandeurs et les droits de la défense. L’avis est donc défavorable.
L’article 6 est peut-être l’un de ceux où le travail entre le Gouvernement et la commission a été le plus intense. J’ai entendu ses arguments et, tout en réduisant le délai de demande de l’aide juridictionnelle, nous sommes restés dans les délais que nous nous sommes impartis. Je crois donc que cette rédaction est satisfaisante pour le Gouvernement comme pour la commission. C’est un exemple de coopération entre le Gouvernement et le Parlement.
(L’amendement no 247 n’est pas adopté.)
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l’amendement no 105.
Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale en rétablissant le délai de quinze jours au lieu d’un mois pour le recours contre la décision de rejet de l’OFPRA.
Je vous propose, mon cher collègue, de conserver cet ajout du groupe Les Républicains au Sénat, qui me semble très bon. Avis défavorable.
(L’amendement no 105, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 323.
Cet amendement, comme le prochain défendu par notre groupe, vise à supprimer les dispositions imposant la visioconférence pour les audiences car elle est préjudiciable aux droits de la défense. En effet, dans tous les cas, l’avocat perdra soit le bénéfice d’une présence à l’audience, soit celui d’être aux côtés du requérant. Dans tous les cas également, ces moyens de communication audiovisuelle présentent des défauts techniques peu compatibles avec l’exigence d’un procès équitable.
Madame la rapporteure, vous avez dit en commission qu’il s’agissait simplement de s’adapter à la justice du XXIe siècle et d’accélérer les procédures, à condition évidemment que toutes les conditions techniques soient réunies. Mais que pèsent l’accélération des procédures et la réduction des coûts face à la nécessité de préserver les droits de l’homme ? Un de nos collègues de la commission des lois a insisté sur le fait qu’on ne voit pas de la même manière les gens quand on les regarde directement ou à travers un écran. Il s’agit tout de même de statuer sur le destin d’hommes et de femmes qui de surcroît, le plus souvent, ont eu un parcours très difficile et ont vécu une histoire tragique.
La vidéo-audience n’est pas motivée seulement par des économies d’argent et de temps, mais aussi par le respect de la dignité des demandeurs, notamment lorsqu’ils sont placés en rétention, parce que cela leur évite de longs déplacements sous escorte. Je vous rappelle, ma chère collègue, que le magistrat pourra à tout moment décider de ne pas faire appel à la vidéo-audience s’il considère que les conditions techniques ne sont pas réunies. J’ai moi-même assisté à une vidéo-audience à la CNDA et j’ai vu que lorsqu’elles le sont, il y a un vrai échange entre la cour et la personne entendue. Avis défavorable.
Comme vous dites : lorsque les conditions techniques sont réunies !
(L’amendement no 323, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Nadia Essayan, pour soutenir l’amendement no 223.
Je sais que cela peut paraître répétitif, mais nous sommes tout de même en train de déterminer les conditions dans lesquelles les personnes vont pouvoir formuler leur demande d’asile pour les années à venir.
Je sais que la visioconférence existe déjà en procédure pénale pour éviter le transfert de personnes incarcérées, mais elle n’est appliquée qu’avec le consentement du justiciable, ce que le projet de loi supprime en l’espèce.
Par ailleurs, la visioconférence rompt l’unité de temps et de lieu qui caractérise tout procès, faisant écran entre le magistrat et le justiciable et limitant l’interaction entre eux. Elle déshumanise donc la relation judiciaire, réduisant l’épaisseur humaine du témoignage.
Je ne dis pas qu’il faut renoncer à la visioconférence, mais qu’elle doit être laissée au libre choix du justiciable. Et puis il y a aussi des problèmes pratiques qui, loin de réduire les coûts, contribuent à les augmenter.
C’est pourquoi, en l’absence d’abrogation de l’article, cet amendement propose de préciser la procédure : d’une part, il subordonne la visioconférence au consentement du justiciable, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; d’autre part, il vise à garantir les bonnes conditions matérielles de la procédure et à assurer le libre choix de la place de l’avocat et de l’interprète.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a validé en 2011 le recours à la vidéo-audience.
(L’amendement no 223, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 60.
L’alinéa 8 entend subordonner le droit ouvert aux intéressés de présenter leurs explications à la cour via un moyen de communication audiovisuelle au respect des conditions prévues par le même alinéa. Pourtant, il est également mentionné que c’est au président de la juridiction concernée qu’il incombe de décider s’ils le peuvent.
Intégrer cet alinéa dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile reviendrait à instaurer une double conditionnalité contradictoire. En effet, il suffirait que le président prenne une décision, positive ou négative, pour que les conditions prévues à l’alinéa soient respectées. En d’autres termes, les intéressés pourraient présenter leurs explications si les conditions sont réunies et alors même que le président s’y serait opposé. Au vu de cette contradiction, je demande que l’alinéa 8 soit supprimé.
(L’amendement no 60, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l’amendement no 288.
Dans sa rédaction issue du projet de loi, les dispositions du CESEDA privilégient théoriquement la présence de l’interprète aux côtés de l’étranger, mais ne la rendent pas obligatoire dans le cas d’une audition par visioconférence. Je rappelle que l’interprète traduit les éléments du dossier, les questions de la cour et les réponses que le requérant apporte ; enfin et surtout, l’interprète permet aussi au requérant de s’entretenir avec son avocat qui, le plus souvent, ne connaît pas la langue de son client. Or les échanges entre l’étranger et son conseil ne peuvent être confidentiels s’ils doivent s’exercer par l’intermédiaire d’un interprète qui se trouve loin d’eux, aux côtés du juge. C’est donc la confidentialité des rapports entre l’avocat et son client, l’une des bases du procès équitable, qui se trouve remise en cause. Le présent amendement a pour objet de garantir ce principe.
Madame Vichnievsky, nous en avons déjà parlé : il est impossible d’avoir recours à un interprète dans toutes les langues, y compris les plus rares. Le recours à l’interprète par téléphone existe déjà. L’avis est donc défavorable.
Madame Vichnievsky, l’administration a eu affaire dans plusieurs régions à des demandeurs d’asile parlant le konso – qui compte 195 000 locuteurs dans le monde ! Vous comprenez qu’il ne pourra s’en trouver forcément un auprès du requérant. En revanche, on peut peut-être trouver un interprète à la CNDA.
Monsieur le ministre, j’entends votre réponse, mais cela signifie qu’en pratique, on ne trouvera les interprètes qu’en Île-de-France, auprès de la CNDA. Le risque est que peu à peu, il n’y ait plus d’interprète aux côtés du requérant.
(L’amendement no 288 n’est pas adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 134, 324, 408 et 457.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 134.
L’alinéa 12 de l’article 6 constitue un recul intolérable des droits fondamentaux des requérants devant la Cour nationale du droit d’asile. En effet, vous souhaitez systématiser le recours à la télé-audience. Imaginez la scène : le demandeur d’asile , qui, au nom du droit international, requiert une protection contre des persécutions , va se retrouver seul, ou accompagné de son interprète et de son avocat, face à son écran, tandis que la cour en formation de jugement siégera dans la salle d’audience, très loin. Si l’avocat se trouve aux côtés de son client et qu’il souhaite transmettre un document à la cour, comment fera-t-il ? Dans une audience habituelle, où tous les intéressés sont présents physiquement, le document est transmis au greffe et examiné directement.
Par ailleurs, une audience n’est pas un entretien d’embauche : c’est une vie tout entière qui se joue. On ne peut pas juger quand une machine s’interpose entre le juge et le requérant. C’est une atteinte grave au droit constitutionnel à un procès juste et équitable. Mes chers collègues, je vous demande de faire preuve d’un peu d’humanité en votant cet amendement, à savoir la suppression de l’alinéa 12.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 324.
Il s’agit d’offrir la possibilité au requérant de refuser la visioconférence, notamment lorsque les raisons qui motivent la demande d’asile sont délicates à exprimer – on peut penser aux violences ou aux sévices sexuels. En effet, la communication audiovisuelle peut évidemment avoir pour effet d’inhiber l’intéressé.
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l’amendement no 408.
L’idée n’est pas d’interdire purement et simplement la vidéo-audience : si la personne le souhaite ou l’accepte, pourquoi ne pas y recourir ? Mais je pense qu’il faut lui donner la possibilité de la refuser, compte tenu de la différence entre une image vidéo et la présence humaine réelle.
Vous savez, lorsqu’on fait un film, on n’utilise pas qu’une seule caméra posée devant quelqu’un : il y a plusieurs prises de vues, et un montage. Cela permet de saisir des détails qui donnent l’impression de sentiments, même si cela reste des impressions. Alors imaginez une personne immobile devant son écran, une caméra fixe, et un juge qui ne dispose que de cette image, qui ne voit rien de la gestuelle par exemple : cela peut rendre la perception plus difficile.
Je ne suis pas favorable à l’interdiction de la vidéo-audience, mais à ce que le requérant puisse, à chaque fois, décider ou non de son utilisation. Je souhaite par conséquent la suppression de l’alinéa 12.
La parole est à Mme Nadia Essayan, pour soutenir l’amendement no 457.
Cet amendement vise à maintenir la possibilité pour le demandeur du droit d’asile de refuser d’être entendu par la CNDA via un moyen de communication audiovisuelle.
Je ne sais pas, chers collègues, si vous avez déjà assisté à une audience devant la CNDA : le demandeur d’asile sait, surtout en deuxième appel, qu’il s’agit de son dernier recours. J’ai assisté pour ma part à plusieurs de ces audiences. Elles peuvent être extrêmement rapides, ou alors longues, ce qui ne signifie pas pour autant que l’issue en soit favorable. La tension y est généralement très forte. Les visages sont fermés, et il n’y a pas d’empathie.
Pour y avoir assisté plusieurs fois, je peux vous assurer que ces séances sont extrêmement dures.
Alors que je n’étais moi-même pas concernée, puisque j’accompagnais des personnes, je me suis sentie extrêmement fatiguée à la fin de la session. Dans ces conditions, dites-moi comment il serait possible d’entendre les requérants par vidéo-conférence !
Si la personne est d’accord, je veux bien. Mais donnez-lui la possibilité de ne pas l’être ! Ce n’est pas possible autrement !
Pour ma part, je ne pense pas que de telles audiences puissent se faire avec la vidéo-conférence : il faut absolument que la personne concernée soit physiquement présente. C’est déjà suffisamment dur comme ça. Et vous connaissez en outre le taux d’acceptation, au terme de ces séances ! Donnez au moins aux personnes la possibilité d’être présentes et de se défendre personnellement !
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, UDI-Agir, NG et GDR.)
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?
Comme je l’ai déjà dit, j’ai moi-même assisté à des vidéo-audiences : il me semble que le contact peut également passer dans ce cas. Certains de nos collègues qui sont avocats disent même que parfois, la dignité est mieux respectée avec la vidéo qu’en direct, parce que c’est moins impressionnant.
Par conséquent, ce principe doit être appliqué à tout le monde. Avis défavorable.
Le dispositif que vous évoquez ne méconnaît tout d’abord aucune exigence constitutionnelle. Il est entouré de toutes les garanties légales et matérielles, que nous avons tenu à préciser. Il permettra un traitement délocalisé et plus rapide des recours, tout en pouvant constituer une facilité pour le requérant qui n’aura pas à se déplacer à la Cour. Avis défavorable.
Je comprends bien les arguments de la rapporteure et du ministre d’État. Il est certain que les nouvelles technologies peuvent favoriser l’efficacité, et même la rentabilité, d’un certain nombre de procédures. Néanmoins il me semble que nous avons fait le choix, dans cette République, d’une justice humaine. Cela implique que les procédures ne soient pas entièrement écrites, et appelle l’oralité des débats.
C’est la raison pour laquelle nous avons des audiences de justice, dans ce pays, même si elles sont formelles dans le cadre de la justice administrative : cela permet d’amener les arguments grâce à l’oralité, à travers le contact humain.
Il me semble, pour avoir siégé sur les bancs de la magistrature administrative, que la visioconférence n’apporte pas ce contact humain, c’est-à-dire la capacité à lire aussi sur le visage des autres une certaine expression qui peut parfois être l’expression de la vérité.
Or ce que nous recherchons, mes chers collègues, dans ce type d’audiences, c’est bien la manifestation de la vérité. À mon sens, celle-ci doit se faire, et continuer de se faire, à travers le contact humain.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et GDR.)
La parole est à M. Fabien Di Filippo pour répondre à la commission et au Gouvernement.
À titre personnel, je ne suis pas du tout favorable à ces amendements. J’ose espérer que, pour nos magistrats, la manifestation de la vérité ne repose pas uniquement sur de la communication non verbale. Les technologies qui sont aujourd’hui à notre disposition, que j’ai pu voir à l’œuvre, nous permettent d’échanger de fort belle manière.
Par ailleurs, dans un certain nombre de cas, l’on ne demande pas leur avis aux justiciables de notre pays : ils sont entendus, depuis les locaux de la gendarmerie par exemple, par téléconférence.
Aujourd’hui, la problématique est également celle du coût : il faut mobiliser des policiers pour le transport et le procès, ce qui a un coût considérable. Or, vu les flux migratoires, il y aura sans doute davantage de procédures de ce type dans les années à venir.
Il n’y a pas de raison que notre pays consacre davantage de moyens à la justice des étrangers en France qu’à la justice des Français. Ce doit être la même justice pour tout le monde et à ce titre, les vidéo-audiences me semblent parfaitement acceptables. N’oubliez pas, chers collègues, que dans certains cas, comme dans ma circonscription par exemple, l’on mobilise des policiers pendant plusieurs heures pour de très longs trajets, aller et retour. Cela fait perdre énormément de temps.
Monsieur le président, il n’a pas été inutile que M. Di Filippo rappelle que le respect des droits demande parfois, effectivement, des moyens.
(MM. Jean-Paul Dufrègne, Erwan Balanant et Olivier Becht applaudissent.)

C’est bien de cela qu’il est question ici : dans le but de réduire les coûts, on poursuit une logique qui ne respecte pas les droits et qui rabote le droit d’asile.

Tout ce qu’on nous oppose, comme arguments, vise à expliquer que le recours à la vidéo-audience peut constituer une facilité et que les choses peuvent bien se passer. Mais à aucun moment les auteurs des amendements n’ont dit le contraire !

Bien sûr qu’à certains moments, et à la demande d’ailleurs du requérant, il est possible que la vidéo-audience soit utile. Il y a parfois des situations qui l’exigent, par exemple lorsque la personne ne peut pas se déplacer. Mais cela doit rester exceptionnel, car les audiences devant la CNDA sont effectivement du domaine du récit. Et ce récit, qui peut parfois durer cinq heures ou plus, nécessite un contact humain. Oui, voir la personne concernée, voir sa manière de se comporter et de se mouvoir est essentiel.

Ces amendements demandent simplement que le requérant puisse s’opposer à cette décision de recourir à la vidéo-audience, ou en tout cas l’accepter. Si l’on veut respecter les droits, ils doivent être adoptés.
Les amendements identiques nos 134, 324, 408 et 457 ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l’amendement no 292.
Il s’agit d’un amendement proche de ceux que nous venons d’examiner, mais qui n’est pas identique.
Il a pour objet de rétablir le consentement préalable du requérant séjournant en France métropolitaine à être entendu à l’audience de la CNDA, tout en donnant la possibilité au président de la juridiction de ne pas tenir compte du refus du requérant et de recourir à l’audience par un moyen de communication audiovisuelle lorsque ce dernier est détenu, placé en rétention administrative ou assigné à résidence.
Cette position me paraît assez équilibrée et devrait recueillir l’assentiment de tous.
En ne subordonnant en aucune manière la tenue de l’audience par un moyen de communication audiovisuelle au consentement du demandeur d’asile – et sur ce point je ne suis pas d’accord, monsieur le ministre d’État, avec votre analyse de la jurisprudence du Conseil constitutionnel – le projet de loi encourt à mon sens la censure du Conseil constitutionnel.
Je rappelle que, devant se prononcer sur la constitutionnalité des audiences tenues par visioconférence, le même Conseil constitutionnel, après avoir relevé que leur déroulement était « subordonné au consentement de l’étranger », a décidé que « dans ces conditions », le dispositif mis en place garantissait « la tenue d’un procès juste et équitable ». Or je rappelle que le projet de loi ne prévoit en aucune manière de tenir compte de ce consentement.
Enfin, la généralité de l’expression de bonne administration de la justice, qui constitue le critère de choix entre audience présentielle et vidéo-audience, laisse augurer que cette seconde forme d’audience va rapidement devenir la norme de traitement de l’ensemble des demandes d’asile.
Il faut rappeler à cet égard que le président de la CNDA sera amené, sans pouvoir déléguer ce pouvoir, à prendre ce type de décisions dans au moins 50 000 dossiers par an. La décision sera donc à mon sens nécessairement prise à l’avance. Qui contrôlera ensuite,
in concreto,
si les conditions techniques de transmission sont bien réunies ?
Mes chers collègues, au-delà de mon expérience personnelle, qui n’a pas beaucoup de poids,…
…comment peut-on dénier l’épaisseur de chaque être humain ? Il ne s’agit pas d’une image !
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, NG, GDR, FI et UDI-Agir.)
Madame Vichnievsky, nous avons déjà eu cet échange en première lecture ainsi qu’en commission. Il me semble que la bonne administration de la justice est d’appliquer le recours à la vidéo-audience à tout le monde, quelles que soient les situations individuelles. En effet, cela ne doit pas être vu comme une sanction. Il n’y a donc pas de raison de l’appliquer plus à une personne en rétention administrative qu’aux autres : c’est simplement une mesure de bonne administration de la justice. Avis défavorable.
Je vais exactement dans le sens de Laurence Vichnievsky. Ma crainte est que nous ouvrions une brèche, que nous insérions par cette disposition un coin qui ouvrira la voie à la généralisation de la vidéo-audience en matière de justice.
Ils y pensent ! Dans les territoires ruraux par exemple !
C’est pour moi un vrai sujet de préoccupation. Nous ne devons pas aujourd’hui penser que la vidéo-audience pourra remplacer la présence humaine. Ce n’est pas possible. Si nous avions le temps, je vous ferais un petit cours de cinéma.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Pardon, mais chacun son métier ! Je suis à votre disposition pour en parler, car je ne veux pas que nous puissions penser qu’une image vidéo pourrait remplacer la présence humaine.
(Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)
Nous sommes, mes chers collègues, en présence d’une question qui dépasse le simple projet de loi que nous en sommes en train d’examiner. Permettre demain, dans une procédure qui reste une procédure de justice, que ce ne soit plus l’individu, humainement présent, qui soit jugé, mais son image, n’est pas anodin. Sans compter que demain, l’évolution des progrès technologiques fera peut-être que l’image elle-même sera plus virtuelle, de type hologramme.
Nous devons être conscients, parce que nous serons tous un jour peut-être amenés à rendre des comptes à la justice, qu’il ne nous sera peut-être plus possible, demain, de le faire humainement devant notre juge, mais que notre image ou notre hologramme sera jugé à notre place.
Si ce débat, qui me semble fondamental, n’est pas tranché dans cette assemblée, il devra l’être par le juge constitutionnel.
(Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)
(L’amendement no 292 n’est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 217 et 436.
La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l’amendement no 217.
Madame la rapporteure, vous avez affirmé tout à l’heure que nous n’avions rien à demander aux réfugiés, et que nous devions les aider à s’intégrer sur notre territoire.
Ces propos sont très révélateurs de la philosophie de ceux qui défendent ce projet de loi, totalement vide et pas à la hauteur de la submersion migratoire que connaît notre pays.
Ce projet de loi est une véritable fumisterie. Il faut exiger du réfugié qu’il s’assimile dans notre pays.
Le Gouvernement fixe un délai de quinze jours pour exercer un recours à la suite d’une décision formulée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Notre amendement vise à réduire à sept jours ce délai, qui nous semble en l’état bien trop long. Demander l’asile n’est pas une démarche anodine ; une telle décision ne peut avoir été prise à la légère. Un étranger qui se verrait opposer un refus, s’il est motivé et croit fermement qu’il a le droit de bénéficier à l’asile, n’a pas besoin de quinze jours pour faire appel. En outre, une telle réduction du délai permettrait d’assurer une meilleure gestion des dossiers à la CNDA, donc d’améliorer les procédures.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 436.
Il convient de revenir sur le dispositif adopté par la commission, qui prévoit que le demandeur dispose d’un délai de quinze jours pour formuler sa demande d’aide juridictionnelle devant le bureau d’aide juridictionnelle de la Cour nationale du droit d’asile. Par l’intermédiaire de cet amendement, je propose que ce délai soit fixé à sept jours, au lieu de quinze. L’objectif reste le même : il s’agit d’accélérer la procédure pour que les dossiers soient traités dans les plus brefs délais.
La majorité dit souvent que la réduction des délais porterait atteinte à la protection des droits fondamentaux. Cette vieille rengaine bien huilée, que l’on entend dès que l’on tente d’améliorer les choses, m’étonnera toujours. Vous affirmez, madame la rapporteure, monsieur le ministre d’État, que vous défendez une position « équilibrée » ; or lorsque non seulement la France, mais l’Europe tout entière est confrontée à une immigration massive, il ne doit plus être question d’équilibre, il s’agit de prendre des mesures fermes. Notre droit prévoit des délais qui se comptent en jours et en mois, parfois même en années. On ne peut pas dire que, dans un tel cadre, les droits fondamentaux ne sont pas respectés ! La juste appréciation d’un délai doit se faire en fonction de la matière et des circonstances. En l’occurrence, réduire à sept jours le délai accordé à une personne pour demander l’aide juridictionnelle ne me semble pas porter atteinte aux droits des personnes qui veulent venir en France, puisque cela ne remet pas en question l’existence même de ce droit.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
Avis défavorable : il faut accélérer les procédures tout en garantissant le droit au recours équitable.
(Les amendements identiques nos 217 et 436, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 487.
(L’amendement no 487, accepté par la commission, est adopté.)
(L’article 6, amendé, est adopté.)