XVe législature
Session extraordinaire de 2018-2019

Deuxième séance du mercredi 17 juillet 2019

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du mercredi 17 juillet 2019

Présidence de M. Marc Le Fur
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Accords entre l’Union européenne et le Canada

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, et de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part (nos 2107, 2124, 2123).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président

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    Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 1er.

    Article 1er(suite)

    M. le président

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    La parole est à M. Régis Juanico.

    M. Régis Juanico

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    L’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, dit CETA, nous est aujourd’hui soumis pour approbation. Il est impératif de nous y opposer.
    La commission Schubert, composée d’experts indépendants, chargée d’évaluer l’impact de l’entrée en vigueur du CETA, a reconnu que le climat était le grand absent de cet accord. D’après ses travaux, non seulement l’application du CETA tend à augmenter les émissions de gaz à effet de serre, mais il ne comporte aucune clause écologique contraignante. Il entre donc, de fait, en contradiction avec l’accord de Paris.
    De plus, à l’encontre de l’argument commercial avancé par le Gouvernement, les études d’impact sur les conséquences économiques de l’entrée en vigueur provisoire de l’accord laissent apparaître que le solde commercial bilatéral entre le Canada et la France devrait être, à l’horizon 2035, négatif pour la France, à hauteur de 1,1 milliard d’euros.
    Par ailleurs, cet accord permettrait aux entreprises étrangères d’attaquer la France devant un tribunal d’arbitrage, sorte de système juridique parallèle aux juridictions nationales. Cette disposition soulève des questions du point de vue de la souveraineté nationale, mais aussi du point de vue de l’égalité. Il n’est pas acceptable que les multinationales puissent bénéficier du droit d’imposer leurs propres règles aux États, alors qu’elles n’assument elles-mêmes en aucune manière la responsabilité des conséquences de leur comportement pour la santé et l’environnement.
    En outre, des dispositions nuisibles subsistent au sein du traité, notamment en matière d’harmonisation des normes. Comme l’a relevé la commission Schubert, on ne peut exclure que des imprécisions du CETA conduisent à l’arrivée, sur le marché européen, de produits autorisés en vertu d’une réglementation qui ne tient pas compte du principe de précaution. Ainsi, en l’état actuel du traité, des farines animales ou du saumon transgénique élevé au Canada pourraient être importés vers l’Union européenne.
    Le groupe Socialistes et apparentés s’opposera à ce projet de loi, dont le seul mérite est de révéler votre vrai visage, chers collègues de la majorité : vous avez une vision dogmatique, inefficace du point de vue économique et, surtout, destructrice pour notre planète. Je voterai résolument contre la ratification du CETA, un traité anachronique et antidémocratique qui va à contresens, un traité dangereux sur les plans sanitaire, alimentaire et environnemental. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
     

    M. Boris Vallaud

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à M. David Habib.

    M. David Habib

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    Comme toujours, cette majorité est dans le mensonge et dans l’à-peu-près. Je ne reviendrai pas sur les farines animales, ni sur le climat, ni même sur la faiblesse des bénéfices sociaux de ce traité, l’étude d’impact évaluant la croissance des salaires réels qui en résultera à seulement 0,02 % pour les travailleurs qualifiés et 0,01 % pour les salariés non qualifiés. Je n’évoquerai pas non plus vos arrangements avec la réalité : vous nous soumettez ce traité en catimini ; l’Assemblée doit l’examiner en quinze jours.

    M. Boris Vallaud

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    Il a raison !

    M. David Habib

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    En revanche, je vous en veux d’établir une fausse ligne de vérité entre, selon vous, ceux qui refusent la mondialisation et ceux qui embrassent le monde tel qu’il est. Ce n’est pas conforme à la réalité. Notre position ne saurait être comprise comme une opposition aux échanges internationaux, encore moins à l’économie canadienne. C’est un appel à davantage de justice, de souveraineté et de capacité à créer un nouvel ordre mondial, fait de régulation et de respect mutuel des économies.
    Nous avons été les uns et les autres sollicités par les représentants syndicaux du monde agricole. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, ils nous ont dit avec force qu’il y va de l’avenir d’une partie de notre agriculture, notamment de l’élevage. Dans mon département, les Pyrénées-Atlantiques, les élus ont été sollicités par les syndicats agricoles, qui ont tous montré combien il importait d’examiner avec sérieux et souci de vérité les conséquences du traité que vous nous soumettez.
    Monsieur le ministre, vous êtes chargé, paraît-il, de créer une branche sociale à la gauche d’un parti de plus en plus à droite, La République en marche. Je vois mal comment vous pourrez expliquer demain aux agriculteurs, à celles et ceux qui font la richesse de notre pays et créent les conditions du social,…
     

    M. le président

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    Merci, monsieur Habib…

    M. David Habib

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    …que vos propositions concourent à l’émergence d’une dimension sociale, à côté du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Gilles Lurton

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    En fait, on droitise l’opposition !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Gaël Giraud, économiste en chef de l’Agence française de développement, l’a rappelé récemment dans une tribune : le CETA est incompatible avec l’urgence écologique ; le CETA, c’est l’abolition de la souveraineté de l’État et de la démocratie.
    En soutenant le CETA, vous n’avez aucun respect ni considération pour nos agriculteurs, notamment pour nos éleveurs, dont la situation demeure extrêmement délicate. Au moment où il faut gérer la fin des quotas européens sur le sucre, vous mettez nos propres agriculteurs, en particulier nos éleveurs, dans une situation de concurrence insoutenable. Comment peut-on demander aux éleveurs de respecter autant de normes et de réglementation et laisser entrer tout et n’importe quoi dans notre pays ? Êtes-vous, en quelque sorte, devenus fous ?
    Vous manquez aussi de respect pour les consommateurs. En abolissant certaines normes applicables aux importations, vous acceptez dans nos assiettes des produits comme le bœuf canadien dopé aux antibiotiques.
     

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Fausse nouvelle !

    M. Jean-Louis Bricout

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    C’est une véritable folie du point de vue de la santé publique.
    Et ne me parlez pas des contrôles ! Vous le savez, les autorités publiques canadiennes ne sont pas fiables,…
     

    M. Jacques Maire, rapporteur de la commission des affaires étrangères

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    Ah bon ?

    M. Jean-Louis Bricout

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    …comme en témoigne le dernier scandale en date au Canada, concernant l’exportation illégale de porc. Le CETA ne permet d’ailleurs pas un contrôle suffisant des importations. Il est donc inacceptable.
    Et vous avez menti, monsieur le ministre, à propos de l’arrivée de bœuf nourri aux farines animales. Vous méprisez les consommateurs et montrez un manque d’égards aberrant pour la condition animale.
    En outre, vous manquez de respect pour la planète et de considération pour les générations futures. Alors que l’accord de Paris nous oblige à réduire de 5 % chaque année les émissions de dioxyde de carbone, votre accord aura l’effet contraire. Les études d’impact sont sans appel : il en résultera une augmentation significative des émissions de CO2.
    Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre, l’heure est grave. Alors que vos ministres de l’écologie ont failli à leur tâche, vous choisissez de poursuivre l’œuvre de destruction de nos écosystèmes.
     

    M. le président

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    Merci, mon cher collègue…

    M. Jean-Louis Bricout

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    Je termine, monsieur le président.
    Mes chers collègues, souvenez-vous en : ce n’est pas la France qui ratifie le CETA ; c’est un gouvernement affairiste qui ratifie un traité de destruction. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)  
     

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Nous avons longuement parlé de viande et de farines. Pour varier les plaisirs, j’aimerais parler de lait.

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Ah !

    M. Dominique Potier

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    Vous avez survendu l’échange « lait contre bœuf », qui a un côté totalement Shadok et ubuesque.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Shadok ?

    M. Dominique Potier

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    Lorsque l’on se penche sur les perspectives en la matière, on découvre que les exportations de lait représentent moins de 1 % des exportations de l’Union européenne, que les retours dans les fermes en matière de prix sont quasi nuls et qu’il y a, en réalité, un grand détournement de la valeur.
    Que se passe-t-il ? La politique agricole commune finance le lait, ce qui permet aux industriels de l’acheter à un prix plus acceptable. Cette plus-value est ensuite exportée vers le Canada, qui baisse lui-même ses droits de douane. Pour les géants du lait qui sont positionnés sur le marché canadien – il y a un géant français dans cette situation, qui va d’ailleurs perturber très fortement l’organisation des quotas laitiers dans les provinces canadiennes –, il y a beaucoup d’argent à gagner. Dans les fermes, en revanche, le retour est de zéro centime à ce stade ; tous les syndicats spécialisés, notamment la Fédération nationale des coopératives laitières, nous le disent. Tel est le bilan des dix-huit premiers mois d’application provisoire de l’accord.
    C’est pourquoi je réitère ma proposition fondamentale : dans un monde fini, qui comptera bientôt dix milliards d’habitants, chaque hectare sera utile, de même que chaque paysan ; nous aurons besoin de tous les agriculteurs du monde. Il faut poser un principe politique fondateur : aucune agriculture ne peut détruire une autre agriculture. Nous devons additionner nos forces ; nous avons besoin, à l’échelle de la planète, non pas de prédateurs, mais de coopérateurs.
    L’exemple du lait, comme celui du bœuf, montre les limites de ce libre-échange. Nous devons, au contraire, inventer des coopérations mondiales, seules à même de garantir la sécurité alimentaire de notre planète, laquelle passe aussi, bien sûr, par la prise en compte du changement climatique. Il s’agit de prévenir des conflits violents et des migrations sauvages. Il y va donc en partie de la paix dans le monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    Le CETA a déjà fait l’objet de nombreuses discussions à l’Assemblée nationale.

    M. Gilles Lurton

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    Pas vraiment !

    M. Alain David

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    Il y a un peu plus d’un an, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, est venu en faire la promotion dans l’hémicycle, avant que son ministre du commerce international, François-Philippe Champagne, ne fasse de même devant la commission des affaires étrangères. La Commission européenne et le Gouvernement ont multiplié, eux aussi, les initiatives pour le promouvoir.
    Malgré ce plaidoyer tous azimuts, la société civile et de nombreuses organisations continuent à s’opposer à ce texte et appellent les parlementaires à ne pas le ratifier. Elles insistent en particulier sur l’absence de veto climatique, qui laisse à penser que de prochaines mesures vraiment volontaristes visant à limiter le dérèglement climatique pourraient être contestées devant la cour d’arbitrage créée par le CETA. Qui plus est, plusieurs études ont estimé que cet accord de libre-échange entrait en contradiction avec l’accord de Paris car il allait entraîner une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
    La demande d’un débat vraiment large et d’une ratification de ce texte très important par la voie référendaire nous paraissait justifiée. Nous déplorons que cette hypothèse ait été écartée.
    Ce texte va à l’encontre de nos objectifs en matière de juste échange ; la libéralisation du commerce est une solution illusoire et erronée. C’est pourquoi je vous propose de supprimer l’article 1er du projet de loi.
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

    Mme Gisèle Biémouret

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    Je souhaite relayer avec force les inquiétudes exprimées dans nos territoires agricoles.
    Le CETA, traité de libre-échange dit « de nouvelle génération », n’a rien à voir avec les accords que l’on négociait il y a vingt ans. Il va au-delà de l’aspect commercial, puisqu’il englobe toutes les questions de réglementation en matière d’environnement, de travail ou encore de standards de production.
    Non seulement la ratification du CETA mettra en danger nos productions, mais elle compromettra également, à moyen terme, nos protections. Elle n’est pas cohérente avec les intentions que vous avez manifestées – à moins qu’elles ne soient vaines ou que vous ne les ayez déjà abandonnées ? – dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, dite « loi EGALIM ». Comment pouvez-vous continuer à prôner une montée en gamme des produits agricoles et alimentaires tout en confortant une consommation privilégiant les comportements locavores ? Comment parvenir, dans ces conditions, à une agriculture à la fois rémunératrice et totalement respectueuse de l’environnement ?
    Dans le domaine agricole, le CETA est proprement le cheval de Troie d’une forme de libre-échange dont les exigences sont exclusivement financières et qui ne se soucie ni de notre santé ni de l’environnement.
    À ce stade, il convient de signaler la convergence exceptionnelle de l’ensemble des organisations syndicales représentant les agriculteurs. Ces dernières semaines, chaque parlementaire a pu constater la constitution d’un front uni qui appelle l’attention sur les effets négatifs du traité pour leur activité.
    Je pense notamment aux 1 600 éleveurs bovins du Gers, qui voient monter en puissance la concurrence de leurs homologues canadiens sans pouvoir se défendre. Ils sont nombreux à discerner les effets pervers d’un libre-échange qui avantagera un modèle aux réglementations moins-disantes en matière de traçabilité.
    Je pense tout particulièrement à la centaine d’entre eux qui ont été écartés du classement en zone défavorisée et sont en attente d’un dispositif d’accompagnement complémentaire, qui tarde à se mettre en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Pour eux, c’est une double peine, qui sera cruelle dans la majorité des cas.
    Chers collègues, vous avez une occasion décisive d’empêcher cette petite mort. Il ne tient qu’à la majorité de se joindre à nous et aux organisations agricoles, écologistes et citoyennes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    En défendant cet accord commercial, vous acceptez, monsieur le ministre, de multiplier par dix les importations de bœuf et de porc, et par trois celles de blé, sans aucun droit de douane. Déjà, à l’origine, l’accord est donc déséquilibré et fragilise les agriculteurs, comme cela vient d’être rappelé par Gisèle Biémouret à propos du Gers. De plus, il n’est pas que commercial, comme vous voudriez nous le faire croire : il fait partie des accords dits de nouvelle génération, qui permettent à des entreprises étrangères d’attaquer l’État français devant des tribunaux d’arbitrage, véritables juridictions parallèles.

    M. Éric Straumann

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    Eh oui, c’est un scandale !

    Mme Valérie Rabault

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    Elles pourront donc faire condamner l’État français. En revanche, les entreprises françaises n’ont aucun droit pour attaquer, si elles le souhaitent, l’État français devant ces tribunaux d’arbitrage. Vous privilégiez donc, monsieur le ministre, les entreprises étrangères par rapport aux entreprises françaises. C’est inacceptable ! L’Assemblée nationale ne saurait accepter un tel déni de souveraineté.
    Le second volet de l’accord, tout aussi grave, porte sur les normes. Si par exemple les Canadiens décident, un jour, de produire de nouveaux organismes génétiquement modifiés, la possibilité de les exporter vers l’Union européenne donnera lieu à de nouvelles discussions. Mais par qui seront-elles menées ? Par les parlementaires français ? Pas du tout ! Par les parlementaires européens ? Encore moins ! Elles le seront par des fonctionnaires choisis par je ne sais qui et dont nous ne saurons même pas si le mandat les autorise à valider de nouveaux OGM. Le processus sera opaque ? L’écologie revient dans tous vos discours, mais vous acceptez un nivellement par le bas lourd de conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
     

    M. David Habib

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. Joël Aviragnet.

    M. Joël Aviragnet

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    Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous nous demandez aujourd’hui de ratifier l’accord de libre-échange avec le Canada. Mais cet accord est entré en vigueur de manière provisoire voilà près de deux ans, et son bilan n’a rien de positif, ni en matière d’emploi ni en matière de consommation.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Nous n’avons pas les mêmes chiffres !

    M. Joël Aviragnet

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    Vous nous dites que le CETA est gagnant pour la France. Mais je vous le demande : pour quelle France ? Celle des agriculteurs  Non ! » sur les bancs du groupe LR), des consommateurs, de l’écologie, la France d’en bas ? Non ! La gagnante, c’est la France d’en haut, celle des multinationales ! En réalité, cet accord se soucie peu de la France, il est taillé pour les « premiers de cordée » !
    Je prends la question climatique très au sérieux, et je suis particulièrement fier que la France ait réussi en 2015 à faire aboutir favorablement la COP21. (Mme Valérie Rabault applaudit.) Pour contenir le réchauffement climatique en-dessous de deux degrés, nous ne pouvons plus continuer le business as usual ! Impossible de faire comme si nous ne savions pas que la mondialisation et le libre-échange sont responsables du réchauffement climatique et de la crise écologique que nous connaissons.
    Je ne voterai donc pas le CETA, tout d’abord parce que cet accord de libre-échange est incompatible avec les objectifs de l’accord de Paris sur le climat. Entre l’accord de Paris sur le climat et le CETA, il faut choisir et, pour ce qui me concerne, le climat l’emportera toujours sur le libre-échange. Je ne le voterai pas, ensuite, parce que je tiens à protéger l’agriculture française contre la concurrence déloyale.
    L’Union européenne impose, en effet, des normes très exigeantes aux agriculteurs européens, mais elle ne soumet pas nos partenaires étrangers aux mêmes règles. Elle interdit ici des pratiques qui sont acceptées au Canada. Je veux parler de l’usage des hormones, de la culture d’OGM, des rations contenant des farines animales – nous en avons longuement parlé dans cet hémicycle, sans que vous ne nous apportiez de réponse sur ce point – ou des antibiotiques ou encore de l’utilisation de quarante-six substances phytosanitaires interdites en Europe.
     

    M. Boris Vallaud

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    C’est bien vrai !

    M. Joël Aviragnet

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    Monsieur le ministre, la vache de race gasconne et le porc noir de Bigorre sont nourris naturellement, avec du foin et des glands ! Donc, le CETA se fera sans moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Boris Vallaud

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    Voilà !

    M. David Habib

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Boris Vallaud.

    M. Boris Vallaud

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    La réponse aux crises sociales et écologiques que nous traversons ne passe pas par les vieilles recettes qui ont échoué. Les excès de la mondialisation libérale ont contribué à aggraver les inégalités économiques, à exposer des secteurs sensibles et à dégrader l’environnement. Au XXIe siècle, les citoyens exigent davantage de protection pour les salariés et les consommateurs et, si le CETA n’est pas le traité de libre-échange avec les États-Unis, il n’en demeure pas moins inacceptable, au même titre d’ailleurs que l’ISDS – Investor-state dispute settlement ou règlement des différends entre investisseurs et États –, le fameux tribunal d’arbitrage privé. La question de la coopération réglementaire constitue une véritable menace pour nos démocraties.
    Par ailleurs, le CETA s’engage sur la voie d’une libéralisation excessive des services mais aussi du commerce agricole. Tous les éleveurs s’accordent pour dire que le CETA risque de déstabiliser profondément le secteur bovin. Nous restons favorables au juste échange. Nous plaidons donc pour « une nouvelle doctrine de commerce international qui passe par cinq principes non négociables, et nécessite la transparence des négociations : l’exclusion des services publics et le retour aux listes positives ; le respect de nos indications géographiques et des filières agricoles sensibles, le maintien de nos préférences en matière sociale, environnementale et sanitaire ; le refus de la coopération réglementaire qui limite le droit à l’autodétermination des démocraties ; l’instauration d’un mode public de règlement des conflits liés à l’investissement qui respecte le droit et les règles issues des institutions démocratiques ; l’inclusion des questions climatiques et fiscales dans les accords. »
    Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ces mots étaient ceux des parlementaires socialistes européens, le 23 janvier 2017, lorsqu’ils ont décidé à l’unanimité de s’opposer au CETA. Vous avez décidé d’être les exécuteurs testamentaires du monde d’hier ; nous avons choisi la constance, et pas le reniement, comme vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
     

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Je rêve !

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Claireaux.

    M. Stéphane Claireaux

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    L’accord du CETA aura soulevé de nombreuses inquiétudes parmi nos concitoyens. Nos territoires ruraux se sont fait entendre, et je souhaiterais ici porter, monsieur le ministre, la voix de l’Outre-mer et du seul territoire français situé à quelques encablures des côtes canadiennes : Saint-Pierre-et-Miquelon.
    Cette terre de France, si proche du Canada, paradoxalement, ne bénéficiera pas des retombées économiques du CETA en raison de son statut européen de pays et territoire d’outre-mer, PTOM. L’application pleine du CETA pourrait même, à terme, fragiliser notre unique industrie, à savoir l’exploitation des produits de la mer. Cette situation est difficilement acceptable par les habitants de cette collectivité d’outre-mer, qui savent combien notre économie est fragile et notre industrie de la pêche déjà malmenée par l’attitude intransigeante et hégémonique du Canada.
    Le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que la ministre des Outre-mer m’avaient tout autant assuré de la volonté du Gouvernement de défendre les intérêts de l’archipel dans cet accord. Cependant, la crainte d’un abandon des intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon au nom d’intérêts commerciaux supérieurs reste forte chez mes compatriotes. Sans doute les leçons de l’histoire !
    La députée Annick Girardin, en son temps, avait obtenu auprès de l’Europe que la levée des barrières douanières concernant certains produits de la mer soit étalée sur sept ans. Cependant, à terme, les produits canadiens se trouveront en concurrence directe avec les exportations de Saint-Pierre-et-Miquelon vers l’Union européenne. Ce sera alors David contre Goliath.
    L’archipel a des projets de diversification économique, notamment en matière d’économie bleue : croisières, plaisance, réparation navale, plate-forme de recherche, énergies renouvelables, ou encore développement numérique. À ce titre, un engagement fort du Gouvernement pour accompagner l’archipel dans sa mutation économique serait de nature à compenser les effets du CETA. Aussi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je compte ici sur votre engagement franc et clair d’accompagner le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon dans sa transition économique et de faire en sorte que l’entrée en vigueur du CETA, qui bénéficie à l’économie générale de notre pays, ne s’opère pas au détriment de l’unique territoire français d’Amérique du Nord. (Mme Martine Wonner applaudit.)
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Tout à fait.

    M. le président

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    La parole est à M. Ludovic Pajot.

    M. Ludovic Pajot

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    Cet accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne est une aberration économique, un non-sens écologique et une remise en cause de la souveraineté des États.
    Il aura des conséquences dramatiques sur nos marchés intérieurs. Le CETA aujourd’hui – comme, demain, l’accord entre le Mercosur et l’Union européenne –constitue un véritable cheval de Troie, qui va permettre l’introduction sur nos marchés de produits qui ne répondent pas à nos normes sanitaires. N’oublions pas que le Canada est le quatrième producteur d’OGM au monde, et qu’il ne pratique pas d’étiquetage en la matière. Vous qui vous prétendez écologistes – surtout en période électorale –, sachez que ce traité de libre-échange aura pour conséquence directe la dégradation profonde de notre environnement.
    Le Canada autorise en effet pas moins de quarante-six substances actives toxiques interdites en Europe, ce qui présente un risque évident pour notre santé publique. En la matière, les contrôles seront particulièrement difficiles à réaliser. Nos compatriotes plébiscitent, à juste titre, le recours aux productions locales et aux circuits courts, seuls garants de la qualité des produits que nous consommons. Notre pays est envié dans le monde entier pour la qualité de ses productions. Nous ne voulons pas d’une viande bovine nourrie aux farines animales et aux antibiotiques, tel que cela résultera automatiquement des réglementations issues du CETA, désorganisant au passage un secteur agricole déjà durement touché, confronté à une concurrence déloyale de plus en plus inacceptable.
    Un agriculteur se suicide tous les deux jours dans notre pays. Face à ce bilan dramatique, l’honneur et le devoir d’un responsable politique est de rejeter sans réserve ce traité de libre-échange. Nous aurons tous des comptes à rendre aux Français dans nos territoires. Pour préserver nos agriculteurs, notamment ceux de mon département du Pas-de-Calais, et pour les consommateurs, je voterai résolument contre la ratification du CETA.
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Martine Wonner.

    Mme Martine Wonner

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    Sur ce traité négocié dans un premier temps par Nicolas Sarkozy et François Hollande, le Gouvernement n’a pas eu la tâche facile. Mais le travail qui a été mené – dont je tiens, monsieur le ministre, à vous remercier – a permis de limiter les effets non souhaités du CETA, tout en actant un certain nombre d’engagements nouveaux.

    M. Éric Straumann

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    Ah bon ? Je ne les ai pas vus !

    M. Jacques Maire, rapporteur de la commission des affaires étrangères

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    Vous n’avez rien lu surtout !

    Mme Martine Wonner

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    Cela étant, et malgré le travail considérable fourni, le CETA laisse de côté un objectif pourtant primordial à l’heure actuelle : la défense de l’environnement. Récemment, le rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, nous a à nouveau alertés sur l’impérieuse nécessité pour nos sociétés de changer de modèles de production et de consommation.

    M. Éric Straumann

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    Elle va voter contre !

    Mme Martine Wonner

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    La promotion des circuits de production courts est plus que jamais nécessaire. Or le CETA ne s’inscrit pas dans cette logique. Il sonne comme un acte manqué.

    M. Éric Straumann

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    Il faut voter contre.

    Mme Martine Wonner

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    Lors de la COP21, l’Union européenne s’était engagée à réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir plus activement l’imprégnation du commerce international par les principes de l’accord de Paris. Alors que les États-Unis ont délibérément fait le choix de quitter ce dernier, il est du devoir de l’Europe, de ses dirigeants et de l’ensemble des pays qui en sont membres de montrer l’exemple…

    M. Éric Straumann

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    Vous êtes courageuse, madame.

    Mme Martine Wonner

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    … et d’incarner avec force et vigueur la transcription de nos promesses en actes.
    Enfin, je ne saurais évoquer le CETA sans aborder la question agricole, qui concerne certes nos agriculteurs mais aussi, par ricochet, les citoyens que nous sommes en tant que consommateurs. Certes, le Gouvernement a donné des garanties concernant la protection de l’agriculture et des normes sanitaires européennes. J’en appelle, malgré tout, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à votre vigilance la plus exigeante.
     

    M. Éric Straumann

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    Mais qu’allez-vous voter ?

    Mme Martine Wonner

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    Mes chers collègues, nous n’avons plus le temps d’attendre. Aux incantations doivent désormais succéder les actes, même s’il semblerait qu’au regard de l’urgence, ce traité soit passé à côté.

    M. Éric Straumann

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    Quel sera le sens de votre vote ?

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Si vous la laissiez parler !

    M. le président

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    La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Dans le groupe Les Républicains, nous considérons que les accords de libre-échange ne sont ni bons ni mauvais en soi, mais qu’ils doivent être jugés au cas par cas, à l’aune des intérêts de notre pays. Laisser vivre le marché économique mondial et développer le libre-échange, oui ! Favoriser les échanges entre la France et le Canada et l’ouverture des marchés, oui ! Développer le commerce international en posant des conditions claires et transparentes, oui ! Favoriser nos indications géographiques protégées, IGP, à l’échelle européenne, oui ! Mais le faire au détriment de nos éleveurs et de notre filière bovine,…

    M. Éric Straumann

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    Non !

    Mme Virginie Duby-Muller

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    …c’est non !
    En l’état actuel, cet accord n’est pas acceptable pour la filière bovine française. Nous refusons que l’agriculture soit la variable d’ajustement des traités commerciaux.
    Pour entrer dans le détail, le CETA ouvre la porte à des risques sanitaires, puisque quarante-six produits phytosanitaires autorisés au Canada sont interdits en Europe. C’est également le cas des farines animales, mais aussi des antibiotiques et hormones de croissance, ces derniers étant de surcroît indétectables sur une carcasse !
    Cet accord revêt également des risques en matière de traçabilité : alors qu’en France, un animal est identifié dès la naissance, au Canada, il ne l’est qu’à partir du moment où il quitte l’élevage.
    Monsieur le ministre, nous vous demandons de ne pas importer l’agriculture que nous ne voulons pas produire chez nous et que les Français ne veulent pas consommer. Nous ne sommes pas contre l’accord dans sa globalité, mais nous formulons une proposition simple : en exclure la viande bovine, produit sensible au même titre qu’une grande partie de la filière avicole. N’est-il pas aberrant d’aller chercher de la viande à 12 000 kilomètres alors que nous la produisons sur notre territoire ?  Et que dire du bilan carbone ! N’est-il pas incompréhensible d’importer des viandes traitées avec des produits interdits en France ? Monsieur le ministre, ne vous entêtez pas : choisissez enfin de privilégier nos agriculteurs et notre filière bovine, lésés par les discussions sur le nouveau budget de la PAC – où la France s’est illustrée par son absence – et par votre choix de défendre l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur.
     

    M. le président

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Mes chers collègues, je nous trouve quelque peu inconséquents. J’ai d’ailleurs quelque difficulté à comprendre la logique du CETA. D’un côté, nous développons des projets alimentaires territoriaux, nous relocalisons l’agriculture, nous votons un amendement en vue d’atteindre 50 % d’approvisionnement local et 20 % de bio dans la restauration collective, nous prenons acte que le bon transport est celui que l’on ne prend pas – ce qui vaut pour les déplacements entre le domicile et le travail vaut également pour la production agricole ; et de l’autre, nous nous apprêtons à autoriser la ratification du CETA, ce qui entraînera une augmentation des échanges transatlantiques et, finalement, des émissions de gaz à effet de serre.
    De plus, le Canada a déjà annoncé qu’il ne respecterait pas, qu’il ne pourrait pas respecter les accords de Paris. À quoi cela sert-il ? Quels sont les enjeux : de nouveaux débouchés pour l’agriculture ? Il est, en tout cas, certain que nous assisterons à une déstabilisation du marché de la viande – puisque, cela a été dit, le Canada exportera vers l’Europe l’aloyau et les quartiers arrière, difficiles à valoriser chez lui – et à une montée de la concurrence au détriment de nos territoires les plus fragiles.
    Je vais vous parler de Lacalm – rien à voir avec le psychanalyste bien connu, bien que la prononciation soit la même –, une commune de l’Aubrac située à la limite de l’Aveyron et du Cantal, non loin de Saint-Urcize et de son clocher à peigne. Au milieu du XIXe siècle, lorsque la civilisation agricole était plus florissante, Lacalm comptait 1 500 habitants ; ils sont 185 aujourd’hui.
    Lacalm se trouve à plus de 1 200 mètres d’altitude : que voulez-vous y faire, sinon élever des bovins ? Aujourd’hui, une vie s’y maintient. Je cite cette commune parce que c’est pour des territoires comme ceux-là que je me bats ; pour l’aménagement du territoire et la vitalité de nos campagnes. Je ne comprends pas qu’on les mette ainsi en péril.
     

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Mais arrêtez !

    M. Paul Molac

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    Je milite pour que l’agriculture sorte des grands traités.

    M. Pierre Cordier

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    C’était intéressant.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Une autre raison de s’opposer au CETA est sa visée de créer plusieurs instances disparates. Il institue notamment une dizaine de comités composés de représentants des administrations de l’Union européenne et du Canada, mais dont aucun n’est directement issu des États membres de l’Union. Les députés européens n’y sont pas non plus représentés. C’est dire l’importance accordée à la seule institution de l’Union dont les membres sont directement élus par le peuple, au suffrage universel !
    Parmi ces nouvelles instances, on compte le comité mixte, qui fait figure de rouage principal du dispositif. Il aura la responsabilité de toutes les questions portant sur le commerce et l’investissement entre les parties, ainsi que de l’application de l’accord. Or, à l’instar du forum de coopération réglementaire, il suscite d’innombrables interrogations et son existence tend à confirmer le caractère antidémocratique du CETA.
    Sur le plan législatif, ce comité pourra en effet réclamer la promulgation de nouvelles mesures ou l’abrogation de lois votées par les parlementaires en se fondant sur le caractère contraignant du CETA. Si les États ou les entreprises ne se conforment pas à ses injonctions, il pourra saisir le tribunal international spécial pour obtenir des sanctions. Cela est tout à fait contraire aux conditions d’exercice de notre souveraineté nationale, puisque les parlements nationaux et les citoyens sont court-circuités. Et tout cela dans le seul but de participer à une course effrénée à la libéralisation et à la déréglementation !
    L’institution du comité mixte nous semble symptomatique des dérives que nous ne cessons de dénoncer depuis des mois, appuyés aujourd’hui par une grande partie de l’Hémicycle. Approuver son existence, et l’application du CETA dans son ensemble, revient à renoncer à notre souveraineté au profit d’institutions dépourvues de toute légitimité démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Matthieu Orphelin.

    M. Matthieu Orphelin

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    Cet après-midi, la motion d’ajournement a été rejetée à dix voix près. Dix voix, sur 577 députés !

    M. Frédéric Petit

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    Mais non !

    M. Matthieu Orphelin

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    C’est un avertissement politique très fort ! Si les prochains accords ne font pas mieux que le CETA en matière de respect du climat, de la biodiversité et de l’agriculture, ils ne passeront pas !

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Beauvais.

    Mme Valérie Beauvais

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    Le CETA est présenté comme un accord de libre-échange de nouvelle génération intégrant non seulement une suppression des droits de douane, mais surtout une réduction des barrières réglementaires aux échanges de biens et de services, donc une déstabilisation des filières.
    La dimension « vivante » du CETA comporte un certain nombre d’imprécisions voire de risques, notamment pour nos agriculteurs et éleveurs français.
    J’en veux pour preuve l’absence d’ambition de l’accord en matière environnementale et de santé publique, un défaut que nous ne pouvons pas accepter. Dans ces domaines, en effet, le Canada est très mal classé – il se place même derrière les États-Unis –, qu’il s’agisse de la qualité de l’air, de l’eau, de l’usage des pesticides ; pour rappel, quarante-six substances actives strictement interdites en Europe y sont utilisées.
    Dans son rapport remis le 7 septembre 2017 au Premier ministre, la commission indépendante chargée de l’étude d’impact du CETA a estimé qu’il fallait assurer en continu la transparence vis-à-vis de la société civile, ce qui implique un étiquetage précisant le mode de production des produits d’origine animale et le renforcement des contrôles et des procédures de certification sur ces produits ainsi que sur ceux d’origine végétale.
    Ces recommandations n’ont visiblement pas été prises en considération et de nombreuses interrogations persistent. Il existe un vrai vide juridique, aucun texte ne faisant référence à l’interdiction d’importer des animaux nourris aux farines animales. Le rétropédalage effectué hier à ce sujet par certains ministres n’est pas de nature à nous rassurer ! De fait, l’Union européenne ne dispose pas, à ce jour, d’outils réglementaires lui permettant d’imposer au Canada l’interdiction de ces substances. Dès lors, quelle procédure s’appliquera aux viandes ne respectant pas ces normes ? Pouvons-nous imaginer qu’elles seront réexpédiées ? De quelles garanties disposons-nous concernant la traçabilité des viandes canadiennes ?
    Nous sommes attachés au libre-échange économique, mais nous avons également le devoir, en tant qu’élus de la nation, de ne pas sacrifier les exploitations familiales qui maillent notre territoire et sont respectueuses de l’environnement et de la santé des consommateurs français.
    Si ce traité devait être adopté, ce serait une réelle remise en cause des conclusions des états généraux de l’alimentation.
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Josiane Corneloup.

    Mme Josiane Corneloup

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    Comment accepter que nos concitoyens puissent consommer des viandes produites avec des farines animales, des farines OGM, des hormones et d’autres substances phytosanitaires proscrites en Europe ?
    La ratification du CETA est incompatible avec les dispositions de la loi EGALIM, qui interdisent de vendre des produits ne respectant pas nos règles de production.
    Comment en outre justifier d’imposer toujours plus de normes aux éleveurs français, tout en ouvrant grandes nos portes à des productions agricoles qui en sont exonérées ? Comment peut-on demander sans cesse des efforts à une profession et la sacrifier à chaque signature d’un traité de commerce international ? Comment le modèle familial agricole français, fondé sur des exploitations comptant en moyenne une petite centaine de bêtes, pourrait-il affronter la concurrence des parcs d’engraissement canadiens accueillant plusieurs dizaines de milliers de bovins ? Et que dire du bien-être animal dans ces fermes immenses ?
    De tels accords remettent en cause notre modèle d’élevage, qui s’appuie sur des exploitations familiales, une qualité incommensurable, une traçabilité individuelle et des exigences d’hygiène élevées et précises. Les usines à viande d’Amérique du Sud ou du Canada ne partagent absolument pas ce savoir-faire français ni ces exigences.
    Ces accords vont submerger nos marchés de produits médiocres et dangereux. Une fois de plus, l’agriculture fait figure de variable d’ajustement dans un traité de commerce international. Avec ce nouveau traité, le Président de la République tire un trait sur les objectifs de transition énergétique arrêtés lors des états généraux de l’alimentation. Non seulement il faut refuser d’exonérer tous ces produits de droits de douane, mais il est impératif, au contraire, de les taxer à hauteur des gaz à effet de serre que leur transport génère.
    Ma circonscription, la deuxième de Saône-et-Loire, est le berceau de la race charolaise. La situation des agriculteurs y est déjà très tendue. Il est irresponsable d’accroître leurs difficultés – au risque de conduire à des situations extrêmes.
    C’est l’avenir de nos agriculteurs et de dizaines de filières agricoles qui est en jeu. Préserver notre agriculture, c’est préserver des familles, préserver notre savoir-faire et la qualité de nos productions. J’y suis très attachée, je ne voterai donc pas ce funeste traité.
     

    M. Vincent Descoeur

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Gilles Lurton.

    M. Gilles Lurton

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    Je suis interloqué, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, devant vos certitudes, alors que tout démontre combien ce projet de loi autorisant la ratification de l’accord passé entre l’Union européenne et le Canada pose problème.
    Je souhaite d’abord vous rappeler qu’ici même, j’ai eu de nombreuses occasions de vous demander quand le Gouvernement se déciderait à inscrire enfin ce sujet à l’ordre du jour de nos travaux, et surtout quand les parlementaires de notre pays seraient enfin autorisés à en débattre.
    En effet, cet accord a été signé le 30 octobre 2016 ; depuis le 21 septembre 2017, 85 % de ses dispositions sont applicables au niveau européen ; et c’est seulement, aujourd’hui, 17 juillet 2019, que vous consentez enfin à nous laisser débattre du sujet ; c’est un peu fort !
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Vos collègues voulaient que nous reportions le débat !

    M. Gilles Lurton

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    Quel mépris pour le Parlement !
    Je le dis à mon tour, nous ne sommes pas opposés au libre-échange, car nous sommes parfaitement conscients qu’une telle attitude reviendrait à mettre en péril notre économie et que nos agriculteurs aussi ont besoin d’exporter. Mais nous n’acceptons pas d’imposer à leurs productions des normes auxquelles ne seraient pas soumis les produits étrangers.
     

    M. Fabrice Brun

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    C’est tout le problème !

    M. Gilles Lurton

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    De même, monsieur Lemoyne, contrairement à ce que vous avez laissé entendre cet après-midi, nous n’avons rien contre le Canada. Je suis élu de Saint-Malo, dont est parti Jacques Cartier pour découvrir d’abord le Québec, puis l’immensité des terres canadiennes. C’est dire si l’histoire de nos deux pays nous réunit. Pourtant, je demeure très opposé à la ratification de cet accord, même s’il prévoit des garde-fous, comme le maintien de l’interdiction du bœuf aux hormones. En le ratifiant, nous nous exposerions à des dérives sanitaires et environnementales que nos concitoyens sont peu enclins à accepter.
    Pour ces raisons, et bien d’autres que j’aurai l’occasion de présenter au cours de l’examen des amendements, je voterai contre cette ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
     

    M. Fabrice Brun

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    Très bien, Gilles !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Yves Bony.

    M. Jean-Yves Bony

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    Farines animales, activateurs de croissance, antibiotiques, OGM, pesticides, atrazine – je vous fais grâce de la liste des quarante-six substances interdites en France et autorisées au Canada : voilà le menu, le cocktail que vous proposez aux consommateurs français ! Nous n’acceptons pas cet accord, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Roland Lescure proteste.)

    M. Fabrice Brun

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    C’est un éleveur qui vous le dit !

    M. Jean-Yves Bony

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    Nous refusons cet accord, contradictoire avec les engagements pris lors des états généraux de l’alimentation et dans la loi EGALIM, qui prône les circuits courts, une meilleure traçabilité, une meilleure prise en considération de l’environnement et du bien-être animal ! Vous rétropédalez !

    M. Fabrice Brun

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    Vous n’êtes pas à une incohérence près !

    M. Jean-Yves Bony

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    Cet accord de libre-échange est exactement contraire à vos engagements !
    Au-delà du risque sanitaire, vous prenez la responsabilité de mettre en grande difficulté l’élevage bovin français. Vous ouvrez avec le CETA une concurrence déloyale ; vous envoyez un signal négatif, un message brouillé à nos éleveurs du Cantal, à nos exploitations herbagères de montagne ; c’est leur savoir-faire même qui est remis en cause ! Comment allez-vous leur expliquer qu’ils doivent faire plus, toujours mieux, avec des contraintes de plus en plus pénalisantes, tandis que vous ouvrez les portes à des importations de viande canadienne produite selon des méthodes qui se situent aux antipodes de nos standards de production !
    Soyez honnête, monsieur le ministre ; soyez loyal envers les consommateurs : dites clairement que seulement 10 % des viandes en provenance du Canada seront contrôlées ;…
     

    M. Jean-Paul Lecoq

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    À peine !

    M. Fabrice Brun

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    Eh oui, c’est ça, la réalité !

    M. Jean-Yves Bony

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    …qu’aucune réglementation ne pourra interdire l’entrée de viande issue d’animaux nourris aux farines animales !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Vous avez lu le rapport ?

    M. Jean-Yves Bony

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    Soyez honnêtes et dites aussi que plusieurs experts indépendants ont affirmé que le CETA n’était satisfaisant ni du point de vue sanitaire, ni des points de vue environnemental ou social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Damien Abad.

    M. Damien Abad

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    Les agriculteurs français, les agriculteurs de l’Ain, ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas comment on peut passer d’un accord commercial à un marché de dupes qui brade les intérêts agricoles français ; pourquoi nous leur imposons des normes sociales, sanitaires et environnementales dont sont dispensés les produits importés du Canada. Ils ne comprennent pas non plus pourquoi nous autoriserions l’importation de viandes issues de bovins nourris aux farines animales, alors même que nous avons, que vous avez voté l’article 44 de la loi EGALIM, qui interdit la vente de produits agricoles faisant usage de produits non autorisés par la réglementation européenne. 
    Risque sanitaire et environnemental, déstabilisation de la filière bovine, notamment le haut de la filière avec l’aloyau, concurrence déloyale : tels sont les effets négatifs d’un tel accord.
    Certes, le CETA aura des conséquences positives pour de nombreux secteurs, le libre-échange étant utile au développement de l’exportation. Mais notre question est simple : pourquoi refusez-vous d’exclure le volet agricole, plus particulièrement la filière bovine, de cet accord ? Pourquoi voulez-vous utiliser l’agriculture et l’élevage comme une monnaie d’échange ? 
     

    M. Fabrice Brun

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    Arrêtez d’utiliser l’élevage à mauvais escient !

    M. Damien Abad

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    Vous nous dites : parce qu’il est trop tard. Mais c’est bien le problème ! L’accord est déjà ficelé et, trois ans après sa signature, nous arrivons à la fin du processus ! Toute la difficulté consiste à faire croire que nous participons à un débat capable d’entraîner des modifications ; mais la réalité est que nous sommes supposés tout prendre de l’accord, le bon comme le mauvais ! Or notre volonté est de garder le bon, de supprimer le mauvais, de défendre nos agriculteurs et de faire confiance à la France des territoires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Seule solution : ne pas autoriser la ratification !

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Descoeur.

    M. Vincent Descoeur

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    L’agriculture, et plus encore l’élevage bovin, s’avère la variable d’ajustement d’un accord présenté comme gagnant-gagnant, mais dont les éleveurs seront les grands perdants. Il s’agit d’un mauvais accord pour eux  D’un accord scélérat ! » sur les bancs du groupe LR), car l’idée même d’importer de la viande bovine créera immanquablement une distorsion de concurrence entre les élevages intensifs de milliers de têtes et nos élevages traditionnels de bocage ou de moyenne montagne, comme ceux du Cantal.

    M. Fabrice Brun

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    Les élevages à l’herbe de qualité !

    M. Vincent Descoeur

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    Une concurrence déloyale tirera les prix vers le bas et déstabilisera le marché, au lendemain de l’adoption de la loi EGALIM et des débats que avons eus dans cet hémicycle sur la nécessité de construire des prix rémunérateurs pour les agriculteurs. Où est la cohérence ?
    Cet accord, mauvais pour les agriculteurs, ne l’est pas moins pour les consommateurs.
     

    M. Fabrice Brun

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    Que nous devons protéger !

    M. Vincent Descoeur

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    Au lendemain de certaines déclarations hasardeuses, voire imprudentes, il est avéré que la viande importée du Canada ne présentera pas toutes les garanties que les consommateurs sont en droit d’attendre, que les animaux élevés dans ce pays auront pu consommer des protéines animales de poulet ou de poisson et qu’ils auront pu recevoir des activateurs de croissance bannis en France. Tout cela, je le rappelle, au lendemain d’un débat sur la qualité de notre alimentation, qui a donné lieu dans notre hémicycle à d’émouvantes déclarations d’intention, à l’évidence bien vite oubliées. Là encore, où est la cohérence ?
    Il s’agit enfin d’un mauvais accord pour l’environnement. À l’heure où se multiplient les déclarations sur l’urgence climatique, où l’on nous serine que nous devons réduire nos déplacements, vous nous proposez de consommer du bœuf qui aura traversé l’Atlantique,…
     

    M. Fabrice Brun

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    Où est la cohérence ?

    M. Vincent Descoeur

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    …alors même que nos éleveurs engagés dans des filières de qualité peuvent nous approvisionner. Ce qui est sûr, c’est que le CETA sacrifie la filière bovine déjà sous la menace d’un accord prochain avec le Mercosur.

    M. le président

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    Merci, cher collègue.

    M. Vincent Descoeur

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    Il est une autre chose dont je suis sûr : je suis l’élu de ceux qui seront les grands perdants de cet accord.

    M. Fabrice Brun

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    Comme tout le Massif central !

    M. Vincent Descoeur

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    Je ferai donc le choix de notre agriculture en refusant de ratifier l’accord. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Il y a deux semaines, nous abordions avec vigueur – et beaucoup de réticence – les discussions autour de l’accord commercial avec le Mercosur. Cette fois, c’est le CETA qui s’inscrit au calendrier, ce qui constitue un nouveau coup de massue, sinon un coup de poignard, pour tout le secteur agricole.
    Adopter le CETA, c’est accepter de fragiliser l’ensemble de notre filière agricole, spécialement l’élevage bovin. Si votre objectif était de parvenir à une mondialisation sauvage et au libéralisme roi, il est atteint.
    La canicule s’abat depuis deux années consécutives sur ma circonscription de l’Allier. Pour cette saison seule, trois arrêtés de sécheresse ont été pris. Ces contraintes naturelles ont des effets néfastes sur les récoltes et l’élevage. Un traité comme celui dont nous parlons ne fera que fragiliser une filière déjà mise à mal par la concurrence féroce des produits importés.
    Le CETA, véritable trahison pour nos agriculteurs, célèbre la culture de la quantité plutôt que de la qualité. Il oublie l’humain et l’animal au profit du bénéfice et du capital. Mais à quel prix ? Signer ce traité, et accepter une levée partielle des quotas d’importation de bœuf canadien, par exemple, c’est anéantir les perspectives de la filière française. C’est forcer nos agriculteurs à s’adapter et à produire en quantité industrielle, au détriment de notre culture de la raison et de la qualité. Quid de la souffrance des agriculteurs et des promesses de les aider ? Annoncer des déblocages de fonds, comme l’a fait le ministre de l’agriculture pour pallier la sécheresse, c’est bien ; penser à l’avenir et à la survie sur le long terme, c’est mieux.
    Ratifier ce traité, c’est enfin et surtout perdre la main sur la chaîne de contrôle des produits importés. C’est perdre l’assurance d’une traçabilité exacte de la viande. C’est faire perdre de la valeur à nos indications géographiques protégées. Une telle perte de souveraineté et de rayonnement est inacceptable.
    Je ne voterai donc pas le traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – « Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel

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    À Dieppe, le 19 août 1942 et en 1944, les soldats canadiens ont versé leur sang pour notre liberté, pour favoriser la coopération entre les peuples, et non pour faire de la concurrence déloyale et faussée une valeur cardinale. Nous réfutons l’idée qu’en s’opposant au CETA, on promeuve une société de repli. C’est tout le contraire.
    Le CETA applique à l’échelon international la théorie fantasmée du ruissellement, dont on sait ce qu’elle vaut sur le plan national. Pendant dix ans, il augmentera à peine le PIB de 10 euros par habitant. Dans le même temps, on devine le sacrifice qu’il imposera à notre agriculture. Ce matin, j’ai rencontré un agriculteur. Un certain nombre d’entre eux manifestaient devant l’Assemblée tant ils adhèrent à votre projet… Il m’a confié : « Les agriculteurs français ont les deux genoux à terre. Avec le CETA et l’accord passé avec le Mercosur, vous nous mettez deux balles dans la nuque. »
    Si cet accord suscite tant d’enthousiasme en vous, c’est que vous vous servez des traités de libre-échange pour accélérer votre projet de dérégulation en France. Vous les utilisez pour couler la société française dans le moule libéral. Le CETA vous permet d’en finir avec l’originalité de l’exception agricole française.
    Pour les libéraux, les traités de libre-échange s’enfilent comme les perles d’un collier. Dans le cas du CETA ou de l’accord avec le Mercosur, les perles s’enfilent en effet une à une, mais le collier risque d’étrangler, outre notre modèle agricole, l’originalité française qui protège la qualité de l’alimentation et des services publics, laquelle concourt à celle de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)    
     

    M. le président

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    La parole est à M. Alain Bruneel.

    M. Alain Bruneel

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    Comment ne pas craindre que l’abaissement des barrières tarifaires ne se double d’un abaissement des normes sociales ? La comparaison de notre droit du travail avec la législation sociale canadienne aboutit à un constat on ne peut plus clair : en matière de droits sociaux, les deux pays ne sont pas logés à la même enseigne. Alors que la France est signataire de 127 conventions de l’Organisation internationale du travail, le Canada en a signé seulement trente-sept. Parmi les soixante et une conventions qu’il n’a toujours pas ratifiées, citons par exemple la convention no 131 sur la fixation des salaires minima, la convention no 106 sur le repos hebdomadaire, la convention no 102 concernant la sécurité sociale ou encore la convention no 188 sur le travail dans la pêche.
    Organiser le libre-échange entre la France et le Canada, c’est laisser la porte ouverte à la mise en concurrence des travailleurs français et des travailleurs canadiens. C’est organiser le nivellement par le bas des normes sociales et des conditions de travail. L’accord ne contient aucune disposition visant à assurer une harmonisation sociale par le haut. Le CETA ne prévoit aucun dispositif contraignant pour sanctionner le pays qui refuserait de ratifier une convention de l’Organisation internationale du travail.
    Une fois de plus, le Gouvernement fait le pari hasardeux du mieux-disant économique et social, en laissant faire la main invisible du marché et de la concurrence libre et non faussée. Ratifier définitivement le CETA, c’est graver dans le marbre l’affaiblissement du droit du travail et la concurrence déloyale entre les travailleurs. Nous refusons d’importer un modèle social au rabais, qui pénalisera les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Hubert Wulfranc.

    M. Hubert Wulfranc

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    Sommes-nous des femmes et des hommes de principe ? C’est la vraie question qui nous est posée, quand nous voyons que le principe de précaution – principe constitutionnel, ce qui doit résonner dans cet hémicycle, règle qui nous engage d’un point de vue éthique et politique, et que la France s’est donnée de manière souveraine pour protéger les citoyens des risques sanitaires – est battu en brèche.
    Ce principe s’applique lorsqu’il existe un doute suffisant pour qu’il faille protéger. Protéger est un mot que vous employez souvent. Mais vous qui promettiez de protéger les Français, vous prônez le renoncement, un renoncement volontaire que nous vous jetons à la figure.
    Vous refusez de douter. Selon le bon sens populaire, deux précautions valent mieux qu’une. Avec le CETA, vous nous lancez dans une course à une vigilance de tous les instants. Vous condamnez les Français à un qui-vive permanent, sachant que le steak le plus douteux finira immanquablement dans l’assiette des plus modestes.
    Selon nous, la sécurité sanitaire ne se construit pas sur une carambouille, une escroquerie qui consiste à vendre à nos concitoyens un accord appartenant à d’autres – à ceux qui jugent qu’il faut toujours prendre un risque pour peu qu’on puisse en tirer profit. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Claude Bouchet.

    M. Jean-Claude Bouchet

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    Compte tenu de l’importance du sujet, il aurait été intéressant que le ministre de l’agriculture soit assis au banc du Gouvernement.

    M. Fabrice Brun

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    Il nous manque ! Son point de vue ne serait peut-être pas celui de M. Le Drian ou de M. Lemoyne.

    M. Jean-Claude Bouchet

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    Le Canada est le deuxième partenaire commercial de l’Union européenne, et la France, le huitième partenaire commercial du Canada. Le marché canadien, qui réunit 35 millions de consommateurs, intéresse évidemment les entreprises françaises, ainsi que celles des autres pays de l’Union. Vous mettez en avant de nombreux arguments juridiques et économiques qui semblent plaider pour la ratification du traité, comme la réduction des droits de douanes et des barrières non tarifaires, ou la protection des indications géographiques protégées.
    Mais les Français ne veulent plus de ces arguments. Ils veulent vivre, et vivre en bonne santé. Vous les avez stigmatisés, il y a quelque temps, parce que certains roulent au diesel. Vous les avez culpabilisés.  
     

    M. Fabrice Brun

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    Bien sûr !

    M. Jean-Claude Bouchet

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    Aujourd’hui, les Français veulent vivre en consommant des produits alimentaires de qualité, issus d’une agriculture durable, dans laquelle les agriculteurs retrouvent un avenir serein, garant de nos territoires. C’est en ce sens que nous avons voté avec vous – il y a quelques mois – la loi EGALIM, et son fameux article 44, interdisant à nos agriculteurs de vendre des produits ne respectant pas nos règles de production. Et vous voudriez qu’aux termes du CETA, nous l’autorisions demain ? Nous marchons sur la tête !
    Ce traité ne peut pas être signé à n’importe quelle condition. Nous ne pouvons pas vendre l’agriculture française, la sacrifier sur l’autel du libre-échange ! Ce traité va-t-il nous inciter à importer des bovins élevés sans nul souci du bien-être animal, de la traçabilité des bêtes et du respect de l’environnement ? Je rappelle que le Canada autorise la production des OGM, l’engraissement aux antibiotiques, activateurs de croissance, et l’utilisation de quarante-six substances actives strictement interdites en Europe. Va-t-on ouvrir le marché français et européen à une agriculture canadienne, dont certains produits sont strictement interdits sur nos territoires ?
     

    M. le président

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    Merci, cher collègue.

    M. Jean-Claude Bouchet

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    C’est ce que prévoit ce traité et c’est ce que nous refusons. Voilà pourquoi nous ne le voterons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Minot.

    M. Maxime Minot

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    Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, le Canada et l’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus l’Atlantique, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leur génie et améliorant sans cesse leur propre grandeur, œuvrer ensemble, durablement et avec intelligence, pour le bien-être de tous. Malheureusement, ce jour n’est pas encore arrivé.
    Vous refaites le rêve imbécile de vos pères, qui considéraient chaque nouvel accord comme une panacée dans le domaine économique, sans prendre de recul ni concevoir le moindre doute. Loin des discours apocalyptiques ou de je ne sais quel désaccord de principe, je me tiens devant vous calme et lucide, mais non moins inquiet de l’accord du CETA.
    Qu’allons-nous répondre à l’appel de nos campagnes, notamment de l’Oise, grandes sacrifiées de cet accord, et aux consommateurs français qui craignent les risques sanitaires ?
     

    M. Fabrice Brun

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    C’est vrai !

    M. Maxime Minot

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    En dépit des récentes assertions de la majorité, l’utilisation des farines animales est bien autorisée dans l’alimentation des bovins au Canada.

    M. Fabrice Brun

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    Eh oui ! De quel côté est le mensonge ?

    M. Maxime Minot

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    Or l’Union européenne ne disposant d’aucun levier réglementaire, l’accord rend envisageable l’importation en France de viande issue d’animaux nourris aux farines animales. Ainsi, au nom de la compétitivité, nous serions prêts à déstabiliser l’ensemble de notre filière de viande bovine, qui est reconnue, et à mettre en péril la sécurité sanitaire de nos concitoyens.
    Dénoncé en écho sur le sol canadien et français, le CETA n’est rien d’autre qu’une absurde fuite en avant nous rappelant une nouvelle fois que nous avons cessé de penser à la finalité de l’action humaine.
    Cet accord de libre-échange doit se mesurer à l’aune des intérêts de la France.
     

    M. Fabrice Brun

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    C’est vrai !

    M. Maxime Minot

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    Dans ces conditions et en conscience : oui, le CETA est un mauvais accord ; oui, il constitue un non-sens environnemental ; oui, vous en porterez la responsabilité et non, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    On l’avait compris !

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Loin d’être classique à l’Assemblée nationale, ce débat porte sur un choix qui entraînera des conséquences irréversibles, qui créera un précédent puisque d’autres accords commerciaux sont déjà proposés, et qui portera atteinte à la souveraineté nationale.
    Dans ce débat, je veux affirmer ma solidarité avec les écologistes canadiens qui se battent contre l’exploitation des sables bitumineux – la plus grande catastrophe écologique d’Amérique du Nord – mais aussi contre les OGM, contre le glyphosate et contre des conditions d’élevage industriel aberrantes.
    Au fond, ce débat fait apparaître un clivage entre les terriens et les destructeurs. Alors que la science nous apprend que ce qui est à l’œuvre, c’est un effondrement de l’espace de sécurité dans lequel la vie humaine s’est développée sur Terre, vous proposez quant à vous d’appuyer sur l’accélérateur. Voilà ce qu’est le CETA ! Le développement des échanges commerciaux à l’échelle internationale est tout simplement incompatible avec la lutte contre le changement climatique.
    Votre politique ressemble en fait à celle du gouvernement canadien, qui a pris un décret proclamant l’urgence climatique et qui, le lendemain, a décidé l’extension de l’oléoduc Trans Mountain. Vous aviez promis un acte II du quinquennat sur l’écologie.
     

    M. Julien Dive

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    C’est bien parti ! Où est le ministre d’État, ministre de l’écologie ?

    Mme Delphine Batho

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    Cet acte II prendra fin non pas lors du remaniement ministériel mais dès mardi, avec la ratification du CETA. Peut-être même, parce que vous avez sans doute le sens du tragique dans l’histoire, ce vote interviendra-t-il en pleine canicule. J’espère que vous aurez au moins la décence de ne pas verser des larmes de crocodile sur le changement climatique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Matthieu Orphelin et Mme Christine Pires Beaune applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Dive.

    M. Julien Dive

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    Plus d’une soixantaine d’orateurs sont inscrits sur cet article : c’est dire l’enjeu que représentent le CETA et ses conséquences pour la filière agricole, notamment bovine.

    M. Fabrice Brun

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    C’est un signe qu’il faut savoir entendre !

    M. Julien Dive

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    Profitons du temps qui est accordé aux parlementaires afin qu’ils s’expriment – je rappelle en effet que dans quelques semaines, cela ne sera plus possible puisque contrairement à la réforme Sarkozy, la réforme Ferrand du règlement de l’Assemblée ne permettra plus aux députés de s’inscrire si nombreux sur les articles qui leur seront soumis et d’exercer une parole libre. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI.)
    Je formulerai une remarque et une question. Ma remarque : c’est bien nous qui, au terme de plusieurs semaines de débats entre mai et novembre de l’année dernière, avons ensemble inscrit à l’article 44 de la loi EGALIM l’interdiction de vendre en France des denrées alimentaires pour lesquelles il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques non autorisés par la réglementation européenne, ou de farines animales. Préservons cette cohérence ! Je m’interroge pourtant sur les raisons qui expliquent le rejet des amendements que M. Dumont et moi-même présentons : ils sont conformes au règlement et ne peuvent pas être assimilés à une interprétation du texte. Pourtant, ils ont été rejetés avant même d’être inscrits à l’ordre du jour de nos débats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
     

    M. François Ruffin

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    Bravo !

    M. Julien Dive

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    Ma question, messieurs les membres du Gouvernement, est la suivante : qui ment ?  

    M. Fabrice Brun

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    La question est légitime !

    M. Julien Dive

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    S’agit-il des agriculteurs ? Nous entendons depuis tout à l’heure qu’il n’y aurait que mensonges, fausses nouvelles et calomnies. S’agit-il donc des agriculteurs dont nous rapportons quotidiennement – aujourd’hui encore – les observations et inquiétudes ?

    M. Fabrice Brun

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    Osez le dire !

    M. Julien Dive

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    Ou bien s’agit-il du Gouvernement, qui nous a caché certaines des vérités que contient ce CETA ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme Mathilde Panot

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    C’est bien lui !

    M. le président

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    Permettez-moi d’insister sur le défaut de garanties que présente un certain nombre d’éléments fondamentaux de ce traité. En premier lieu, j’entends beaucoup dire que les Canadiens sont nos amis. Je vous alerte néanmoins sur le fait que Justin Trudeau, qui n’est pas un modèle en matière environnementale, n’égale cependant pas un certain Andrew Scheer, qui pourrait arriver à la tête du Canada demain et qui, pour sa part, est totalement climatosceptique et désapprouve l’accord de Paris. Autrement dit, si nous ne disposons pas des garanties aujourd’hui dans les textes, nous risquons d’être particulièrement meurtris par les décisions que le Canada pourrait prendre demain.
    De ce point de vue, les fameux tribunaux d’arbitrage rebaptisés tribunaux des investissements ou ICS – pour investment court system – laissent un profond goût d’inquiétude. Je citerai quelques exemples d’arbitrages ancestraux (Brouhaha)...
    Serait-il possible d’avoir un peu d’attention ? Le sujet est important. (Exclamations sur divers bancs.)
     

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Vous avez vu le boxon, quand des orateurs de la majorité s’expriment ?

    M. le président

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    Nous vous écoutons, chère collègue.

    Mme Clémentine Autain

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    En 2004, Cargill a porté plainte contre le Mexique suite à l’instauration d’une taxe sur les sodas et le Mexique a dû verser 90,7 millions de dollars à ce groupe américain. En 2010, dans l’affaire Tampa Electric contre Guatemala liée à une loi plafonnant les tarifs de l’électricité, le groupe a obtenu 25 millions de dollars. Même quand les États gagnent, il leur en coûte puisqu’il leur faut verser au moins 8 millions de dollars pour justifier des réglementations nouvelles qu’ils ont décidées.
    Dans l’Ontario, au début des années 2000, il a été décidé de fermer des centrales à charbon pour instaurer un dispositif de soutien aux énergies renouvelables fondé sur le rachat à des tarifs préférentiels des énergies produites localement ; les acteurs locaux étaient donc privilégiés.
     

    M. le président

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    Veuillez conclure.

    Mme Clémentine Autain

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    Or ce dispositif a été cassé et la relocalisation a ainsi été empêchée. Ce sur quoi nous allons voter est donc particulièrement grave et pénalisera les politiques publiques environnementales… (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Adrien Quatennens.

    M. Adrien Quatennens

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    Les votes sur les différentes motions déjà présentées ce soir et l’amplitude des forces syndicales et associatives et des ONG opposées à ce traité montrent à quel point vous êtes de plus en plus isolés. Au fond, messieurs les membres du Gouvernement, vous parlez la langue morte d’un libre-échange obsolète avec lequel il est urgent de rompre. (Exclamations sur les bancs du groupe MODEM.) Tout indique qu’il faut relocaliser nos activités. Tout indique qu’il faut limiter nos échanges. Or c’est tout le contraire que vous faites ! Rien que par l’augmentation de ces échanges et par les émissions de gaz à effet de serre qui en découlent, le CETA est climaticide.

    M. Julien Aubert

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    Ou plutôt climatogène !

    M. Adrien Quatennens

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    Il devrait être interdit à toutes celles et ceux qui, mardi, voteront en faveur du CETA, de donner quelque leçon que ce soit en matière de climat.

    M. Sylvain Waserman

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    Vous voudriez donc interdire aux députés de parler ?

    M. Adrien Quatennens

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    Vous serez définitivement des tartuffes de l’écologie, des écologistes de pacotille ! Voter en faveur du CETA n’est pas compatible avec la défense du climat.
    En réalité, nous discutons ce soir, au beau milieu de l’été, d’un traité qui est déjà appliqué à 90 %. En quoi consistent les 10 % restants, sur lesquels il nous faudrait nous prononcer ce soir ? Il s’agit sans doute de la partie la plus grave de l’accord car elle crée un précédent lui aussi gravissime, en l’occurrence avec le Canada mais demain avec d’autres. Je fais naturellement référence aux fameux tribunaux d’arbitrage qui permettront à des multinationales d’attaquer des États si elles estiment que les lois qu’ils adoptent souverainement sont contraires à leurs intérêts. C’est donc l’aboutissement d’un projet transpartisan signé Sarkozy, Hollande puis Macron. C’est une capitulation en rase campagne du pouvoir politique – à moins que cela ne soit l’objectif inavoué du projet néolibéral que vous poursuivez puisqu’en fin de compte, ce type de traité ne consiste qu’en une chose : confier définitivement les clefs du pouvoir politique aux multinationales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    « La mondialisation et les traités de libre-échange sont les causes de toutes les crises que nous vivons. » Vous avez reconnu l’auteur de ce propos : Nicolas Hulot. Sur ce traité comme sur d’autres, l’enjeu n’est pas de faire cesser le commerce mais d’interrompre son développement. Les critères du libre-échange sont assez simples : il s’agit d’exporter des produits dans des pays qui en sont eux-mêmes producteurs – à ceci près que les produits en question sont moins chers pour la simple raison que l’on instaure un moins-disant social et écologique. Voilà ce qu’il faut dénoncer. Depuis la mise en application du CETA, les exportations d’hydrocarbures du Canada vers l’Union européenne ont augmenté de 63 %, au point que la commission Schubert a estimé dans son rapport que « rien n’est mis en place pour limiter le commerce des énergies fossiles » – et pour cause, puisque l’objectif est le commerce.
    L’association Attac expliquait récemment que selon certains chiffres, le développement du commerce international serait à l’origine de 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Nous ne pouvons plus nous permettre le luxe de ce grand déménagement du monde à l’heure où l’urgence climatique ne se mesure plus en décennies mais en années. À ceux qui s’essaient au point Godwin en nous expliquant, comme cette ministre entendue récemment à la radio, que si l’écologie s’apparentait au nationalisme, au protectionnisme et au repli sur soi, alors elle ne serait plus d’accord, je dis que l’on ne saurait accepter ce chantage selon lequel il n’existerait que deux options : le libre commerce ou le fascisme. La solution alternative passe par la relocalisation, les circuits courts, le protectionnisme solidaire, la conclusion d’accords commerciaux bilatéraux – qui doit se poursuivre – fondés sur des critères sociaux et écologiques permettant aux pays de ne plus importer ce qu’ils peuvent produire eux-mêmes. Voilà quelle serait la solution alternative au libre-échange, qui est non seulement un écocide et un fauteur de guerres, mais aussi un fauteur de moins-disant social. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Je voudrais m’adresser aux députés de la majorité.

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    C’est gentil !

    Mme Mathilde Panot

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    Le soutien sans faille que vous apportez au libre-échange pouvait encore être admissible lorsque nous ne connaissions pas les effets délétères de nos activités économiques et commerciales sur le changement climatique et la biodiversité. Les discours de justification que vous produisez à l’appui de la ratification de cet accord de libre-échange sont d’un autre temps, vos éléments de langage visant à défendre le libre-échange appartiennent au passé. Je vous le dis en toute tranquillité : si ces accords du passé ne disparaissent pas définitivement des politiques publiques, c’est nous tous qui allons y passer ! Voici la réalité terrible du changement climatique et de la sixième extinction massive des espèces. Elle pose la question de la survie de l’espèce ou, au moins, celle de la continuation de la vie dans des conditions décentes.
    C’est donc la logique même du libre-échange qui est en cause : toujours plus de marchandises et toujours plus de bateaux, d’avions et de camions pour les déplacer. Voilà ce que vous nous proposez par cet accord de libre-échange et par les autres accords de même nature. Cependant, vous devez tout de même vous rendre compte que de telles politiques commerciales augmentent mécaniquement les émissions de gaz à effet de serre. Cet argument imparable a été défendu par la commission qu’a convoquée le Président de la République lui-même. Aucun contre-argument ne nous a été opposé. J’espère donc que vous ne voterez pas en faveur de cet accord meurtrier – je pèse mes mots. Tout ce qui aggrave le changement climatique est désormais de nature à augmenter le nombre de morts que ce phénomène causera au cours du siècle à venir.
    Cet accord aggrave le changement climatique. Hier, nous apprenions que le permafrost fond avec soixante-dix années d’avance sur les prévisions du GIEC. Rien de tout cela ne vous alarme, rien ne retient votre attention dans cet événement, rien n’interpelle votre responsabilité en tant qu’êtres humains. Alors que nous nous apprêtons à nous prononcer sur ce texte, j’invite les parlementaires de la majorité à envisager la question à partir de cette mise en perspective. Aujourd’hui, nous ne sommes ni des marcheurs, ni des insoumis, ni des socialistes, ni des centristes, ni des communistes !
     

    M. Pierre Cordier

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    Et les gaullistes ?

    Mme Mathilde Panot

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    Nous sommes la nature qui doit se défendre, comme le disent les jeunes dans la rue. Et pour nous défendre, nous devons laisser le libre-échange derrière nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    C’est depuis cette tribune, à cette place et à ce micro, que le Premier ministre, il y a quelques semaines, a évoqué l’urgence climatique et nous a promis une accélération écologique. Qu’avons-nous donc au menu aujourd’hui ? En entrée, vous nous proposez de l’acéphate, de l’amitraze, de l’atrazine et, en tout, quarante-six molécules interdites aux agriculteurs européens, que nous importerons pourtant dans nos assiettes. En plat de résistance – mieux vaudrait dire plat d’abandon ou de capitulation –, du bœuf nourri aux farines animales, que la France a prohibées depuis la crise de la vache folle. Chassez-les de notre agriculture par la porte et voilà qu’elles reviennent par la fenêtre du libre-échange !
    Vous nous servez ces farines animales avec beaucoup de salade, vos salades – vos mensonges. Oui, vous avez menti aux Français, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous avez affirmé que les viandes et farines animales sont et demeurent interdites à l’importation et à la consommation en Europe : vous mentez ! Lorsque vous, madame et monsieur les rapporteurs, prétendez que tout produit interdit sur le marché européen reste interdit à l’importation, vous mentez !
     

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Il a raison !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Ce n’est pas ce que nous disons !

    M. François Ruffin

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    Soyons précis : la seule chose que le CETA ne permet pas, c’est d’importer du bœuf aux hormones, en effet. Mais la seule chose que la loi canadienne ne permet pas, c’est le cannibalisme, des bovins mangeant d’autres bovins dans leur farine. Tout le reste est permis : les quarante-six pesticides, les farines de mouton, de porc, de volaille, de soies, d’os, de poils ou de plumes et les antibiotiques activateurs de croissance ! Rien n’est prévu pour empêcher cela, comme le rappelait le rapport qui faisait état d’une harmonisation par le bas.
    Cette harmonisation par le bas n’est pas un dommage collatéral du libre-échange ; elle en est l’essence et le cœur, et le but recherché par les firmes multinationales et par leurs lobbies. C’est cette œuvre que vous poursuivez ce soir, ce travail de sape du droit du travail et de la protection de l’environnement. Bravo à vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Pierre Dharréville et M. Nicolas Dupont-Aignan applaudissent également.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Bénédicte Taurine.

    Mme Bénédicte Taurine

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    En France, cela fait vingt ans que des associations, des citoyens, des paysans et des responsables politiques s’engagent pour faire prendre conscience des dangers que représentent les cultures OGM et l’utilisation des pesticides qui les accompagnent, tant pour la biodiversité que pour la santé.
    L’utilisation des pesticides agricoles a progressé de 157 % au Canada entre 1994 et 2014. La culture des OGM y est autorisée depuis 1995. Ce pays autorise quarante-six molécules interdites dans l’Union européenne. Les limites maximales de résidus de pesticides autorisés dans l’eau y sont moins exigeantes que les nôtres. La concentration permise de glyphosate dans l’eau potable est 2 800 fois plus élevée au Canada qu’en Europe. Aujourd’hui, le Canada est le premier pays à commercialiser du saumon transgénique, interdit en Europe. Pouvez-vous nous assurer que le CETA ne rendra pas possible son importation, sachant que le saumon transgénique n’est pas traçable et pourrait se retrouver dans nos assiettes à notre insu ?
    L’utilisation de l’atrazine est interdite en France depuis plus de dix ans. Une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale – INSERM –, menée depuis 2002 sur des femmes enceintes, prouve que le risque d’avoir un enfant accusant un poids insuffisant à la naissance augmente de 50 % lorsque l’on retrouve cette substance dans l’urine de la mère. Comment pouvez-vous prendre la responsabilité de réintroduire ce pesticide dans notre alimentation ?
    Je vous invite à voir le documentaire Le grain et l’ivraie, qui montre combien une agriculture utilisant des OGM et des pesticides exploite les populations locales, multiplie les cancers et détruit les sols et la biodiversité.
    Tout le monde est conscient que les traités de libre-échange sont un danger pour les paysans qui s’engagent dans une démarche respectueuse de l’environnement et des populations, et un danger pour la santé. Les responsables des futurs scandales sanitaires seront ceux qui auront signé ces traités. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M Pierre Dharréville applaudit également.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    J’ai fait un rêve, le rêve qu’il puisse y avoir sur cette planète des échanges entre les peuples et les nations. J’ai fait le rêve qu’il puisse y avoir des coopérations. J’ai fait le rêve que l’on puisse acheter ailleurs et échanger, mais que l’on se pose chaque fois la question des conséquences pour les populations concernées et pour la planète.
    J’ai fait ce rêve, mais je découvre aujourd’hui, et j’en suis atterré, qu’au lieu de créer une nouvelle société et un nouveau monde, vous vous appuyez sur une théorie économique qui date du début du XIXe siècle. Élaborée par David Ricardo, qui a travaillé sur les avantages comparatifs, elle consiste à acheter là où le prix est le plus faible, quelles qu’en soient les conséquences. Voilà ce que vous défendez ! Or cette théorie économique est complètement dépassée.
    La réflexion sur le CETA a été initiée dix-sept ans après le sommet de la Terre de Rio de Janeiro et un an après le Grenelle de l’environnement, qui avait marqué le début d’une prise de conscience. Dix ans ont passé, dix ans de travail, est-il prétendu, pour obtenir cet accord. En définitive, celui-ci ne tient aucun compte des grands enjeux d’aujourd’hui.
    Je lance un appel aux députés de la majorité : vous ne pouvez pas vous accrocher à une théorie économique qui bousille les individus, qui bousille la planète, une théorie d’un autre temps, complètement dépassée. Mettez-vous une chose dans la tête : les produits de l’agriculture, les denrées alimentaires ne sont pas des marchandises comme les autres, susceptibles de servir de monnaie d’échange comme le sont les produits manufacturés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC, FI et LT, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.) L’agriculture et l’alimentation sont des biens communs de l’humanité. Et on n’écrabouille pas le bien commun pour l’intérêt de quelques multinationales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)  
     

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Tous les arguments ont été exposés, et nous avons sans doute le débat le plus important, le plus utile et le plus grave de la législature.
    Je voudrais m’adresser au secrétaire d’État, qui ne nous écoute pas, et aux députés du groupe La République en marche : au-delà de l’appartenance à un groupe et du soutien à un Président de la République, il y a votre conscience et l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Mardi, vous serez appelés à effectuer le vote le plus important de votre carrière politique. Ce vote aura des conséquences incalculables sur l’avenir de notre pays et de l’Europe.
    Ce qui me fascine, m’inquiète et me désespère, c’est que la défense du CETA est en totale contradiction avec tout ce que vous dites depuis des mois et des années. Elle est en contradiction avec l’exigence démocratique, car ce traité inocule un virus dans la souveraineté non seulement de la France, mais de l’Europe. En effet, il donne le pouvoir aux multinationales dont, plus encore qu’aujourd’hui, nous serons les pantins.
    Cette attitude est également en totale contradiction avec vos engagements sur l’Europe. Il est d’ailleurs curieux que vous n’ayez pas mis la ratification de ce traité à l’ordre du jour de notre assemblée avant les élections européennes : quand je parlais pendant la campagne des accords avec le Mercosur et du CETA, on me disait que j’alarmais les gens. Et puis, un mois après les élections, on y passe !
    De même, la signature de ce traité est en totale contradiction avec l’idée d’une Europe qui protège, puisqu’il incarne au contraire une Europe qui s’abaisse.
     

    Mme Marie Lebec, rapporteure pour avis

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    Pas du tout !

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Elle est en totale contradiction avec nos engagements sur le climat, car le Canada ne respecte évidemment pas l’accord de Paris. Vous allez pourtant lui donner un blanc-seing, de même que vous le ferez pour les pays du Mercosur, qui ne les respectent pas non plus.
    Elle est contradiction avec la santé de nos concitoyens, à cause de l’importation de produits dangereux.
    Enfin, elle est en contradiction avec les exigences du localisme, qui repose sur l’entretien par les agriculteurs de nos territoires.
    Regardez-vous dans la glace avant qu’il ne soit trop tard !
     

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de la Verpillière.

    M. Charles de la Verpillière

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    Voilà plus de six heures que nous examinons les dispositions du CETA, et ce long débat a fait apparaître une évidence : le volet agricole de l’accord met notre agriculture en danger, en particulier les producteurs de viande bovine, et compromet la sécurité alimentaire des consommateurs français.
    Le libre-échange n’est pas mauvais en soi, mais la concurrence doit être loyale. Or elle ne le sera pas ! Les éleveurs canadiens seront avantagés, car ils peuvent utiliser des produits et des méthodes interdits en Europe. Pour nourrir leurs bovins et les engraisser, ils ont recours à des antibiotiques comme activateurs de croissance et à des farines animales – même si, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous essayez maladroitement de prétendre le contraire.
    La concurrence sera donc déloyale et la sécurité alimentaire des consommateurs français compromise, faute de traçabilité : les contrôles, s’il y en a – et il n’y en aura pas beaucoup – seront insuffisants pour empêcher l’importation de produits contenant des substances interdites.
     

    M. Ian Boucard

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    C’est certain !

    M. Charles de la Verpillière

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    Enfin, n’oublions pas qu’après le CETA, il y aura l’accord commercial avec l’Amérique du Sud, le fameux Mercosur, tout aussi dangereux pour notre agriculture.
    Mes chers collègues, mon choix est donc fait : je voterai contre la ratification du CETA et je vous invite à en faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie

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    D’une manière générale, je ne suis pas forcément opposée aux accords de libre-échange. Aussi, les oppositions qui se sont fait entendre dans mon territoire de l’Orne, notamment parmi les agriculteurs et les éleveurs, qui représentent une part importante de l’activité locale, m’ont interpellée.
    Si nous pouvions soutenir l’ensemble des accords de libre-échange il y a quelques années, la situation a aujourd’hui changé, notamment s’agissant des produits agricoles, qui ne peuvent pas être abordés de la même manière que les produits industriels.
    Dès que je nourris des doutes sur un texte, je me pose quelques questions : cet accord est-il bon pour la France ? Je ne peux pas répondre par l’affirmative. Est-il souhaitable pour les Français ? De la même manière, je ne peux pas répondre positivement. Est-il bon pour les générations futures ? La réponse reste la même.
    Sur la viande bovine, le traité inquiète. Le CETA apporte probablement des améliorations dans les échanges avec un pays ami, mais que voulons-nous faire de notre agriculture, notamment de l’élevage bovin ? Nous savons très bien qu’au Canada, certains animaux sont issus d’élevages nourris aux farines animales ou dopés aux antibiotiques. Cette situation crée deux problèmes, largement évoqués depuis le début de l’après-midi : une distorsion de concurrence au détriment de nos agriculteurs et une menace sur la qualité des produits que les consommateurs auront dans leur assiette. Alors que les normes françaises de traçabilité représentent une contrainte pour nos agriculteurs et une sécurité pour les consommateurs, l’harmonisation des règles et des normes est impérative, celle-ci ne devant pas se faire par le bas. Par ailleurs, il n’existe pas, à ce stade, de garanties sur la nature des contrôles que la France pourrait déclencher.
    Vous l’avez compris, le CETA n’est pas satisfaisant en l’état.  
     

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Charles Larsonneur.

    M. Jean-Charles Larsonneur

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    Permettez-moi, chers collègues, quelques remarques géopolitiques de bon sens.
    Dans un contexte de protectionnisme tous azimuts et de guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, où voulons-nous nous situer demain ? Resterons-nous désunis et à la traîne du reste du monde ? Ou souhaitons-nous, au contraire, poser un socle commun de règles pour le commerce du XXIe siècle ?
     

    Mme Clémentine Autain

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    Fondé sur la concurrence libre et non faussée ?

    M. Jean-Charles Larsonneur

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    Le CETA nous permet de dire « non » au droit du plus fort.
    Avec le Canada, nous avons une histoire commune,...
     

    M. Vincent Descoeur

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    Quelle hauteur de vue, un futur ministre !

    M. Jean-Charles Larsonneur

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    ...nous appartenons à la francophonie et nous partageons des valeurs comme la promotion de la démocratie, des droits humains et du multilatéralisme. À rebours de ce que j’entends ici et là, s’il y a bien un domaine dans lequel la France et le Canada peuvent converger, c’est celui de l’écologie. C’est un non-sens d’imaginer que le Gouvernement pourrait vouloir détricoter l’accord de Paris, qui nous lie, bien sûr, aux autres États parties, mais aussi aux générations futures. Notre ambition, vous le savez, s’est matérialisée par la conclusion d’un partenariat pour le climat et l’environnement. Le Canada abandonnera progressivement le charbon, et défend l’ambition écologique de l’accord de Paris, auquel la déclaration interprétative relative au CETA reconnaît une valeur contraignante. D’ailleurs, des études indépendantes ont démontré que les conséquences environnementales du CETA seraient très limitées.
    En définitive, l’Union européenne ne doit pas subir le commerce. Elle doit, au contraire, négocier des accords bilatéraux pertinents et protecteurs avec des pays amis, car, comme l’a dit le Président de la République, les échanges, lorsqu’ils sont bien encadrés et bien contrôlés, profitent au plus grand nombre.
    Si l’Union européenne ne peut pas négocier de traité avec un pays comme le Canada, avec qui le pourrait-elle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
     

    Mme Mathilde Panot

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    Avec Bolsonaro apparemment !

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    Nous échangeons de nombreux arguments de qualité depuis tout à l’heure : bien sûr, je me reconnais dans ceux qui s’opposent à la ratification. Le Gouvernement et la majorité avancent d’autres arguments. Ce qui est passionnant et grave, c’est que nous voyons s’affronter deux projets de civilisation. Nous disons que la crise écologique commande de prendre des mesures rompant avec les traités de deuxième génération, quand vous nous répétez, à l’image de M. Larsonneur à l’instant, que le plus important est le libre-échange et la place de notre pays dans la compétition mondiale.

    Mme Clémentine Autain

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    C’est la course à l’obésité !

    M. Alexis Corbière

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    Comment dénouer cette opposition ?
    Tout d’abord, il convient de reprendre la question posée tout à l’heure par ma collègue Clémentine Autain : si d’aventure l’Assemblée rejetait ce traité, que se passerait-il ?
     

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Personne ne le sait !

    M. Alexis Corbière

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    Personne ne le sait, en effet ! Pierre Moscovici a indiqué que nous nous trouverions face à un vide juridique, mais que, sans doute, le traité s’appliquerait tout de même. Il y a donc un problème de fond, et pour le résoudre, nous devons revenir à l’essentiel et nous en remettre au peuple ! Nous demandons donc l’organisation d’un référendum sur le CETA. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)

    M. Fabrice Brun

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    Et sur l’accord avec le Mercosur !

    M. Alexis Corbière

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    Vous n’avez pas été élus pour autoriser sa ratification. Lors de la campagne présidentielle, le candidat Macron a dit qu’il chargerait des experts d’évaluer l’impact de l’application du CETA sur l’environnement, le climat et la santé – ce qu’il a fait en réunissant la commission dite Schubert. Or cette dernière estime que ce traité est dangereux.
    Aucun député sur ces bancs – aucun ! – ne s’est fait élire en disant à ses concitoyens qu’il appliquerait le CETA. Notre légitimité n’est pas suffisante pour trancher un sujet aussi important. Il faut donc revenir devant le peuple pour dénouer cette question,...
     

    M. Philippe Vigier

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    Référendum révocatoire !

    M. Alexis Corbière

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    ...sans quoi, en plus des effets d’un mauvais traité, nous subirions un coup de force antidémocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Avec l’application de ce traité de libre-échange, nombreux sont ceux qui s’inquiètent de voir les échanges commerciaux entre la France et le Canada se développer au détriment des normes de qualité françaises. La filière bovine est particulièrement exposée, puisqu’elle sera mise en concurrence, nous avons été nombreux à le rappeler ce soir, avec des viandes nourries aux hormones de croissance et aux farines animales – sans parler du bœuf dopé aux antibiotiques, une folie, puisque ce procédé accélère la résistance aux antibiotiques et constitue donc un enjeu de santé publique mondial.  
    D’ailleurs, le récent scandale de falsification de certificats vétérinaires canadiens, qui a permis l’exportation illégale de porcs à la ractopamine vers la Chine, a démontré que, contrairement à ce que vous ne cessez de nous dire, les autorités publiques canadiennes ne sont pas toujours fiables en la matière.
    La ratification du CETA n’est malheureusement cohérente ni avec vos discours ni avec la loi EGALIM, qui prônait une montée en gamme des produits agricoles, afin d’assurer aux agriculteurs un revenu décent et de privilégier la consommation locale, davantage rémunératrice pour les producteurs et plus respectueuse de l’environnement. En réalité, le CETA met en concurrence des modèles agricoles radicalement opposés. C’est principalement pour cette raison qu’il met autant en colère nos agriculteurs. Comment comparer nos exploitations agricoles à taille humaine avec ces feed lots d’outre-atlantique, dont 60 % comprennent plus de 10 000 bovins ? Nous sommes attachés au modèle agricole français, je suis attachée au modèle agricole de mon département, l’Hérault, fondé sur des exploitations respectueuses de nos terroirs et de ses paysages, ainsi que de la santé des consommateurs.
    Les agriculteurs ne doivent pas devenir la variable d’ajustement de votre politique commerciale. Pour vous, le CETA est « un bel accord », mais toutes les oppositions, ainsi que l’intégralité du monde paysan français, s’élèvent contre celui-ci au nom de risques sanitaires, agricoles et environnementaux. Cela, au moins, devrait vous interpeller et vous faire retirer la filière bovine de son champ d’application.
     

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    Bruno Le Maire a fait un rêve, lui aussi ; ensuite, il a écrit un tweet : « Un capitalisme qui conduit à l’accroissement des inégalités et à l’épuisement des ressources de la planète ne mène nulle part. » Outre que je crois que le capitalisme ne mène effectivement nulle part, que nous proposez-vous d’autre avec ce traité, qui est bâti sur le modèle de la concurrence libre et non faussée, lequel conduit à la guerre économique ? Le mécanisme de règlement des différends que vous nous proposez dans le cadre de ce traité n’est fait que pour verrouiller les choses et permettre l’application maximale de celui-ci. Vous vous êtes contentés de donner un nouveau nom aux tribunaux d’arbitrage.
    Nous sommes donc évidemment favorables à ce que le peuple français soit saisi de ce texte par la voie référendaire. Du reste, à l’initiative de notre groupe, une résolution allant dans ce sens avait été votée sous la précédente législature, en 2017.
    Le mécanisme de règlement des différends permettra à des investisseurs d’attaquer des décisions de politiques publiques, non pas devant les juridictions nationales de l’État concerné, mais devant une juridiction internationale ad hoc et, s’ils gagnent, de contraindre les États à leurs vues. Ce dispositif déséquilibré attribue des pouvoirs considérables aux investisseurs étrangers, si bien que le risque est réel que les États souhaitant adopter des politiques environnementales, sociales ou sanitaires ambitieuses ne préfèrent s’autocensurer.
    La Commission consultative nationale des droits de l’homme a dénoncé le déséquilibre entre les États et les investisseurs instauré par une telle situation, un constat d’autant plus préoccupant que les États ne pourront évidemment pas attaquer les investisseurs en retour. Les multinationales pourront ainsi contester les normes sociales, sanitaires et environnementales des États et, donc les choix politiques des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Dumont.

    Mme Laurence Dumont

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    Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous poser une question : que se passera-t-il si le vote est négatif mardi prochain ? Compte tenu du résultat du vote sur la motion de rejet préalable, cette hypothèse ne peut plus être écartée : nous sommes nombreux à nous en réjouir. J’avais fait le pari, au début de la séance de cet après-midi, qu’aucun groupe ne voterait unanimement en faveur de la ratification du CETA : le vote sur la motion de rejet a démontré que j’avais raison. Il n’a manqué que quelques voix seulement pour que le CETA tombe dès ce soir. D’ailleurs, il ne vous a pas échappé qu’il n’y a eu quasiment aucune prise de parole – une seule, je crois – en faveur du CETA, en dépit de l’inscription de plus de soixante-dix orateurs sur l’article 1er.
    Le rejet du CETA mardi prochain est donc possible. Qu’est-il prévu dans ce cas ? La déclaration no 20 du Conseil de l’Union européenne, adoptée parallèlement à l’adoption de la décision par le Conseil de signer le CETA, est très claire : à partir du moment où le processus de ratification du CETA dans un État membre aboutit à un rejet et que l’État membre en question le notifie au Conseil, l’application provisoire est dénoncée, ce qui signifie que tout l’accord tombe. En effet, c’est l’ensemble du CETA, en un seul bloc, qui est présenté à la ratification.
    Pour être tout à fait complet, il faut noter que la déclaration du Conseil ne dit pas qu’un vote négatif d’un parlement national entraîne automatiquement la dénonciation de l’application provisoire par le Conseil. Le Conseil doit pour cela être saisi formellement par l’État membre concerné, à qui il revient d’apprécier à partir de quand il est définitivement dans l’incapacité de ratifier le CETA. Vous voyez la malice.
    Le Gouvernement doit donc, dès ce soir, s’exprimer clairement sur ses intentions en la matière : c’est une exigence démocratique. Si, mardi, l’Assemblée nationale refuse de ratifier le CETA, vous engagez-vous ici, ce soir, à le notifier sans délai au Conseil de l’Union européenne ? Oui ou non, vous engagez-vous à ne pas jouer la montre, en attendant des jours meilleurs pour tenter une nouvelle délibération sous une forme ou sous une autre, ce qui serait évidemment un insupportable déni de démocratie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Cet accord de libre-échange avec le Canada est inacceptable en l’état, car vous acceptez d’importer de la viande bovine qui ne respecte pas les normes imposées aux producteurs français.

    M. Fabrice Brun

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    C’est vrai. Le problème est là !

    M. Ian Boucard

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    Il est inacceptable parce que le bovin, dont vous vous apprêtez à importer la viande, aura peut-être consommé des farines animales, des antibiotiques activateurs de croissance ou quarante-six autres substances strictement interdites en Europe. Alors que nos concitoyens accordent une importance de plus en plus grande à la qualité de leur alimentation, cet accord leur propose de revenir vingt ou trente ans en arrière.
    À l’heure où le Gouvernement prétend faire du développement durable sa priorité, vous voulez mettre le bœuf élevé en France en concurrence avec du bœuf qui aura fait des milliers de kilomètres en avion. Et, pendant ce temps-là, vous augmentez le prix du carburant de ceux qui travaillent.
     

    M. Fabrice Brun

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    Eh oui !

    M. Ian Boucard

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    Nos agriculteurs sont inquiets, parce que la concurrence sera déloyale, les règles n’étant pas les mêmes entre eux et leurs collègues canadiens. Nos concitoyens sont inquiets, parce que vous ne pouvez pas leur garantir la traçabilité de la viande qui sera importée, en raison d’un nombre insuffisant de contrôles. Les parlementaires sont inquiets, parce que les positions du Gouvernement ont beaucoup trop varié, ces derniers jours, sur ce qui sera accepté notamment en matière de farines animales : au mieux ces erreurs sont des omissions, au pire, elles pourraient être des mensonges.
    C’est pourquoi, faisons le choix de l’agriculture française, faisons le choix du bon sens écologique, faisons le choix d’une alimentation sûre pour nos concitoyens. Le mien est fait : je voterai contre le CETA, car je suis convaincu qu’il n’est bon ni pour les agriculteurs ni pour les citoyens du territoire de Belfort. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Nathalie Bassire.

    Mme Nathalie Bassire

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    Monsieur le ministre, comment pourrai-je expliquer aux agriculteurs, qui n’ont pas le droit d’utiliser de nombreux traitements vétérinaires, qu’ils pourront voir, demain, la viande saine qu’ils auront produite à un coût plus élevé partager le même étal qu’une viande – bovine ou autre – saturée d’éléments interdits ?

    M. Pierre Cordier

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    Il est certain que je n’en mangerai pas !

    M. Fabrice Brun

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    Toujours plus de laxisme pour les produits importés !

    Mme Nathalie Bassire

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    Comment peut-on défendre des textes législatifs visant à protéger la biodiversité et à améliorer la qualité de nos produits agricoles, dans le cadre de contraintes souvent strictes, pour des objectifs louables, quand, dans le même temps, on détruit toute la confiance que nos concitoyens auraient voulu nous accorder ? Comment leur expliquer que c’est pour eux que le CETA a été ratifié et les convaincre qu’il les aidera à prospérer et à faire prospérer l’économie française ?
    Telles sont les questions que se posent et que nous posent les Français. Nous sommes convaincus de la nécessité de promouvoir l’agriculture biologique en France, en particulier à La Réunion. Quel discours dois-je désormais tenir pour que les Français gardent confiance dans leurs décideurs politiques ?
    Un quotidien a annoncé aujourd’hui que plus de 80 % de nos concitoyens sont opposés à la ratification du CETA.
     

    M. Ian Boucard

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    Écoutez-les !

    Mme Nathalie Bassire

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    Pouvons-nous tous nous mettre à la place des agriculteurs et des consommateurs, que nous représentons dans l’hémicycle ? Si nous comprenons leurs inquiétudes, nous ne pouvons que nous opposer à la ratification du CETA, qui est pour eux synonyme de confusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bouillon.

    M. Christophe Bouillon

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    La semaine prochaine, ici même, nous accueillerons Greta Thunberg, qui est la figure la plus connue d’une jeunesse qui, à travers le monde, se mobilise dans la lutte contre les changements climatiques. Son message est simple : les États agissent insuffisamment.
    Il y a quelques jours, comme beaucoup d’entre nous, j’ai rencontré de jeunes agriculteurs de ma région, la Normandie, qui est une région agricole, connue autant pour ses produits que pour ses agriculteurs passionnés. Leur message est simple, là encore : ils ont parfois l’impression qu’on leur demande trop par rapport aux autres. Ils comprennent les exigences dans les domaines environnemental ou sanitaire, ils comprennent les exigences en matière de qualité. Ce qu’ils ne comprennent pas, en revanche, c’est qu’ils soient les seuls à devoir les respecter, les seuls à qui on en demande plus.
    Le CETA, sans permettre aux États d’améliorer leur action, ne fera qu’aggraver l’isolement des agriculteurs français. Cet accord, comme, demain, celui passé avec le Mercosur, est la prime aux cancres dans la lutte contre les changements climatiques. (M. Christophe Ruffin applaudit.) N’oublions pas que le Canada est un des plus mauvais élèves des pays du G20 en matière de lutte contre le changement climatique. Or selon les experts de la commission Schubert – qui sont indépendants –, le CETA est incompatible avec cette lutte et même avec l’accord de Paris.
    Qu’avez-vous fait pour le rendre plus conforme ? Vous avez évoqué le veto climatique : il ressemble étrangement à un placebo climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) En effet, il fait du bien sans être un principe actif. Toujours selon le rapport Schubert, le CETA porte atteinte au principe de précaution dans le domaine sanitaire. Imaginons une crise analogue à celle de la viande avariée : on n’a mis que quelques jours à trouver son origine polonaise. Demain, qu’en sera-t-il ?
    Vous le savez, cet accord sent la naphtaline : il relève de l’ancien monde, tout simplement parce qu’il ne prend pas en considération l’urgence climatique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Vatin.

    M. Pierre Vatin

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    Le CETA est présenté comme un accord de libre-échange de nouvelle génération, intégrant non seulement une suppression des droits de douane, mais surtout une réduction des barrières réglementaires aux échanges de biens et de services. Or il souffre de nombreuses imprécisions, qui sont autant de risques pour les agriculteurs et les éleveurs français. Ce soir, depuis près de trois heures, nous relayons leurs inquiétudes et celles de nos concitoyens. Mais vous n’avez aucun doute, comme toujours : cette majorité ne doute pas.
    Pour ma part, je doute du CETA lorsque je lis, dans le rapport que la commission indépendante chargée d’évaluer son impact a remis le 7 septembre 2017, qu’il faut « assurer en continu la transparence vis-à-vis de la société civile », « instaurer un étiquetage informant sur les modes de production des produits d’origine animale » ou « renforcer les contrôles et les procédures de certification en matière animale et végétale »…
    Qu’en est-il en réalité ? Ces recommandations n’ont visiblement pas été prises en considération. Il existe aujourd’hui un vrai vide juridique, puisqu’aucun texte ne fait référence à l’interdiction d’importer des animaux nourris aux farines animales. Et ce n’est pas le rétropédalage de certain ministre hier qui peut nous rassurer. De plus, quarante-six substances, interdites en Europe, sont utilisées dans l’élevage bovin au Canada. Pourtant, l’article 44 de la loi EGALIM interdit de proposer à la vente ou de distribuer gratuitement des produits ne respectant pas les standards européens. En fait, la loi française impose des standards aux agriculteurs français tout en autorisant l’importation de produits ne respectant pas ces mêmes standards. Et l’Union européenne ne dispose pas d’outils réglementaires lui permettant d’imposer au Canada l’interdiction de ces substances.
    Dès lors, quelle procédure s’appliquera aux viandes qui ne respecteront pas ces normes ? Pouvons-nous imaginer qu’elles seront réexpédiées ? De quelles garanties disposerons-nous en matière de traçabilité des viandes canadiennes ?
     

    M. Pierre Cordier

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    D’aucune !

    M. Pierre Vatin

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    À toutes ces questions, nous n’avons reçu que des réponses erronées. L’adoption de ce traité serait une réelle remise en cause des conclusions des états généraux de l’alimentation, des exploitations agricoles familiales et de la qualité de notre élevage bovin. Dans ces conditions, je vous invite, mes chers collègues, à vous exprimer contre l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Chers collègues, je m’adresserai surtout à la majorité. Je souhaite vous lire, à la page 14 du programme Renaissance pour les élections européennes, la proposition no 24, afin de vous rappeler les principes que vous prétendez défendre : « Nous ferons voter une directive "Éthique des entreprises" qui interdira l’accès au marché européen à toute entreprise ne respectant pas les exigences sociales et environnementales fondamentales. » Vous l’aurez compris, cela concerne les quarante-six molécules interdites chez nous mais autorisées au Canada... Et le programme de se poursuivre en ces termes : « L’Europe doit se donner les moyens d’agir quand les entreprises font passer leurs intérêts avant ceux de la planète » – c’est magnifique…

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Nous n’en aurons plus les moyens !

    M. Ugo Bernalicis

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    …« ou avant le respect des droits élémentaires. » Merveilleux !

    M. Jacques Marilossian

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    Vous avez voté Renaissance, alors !

    M. Ugo Bernalicis

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    « C’est aussi une question de juste concurrence entre nos entreprises européennes, souvent plus vertueuses, et le reste du monde. » C’est vous qui écrivez cela !
    Après avoir défendu un tel programme dans le cadre des élections européennes, comment pouvez-vous nous soumettre ce traité de libre-échange ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Est-ce un problème de dissonance cognitive ? Comment résoudre cette équation ? Relisez la proposition no 24 de votre programme.
     

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Un excellent programme !

    M. Ugo Bernalicis

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    En toute logique, vous vous opposerez à la ratification de ce traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Fuchs.

    M. Bruno Fuchs

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    Je me suis longuement questionné sur le bénéfice d’un tel accord de libre-échange. J’entends, bien sûr, les peurs, mais j’entends aussi les lobbies et les positions partisanes exprimées depuis de nombreuses heures par certains dans cet hémicycle.

    M. Dominique Potier

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    Il n’y a pas plus partisan que vous !

    M. Bruno Fuchs

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    Après analyse des garanties obtenues, je considère que ce que l’on appelle, en français, l’accord économique et commercial global – AECG – entre l’Union européenne et le Canada représente un tournant majeur dans l’approche française des accords commerciaux. Cet accord n’est pas parfait, mais je suis convaincu qu’il constitue une avancée significative. Le commerce entre la France et le Canada n’a pas attendu que nous ratifiions l’AECG pour prospérer. Mais ce dernier permettra justement d’encadrer et de sécuriser nos relations commerciales. Il prévoit également une documentation destinée à protéger nos filières en cas de menaces. Cet accord « nouvelle génération » est aussi le moyen de revoir notre méthode en matière d’élaboration des traités, notamment sur le plan de la transparence et du respect de la souveraineté. La commission des affaires étrangères, notamment sa présidente, fut, sur ce point, exemplaire : elle a obtenu l’élaboration d’une étude d’impact préalable et la création d’une mission chargée d’évaluer a posteriori les effets pour la France de l’application de l’accord.

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Très bien !

    M. Bruno Fuchs

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    Cet accord a donc été considérablement amélioré – je développerai d’autres arguments lors de l’examen des amendements.
    En outre, si cela n’avait pas suffi à me convaincre, j’aurais pu me rassurer en me rappelant que l’accord a été négocié pendant le mandat de M. Sarkozy et signé par François Hollande : il ne doit pas être si mauvais !
     

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Eh oui ! On l’oublie !

    M. Bruno Fuchs

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    Si François Hollande l’a signé au nom de la France, c’est qu’il devait y avoir, il y a seulement deux ans, une majorité pour le soutenir. J’ai été également rassuré quand j’ai vu qu’au Parlement européen, le 15 février 2017, les membres du parti Les Républicains avaient voté pour l’accord, de façon écrasante : douze voix pour et six abstentions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) L’une d’entre eux est aujourd’hui députée française. Bizarrement, elle n’est pas parmi nous ce soir. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Assez de leçons ! Assez d’hypocrisie ! Assez de gesticulations !

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Je voterai évidemment contre l’accord économique et commercial global, pour trois raisons. Premièrement, il existe un problème de souveraineté. Débattre ici d’un accord qui s’applique à 90 % et qui a été négocié en toute discrétion me gêne. La France et son parlement ne sont plus capables de garantir à leurs citoyens la qualité de ce qu’ils vont manger, notamment de la viande bovine. S’agissant de la souveraineté, M. Bernalicis a cité tout à l’heure le programme de la liste Renaissance. Pour ma part, je vais me référer au Moyen-Âge, en rappelant le programme de 2017 d’En Marche, qui prévoyait de créer un procureur commercial européen, d’introduire des clauses sociales et environnementales obligatoires dans tout accord commercial entre l’Europe et ses partenaires, et de créer des comités de vigilance citoyens, de manière à pouvoir assurer le suivi des normes environnementales et sociales. J’ai l’impression que certaines promesses se sont perdues.

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    C’est le parti populaire européen qui refuse ! Merci Orban !

    M. Julien Aubert

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    Deuxièmement, il existe un problème économique. Ce n’est pas seulement la théorie de Ricardo qui est ici appliquée, mais également le modèle d’Heckscher-Ohlin, qui montre l’intérêt pour chaque pays de spécialiser sa production. Dans cette logique, la France exporte des produits de luxe, du vin et quelques avions, et importe tout le reste. Cela conduit à une évolution divergente des territoires, car tous ne gagnent pas à une telle spécialisation. C’est donc un problème à l’échelle de la nation. D’ailleurs, il est de bon sens de se demander pourquoi acheter à l’autre bout du monde une viande qu’il est possible de produire soi-même. En outre, c’est une erreur écologique, à l’heure où l’on tente de limiter les émissions.
    Troisièmement, il y a un problème politique : l’époque est au repli et à la guerre commerciale. Au lieu de s’ouvrir aux quatre vents, l’Union européenne ferait mieux de défendre sa singularité et son marché. La forteresse Europe a une raison d’être, dans un monde qui, en réalité, ne croit déjà plus à la mondialisation. Il suffit d’observer les actions du président des États-Unis pour comprendre que votre accord est déjà dépassé.
     

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. Philippe Vigier

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    Heureusement que nous débattons de ce projet de loi ! J’ai été très surpris, lors de la conférence des présidents qui a eu lieu cet après-midi, d’entendre le président du groupe La République en marche qualifier d’« anormal » le débat que nous avons ce soir, lequel était pourtant indispensable ! Personne ne peut prétendre le contraire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et LR. – M. François Ruffin applaudit aussi.)
    On n’a pas le droit d’empêcher l’Assemblée nationale de débattre sur un sujet aussi important. Elle aurait d’ailleurs dû le faire bien plus souvent car, on l’a dit, les négociations sur le traité ont démarré en 2004, et ses dispositions sont applicables depuis 2016.
    De même, s’agissant du traité avec le Mercosur, le Gouvernement a dit, lors d’une séance de questions au Gouvernement, qu’il ne pouvait répondre faute de disposer de tous les éléments. Pourtant, en débattre, argument contre argument, répond à une exigence démocratique ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe LT et sur les bancs du groupe LR. – M. Thierry Benoit applaudit également.)
    Un autre enjeu est celui de la sécurité alimentaire. En tant que rapporteur spécial de l’Assemblée nationale sur le sujet – le ministre de l’agriculture s’appelait alors Bruno Le Maire –, j’ai été conduit à faire ouvrir, à cinq heures du matin, des conteneurs dans le port du Havre. Et en osant faire cela, j’ai pu constater que, même au sein de l’Europe, les accords n’étaient pas toujours respectés : certaines productions venues d’Allemagne, d’Espagne, de Grèce ou d’ailleurs contenaient des substances interdites en France. Ainsi, des fraises étaient traitées avec du peroxyde d’oxygène pour augmenter leur durée de conservation. Je ne veux pas que les éleveurs de France subissent une concurrence déloyale parce que, faute de traçabilité, il sera impossible de surveiller l’usage des hormones de croissance ou des OGM. Voter cet accord serait donc une faute. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, UDI-I et FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Nicolas Turquois

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    Certains prétendent que les députés de la majorité auraient la ratification honteuse.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    C’est vrai !

    M. Nicolas Turquois

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    Je suis un agriculteur qui va assumer son vote en faveur du CETA. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
    Depuis des heures, on parle du bœuf. Le CETA se résume-t-il à cela ? Je tiens à évoquer la dimension diplomatique de cet accord. La France est un membre permanent du Conseil de sécurité, mais nombreux sont ceux qui remettent en cause son siège. Elle y a toute sa place, en raison de son histoire, et surtout de ses valeurs humanistes, sociales et environnementales. Cependant, la France n’arrivera pas à les diffuser dans le monde si elle est la seule à les défendre. Certains pays européens, mais pas tous, partagent cet idéal. Je crois foncièrement que c’est aussi le cas du Canada. La France a un intérêt tout particulier à signer des accords avec des pays avec lesquels elle partage ce socle de valeurs communes. Imaginons les conséquences d’un refus de ratifier l’accord : pour le reste du monde, la France serait alors perçue comme trop fière, trop dédaigneuse, trop sûre d’être la meilleure, au point de considérer qu’un pays comme le Canada n’est pas capable de protéger la santé de ses ressortissants et de contrôler ses propres produits. Ce serait catastrophique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
     

    M. Pierre Cordier

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    Vous n’avez rien compris !

    M. Nicolas Turquois

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    Les membres du gouvernement et les citoyens canadiens sont des gens très responsables, avec lesquels nous partageons une histoire et des valeurs.

    M. Philippe Chassaing

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    Là n’est pas le propos !

    M. Nicolas Turquois

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    Je voterai donc sans hésitation l’accord du CETA. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)

    M. André Chassaigne

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    On n’est pas au pays des bisounours !

    M. le président

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    La parole est à M. Bertrand Pancher.

    M. Bertrand Pancher

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    Après mûre réflexion, je voterai contre cet accord, même si le Canada n’est pas l’Argentine ni le Brésil, et bien que le CETA ne soit pas l’accord avec le Mercosur. C’est ce dernier qui pose un vrai problème de fond. Cela étant, quand les grandes organisations environnementales et les grandes organisations agricoles disent, à l’unisson, que le CETA pose problème, il faut les croire ! Les difficultés viennent des différences de compétitivité entre l’agriculture française et celle de l’Amérique du Nord, notamment du Canada. En outre, ne racontons pas d’histoire : le traité pose de vrais problèmes sur le plan environnemental.
    En 1986, la France a accepté que l’Espagne et le Portugal entrent dans l’Union européenne, car elle était le premier pays exportateur d’Europe en matière agricole et l’agriculture française était la plus compétitive. Ce n’est malheureusement plus le cas actuellement. En outre, compte tenu des différences de productivité entre les agricultures française et canadienne, cet accord impliquera de réaliser des efforts particulièrement exigeants en ce domaine. La superficie moyenne des fermes céréalières est de 124 hectares en France, contre 368 au Canada. Quant aux vaches…
     

    M. le président

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    Je vous remercie.
    La parole est à M. Sylvain Waserman.

    M. Sylvain Waserman

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    Pendant deux heures, nous nous sommes fait traiter de « menteurs », de « meurtriers », et on nous a accusés de « mettre des balles dans la nuque des agriculteurs ». On nous a même dit que si nous votions mal, nous n’aurions plus le droit de nous exprimer sur le climat.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Nous vous avons simplement traités de menteurs !

    M. Fabien Di Filippo

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    Ajoutez « incohérents » à votre liste !

    M. Sylvain Waserman

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    Je tiens à appeler votre attention sur deux choses. Premièrement, j’ai entendu dire à de nombreuses reprises que l’application de l’accord aurait pour effet de remettre en question l’interdiction de telle ou telle substance. Je rappelle que le CETA prévoit que toute importation devra respecter les réglementations européennes, actuelles et futures. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Protestations sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.)  

    Mme Mathilde Panot

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Sylvain Waserman

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    Une telle disposition me paraît plus pertinente que si l’on se contentait de dresser la liste des produits interdits – liste de toute façon amenée à évoluer. (Mêmes mouvements.)

    M. Pierre Cordier

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    Vous n’avez pas lu le texte !

    M. Sylvain Waserman

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    Je connais un peu le sujet, au contraire !

    M. le président

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    Mes chers collègues, seul M. Waserman a la parole !

    M. Sylvain Waserman

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    La deuxième chose, c’est que chaque député a le droit de se forger son opinion et de voter librement ; c’est ce que nous ferons.  Ce n’est pas le sujet ! » sur les bancs du groupe FI.) Concernant l’ingénierie de cet accord « nouvelle génération », j’ai entendu, en deux heures, de très nombreuses contre-vérités. J’invite donc les citoyens qui nous regardent à prendre le temps d’examiner les faits pour mieux s’en préserver. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

    Mme Mathilde Panot

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    Vous en dites vous-même beaucoup !

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Le Gouvernement souhaite préciser certains éléments évoqués au cours de ces nombreuses interventions sur l’article 1er.
    Ainsi, sur le plan de la méthode, j’ai du mal à comprendre pourquoi M. Lurton nous reproche d’avoir trop attendu avant de vous soumettre ce projet de loi. N’a-t-il pas voté la motion d’ajournement de M. Dumont, qui visait à retarder encore le moment d’en débattre ? C’est là que l’on peut parler d’incohérence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)
     

    M. Fabien Di Filippo

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    Nous voulions ajourner le débat pour modifier le projet de loi !

    M. Fabrice Brun

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    Vous êtes à court d’arguments !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Tant au niveau national qu’à l’échelle européenne, la société civile a voix au chapitre et continuera de l’avoir. Tout est mis en ligne – les agendas, les comptes rendus des commissions thématiques et des commissions mixtes –, tout est accessible.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    La société civile rejette ce projet de loi !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Le comité mixte se réunit régulièrement pour prendre des décisions, mais les États ont leur mot à dire. L’Union européenne, qui y siège et nous y représente, doit prendre ses directives auprès des États membres lorsque des décisions ont des effets juridiques. Nous sommes donc pleinement souverains.

    M. Pierre Cordier

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    Les agriculteurs de l’Yonne s’en souviendront !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Mme Autain évoquait l’hypothèse d’une arrivée au pouvoir d’un climatosceptique au Canada. Que se passerait-il alors ?
    La réponse est très claire : l’article 30.9 du CETA prévoit une clause de dénonciation. En toute cohérence avec la décision que nous avons prise à l’égard des États-Unis, si, un jour, le Canada venait à sortir des accords de Paris, nous plaiderions naturellement pour la dénonciation de l’accord.
     

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas si simple !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Si, c’est très clair ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, veuillez écouter M. le secrétaire d’État ! Lui seul a la parole !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Je le répète, si le Canada sortait de l’accord de Paris, la France invoquerait la clause de dénonciation contenue dans l’AECG. (Mêmes mouvements.)

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    N’importe quoi !

    M. André Chassaigne

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    Pipeau ! Ce n’est pas vrai, vous le savez bien !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Non, monsieur Chassaigne, ce n’est pas du pipeau ! C’est la position du Gouvernement, dont le Journal officiel rendra compte, et qui sera donc opposable si, demain, un tel cas de figure se présentait. (Nombreuses exclamations sur divers bancs.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, il faut apprendre à s’écouter ! Le secrétaire d’État répond aux orateurs, il est légitime de l’écouter. (Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR.)

    M. André Chassaigne

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    Il dit n’importe quoi !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Mme Dumont regrettait le flou de la déclaration no 20, adoptée par le Conseil de l’Union européenne en 2016, et nous interrogeait sur les conséquences d’un vote négatif. Là encore, les choses sont claires : le gouvernement français serait alors amené à notifier aux institutions européennes qu’il n’est pas en mesure de ratifier l’accord, ce qui aurait pour effet direct de remettre en cause son application provisoire.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Immédiatement ?

    M. David Habib

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    Notifier, ce n’est pas suspendre.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Bien sûr, dans cette hypothèse, le Gouvernement saisirait immédiatement les institutions européennes.
    Les choses sont donc claires et, sur ce sujet, nous portons une responsabilité collective.
    Un mot de ce territoire français voisin du Canada, Saint-Pierre-et-Miquelon, dont M. Claireaux a évoqué les spécificités, rappelant que cette collectivité ne fait pas partie du territoire douanier de l’Union européenne, puisqu’elle bénéficie d’une autonomie fiscale et douanière.
    Nous avons obtenu que la baisse des droits de douane sur l’importation de produits canadiens soit étalée sur sept ans. Par ailleurs, avec la réforme des règles d’origine, il est désormais également possible que les marchandises canadiennes incorporant des produits saint-pierrais puissent être exportées vers l’Union européenne en bénéficiant des avantages tarifaires du CETA. (M. Jean-Charles Larsonneur applaudit.)
    Mais au-delà de cette avancée importante, notre objectif est d’accompagner la diversification économique du territoire, de renforcer son attractivité et d’y améliorer la compétitivité hors prix. C’est le rôle du fonds d’innovation et de diversification que vous avez évoqué ; nous veillerons, monsieur Claireaux, à ce que vous soyez partie prenante à son élaboration.
    Mme Martine Wonner a évoqué les éventuelles conséquences environnementales de l’application de l’AECG, en particulier sur les émissions de gaz à effets de serre. En matière d’environnement, le Gouvernement comme la majorité présidentielle conservent une ambition élevée. Or le rapport d’étude du centre d’études prospectives et d’informations internationales, le CEPII, est là pour nous éclairer :  il y est bien précisé, à la page 32, que dans le scénario central, les émissions de la France baisseraient. Si les émissions venaient à augmenter au niveau européen, ce serait en raison du Brexit et non du CETA – les émissions supplémentaires du transport maritime étant compensées par les baisses des émissions du transport routier.
    Des interrogations ont également été émises sur l’aspect social de l’accord – certains ont même parlé de dumping social. Mais le Canada s’est engagé à ratifier l’ensemble des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, et a déjà commencé à le faire. Or l’Union européenne est crédible lorsqu’elle affirme suivre le processus avec attention. Souvenez-vous de l’accord avec la Corée, ratifié ici même il y a quatre ou cinq ans – cela n’avait d’ailleurs pris qu’une minute ; nous, au moins, nous prenons le temps du débat… Lorsqu’il est apparu que les Coréens n’avaient pas tenu leur promesse de ratifier plusieurs conventions de l’OIT, nous avons déclenché le mécanisme de règlement des différends, montrant par-là notre détermination à ce que les engagements soient tenus, quitte, dans le cas contraire, à invoquer des clauses de dénonciation.
    Par ailleurs, le salaire moyen, au Canada, est de 47 000 dollars US contre 43 000 dollars US en France. Le dumping social n’est donc pas aussi évident que cela a été prétendu.
    Sur la question agricole, beaucoup de choses ont été dites, mais aussi beaucoup d’approximations, voire de contre-vérités. Ainsi, concernant les élevages canadiens en feed lots, certains ont avancé le nombre de 10 000 têtes par exploitation, Mme Josiane Corneloup allant même jusqu’à parler de plusieurs dizaines de milliers de têtes – le compte rendu en fera foi.
    Il faut rétablir les faits : un rapport des inspections sur les filières sensibles fait état de 1 200 têtes en moyenne par élevage au Canada.
     

    M. Jean-Yves Bony

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    Nous parlons bien de milliers de têtes.

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Pourquoi pas des millions ?

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Cela fait tout de même un zéro de moins que 10 000, et plusieurs zéros de moins que plusieurs dizaines de milliers ! (M. Fabrice Brun proteste.) On ne peut pas se fonder sur des éléments aussi approximatifs, et ce n’est pas parce que quelque chose est dit à la tribune de l’Assemblée nationale que c’est vrai ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR.)

    M. Pierre Cordier

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    Pas quand c’est vous qui parlez, en tout cas !

    M. Sébastien Jumel

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    Très belle démonstration !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    La présidente Valérie Rabault évoquait les concessions faites, de part et d’autre, sur la viande et le lait. Les Canadiens pourraient exporter dix fois plus de viande, alors que nous n’aurions obtenu qu’une multiplication par trois des quotas pour les produits laitiers. Non ! Les chiffres sont têtus.

    M. Pierre Cordier

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    Comme vous !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Auparavant, les Canadiens étaient autorisés, dans le cadre de différents contingents – dont le contingent Hilton –, à exporter 19 000 tonnes de viande. Il a désormais droit à 53 000 tonnes supplémentaires, soit 3,5 fois plus. Trois et demi, ce n’est pas dix !

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Très bien !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Lorsque l’on rétablit la réalité des chiffres, on voit bien que ces quotas sont similaires à ceux que nous avons obtenus pour le lait et le fromage. Il faut le dire, car des personnes regardent la séance sur le site internet ou lisent le compte rendu des débats ; il faut donc qu’elles soient pleinement informées.
    S’agissant des difficultés que connaît la filière bovine, regardons, là aussi, les chiffres. Si problème de compétitivité il y a, ce n’est pas en raison du grand export et de la concurrence du Canada. En volume, 97 % des importations françaises de viande bovine proviennent du reste de l’Union européenne. Et tous les États membres sont soumis aux mêmes normes européennes !
     

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Exactement !

    M. Fabien Di Filippo

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    Et les farines animales ?

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    S’il existe un problème de compétitivité, c’est bien au sein de l’Union européenne ! Ces craintes n’ont donc rien à voir avec le Canada.
    Le président Christian Jacob, lors des explications de vote sur la motion d’ajournement,…
     

    M. Pierre Cordier

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    N’allez pas critiquer celui qui vous a payé pendant des années !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    …signalait que, s’agissant de l’encéphalopathie spongiforme bovine, le Canada était classé dans la catégorie « risque maîtrisé » par l’Organisation mondiale de la santé animale, l’OIE. Il émettait ainsi des doutes sur la capacité de ce pays à maîtriser le risque relatif à l’ESB et aux farines animales. Or la France n’est pas mieux notée ! Elle ne fait pas partie de la catégorie supérieure, celle du « risque négligeable » mais, comme le Canada, est reconnue comme présentant un risque maîtrisé à l’égard de l’ESB.

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Il n’y a pas de farines animales en France !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Le classement de l’OIE ne fait donc aucune différence entre le Canada et la France. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Veuillez écouter M. le secrétaire d’État !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Cet argument est donc fallacieux.
    S’agissant des farines animales, vous cherchez à embrouiller tout le monde...
     

    M. Pierre Cordier

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    Et vous, à tromper les Français !

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Écoutez-le donc, monsieur Cordier !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    …en mettant sous ce nom des produits qui, en réalité, sont des protéines animales transformées, les fameuses PAT. Or sur ce point, le CETA ne change rien à la réglementation européenne en vigueur, et les PAT sont aujourd’hui acceptées dans l’Union comme elles l’étaient déjà hier.

    M. François Ruffin

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    Justement !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Je m’interroge donc : pourquoi ne les avez-vous pas interdites lorsque vous étiez au pouvoir ? (Vives protestations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    Vous y étiez avec nous !

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Du calme…

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Cela signifie-t-il que, entre 2002 et 2012, vous avez mis en danger la sécurité sanitaire des Français ? (Vives protestations sur les mêmes bancs.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, on écoute le secrétaire d’État !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas parole d’évangile, tout de même !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Si c’est le cas, je pose la question à M. Charles de la Verpillière, qui est un excellent juriste : devant un tel manquement, ne devrions-nous pas saisir la Cour de justice de la République afin d’y déférer les nombreux anciens membres du gouvernement qui garnissent vos rangs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Il faut donc rétablir la vérité : l’usage de ces produits était accepté hier, ça l’est aujourd’hui, et tout cela n’a rien à voir avec le CETA ! (Mêmes mouvements.)

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Vous direz cela aux agriculteurs !

    M. André Chassaigne

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    Des nantis !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    M. Nicolas Dupont-Aignan évoquait de nombreuses craintes qui, hélas, sont imaginaires. Il y a vingt ans, en 1999, Paco Rabanne annonçait déjà que le feu viendrait du ciel ; en vous écoutant parler du CETA, monsieur le député, j’ai un peu l’impression que vous êtes le Paco Rabanne de la soirée...

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On n’est pas là pour rigoler !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    La réalité, ce n’est pas cela ! La réalité, c’est que cet accord crée des opportunités, et des emplois – y compris dans le secteur agricole. Il fallait remettre les choses d’aplomb et d’équerre, et je vous remercie, avec vos interventions, de m’avoir donné l’occasion de le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jacques Maire, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

    M. Jacques Maire, rapporteur de la commission des affaires étrangères

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    Je vais essayer, avec beaucoup de modestie, de revenir aux faits, afin que nous ayons tous le même niveau de connaissances, le même niveau de précision que dans notre rapport – lequel a été élaboré très précautionneusement avec l’appui de l’administration.
    Je dois l’avouer, le sujet est assez complexe pour que nous ayons pris la précaution d’y revenir à plusieurs reprises. Il est en outre très technique, et une confusion dans l’emploi des termes peut conduire à troubler le débat. Vous comme nous en avons été victimes.
     

    M. Fabrice Brun

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    C’est un premier mea culpa.

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Il existe ainsi une petite confusion sur ce que l’on appelle norme opposable. En effet, les normes européennes ne sont pas tout à fait les mêmes pour ce qui est produit et ce qui est importé. Les règles européennes applicables aux produits importés n’ont, évidemment, pas changé avec le CETA ; mais, elles ne sont pas identiques à celles qui s’imposent à la production locale. Alors, quelles sont-elles ? Comme l’a dit M. le secrétaire d’État, elles comprennent l’interdiction de l’utilisation des hormones et de la ractopamine, l’obligation systématique d’une autorisation pour les organismes génétiquement modifiés et certaines dispositions relatives au bien-être animal – notamment en matière d’abattage.

    M. Fabien Di Filippo

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    Et les farines animales ?

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    J’y viendrai.
    De plus, les antibiotiques comme facteurs de croissance seront interdits uniquement à partir de 2022.
     

    M. Philippe Vigier

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    « Seront » !

    M. Fabrice Brun

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    Sur quelles bases ?

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Concernant les farines animales – qu’il convient de distinguer des PAT, comme l’a rappelé le secrétaire d’État –, tout est dit, et précisément dit, dans le rapport qui vous est soumis. Je vais me permettre de vous lire les dix lignes qui concernent directement ce sujet, parce que je crois qu’elles nous mettront tous d’accord. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    Un député du groupe MODEM

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    Écoutez donc, puisque vous n’avez pas lu le rapport… (Mêmes mouvements.)

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Je fais ce rappel pour qu’il figure au compte rendu, et parce qu’il est important, à un certain moment, de connaître le droit applicable et de se mettre d’accord sur les faits.
    Depuis 1997, le Canada interdit, dans l’alimentation des ruminants, les farines animales – l’expression recouvre un champ bien plus limité qu’on le croit –, c’est-à-dire uniquement les farines issues d’animaux mis à l’équarrissage et impropres à la consommation humaine.
     

    M. Thibault Bazin

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    Qu’en est-il des autres farines ?

    M. François Ruffin

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    Elles sont donc autorisées !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Le Canada interdit également, depuis 1997, les protéines animales transformées issues de ruminants, à l’exception – et c’est sur ce point que la confusion a régné pendant plusieurs jours – du lait, des produits laitiers, de la gélatine provenant exclusivement du cuir ou de la peau et des produits de celle-ci, du sang et des produits sanguins et du gras fondu purifié.

    M. Jean-Yves Bony

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    Eh bien alors !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Nous sommes donc tous d’accord : il faut arrêter les fausses polémiques. (Vivesprotestations sur les bancs des groupes LR et FI.) Il ne sert à rien de formuler des hypothèses sur ce qui est autorisé et ce qui est interdit...

    M. le président

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    Mes chers collègues, vous aurez d’autres occasions de vous exprimer. Veuillez laisser le rapporteur vous répondre.

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Je parle du droit applicable. Évitons les fausses querelles !
    Je reviens un instant maintenant sur les quarante-sept « salopards », les quarante-sept produits interdits présentant des risques selon la commission Schubert. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe LR.)
     

    M. le président

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    Monsieur Brun, s’il vous plaît !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Encore une fois, je m’exprime de façon très factuelle, très humble, dans l’intérêt commun.

    M. Sébastien Jumel

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    Il faut laisser parler le rapporteur ! Il est honnête et il nous donne raison !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Ces quarante-sept produits, qui sont aujourd’hui autorisés dans le processus de production au Canada, ne se retrouvent pas dans l’assiette du consommateur. C’est le cas de l’atrazine, par exemple. Que les choses soient claires : à chaque fois qu’un produit pose un problème pour l’environnement et pour le paysan, mais pas pour le consommateur, c’est le problème du pays producteur. Si ce produit se trouve dans l’assiette du consommateur et s’il a un impact sur la santé humaine, alors il est interdit. Il était important que je vous apporte des précisions sur cette règle.

    M. Fabrice Brun

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    Et bien sûr, il ne s’agit pas d’une distorsion de concurrence !

    M. Pierre Cordier

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    Et les contrôles ?

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    On parle beaucoup des fraudes. Nous avons assisté récemment à de nombreux scandales – je pense notamment à la livraison de viande frauduleuse en provenance de Pologne à des associations humanitaires, ou encore au scandale Spanghero. Effectivement, nous constatons régulièrement des fraudes.

    M. Fabrice Brun

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    Bien sûr ! Des fraudes à la ractopamine, de la part des Canadiens !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Les services de l’Union européenne estiment à environ 3 % le taux de fraude, tant au sein de l’Union qu’à l’entrée sur le marché européen. Quand le Canada est victime d’une fraude, comme il y a peu de temps lorsque 188 faux certificats ont été émis frauduleusement pour des exportations de porc à destination de la Chine, les enquêtes et les poursuites sont mises en œuvre immédiatement.

    M. Vincent Descoeur

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    Mais le porc est mangé !

    M. Fabrice Brun

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    Le mal est fait, la merde est dans l’assiette !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Le risque zéro n’existe pas : il serait totalement irresponsable de dire l’inverse.

    M. Ian Boucard

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    Spanghero n’est pas canadien !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Qui effectue les contrôles ?

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    J’aimerais enfin évoquer les attaques canadiennes contre les normes européennes. On entend dire, par exemple, que le Canada nous aurait contraints, dans le cadre du comité mixte, à abandonner les perspectives d’interdiction du glyphosate ou des antibiotiques. Lorsque le comité mixte se réunit, il décide par consensus. Le Canada a effectivement posé des questions sur ces deux produits : il a demandé comment allait évoluer la législation. L’Union européenne a répondu qu’elle avait l’intention de la durcir, notamment en interdisant l’utilisation des antibiotiques à partir de 2022. Le Canada en a pris note.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pour l’instant !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Non, monsieur Lecoq, pas « pour l’instant ». Le sujet est clos.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous ne faites que renforcer nos inquiétudes !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    J’ai également entendu parler d’une plainte massive de quinze membres de l’OMC, qui attaqueraient l’Europe en raison de ses protections sanitaires. L’information a été relayée par des ONG, mais là encore de façon tronquée car les ONG n’ont diffusé que le premier des quinze paragraphes.

    Mme Delphine Batho

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    Mais non ! Nous avons le texte !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Je l’ai sous les yeux, madame Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Rappel au règlement !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Je vais dire exactement ce dont il s’agit…

    M. François Ruffin

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    Monsieur le président, Mme Batho a demandé la parole pour un rappel au règlement ! Il est de droit !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Il ne s’agit ni d’une attaque, ni d’une plainte, ni d’un différend. Le Conseil du commerce des marchandises – Council for trade in goods, en anglais – a pour but de permettre des échanges transparents entre les membres de l’OMC, et non de juger des recours. Il prend ses décisions à l’unanimité : il n’y a donc aucun risque qu’il adopte des conclusions, qui ne seraient pas contraignantes au demeurant, allant à l’encontre des intérêts de l’Union européenne. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    Madame Batho, vous avez demandé la parole pour un rappel au règlement. Je vais vous la donner, mais je vous rappelle qu’il n’est pas permis d’interrompre un orateur qui s’exprime. (Mme Carole Bureau-Bonnard applaudit.)
    Vous avez la parole, ma chère collègue.

    Mme Delphine Batho

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    Mon rappel au règlement, qui concerne le déroulement de la séance, est fondé sur l’article 58, alinéa 1, du règlement. Dans les débats parlementaires, il est de tradition qu’un rapporteur ne puisse pas affirmer que l’ensemble des élus de la nation que nous sommes seraient incompétents ou ne sauraient pas lire des textes. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Mme Marie Lebec, rapporteure pour avis

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    C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

    M. Sylvain Waserman

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    Nous venons de nous faire insulter pendant deux heures !

    Mme Delphine Batho

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    J’ai ici le document qui vient d’être évoqué.

    M. le président

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    Madame Batho, vous ne faites pas un rappel au règlement : vous évoquez le fond des choses. Vous aurez l’occasion de vous exprimer ultérieurement.

    Mme Delphine Batho

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    Je demande à M. le rapporteur de bien avoir conscience que les parlementaires que nous sommes l’ont lu en entier. C’est un fait politique que le Canada, les États-Unis et le Brésil attaquent l’Europe, notamment à cause de nos législations sur les pesticides. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI.)

    Article 1er(suite)

    M. le président

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    Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 1, 2, 3, 5, 6, 7, 10, 14, 16, 19, 21, 22, 23, 27, 30, 31, 47, 49, 55, 56, 58 et 60, tendant à supprimer l’article 1er.
    Sur ces amendements de suppression, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 1.
     

    M. Fabien Di Filippo

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    Le moins que l’on puisse dire, c’est que les prises de parole de M. le secrétaire d’État et de M. le rapporteur sont davantage de nature à conforter toutes les craintes exprimées depuis le début qu’à nous rassurer.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Exactement !

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Vous devriez écouter !

    M. Fabien Di Filippo

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    Il est des soirs où, malgré tous vos efforts de marketing, votre communication se fracasse sur le mur de la réalité. Vous êtes renvoyés à vos incohérences.  Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Je ne reviens pas sur ce que mes collègues ont fort bien démontré, de manière précise, chiffrée…
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Non, ce n’était pas du tout chiffré !

    M. Fabien Di Filippo

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    …et argumentée, s’agissant des questions sanitaires, économiques et environnementales soulevées par le CETA. Vous l’avez dit vous-mêmes, il y aura des hormones de croissance dans le bœuf importé en France. Vous venez de le dire, les farines animales sont autorisées dans l’élevage au Canada.

    M. Fabrice Brun

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    Il faut arrêter de nier la réalité !

    M. Fabien Di Filippo

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    Nos agriculteurs n’ont pas peur de la concurrence, mais aujourd’hui, ils disent « stop ». Ils veulent que les règles de concurrence et les normes soient les mêmes en France et dans les pays avec lesquels ils sont en concurrence.
    Enfin, je l’ai dit, mes collègues ont très bien argumenté : ils ont été beaucoup plus convaincants que des ministres qui lisent machinalement des fiches remplies d’inexactitudes (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM),…
     

    Mme Marie Lebec, rapporteure pour avis

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    C’est lamentable !

    M. Fabien Di Filippo

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    …ou que M. Travert qui veut aujourd’hui nous faire croire que le CETA est la panacée après l’avoir pourtant déféré devant le Conseil constitutionnel, à l’époque où il avait encore une colonne vertébrale idéologique.  Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Vous programmez la semaine prochaine un scrutin solennel que vous nous aviez initialement refusé – finalement, vous n’arrivez pas à mobiliser vos troupes et vous voulez les contraindre à voter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
     

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Arrêtez !

    M. Fabien Di Filippo

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    Nous voulions un ajournement de ce texte : vous nous l’avez refusé. Nous proposons donc maintenant de supprimer l’inique article 1er de ce texte qui est mauvais pour nos assiettes et pour notre planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Ian Boucard

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 2.

    Mme Josiane Corneloup

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    Il s’agit d’un amendement de M. Dino Cinieri, député de la Loire.

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Où est-il parti, d’ailleurs ?

    Mme Josiane Corneloup

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    Depuis deux ans, vous avez encore durci les normes pour nos agriculteurs. Vous continuez de le faire en ce moment en ajoutant, sans aucune concertation, des critères obligatoires dans les chartes locales sur l’usage des produits phytosanitaires. En même temps, vous allez laisser de la viande non conforme à notre législation envahir le marché français, qui souffre déjà de la concurrence européenne en raison du prix de la main-d’œuvre élevé en France.

    M. Fabrice Brun

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    Deux poids, deux mesures !

    Mme Josiane Corneloup

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    J’ai alerté à plusieurs reprises les ministres de l’agriculture et de l’intérieur sur les conséquences de la sécheresse et de la grêle pour les agriculteurs de la Saône-et-Loire, de la Loire et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui ne savent pas comment ils vont pouvoir nourrir leur bétail à l’automne.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    La situation est la même dans l’Allier !

    M. Alain Bruneel

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    Et dans le Nord !

    Mme Josiane Corneloup

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    À cause de ces catastrophes climatiques, le prix du fourrage va considérablement augmenter, ce qui va menacer la pérennité de nombreuses exploitations familiales. Nous vous demandons par conséquent de retirer les viandes bovines et porcines de ce traité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l’amendement no 3.

    Mme Nathalie Bassire

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    L’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada permet l’ouverture du marché européen, sans droits de douane, à plus de 67 000 tonnes de viande bovine contenant des farines animales, des hormones de croissance et des antibiotiques.
    Nous faisons donc face à cette ineptie du non-respect de l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche, introduit par l’article 44 de la loi no 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM. Cet article dispose : « Il est interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation. »
    Dans le même temps, l’Union européenne autorisera la commercialisation au Canada de produits bovins provenant d’Europe en des quantités équivalentes, sans garantie que ces produits ne soient pas totalement issus des parties nobles des animaux, telles que l’aloyau. Près d’un tiers de la production totale de ces aliments de qualité supérieure que l’Union européenne réalise pourrait donc ne pas être soumise à des droits de douane.
    Au regard de ces futures importations déloyales, qui mettent en danger les agriculteurs européens, notamment les éleveurs français, l’amendement no 3 de M. Masson vise à supprimer l’article 1er autorisant la ratification de cet accord. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
     

    M. le président

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    L’amendement no 5 de M. Pierre Cordier est défendu.
    La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 6.
     

    M. Vincent Descoeur

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    Il vise à supprimer l’article 1er, à défaut d’avoir pu exclure de cet accord, comme nous l’avions proposé, le volet relatif à la viande bovine et porcine – vous aurez compris au fil de nos interventions que c’est ce sujet qui achoppe et qui nous empêche de ratifier en l’état cet accord. Force est de constater que ce dernier contraste singulièrement avec les intentions affichées lors de nos débats sur la loi EGALIM. Vous reniez en effet aujourd’hui les engagements que vous aviez pris il y a un an, tant sur la qualité du contenu de notre assiette que sur l’objectif affiché de construire des prix rémunérateurs pour les éleveurs, qui ont du souci à se faire ce soir.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l’amendement no 7.

    M. Jean-Yves Bony

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    Vous l’avez compris, cet accord ne nous convient pas, malgré les explications de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État. Il comporte trop de zones d’ombre en matière de sécurité sanitaire et en termes environnementaux, économiques et sociétaux. Notre agriculture la plus vertueuse, celle qui nourrit ses animaux à l’herbe, va être lourdement affectée. Cet accord fera disparaître, à terme, les exploitations familiales dans les territoires les plus fragiles. Aussi mon amendement vise-t-il à supprimer l’article 1er.

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Falorni, pour soutenir l’amendement no 10.

    M. Olivier Falorni

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    Nous souhaitons la suppression de l’article 1er car il ne serait pas responsable de ratifier un accord aussi dangereux pour l’avenir de notre modèle agricole, pour la crédibilité et l’efficacité du combat que nous menons – ou, en tout cas, que nous devons mener – contre le dérèglement climatique, et pour les valeurs démocratiques que nous portons.

    M. Paul Molac

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    Très bien !

    M. Olivier Falorni

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    Cet accord n’est plus adapté aux enjeux du XXIe siècle ni aux exigences et préoccupations de nos concitoyens – ils nous le disent tous les jours.

    M. Paul Molac et M. Philippe Vigier

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    C’est vrai !

    M. Olivier Falorni

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    Cet accord date d’un autre temps, d’une époque où le dogme de la croissance dictait tous nos accords internationaux. Or, mes chers collègues, le monde a changé,…

    M. Thierry Benoit

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    C’est le nouveau monde !

    M. Olivier Falorni

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    …et nous avons le devoir d’en tenir compte. C’est pourquoi cet accord doit revenir devant les parlements nationaux pour y être débattu. En l’état du texte que vous nous demandez de ratifier, il n’est pas envisageable une seconde, pour la grande majorité des députés de notre groupe, de soutenir cet accord de libre-échange. Pour nous, le CETA, c’est non et définitivement non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – Mme Delphine Batho applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 14.

    M. Fabrice Brun

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    Cet amendement vise à supprimer l’article 1er qui autorise la ratification du CETA, cet accord scélérat qui ne fait que précéder l’accord mortifère avec le Mercosur. En complément des arguments que j’ai développés tout à l’heure, je veux vous poser trois questions, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État.
    Tout d’abord, à l’heure du dérèglement climatique, quel est l’intérêt d’importer un morceau de viande d’aloyau, par exemple, produit sur un autre continent, à des milliers de kilomètres ? Bonjour le bilan carbone ! Le monde a changé. Il y a urgence climatique – les jeunes nous le disent tous les jours et nous exhortent à inventer un monde différent, qui ne serait plus fondé sur le libre-échange des années 1980 mais sur le « juste-échange », à savoir des échanges plus équilibrés qui intègrent les enjeux écologiques.
    Ma deuxième question porte sur la réciprocité des normes. À quand un traité international qui respecte les normes sanitaires du pays qui importe ? À quand un traité du mieux-disant environnemental ?
    Ma troisième question concerne le contrôle, que vous évacuez d’un revers de manche. En juin, l’image du Canada a été ternie par un scandale de falsification de certificats vétérinaires, qui a permis l’exportation illégale vers la Chine de porcs nourris à la ractopamine.
     

    M. Vincent Descoeur

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    Eh oui !

    M. Ian Boucard

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    C’est très grave !

    M. le président

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    Merci de conclure, mon cher collègue.

    M. Fabrice Brun

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    Quelles garanties pouvez-vous apporter aux consommateurs français…

    M. Vincent Descoeur

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    Aucune !

    M. Fabrice Brun

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    …s’agissant de l’intensification des contrôles et du blocage des importations lorsque des opérateurs canadiens peu scrupuleux sont dans la fraude ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 16.

    M. Pierre Dharréville

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    Il est vrai que les réponses que vous nous avez apportées ont renforcé nos préventions, d’autant que vous n’avez pas répondu à certaines de nos objections.
    Vous nous avez dit en particulier : « Ce n’est pas nous ! ». Mais vous n’êtes pas tenus de poursuivre dans la direction qui a été empruntée avant que vous n’arriviez au pouvoir ! Nous pensons pour notre part qu’à la place de ce traité, il faut une réforme en profondeur de l’OMC qui remette en ordre le commerce international et le soumette, non plus aux multinationales, mais au respect absolu de la planète et des humains ; une réforme qui crée de véritables droits de veto au nom du climat, de la préservation de la biodiversité et du respect des droits des travailleurs et des travailleuses ; une réforme qui nous permette de progresser ensemble au sein de l’institution internationale et de mettre au cœur des échanges mondiaux les traités internationaux les plus exigeants sur ces sujets : l’accord de Paris et la COP21, le traité visant à responsabiliser les multinationales vis-à-vis de leurs sous-traitants, le principe de précaution etc. De même, il faudrait remettre l’ONU au centre du système mondial, au lieu des cénacles des pays riches tel le G7.
    On pourrait également imaginer que les pays qui souhaitent commercer ensemble aient l’obligation d’adhérer aux conventions de l’OIT, institution centenaire qui établit des normes mondiales de protection des travailleurs, relatives au droit de se syndiquer, à la santé au travail, etc.
    On a besoin en outre de relocaliser les productions.
    C’est en encadrant le commerce international de cette manière que l’on pourra imaginer une mondialisation heureuse. Votre modèle, lui, est insensé, le libre-échange organisant le dumping social et environnemental. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article. Le CETA, c’est la cata ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 19.

    M. Thibault Bazin

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    Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il se passe quelque chose aujourd’hui. Des membres de tous les groupes, même du MODEM et de la République en marche, ne souhaitent pas ratifier ce traité en l’état après plus de sept heures de débat. Il se passe quelque chose dans cet hémicycle et dans nos territoires. Cet automne – certains s’en souviennent ici – avait vu une mobilisation similaire au sujet de la réduction de charges pour les travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi, TO-DE, dont la suppression risquait de désarmer nos producteurs, en particulier de fruits, face à des concurrents étrangers.

    M. Fabrice Brun

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    Et nous avions gagné, contre l’avis du Gouvernement !

    M. Thibault Bazin

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    Sur tous ces bancs, des inquiétudes s’étaient fait jour et un compromis avait été trouvé. Il faut savoir écouter, messieurs les ministres, et parfois faire marche arrière. À l’inverse, quand vous restez sourds en dépit de notre mobilisation, il faut parfois un mouvement comme celui des gilets jaunes pour vous contraindre à revenir sur des mesures iniques. Je pense à la hausse de la taxe sur l’essence, inacceptable pour nos territoires, et à d’autres mesures, comme la hausse de la CSG ou la désindexation des retraites. Tous ces sujets avaient été pointés sur tous ces bancs et pourtant vous étiez restés sourds. Là, vous avez l’occasion de faire marche arrière et de renégocier ce qui doit l’être. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l’amendement no 21.

    Mme Bénédicte Taurine

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    Nous demandons la suppression de cet article parce que nous rejetons les accords de libre-échange, y compris ceux de nouvelle génération. Le CETA limitera la capacité des États à légiférer. Il est « climato-incompatible » : il ne fait aucune mention de l’urgence climatique ni de l’accord de Paris. Il impose une concurrence déloyale, responsable d’un dumping social et économique. Il va être à l’origine de la destruction d’un pan entier de notre économie en sacrifiant l’agriculture.

    M. le président

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    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 22.

    M. Xavier Breton

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    Cet amendement vise également à supprimer l’article 1er, qui prévoit la ratification du CETA, pour trois raisons.
    La première est d’ordre économique et social. Ce traité aura un impact négatif sur l’emploi et l’activité de filières entières, qui vont se retrouver confrontées à une concurrence déloyale. Ce sont des pans entiers qui vont être sacrifiés sur l’autel du libre-échange et de la toute-puissance d’un système capitaliste déshumanisé et sans limites.
    La deuxième est d’ordre sanitaire. L’importation de certains produits sera soumise à des normes moins strictes que celles aujourd’hui imposées à nos producteurs, qui interdisent par exemple l’utilisation de farines animales ou des antibiotiques comme activateurs de croissance, exemple qui vient d’être confirmé, ou l’usage de certains pesticides. La troisième raison est environnementale. On voit bien que ce traité n’aborde pas véritablement cette question, à l’encontre de l’ambition que nous devons avoir à la fois pour notre agriculture, notre économie et l’ensemble de notre société.
    C’est pour toutes ces raisons, économiques, sanitaires et environnementales, que nous vous proposons la suppression de cet article.
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 23.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Le point intéressant en ce qui concerne ce texte, c’est que l’opposition tout entière s’accorde pour dire qu’il est une très mauvaise chose pour nos agriculteurs et l’environnement, et cela malgré l’application que vous mettez à chercher à nous rassurer et à nous expliquer combien ce traité est l’affaire du siècle, qui nous garantit un bel avenir, main dans la main avec le Canada.
    Il faut reconnaître que vous avez failli nous convaincre, monsieur le secrétaire d’État, surtout quand vous avez affirmé : « Rien n’est caché, rien n’est tabou, c’est un bel accord »  qui « va créer des emplois ».
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    C’est déjà le cas !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Mais comme souvent, pour ne pas dire comme toujours, il y a le discours officiel et il y a la réalité, et il est rare que les deux coïncident. Concrètement, d’un côté vous nous vantez un bilan très positif : l’entrée en vigueur provisoire du CETA il y a près de deux ans aurait fait progresser de 6,6 % les exportations françaises vers le Canada entre 2017 et 2018, mais du côté des agriculteurs et de tous ceux qui sont soucieux de notre environnement ce n’est plus tout à fait le même discours. Vous n’ignorez pas que plus de soixante-dix organisations ont demandé solennellement à l’ensemble des députés de ne pas ratifier le CETA afin de protéger l’agriculture et l’alimentation des Français.
    Encore une fois je vous exhorte à ne pas voter ce texte, pour nos agriculteurs, pour notre environnement et pour notre santé publique. C’est pourquoi je vous demande de supprimer cet article et donc de ne pas ratifier le CETA.
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Dumont, pour soutenir l’amendement no 27.

    Mme Laurence Dumont

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    Un mot sur la forme. Vous avez voulu gagner du temps : alors que le CETA était quasiment absent de la campagne des européennes, le calendrier de ratification s’est accéléré après les élections et nous voilà à devoir en plein mois de juillet boucler en quelques heures et presque en catimini un débat aussi lourd. Nous le regrettons profondément.
    Sur le fond, tout a été dit…
     

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Oh oui !

    Mme Laurence Dumont

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    …notamment sur les risques induits par ce traité, son incompatibilité avec l’accord de Paris et l’atteinte portée à notre souveraineté nationale. D’autres l’ont dit, la situation politique de ce soir est assez inédite : aucun groupe n’est unanimement pour ce texte, même pas ceux de la majorité, et nombre de groupes sont unanimement contre, comme beaucoup de monde à l’extérieur de cet hémicycle, les agriculteurs, la société civile, les associations, les experts.
    Cela devrait interroger les députés LaREM qui peuvent à juste titre avoir des doutes, en particulier ceux du collectif « Accélérons la transition écologique et solidaire », qui doit recevoir la semaine prochaine Greta Thunberg ici même, à l’Assemblée nationale. Il faut être conséquent, mes chers collègues : il serait incompréhensible qu’en même temps vous vantiez les mérites de cette jeune femme et que vous votiez ce texte. D’une certaine façon, nous comptons sur vous et une écrasante majorité de Français comptent aussi sur vous.
    Pour une fois, nous avons un réel pouvoir et le Gouvernement l’a confirmé par la bouche de M. Lemoyne : si nous votons contre cette ratification, le Gouvernement le notifiera immédiatement au Conseil de l’Union européenne et le CETA sera mort. Voilà le pouvoir qui est le nôtre ce soir.
     

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 30.

    M. Dominique Potier

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    Ces questions de farine font décidément une drôle de semoule depuis une semaine dans l’Assemblée et ce que le secrétaire d’État vient de nous dire, c’est un peu n’importe quoi : parler d’un « risque maîtrisé » ne signifie absolument rien du point de vue des réglementations européenne et internationale. Là encore, il y a un problème d’information. Pour le coup, il n’a pas été précis ni fait preuve d’un souci de la vérité et de la clarté ; les vérifications auxquelles je viens de me livrer auprès des services vétérinaires et des organisations spécialisées montrent que l’information qu’il nous a délivrée est de nature à troubler les esprits plutôt que de les éclairer.
    Nous l’avons dit mille fois et de mille manières : ce traité n’est bon ni pour les paysans, ni pour nos pays respectifs, ni pour la planète. Je voudrais rappeler un point fondamental : ce n’est pas l’agriculture de firme qui nourrit le monde. Aujourd’hui, 500 millions de fermes familiales assurent 80 % de l’alimentation du monde. Chaque fois que par une guerre des prix on fragilise ces familles paysannes, on accentue les risques de famine de par le monde. Les 5 millions d’hectares de nos territoires qui sont des prairies permanentes et ne peuvent pas avoir d’autre usage et les millions d’hectares qui partout sont cultivés par ces familles doivent être protégés. Le libéralisme, c’est démodé, ça ne marche pas pour l’agriculture.
    L’enjeu est planétaire : sauver l’humanité, nourrir le monde, cela demande autre chose que le libre-échange. Cela suppose d’échanger juste ce qu’il faut, et de le faire de façon juste. Ce n’est pas ce que nous faisons aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l’amendement no 31.

    M. Guillaume Garot

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    Nous avons entendu tous les arguments ce soir…

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    En effet !

    M. Guillaume Garot

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    …dans un débat dont la qualité fait honneur au Parlement. Nous, les députés Socialistes et apparentés, nous croyons aux échanges, notamment commerciaux, entre les peuples parce que nous considérons qu’ils sont facteur de développement économique et de stabilité, mais pas à n’importe quelle condition. Ce que nous croyons fondamentalement, c’est que le libre jeu du marché sans entrave n’est certainement pas la garantie de la paix ni d’un développement durable et équilibré. Le CETA en est hélas ! une illustration.
    Cet accord est-il positif pour les consommateurs ? À l’évidence, non. On ne peut pas demander aux producteurs de monter en gamme et en même temps ouvrir grand la porte aux produits bas de gamme. Cet accord est-il bon pour les éleveurs ? Pas davantage. On ne peut pas en même temps prétendre défendre l’élevage, l’entretien des paysages, se lamenter sur la disparition des fermes familiales et ratifier un accord qui met en danger l’activité et les revenus déjà maigres de nos éleveurs.
    Cet accord est-il bon pour la planète ? Sur les 1 596 pages que compte le CETA, seules 13 contiennent des dispositions environnementales et sociales et seules ces dispositions environnementales et sociales ne sont pas contraignantes : tout est dit.
    Nous demandons donc la suppression de cet article 1er. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 47.

    M. Gilles Lurton

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    Je pense que contrairement à ce que M. Lemoyne nous a dit, le CETA permettra l’entrée sur le marché européen, sans droits de douane et donc sans contrôle, de 65 000 tonnes de viande bovine et 80 000 tonnes de viande porcine. Il est également faux de dire, comme le Gouvernement le rabâche depuis le début de nos débats et dans la presse de ces derniers jours, que ces viandes ne sont pas issues de bêtes nourries de certaines formes de farines animales.

    M. Fabien Di Filippo

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    Fake news !

    M. Gilles Lurton

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    Nous restons convaincus du contraire puisque le Canada autorise l’utilisation de certaines farines animales dans l’alimentation des animaux d’élevage. M. Lemoyne disait tout à l’heure que ce n’est pas parce qu’on dit quelque chose dans cet hémicycle que cela devient une vérité. Eh bien ! Il aurait pu lui-même éviter de prononcer autant de contre-vérités. L’Union européenne, la France en particulier, obéit à des normes de toute évidence beaucoup plus contraignantes que celles qui s’appliquent au Canada. En important de la viande du Canada, nous prenons donc le risque d’abaisser nos standards de qualité et de tromper le consommateur. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Joaquim Pueyo, pour soutenir l’amendement no 49.

    M. Joaquim Pueyo

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    Élu d’une circonscription très rurale, j’ai reçu tous les syndicats agricoles, de la Fédération des exploitants agricoles à la coordination rurale. Ceux-ci ont appelé mon attention sur le fait que le CETA formalise de fait la remise en question d’un certain modèle de production et d’élevage français.
    Le modèle des systèmes herbagers et des prairies, qui fournit un service écologique et permet de pratiquer un élevage extensif des bovins, est mis en danger par les quotas de viande bovine canadienne. Il suffit d’un écart de quelques centimes sur un kilo de viande de bœuf pour mettre en péril le revenu des éleveurs et, par extension, ébranler ces systèmes d’élevage extensif dont nous connaissons l’intérêt.
    Le deuxième point concerne les produits phytosanitaires. Vous avez rappelé que certains pesticides étaient interdits en Europe. Néanmoins, je crains que le CETA n’empêche pas l’entrée de productions…
     

    M. le président

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    Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.
    La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 55.

    M. Pierre Vatin

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    J’associe à mon argumentaire notre collègue Maxime Minot, qui, comme moi, a été alerté par les agriculteurs de l’Oise au sujet du CETA.
    Ni le CETA, ni la réglementation européenne, ni les règles de l’Organisation mondiale du commerce – OMC – ne permettent à l’Union européenne d’empêcher l’importation de produits ne correspondant pas à ses normes et ne faisant l’objet d’aucune traçabilité individuelle dans la filière bovine. Rien ne garantit donc aux consommateurs français et européens que les viandes importées soient conformes aux normes de production européennes.
    Comment le modèle familial français, dont on connaît les qualités, pourra-t-il lutter contre des produits interdits en France mais autorisés au Canada ? Qu’en sera-t-il de notre santé ? Il n’y a qu’une seule solution : supprimer l’article 1er du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 56.

    M. Alain David

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    Le CETA est en train d’organiser l’arrivée massive de viande contaminée sur notre territoire, menaçant la santé de notre population et faisant planer un risque de faillite sur nos agriculteurs. (Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Je demande la suppression de l’article 1er du projet de loi, et ainsi de renoncer au CETA.

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir l’amendement no 60.

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Cet amendement vise à supprimer l’article 1er,pour trois raisons fondamentales.
    Première raison, ce texte abîme notre démocratie. Les tribunaux d’arbitrage vident celle-ci de son sens, comme ils effacent notre rôle de parlementaires. Ils donnent un pouvoir extravagant aux multinationales. Dès que nous voudrons voter une nouvelle loi, on nous rétorquera que le prix à payer est trop élevé, hors de notre portée.
    Je veux insister sur le caractère presque irréversible du CETA. Loin d’être un simple texte sur lequel nous pourrons revenir, il aura un coût considérable pour notre société et notre pays.
    Deuxième raison, le CETA est totalement contraire à l’accord de Paris sur le climat. M. le secrétaire d’État l’a d’ailleurs reconnu dans sa réponse, puisqu’il a expliqué que l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime serait compensée par la baisse des émissions du transport routier. Incidemment, il admet que le développement des échanges commerciaux accroîtra les émissions de gaz à effet de serre... Et les Français seront heureux d’apprendre qu’ils seront à nouveau pénalisés lorsqu’ils travaillent sur le territoire national, tandis que la porte est ouverte à un accroissement des émissions du transport maritime ! Car pour compenser ces dernières, il faudra contraindre encore davantage nos concitoyens dans leur fonctionnement quotidien.
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Ce n’est pas ça !

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Vous n’avez rien compris à la crise des gilets jaunes, et vous vous préparez de sacrées surprises !
    Troisième raison, avec le CETA, vous sacrifiez notre modèle d’agriculture. Il existait autrefois un pacte non écrit entre la France et l’Allemagne, expliquant d’ailleurs la fermeté du général de Gaulle à l’égard de la politique agricole commune. On acceptait un libre-échange favorisant l’industrie allemande, mais la PAC permettait à l’agriculture française de se développer, d’exporter et de devenir un leader mondial et européen. En vérité, vous avez laissé la Commission de Bruxelles sacrifier l’agriculture française pour vendre des automobiles allemandes et les services de nos banques et assurances. Nous voyons bien qui sont vos maîtres dans cette affaire !
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Ni dieu, ni maître !

    M. le président

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    La parole est à M. Jacques Maire, rapporteur de la commission des affaires étrangères, pour donner l’avis de la commission.

    M. Jacques Maire, rapporteur de la commission des affaires étrangères

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    Avis défavorable, bien sûr. Je ne m’arrêterai que sur l’aspect économique de ce débat. Les intervenants ont cité de nombreux chiffres, mais n’ont jamais fait référence à l’étude d’impact relative à la situation économique des éleveurs. Il est important d’en partager les résultats, afin que chacun vote en conscience et de façon éclairée.  
    Nos collègues du groupe Les Républicains ont annoncé que le CETA pourrait affecter de 15 % à 30 % le revenu des agriculteurs de la filière bovine. À ce sujet, l’étude d’impact est précise : elle signale que les Canadiens pourraient être tentés d’exporter d’abord de l’aloyau, mais que cette pratique ne saurait être massive, en l’absence de marché local intéressé par le bœuf sans hormones, même pour les parties moins nobles, car son prix est trop élevé.
    L’étude précise par ailleurs que si le Canada créait une filière de production de bœuf sans hormones, elle serait nettement moins compétitive que la filière française.
    Autre enseignement, le revenu des éleveurs de la filière bovine est constitué à 73 % de primes relevant de la politique agricole commune, décorrélées du niveau de production. Autrement dit, la partie du revenu liée à la production est de l’ordre de 27 %.
     

    M. Vincent Descoeur

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    C’est loin d’être rassurant !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Si la totalité du quota était utilisée, son effet maximal représenterait jusqu’à 4 % du revenu des agriculteurs. En cas de baisse des cours, l’impact maximum du CETA représenterait donc 4 % de 27 % du revenu des agriculteurs, soit environ 1 %.
    Ces résultats ont été élaborés par des inspections générales réalisées sur le terrain, étayées par des enquêtes qualitatives et quantitatives. Tels sont les faits.
     

    M. le président

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

    Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères

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    J’approuve la demande de Pierre-Henri Dumont que soient réalisés un rapport et un suivi continu du CETA, et plus généralement des accords de commerce. Le ministre a également donné son aval. Nous devons disposer d’un suivi dans la durée, jalonné par un ou deux rapports annuels. Il ne devra pas se contenter d’être quantitatif, statistique et macroéconomique, comme c’est trop souvent le cas. J’aimerais qu’il soit également qualitatif et décliné par filière et par région. Dans une même région pourraient être suivies plusieurs exploitations de tailles différentes. Nous pourrions alors intervenir dès l’apparition de prémices de difficultés, en amont, sans attendre que la situation se dégrade.

    M. Jean-Yves Bony

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    Ça ne se passe pas comme ça sur le marché !

    Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères

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    Nous avons obtenu ce suivi et veillerons à sa mise en œuvre. Je vous donne donc raison de ce point de vue, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement  ?

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Même avis que la commission.

    M. le président

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    Sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe Les Républicains, le groupe Socialistes et apparentés, le groupe Libertés et territoires et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.
     

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Je remercie la présidente de la commission des affaires étrangères, ainsi que M. le ministre et M. le secrétaire d’État, d’accepter le principe d’un suivi des conséquences du CETA.  
    Le rapporteur a admis que des bovins nourris aux farines animales – hors cannibalisme – allaient pénétrer sur le marché européen. Soyons clairs : même si les saumons OGM sont interdits chez nous, ils pourront entrer dans la composition de farines animales données aux bovins que nous trouverons dans nos assiettes.
     

    M. Vincent Descoeur

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    Il a raison !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    S’agissant de la fraude, l’estimation du rapporteur, selon laquelle 3 % des produits importés en Europe feraient l’objet de fraudes, est totalement inexacte. Un rapport publié par le Sénat au mois de mai dernier en témoigne ; je cite : « Le rapport public annuel de 2014 de la Cour des comptes révélait que les non-conformités relevées par la direction générale de l’alimentation dans le cadre de ses contrôles sur les produits importés de l’Union européenne sont de 17 % pour les viandes fraîches de boucherie, 13 % pour les viandes fraîches de volaille, 25 % pour les produits à base de viande, 21 % pour le lait cru ou traité thermiquement et les produits à base de lait. » Nous sommes extrêmement loin des 3 % que vous annoncez, monsieur le rapporteur. Je rappelle également qu’avec le CETA, les taux de contrôle passent de 20 % à 10 %. Vous les réduisez donc de moitié, alors que la fraude touche près de 25 % des produits importés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Liliana Tanguy.

    Mme Liliana Tanguy

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    Il me semble parfois que nous sommes encore en 2017, et que les inquiétudes du monde agricole n’ont pas trouvé de réponse. Or, depuis le rapport Schubert jusqu’à l’étude d’impact et aux études par filière, depuis le travail des parlementaires jusqu’au plan d’action du Gouvernement, des réponses, nous en avons eu. Ceux qui l’ignorent nient l’évidence.
    À l’instar de Martine Leguille-Balloy, je répondrai aux contre-vérités qui fondent la plupart des amendements. Le CETA déstabiliserait notre agriculture ! Mais les importations de viande du Canada en Europe représentent 0,02 % de la consommation du continent, essentiellement de viande bovine.
     

    M. Gilles Lurton

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    Aujourd’hui !

    Mme Liliana Tanguy

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    Quant au porc, 400 tonnes en sont importées du Canada vers l’Union européenne, tandis que 34 000 tonnes en sont exportées. Les études sont bien loin de mettre en évidence une quelconque déstabilisation de notre agriculture par le CETA.

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Aujourd’hui !

    Mme Liliana Tanguy

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    Par ailleurs, seules trente-six fermes canadiennes sont capables d’exporter, et aucun indice ne témoigne d’une quelconque volonté de l’industrie agroalimentaire canadienne de s’adapter aux normes européennes afin d’exporter davantage.

    M. Thibault Bazin

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    Baissez les volumes, alors !

    M. André Chassaigne

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    Demain est un autre jour !

    Mme Liliana Tanguy

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    Enfin, pourquoi ne pas parler des victoires du CETA : protection des IGP, ouverture des marchés publics canadiens, amélioration de notre balance commerciale avec le Canada, bénéfices pour les secteurs des produits laitiers, de la parfumerie, des vins et spiritueux… ?  (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue.
    La parole est à M. Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Nous avons été taxés d’utiliser des éléments approximatifs, des contrevérités et des arguments fallacieux. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Alors, soyons précis. Les « farines animales » ont été remplacées par des « protéines animales transformées ». Leur nom a changé – tout comme nos collègues de l’UMP se sont rebaptisés Les Républicains, ou comme Vivendi est devenu Veolia. Seule la dénomination est nouvelle.
    La seule différence entre les protéines animales transformées et les farines animales, c’est que les premières s’élaborent à partir d’animaux sains. En Europe, les protéines animales transformées sont interdites pour nourrir les ruminants ; de nombreux articles en attestent. Au Canada en revanche, on peut nourrir des ruminants avec ces mêmes protéines animales transformées.
     

    M. Vincent Descoeur

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    Avec du poulet et du poisson !

    M. François Ruffin

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    Cette viande sera accueillie sur le continent européen, bien qu’elle provienne de ruminants nourris avec des protéines animales transformées – lesquelles sont bel et bien des farines animales. Puisque vous aimez donner des leçons, soyons précis. Ces viandes seront importées sur le territoire français…

    M. le président

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    Merci, mon cher collègue.

    M. François Ruffin

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    …quoi qu’en disent M. Waserman, M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État !

    M. le président

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    Monsieur Lemoyne, en vous écoutant, j’avais presque l’impression que si un conservateur, en l’occurrence Andrew Scheer, gagnait les prochaines élections au Canada, le CETA serait quasiment aboli. Vous avez cité l’article 30.9 du traité. Je vous le lis car, figurez-vous, nous savons lire nous aussi, comme vous l’a rappelé Mme Batho. Il est parfois important de relire les clauses, d’autant plus qu’il me semble, en l’espèce, que vous n’en avez retenu qu’une partie.
    « Une partie peut dénoncer le présent accord en donnant un avis écrit d’extinction au secrétariat général de l’Union européenne et au ministre des affaires étrangères, du commerce et du développement du Canada. Le présent accord s’éteint 180 jours après la date de cet avis ». Mais on lit ensuite que « nonobstant le premier paragraphe » – que je viens de vous lire – « dans l’éventualité de l’extinction du présent accord, les dispositions du chapitre 8 » qui concernent les investissements « restent en vigueur pendant une durée de vingt ans » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Delphine Batho applaudit également.)
    Monsieur le secrétaire d’État, tout cela n’est donc qu’une plaisanterie et vous profitez de ce que le traité compte 1 500 pages pour nous raconter des salades !
    Soyons sérieux, il n’y aura pas de remise en cause. D’ailleurs, vous négociez avec M. Bolsonaro, qui est climatosceptique. Cela ne vous dérange pas du tout de préparer un nouveau traité de libre-échange avec des gens qui ne partagent pas l’objectif minimal affiché dans l’accord de Paris, que la France a signé et est censée respecter. (Mêmes mouvements.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Martine Leguille-Balloy.

    Mme Martine Leguille-Balloy

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    Cela fait six ou sept heures que nous discutons de peurs, inlassablement répétées : vous avez peur que l’on nous fasse manger n’importe quoi, vous avez peur que l’on importe des produits qui ne respectent pas nos normes d’excellence.  Hé oui ! » sur les bancs du groupe LR.) Ne recommencez pas, ou c’est un jeu, finalement ! Je vais dire ce que j’ai à dire.
    Vous avez peur d’importer des produits canadiens qui ne respecteraient pas les normes de qualité imposées. Je vous propose une solution. Plutôt que de mener une bataille stérile, engagez-vous à nos côtés pour qu’enfin, l’origine des produits soit inscrite sur l’étiquette !
     

    M. Vincent Descoeur

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    L’étiquetage a été refusé !

    Mme Martine Leguille-Balloy

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    Ainsi, vous pourrez sans crainte acheter des produits français. Battez-vous avec nous, car voilà une mesure qui serait bien plus efficace ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Jean-Yves Bony

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    C’est pourquoi il ne faut pas ratifier ce traité en l’état.

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Il y a quelques semaines, le Premier ministre nous annonçait l’acte II du quinquennat. Or, soixante-dix-sept organisations non gouvernementales, l’ensemble des syndicats agricoles – fait assez rare pour qui connaît le monde agricole – et toutes les oppositions se sont réunis pour lancer l’alerte et nous prévenir des dangers de ce traité international, en s’appuyant sur des faits objectifs.
    La majorité, pour répondre à ces avertissements, avance avec peine des arguments bégayants, qui manquent de précision et de pertinence, sans répondre aux questions essentielles que nous nous posons au sujet des déséquilibres économiques ou du respect des normes sanitaires. Nous ressentons vos hésitations, votre malaise et, finalement, votre manque de conviction.
    Quelques libéraux croient encore aux lubies du marché international mais beaucoup d’entre vous sont en proie au doute. Je le dis avec conviction : ce traité n’est pas innocent. Marqueur du quinquennat, il engage la France à contretemps des urgences, des menaces qui pèsent sur le climat, sur la planète et sur nos paysans. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
     

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Très bien.

    M. Dominique Potier

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    Je vous invite simplement, après avoir constaté votre malaise et votre manque de conviction, à vous libérer, à profiter du temps du week-end et des prochains jours pour y réfléchir et réaliser qu’il est encore temps d’agir.  (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    N’avez-vous pas honte ? Nous ne sommes pas vos enfants !

    M. Dominique Potier

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    Je voudrais enfin vous remercier car vous aurez donné aux forces de gauche une furieuse envie de travailler très concrètement…

    M. Florian Bachelier

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    Avec la droite ?

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Avec l’extrême-droite !

    M. Dominique Potier

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    …aux contours d’un commerce international du XXIe siècle, respectueux de la dignité humaine et de nos biens communs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit

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    J’ai entendu dire ici qu’il fallait s’appuyer sur les dernières données scientifiques. Rassurez-vous : je ne refuse pas de douter comme vous nous en accusiez tout à l’heure. Je crois au contraire que les scientifiques sont ceux qui doutent le plus. Faisons attention à ces notions de doute et de certitude.
    Le président Christian Jacob lui-même a reconnu l’existence d’une filière dédiée – ces trente-six fermes que nous avons évoquées.
     

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Elles seront 100, 200 demain !

    M. Frédéric Petit

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    Mais les fermes de cette filière seront soumises aux règles de la traçabilité à l’animal, au contrôle de l’alimentation. C’est bien pour ces raisons qu’il est difficile pour les Canadiens d’investir aujourd’hui. Ces dizaines de milliers d’animaux nourris selon les normes canadiennes ne sont pas exportables, ce que vous avez vous-même reconnu. Pour que cette production soit exportable, il faudrait une filière dédiée qui n’existe pas encore.

    M. François Ruffin

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    Seulement pour ce qui concerne les hormones !

    M. Frédéric Petit

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    Non : pour être agréées par cette filière dédiée, les fermes devront être contrôlées de A à Z.
    Enfin, beaucoup ont souhaité réinventer le commerce international, modifier les coopérations. Comment procéder sans écrit ? Je voudrais bien qu’on me l’explique. Vous ne voulez pas signer de traité, mais vous voulez réorganiser, vous voulez de nouvelles coopérations internationales. Comment est-ce possible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
     

    M. François Ruffin

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    La priorité, ce doit être la santé !

    M. le président

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    La parole est à M. Hervé Berville.

    M. Hervé Berville

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    Cela fait de longues heures que nous siégeons dans cet hémicycle mais il y a une différence entre vous et nous : vos discours sont truffés d’éléments de langage, comme nous l’avions déjà remarqué en commission, mais surtout ils sont exactement identiques à ceux dont vous vous étiez servis à l’occasion de l’adoption du pacte de Marrakech, relatif à la liberté de circulation. Vous aviez alors parlé d’invasion, de perte de contrôle, de destruction d’emplois.  N’importe quoi ! » sur les bancs du groupe FI.)

    Mme Mathilde Panot

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    On est vraiment au ras des pâquerettes !

    M. Éric Coquerel

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    Lamentable !

    M. Hervé Berville

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    Voilà ce que vous disiez !

    M. François Ruffin

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    Non, c’est le contraire !

    M. Hervé Berville

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    Et ce sont exactement les mêmes craintes que vous répétez aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    Mes chers collègues, en effet, nous avons des convictions : la coopération et la régulation peuvent nous permettre de relever le défi du multilatéralisme. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)
     

    M. François Ruffin

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    Ce que vous proposez, c’est une dérégulation !

    M. Hervé Berville

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    Ce traité permet de réguler les transactions, de prévoir des règles qui permettront à nos agriculteurs, à nos consommateurs de bénéficier d’un marché gagnant-gagnant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. André Chassaigne

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    Non, non et non !

    M. Hubert Wulfranc

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    Scandaleux !

    M. Hervé Berville

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    La réalité, c’est que depuis vingt-cinq ans, la pauvreté a reculé dans le monde. Plus de 1,3 milliard de personnes sont sorties de la pauvreté grâce à des traités de régulation et au commerce international. Vous ne pouvez pas le nier. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    Nous sommes convaincus que le modèle de la démocratie libérale s’est fondé sur deux principes : la liberté de circulation des personnes, à laquelle nous sommes attachés…
     

    Mme Clémentine Autain

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    Ah bon ? Vraiment ? Et la loi Asile et immigration ?

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Cela se saurait !

    M. Hervé Berville

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    …et la libre circulation des biens et des services. Ce traité de nouvelle génération nous permettra de garantir ces deux libertés. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Éric Coquerel

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    Allez dire ça dans les centres de rétention !

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Vous devriez avoir honte d’applaudir. La sous-alimentation frappe 820 millions de personnes, soit 11 % de la population mondiale.

    M. Bertrand Bouyx

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    Et combien il y a vingt ans ?

    M. André Chassaigne

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    Et vous avez le culot de prétendre que le libre-échange améliore la situation ? C’est un mensonge ! Des régions entières de cultures vivrières ont laissé place à la monoculture, encouragée par le libre-échange. Cela provoque des famines, et vous le savez fort bien !
    Quant aux contrôles aux frontières, dont vous prétendez qu’ils auront lieu, qui s’en chargera ?  
     

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Les Canadiens !

    M. Bruno Questel

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    Vous mélangez tout !

    M. André Chassaigne

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    Les contrôles ne pourront pas être réalisés au Canada. Connaissez-vous seulement les chiffres pour la France ? Vingt-quatre inspecteurs frontaliers sont chargés de contrôler les animaux vivants et les produits d’origine animale. La France compte un peu plus de 900 inspecteurs de la santé publique vétérinaire. Alors qu’ils ne parviennent pas à contrôler nos abattoirs, vous voudriez qu’ils se rendent aux frontières, dans les ports, alors que de toute façon la plupart des marchandises transiteront par Amsterdam ou d’autres ports étrangers, et que les contrôles indispensables n’auront pas lieu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
    Vous savez très bien qu’aucun réel contrôle ne s’exercera et que les exploitations agricoles, si elles ne sont pas prêtes aujourd’hui, s’adapteront très rapidement. Les économistes l’affirment. Du fait des conditions de production au Canada, les prix seront tirés vers le bas et nos éleveurs seront matraqués. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et LR.)
     

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 2, 3, 5, 6, 7, 10, 14, 16, 19, 21, 22, 23, 27, 30, 31, 47, 49, 55, 56 et 60.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        164
            Nombre de suffrages exprimés                160
            Majorité absolue                        81
                    Pour l’adoption                59
                    Contre                101

    (Les amendements identiques nos 1, 2, 3, 5, 6, 7, 10, 14, 16, 19, 21, 22, 23, 27, 30, 31, 47, 49, 55, 56et 60 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Nous en venons aux explications de vote sur l’article.
    La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau.

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Il a été souvent répété ce soir que les 70 000 tonnes de viande importées seraient composées d’aloyau et de morceaux nobles. Je suis un ancien président d’abattoir, un ancien dirigeant de PME qui a fait de la cheville ; il faudra m’expliquer comment une entreprise peut être rentable de cette façon ! L’aloyau représente environ un quart de la carcasse – disons 120 kilogrammes pour une carcasse de 450 kilogrammes. Que feront les Canadiens des trois quarts restants, sachant que leur production aura coûté plus cher puisque les animaux n’auront pas été nourris aux hormones ? Comment valoriseront-ils cette viande ?  En faisant du steak haché !» sur les bancs du groupe LR.)
    Oui, du steak haché, qu’ils vendront au même prix qu’une viande de bœuf nourri aux hormones.  Non ! »sur les bancs du groupe LR.)
    Si, car ce steak arrivera en même temps que le steak haché hormoné du fait de l’absence de marché différentiel, au Canada, entre l’hormoné et le non hormoné. Vous m’expliquerez pourquoi on investirait 3 milliards d’euros dans une filière où l’on vendrait 25 % de la production à un prix correct et 75 % à perte, et comment on la rentabiliserait ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    CQFD.

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    « Le droit du travail et la protection de l’environnement sont devenus excessifs dans la plupart des pays développés. Le libre-échange va réprimer certains de ces excès, en obligeant chacun à rester concurrentiel face aux importations ». Qui nous explique ainsi l’intérêt du libre-échange pour les grandes firmes ? Gary Becker, économiste libéral américain.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    C’est vieux.

    M. François Ruffin

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    En effet, ces propos datent de la signature de l’ALENA, l’accord de libre-échange nord-américain, conclu à la même époque que le traité de Maastricht. Gary Becker fait le pari que  le libre-échange permettra de miner le droit du travail et la protection de l’environnement, devenus à ses yeux, je le redis, excessifs dans les pays développés.
    Cette histoire est encore bien vivante, peut-être davantage au niveau environnemental que social, quoiqu’au plan social, les agriculteurs soient directement concernés. Cette harmonisation par le bas figure dans le rapport de la commission Schubert. Loin d’être un simple dommage collatéral du libre-échange, elle en est l’essence, le cœur, le but recherché par les firmes multinationales et leurs lobbies.
    Comment pouvez-vous prétendre, dans ces conditions, que des contrôles seront exercés ? Dans le port du Havre, c’est un container sur 5 000 qui est ouvert ! Comment peut-on seulement parler de contrôle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    Je tenais à rappeler que le groupe Libertés et territoires est fortement préoccupé par cet accord qui aurait dû recevoir une onction plus démocratique. C’est la raison pour laquelle nous avons voté pour la motion d’ajournement et donc contre sa ratification.
    Sur une planète à bout de souffle, on continue à marteler de façon dogmatique qu’il faut, quoi qu’il en coûte, laisser faire et laisser passer. Il faudra que les filières bovines européennes s’effondrent, que nos enfants mangent des aliments moins sains, que nos institutions ne puissent plus adopter de réglementation ambitieuse contre le réchauffement climatique, tout cela pour que la théorie abstraite des avantages comparatifs prenne le dessus sur le réel et sur l’expérience concrète de nos concitoyens. (MM. François Ruffin et Adrien Quatennens applaudissent.)
    Les clauses de l’accord font peser sur nous un risque juridique grave : celui que les multinationales canadiennes attaquent l’Union européenne devant des tribunaux d’arbitrage si elle adoptait des normes environnementales qui limitent ou freinent leur business. Nous qui sommes leaders en matière d’exemplarité environnementale, nous allons renoncer notre marge de manœuvre pour un accord qui rapporterait à peine 750 millions d’euros à court terme.
    Cette fuite en avant désespérée du libre-échangisme, dans un monde où nos concitoyens veulent plus de qualité et de circuits courts, apparaît à rebours de l’histoire. Elle risque de polariser une opinion agacée de ne plus être entendue en dehors des périodes électorales, ce qui risque de réveiller d’autres démons de l’histoire. Le groupe Libertés et territoires votera contre cet article.
     

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Nos concitoyens se sont exprimés ces derniers temps : ils demandent plus de qualité et souhaitent une autre vie.

    M. Vincent Descoeur

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    Eh oui !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ils veulent que soient de nouveau reconnus la valeur des territoires et le caractère indispensable de l’agriculture pour notre avenir, car l’agriculture est bien plus qu’une industrie, qu’un secteur économique.
    Il a beaucoup été question dans cet hémicycle d’agriculture et d’élevage, mais le CETA, ce n’est pas seulement cela. Avant tout, ce traité édicte une nouvelle norme, point qui a été très peu discuté.
    J’ai tenté, plus tôt, de vous éclairer sur le fonctionnement de l’un des comités qui ont été créés – plus de dix au total. L’une des fonctions de ces comités sera d’harmoniser des normes entre l’Union européenne et le Canada. Harmoniser les normes : de fait, cela signifie que celles de l’Union européenne ne s’appliquent pas. Inscrire dans un traité que cette harmonisation sera confiée à des comités ad hoc, indépendants des représentations nationales, du Parlement européen…
     

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Absolument pas ! Le comité ne peut rien décider sans mandat du Conseil.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Indépendants de tout cela, monsieur Maire ! Je vous ai écouté tout à l’heure !
     

    M. le président

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    Nous vous écoutons, monsieur Lecoq. N’interpellez pas vos collègues.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Dites-le à M. le rapporteur ! Il peut parler quand il le souhaite…

    M. le président

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    Pas tout à fait, quand même.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    …moi non. J’ai eu du mal à avoir la parole à l’instant.
    Si vous décortiquez la présentation de ces comités Théodule que fait le CETA – si vous l’avez lu, monsieur le rapporteur –, vous verrez que chacun d’eux a une fonction bien précise et qu’il peut s’affranchir, s’il le décide, des orientations étatiques. C’est ce qui rend le CETA dangereux et c’est la raison pour laquelle nous vous invitons à voter contre l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    À ce stade de nos discussions, je souhaitais interpeller le ministre et le secrétaire d’État pour deux raisons qui s’ajoutent à celles que j’ai avancées lors des explications de vote sur les motions de rejet préalable et d’ajournement.
    Tout d’abord, l’Union européenne et le gouvernement ne m’ont pas convaincu de leur capacité à organiser la réciprocité : ce que nous exigeons des agriculteurs français, nous devons être en mesure de l’exiger de nos partenaires commerciaux.
     

    M. Dominique Potier

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    Mais oui, bien sûr !

    M. Thierry Benoit

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    Autre sujet de préoccupation grave, puisque M. le secrétaire d’État a évoqué plus tôt dans la discussion l’Autorité de la concurrence : je travaille actuellement en commission d’enquête avec d’autres députés ; eh bien, l’Autorité de la concurrence n’est même pas capable de mettre de l’ordre dans des questions de centrales d’achats européennes ou de pratiques commerciales qui ont cours en Europe. Nous voyons des centrales délocaliser leur siège en Belgique. Nous ne sommes même pas fichus de mettre de l’ordre dans la maison Europe !
    Enfin, pour la première fois depuis 1945, la balance commerciale de l’agroalimentaire français est déficitaire. Même en Europe, une grande puissance agricole comme la France est en train de perdre du terrain.
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    …en Europe !

    M. Thierry Benoit

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    Ce n’est donc surtout pas le moment de ratifier des traités de libre-échange avec des pays comme le Canada, auquel nous ne sommes pas en mesure d’imposer les mêmes exigences que celles que nous imposons aux agriculteurs français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, GDR, FI et LT, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Jaurès disait que la prospérité naissait de la bonne administration – on parlerait aujourd’hui de planification ou de coopération. Si les termes ont changé, l’esprit demeure, comme le montre l’exemple macroéconomique du lait, que je prends pour changer de celui de la viande.
    Avec 24 milliards de litres produits en France, la baisse du prix du lait d’un centime nous a fait perdre 240 millions d’euros. Cette perte est à mettre en regard des 9 milliards d’aides européennes dont bénéficie la France : 240 millions, cela signifie que près de 3 % des aides européennes ont été perdues en raison des dérégulations, de la fin des quotas laitiers décidée en 2008 et appliquée en 2015.
    Sur dix litres de lait produits en France, neuf litres à neuf litres et demi sont consommés sur le territoire européen. Pour ce demi-litre à un litre exporté, avec pour mirage la Chine et ses usines de séchage, nous avons donc démantelé les régulations européennes et appauvri l’ensemble de la ferme France, au seul bénéfice des industriels du lait. Voilà un exemple précis de l’appauvrissement des filières que provoque l’idéologie de la dérégulation.
    Le lait était une économie administrée où le génie de la libre entreprise était tout entier concentré sur la recherche de la valeur ajoutée. Les grandes régulations sont au service de la libre entreprise et de la prospérité agricole.
    Hervé Berville, je le crois et je le souhaite, sera bientôt rapporteur d’une grande loi sur l’aide publique au développement. Si nous voulons travailler ensemble dans l’esprit qu’a voulu la présidente de la commission, Mme de Sarnez, nous devons nous défaire de cette légende libérale selon laquelle les échanges internationaux permettront la fin de la misère. Je crois en la science, en l’aide publique au développement…
     

    M. Fabien Di Filippo

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    En l’immigration !

    M. Dominique Potier

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    …et je crois aux politiques publiques de coopération et aux échanges justes. Ce sont eux qui ont vaincu la misère, pas les multinationales ni le libre marché. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        165
            Nombre de suffrages exprimés                160
            Majorité absolue                        81
                    Pour l’adoption                99
                    Contre                61

    (L’article 1er est adopté.) (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Article 2

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Cet article 2 énonce de belles intentions : il est évident que le Canada est un pays ami et l’on ne saurait, a priori, que se réjouir de ces proclamations. Mais, quand on lit l’article 2, et l’accord de partenariat, on y lit l’inverse de ce que produira l’accord de libre-échange. J’insiste donc une nouvelle fois sur l’hypocrisie, la tartufferie que représente le CETA, et il me paraîtrait fou de le ratifier mardi prochain.
    Je souhaiterais relever un fait simple : quand il s’agit des acteurs de cinéma et du milieu de la culture, la France est capable de résister au rouleau compresseur du libre-échange. Elle est capable d’imposer des lignes rouges à Bruxelles. Elle est capable d’aménager le libre-échange pour le transformer en juste échange. Ce protectionnisme intelligent a-t-il fait échouer le cinéma français ? Non. Il est le troisième au monde.
    Pourquoi ce qui vaut pour le milieu culturel parisien et pour les acteurs de cinéma ne vaudrait-il pas aussi pour les agriculteurs ? Là est la question fondamentale. La volonté politique ne manque pas lorsqu’il s’agit d’aider le milieu parisien qui accompagne nos dirigeants mais elle manque pour les ouvriers, les agriculteurs et tous les Français qui souffrent.
    Voilà la raison du décalage entre l’opinion et ses dirigeants, qu’elle juge, et de sa désaffection pour le vote. Prenez garde : en votant des textes comme celui-là, vous sapez la légitimité politique de toute notre démocratie.
     

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Dans la continuité de ma dernière intervention, je ferai remarquer que le forum de coopération réglementaire, organe chargé d’établir l’harmonisation des lois encadrant le commerce qui fait partie de ces institutions obscures prévues par le CETA, sera au cœur du dialogue permanent entre les régulateurs. C’est dire l’importance que jouera cette instance : toutes nos normes commerciales seront par elle discutées et – nous ne cessons de nous en indigner – revues à la baisse.  
    Or nous ignorons à peu près tout de cette institution. À peine savons-nous qu’elle sera probablement constituée de fonctionnaires nommés par l’Union européenne et par le Canada et coprésidée par un sous-ministre canadien et un directeur général de la Commission européenne, qui auront un droit de veto sur ces décisions. Nous ne savons pas non plus si ses décisions seront contraignantes, c’est-à-dire capables de court-circuiter les institutions européennes habituellement chargées de trancher ces questions.  
    Ces inquiétudes ne nous sont pas propres : en octobre 2016, la Cour constitutionnelle allemande a appelé l’Union européenne à clarifier au plus vite les doutes qui subsistent sur la nature de ces procédures, qui pourraient se révéler incompatibles avec les principes démocratiques internes des États européens.
    Il est aisé de comprendre quels immenses problèmes démocratiques pose ce forum de coopération réglementaire. Sans informations sur ses membres, ni sur ses prérogatives, cette institution va devenir un nid de lobbies tournés vers un unique objectif : maximiser les échanges commerciaux en éliminant toute règle qui leur ferait obstacle.
     

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Mais oui !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Dans ce cadre, quel rôle est prévu pour notre assemblée ? Où réside notre souveraineté ? Où nos concitoyens auront-ils leur mot à dire ? Certainement pas dans ce forum de coopération réglementaire qui est une manifestation supplémentaire du caractère néfaste du CETA, lequel ne vise rien d’autre qu’une déréglementation à tous crins.
    Monsieur le président, j’apprécie que le CETA soit examiné au mois de juillet. Si la discussion avait été prévue au mois de septembre, avec le nouveau règlement de l’Assemblée nationale, elle aurait duré une heure et demie et nous n’aurions pas pu éclairer les citoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Sans surprise, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’oppose à la ratification du CETA. Indépendamment même des répercussions négatives de ce traité sur la filière agricole française, dont on a beaucoup parlé, et sur l’économie en général, les seules questions de santé publique et d’écologie justifient un refus.
    On nous assure que des contrôles seront effectués sur toute la chaîne de production. Mais quelles garanties avons-nous réellement ? Comment accepter un accord de libre-échange avec un pays qui n’interdit pas l’utilisation d’activateurs de croissance, ni celle des farines animales ? Certains produits phytosanitaires sont proscrits au Canada, mais pas tous. Le manque de contrôle en amont est une raison suffisante pour ne pas aller plus loin.
    Depuis plusieurs années, nous nous efforçons de recentrer la France vers une économie plus locale, plus respectueuse de la planète et plus encourageante pour nos producteurs. Le message envoyé par ce traité est à l’opposé de ces valeurs. Ratifier le CETA, c’est encourager le transport de viande et de marchandises sur de longues distances et faire gonfler le volume des échanges, ce qui entraînera indéniablement une hausse des émissions de gaz à effet de serre. C’est également aller à l’encontre des mesures de l’accord de Paris prises à l’issue de la COP21.
    Accepter d’importer de la viande produite dans des méga-élevages est non seulement dangereux pour l’environnement mais forcera l’agriculture française à changer ses méthodes de production. C’est la porte ouverte à une course aveugle pour garder notre compétitivité au détriment du bon sens. Le précédent causé par la ferme des mille vaches ne nous a pas suffi : il faut produire toujours plus et plus rapidement.
    Alors, plutôt que de faire des promesses, nous devons agir, et, d’abord, refuser la ratification de ce traité. Dire non au CETA, c’est prendre position en faveur de la France, de l’environnement et de la raison. C’est refuser de brader notre planète, notre santé et nos emplois pour quelques centièmes de points de PIB. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    Nous étudions à présent l’article 2, qui autorise la ratification de l’accord de partenariat stratégique avec le Canada. Nous en partageons certaines orientations, comme je l’ai indiqué en commission.
    Il s’agit, par exemple, de souscrire à des principes énoncés dans la Charte des Nations unies, permettant de collaborer dans la prévention de la prolifération des armes de destruction massive et de promouvoir la ratification du statut de Rome de la cour pénale internationale – CPI. L’accord comporte donc, je le redis, des dispositions auxquelles nous sommes favorables.
    Mais les autres sont au cœur de notre critique fondamentale, notamment celles visant à la promotion de l’OMC et de la logique des traités de libre-échange, qui est réaffirmée de fait, dans cet accord comme dans le CETA.
    Parmi les critiques que nous formulons depuis tout à l’heure, il en est une qui a été peu avancée jusqu’à présent : même si des négociations ont eu lieu à ce sujet, il n’a pas été possible d’introduire le principe de précaution dans le CETA.
    Je sais que la discussion a eu lieu. Le Canada a refusé cette évolution ; le principe de précaution est donc exclu de l’accord. Cela en dit long, me semble-t-il, sur les arguments avancés tout à l’heure par plusieurs de nos collègues de la majorité, qui disaient : « Ne vous inquiétez pas ! » et « Peut-être faut-il avancer davantage vers la traçabilité ici et là ».
    Que le principe de précaution ne soit pas pris en considération, que nous continuions à nous inscrire dans une logique de libéralisation et d’accroissement des échanges commerciaux, voilà qui montre qu’une logique commerciale continue de supplanter ce qui devrait désormais être au cœur de tous les traités que nous pourrions signer avec d’autres pays : des règles assurant la relocalisation de l’économie, la lutte contre le réchauffement climatique, la coopération, le partage et le développement de l’emploi là où il est, et non le dumping social et l’adoption de mesures totalement climaticides.
    Au fond, cet article, fût-il mi-figue mi-raisin, est au cœur du problème. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Adrien Quatennens.

    M. Adrien Quatennens

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    L’heure tourne, et je vois bien que les arguments des diverses oppositions contre le traité ne parviennent pas à convaincre les membres de la majorité. Il est vrai que nous avons affaire à un traité dont le texte compte plus de 1 500 pages, négocié dans une opacité qui est tout sauf relative.
    Je me demande bien qui, au groupe La République en marche, est chargé de l’explication  de texte, tant certains commentaires sont surréalistes. Ainsi, ce matin, sur France Inter, le ministre Le Maire osait expliquer aux auditeurs que le CETA était en quelque sorte une chance formidable de coopérer avec nos amis canadiens dans la lutte contre le changement climatique. C’est une aberration totale !
    Manifestement, l’objectif est de faire croire que nous signons là un bel accord de coopération avec nos bons amis canadiens, et que nous ne faisons pas en sorte que toujours plus de marchandises s’échangent à l’échelle de la planète dans des conditions détestables. Or c’est bien ce dont il s’agit.
    Vraisemblablement, nous ne parvenons pas à vous faire entendre raison en expliquant pourquoi nous sommes opposés au CETA, chers collègues de la majorité. Peut-être faut-il donc vous expliquer en quoi consiste votre position, et ce que voter pour le CETA signifie !
    Voter pour le CETA, c’est voter pour une concurrence déloyale, imposée notamment à nos agriculteurs. C’est ce que vous vous apprêtez à faire.
    Voter pour le CETA, c’est voter pour des dispositions autorisant les multinationales à attaquer des États en justice si elles estiment que les lois sont contraires à leurs intérêts particuliers. C’est ce que vous vous apprêtez à faire.
    Voter pour le CETA, c’est voter pour l’importation de viandes produites avec des farines animales, des OGM et des pesticides. C’est ce que vous vous apprêtez à faire.
    Voter pour le CETA, c’est véritablement faire en sorte que nous ne puissions pas régler définitivement la question du changement climatique, car, par le biais de l’augmentation des échanges commerciaux, vous provoquerez une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
    Voter pour le CETA, c’est voter pour un traité climaticide et antidémocratique, ce qui constituera un précédent ; c’est voter pour une capitulation du pouvoir politique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Je songe parfois que l’habit ne fait pas le moine – c’est le moins que l’on puisse dire – parmi les mesures qui nous sont proposées ici. Chers collègues de la majorité, tout ce que vous présentez comme des faits se trouve contredit à la lecture du texte.
    J’aimerais revenir sur la question du veto climatique.
     

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Hors sujet ! Cette question est réglée !

    M. Éric Coquerel

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    Vous le mettez en avant en affirmant : « Rassurez-vous, l’accord comporte un veto écologique ! » Je rappelle que la commission Schubert indique au sujet de ce veto, dont Nicolas Hulot avait fait l’une des conditions de la signature du CETA, qu’il devrait empêcher un investisseur de déposer un recours contre un pays devant un tribunal d’arbitrage si la mesure incriminée vise à lutter contre le changement climatique.
    On nous dit : « Vous l’avez ! » Justement, non : nous ne l’avons pas ! Un veto sert à bloquer un processus. Ici, le processus ne sera pas bloqué.
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Si !

    M. Éric Coquerel

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    On peut parler de veto si un État a la possibilité de se substituer au tribunal d’arbitrage pour juger de la recevabilité de la mesure incriminée. Tel n’est pas le cas ici : le tribunal d’arbitrage demeurera, en dernier recours, le juge de ce qui est recevable ou non.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Les juges seront liés par la décision des États !

    M. Éric Coquerel

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    Ce que vous appelez « mécanisme d’interprétation conjointe », je l’appelle « mécanisme de manipulation grand format ».
    Par ailleurs, dans le CETA, vous ne tenez absolument pas compte de la question du nécessaire transport des marchandises – en avion ou en bateau. Il s’agit de dispositions visant non à réguler un commerce mais à le développer, développement jugé bénéfique par essence.
    Vous n’inscrivez pas le coût carbone de l’accord – qui augmentera les émissions de gaz à effet de serre – dans la colonne déficit. Je rappelle que cela représente 5 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Sur ce point également, l’accord sera contre-productif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Il faut reprendre le bilan des douze premiers mois d’application presque intégrale du CETA. Le Canada s’est félicité de l’augmentation de 63 % de ses exportations d’hydrocarbures vers l’Union européenne. Cela valait bien la peine de voter une loi contre l’extraction des hydrocarbures en France : ce que vous avez faiblement fait sortir par la porte rentre aisément par la fenêtre !
    La France s’est engagée à supprimer les subventions aux énergies fossiles d’ici à 2025. Mais y a-t-il meilleure subvention que l’ouverture à tous vents du marché européen au gaz de schiste, aux sables bitumineux et autres énergies fossiles, qui nous préparent un avenir invivable ?
    Si vous votez l’accord, vous votez Trump. Tout à fait ! Vous votez pour les industriels soutenus avec enthousiasme par ce président raciste et climatosceptique. Rien, dans l’accord, n’empêche l’importation, via le Canada, de gaz et de pétrole de schiste en provenance des États-Unis d’Amérique. Où sont donc les bonnes résolutions internationales prises par la France ?
     

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Nous les défendons !

    Mme Mathilde Panot

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    Où est donc passée votre âme scandalisée par les délires climatosceptiques du président des États-Unis ? En matière d’écologie, les déclarations d’intention ne valent rien. Si vous encouragez le développement des énergies fossiles de la même façon que Trump, vous ne valez pas mieux !
    Voilà la réalité du CETA ! Trump, Trudeau, Macron : même combat contre la planète ! Voici les champions des pollueurs réunis dans un combat commun !
    Comment pouvez-vous justifier un seul instant la croissance de 63 % en un an des exportations canadiennes d’énergies fossiles ? J’espère que vous réfléchissez aux effets des traités de libre-échange sur la pollution de l’atmosphère, la dégradation des sols partout où l’on extrait du pétrole de schiste et le changement climatique, dont ils aggravent les effets.
    Vous pouvez dire que nous sommes complotistes…
     

    M. Sylvain Maillard

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    En effet !

    Mme Mathilde Panot

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    … et nous traiter de tous les noms, mais comprenez-nous : comment expliquer – sinon par la volonté de soutenir les intérêts de la finance et des industries de l’énergie fossile – un tel déni face aux constats scientifiquement établis à partir desquels nous sommes fondés à décider ?
    Voter le texte serait un acte désespérant. Une fois de plus, je préfère m’adresser à la conscience individuelle de chacun plutôt qu’à votre esprit de parti, chers collègues de la majorité : j’espère que vous voterez en conscience, compte tenu de ce qu’implique ce vote pour l’avenir de l’humanité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)
     

    M. Sylvain Maillard

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    Nous ne tomberons pas dans le panneau !

    Mme Mathilde Panot

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    Il n’y a pas de quoi rire !

    M. le président

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    La parole est à Mme Bénédicte Taurine.

    Mme Bénédicte Taurine

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    La ratification d’un tel accord montre votre incohérence, chers collègues de la majorité, notamment avec la loi EGALIM – loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. En effet, la production canadienne de viande repose sur l’engraissement d’animaux en élevage intensif, sans accès à des pâturages, mais avec la possibilité d’utiliser des farines animales et des hormones de croissance.
    Ce mode de production est en totale contradiction avec l’article 44 de la loi EGALIM, lequel « interdit de proposer à la vente […] des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ».
    Les farines animales sont interdites en Europe depuis leur identification comme vecteur de la transmission de la maladie de la vache folle. Elles sont bel et bien autorisées au Canada.
    Même si vous les nommez « protéines animales transformées », il n’en reste pas moins que ce sont des farines d’origine animale. Elles sont produites avec des morceaux non nobles de bovins en bonne santé, notamment les poils, le sang et le gras.
    Ces protéines animales transformées sont interdites dans l’Union européenne, car il existe un principe fondamental selon lequel un bovin est un herbivore et ne doit être nourri avec les restes d’un animal !
     

    M. Guillaume Garot

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    Voilà !

    Mme Bénédicte Taurine

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    Par ailleurs, le traité met en concurrence des modèles agricoles opposés. Tandis que nous tentons, en France, de faire évoluer la réglementation en matière de qualité des produits, de bien-être animal, de traçabilité et de respect de l’environnement, le Canada autorise les OGM, l’engraissement aux antibiotiques activateurs de croissance et quarante-six substances strictement interdites en Europe.
    Les acteurs et les syndicats de la filière bovine s’opposent à ce traité. Nos éleveurs et nos paysans peinent à retirer un salaire décent de leur activité. L’accord les condamne en déstabilisant totalement la filière de la viande bovine, qui est déjà fragile.
    Avec la ratification du CETA, un pan entier de notre économie risque de disparaître. À l’horizon 2023, 230 000 emplois – dont 45 000 en France – pourraient être détruits dans les pays concernés par le CETA. (Mme Mathilde Panot applaudit.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabine Rubin.

    Mme Sabine Rubin

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    Si nous avons été, jusqu’à présent, en partie protégés de certains scandales sanitaires, c’est parce que nous avons respecté un principe simple et de bon sens, le principe de précaution.
    En quoi consiste-t-il ? Comme son nom l’indique, il prévoit d’interdire un produit ou une marchandise tant que son innocuité n’est pas prouvée. Ainsi, dès lors qu’il existe un doute scientifique crédible sur son caractère nocif, la charge de la preuve est inversée.
    Mais voilà : le CETA – et l’OMC pas davantage – ne reconnaît pas le principe de précaution, considéré par les apôtres du libre-échange comme une barrière commerciale à supprimer !
    Ce n’est pas moi qui le dis, mais le rapport de la commission Schubert. On lit à la page 22 : « On ne peut exclure que les imprécisions du CETA conduisent à l’arrivée sur le marché européen de produits autorisés en vertu d’une réglementation ne prenant pas en compte le principe de précaution ».
    Tel devrait bien être le cas : le 4 juillet dernier, seize pays – dont le Canada – ont conjointement déposé devant l’OMC une plainte contre l’Union européenne, à laquelle ils reprochent d’invoquer le principe de précaution pour interdire des pesticides. Avec le CETA, les effets de telles procédures seront démultipliés, car les entreprises elles-mêmes pourront porter plainte.
    Concrètement, voici ce qui pourra se produire : les pesticides, les perturbateurs endocriniens, les antibiotiques et les activateurs de croissance pour l’élevage, utilisés au Canada mais interdits dans l’Union européenne au nom du principe de précaution, pourront envahir le marché européen, sans que les États puissent s’y opposer, sous peine d’être poursuivis devant les tribunaux d’arbitrage.
     

    M. le président

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    Merci, ma chère collègue.

    Mme Sabine Rubin

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    Il y a là un argument supplémentaire démontrant que cet accord est tout à fait inconséquent. (Mme Mathilde Panot applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    J’ai fait un rêve, mais cette nuit est un cauchemar. Le problème – le cauchemar –, c’est qu’en vous écoutant, chers collègues de la majorité, monsieur le secrétaire d’État, je me demande comment vous pouvez tomber si bas.
    Comment peut-on se regarder dans une glace, regarder ses enfants et petits-enfants,… (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
     

    M. Sylvain Waserman

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    Incroyable !

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    N’importe quoi !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Sans problème !

    M. André Chassaigne

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    … après avoir passé des heures à tenter de justifier l’injustifiable, et de rendre vertueux un accord qui est un pur produit de la haute technocratie commerciale et financière ?
    Le problème – le cauchemar –, c’est que la maison brûle comme jamais. En Alaska, au Yukon, en Alberta, des milliers d’hectares de forêt boréale viennent de partir en fumée en quelques jours. La banquise arctique se rétracte à une vitesse inégalée.
    Mais à l’Assemblée nationale, on discute des moyens de faire des bons deals financiers et commerciaux avec nos produits manufacturés et nos services.
    Le problème – le cauchemar –, c’est que 820 millions de personnes sur la planète, soit 11 % de la population mondiale, souffrent de sous-alimentation.
    Mais à l’Assemblée nationale, on essaie de justifier les bienfaits d’un accord commercial visant à faire traverser les frontières, sans droits de douanes, au-dessus de l’Atlantique, à des produits agricoles qui pourraient être produits localement, en Europe comme au Canada, dans des fermes familiales.
    Le problème – le cauchemar –, c’est que les inégalités de richesses explosent en raison de l’avidité des capitalistes ; 100 multinationales sont responsables de plus de 70 % des émissions mondiales de carbone. Vingt-six multimilliardaires possèdent plus de richesses que 3,5 milliards d’êtres humains.
    Mais à l’Assemblée nationale, on défend un accord visant à accroître encore le pouvoir des multinationales de s’octroyer, au détriment de nos paysans, de nouveaux marchés des deux côtés de l’Atlantique, et de disposer de nouveaux droits leur permettant d’attaquer les États et leurs politiques publiques.
    Le rêve s’est envolé ; le cauchemar nous fait honte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie

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    Si le CETA est ratifié en l’état, il aura de terribles conséquences – cela a été dit plusieurs fois ce soir – pour les agriculteurs français, notamment les éleveurs, auxquels il est sans cesse demandé de faire des efforts pour améliorer la qualité et la traçabilité de leurs produits comme pour mieux respecter l’environnement.
    Comment accepter l’importation de produits agricoles étrangers ne répondant pas aux normes appliquées sur le territoire français ? Sur le bien-être animal, la traçabilité, ou encore le respect de l’environnement, l’Union européenne et le Canada ont des réglementations très différentes, trop différentes. Vous n’avez d’ailleurs pas nié ces différences, monsieur le ministre.
    Il paraît aujourd’hui inconcevable de proposer aux consommateurs des produits dont la qualité est nettement inférieure à celle proposée par nos producteurs et éleveurs. Nous devons absolument soutenir nos éleveurs et nos agriculteurs, dont la situation est déjà mise à mal, et nous devons protéger les consommateurs.
    Il est important de nous interroger sur les motivations réelles de notre politique économique. Le contexte économique, sociétal et environnemental actuel nous incite à privilégier les circuits courts en matière d’alimentation, afin de garantir le bon fonctionnement de l’économie locale et une meilleure qualité des produits consommés. Nous sommes ici nombreux, je pense, à promouvoir les circuits courts dans nos territoires. Or cela est en totale contradiction avec l’objectif de cet accord, qui vise à favoriser et à simplifier l’importation de produits agricoles étrangers que nous n’avons pas les moyens de contrôler.
    Permettez-moi, pour terminer, de vous raconter une anecdote, racontée par Pierre Rabhi. « Un camion de tomates a quitté la Hollande pour livrer l’Espagne. Dans le même temps, un autre camion de tomates part de l’Espagne pour livrer la Hollande. Les deux camions finissent par se percuter sur une route française ! » Et le philosophe de conclure : « cette anecdote vraie est une caricature qui devrait nous faire méditer sur l’absurdité de notre système ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Ce traité de partenariat stratégique demeure, à nos yeux, trop velléitaire, notamment en matière de développement durable. Il prévoit la promotion d’une utilisation responsable et efficace des ressources et d’un développement économique inclusif à l’échelle de la planète, mais ce message n’est accompagné, on l’a dit, d’aucune obligation.
    Ce texte, en outre, « [reconnaît] qu’une mondialisation durable et une prospérité accrue ne sont possibles que dans une économie mondiale ouverte ». Ce dogme du libre-échange doit désormais être précisé pour lutter vraiment contre la précarité et le développement inégal. Notre modèle économique doit aujourd’hui intégrer les enjeux du fonctionnement de l’économie internationale, en corriger les excès et les injustices économiques et sociales.
    Il faut s’orienter vers une convergence fiscale par étapes, vers une convergence sociale et vers une convergence des contraintes environnementales. On ne peut continuer d’ouvrir le monde sans protection pour suivre un seul dogme d’ouverture tous azimuts, sous peine que le désastre économique et social que nous voyons s’aggraver se poursuive. Nous voulons construire une économie mondiale ouverte, certes, mais solidaire, équilibrée et équitable. Et ça, ça se prépare. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

    Mme Christine Pires Beaune

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    Nous avons entendu, depuis des heures, de nombreux arguments contre la ratification du CETA. S’il fallait retenir une seule raison pour ne pas la voter mardi, ce serait, je pense, le réchauffement climatique. Il est temps de prendre un virage stratégique. Or cet accord ne contient aucune clause explicite et contraignante pour protéger le droit de l’État et des collectivités locales à prendre des mesures contre le réchauffement climatique.
    Si l’on veut vraiment le combattre, il faut tout changer, et d’abord aller vers une relocalisation des activités économiques, et vers une régionalisation de notre économie.
     

    M. Paul Molac

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    Très bien !

    Mme Christine Pires Beaune

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    Il ne s’agit pas d’un retour au protectionnisme – c’est une caricature – mais tout simplement de logique et, si j’ose dire, de bon sens paysan.
    Les pays d’Europe, d’Amérique du Sud et d’Amérique du Nord doivent avant tout échanger entre eux, au sein de leurs ensembles régionaux respectifs, pour limiter les déplacements et l’empreinte carbone. Les grands accords comme le CETA ou le traité avec le Mercosur appartiennent à l’ancien monde, celui des vingt dernières années du XXe siècle, celui de l’ultra-libéralisme dévastateur pour les hommes et pour la planète.
    S’il faut appliquer un principe, je pense que ce serait un principe de subsidiarité économique : si les agriculteurs peuvent produire et trouver en Europe de quoi nourrir leurs bêtes, il n’y a pas lieu d’importer du soja brésilien transgénique dont la culture dévore, de surcroît, les espaces forestiers amazoniens. Pour d’autres produits, comme le café, on continuera évidemment d’importer.
    Vous l’aurez compris, vous pouvez caricaturer, vous pouvez promettre encore et encore, ce traité porte les germes d’une catastrophe écologique et sociale – écologique, à cause de l’augmentation des échanges transatlantiques, sociale, à cause de la disparition de milliers d’exploitations agricoles. Ce sera le plus grand plan social de ces dernières années ; eh bien, ce sera sans nous, et vous – vous seuls – en porterez la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit

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    Je voudrais faire deux remarques – un peu collatérales, certes – sur des propos qui ne me semblent pas dignes de ces débats. Les premiers ont été tenus au début de la soirée par M. Dumont – je vois qu’il est parti…
     

    M. Maxime Minot

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    Il est toujours dans l’enceinte de l’Assemblée !

    M. Frédéric Petit

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    Je voulais lui dire que le président Lescure représente les Français du Canada, et que les députés des Français établis à l’étranger, comme lui et moi, représentent autant de citoyens que vous, chers collègues – un peu plus, même, et des citoyens qui sont parfois plus difficiles à joindre.

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Merci !

    M. Frédéric Petit

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    J’ai trouvé la remarque de M. Dumont extrêmement désagréable, permettez-moi de le dire. Nos circonscriptions à l’étranger sont des circonscriptions françaises.
    Je voudrais, en second lieu, répondre à M. Dupont-Aignan au sujet de l’argument, souvent invoqué, qui compare l’exception culturelle française à un protectionnisme national. Cela m’énerve profondément, parce que l’exception culturelle n’a pas de frontières : elle protège et défend tous les créateurs, sans opposer les créateurs français à ceux des autres pays. Elle s’interpose entre les créateurs et ceux qui les exploitent. Cessez donc d’utiliser cet argument pour braquer ceux que vous appelez les bobos contre les travailleurs. L’exception culturelle française n’est pas un nationalisme économique. Elle permet de défendre la création, pas de défendre les frontières. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    Le CETA porte atteinte à notre contrat social. Il introduit, pour la première fois en Europe, un système très imprévisible : les listes négatives. En vertu de ce système, l’Union européenne s’engage à libéraliser tous les secteurs de son économie, sauf ceux qu’elle cite explicitement dans cette liste négative.
    Dans sa grande bonté, la Commission a introduit une réserve : les services publics reconnus d’utilité publique au niveau national ou local peuvent faire l’objet de monopoles publics, ou bien des droits exclusifs peuvent être octroyés à des opérateurs privés ; mais ils entrent, du coup, dans une logique d’exception. Il faut dire que l’assiette est maigre, puisque la Commission, les États et les gouvernements ont pris les devants, ces dernières décennies, en libéralisant de nombreux secteurs, comme la poste, les télécommunications, le rail ou l’énergie, évidemment.
    Dès lors, la ratification de cet accord va ouvrir un pan considérable de services aux entreprises canadiennes, ce qui aura pour conséquence une fragilisation financière des derniers opérateurs publics, qui pourra les obliger à entrer progressivement dans le moule du marché, et leur rendre plus difficile l’accomplissement de certaines fonctions de service universel de défense et de promotion des biens communs.
    Que se passera-t-il, demain, quand une mairie décidera de reprendre en régie publique la gestion de l’eau de la commune, autrefois confiée au privé ? Le flou juridique est total. Les contraintes introduites par cet accord risquent, par un effet cliquet, de nous empêcher de revenir en arrière une fois qu’une activité aura été libéralisée. C’est une mise en cause inacceptable du pacte républicain. Nous savons que nos services publics seront indispensables pour résoudre les défis du XXIe siècle, puisque l’urgence sociale et l’urgence écologique exigent des outils publics, des outils communs, pour faire face à ces grands enjeux. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Alain Bruneel.

    M. Alain Bruneel

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    Outre les risques que fait peser le CETA sur notre agriculture et nos services publics, je veux ici m’attarder sur les conséquences de cet accord sur nos emplois. L’histoire témoigne que les belles promesses du libre-échange en matière de développement économique et d’emploi sont rarement tenues. Ce que l’on voit, c’est bien souvent la mise en concurrence des économies nationales, la stagnation des salaires et l’accroissement du chômage.
    Rappelons-nous simplement l’accord de libre-échange nord-américain. Après deux décennies d’application, son bilan est accablant : entre 1994 et 2010, il a entraîné la perte de 700 000 emplois aux États-Unis. Cet accord a également eu des effets désastreux au Mexique, avec la destruction de l’agriculture paysanne. Au total, 4 millions d’emplois auraient été détruits par cette vaste mise en concurrence sur le continent nord-américain.
    Ces risques sur l’emploi ne peuvent être ignorés au moment de nous prononcer sur la ratification du CETA : ils sont bien réels. Loin des projections optimistes de la Commission européenne, une étude universitaire conduite en 2016 par deux économistes américains conclut à la disparition de 200 000 emplois dans l’Union européenne, dont 45 000 en France, d’ici à 2023. Pour le Canada, on estime le nombre d’emplois perdus à 30 000. Cet accord, c’est la stratégie du perdant-perdant. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Bénédicte Taurine applaudit également.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Fuchs.

    M. Bruno Fuchs

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    Je voudrais tout d’abord m’adresser à nos amis et cousins canadiens pour leur dire notre affection. Depuis le début de la soirée, j’ai entendu quantité d’arguments déplacés et fallacieux qui ont créé l’impression que nous avions en face de nous un peuple malade, proche de l’extinction : ils sont tous en train de mourir, si l’on en croit les propos tenus sur certains de ces bancs. Sachez donc, chers amis canadiens, que nous vous aimons et vous faisons confiance. Cet accord est, bien sûr, gagnant-gagnant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Alain Bruneel

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    Ça, c’est vous que le dites ! Nous, nous pensons le contraire !

    M. Bruno Fuchs

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    Plus globalement, depuis deux ans que cette assemblée est élue, on nous jette l’anathème depuis certains de ses bancs, où l’on prévoit l’apocalypse à tout propos. Cela s’est produit lors des débats sur les ordonnances réformant le code du travail, lors de ceux sur la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, ou encore lors de ceux sur la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

    Mme Clémentine Autain

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    D’ailleurs, nous n’avions pas tort !

    M. Alain Bruneel

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    C’est de la santé des Français qu’il s’agit !

    M. Bruno Fuchs

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    Cessez donc de jouer avec les peurs de façon inconsidérée !

    M. Alain Bruneel

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    C’est la réalité !

    M. Bruno Fuchs

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    Deux ans plus tard, 4 millions de CDI ont été signés en France – un record. L’apprentissage a connu sa plus forte augmentation depuis 1996. Pour les investisseurs, la France est désormais le deuxième pays le plus attractif en Europe ; nous avons 500 000 chômeurs de moins. Les chiffres sont là !

    M. Pierre Dharréville

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    Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, alors !

    M. Bruno Fuchs

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    Quelles que soient les peurs que vous cherchez à susciter, il y a des réalités économiques. Travaillons donc sur des faits, sur des arguments. Vous parlez, par exemple, de destructions d’emplois. Considérez donc, chers collègues, que la filière bovine française avait en 2018 un excédent de 2 200 carcasses. Certaines exploitations souffriront peut-être de l’accord mais, globalement, l’accord est bénéficiaire : 800 millions d’euros de bénéfices dans la balance commerciale depuis un an.
    Je ne vois donc pas où des emplois vont être détruits. Grâce à la présidente de la commission des affaires étrangères, nous disposerons d’un suivi, région par région, et nous apporterons des corrections s’il y a des difficultés pour certaines exploitations. Cessez donc de brandir la peur à tout propos. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Nous avons reçu des quantités de mails au sujet de cet accord avec le Canada, des tonnes de mails négatifs en provenance des ONG et des syndicats agricoles…

    M. Dominique Potier

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    J’en ai reçu soixante-dix-sept !

    M. François Ruffin

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    Voilà, soixante-dix-sept pour Dominique Potier. Mais nous avons reçu un unique mail qui y était favorable : il venait de l’Association française des entreprises privées – AFEP –, c’est-à-dire le sommet du CAC40. Voilà vos amis ! Voilà les partisans de ce traité ! (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
    M. Fuchs dit que nous cherchons à opposer la France au Canada. Ce n’est pas vrai ! Le Canada est traversé par les mêmes luttes que celles qui ont lieu aujourd’hui en France : une lutte entre des multinationales et les citoyens, entre ceux que Delphine Batho appelle les destructeurs et les terriens. Le Canada est traversé par les mêmes luttes sur le pétrole que l’on extrait des sables bitumineux, ce qui détruit les glaces.
    C’est la même lutte entre les fermes gigantesques et les petits paysans. Vous dites que c’est un accord gagnant-gagnant. Pour qui ? C’est gagnant pour les pétroliers canadiens, c’est gagnant pour l’AFEP… Les multinationales gagnent des deux côtés de l’Atlantique. Là-dessus, il n’y a pas de doute.
    Je me rappelle que, tout au long des états généraux de l’alimentation, on nous a servi, dans cet hémicycle, des couplets sur la « montée en gamme » : « montée en gamme » pour la fin des pesticides, « montée en gamme » pour le bien-être animal, « montée en gamme » pour le revenu des agriculteurs ! Tout cela pour voir maintenant miner cette montée en gamme, déjà mal partie lors des états généraux de l’alimentation, par la fabrication d’une mondialisation qui est une passoire !
    Vous ne m’avez pas répondu, monsieur le ministre, pas plus que le rapporteur et nos collègues de la majorité…

    M. le président

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    Merci, mon cher collègue.

    M. François Ruffin

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    …sur le fait que certaines interdictions qui protègent encore les consommateurs européens n’existent pas au Canada.

    M. le président

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    La parole est à Mme Annie Chapelier.

    Mme Annie Chapelier

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    Je vous écoute depuis bientôt huit heures, et, sachez-le, la répétition n’a jamais fait une vérité. J’entends deux discours et personne n’écoute personne, de notre côté comme de l’autre.
    Ce soir, tout le monde fait de la politique-fiction. Certains imaginent déjà la perversion de fermes canadiennes se lançant à corps perdu dans une production dédiée au marché européen.
     

    M. François Ruffin

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    Ce n’est pas une perversion, c’est la logique du capitalisme : la recherche exclusive du profit !

    Mme Annie Chapelier

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    C’est de la politique-fiction, monsieur Ruffin. Prédire l’avenir ne signifie pas connaître le futur.
    Je vais à mon tour m’essayer à la politique-fiction mais en vous présentant un autre scénario : que se passera-t-il si nous ne ratifions pas l’accord ? Le commerce avec le Canada s’interrompra-t-il ? Les bœufs cesseront-ils de traverser l’Atlantique ? Le commerce international s’orientera-t-il spontanément et tranquillement vers des échanges vertueux ? Penser que la réponse à ces questions est négative, est-ce un manque de réalisme ?
    Ne sommes-nous pas dans une économie mondialisée, capitaliste et ultra-libérale ? Ne savons-nous pas que ce modèle nous conduit droit à notre perte ? Mais comment lutter contre ce modèle ? En le niant ? En prétendant qu’il n’existe pas ? En choisissant de ne pas le voir dans l’espoir qu’ainsi il disparaisse – pas vu, pas pris – et en laissant les aberrations continuer sans aucune régulation ?
     

    M. François Ruffin

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    Votre solution, c’est d’aller encore plus loin, du coup ?

    Mme Annie Chapelier

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    Pourquoi refuser, par cet accord, de donner enfin au libre-échange un cadre, évolutif et assorti de garanties d’évaluation et de contrôle, grâce à l’implication des parlementaires ?
    En outre, la non-ratification du CETA aura certainement des conséquences politiques au Canada.
     

    M. le président

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    Merci.

    Mme Annie Chapelier

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    Justin Trudeau sera probablement désavoué, Andrew Scheer accédera au pouvoir, et…

    M. le président

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    Je vous remercie. La parole est à Mme Liliana Tanguy.

    Mme Liliana Tanguy

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    L’accord permet à l’Union européenne et au Canada de coopérer dans tous les domaines d’intérêt commun de la politique internationale : respect des principes démocratiques et des droits de l’homme, promotion de la paix, de la sécurité, et de l’État de droit, développement durable, lutte contre le réchauffement climatique.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Pas besoin du CETA pour cela !

    Mme Liliana Tanguy

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    Ce ne sont que des combats et des valeurs que nous partageons. Dès lors pourquoi tergiverser, si ce n’est pour des raisons politiciennes, pour faire un coup ? Comment justifier le refus de la ratification d’un accord avec un pays dont nous partageons les valeurs, un pays qui a été à nos côtés, au XXe siècle comme aujourd’hui, et dont nous souhaitons qu’il le reste dans les années à venir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Le débat ne porte pas sur des peurs, monsieur Fuchs, mais sur des faits. Toutefois, les députés et les personnes qui, dans le moment actuel, affirment qu’il ne faut pas avoir peur m’inquiètent énormément. Lorsque 15 000 scientifiques déclarent qu’il sera bientôt trop tard, lorsque le rapport du GIEC SR15 – rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 degré – donne dix ans pour changer radicalement notre modèle de développement afin d’espérer contenir le changement climatique dans une limite qui autorisera encore la vie humaine sur terre, qui peut ne pas avoir peur ?

    M. Thierry Benoit

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    Absolument !

    Mme Delphine Batho

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    L’exploitation des sables bitumineux, ce sont des faits : une surface équivalente à l’Angleterre, la destruction de la forêt boréale et l’augmentation de 63 % des hydrocarbures canadiens exportés en Europe – un fait dont se félicite le Gouvernement canadien.
    Le saumon OGM, c’est un fait. J’ai ici la question écrite que j’ai posée au Gouvernement depuis le mois d’avril et à laquelle je n’ai toujours pas reçu de réponse.
     

    M. Maxime Minot

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    Nous n’avons jamais de réponses !

    Mme Delphine Batho

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    Faute de traçabilité sur les saumons OGM au Canada, la France est-elle en mesure d’identifier la part de saumons OGM dans les 9 400 tonnes de saumon importé depuis le Canada ? J’aimerais que le Gouvernement français me réponde ; je suis là dans mon rôle de parlementaire !
    Dans ce débat, je n’agite pas des fake news, je présente des faits et des preuves. Ceux qui aujourd’hui ne sont pas inquiets du réchauffement climatique sont dans le déni des réalités scientifiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)
     

    M. le président

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    Nous en venons à l’examen de trois amendements de suppression, nos 17, 20 et 24, sur lesquels je suis saisi par le groupe La France insoumise ainsi que par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement no 17.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    L’article 2 porte sur l’accord de partenariat stratégique avec le Canada. Nous nous opposons  systématiquement aux accords de partenariat, que celui-ci soit renforcé ou stratégique, dans la mesure où ce sont des accords de libre-échange déguisé.
    Le présent accord recèle une véritable hypocrisie, en particulier dans le titre IV intitulé –  laissez-nous rire – « développement économique et durable », qui mêle coopération fiscale, développement économique et développement durable – il est pitoyable de voir comment l’écologie est abordée dans ce traité.
    Au sein de ce titre, les articles 9 et 10 sont scandaleux. Le premier, intitulé « dialogue et rôle moteur à l’échelle mondiale dans le domaine économique » – à coup sûr, grâce au CETA, le dialogue sera nourri puisque personne n’a rien su lors des cinq premières années de négociation – dispose que les parties prenantes seront « à la pointe des efforts pour promouvoir de saines politiques économiques » – je ne comprends pas comment cela peut être compatible avec le CETA. Il prévoit « d’encourager, s’il y a lieu, un dialogue et une coopération opportuns et efficaces sur les questions économiques mondiales d’intérêt commun au sein des organisations et enceintes multilatérales auxquelles [les parties] participent, comme l’OCDE, le G7, le G20, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce » – là encore, ce n’est pas logique puisque le CETA fait fi de toutes ces instances.
     

    M. le président

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    Merci, mon cher collègue.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Voter séparément le CETA et l’accord de partenariat est une aberration. Le groupe GDR votera en faveur de la suppression de l’article.  

    M. le président

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    La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l’amendement no 20.

    Mme Clémentine Autain

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    Je réponds d’abord à M. Fuchs qui n’était d’ailleurs pas le premier ce soir à appeler à la solidarité vis-à-vis du peuple canadien, comme si le refus de ratifier le CETA revenait à rejeter cette amitié. Pour nous, c’est l’exact contraire.
    Le réchauffement climatique est une question planétaire. Les intérêts de tous les peuples qui vivent sur cette terre sont liés. Le CETA tourne le dos à l’objectif non pas seulement de limiter les émissions de gaz à effet de serre mais de les diminuer drastiquement et de modifier en profondeur notre modèle de développement. Compte tenu de notre intérêt commun, rejeter le CETA, c’est donc au contraire faire œuvre de solidarité à l’égard du peuple canadien dans une lutte fondamentale. (Mme Mathilde Panot et M. François Ruffin applaudissent.)
    Je reviens un instant sur le capitalisme. C’est le cœur de notre désaccord. Vous nous dites que c’est une réalité. Personne ne le conteste mais notre mission, en tant qu’acteurs politiques, est de transformer le réel. Donnons-nous, avec le CETA, davantage d’outils au capitalisme pour prospérer, alors qu’il s’appuie déjà sur les deux leviers que sont la baisse des salaires sous l’effet du dumping social et le consumérisme qui est au cœur du problème du réchauffement climatique ? Ou bien imposons-nous des contraintes pour lutter contre ces logiques capitalistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
     

    M. le président

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    L’amendement no 24 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?
     

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Je m’interroge : plusieurs orateurs ont évoqué le CETA au sujet d’un article dont le contenu est étranger audit traité. C’est un mystère que nous tenterons d’éclaircir.

    Mme Delphine Batho

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    La parole est libre, monsieur le rapporteur !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Je rappelle que nous examinons un accord de partenariat stratégique ainsi qu’un accord économique et commercial global.
    Je ne comprends pas ceux qui, sur les différents bancs, à gauche comme à droite, souhaitent par ces amendements s’opposer à un accord qui consacre notre attachement commun aux valeurs démocratiques et à la coopération en matière de lutte contre les armes de destruction massive ainsi que contre les armes légères et les petits calibres, qui promeut l’action de la Cour pénale internationale, la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, ainsi que la paix, la stabilité et la gestion des crises.
    Nous avons par ailleurs besoin de clarifier ce que permet le CETA et ce qu’il ne permet pas. Monsieur Lecoq, en aucun cas des comités ne peuvent imposer des décisions de nature juridique aux États.
     

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Je n’ai rien lu de tel.

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    La raison en est simple : les comités mixtes ne peuvent prendre de décisions sans un mandat du Conseil.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)  

    M. le président

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    Sur l’article 2, je suis saisi par le groupe La France insoumise ainsi que par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
     

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Madame Batho, Raymond Devos disait : « une fois rien, c’est rien ; deux fois rien, ce n’est pas beaucoup mais pour trois fois rien, on peut déjà s’acheter quelque chose, et pour pas cher. »
    À plusieurs reprises, vous avez brandi l’argument de la hausse de 63 % des importations de produits énergétiques du Canada. Vous l’avez fait en commission, j’étais alors tenu par mon devoir de réserve puisque je présidais la séance. Je vous réponds maintenant. Aujourd’hui, ces importations représentent 0,5 % du total, bien loin derrière celles de l’Arabie saoudite, des États-Unis, de la Norvège et de la Russie – aucun accord ne nous lie à trois de ces pays.
    Les importations de produits énergétiques canadiens en France représentent 0,2 %. Nous importons autant de produits énergétiques depuis le Canada que depuis Malte. Là encore, vous pouvez jouer sur les peurs mais l’Europe n’est pas inondée de sables bitumineux…
     

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Nous avons arrêté de les produire, ce n’est pas pour rien !

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    …et ne le sera pas avant bien longtemps puisque les pipelines ne sont pas construits. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)  

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Le Gouvernement émet naturellement un avis défavorable à ces amendements de suppression de l’article 2. Je suis moi aussi surpris de la volonté de supprimer un accord de partenariat stratégique qui a trait aux Nations unies, à la préservation du droit international, à la lutte contre le terrorisme ainsi qu’au développement durable.
    Je souhaite apporter quelques éléments à Clémentine Autain sur le devenir du principe de précaution dans le cadre du CETA. On a fait dire au rapport de la commission Schubert des choses qui n’y figurent pas, donc reportons-nous au texte de celui-ci. Il est clairement indiqué que l’absence de mention expresse du  principe de précaution ne signifie pas qu’il n’en est pas tenu compte – voyez l’article 24.8.
    En outre, le Conseil constitutionnel a estimé que les stipulations de l’accord étaient « propres à garantir le respect du principe de précaution issu de l’article 5 de la Charte de l’environnement ».
    Le principe de précaution est donc pleinement pris en considération dans les engagements respectifs du Canada et de l’Union européenne.
     

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous ne m’avez pas répondu : les farines animales rebaptisées protéines animales transformées – les os broyés de moutons, les plumes de volailles hydrolysées, le sang de porc déshydraté, etc. – sont interdites en France pour les bovins alors qu’elles sont autorisées au Canada.
    Certains membres de votre majorité brandissent des éléments approximatifs, des contre-vérités, des arguments fallacieux. Pouvez-vous confirmer, factuellement, si ces protéines animales transformées sont autorisées au Canada pour nourrir les bovins, alors qu’elles sont interdites en Europe ? Pouvez-vous nous donner une réponse claire et précise ? C’est oui ou c’est non.
     

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je retire l’amendement no 24.

    (L’amendement no 24 est retiré.)
    (M.
     le rapporteur applaudit.)

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Monsieur le président de la commission des affaires économiques, j’ai entre les mains un document des autorités canadiennes qui précise les cinq secteurs d’exportation qui ont enregistré les plus fortes hausses. Il y a notamment l’aluminium et les véhicules, mais aussi les combustibles, en particulier le pétrole, de 63 %.

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Oui !

    Mme Delphine Batho

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    Je ne l’ai pas inventé. Il s’agit bien des exportations canadiennes d’énergies fossiles vers l’Europe.

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    63 % de zéro, cela ne fait pas beaucoup !

    Mme Delphine Batho

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    La question n’est pas de savoir si elles représentent beaucoup ou peu dans la consommation française d’énergies fossiles.  Si ! » et exclamations prolongées sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    M. le président

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    Veuillez écouter Mme Batho, mes chers collègues !

    Mme Delphine Batho

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    La question est de savoir si la France est, oui ou non, complice d’une catastrophe écologique au Canada. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
    Elle est de savoir quelle est la position du Gouvernement français sur le rôle de l’entreprise Total, membre de l’AFEP, dans l’exploitation des sables bitumineux au Canada. (Mêmes mouvements.)
    Elle est de savoir si la France consent à cela, à un endroit où les peuples autochtones sont empoisonnés et où le nombre de cancers a augmenté de 29 %. (Mêmes mouvements.)
    Voilà la question. L’enjeu n’est pas de savoir si les exportations canadiennes d’énergies fossiles représentent 0,1 %, 0,2 % ou 0,3 % de la consommation française. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Alain Bruneel applaudit également.)
     

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit

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    La question est tout de même un peu celle-là, madame Batho. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

    Mme Mathilde Panot

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    Vous avez fait une loi pour 1 % de la production !

    M. le président

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    Écoutons M. Petit, je vous prie !

    M. Frédéric Petit

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    Dans ce qu’a dit le président de la commission des affaires économiques, l’important n’est pas tant que les importations en provenance du Canada représentent 0,5 % de notre consommation, mais que nous n’avons d’accord ni avec l’Arabie saoudite, ni avec la Russie, ni avec la Norvège.

    M. Jean-Charles Larsonneur

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    Très juste !

    M. Frédéric Petit

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    Vous parlez de catastrophe écologique. Avec le Canada, au moins, nous commençons à essayer d’avoir une convergence (Exclamations sur les bancs du groupe FI), alors qu’avec les autres pays, soit 98,5 % de notre consommation…

    M. François Ruffin

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    C’est le pire des pétroles !

    M. le président

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    Écoutons M. Petit !

    M. Frédéric Petit

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    Monsieur Ruffin, ne m’interrompez pas, s’il vous plaît. Je ne conteste pas qu’il faille réduire la consommation d’énergies fossiles et j’ai voté des deux mains l’interdiction de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures sur l’ensemble du territoire français. Tout ce que nous vous disons, c’est qu’un accord vaut mieux que la pagaille. (« Non ! » sur les bancs du groupe FI.)
    Si, un accord vaut mieux que la pagaille ! (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
     

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 20.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        108
            Nombre de suffrages exprimés                94
            Majorité absolue                        48
                    Pour l’adoption                22
                    Contre                72

    (Les amendements identiques nos 17 et 20 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Nous en venons aux explications de vote sur l’article 2.
    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai toujours pas obtenu de réponse à ma question sur les farines animales.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    J’ai répondu précédemment !

    M. François Ruffin

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    Soit.
    D’autre part, il y a un grand absent dans notre débat – ou plutôt une grande absente, puisqu’il y a eu un changement hier : nous n’avons jamais vu paraître dans l’hémicycle, ni en commission, le ou la ministre de l’écologie.
    L’environnement devrait être au cœur de notre débat. Aujourd’hui, nous ne devrions pas parler de croissance, de millions ou de milliards, d’exportations ou d’importations ; notre priorité, ce devrait être la protection de l’environnement.
     

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Alors on arrête tout, tout, tout !

    M. François Ruffin

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    Nous devrions prendre position pour ou contre la production de pétrole à partir des sables bitumineux, qui est en train de bousiller certaines parties du Canada, notamment l’Alberta.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Qui dirige le Canada ? Le Canada a-t-il le droit de s’administrer librement ?

    M. François Ruffin

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    Voilà ce qui devrait être la question. Or elle n’apparaît pas dans nos débats, car nous n’avons pas d’interlocuteur dont ce soit la mission. Aujourd’hui, tous les dossiers devraient passer par le ministère de l’écologie. Le fait que la question ne soit pas évoquée, qu’elle ne soit pas considérée comme majeure, l’absence du ou de la ministre compétente, tout cela prouve que votre gouvernement a marginalisé l’environnement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)  

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Chers collègues, il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Aveugle est celui qui ne veut pas voir que notre responsabilité n’est pas de valider des accords commerciaux qui sont en contradiction totale avec les enjeux de notre siècle.
    Les députés communistes refusent que nos débats opposent, d’un côté, de dangereux protectionnistes qui seraient des archaïques de la pensée économique et, de l’autre, des partisans du libre-échange qui seraient vertueux, ouverts au monde et soucieux de la croissance économique de l’Union européenne et du Canada.
    Pour notre part, nous ne sommes pas opposés aux échanges commerciaux. Mais la question fondamentale est de savoir à quoi ces échanges commerciaux doivent servir, en quoi ils peuvent constituer un progrès pour l’humanité et répondre aux enjeux climatiques, alimentaires et sociaux.
    La question que je viens de poser, les députés les plus progressistes de la Chambre des communes du Canada et de l’Assemblée nationale du Québec la posent de la même manière. Ils nous ont lancé hier un appel : ne ratifiez pas ce CETA…
     

    Plusieurs députés du groupe LR et M. Thierry Benoit

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    Eh oui !

    M. André Chassaigne

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    …que nous ne sommes pas parvenus à stopper en trois jours de débats expéditifs à la Chambre des communes !
    Ils nous le disent : « Nous croyons que ce type d’accord commercial n’est pas la bonne solution pour répondre aux problèmes les plus préoccupants d’aujourd’hui : les inégalités sociales, les atteintes aux droits de la personne et les changements climatiques. » Nous sommes en parfaite osmose avec ces propos de nos collègues canadiens du Nouveau Parti démocratique, du Parti vert du Canada et de Québec solidaire.
    Nous sommes prêts à travailler avec eux à la suite de notre action. Nous, les communistes, leur lançons même un appel : commençons à travailler en commun au contenu d’un véritable accord de coopération franco-canadien sur ces enjeux essentiels. Pour cela, il nous faut repousser cet accord et rejeter l’article 2 du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit

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    J’avoue être un peu perturbé par le flou que vous introduisez. J’aimerais voir la tête de nos amis parlementaires canadiens, qui se prononcent eux aussi à la majorité, si on leur disait que des parlementaires français ont la solution pour leur pays !

    M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

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    Exactement !

    M. François Ruffin

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    Nous les écouterions !

    M. Frédéric Petit

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    Je ne comprends pas très bien.
    Il était question tout à l’heure des produits qui mettent en danger l’agriculteur mais ne contaminent pas la viande. Il revient aux Canadiens de se protéger. Si les Canadiens venaient nous dire ici ce que nous devons faire dans ce parlement, nous réagirions.
    Je suis membre d’un parti appelé « Mouvement démocrate » et je ne crois pas au gouvernement mondial appuyé sur des religions scientifiques.
     

    Mme Danièle Obono

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    C’est notre responsabilité !

    M. Frédéric Petit

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    J’ai la même responsabilité que vous, madame Obono. Je vote en mon âme et conscience ; je ne suis pas payé par Total ; je réfléchis. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.) Et nous avons énormément travaillé à la commission des affaires étrangères.
    Je relève simplement une petite contradiction dans vos propos,…
     

    Mme Danièle Obono

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    Nous nous soucions aussi des agriculteurs canadiens. Ça s’appelle de l’internationalisme ! Ça s’appelle de la solidarité !

    M. Frédéric Petit

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    …un petit flou : vous voudriez nous faire prendre la responsabilité de décisions qui appartiennent au peuple canadien. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Au terme de ces longues heures de discussion, je pense que chacun restera sur ses positions. Pour notre part, nous estimons que cet accord ne garantit rien en matière de développement durable. Il repose sur l’échange croisé de produits identiques, ce qui constitue une énormité au regard des impératifs environnementaux. Surtout, il s’inscrit dans une chaîne de traités bilatéraux qui façonnent un monde de concurrence directe entre des zones au développement inégal et aux conditions sociales inégales, ce qui est économiquement injuste pour les entreprises et les travailleurs du Nord, et ce qui esclavagise ceux du Sud. Nous sommes favorables à l’ouverture dans tous les domaines, à condition qu’elle repose sur des échanges équilibrés et non dévastateurs du point de vue économique et social.

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Au terme de nos quelque neuf heures de débat, j’observe qu’il y a, dans la majorité, des gens vraiment convaincus que le libre-échange est une source de prospérité et d’autres qui pensent – je le dis avec beaucoup de respect – qu’il vaut mieux un compromis. J’ai entendu cette petite musique à propos de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur : certains, notamment le Président de la République, estiment que, pour protéger la forêt amazonienne, il vaut mieux conclure un deal entre l’Europe et l’Amérique du Sud plutôt que de laisser cette dernière voler de ses propres ailes.
    L’argument selon lequel il vaut mieux un traité que pas de traité, parce que le chacun pour soi fabrique du pire, peut être avancé de bonne foi. Toutefois, les socialistes ne partagent pas ce point de vue ; nous croyons qu’à un moment donné, il faut poser des limites. Avec un tel raisonnement, on continuera à produire des pesticides qui sont interdits ici pour les vendre à l’extérieur parce que, sinon, c’est l’Allemagne qui le fera ; on continuera à chauffer des serres en hiver parce que, sinon, les Espagnols nous concurrenceront. Avec une telle logique, nous allons vers l’abîme.
    Nous pensons qu’il faut être capables, à un moment donné, de dire stop et d’écrire une autre histoire que celle qui nous est racontée et qui nous mène dans une impasse. C’est ce que nous faisons et, en faisant cela, nous mettons simplement en avant une idée que Bruno Latour a exprimée récemment dans une interview au journal Le Monde, reprenant une très belle formule de Charles Péguy : « il faut aider à conserver la capacité d’engendrement du monde pour les générations qui viennent. »
     

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 2.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        108
            Nombre de suffrages exprimés                100
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                72
                    Contre                28

    (L’article 2 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Nous arrivons au terme de ce débat, et je tenais à dire un mot avant les explications de vote.
    Replaçons cet accord dans le monde tel qu’il est aujourd’hui. Certains ont estimé qu’il était daté, qu’il relevait de l’ancien monde, celui d’il y a trente ans.
     

    M. André Chassaigne

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    D’il y a deux siècles !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Rappelons-nous, précisément, quelle était la situation il y a trente ans. Nous commémorons cette année la chute du Mur de Berlin et la réunification de l’Europe. À ce moment-là, un certain nombre de penseurs et d’historiens ont théorisé la fin de l’histoire et l’avènement d’une démocratie libérale universelle. Or, trente ans plus tard, on le voit bien, nous en sommes loin. Alors qu’un mur est tombé il y a trente ans, des murs s’érigent aujourd’hui, ce qui est facteur de tensions, et les guerres commerciales, hélas, se développent.
    D’un côté, il y a la superpuissance américaine et son unilatéralisme, qui impose un droit qui est, en réalité, le droit du plus fort. De l’autre, il y a la superpuissance chinoise, qui joue avec des règles différentes de celles des autres, ce qui pose un véritable problème, que nous devons traiter.
    Au milieu, nous, Européens, devons faire valoir nos intérêts, défendre nos filières, nos citoyens et nos consommateurs. Pour cela, il importe que nous développions des accords avec des zones qui comptent dans le monde, afin de diffuser notre modèle. Il s’agit par exemple, pour les filières agricoles, de la reconnaissance des indications géographiques protégées. Cela a été dit au cours du débat, le CETA constitue à cet égard une avancée majeure. Surtout, grâce à ce précédent, nous déclinons cette disposition dans de nouveaux accords.
    C’est le cas avec le Japon, avec le Vietnam : autant de débouchés qui permettront de protéger une agriculture de qualité, de femmes et d’hommes, attachés à un terroir, qui perpétuent des traditions et dont le travail est reconnu et respecté.
     

    Mme Clémentine Autain

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    Quelle protection ?

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Cet accord a été examiné sous toutes ses coutures par les commissions ; depuis juin 2017, un travail de fond a été mené, avec la commission Schubert et avec le plan d’action du Gouvernement. Sous l’aiguillon de Nicolas Hulot, des engagements climatiques ont été pris avec le Canada ; le moment est venu de les appliquer dans un travail de bonne foi avec nos amis canadiens.

    Mme Clémentine Autain

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    Quelle protection ?

    Mme Danièle Obono

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    Vous vous rappelez ce qu’a dit Hulot quand il a claqué la porte ?

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Vous avez pu évaluer et apprécier les enjeux de ce traité ; nous allons poursuivre ce travail. Je sais pouvoir compter sur la vigilance de la présidente et des membres de la commission des affaires étrangères pour que soit mené un suivi attentif et scrupuleux de ces sujets.
    Le Gouvernement et tous ceux qui appartiennent à la majorité présidentielle peuvent ressentir une fierté légitime de l’instauration du veto climatique. Il n’aurait peut-être pas vu le jour sans l’ambition née ici, sur ces bancs ; grâce à vous ce veto s’imposera aux autres États de l’Union européenne et au Canada : je vous en remercie.
     

    Mme Mathilde Panot

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    Il n’existe pas, ce veto !

    M. Adrien Quatennens

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    C’est du vent !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Nous pouvons être fiers parce que nous bâtissons la politique commerciale de demain. D’ores et déjà, la référence à l’accord de Paris est inscrite noir sur blanc dans des accords commerciaux ; nous avons obtenu des clauses inédites – ainsi, dans les mandats de négociation en vue d’un accord de libre-échange entre Union européenne, Australie et Nouvelle-Zélande, avec la référence à l’impact cumulé dans le cas des filières agricoles sensibles.
    Tout cela est le fruit du travail mené autour de votre rapporteur Jacques Maire ; je tiens à rendre hommage à son action, ainsi qu’à Mme Marie Lebec, rapporteure pour avis, et aux porte-parole qui se sont relayés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    Pour toutes ces raisons, nous vous appelons à adopter ce projet de loi de ratification avec une large majorité.
     

    M. François Ruffin

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    Vous ne m’avez pas répondu, monsieur le ministre ! Vous ne m’avez pas répondu !

    M. le président

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    Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote par scrutin public sur ce texte aurait lieu le mardi 23 juillet 2019, après les questions au Gouvernement.

    Explications de vote

    M. le président

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    Dans les explications de vote, la parole est à M. Sacha Houlié.

    M. Sacha Houlié

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    Le moment que nous vivons est celui de la responsabilité, et chacun devra prendre les siennes.

    Plusieurs députés LR

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    Nous prenons nos responsabilités !

    M. Sacha Houlié

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    La première consiste à assumer de regarder le monde dans lequel nous vivons et de reconnaître la qualité de nos alliés. La relation fraternelle que nous avons établie avec le Canada justifie l’application d’un contrat d’intérêt mutuel. Le président de la commission des affaires économiques l’a dit : culturellement, le Canada est un pays frère, qui partage avec l’Union européenne un ensemble de valeurs et des aspirations sociales et environnementales. Ce contexte de confiance n’est pas une règle du commerce international.
    C’est pourquoi, à l’heure de la remise en cause par les États-Unis de l’accord de Paris, à l’aune de la politique commerciale – ou plutôt de la guerre commerciale – que se mènent des puissances comme la Chine et les États-Unis, nous nous devons de créer, promouvoir et pérenniser de nouveaux outils. Le traité dont ce projet de loi autorise la ratification en est un.
    Il est désormais clair qu’aucun citoyen, qu’aucune entreprise et qu’aucun État ne profitera du libre-échange absolu, soumis à aucune règle. Celui-ci affaiblit nos systèmes de protection sociale, nos règles environnementales et annihile la confiance de nos concitoyens.
    Il est tout aussi certain que le réflexe confortable du protectionnisme douanier est une voie sans issue. Il attise les mouvements nationalistes, il cloisonne les économies, il décourage les investisseurs et les innovateurs.
    Aussi, dans un monde où le multilatéralisme est remis en question, des responsables politiques de différentes majorités – de 2009 à 2017 –, se sont-ils interrogés sur la façon dont nous pouvions mieux penser nos échanges et nos relations avec le Canada.
    Ils ont, pierre après pierre, construit une solution susceptible d’être profitable à tous. Ils sont partis d’un principe que chacun devrait avoir aujourd’hui à l’esprit : être idéaliste, ce n’est pas être irréaliste. (M. François Ruffin rit.) Ils ont d’une certaine manière conçu un libre-échange régulé, ou un protectionnisme intelligent, selon lequel on accepte le commerce de produits que l’on tolère chez soi. « Vous venez chez nous, si vous produisez comme nous ». Voilà qui devrait tordre le cou à de nombreuses contre-vérités entendues lors de ce débat.
    Le texte dont nous souhaitons aujourd’hui la ratification a fait l’objet d’un travail sans précédent, pour contrôler les mesures de l’accord et pour évaluer ses premiers effets.
     

    Mme Danièle Obono

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    Mais non !

    M. Sacha Houlié

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    Les travaux entrepris par les majorités précédentes n’étaient pas exempts de reproches. Dès 2017, le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, s’en était inquiété.

    Mme Danièle Obono

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    Et que dit-il aujourd’hui, M. Hulot ?

    M. Sacha Houlié

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    C’est la raison pour laquelle la majorité a souhaité prendre tout le temps nécessaire à l’examen des dispositions et des conséquences du traité.
    Depuis l’été 2017, comme s’y était engagé le Président de la République, la commission indépendante dite Schubert a réalisé l’audit du traité ; le Gouvernement a présenté un plan d’action qui a débouché sur la création du veto climatique ; le CEPII a réalisé une étude d’impact de cet accord et un travail de suivi des filières sensibles a été entrepris.
    Deux ans de mobilisation, de sensibilisation, d’explications qui rendent vaines les accusations mensongères de dissimulation et d’opacité autour de ce traité.
    À ces enquêtes et conclusions s’ajoute le travail de nos juridictions. Le Conseil constitutionnel, saisi en février 2017 par la précédente majorité, a écarté tous les griefs présentés contre le traité, en affirmant que celui-ci encadre strictement les compétences du tribunal des investissements, que l’accord respecte la souveraineté des États dans la désignation des juges et garantit leur compétence. Comment ignorer encore que le juge constitutionnel a considéré qu’il n’y avait pas de méconnaissance du principe de précaution, plus généralement que le texte ne comporte pas de clause contraire à la Constitution ? À cet égard, il faut encore rappeler l’évidence : non, les États membres ne seront pas soumis pour leurs litiges à des arbitres, mais à des tribunaux, où siégeront des juges nommés par les États, aux prérogatives limitées et strictement encadrées. Ces mêmes craintes ont été écartées par la Cour de justice de l’Union Européenne.
     

    Mme Mathilde Panot

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    Mais bien sûr !

    M. Sacha Houlié

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    Sur la méthode donc, il y a pu y avoir des ratés, et la Commission européenne, qui jouit d’une compétence exclusive dans la négociation des traités internationaux, doit davantage partager l’information. Elle doit mettre les parlements nationaux en état de connaître les dispositions qu’elle négocie pour leur compte. Le travail fait ici a posteriori…

    Mme Danièle Obono

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    A posteriori !

    M. Sacha Houlié

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    …doit désormais être réalisé a priori pour lever les doutes et spéculations qui entourent la conclusion de ces traités.
    De ce point de vue nous avons, nous, la nouvelle majorité, remédié aux défauts hérités du travail des précédentes – je ne veux pas porter d’accusation, mais parler en toute transparence.
     

    Mme Mathilde Panot

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    Quelle fabuleuse arrogance !

    M. Sacha Houlié

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    Venons-en aux effets. Quelles étaient les peurs ? Voir notre modèle agricole déstabilisé par des produits de médiocre qualité ou dangereux pour notre santé publique. Il n’en est rien !
    L’Union veille à ce que la viande bovine importée soit produite sans OGM et sans hormones de croissance.
     

    Mme Danièle Obono

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    Et sans farines animales ?

    M. Sacha Houlié

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    L’Union veille à ce que la viande porcine importée soit produite conformément à ses normes. Sur les 20 000 tonnes potentiellement autorisées, seules 12 ont été importées en France en 2018, 1 350 tonnes dans l’Union Européenne. Pourquoi ? Parce qu’il existe seulement 36 exploitations canadiennes – sur 75 000 – capables de produire à nos conditions.

    M. le président

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    Merci, cher collègue. Votre temps de parole est épuisé.

    M. Sacha Houlié

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    Monsieur le président, je récupère les quinze secondes que vous m’avez piquées. Je vous rappelle, chers collègues, que dans cet accord…

    M. le président

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    Merci. Vous disposiez de cinq minutes, vous les avez dépassées.
    La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.
     

    M. Pierre-Henri Dumont

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    M. Houlié doit comprendre que son temps de parole est terminé pour que je puisse commencer.

    M. le président

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    Allez-y, monsieur Dumont.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Vous avez compris que pour le groupe Les Républicains… (M. Sacha Houlié proteste.)

    M. le président

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    Monsieur Houlié, osez répéter ce que vous venez de me dire ! Ces propos sont inadmissibles ! On respecte la présidence, c’est un principe de base !

    Mme Laurence Dumont

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    Absolument, on ne critique pas la présidence !

    M. Philippe Vigier

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    Exactement !

    M. le président

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    La parole est, je le redis, à M. Pierre-Henri Dumont.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Merci, monsieur le président. Soyez assuré du soutien du groupe Les Républicains.

    M. Sacha Houlié

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    La neutralité aussi est un principe de base !

    M. le président

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    Je vous ai accordé votre temps de parole, monsieur Houlié ! Vous en avez disposé complètement ! Et vous ne l’avez pas respecté !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Pouvons-nous reprendre au début du temps de parole ? Je n’ai encore rien dit et je suis déjà à quarante secondes…

    M. Sacha Houlié

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    Comme moi !

    M. le président

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    Nous vous écoutons, monsieur Dumont.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Notre groupe estime qu’à l’issue de ces huit heures de débats, deux questions majeures sont encore en suspens.
    La première est de savoir ce que nous mangerons demain. Nous avons compris que nos assiettes pourront contenir de la viande issue de bœufs nourris aux farines animales, ou auxquels ont été inoculés des antibiotiques accélérateurs de croissance, jusqu’en 2022 au moins…
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    C’est faux !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    ….alors que ces procédés sont interdits en Europe. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, tout comme le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, il y a quelques jours.

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Rien ne change !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Peut-être, monsieur le rapporteur ; cependant, nous accélérons l’entrée de ces marchandises…

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    12 000 tonnes !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    …puisque les droits de douane seront beaucoup plus faibles, voire nuls, sur 70 000 tonnes de bovins.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Non !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Nous nous inquiétons également de la traçabilité : nous avons compris que nos élevages et ceux du Canada diffèrent radicalement, par leurs dimensions comme par les modalités de contrôle des animaux – un suivi de la naissance à l’abattage en France, à l’abattoir seulement au Canada.
    Les contrôles sur les importations sont déjà très faibles, conduisant à des taux de fraudes pouvant atteindre 25 % ; ils vont être encore diminués de moitié, de 20 à 10 %, grâce au CETA.
    Ces questions demeurent à notre sens sans réponse ; or nous ne pouvons pas accepter d’importer des marchandises dont la production est interdite en Europe. Nous voterons donc contre la ratification du CETA.
    Notre deuxième interrogation porte sur la menace qui pèse sur la filière élevage. Les agriculteurs et l’agriculture ne doivent plus servir de monnaie d’échange dans les accords commerciaux – d’autant qu’elle devient progressivement la seule. Aujourd’hui certaines filières sont gagnantes, comme le lait : demain celle-ci sera perdante, après l’accord conclu avec la Nouvelle-Zélande. Cela va conduire la France à devenir dépendante dans le domaine alimentaire. La balance commerciale agricole française est déjà déficitaire, si l’on ne tient pas compte des vins et spiritueux ; elle le sera totalement en 2023.
    Cela signifie que nous serons à la merci de pays qui sont, eux, excédentaires ; nous devrons importer des produits que nous ne voulons pas – que vous-mêmes avez rejetés : tous ceux contenant des OGM, par exemple. Nous n’aurons pas le choix : nous serons incapables de nourrir la population parce que les champs seront en friche et que vous aurez détruit l’élevage, notamment à cause du CETA !
    Rappelons les chiffres de la filière bovine : elle est menacée par les 70 000 tonnes en franchise de droits de douane, par la montée en gamme proposée aux éleveurs pour les filières nobles, alors que les prix seront tirés vers le bas en raison des faibles coûts de production au Canada.
    Des élevages disparaîtront. Cela pose la question cruciale de l’emploi de nos agriculteurs, mais aussi celles de l’aménagement du territoire, de la captation du carbone, de la prévention des inondations ou des avalanches dans les zones touristiques de montagne, qui sont l’été des pâturages.
     

    M. Jacques Maire, rapporteur

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    Nous sommes d’accord.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Enfin, je dois dire que je suis assez interloqué par la faiblesse des arguments que la majorité avance pour nous convaincre de voter pour le CETA.
    Ce soir, j’ai découvert qu’un vote de rejet reviendrait à donner un coup de poignard à nos alliés canadiens et conduirait à renoncer à tout échange avec le Canada, alors que nous échangeons aujourd’hui 6 milliards par an. Le CETA serait l’équivalent du pacte de Marrakech – tous ces exemples proviennent réellement des discours de la majorité. Renoncer au CETA empêcherait les discussions sur les droits de l’homme avec le Canada ; pire : causerait l’échec de la réélection de M. Justin Trudeau – nous savons tous que les Canadiens attendent évidemment le résultat de notre vote, au milieu du mois de juillet, pour choisir leur futur leader !
     

    M. Jacques Maire

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    Vous n’avez plus que cela, monsieur Dumont !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Refuser le CETA serait souiller la mémoire des soldats canadiens…

    M. le président

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    J’ai perdu du temps au début. Je voudrais demander en quoi le refus du CETA…

    M. le président

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    Merci, les temps de parole sont les mêmes pour tout le monde.
    La parole est à M. Sylvain Waserman.
     

    M. Sylvain Waserman

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    Vous l’avez compris : le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutient ce texte.
    Jamais le Parlement n’a été autant impliqué, actif et respecté que dans la négociation de cet accord. Jamais !
     

    Mme Mathilde Panot

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    Non ! Non ! Non !

    Mme Danièle Obono

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Sylvain Waserman

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    Je le dis pour ceux qui ne siègent pas à la commission des affaires étrangères : lorsque la présidente a demandé, peut-être même exigé une étude d’impact spécifique à la France – ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’a jamais obtenu pour des accords de commerce européen –, le Parlement a été écouté. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez alors fourni bien plus que le minimum syndical, en nous adressant une étude qualitative et en impliquant même le Parlement dans la rédaction du cahier des charges.

    M. Fabrice Brun

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    Ça a changé quoi ?

    M. Sylvain Waserman

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    Contrairement à ce qui s’est passé pour des accords qui, sous la présidence de François Hollande, ont été signés sans aucun débat – c’est du moins ce qu’on m’a dit, car je n’y étais pas –,…

    M. Vincent Descoeur

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    C’est exact.

    M. Sylvain Waserman

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    …nous avons pu débattre neuf heures, preuve, quelle que soit notre opinion sur le CETA, que le Parlement a été profondément respecté, ce qui constitue une évolution majeure, dont nous comptons qu’elle perdurera.
    J’appelle à présent votre attention sur deux points.
    Premièrement, quand nous avons parlé des effets du CETA sur l’accord de Paris et sur le développement durable, un orateur a demandé ce qui arrivera si le gouvernement canadien change et que celui qui lui succède est défavorable à l’accord de Paris. Je vous pose la question à mon tour : le cas échéant, vaudra-t-il mieux avoir signé un engagement réciproque de suivi de ces accords ou n’avoir rien conclu du tout ?
    L’accord du CETA scelle en parallèle les engagements respectifs du Canada et de l’Union européenne, quant au respect de l’accord de Paris.
     

    Mme Danièle Obono

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    Pas du tout !

    M. Sylvain Waserman

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    Nous l’avons dit, les accords de commerce constituent un véritable levier d’action pour garantir le respect de l’accord de Paris, qui entraîne une réduction des consommations et des émissions de carbone.
    Deuxièmement, sur la logique qui prévaut en matière sanitaire, nous n’allons pas relancer le débat dans les explications de vote, mais nous avons entendu pendant ces neuf heures des choses étonnantes.  
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Parfois aux frontières du réel !

    M. Sylvain Waserman

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    Encore une fois, j’appelle les citoyens à se faire un avis. Je rappelle quand même que l’accord est en place depuis deux ans, et que je n’ai pas eu l’impression que notre santé ait été gravement menacée pendant cette période.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Nous en reparlerons dans trente ans !

    M. Sylvain Waserman

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    Je conclurai sur le fait que, compte tenu de l’expérience que nous avons vécue et du rôle accru du Parlement dans la réflexion sur les traités, nous devons jouer un rôle plus actif pour imaginer les accords commerciaux de demain et l’implication du Parlement dans ceux-ci. Nous avons identifié des pistes de travail très concrètes, notamment sur le moment où doit intervenir le débat et sur le processus d’implication du Parlement national, même si les compétences peuvent se situer au niveau européen.
    À charge pour nous d’apporter notre pierre à l’édifice. Nous en avons parlé, monsieur le président du groupe MODEM : notre groupe y contribuera, comme nous pouvons tous le faire. Il est de notre responsabilité de réinventer les accords commerciaux de demain. Le MODEM appelle donc à voter le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Garot.

    M. Guillaume Garot

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    Voilà plus de dix heures que nous débattons. Je salue la qualité de nos échanges, car le débat a été argumenté de part et d’autre. Mardi, nous prendrons position sous le regard des Français. Or, depuis plusieurs semaines, des oppositions à la ratification du traité montent de tout le pays.

    M. Jean-Yves Bony

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    Nous n’arrêtons pas de recevoir des messages en ce sens !

    M. Guillaume Garot

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    Nous l’avons vu autour de l’Assemblée nationale, et jusque dans cet hémicycle où les oppositions de droite comme de gauche ont mêlé leurs arguments. Les syndicats agricoles ont exprimé leurs inquiétudes de manière unanime.

    M. Fabrice Brun

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    C’est assez rare pour qu’on le souligne !

    M. Guillaume Garot

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    Ce matin ou hier encore, associations et ONG se sont manifestées. Près de soixante-dix organisations nous ont lancé : « Pas ce traité ! Ce n’est pas possible ! » Nous devons donc nous poser deux ou trois questions.
    Voulons-nous, oui ou non, défendre une alimentation de qualité ? Rappelez-vous que c’était le mot d’ordre de la loi EGALIM, que nous avons votée ici même il y a presque un an.
     

    M. Fabrice Brun

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    Elle est passée aux oubliettes !

    M. Guillaume Garot

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    Si nous voulons une alimentation de qualité, nous ne pouvons pas accepter, je le répète, des bovins nourris avec des farines animales et dopés aux antibiotiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et UDI-I.)
    Voulons-nous, oui ou non, défendre nos éleveurs ? J’entends tous les élus affirmer la main sur le cœur qu’ils veulent défendre l’élevage. Dans ce cas, nous ne pouvons pas accepter la mise en concurrence de standards de production si différents, de part et d’autre de l’Atlantique, laquelle se traduira par une concurrence déloyale à l’encontre des producteurs français.
     

    M. Yannick Favennec Becot

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    Absolument !

    M. Guillaume Garot

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    Enfin, voulons-nous, oui ou non – et peut-être est-ce la question principale –, agir pour le climat ? Si tel est le cas, nous ne pouvons pas accepter un accord encourageant des modes de production qui surutilisent les énergies fossiles et qui déverseront dans l’atmosphère des tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires. Voilà comment il faut poser le problème à ce moment du débat.
    À bien y regarder, il semble que l’accord soit écrit selon des règles qui étaient valables il y a dix ans.
     

    M. Fabrice Brun

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    Et qui sont devenues totalement obsolètes !

    M. Guillaume Garot

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    Or, depuis dix ans, le monde a changé. Des épisodes climatiques exceptionnels se succèdent rapidement. La semaine prochaine, la France connaîtra une nouvelle canicule. Depuis quelques mois, les jeunes défilent pour nous sommer d’agir.

    M. Fabrice Brun

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    Ils nous exhortent à le faire !

    M. Guillaume Garot

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    Et nous continuerions comme si rien ne s’était passé ? Ce n’est pas possible. Ce ne serait pas responsable. Nous devons être à la hauteur, c’est-à-dire travailler à une nouvelle mondialisation, plus juste, plus équilibrée, plus humaine et surtout plus durable. Être à la hauteur, c’est refuser le CETA. Et c’est ce que nous ferons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Comme M. Waserman et M. Garot, je salue à mon tour la proposition du Gouvernement de débattre de ce traité de libre-échange ici même, à l’Assemblée nationale. La commission des affaires étrangères a été saisie au fond. Il y a eu un débat en commission, et aujourd’hui, nous avons examiné le texte pendant plus de onze heures.
    Je m’adresse d’abord à vous, monsieur le rapporteur. Je vous ai écouté attentivement tout au long de nos échanges. J’ai apprécié la nature des réponses que vous vous êtes efforcé d’apporter. Ce compliment vaut également pour le Gouvernement, c’est-à-dire pour M. Lemoyne et pour M. Le Drian, quand il a participé à la discussion. Le vote solennel aura lieu mardi. Le Gouvernement nous demande d’adopter un projet de loi visant à autoriser la ratification d’un traité de libre-échange avec le Canada.
    Par nature, je fais le constat de la mondialisation des échanges : c’est là un fait qui s’impose à nous. Cependant, cette globalisation doit être régulée.
     

    M. Dominique Potier

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    Bravo !

    M. Thierry Benoit

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    Je rappelle les exigences soutenues à juste titre par la France au niveau européen et international. Depuis des années, nous avons demandé aux agriculteurs de produire de la quantité ; nous leur avons aussi demandé de la qualité nutritionnelle, puis de la sécurité sanitaire ; nous leur demandons de veiller à préserver l’environnement et de se soucier du bien-être animal. Nous leur demandons aujourd’hui d’être au rendez-vous de la transition énergétique et de nous aider dans ce domaine, car l’agriculture est un des enjeux du changement climatique. Or les agriculteurs français ont toujours répondu présent.
    Ce qui m’a gêné dans nos débats, notamment cet après-midi, c’est que le Gouvernement pas plus que l’Europe ne m’ont convaincu de leur capacité à exiger une réciprocité de la part de nos interlocuteurs, en ce qui concerne la production des denrées alimentaires que nous importerons.
     

    M. Philippe Vigier

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    Eh oui !

    M. Thierry Benoit

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    Nous avons débattu au sein du groupe UDI et indépendants.Mardi, la majorité d’entre nous ne votera pas le traité. Dans ce groupe centriste, nous sommes européens, mais je constate aujourd’hui que l’Europe est une maison dans laquelle il faut mettre beaucoup d’ordre.    

    M. Florian Bachelier

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    Comme dans le groupe UDI-I !

    M. Thierry Benoit

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    Certains d’entre vous se sont référés à l’Autorité de la concurrence européenne, qui n’est pas fichue de mettre de l’ordre dans notre maison. Mais, selon qu’on le regarde de Pologne, de Roumanie, d’Espagne ou de France, le traité n’a pas du tout la même connotation.
    Tout à l’heure, à la tribune, un député a dit, lors de son explication de vote, que les gouvernements qui se sont succédé de 2009 à 2017 ont travaillé à nourrir ce traité international de libre-échange. Or – c’est tout le problème de notre pays –, même si les Français élisent une nouvelle majorité, on en arrive toujours au même résultat.
    Nous avons eu une majorité Les Républicains, puis socialiste. Aujourd’hui, la République en marche est au pouvoir. Or nous suivons toujours la même trajectoire.
     

    M. Adrien Quatennens

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    Eh oui, c’est toujours une majorité libérale, au fond !

    M. Thierry Benoit

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    Monsieur le secrétaire d’État, à aucun moment, vous n’avez été en mesure de nous dire que vous alliez imposer nos exigences à nos amis canadiens.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Nous y réfléchissons.

    M. Thierry Benoit

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    Vous y avez réfléchi. Vous y travaillez. Nous constatons des infléchissements, mais à aucun moment, vous ne nous avez indiqué que les feed lots allaient prendre fin. Les agriculteurs canadiens élèvent la viande bovine dans des conditions dont nous ne voulons pas en France. Or cette viande de qualité médiocre, moins bonne que la viande française, nous la retrouverons en Europe dans la restauration hors domicile, par exemple dans les maisons de retraite ou les cantines, car elle ne sera pas distribuée dans la restauration de qualité.
    Comme, en Europe, la traçabilité n’est pas encore au goût du jour et que l’étiquetage n’est pas harmonisé, nous avons toute raison d’être inquiets et de refuser le projet de loi de ratification.
     

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. Philippe Vigier

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    Comme Thierry Benoit, je remercie Mme de Sarnez, qui a pesé de tout son poids pour que ce débat ait lieu. Elle l’a voulu parce qu’elle connaît beaucoup mieux que tous les députés ici présents le fonctionnement de l’Europe, notamment du Parlement européen. Elle sait que le parcours des traités est si compliqué qu’on ne pouvait ne pas avoir, à un moment ou à un autre, une réponse parlementaire française. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir permis ce débat.
    Tout à l’heure, j’ai eu un accrochage avec M. Le Gendre, qui jugeait anormale la longueur de notre débat. La démocratie, la compréhension du monde, des échanges internationaux, du fonctionnement de l’Europe et des règles de ce nouvel ordre mondial que nous voulons organiser passent aussi par l’implication des parlements nationaux. Je tenais à le dire avec force.
    J’ai écouté le rapporteur. J’ai compris qu’il avait déployé toute son énergie pour que le traité soit le moins négatif possible pour la France. Tout à l’heure, dans mon intervention, j’ai insisté sur la sécurité alimentaire, sur laquelle on ne peut pas transiger.  
    Ma formation initiale m’incite à vous le dire, de même que les drames liés à l’insécurité sanitaire qu’ont connus la France, l’Europe et le monde qui, tous, nous regardent aujourd’hui : cet accord porte sur un volume d’échanges modique – M. le secrétaire d’État nous a annoncé que depuis sa mise en application en 2016, la balance commerciale s’est améliorée de 50 millions…
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Non, de 400 millions !

    M. Philippe Vigier

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    Soit, mais le montant est le même qu’en 2015, comme l’a montré un bel article du quotidien Le Monde. Le CEPII a d’ailleurs bien expliqué que l’accord ne serait pas décisif. Entendez néanmoins ce message : le modèle agricole des fermes françaises n’est pas le modèle canadien. Il ne s’agit pas de s’opposer au peuple canadien mais c’est ainsi. Les agriculteurs français ont déployé tant d’efforts et sont soumis à tous les contrôles. J’ai évoqué les contrôles qu’il m’est arrivé d’effectuer, et François Ruffin rappelait qu’au Havre, un conteneur sur 5 000 est ouvert ; c’est exact. À l’heure actuelle, la France ne dispose pas des moyens nécessaires pour contrôler ce qui se passe sur son territoire, ce qui vient d’autres pays européens, et a fortiori ce qui vient de pays tiers.
    Nous n’avons pas le droit de placer les agriculteurs français en situation de concurrence déloyale : ils ont tant donné pour améliorer le modèle français et pour assurer la qualité sanitaire des produits. La crise de la vache folle n’est pas si loin, non plus que les épisodes des lasagnes à la viande de cheval et des faux steaks polonais, il y a quelques semaines à peine. Ne laissons plus faire cela.  
    J’entends, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez déployé des efforts, mais vous n’êtes pas encore au bout du chemin. Si nous laissions passer ce traité en l’état, il ouvrirait la voie à d’autres accords. Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, monsieur Waserman : vous savez bien que la France ne respecte pas complètement l’accord de Paris et accuse un certain retard dans son application, mais le Canada est plus en retard encore. Nous n’enverrions donc pas un bon signal. Que le Canada se hisse à la hauteur de l’engagement de la France, car nous devons être exemplaires en la matière. La France, c’est la France, et elle compte en Europe et dans le monde. Le groupe Libertés et territoires votera donc contre la ratification de ce traité.
     

    M. Thierry Benoit et M. Yannick Favennec Becot

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Dans l’Amérique du Sud des indépendances et des révolutions comme en France, un cri s’est souvent élevé des peuples : la patrie ou la mort. À ceux qui se battaient pour l’indépendance d’une nation et la souveraineté du peuple, il était insupportable d’imaginer être soumis à une influence étrangère. Cet appel était né de la fierté des peuples et de la force d’une idée nouvelle : la liberté des peuples.

    M. Florian Bachelier

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    C’est toujours la même fiche…

    Mme Mathilde Panot

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    Je crains que ce slogan, la patrie ou la mort, ne doive désormais être entendu en son sens littéral : si nous ne relocalisons pas la production, si nous n’articulons pas nos économies autour de la production en circuit court et si nous ne réduisons pas les écarts entre le lieu de production et le lieu de consommation, alors nous sommes perdus. Le défi auquel nous faisons face est immense. Sauver la civilisation humaine en péril n’est pas une mince affaire et il n’est pas certain que nous y parviendrons, quand bien même nous y consacrerions tous nos efforts. Mais quelle plus belle tâche que de s’y employer et de travailler à ce que nos cultures, la grandeur de l’esprit et les œuvres magnifiques de l’humanité nous survivent pour les générations qui viendront après nous ?
    Avec le CETA, vous empruntez une toute autre direction et faites le pari de la destruction. Cecilia Malmström, commissaire européenne au commerce, est venue faire la retape du CETA ce matin sur France Culture. Le journaliste qui l’interrogeait avait bien compris le problème essentiel de l’accord : on aura beau le mettre dans tous les sens, plus d’exportations et plus d’importations feront toujours plus d’émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les technocrates européens sont des amoureux des sophismes et entretiennent un rapport toujours assez distant avec les faits et la vérité. La commissaire européenne a donc opéré une distinction merveilleuse : le problème ne tient pas au commerce mais au transport. Pourquoi n’y avions-nous pas pensé plus tôt ? J’avoue m’être interrogée : comment donc allait-elle retomber sur ses pieds après une distinction aussi absurde ? Vous n’en croirez pas vos oreilles : il suffirait d’améliorer les conditions de transport pour que le libre-échange ne pollue plus. Comment ? La commissaire au commerce saurait-elle comment téléporter les produits d’un endroit à l’autre sans utiliser du carburant issu des énergies fossiles ? Comme souvent dans ce genre de procédé, il est difficile de faire la part entre la naïveté, le mensonge et le cynisme.
    Le comble de ce type de pseudo-argumentation arrive au moment où s’agitent tous les réflexes de classe drapés dans les principes libéraux que le Gouvernement bafoue par ailleurs allègrement lorsqu’il s’agit de réprimer les mouvements sociaux. C’est le moment où vous nous affirmez que ceux qui sont contre le commerce sont pour le repli sur soi, pour la fermeture et autres billevesées. Au jour où la destruction apportée par ces logiques viendra, vous continuerez à répéter sans cesse, dans un dernier souffle, « ouverture, ouverture, ouverture », au milieu d’un air irrespirable.
    Laissez-moi cependant vous dire une chose. Loin d’être une vision étriquée, notre conception de la patrie républicaine est ouverte : elle prend en considération les possibilités de survie de l’humanité tout entière. Vous ne pouvez continuer à nous répéter en mode automatique l’argument selon lequel l’opposition au libre-échange serait une opposition à l’ouverture sur le monde. Allez donc chanter ce refrain aux centaines de milliers de corps qui gisent au fond de la Méditerranée ou qui jalonnent le désert libyen : ces personnes n’ont sans doute pas bien saisi, avant de mourir, les bénéfices de l’ouverture liée au libre-échange.
     

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Quel est le rapport ?

    Mme Mathilde Panot

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    Cessez donc d’employer ces arguments inconsistants. Aujourd’hui, être ouvert au monde, c’est penser les conséquences de la catastrophe écologique qui vient, tenter d’en atténuer la puissance et d’en amortir le choc. Pour cela, il faut créer de nouvelles solidarités entre les peuples, et il ne sert à rien d’invoquer les mânes du marché. Le libre-échange, c’est l’échange inégal qui écrase les économies du Sud. Il faut rompre avec ce modèle selon lequel nous exploitons certains pays où seule la faible valeur ajoutée est produite, et où la haute valeur ajoutée est réservée aux plus puissants. Votre libre-échange, c’est la pax romana des États-Unis d’Amérique : soit on l’accepte, soit on est écrasé. Mais notre époque est à l’insoumission. Si nous voulons affronter le défi écologique, nous devons affronter les puissances de l’argent. L’argent n’a pas de patrie, l’écologie en a une : celle des peuples qui, partout, doivent se défendre contre les puissances qui les détruisent !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    C’est incroyable !

    Mme Mathilde Panot

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    C’est le futur de l’humanité qui se joue. En signant le CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Japon, les accords avec le Mercosur – dont le Brésil du président d’extrême-droite Bolsonaro –, avec Singapour, avec le Vietnam, et la vingtaine d’accords de libre-échange en négociation, vous donnez le pays aux lobbies. Vous êtes des représentants du peuple ; vous ne pouvez pas laisser Total, Monsanto ou BNP Paribas décider de notre avenir. Voter pour le CETA, c’est la fin de notre souveraineté populaire, la capitulation du pouvoir politique.
    La patrie ou la mort, l’écologie ou la barbarie : voici les choix de notre époque. Aujourd’hui, vous avez l’occasion de choisir votre camp. Certains veulent continuer à faire le commerce des riches, et à préparer la destruction de nos conditions de vie. Vous verrez quand les pauvres s’y mettront ! Dans un discours fameux, Robespierre disait : Louis doit mourir parce qu’il faut que la patrie vive. Aujourd’hui, c’est le libre-échange que nous devons enterrer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
     

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Profitez-en, monsieur Lecoq, c’est la dernière fois !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    En effet, monsieur le secrétaire d’État, c’est la dernière fois que nous pouvons avoir un débat aussi riche dans lequel chacun peut s’exprimer et intervenir sur les articles. C’est la dernière fois parce que le règlement de l’Assemblée a été modifié malgré notre désaccord.  
    Les députés communistes vous l’ont démontré tout au long de ce débat : le CETA est mauvais parce qu’il contribue à ancrer davantage le néolibéralisme dans le monde où nous vivons et qu’il contribue à détruire la planète et ses habitants. Il est mauvais pour l’environnement, pour les emplois, pour le secteur agricole, pour la démocratie ou encore pour la souveraineté des États. Le CETA, nous n’en voulons pas, et le peuple français non plus. Ayez le courage de le soumettre à référendum, pour voir !
    Au fil de cette discussion, les députés communistes sont revenus sur plus d’une dizaine de risques majeurs contenus dans cet accord. Vous aussi, monsieur le secrétaire d’État, vous avez devant la commission des affaires étrangères parlé de risques, de vigilance, de surveillance : c’est la preuve que les risques existent et ils avaient été relevés par la voix de Jean-Michel Clément.
    Toutefois, le plus grave dans ce traité commercial, c’est qu’il est dynamique. En clair, il vise à parvenir aux mêmes normes de part et d’autre de l’Atlantique pour en arriver à la libéralisation totale du commerce entre ces deux zones. Qui y a intérêt ? Pas les peuples, en tout cas. Ils ne siégeront pas au forum de coopération en matière de règlement, qui regroupera des technocrates qui feront des recommandations aux pays en leur demandant de supprimer telle ou telle norme au motif qu’elle gêne tel ou tel secteur. À l’inverse, soyons sûrs que de puissants représentants d’intérêts privés parviendront à y obtenir quelques entrées, tout comme lors de la rédaction secrète de cet accord.
    Les peuples ne siégeront pas non plus au tribunal de règlement des différends. C’est dans cette institution que les États seront attaqués s’ils ne satisfont pas aux desiderata des technocrates précités ou s’ils entendent adopter des normes climatiques ambitieuses. Attaqués par des multinationales pour avoir fait des lois : oui, c’est possible. Le monde que vous nous proposez est le fantasme ultime du milieu des affaires : dicter aux États les lois qu’il souhaite. Voici que le piège du néolibéralisme se referme sur la démocratie.
    Les débats ont montré que l’autre clivage concerne l’agriculture. Tous les groupes d’opposition sont montés au créneau, principalement sur la question de la viande bovine, très menacée par cet accord. C’est grave. L’agriculture française aurait peut-être pu résister à un traité de libre-échange, là n’est pas le propos, mais à deux, trois, quatre ou cinq traités de libre-échange, non ! L’accumulation des traités commerciaux de l’Union européenne est dingue. La Nouvelle-Zélande et l’Australie, le Japon, le Canada, demain le Mercosur ou le Vietnam : le secteur agricole français, déjà à la peine à cause des nombreuses différences de normes qui existent au sein de l’Union européenne, ne peut pas absorber tous ces chocs.
    Les services publics sont aussi en danger. Le CETA instaure une liste dite « négative », c’est-à-dire une liste qui définit ce qui n’est pas un service public et qui consiste à ouvrir à la concurrence tous les services n’y figurant pas. Cela ne semble pas choquer sur les bancs de la majorité mais les députés communistes, viscéralement attachés aux services publics, sont scandalisés par cette disposition.
    Alors que Bruxelles impose toujours plus de libéralisation des services publics, qu’il s’agisse du secteur des transports ou de La poste, il est inconcevable que nous soyons encore soumis à une autorité non élue qui fixera la liste de ce qui doit être libéralisé. La France s’honorerait en s’opposant à ce traité désastreux comme elle a eu le courage de le faire face au traité de libre-échange transatlantique – TAFTA, Transatlantic Free Trade Agreement –, son opposition ayant mis un coup d’arrêt à l’entrée en vigueur de celui-ci.
    Se montrant audacieuse, elle aurait à ses côtés les peuples européens qui s’y opposent également, ainsi que les quelque 2 000 communes au moins qui se sont déclarées hors TAFTA et hors CETA. Avec les peuples, opposons-nous au monde que dessine le traité et qu’ont bâti les multinationales, où le profit est la norme et où la nature et les humains ne sont que des variables d’ajustement.
    Voilà pourquoi les députés communistes, mobilisés, voteront résolument contre ce très mauvais texte et se battront contre tous les accords de même nature que vous êtes en train de négocier. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
     

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce matin, à dix heures trente :
    Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales  ;
    Examen du rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi de transformation de la fonction publique ;
    Examen du rapport de la commission mixte paritaire de la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles ;
    Examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes.
    La séance est levée.

    (La séance est levée, le jeudi 18 juillet 2019, à deux heures quarante.)

    Le Directeur du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Serge Ezdra