XVe législature
Session extraordinaire de 2018-2019

Première séance du mardi 23 juillet 2019

Sommaire détaillé
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Première séance du mardi 23 juillet 2019

Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Financement de l’apprentissage

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Auconie.

    Mme Sophie Auconie

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    Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail et porte sur le financement de la formation par l’apprentissage, que nous appelons tous de nos vœux, tant il s’agit d’une voie d’excellence.
    Madame la ministre, lors de votre visite en Touraine, vous avez reconnu le travail de notre centre de formation d’apprentis – CFA. Je sais combien ce sujet vous est cher.
    La formation professionnelle, initiale et continue, est indispensable pour faire face à l’évolution perpétuelle du monde du travail, et pourvoir les emplois de demain avec des gens formés.
    La formation professionnelle est particulièrement importante dans certains territoires de notre pays, qui ont souffert de diverses crises et vu disparaître des pans entiers de notre industrie. Ils appellent son développement de leurs vœux.
    Dans cette conjoncture, un secteur de la formation professionnelle est en grand danger : la formation par l’apprentissage. En effet, la période de transition induite par l’application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel met en difficulté le financement des CFA,…

    M. Gilles Lurton

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    Elle a raison !

    Mme Sophie Auconie

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    …alors même que le mode de financement retenu est un dispositif vertueux, dont nous souhaitons tous la mise en œuvre. (M. Gilles Lurton applaudit.)
    À l’heure actuelle, entre les incertitudes du financement par les régions, les limites du financement par les opérateurs de compétences – OPCO – et la réforme de la perception de la taxe d’apprentissage prévue pour 2020, le financement des CFA manque de lisibilité, ce qui fait peser un grave risque sur la formation par l’apprentissage.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Très juste !

    M. Fabien Di Filippo

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    Elle a raison !

    Mme Sophie Auconie

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    Les CFA constituent un outil primordial pour le développement de l’apprentissage. Leur nouveau mode de financement risque d’affaiblir ceux qui existent, par rapport à ceux qui seront créés après sa mise en œuvre.

    M. Maxime Minot

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    Eh oui !

    M. Thibault Bazin

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    C’est la République en panne !

    M. Fabien Di Filippo

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    Rends l’argent des CFA !

    Mme Sophie Auconie

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    Madame la ministre, tandis que de nombreux acteurs de proximité – notamment les chambres des métiers et de l’artisanat – s’investissent pour la réussite de la réforme de l’apprentissage, pouvez-vous fournir des éclaircissements en réponse à ces interrogations, et rassurer…

    M. le président

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    Merci, chère collègue.
    La parole est à Mme la ministre du travail.

    M. Pierre Cordier

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    Et des CFA !

    Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

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    Madame la députée, nous partageons un point : l’importance de l’apprentissage. C’est pourquoi la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a reconnu cette voie d’excellence, de passion et de création d’entreprises, partout sur le territoire, du CAP à l’ingénieur.
    Les résultats de la réforme se font d’ores et déjà sentir, avec une tendance très forte à l’augmentation du nombre de contrats d’apprentissage, qui s’élevait à 7,7 % l’année dernière, et s’inscrit cette année dans une dynamique qui devrait la porter au-delà de 10 %.
    S’agissant du financement de l’apprentissage, il demeure intégralement assuré, en 2019, par les régions, tant en dépenses de fonctionnement qu’en dépenses d’investissement.

    M. Pierre Cordier

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    Donnez les moyens aux régions !

    Mme Muriel Pénicaud, ministre

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    Par la suite, elles conserveront ces dernières. S’agissant des dépenses de fonctionnement, le changement aura lieu le 1er janvier prochain.
    À l’heure actuelle, les régions perçoivent 100 % du produit de la taxe d’apprentissage. Elles n’en utilisent qu’environ 60 % pour financer l’apprentissage, ce qui est l’une des raisons de la modification prévue par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
    Il se trouve que quelques régions, et non des moindres – tel n’est pas le cas en Centre-Val de Loire, où le président Bonneau s’inscrit dans une démarche d’accompagnement de la réforme et de la transition –,…

    M. Maxime Minot

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    Et les Hauts-de-France ?

    Mme Muriel Pénicaud, ministre

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    …ont prévu de supprimer brutalement certains financements à la rentrée, ce qui explique l’inquiétude de certains CFA.
    Je suis en contact avec les présidents de région concernés. Il est inadmissible que des jeunes et des entreprises soient pénalisés au mois de septembre, alors même que nous sommes en année de transition, et que les régions disposent de l’intégralité des financements nécessaires.

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est un peu facile, le jeu de dupes ! Ce n’est pas à la hauteur de vos responsabilités !

    Mme Muriel Pénicaud, ministre

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    Les chambres des métiers et de l’artisanat ont évoqué un second sujet : le nouveau mode de financement de l’apprentissage est bien plus favorable aux CFA que le précédent. Elles ont demandé – ce qui est bon signe pour sa réception – l’autorisation d’accélérer la mise en œuvre de la réforme, afin de bénéficier du nouveau système plus tôt que prévu. Nous réfléchissons aux moyens de les satisfaire.
    En tout état de cause, pour les députés qui soutiennent le développement de l’apprentissage, quel que soit le banc sur lequel ils siègent, il n’y a qu’une chose à faire : demander aux régions de ne pas casser ni abîmer la transition. Tout sera effectué en douceur dès l’année prochaine. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Violences contre les sapeurs-pompiers

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Josso.

    Mme Sandrine Josso

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    Brassards à la manche, banderoles sur les casernes, 85 % des sapeurs-pompiers professionnels sont en grève depuis le 26 juin et jusqu’au 31 août. Ils sont à bout. Ils se sentent démunis face à l’augmentation du nombre des interventions qu’ils doivent assurer avec des ressources qui n’augmentent pas, et des violences à leur encontre qui s’accentuent de manière considérable.
    À titre d’exemple, depuis le début de l’année 2019, une quarantaine de pompiers du centre de secours de Rezé, près de Nantes, ont été victime d’agressions violentes et de vols.
    Le groupe Libertés et territoires s’inquiète de ces violences intolérables qui deviennent récurrentes. Nos sapeurs-pompiers se dévoueront encore cet été, en luttant notamment contre les feux de forêt toujours plus nombreux liés aux épisodes caniculaires et aux dérèglements climatiques.
    C’est pourquoi, monsieur le ministre, il y a urgence à agir. Ajoutons à cela la directive européenne sur le temps de travail, qui menace toujours le modèle français de secours d’urgence, et l’absence de réponse à la demande visant à la création d’un numéro unique d’urgence, le 112, alors que les pompiers sont les premiers à intervenir lors des accidents à la personne.
    On ne peut que comprendre la crise des vocations qui frappe les sapeurs-pompiers et la grève qu’ils mènent. Nous avons le devoir de protéger ceux qui nous protègent.
    Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous indiquer quels nouveaux moyens et outils vous envisagez d’employer pour protéger nos pompiers et, plus largement, nos services publics destinés à secourir nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur

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    Permettez-moi tout d’abord de vous indiquer que le taux de grévistes parmi les sapeurs-pompiers professionnels est d’environ 5 %, non de 85 %. Mais cela ne change rien aux nombreuses difficultés auxquelles, vous le disiez, ils sont confrontés. Nous devons y répondre tous ensemble.
    Tous ensemble, car, vous le savez, les services départementaux d’incendie et de secours – SDIS – sont financés par les départements et les communes. C’est donc à eux que s’adressent les demandes des  sapeurs-pompiers, notamment celle d’une revalorisation indemnitaire.
    Tous ensemble aussi parce que l’État assure, par l’intermédiaire des préfets, le pilotage opérationnel de la lutte contre les incendies. Vous avez rappelé à juste titre la situation catastrophique et extrêmement risquée dans laquelle nous nous trouvons : au début de ce mois, plus de 3 200 hectares étaient déjà partis en flammes depuis le début de l’été. C’est plus que pendant tout l’été dernier.
    Et puis, il y a ces violences du quotidien que vous avez évoquées : les pompiers sont victimes de près de trois attaques par jour, aux moments où ils interviennent pour venir en aide, voire pour sauver des victimes. Or 80 % de ces agressions sont le fait des personnes secourues ou de leur entourage. Dans tous les cas, c’est totalement inacceptable.
    C’est la raison pour laquelle nous agissons à plusieurs niveaux. En instituant, tout d’abord, des protocoles départementaux qui associent tous les services : les SDIS, bien sûr, mais aussi la gendarmerie nationale, la police nationale et les collectivités locales, afin d’identifier des modalités d’action spécifiques en fonction des territoires à risques – nous savons, hélas, qu’il y en a dans nos collectivités.
    Nous donnons, deuxièmement, des instructions claires : ces violences doivent systématiquement faire l’objet d’une plainte et d’une instruction judiciaire.
    Enfin, j’ai le plaisir de vous annoncer que, sous l’autorité de M. le Premier ministre, nous avons publié vendredi dernier le décret qui permettra dorénavant aux sapeurs-pompiers volontaires des SDIS qui le souhaitent de s’équiper de caméras piéton. C’était une demande forte de nos pompiers. Nous y avons fait droit et la mesure est entrée en vigueur il y a quelques jours. (Applaudissementssur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Urgence écologique et CETA

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Je salue la présence de Greta Thunberg aujourd’hui à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI, dont les membres se lèvent, ainsi que sur les bancs du groupe GDR et sur certains bancs du groupe LaREM.)
    Avec elle, ce sont des centaines de milliers de jeunes que vous devez voir et entendre, comme tous ceux qui vous disent d’arrêter votre marche vers le chaos.
    L’urgence écologique et climatique est là. Toutes les données de dizaines de milliers de scientifiques sont sur la table. Avez-vous pris connaissance de ces données ? Savez-vous que le permafrost est en train de fondre avec soixante-dix ans d’avance ? Que 60 % des mammifères ont disparu ces quarante dernières années ? Savez-vous qu’un tiers des oiseaux a disparu en vingt ans des campagnes européennes ? Que la survie de toute l’espèce humaine est désormais engagée ?
    Dans cette situation, l’inaction est criminelle. Comme l’a dit Greta Thunberg il y a heure à peine, « le plus grand danger, c’est quand les politiques et les chefs d’entreprises font semblant d’agir alors que rien n’est fait, sauf de belles campagnes de communication ». (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
    Comment pouvez-vous prétendre régler le problème à partir du système qui l’a produit ? Comment osez-vous applaudir le mouvement des jeunes pour le climat et, le même jour, voter cet accord de libre-échange avec le Canada ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
    Ce jour symbolique dévoilera le vrai visage de ceux qui y sont favorables : celui d’imposteurs qui disent faire de l’écologie, mais font surtout plaisir aux lobbys. Celui de baratineurs sacrés champions de la Terre, alors que leur politique augmente les émissions de gaz à effet de serre. Celui de tartuffes qui prétendent protéger la biodiversité, mais défendent un monde pesticidé.  Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.) Celui d’hypocrites qui applaudissent Greta et vont voter le CETA ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
    La réalité est que nous ne sommes pas obligés de faire venir de l’autre bout du monde des marchandises dont nous n’avons pas besoin, et sûrement pas des marchandises pleines de pesticides, de farines animales, d’antibiotiques et autres pétroles de schiste.
    Entendez que c’est dans ce modèle où tous doivent consommer n’importe quoi pour l’enrichissement de quelques-uns que se trouve la source de tous nos maux présents et à venir.
    Combien de temps allez-vous continuer à vous voiler la face et à duper les Français ? La seule écologie possible est l’écologie qui reprend le contrôle de l’économie.
    Entre le CETA et Greta, il faut choisir. Alors, chers collègues, choisissez maintenant. Les générations futures vous regardent. Et si vous votez pour le CETA, l’histoire vous jugera. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et SOC – Mme Frédérique Meunier applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Fabien Di Filippo

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    Où est de Rugy ?

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Grâce au travail conduit depuis deux ans, l’accord entre l’Union européenne et le Canada a été amélioré et complété. Nous y avons notamment intégré un volet environnemental et climatique qui constitue une avancée considérable, tout simplement parce que nous avons obtenu que le veto climatique soit inscrit noir sur blanc. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LR. – « C’est faux ! » sur les bancs du groupe FI.) Le Canada y a donné son accord. C’est capital : cela permettra qu’aucune entreprise ne puisse venir attaquer nos normes – nos normes environnementales, mais aussi sociales. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.)
    Par ailleurs, comme le Conseil constitutionnel l’a reconnu, le principe de précaution est tout à fait respecté par l’accord. Naturellement, nous avons fait en sorte que les accords de Paris soient également pris en compte. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe FI.)
    C’est toute la politique commerciale que nous plaçons désormais sous ce signe : celui d’une ambition environnementale et climatique. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.) Vous disiez la semaine dernière, lors de la conclusion des débats, « la patrie ou la mort ! ». Je crois que c’est être patriote, justement, que permettre à nos filières d’excellence de continuer à exporter ; c’est être patriote que permettre aux indications géographiques protégées, qui sont le fruit du labeur des femmes et des hommes de nos terroirs, d’être reconnues partout…  Menteur ! » sur les bancs du groupe LR.)
    Vous faites parler Mme Greta Thunberg, qui nous regarde. Mais je l’ai écoutée, et qu’a-t-elle dit ? Qu’elle n’avait pas d’opinion sur ce traité. Alors, ne nous faites pas choisir : oui à Greta, oui au CETA ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)  

    Mme Sylvie Tolmont

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    N’importe quoi !

    M. le président

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    Je vous demande d’écouter la réponse sans vocifération, sinon, la prochaine fois, je l’interromprai purement et simplement. Ainsi, vous en serez pour vos frais.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Ce n’est pas une réponse !

    CETA

    M. le président

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    La parole est à M. Jacques Maire.

    M. Jacques Maire

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    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, vingt mois ! Vingt mois que nous nous sommes impliqués dans le processus de ratification du CETA (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR), vingt mois que la commission Schubert a présenté ses préconisations, vingt mois que nous avons demandé un plan d’action pour répondre aux inquiétudes des Français.
    Certains en sont restés là, comme s’il ne s’était rien passé depuis. Alors, chère Mathilde, avec amitié, ne tombez pas dans le panneau. (Sourires.)

    Mme Mathilde Panot

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    J’y ai droit depuis l’école primaire !

    M. Jacques Maire

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    Nous avons demandé à auditionner le ministre chargé du commerce avant chaque conseil des ministres à Bruxelles : nous le faisons ; nous avons demandé un suivi trimestriel de l’application du CETA : nous l’avons ; nous avons demandé des études d’impact pour l’ensemble des filières sensibles : nous les avons ; nous avons demandé une évaluation de l’impact du CETA sur les émissions de CO2 : nous l’avons ; nous avons demandé un renforcement des contrôles sanitaires en Europe et au Canada : nous l’avons ; nous avons demandé un veto climatique pour protéger notre droit à légiférer : nous l’avons.
    Grâce à vous, chers collègues, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous avons changé les règles du jeu et instauré, ici, à l’Assemblée, un véritable contrôle de la politique commerciale.

    M. Éric Coquerel

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    C’est un mensonge !

    M. Jacques Maire

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    Alors, oui, monsieur le ministre, le vote sur la ratification du traité vient à temps. Nous n’avons jamais été aussi prêts. Pourtant, la crise de confiance entre les Français et les accords de commerce n’a pas disparu – chacun a pu le constater.
    Alors, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à soumettre à la même discipline et au même contrôle l’ensemble des accords en vigueur ? Êtes-vous prêt à organiser un suivi des futurs accords, comprenant une étude d’impact systématique sur le climat comme sur la biodiversité ? Enfin, êtes-vous prêt à dénoncer les accords commerciaux avec des pays qui sortiraient de l’accord de Paris ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Vous m’interrogez sur la poursuite de l’effort d’évaluation, de transparence et de suivi du CETA. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet lors du débat et  M. le secrétaire d’État, Jean-Baptiste Lemoyne, a confirmé mes propos au cours de la discussion en répondant à l’interrogation de la présidente de la commission des affaires étrangères, Mme de Sarnez.  
    Oui, la méthode qui a été instaurée pour l’évaluation du CETA sera reconduite pour les futurs accords ainsi que pour le contrôle des accords en vigueur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Tartufferie !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Oui, nous continuerons à améliorer nos méthodes d’analyse et de suivi, en particulier pour évaluer l’impact des dispositions sur la biodiversité, et comme d’habitude, nous vous en rendrons compte, notamment à la commission des affaires étrangères.
    Oui, comme nous nous y sommes engagés depuis un certain temps, nous refuserons les accords commerciaux avec des États qui sortiraient de l’accord de Paris ou qui ne l’auraient pas signé. C’est la raison pour laquelle nous avons récemment voté, au sein du Conseil de l’Union européenne, contre l’ouverture de négociations avec les États-Unis.
    Comme je l’ai dit lors du débat, nous allons agir auprès des nouvelles instances de l’Union européenne afin de les inciter à tenir compte de manière anticipée des enjeux de développement durable dès le début du processus de négociation des nouveaux accords commerciaux. Ainsi, le travail que vous avez effectué ici depuis deux ans servira à l’Union européenne tout entière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane

    M. le président

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    La parole est à M. Gabriel Serville.

    M. Gabriel Serville

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    Mercredi dernier, le sergent-chef Edgar Roellinger, le caporal-chef Cédric Guyot et le caporal-chef Mickaël Vandeville du 19e régiment du génie de Besançon perdaient la vie au cours de l’opération Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane.
    Au nom de tous, je tiens à leur rendre hommage et à exprimer notre gratitude aux forces armées engagées contre les garimpeiros. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.)
    Nous souhaitons également un prompt rétablissement aux cinq autres militaires blessés dans l’opération.
    L’heure est au recueillement. Cependant, nous devrons nous interroger autrement sur tous ces drames que provoque l’orpaillage illégal.
    En effet, voilà près de trente ans que des milliers de garimpeiros pillent, détruisent, empoisonnent et tuent dans une folle ruée vers l’or guyanais. En dépit des efforts déployés, les chiffres sont catastrophiques : jusqu’à 1 000 sites employant 15 000 hommes qui volent chaque année environ 10 tonnes d’or et déversent 1 500 kilos de mercure dans nos rivières.
    À telle enseigne que, la veille du drame, le groupe GDR déposait ici même une demande de commission d’enquête sur la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane qui, vingt ans après le lancement des opérations, ne parvient toujours pas à éradiquer ce phénomène.
    Demander des explications, ce n’est pas remettre en cause l’engagement des hommes sur le terrain. Au contraire, c’est s’inquiéter des modalités de leur intervention et des conditions de leur sécurité face à des garimpeiros lourdement armés et qui n’ont rien à perdre.
    Monsieur le Premier ministre, au vu de l’hécatombe de militaires et de l’empoisonnement irréversible au mercure des populations amérindiennes, votre Gouvernement est-il prêt à prendre la mesure de cette guerre qui ne dit pas son nom et à engager enfin des moyens proportionnés aux enjeux du maintien de notre souveraineté nationale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des armées.

    Mme Florence Parly, ministre des armées

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    Le 17 juillet, c’est avec beaucoup d’émotion et de tristesse que nous avons appris la mort accidentelle de trois militaires français engagés dans le cadre de l’opération Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal.
    Permettez-moi, comme vous l’avez fait à l’instant, de rendre hommage au sergent-chef Edgar Roellinger, au caporal-chef Cédric Guyot et au caporal-chef Mickaël Vandeville. (Applaudissements sur tous les bancs.) Mes pensées et mes condoléances vont à leurs familles, à leurs proches et à leurs frères d’armes.
    Ces soldats étaient engagés depuis le 11 juillet dans une opération visant à détruire les sites d’orpaillage. Ils évoluaient dans une zone particulièrement reculée, inaccessible par voie fluviale ou terrestre.
    Vous le savez, les armées sont résolument engagées dans la lutte contre l’orpaillage clandestin. L’opération Harpie, qui a été lancée en 2008, est conduite sous l’autorité du préfet de la Guyane et du procureur de la République.
    Les opérations contre les mines et les camps des orpailleurs sont menées de manière ininterrompue et nos soldats sont engagés dans des conditions particulièrement éprouvantes et dangereuses. Harpie est probablement l’une des missions les plus exigeantes qu’assurent nos militaires aujourd’hui. Elle demande beaucoup de courage, de résistance et d’endurance. En 2018, cette opération représentait 1 323 patrouilles conjointes avec la gendarmerie, 4 000 jours de patrouille, soit environ 11 patrouilles par jour en moyenne. Ses résultats sont en forte amélioration, puisque 765 sites ont été détruits, soit 150 de plus que l’année précédente.
    Voilà quelques éléments concrets sur ce que nos soldats font chaque jour. Leur dévouement force le respect et nous oblige. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur certains bancs des groupes LR et UDI-I.)

    Sécheresse

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Claude Leclabart.

    M. Jean-Claude Leclabart

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    J’associe mon collègue Christophe Arend à ma question.
    Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, les aléas climatiques tels que la sécheresse sont difficilement prévisibles et peuvent avoir de lourdes conséquences sur les exploitations agricoles. Certes, les périodes de sécheresse peuvent être accentuées du fait de l’activité humaine, mais ce sont des phénomènes naturels auxquels il faut s’attendre, et qu’il faut donc prévenir.
    La France n’a pas peur ; elle a soif. Soixante-treize départements sont soumis à des restrictions d’eau. L’ampleur de la crise agricole dépasse le cadre de mon intervention. Sont en jeu des vies d’agriculteurs et l’avenir de leurs familles ; une agriculture forte et vertueuse est indispensable pour les intérêts de la nation.

    M. Éric Straumann

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    Il est temps d’agir !

    M. Jean-Claude Leclabart

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    Il est donc primordial d’anticiper et d’appliquer un ensemble de mesures concrètes : l’allégement des charges de trésorerie des exploitations tout autant qu’une adaptation du dispositif des calamités agricoles à la réalité du terrain ; la mise en place d’un « aliment sécheresse » afin d’éviter que les prix ne flambent ; des aides d’urgence et spécifiques pour les filières d’élevage.
    De plus, il nous faut réfléchir à des mesures à moyen et long terme. Une gestion intelligente de l’eau est devenue indispensable afin de permettre aux agriculteurs de prévenir la sécheresse. Il convient d’accélérer et de vulgariser à grande échelle l’agroécologie et l’agriculture de conservation. Enfin, il faut rendre accessible et pertinente l’assurance climatique, puisque seulement un quart des surfaces françaises sont assurées.
    N’ajoutons pas de la souffrance à la souffrance d’une profession qui est montrée du doigt malgré ses efforts permanents. Disons haut et fort que nous ne laisserons tomber aucun paysan, comme l’affirme souvent le Gouvernement à propos des nombreux salariés laissés sur le carreau par les fermetures industrielles.
    Monsieur le ministre, quelles mesures fortes le Gouvernement compte-t-il prendre pour venir en aide aux agriculteurs, afin de passer ce cap difficile et d’anticiper l’avenir ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    Je ne retire rien à votre exposé, ni à votre question.

    M. David Habib

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    Vous l’avez écrite !

    M. Didier Guillaume, ministre

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    Le Gouvernement soutient les propositions que vous avez formulées ; c’est ce que nous essayons de faire.
    Vous avez raison : nous ne devons laisser aucun agriculteur au bord du chemin ou, plutôt, au bord d’un champ, au moment où les difficultés s’accumulent. Comme vous l’avez dit, les difficultés climatiques sont appelées à se reproduire régulièrement.
    Nous travaillons à plusieurs niveaux, d’abord à la réponse conjoncturelle. Nous avons déclaré trente-trois départements en situation d’urgence. Nous allons y autoriser les agriculteurs à faucher les jachères – ce que l’Union européenne n’accepte pas en théorie –, afin qu’ils puissent engranger de la nourriture pour leurs animaux.
    Toutefois, cela ne suffit pas : dans la mesure où soixante-quatorze départements sont en vigilance orange, il faut que la Commission européenne lâche du lest pour qu’il soit possible de faucher les jachères dans un nombre bien supérieur de départements ; c’est tout le travail que je mène en ce moment.

    M. Pierre Cordier

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    Qu’attendez-vous ? Faites votre job !

    M. Didier Guillaume, ministre

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    Je parle des jachères des éleveurs comme de celles des céréaliers. Cette mesure est absolument indispensable.
    D’autre part, nous avons obtenu pour le mois d’octobre, moment où les éleveurs seront amenés à acheter du fourrage pour leur bétail, une aide de 1 milliard d’euros, qui leur permettra de disposer de la trésorerie indispensable. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
    De plus, nous les exonérons de taxe foncière sur les propriétés non bâties et nous reporterons le versement des cotisations à la Mutualité sociale agricole.
    Enfin, nous avons engagé deux grandes réformes, qui devraient aboutir assez rapidement. Premièrement, nous allons lancer un grand plan d’aménagement de retenues d’eau collectives par bassin, afin de pouvoir irriguer et de rendre notre agriculture résiliente. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Deuxièmement, nous allons mener un grand travail en vue d’instituer une assurance généralisée, qui permettra aux agriculteurs de recevoir des revenus lorsque la situation l’exige.
    La situation est grave ; le Gouvernement soutient son agriculture et ses agriculteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    CETA

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Yves Bony.

    M. Jean-Yves Bony

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    Monsieur le Premier ministre, dans moins d’une heure, nous allons voter pour ou contre la ratification du CETA.  Contre ! » sur les bancs du groupe LR.)
    Au cours des dix heures de débat à ce sujet mercredi dernier, nous avons été nombreux, sur ces bancs, à dénoncer les méfaits de cet accord, désastreux sur les plans sanitaire et environnemental, désastreux pour nos éleveurs.  Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.) Malgré nos arguments et l’avis de la commission d’experts indépendants, vous restez arc-boutés sur vos positions.  Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.)
    Éleveur moi-même, je suis élu d’un département où, sans élevage, il n’y aura pas d’aménagement possible, ni de cohésion territoriale ;…

    Mme Émilie Bonnivard et M. Gilles Lurton

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    Très juste !

    M. Jean-Yves Bony

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    …un département où les éleveurs produisent des viandes d’excellence,…

    M. Pierre Cordier

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    Il a raison !

    M. Jean-Yves Bony

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    …tout en entretenant des paysages et en agissant concrètement, eux, pour le climat, grâce au carbone qu’ils stockent dans leurs prairies.

    M. Sébastien Jumel

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    C’est vrai !

    M. Jean-Yves Bony

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    Avec la ratification du CETA, vous portez aux éleveurs un coup dur, un coup fatal, et vous le faites avec mépris !  Non ! » sur les bancs du groupe LaREM.) Vous ne les écoutez pas ! Pis, vous leur mentez, tout comme vous mentez aux Français et aux consommateurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, FI et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
    S’agissant des farines animales, il est désormais clairement établi que vous avez propagé de nombreuses contre-vérités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) L’Agence canadienne d’inspection des aliments a elle-même confirmé, ce week-end, qu’en plus de farines animales issues du poisson ou du poulet, les protéines de ruminants sont autorisées dans l’alimentation des bovins au Canada. C’est du cannibalisme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.) Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a pourtant affirmé, hier encore, que ce n’était pas vrai.
    Mais ce n’est pas la seule contre-vérité : une fois le CETA ratifié, la Commission européenne et le Canada pourront décider d’augmenter les volumes des contingents sur simple proposition du comité mixte. C’est non pas un steak par an, mais bien 67 000 tonnes de bœuf canadien qui vont entrer en France et en Europe ! Pourquoi ne refusez-vous pas cet accord, monsieur le Premier ministre ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits. – Mmes et MM. les députés du groupe LR et quelques députés non inscrits se lèvent et continuent à applaudir.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, je vous propose d’écouter la réponse du Gouvernement dans le calme.
    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Monsieur le député, les faits sont têtus ; les chiffres sont là.

    M. Vincent Descoeur

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    Les chiffres sont têtus !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    En 2018, 12 tonnes équivalent carcasse de viande bovine ont été exportées du Canada vers la France dans le cadre du contingent accordé par le CETA. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Vous ne prenez qu’une seule année de référence !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Or quelle est la consommation française annuelle ? Je vous le donne en mille : 1,5 million de tonnes équivalent carcasse. Comment pouvez-vous faire croire que ces 12 tonnes vont déséquilibrer le marché ? (Mêmes mouvements.)
    Les Canadiens ne sont tout simplement pas équipés pour satisfaire à nos normes et à nos exigences, qui sont parmi les plus élevées au monde. Nous continuerons à les faire respecter.

    M. André Chassaigne

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    C’est faux !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Il ressort d’un audit que seules 36 fermes canadiennes sur 75 000 sont équipées pour vendre sur le marché français et européen. (Mêmes mouvements.)

    M. Jean-Yves Bony

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    Ce sera 17 % de notre consommation !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Nous suivons tout cela très attentivement.

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Et demain ?

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Comme l’a indiqué Jean-Yves Le Drian, nous allons assurer un suivi très régulier et très fin avec la représentation nationale,…

    M. Pierre Cordier

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    Il n’y a pas de contrôleurs !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    …car il est très clair que ces accords…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous ne le maîtriserez pas !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    …ont pour vocation, au contraire, de renforcer et de conforter nos filières agricoles,…

    M. André Chassaigne

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    Ce que vous dites est honteux !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    …non seulement à travers la reconnaissance des indications géographiques protégées, nous l’avons dit, mais également à travers l’export et l’élevage.
    Je n’ai pas fait de grandes études en matière agricole, mais il me semble que, si l’on exporte des produits laitiers et du fromage, c’est aussi grâce à l’élevage. Or nous avons augmenté de 10 à 15 % nos exportations dans ce domaine. (Mêmes mouvements.)
    En tant que député du Cantal, monsieur Bony, vous vous souvenez certainement d’un discours prononcé par Jacques Chirac (Exclamations sur les bancs du groupe LR) le 2 octobre 1998 à Aurillac. Il estimait que la France devait recouvrer sa vocation exportatrice en matière agricole. Il en avait rêvé ; nous le faisons ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    Don du sang des personnes homosexuelles

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Luc Lagleize.

    M. Jean-Luc Lagleize

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    Madame la ministre des solidarités et de la santé, vous avez annoncé le 17 juillet que le délai d’abstinence totale préalable au don de sang pour les hommes homosexuels va passer de douze à quatre mois ! Ainsi, les homosexuels vont passer de « citoyens de troisième zone » à « citoyens de deuxième zone » !
    L’homophobie se cache dans le regard de chacun de nous ! Si l’on considère qu’un homosexuel doit attendre quatre mois sans rapport amoureux avec son compagnon pour être considéré comme « sain », alors notre regard sur l’homosexualité est bien dénigrant. Pourquoi un hétérosexuel ne doit-il pas attendre ces quatre mois ?
    Oui, l’homophobie est dans le regard ! Pourquoi tant de parents jettent-ils à la rue leur enfant lorsqu’ils découvrent son homosexualité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – M. Maxime Minot applaudit aussi.) Parce qu’ils ont peur du qu’en dira-t-on ! L’homophobie est dans le regard ! Actuellement en France, ce sont plus de 7 500 gamins qui ont été jetés à la rue par leurs parents.
    Pourquoi tant de jeunes gays se suicident-ils ? Parce que notre regard est loin d’être bienveillant ! Parce que notre société n’est pas accueillante ! L’homophobie est dans le regard ! 5 à 10 % des jeunes LGBT ont déjà tenté de se suicider.
    Ainsi, quand on dit à un homosexuel qu’il doit attendre quatre mois sans relation amoureuse avec son compagnon, que lui signifie-t-on ? Qu’il est différent ! Qu’il est dangereux ! Que signifie-t-on aux autres ? Attention, cette personne est potentiellement dangereuse !
    L’homophobie est dans le regard ! Presque 2 000 actes homophobes ont été commis en France l’an dernier.
    Alors, madame la ministre, je vous fais une proposition : inscrivons dans le prochain PLFSS les études prévues dans deux ans, pour vous permettre, pour nous permettre à tous, de changer de regard ! (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM, SOC, FI et GDR se lèvent et applaudissent, ainsi que quelques députés du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

    Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

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    Vous me parlez d’homophobie : je vais vous parler de sécurité sanitaire et de don du sang.

    M. Sébastien Jumel

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    Ça commence bien !

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    Après plusieurs mois de concertation, j’ai décidé de modifier les critères de don du sang pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, en faisant passer le délai d’abstinence de douze à quatre mois, à compter du 1er février 2020.
    Ma décision repose sur des éléments scientifiques, issus d’études indépendantes conduites au ministère depuis deux ans. Toutes les associations ont pu s’exprimer et j’ai pris le temps d’écouter chacune d’entre elles.
    Les choix retenus permettent de faire évoluer les critères…

    M. Hervé Saulignac

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    Pas assez !

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    …sans aucunement modifier le niveau de risque résiduel théorique de transmission du VIH lors d’un don de sang. Il s’agit d’une étape importante dans l’amélioration de l’acceptabilité sociale des critères d’exclusion.
    Il n’est aucunement question de discrimination, et envisager le problème en ces termes revient à faire une erreur d’analyse. Les critères reposent sur une politique d’exclusion du don en fonction d’un niveau de risque individuel ; ils évoluent avec le temps.
    Mon devoir est de rassurer les bénéficiaires des dons, à qui nous devons garantir la qualité et la sécurité. Nous ne le répéterons jamais assez : le don du sang n’est pas un droit, il n’a pas à répondre aux demandes sociales des donneurs mais aux besoins et à la sécurité des receveurs.
    Cette logique seule doit être préservée, pour garantir la sécurité de notre système transfusionnel. Les associations de lutte contre les discriminations l’ont parfaitement compris, y compris les plus militantes ; elles ont approuvé ma décision et communiqué à ce sujet. Cette évolution conforte notre modèle de don : solidaire, éthique et responsable.

    CETA

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Comme vous tous, je suis sensible à la situation des agriculteurs qui subissent la sécheresse. Je voudrais qu’elle nous aide à réfléchir à une autre nouvelle publiée la semaine dernière par la FAO – Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture : la progression de la faim dans le monde pour la quatrième année consécutive. Plus de 2 milliards d’individus sont en situation d’insécurité alimentaire, 821 millions sont sous-alimentés.
    Cette situation est aggravée par le changement climatique ; tous les experts l’affirment. On peut dès à présent citer le rapport du GIEC – groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique – qui sera publié officiellement le 8 août, ou l’étude prospective Agrimonde-Terra, élaborée par des scientifiques du Cirad – centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – et de l’INRA – Institut national de la recherche agronomique.
    Toutes les études montrent que le changement climatique va augmenter la difficulté de résolution de l’équation qui réunit 10 milliards d’habitants et des terres arables parfois inondées ou asséchées.
    Dans un tel contexte, nous devons nous tourner vers le grand Edgard Pisani, selon qui nous aurons besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir la population : l’agropastoralisme masaï, les jardins flottants du Bangladesh, les oasis de l’Atlas marocain, les terrasses andines et les 5 millions d’hectares de systèmes herbagers exploités par les 85 000 éleveurs allaitants de France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR et sur quelques bancs du groupe LR.) Nous aurons besoin de toutes les terres et de tous les paysans du monde !
    Aussi, au ministre des affaires étrangères, qui propose de réfléchir avec son homologue allemand à un nouveau multilatéralisme innovant, je fais une suggestion : excluez-en les échanges agricoles ! Nous devons désormais éviter de rendre les agricultures prédatrices les unes des autres ; il faut additionner nos ressources, pour tendre vers la paix dans le monde – et lutter à l’échelle internationale pour faire partager cette position ! Il s’agit de défendre la dignité des producteurs et des consommateurs, qu’ils vivent au bout de la rue ou au bout du monde.
    C’est pourquoi nous devons refuser aujourd’hui de voter le CETA, qui crée – en particulier les articles 26 et 30 – un déséquilibre susceptible de mener à l’appauvrissement de la planète, alors que nous devons unir nos forces pour sauver la Terre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI, ainsi que sur les bancs du groupe LR.  M. Thierry Benoit applaudit aussi.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Les chiffres de la faim dans le monde que vous citez nous interpellent, naturellement, et nous ne souhaitons pas rester inertes. C’est pourquoi le Président de la République a inscrit la lutte contre les inégalités parmi les thèmes majeurs du G7 qui se tiendra à Biarritz en août. Nous serons évidemment mobilisés pour l’accès à l’alimentation, comme Jean-Yves Le Drian et moi-même le sommes dans le cadre de l’avant-projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique française de développement et de solidarité internationale.
    Nous partageons votre attachement à l’agroécologie ; M. le ministre de l’agriculture ne cesse d’œuvrer dans le sens de son développement.
    Quant au lien que vous établissez entre ces faits et le CETA, il ne me paraît pas établi.

    M. Dominique Potier

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    C’est pourtant une évidence !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Nous avons justement obtenu de partenaires nord-américains particulièrement durs en affaires la reconnaissance des indications géographiques protégées – c’est une première ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR et SOC.)
    Cela permettra de reconnaître le labeur de femmes et d’hommes qui produisent ces denrées de qualités issues de nos terroirs. Ces accords permettront de tirer vers le haut certains de nos partenaires.

    M. Hubert Wulfranc

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    Vers le bas !

    Un député du groupe GDR

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    Rien à voir !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Monsieur Potier, nous partageons, je crois, un attachement au personnalisme d’Emmanuel Mounier : ni individualisme ni collectivisme. De la même façon, nous rejetons le protectionnisme comme le libre-échangisme naïf ; nous sommes favorables à la construction d’une politique commerciale ambitieuse, rénovée, que le Président de la République appelle de ses vœux, comme il l’a fait lors de son discours prononcé à l’occasion du centenaire de l’Organisation internationale du travail à Genève au mois de juin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Coût des dégradations en marge
    des manifestations des gilets jaunes

    M. le président

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    La parole est à Mme Dominique David.

    Mme Dominique David

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    Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances Agnès Pannier-Runacher. J’y associe ma collègue bordelaise Catherine Fabre.
    Trente semaines, pendant près de trente semaines, nos villes ont subi des violences commises en marge du mouvement des gilets jaunes.

    M. Éric Straumann

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    La faute à qui ?

    Mme Dominique David

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    Une mission d’information à laquelle je participe s’est constituée en mai dernier, pour en mesurer les impacts. Dans leur rapport,…

    M. Sébastien Jumel

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    À charge !

    Mme Dominique David

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    …les députés Roland Lescure et Jean-René Cazeneuve dressent un tableau saisissant. Les dégâts matériels ont été chiffrés en centaines de millions d’euros. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.

    M. Éric Straumann

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    Il fallait réagir plus tôt !

    Mme Dominique David

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    Pour les commerçants, les artisans, les restaurateurs, les hôteliers, le monde du spectacle, les transports, les pertes de chiffre d’affaires atteignent plusieurs milliards d’euros, sans compter ce qui n’est pas chiffrable : les traumatismes, la peur au ventre, l’angoisse de perdre son affaire.
    Les collectivités territoriales ont été aussi en première ligne : 12,5 millions d’euros, c’est la facture pour les seules villes de Rouen, de Toulouse et de Bordeaux, ma ville, dans lesquelles la mission s’est rendue.

    Mme Frédérique Meunier

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    La faute à qui ?

    M. Frédéric Reiss

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    Cette prise de conscience est bien tardive !

    M. Éric Straumann

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    Il fallait réagir plus vite !

    Mme Dominique David

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    Pour accompagner ces difficultés, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures,…

    M. Éric Straumann

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    Trop tard !

    M. Fabien Di Filippo

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    La surveillance des boîtes de nuit par M. Castaner ?

    Mme Dominique David

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    …complétées localement par les collectivités et le réseau consulaire. Je vous confirme qu’elles sont saluées sur le terrain, mais je confirme aussi que, malheureusement, elles ne suffiront pas. C’est pourquoi notre mission formule plusieurs recommandations.
    Trois d’entre elles me paraissent essentielles : premièrement, donner du temps à tous les professionnels qui mesurent actuellement l’effet retard de cette crise, en prolongeant l’application des aides gouvernementales ; deuxièmement, au cas par cas, pour les plus en difficulté, mener une action renforcée, comme des remises gracieuses fiscales plus importantes ;…

    Plusieurs députés du groupe SOC

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    Le temps de parole est écoulé !

    Mme Dominique David

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    …enfin, pour les villes les plus touchées, exclure les dépenses directement… (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances

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    Je tiens d’abord à saluer le travail que vous avez réalisé pour la mission d’information à laquelle vous avez participé (Exclamations sur les bancs du groupe LR) et à remercier également les députés Damien Abad, Roland Lescure et Jean-René Cazeneuve pour leur implication particulière dans cette évaluation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Comme le souligne le rapport de la mission, la mobilisation du Gouvernement a été entière depuis le 26 novembre 2018 (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM), aux côtés des commerçants, avec la cellule de continuité économique. Nous avons activé l’étalement d’échéances fiscales et sociales, le financement du chômage partiel et l’autorisation d’ouverture dominicale. Le montants concernés ont été importants : 100 millions d’euros de mesures fiscales, 240 millions de mesures sociales, 15 millions de chômage partiel, pour plus de 5 000 entreprises. Début janvier, avec Olivier Dussopt, nous avons autorisé des exonérations pour les commerçants les plus touchés et, avec les  chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat, nous avons créé des brigades mobiles et des permanences pour aller au-devant des commerçants qui n’osaient pas formuler de demande.
    Enfin, nous sommes venus en appui de trente-quatre collectivités locales, car il ne s’agit pas seulement de traiter l’urgence, il faut aussi relancer le commerce. C’est pour cela que trente-quatre collectivités locales bénéficient de près de 6 millions de crédit pour financer des opérations commerciales au cours des prochaines semaines.
    Aujourd’hui, nous sommes toujours aux côtés des commerçants et nous allons maintenir notre dispositif avec bienveillance, comme nous l’avons fait depuis le début grâce à la direction générale des finances publiques, afin de prévoir, dans des cas particulièrement difficiles, des exonérations ou des reports d’échéance.
    Évidemment, je vous confirme que les collectivités locales pourront exclure les dépenses directement liées aux manifestations des gilets jaunes du périmètre des dépenses réelles de fonctionnement au titre des « contrats de Cahors », dès lors qu’elles auront retracées ces dépenses et que celles-ci auront significativement affecté leur résultat.

    M. Éric Straumann

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    C’est l’État qui devrait payer, pas les collectivités !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État

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    Nous sommes au côté des commerçants et nous le resterons jusqu’au bout. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Réforme des retraites

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry

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    Monsieur le Premier ministre, Jean-Paul Delevoye, votre envoyé spécial pour les retraites, a rendu sa copie la semaine dernière. Après dix-huit mois de concertation, qui ont plutôt pris des airs de câlinothérapie, il a remis ses préconisations et réussi – force est de le constater – à nous présenter ce projet dans un beau papier cadeau.
    Lorsqu’on étudie ce document une première fois, on ne peut qu’adhérer : un système plus simple, un régime universel et les mêmes droits pour tous.

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est bien emballé !

    M. Stéphane Viry

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    C’est une bonne chose, mais ce n’est en rien nouveau, car la droite et le centre le préconisaient déjà en 2010 avec la réforme de notre collègue Éric Woerth.
    L’analyse change lorsque l’on gratte un peu. Ce rapport inquiète. L’application de la réforme reste particulièrement floue et incertaine. La question est non ce qui dit le rapport, mais plus précisément ce qu’il ne dit pas. La fin des régimes spéciaux est annoncée. Allez-vous réellement supprimer leurs avantages ? Selon votre majorité, un régime universel ne signifiait pas un régime unique. Qu’en sera-t-il réellement ?
    L’augmentation de la pension minimale à 85 % du SMIC est également une bonne chose, notamment pour nos retraités agricoles. Mais comment allez-vous la financer, alors que vous promettez une enveloppe constante ? S’il y a des gagnants, il y aura forcément des perdants. Je pense par exemple aux fonctionnaires, aux cadres, aux familles. Qui seront ces perdants ? Quel sort sera réservé aux pensions de réversion ?
    Enfin, quelle hypocrisie à propos de l’âge de départ ! Le Président de la République annonçait le 25 avril dernier qu’il était nécessaire de travailler davantage et, avec votre immuable « en même temps », vous maintenez l’âge légal de départ à soixante-deux ans, tout en instaurant un âge pivot à soixante-quatre ans. Voilà qui ne paraît pas très sérieux et qui créera rapidement de fortes disparités, sans compter – surtout – une baisse des pensions.
    Enfin, monsieur le Premier ministre, beaucoup de flou subsiste dans vos intentions sur la fixation du point et la transition entre les deux régimes. Quelle sera réellement l’ambition de votre réforme des retraites ? Quel sera le calendrier de votre projet de loi ? Les Français sont inquiets et veulent des explications. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

    Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

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    Effectivement, le haut-commissaire à la réforme des retraites a remis son rapport aux partenaires sociaux, au Premier ministre et à moi-même la semaine dernière. Ce rapport est un projet cible d’une réforme des retraites qui vise à proposer non des mesures d’économie,…

    Mme Sylvie Tolmont

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    C’est clair !

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    …mais bien une nouvelle étape de la protection sociale, qui tienne compte de l’incertitude des carrières, des nouveaux modèles familiaux, des nécessités de nouvelles solidarités.

    M. Fabien Di Filippo

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    Quelle réponse pleine de conviction !

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    Et ce rapport propose un système cible, lisible, simple, équitable, redistributif, notamment vis-à-vis des femmes aux carrières hachées. Les régimes spéciaux vont disparaître, vous l’avez dit, mais des spécificités vont être préservées, dès lors que l’on respecte le principe « À métier identique, retraite identique ».
    Ce sont autant de sujets de négociation, autant de concertations qu’il nous faut maintenant mener. C’est la raison pour laquelle nous allons annoncer le calendrier de cette négociation qui concernera les partenaires sociaux, les parlementaires mais aussi l’ensemble des Français qu’il faut consulter sur cette réforme qui les concerne au premier chef.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est laborieux !

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    Ce système est redistributif, je l’ai dit, plus solidaire. Il accompagne mieux les familles avec un enfant, par exemple. Il accompagne les aidants, les accidents de la vie.
    Vous parliez de l’âge. Actuellement, l’âge de départ à la retraite à taux plein n’est déjà plus de soixante-deux ans : si l’on exclut les catégories actives, il est de soixante-trois ans. Donc, l’âge de départ à la retraite à taux plein…

    M. Fabien Di Filippo

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    Soyez précise !

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    …doit être travaillé, dans le cadre de la concertation à venir.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    On n’a rien compris !

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    Évidemment, ce point nécessitera une concertation, pour que le système soit à l’équilibre financier dans la durée.

    M. Fabien Di Filippo

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    Zéro pointé !

    M. le président

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    S’il vous plaît ! N’en veuillez pas à la ministre si vous ne comprenez pas...

    Pratiques commerciales dans la grande distribution

    M. le président

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    La parole est à M. Grégory Besson-Moreau.

    M. Grégory Besson-Moreau

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    Ma question s’adresse à Mme Pannier-Runacher. « Nous avons fait une loi forte. Les acteurs économiques doivent s’en emparer. La balle est dans leur camp », indiquait M. le Président de la République à propos de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentation et alimentation – EGALIM. Une loi est faite pour être appliquée par tout le monde et pour tout le monde.

    M. Pierre Cordier

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    Sans blague !

    M. Grégory Besson-Moreau

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    Pourtant, poursuivant coûte que coûte sa politique qui vise à proposer, sous prétexte de pouvoir d’achat, les prix les plus bas de la grande distribution, le groupe Leclerc n’a pas souhaité appliquer cette loi, au mépris du nécessaire équilibre des relations entre la grande distribution et ses fournisseurs. Pour cette raison, dimanche 21 juillet, le ministre de l’économie M. Bruno Le Maire et vous-même avez annoncé que plusieurs entités du groupe étaient assignées en justice, et qu’elles risquaient de devoir acquitter une amende record de 117 millions d’euros. C’est le résultat d’une enquête de la DGCCRF – la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – lancée au début de l’année 2018. La DGCCRF avait été saisie par divers fournisseurs qui accusaient la centrale d’achat belge d’user de moyens de pressions illégaux pour faire baisser les prix, notamment des menaces de déréférencement dans les rayons.
    En tant que rapporteur de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, présidée par Thierry Benoit, je mène, avec les autres membres de la commission, de nombreuses auditions d’acteurs de l’agroalimentaire. Je suis assez impatient de rendre mon rapport, à la fin du mois de septembre. En effet, alors que la production agroalimentaire française concerne 400 000 agriculteurs, 17 000 industriels, pour seulement quatre centrales d’achat, nos auditions ont mis en évidence un abus de position dominante.
    Le fait qu’aucune plainte n’ait été déposée montre simplement la force de l’omertà. Ce mot n’est pas exagéré et le problème est omniprésent. Des services fictifs, ou de faible valeur ajoutée sont facturés par les centrales d’achat, par l’intermédiaire d’une nébuleuse de holdings et de coopératives qui passent par Zurich, Bruxelles et Genève, nébuleuse qui a de quoi faire pâlir nos services fiscaux. Madame la secrétaire d’État, que compte faire l’administration fiscale, notamment la DGCCRF, pour se saisir pleinement et dans la durée de ce sujet majeur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Cécile Untermaier applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État

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    Nous avons pris la pleine mesure des conséquences de la loi EGALIM, notamment en ce qui concerne l’équilibre des relations entre les acteurs de la filière agroalimentaire. Il est clair que, lorsque les distributeurs font pression pour que les prix baissent, ce sont les industriels et, derrière eux, les agriculteurs, qui en font les frais.
    Il est inadmissible que près d’un tiers des agriculteurs vivent avec des revenus inférieurs à 40 % du SMIC.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous les écrasez de charges !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État

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    C’est à cette situation que nous nous attaquons. En février 2018, nous avons lancé une enquête sur le plus grand distributeur français, le groupe Leclerc. Elle a duré dix-huit mois, 5 000 messages ont été saisis, la documentation s’est élevée à 8 000 pages. Ce distributeur a fait le choix d’installer une centrale d’achat en Belgique, manifestement pour contourner la loi française qui visait à équilibrer les relations entre industriels et distributeurs, et afin d’imposer des baisses de prix sans contreparties. Ce n’est pas respecter la loi, ce n’est pas respecter l’ordre public.
    Or le rôle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est de faire respecter la loi, de faire en sorte que la valeur créée parvienne jusqu’aux agriculteurs. Aussi puis-je vous confirmer que les contrôles futurs – de ce distributeur ou d’autres – seront intransigeants. Ils pourront donner lieu à des sanctions administratives, ou à la transmission des dossiers à la justice. L’objectif de ces travaux sera en tout cas de mieux répartir la valeur au profit des agriculteurs et des industriels. Les consommateurs seront in fine les grands gagnants de cette action. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Sécurité dans le détroit d’Ormuz

    M. le président

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    La parole est à M. Joaquim Pueyo.

    M. Joaquim Pueyo

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    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, depuis plusieurs semaines, nous assistons à une escalade des tensions dans la zone du détroit d’Ormuz. En mai, quatre navires saoudiens ont été endommagés près des côtes émiraties. En juin, deux pétroliers norvégiens étaient pris pour cible. Vendredi, une étape supplémentaire a été franchie. L’Iran a intercepté militairement un navire britannique et le retient dans le port de Bandar Abbas, en contradiction avec le droit international. Ces faits interviennent deux semaines après l’arraisonnement d’un navire transportant du pétrole iranien par la marine britannique, au large de Gibraltar.
    Le golfe Persique est stratégique. Il est au cœur d’une lutte d’influence entre l’Arabie saoudite et l’Iran, notamment depuis la sortie unilatérale des États-Unis du plan d’action conjoint sur le nucléaire iranien. (Applaudissement sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI. – M. Jean-Louis Bourlanges applaudit également.)
    Si le risque d’un conflit ouvert ne doit pas être écarté, il semble qu’aucune partie n’y ait intérêt. Nous devons cependant envisager – l’histoire a prouvé que c’était possible – qu’un incident puisse dégénérer en crise globale.
    Les Britanniques en appellent à l’Europe et à leurs alliés pour trouver une issue à cette crise qui pourrait avoir des conséquences majeures pour la stabilité mondiale. Ils souhaitent notamment qu’une mission européenne de protection soit mise en place dans le Golfe, sur le modèle de celle déployée au large de la Somalie en 2008 contre la piraterie. Bien que tout doive être fait pour apaiser les tensions, quelle réponse la France compte-t-elle apporter à cette demande britannique ?
    Par ailleurs, nous avons appris hier la mort de M. Yukiya Amano, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique – AIEA. Je souhaite, au nom des députés, saluer sa mémoire et son action décisive pour lutter de façon impartiale et indépendante contre la  prolifération nucléaire et faire respecter l’accord avec l’Iran. Quelles actions le gouvernement français envisage-t-il de mener pour s’assurer que cette instance internationale – dont le rôle d’expertise, de contrôle mais aussi d’analyse est crucial – demeure indépendante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Monsieur le député, je m’associe à votre hommage au professeur Yukiya Amano. Ce directeur général de l’AIEA était respecté pour ses qualités scientifiques, pour sa probité et pour son attachement viscéral à la non-prolifération et au respect de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien.
    Vous évoquez par ailleurs les tensions dans le golfe Arabo-persique. Ces tensions se sont aggravées depuis la décision américaine de se retirer de l’accord de Vienne et, de manière encore plus significative, depuis la décision iranienne de rompre avec cet accord sur deux points clés.
    Nous poussons aujourd’hui l’Iran à respecter à nouveau cet accord – j’ai rencontré tout à l’heure l’envoyé spécial du président Rohani pour le lui dire. Il faut mettre en œuvre un processus de désescalade et faire retomber les tensions. Évidemment, ce processus a été enrayé par la saisie, vendredi dernier, du Stena Impero – le nom du navire britannique que vous évoquiez à l’instant. Nous condamnons cette action et recherchons les moyens d’une meilleure sécurisation de la zone maritime du golfe Persique. Pour cette raison, nous engageons actuellement une initiative européenne, avec les Britanniques et les Allemands, afin que soit créée une mission de suivi et d’observation de la sécurité maritime dans le golfe Persique. Cette initiative va à rebours du choix des États-Unis, qui, pour contraindre l’Iran à revenir sur ses objectifs, ont décidé d’exercer la pression la plus forte possible.
    Nous devons aller plus loin dans cette logique de désescalade et réfléchir à une logique de sécurisation commune dans le Golfe, qui passerait par des voies diplomatiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)  

    CETA

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau.

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Lorsque nous sommes entrés à l’Assemblée nationale en 2017, chers collègues, nous savions que nous devrions voter la ratification du CETA car cet accord avait déjà été signé sous le mandat du président Hollande. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Pierre Cordier

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    Arrête ton baratin !

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Comme l’a réaffirmé hier le Président de la République, le texte de l’accord que nous avons aujourd’hui sous les yeux contient, grâce à l’action de tous, des améliorations par rapport à la version de 2017.
    Nous construisons pas à pas un nouveau modèle d’échanges commerciaux, entre le protectionnisme aveugle à la Trump et la naïveté libre-échangiste, l’un et l’autre étant également néfastes pour notre économie et notre environnement. En effet, c’est bien là l’enjeu du vote d’aujourd’hui : un vote contre le CETA ne mettra pas fin aux échanges entre l’Europe et le Canada car ces échanges existent déjà ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    Vous noyez le poisson !

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    La réalité, cependant, est que ces échanges ne sont soumis qu’aux règles de l’OMC, qui n’incluent ni contraintes environnementales ni reconnaissance des normes et signes de qualité de l’une et l’autre partie. La réalité, c’est qu’un accord comme le CETA est la seule solution pour imposer des clauses environnementales et le respect des normes de production dans le cadre d’un libre-échange déjà mondialisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.)C’est un mieux-disant par rapport aux règles de l’OMC.  Zéro ! » sur les bancs du groupe LR.)

    M. Éric Coquerel

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    Vous n’avez pas honte ?

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    En tant que petit-fils et fils d’éleveurs, étant moi-même éleveur de vaches limousines, je serais le premier, si j’avais le moindre soupçon quant à la mise en danger de l’une des filières agricoles les plus fragiles, à refuser la ratification de ce traité, mais tel n’est pas le cas. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)L’agriculture française a besoin d’exporter et de créer de la valeur ajoutée sur les marchés mondiaux.

    Mme Danièle Obono

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    Et la planète, vous y pensez un peu à la planète ?

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Je paraphraserai la fable d’Ésope sur le garçon qui criait au loup : à force de crier au loup au sujet du CETA, qui ne présente absolument pas de danger pour l’agriculture française, nous risquons de ne plus être entendus quand le véritable loup arrivera – et ce véritable loup porte un nom : c’est l’accord avec le MERCOSUR, qui aurait un effet dévastateur sur l’agriculture française et européenne ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.)Placer le CETA et l’accord MERCOSUR sur le même plan est un non-sens, et il est contre-productif ! (Mêmes mouvements.)
    Nous devons cependant entendre les inquiétudes des agriculteurs et des consommateurs. L’Europe doit se doter de moyens sérieux de contrôle de la qualité des produits importés et échangés sur le marché unique. Je vous rappelle, chers collègues, que les derniers scandales alimentaires que l’Europe a connus n’étaient pas liés à de la viande canadienne mais bien à de la viande roumaine et polonaise ! Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.)

    Mme Danièle Obono

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    Et alors ?

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    De quels moyens durables pourrons-nous disposer pour nous assurer que le dispositif de surveillance et les clauses environnementales du CETA seront bien mis en œuvre, sur le plan national comme sur le plan européen ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Huées sur les bancs des groupes LR et FI. – Exclamations sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Vous avez raison, monsieur le député : nous devons et allons mettre en œuvre un suivi scrupuleux et déployer des moyens de contrôle hors normes pour veiller au respect de nos exigences sanitaires et environnementales.  

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Comme quoi, il y a danger !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Dans quelques semaines, l’Assemblée nationale devra se prononcer sur le projet de loi de finances pour 2020, qui prévoira notamment l’intensification du recrutement de douaniers avec l’attribution de 700 postes d’ici à l’année prochaine, afin de mieux agir à nos frontières. Dès cette année, quarante inspecteurs vétérinaires et phytosanitaires sont recrutés pour s’assurer que nos normes sont et continuent d’être respectées.

    M. Hubert Wulfranc

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    Il y a donc un problème !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous avez peur, ce qui montre que nous avons raison !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Voilà pour l’action que nous menons au plan national. Au plan européen, notre action est également indispensable. Nous travaillons avec le président Pascal Canfin, avec le président Stéphane Séjourné et avec le groupe Renaissance au Parlement européen afin de créer une véritable force sanitaire européenne. Soyez assuré de notre détermination en la matière !
    Voici quelques jours que l’on disserte sur la notion de courage. Je me suis référé au Larousse. Qu’est-ce que le courage ? C’est « la force, l’énergie et l’envie de faire ». (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
    Je veux rendre hommage à la force, à l’énergie et à l’envie de faire...

    M. Jean-Paul Lecoq

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    L’envie de tout détruire !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    ...de cette majorité qui a complété cet accord ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR, FI, GDR et SOC.)

    M. Éric Straumann

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    Personne n’y croit !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État

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    Lorsque vous avez été saisis de cet accord, il ne comportait ni veto climatique, ni plan d’accompagnement, ni partenariat avec le Canada. Encore une fois, vous avez eu la force, l’énergie et l’envie de faire. Soyez assurés qu’à vos côtés, le Gouvernement aura lui aussi la force, l’énergie et l’envie de faire pour suivre et contrôler attentivement ce traité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    S’agissant précisément du projet de loi autorisant la ratification du CETA, je fais annoncer le scrutin public, qui aura lieu immédiatement après la réponse à la dernière question au Gouvernement.  Contre ! » sur les bancs des groupes LR et FI.)

    Énergie photovoltaïque

    M. le président

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    La parole est à M. Laurent Furst.

    M. Laurent Furst

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    La dernière question de la session s’adresse à Mme Borne, ministre de la transition écologique. Deux pour cent, madame la ministre ! Deux pour cent, c’est la part de l’énergie solaire dans la production électrique française. C’est aussi le signe d’un échec, celui de l’ambition solaire française – sans parler de l’autoconsommation électrique, qui ne se développe pas en France ! Nous partageons, madame la ministre, une vive inquiétude quant au changement climatique. L’urgence est double : il faut non seulement améliorer l’efficience de la consommation énergétique en isolant, par exemple, les passoires thermiques, mais aussi remplacer lorsque c’est possible les énergies fossiles par l’électricité décarbonée. Cette électricité permet, directement ou par le biais de l’hydrogène, de faire circuler des véhicules et des trains, de chauffer et de climatiser des bâtiments, et de faire fonctionner notre économie.
    La génération qui nous a précédés a su créer un parc nucléaire important et développer l’énergie hydro-électrique, qui représente 13 % de notre électricité. Cependant, madame la ministre, le bilan français en termes d’énergies vertes est bien modeste. Certes, votre action en faveur des hydroliennes marines devrait porter ses fruits mais, en matière de biogaz, les résultats sont calamiteux par rapport à ceux de l’Allemagne. Pourquoi, par ailleurs, avoir pris des mesures qui handicaperont la géothermie profonde, pourtant porteuse de grands espoirs ? Surtout, comment expliquez-vous qu’en France, où la géographie et le climat sont propices au solaire, cette énergie propre au potentiel infini en reste à un stade marginal ?
    Madame la ministre, 2 % c’est un chiffre ; 2 % c’est une claque. La France produit moins d’électricité solaire que l’Angleterre et cinq fois moins que l’Allemagne. Pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les raisons de cet échec et, surtout, sur vos objectifs en termes de production photovoltaïque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.

    Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire

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    Alors que nous vivons un nouvel épisode de canicule en raison duquel plusieurs départements devraient être placés en vigilance rouge d’ici à la fin de la semaine, et alors que 73 départements connaissent des restrictions d’usage de l’eau, du fait de la sécheresse, chacun peut se convaincre que l’urgence et là et qu’il faut agir au plus vite pour mener la transition écologique et solidaire avec les territoires, avec tous les partenaires sociaux et avec tous ceux qui se mobilisent pour lutter contre le dérèglement climatique.
    Les ambitions du Gouvernement sont formulées très clairement dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, dont les objectifs ont été en partie repris dans le projet de loi énergie-climat, que vous avez examiné et que le Sénat a adopté la semaine dernière. Ces objectifs sont clairs, en particulier en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables électriques. Ils consistent notamment à multiplier par deux la capacité installée des énergies électriques renouvelables d’ici à 2028, y compris en quintuplant la puissance photovoltaïque installée.
    Nous devons en effet faire mieux dans le secteur de l’énergie photovoltaïque comme dans celui de l’éolien terrestre, de même que nous devons poursuivre le développement de l’éolien marin, qu’il soit posé ou flottant. Je n’oublie pas ce que nous pouvons faire en matière de chaleur renouvelable, car la chaleur est un poste très important dans la consommation finale d’énergie. Vous le savez, la programmation pluriannuelle de l’énergie vise à porter de 40 à 60 % la production de chaleur renouvelable.
    Dans tous ces domaines, le Gouvernement est mobilisé avec les territoires et l’ensemble des acteurs prêts à mener avec nous cette transition écologique et solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    2. Ratification du CETA

    Vote par scrutin public

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, et de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part (no 2107).

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du CETA.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        553
            Nombre de suffrages exprimés                479
            Majorité absolue                        240
                    Pour l’adoption                266
                    Contre                213

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Huées sur les bancs du groupe FI.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard.)

    Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    3. Droit voisin au profit des agences et éditeurs de presse

    Deuxième lecture

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, selon la procédure d’examen simplifiée, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse (nos 2118, 2141).

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    En application de l’article 107 du règlement, je n’appellerai que l’article sur lequel des amendements ont été déposés.

    Article 3

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 1 et 2, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
    La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour les soutenir.

    Mme Frédérique Dumas

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    Il s’agit d’ajouter la notion de mise à disposition des publications de presse à celles de reproduction et de communication au public, afin de couvrir les modèles d’affaires du futur comme le crawling, qui consiste à réaliser des panoramas de presse, par le biais de liens hypertextes, aux fins de veille stratégique.

    Mme la présidente

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    Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Patrick Mignola, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour donner l’avis de la commission sur les amendements.

    M. Patrick Mignola, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Madame Dumas, nous en avons discuté tout à l’heure en commission et lors de nos nombreux débats dans l’hémicycle : la question du crawling est fondamentale. Je rappelle que toutes les formes d’exploitation des articles de presse sur internet, y compris le crawling, sont concernées par le droit voisin.
    Vos amendements sont donc satisfaits ; je souhaite ardemment que vous les considériez comme tels, puisque leur adoption nous obligerait à reprendre la procédure, alors que nous avons l’occasion de voter tous ensemble le droit voisin pour les droits d’auteur de presse dans cinq minutes. Or ce vote ouvrirait la possibilité au monde de la presse et à celui des GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon –  de se retrouver pour entamer la négociation, processus auquel je vous sais être, comme nombre de nos collègues, très attachée.
    Il n’y aura pas d’explication de vote, puisque le président Ferrand et les présidents de groupe ont accepté que la deuxième lecture se déroule selon la procédure simplifiée. Si vous m’y autorisez, madame la présidente, monsieur le ministre, je souhaiterais donc remercier les orateurs, sur tous les bancs, qui ont participé à cet énorme travail et à cette grande aventure.
    Notre pays, nous pouvons en être tous fiers, est le premier en Europe à transposer dans le domaine du droit voisin la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Cela a été possible grâce à vous, monsieur le ministre, et grâce au Gouvernement, qui a beaucoup œuvré au Parlement européen pour qu’aboutisse, malgré toutes les pressions et tous les lobbys, ce grand texte attendu par le monde de la presse.
    Je tiens à saluer Mme Fannette Charvier, Mme Constance Le Grip, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Frédérique Dumas, Mme Sylvie Tolmont, Mme Elsa Faucillon et M. Michel Larive, sans oublier mon complice du Mouvement démocrate et apparentés, M. Laurent Garcia, et à remercier, à travers eux, leurs groupes respectifs du travail qui nous a permis, malgré des approches différentes, de converger vers un objectif commun. Désormais, nous disposons d’un texte solide qui va pouvoir entrer en vigueur. L’ensemble de la représentation nationale peut être fière, je le répète, qu’enfin la presse ait les moyens de peser dans les négociations avec les GAFA et d’assurer ainsi son avenir.
    Je vous invite à retirer vos amendements, chère collègue, auxquels je serai, sinon, défavorable. Pour le reste, je ne puis que vous inciter à voter très largement cette proposition de loi. Je ne doute pas que le ministre s’y emploie à son tour dans quelques instants. J’ai oublié de remercier le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, M. Bruno Studer, ce qui me permet, au passage, de le féliciter également. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM. – Mme Constance Le Grip applaudit également. )

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la culture, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Franck Riester, ministre de la culture

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    Il est difficile de s’exprimer après M. le rapporteur qui a très bien parlé, comme d’habitude, du point de vue politique comme technique.
    Je remercie M. le rapporteur de la manière dont il a conduit les travaux à l’Assemblée nationale, en lien avec le Sénat. Le texte sort en effet renforcé de la mobilisation de tous pour que la France soit le premier pays, une fois la directive relative au droit d’auteur adoptée au niveau européen, à en transposer les dispositions qui octroient un droit voisin aux éditeurs et agences de presse – les autres dispositions de la directive seront transposées dans le cadre du futur projet de loi audiovisuelle. La France peut s’en enorgueillir.
    La bataille n’est pas gagnée pour autant puisque les négociations doivent, à présent, être engagées mais les éditeurs de presse disposeront d’un atout considérable dans les discussions qu’ils mèneront, si ce n’est déjà commencé, avec les différentes plateformes.
    Je remercie également M. le président, que je félicite de son travail, ainsi que tous les membres de la commission des affaires culturelles, que j’ai beaucoup sollicités ces dernières semaines et ces derniers mois. Merci aux orateurs des groupes qui ont passé beaucoup de temps à débattre de ce sujet si important. Il y a lieu d’être fiers du travail mené par le Parlement, en lien avec le Gouvernement, sur ce dispositif.
    J’en viens aux amendements. Je vous invite moi aussi, madame la députée, à retirer ces amendements – faute de quoi mon avis sera défavorable. Voici très précisément pourquoi.
    L’amendement no 1 a pour objet d’étendre le droit exclusif des éditeurs et des agences à la mise à disposition de leurs publications auprès du public. La proposition de loi tend justement à consacrer la protection du droit voisin des éditeurs et des agences de presse, de sorte qu’ils puissent consentir à ce que les œuvres dont ils ont permis la création soient reproduites ou communiquées au public en contrepartie d’une juste rémunération.
    La notion de communication au public doit être entendue largement. Définie comme la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque, elle comprend la mise à la disposition du public sur internet. Il n’est donc pas utile de mentionner les actes de mise à disposition, nécessairement déjà couverts.
    Qui plus est, nous l’avions d’ailleurs dit en première lecture, l’insertion de cette précision ferait courir le risque de créer un a contrario, qui n’est pas souhaitable.
    En outre, une telle mention serait inopportune dans la mesure où, dans le secteur des droits voisins, la notion de mise à disposition concerne généralement la mise en vente d’exemplaires physiques des phonogrammes et des vidéogrammes. Ainsi, l’article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle fait référence à la « mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage ». Or le droit voisin dont nous débattons aujourd’hui ne concerne que les exploitations en ligne. La mention que vous souhaitez insérer pourrait donc compliquer l’interprétation du texte.
    Le droit de reproduction et le droit de communication au public visés par la proposition de loi couvrent toutes les hypothèses possibles d’exploitation des publications de presse.
    Cela vaut également s’agissant de l’amendement no 2, qui tend à apporter des précisions concernant l’assiette de la rémunération due au titre des droits voisins.  

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Frédérique Dumas.

    Mme Frédérique Dumas

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    Je n’ai pas à choisir, mais je préférais l’explication du rapporteur à celle du ministre… Monsieur le ministre, je n’ai pas évoqué la mise à disposition du public, puisque le crawling consiste à mettre des contenus de presse à la disposition non du public mais des clients. Il me semblait que c’était le droit de mise à disposition en général qui n’était pas traité par le texte. Vous considérez pour votre part qu’il l’est ; tant mieux, mais nous ne parlions pas du même sujet. Les contentieux qui ne manqueront pas de naître donneront aux tribunaux l’occasion de trancher le débat – dans le bon sens, espérons-le ; je souhaite sincèrement que vous ayez raison du point de vue juridique.
    J’accepte de retirer mes amendements : je crois comprendre qu’ils auraient pu être votés si leur adoption n’avait pour conséquence de retarder celle du texte, mais je ne souhaite pas en arriver là s’agissant d’une proposition de loi essentielle pour les éditeurs et les agences de presse.

    (Les amendements nos 1 et 2 sont retirés.)

    (L’article 3 est adopté.)

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        82
            Nombre de suffrages exprimés                82
            Majorité absolue                        42
                    Pour l’adoption                81
                    Contre                1

    (La proposition de loi est adoptée.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM, sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe LR.)

    4. Modernisation de la distribution de la presse

    Discussion d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la modernisation de la distribution de la presse (nos 1978, 2142).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la culture.

    M. Franck Riester, ministre de la culture

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    Il n’y a pas de démocratie sans une presse libre ; cela ne date pas d’hier. Le 11 septembre 1848, dans son discours à l’Assemblée constituante, Victor Hugo soutenait que le principe de la liberté de la presse n’est « pas moins essentiel, n’est pas moins sacré, pas moins essentielle que le principe du suffrage universel ». Vous voyez que l’on peut citer Victor Hugo en dehors de l’examen du texte relatif à la restauration de Notre-Dame.

    M. Pierre Cordier

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    Heureusement !

    M. Franck Riester, ministre

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    « Le jour », poursuivait-il, « où […] on verrait […] la liberté de la presse […] s’amoindrir au milieu de nous, ce serait en France, ce serait en Europe, ce serait dans la civilisation tout entière l’effet d’un flambeau qui s’éteint ! ».
    Ce flambeau, nous ne pouvons pas le laisser s’éteindre, et nous ne le ferons pas. Si nous voulons le maintenir allumé, nous devons, aujourd’hui, raviver sa flamme. Si nous voulons protéger la presse et sa liberté, nous devons, aujourd’hui, moderniser sa distribution. C’est tout l’objectif du projet de loi que vous examinez aujourd’hui.
    La loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite loi Bichet, a souvent été qualifiée, y compris dans cet hémicycle, d’icône de la République. Dans le contexte tourmenté de l’après-guerre, elle a permis de garantir l’effectivité du principe constitutionnel de pluralisme des courants de pensée et d’opinion.
    Comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel dès 1984, la libre communication des pensées et des opinions ne peut être effective que si le public est à même de disposer d’un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents. La disponibilité de tous les journaux d’information politique et générale – IPG – dans l’ensemble du territoire national est ainsi une condition de l’effectivité de la liberté de la presse.
    Aujourd’hui, les objectifs de la loi Bichet demeurent : garantir la pluralité de l’information et l’égalité entre les éditeurs, indépendamment de leur taille ou des opinions qu’ils véhiculent. Les enjeux du numérique rendent cette loi encore plus utile.
    D’une part, la diffusion numérique nécessite la même exigence de pluralisme. C’est pour cette raison que le projet qui vous est soumis tend à étendre les principes fondamentaux de la loi Bichet à la diffusion numérique.
    D’autre part, je crois profondément à l’avenir de la presse papier, à son ancrage dans nos territoires, à son utilité pour le débat démocratique. Or le secteur est aujourd’hui confronté à des bouleversements importants. Plus de 6 000 points de vente ont fermé entre 2011 et 2018 dans les grandes villes, mais aussi dans des villes moyennes ou de petites communes.

    M. Pierre Cordier

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    C’est vrai.

    M. Franck Riester, ministre

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    Vous connaissez les difficultés économiques récurrentes rencontrées par la société Presstalis, messagerie qui assure la distribution de l’intégralité des quotidiens nationaux. L’entreprise a bénéficié d’un plan de continuation homologué en mars 2018 par le tribunal de commerce, auquel l’État a contribué par un prêt d’un montant de 90 millions d’euros. Elle affichera cette année des fonds propres négatifs d’environ 450 millions d’euros.
    Cette situation rend indispensable l’adaptation de la loi Bichet. Si celle-ci est une icône de la République, elle ne doit pas être un totem : ce n’est qu’à condition d’être modernisée qu’elle pourra continuer de se conformer aux objectifs démocratiques qui lui sont assignés.
    Moderniser la distribution de la presse au numéro sans casser le système actuel : voilà la tâche délicate qui nous incombe.
    Délicate, parce qu’il n’est pas aisé de modifier un texte aussi ancien et d’une telle force symbolique.
    Délicate, parce que sur ce texte s’est construit, depuis plus de soixante-dix ans, un système complexe dans lequel les intérêts de tous les acteurs sont intimement imbriqués, qu’il s’agisse des différentes familles de presse – d’information politique et générale ou non, quotidienne ou non – ou des différents échelons de la distribution – messageries, dépositaires, diffuseurs. Or ce système a pu être à l’origine de graves dysfonctionnements, montrant ainsi ses limites.
    Je crois pourtant que le projet présenté par le Gouvernement parvient à résoudre cette équation. Fruit d’un travail long et approfondi, mené en concertation constante avec l’ensemble du secteur, ce texte équilibré permet de protéger l’intégrité de la distribution de la presse. Il préserve également la diversité des publications – laquelle garantit l’expression de la pluralité des opinions –, un service de proximité dans l’ensemble du territoire national et tout particulièrement dans les zones rurales, ainsi que l’avenir d’une filière et de professionnels confrontés pour certains à d’importantes difficultés.
    Oui, ce projet de loi préserve les principes essentiels de la loi Bichet, ce socle qui fonde notre réseau de distribution. II préserve le principe coopératif obligatoire, auquel sont très attachés la plupart des acteurs de la filière, qui y voient une garantie solide d’équité de traitement entre tous les éditeurs. J’ai pu entendre dire, ici ou là, que le projet de loi mettrait fin au système coopératif. C’est faux : nous l’avons bien maintenu.
    Le projet de loi tend également à préserver le droit absolu à la distribution de l’ensemble des titres d’information politique et générale, qui resteront libres de choisir les points de vente où sont vendus leurs titres et les quantités servies. Il tend enfin à conserver un système permettant l’accès à une grande variété de publications dans l’ensemble du territoire national. Car si la France propose le plus grand nombre de titres en Europe, c’est grâce à cette loi de 1947,  grâce à la loi Bichet.
    Dans sa rédaction actuelle, la loi pose toutefois des difficultés que de nombreux rapports et analyses publiés depuis plus de dix ans ont mises en lumière.
    Tout d’abord, l’obligation de détention majoritaire du capital des messageries par les éditeurs place ceux-ci – à la fois clients et actionnaires – dans une situation structurelle de conflit d’intérêts où les intérêts du client tendent à prévaloir sur l’équilibre économique et financier des messageries.
    Ensuite, alors qu’ils assurent le rôle essentiel d’interface commerciale avec le client lecteur, les marchands de journaux n’ont aujourd’hui aucun contrôle sur le type de publications qu’ils reçoivent, ni sur les quantités d’exemplaires livrés. Il nous faut donc redonner une vraie marge de manœuvre à ces acteurs essentiels de la filière et stimuler leur capacité d’adaptation aux réalités du marché.
    Enfin, les organes de régulation de la filière disposent de prérogatives et de moyens trop limités. Sans mettre en cause la qualité du travail réalisé par les équipes du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse – auxquels je tiens à rendre hommage pour leur engagement constant au service de la modernisation de la filière, face à des jeux d’acteurs souvent complexes –, nous constatons qu’aujourd’hui la régulation n’est pas en mesure d’accompagner efficacement la modernisation de la filière ni de garantir sa pérennité.
    Le projet qui vous est soumis vise à remédier à ces limites et à ces dysfonctionnements sans pour autant remettre en cause les principes essentiels que j’ai rappelés plus tôt. Il propose une vraie modernisation du cadre législatif, assortie de modalités et d’un calendrier permettant d’accompagner la transition.
    Cette modernisation tient en cinq points.
    Premièrement, le projet de loi propose de confier la régulation du secteur à l’ARCEP – Autorité de régulation des communications électroniques et des postes –, compétente et légitime en matière de régulation économique. Le texte lui donne des pouvoirs d’intervention significatifs, en particulier concernant l’homologation des barèmes, et un pouvoir de sanction dont étaient dépourvus le Conseil supérieur des messageries de presse et l’Autorité de régulation de la distribution de la presse.
    Deuxièmement, la fin de l’obligation de détention de la majorité du capital des messageries par les coopératives d’éditeurs dégagera de nouvelles perspectives de stratégie industrielle pour les acteurs actuels. De plus, à moyen terme, elle autorisera d’autres acteurs à proposer un service de distribution de la presse, à la condition – sur laquelle j’insiste particulièrement – qu’ils soient agréés par l’ARCEP sur le fondement d’un cahier des charges strict, établi par décret.
    Toutefois, la possibilité pour l’ARCEP de délivrer des agréments à d’autres acteurs que les deux messageries actuelles ne pourra se concrétiser qu’après une phase de transition. Le projet de loi autorise ainsi le Gouvernement à différer jusqu’au 1er janvier 2023 la publication du cahier des charges définissant les conditions de l’agrément, et le Gouvernement entend mettre entièrement à profit ce délai afin de laisser aux acteurs actuels un temps d’adaptation raisonnable.
    Troisièmement – c’est un point qui revêt une importance toute particulière dans nos territoires –, le texte accorde une plus grande souplesse aux marchands de journaux dans le choix des titres qu’ils distribuent, en dehors de la presse d’information politique et générale et des titres admis au régime économique de la presse par la   commission paritaire des publications et agences de presse – CPPAP – faisant l’objet d’un assortiment. Cet élément essentiel de modernisation doit leur permettre d’améliorer leur attractivité commerciale et de proposer une offre plus adaptée aux attentes des lecteurs de nos régions, de nos départements et de nos communes. Les marchands de journaux y trouveront un nouveau souffle, et l’attractivité de leur métier, aujourd’hui affaibli par des conditions d’exercice trop difficiles, ne pourra qu’en être accrue.
    Quatrièmement – c’est tout l’enjeu d’un texte moderne, adapté à la réalité des usages de nos concitoyens –, le projet de loi étend les principes de la loi Bichet à la diffusion numérique. D’une part, il accorde aux éditeurs de titres d’information politique et générale un droit d’accès aux kiosques numériques. D’autre part, il impose aux agrégateurs d’information en ligne une triple obligation de transparence : d’abord, concernant leurs choix de mise en avant des contenus ; ensuite, concernant la manière dont ils utilisent nos données personnelles ; enfin, concernant les résultats concrets de leur paramétrage sur la diversité des sources d’information qu’ils référencent.
    Cinquièmement, le projet de loi confie à l’ARCEP la mission d’élaborer un schéma territorial d’orientation de la distribution de la presse, qui devra intégrer le rôle joué par les dépositaires régionaux de presse ainsi que les perspectives d’évolution.
    Ces grands axes offrent un cadre équilibré à l’indispensable évolution du dispositif actuel de distribution de la presse au numéro, dont la pérennité est essentielle à l’équilibre économique de l’ensemble de la filière.
    L’adaptation du statut des vendeurs-colporteurs de presse aux enjeux du portage multititres, également proposée par le projet de loi et très attendue par les réseaux de portage, notamment de la presse quotidienne et régionale, confortera également la distribution de la presse sur tout le territoire.
    Je tiens à remercier l’ensemble des acteurs de la filière de leur contribution, directe ou indirecte, à ce texte. Je veux également vous remercier, vous, mesdames et messieurs les députés, de l’esprit constructif et transpartisan dont vous avez su faire preuve sous l’égide de votre rapporteur, Laurent Garcia.
    Je veux aussi saluer les débats fructueux et le travail approfondi menés par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, emmenée par son président, Bruno Studer. Grâce à ce travail, les ambiguïtés qui subsistaient dans le texte ont été dissipées – ou le seront à la faveur du débat que nous entamerons tout à l’heure. Je m’en réjouis : vous savez que je suis extrêmement attaché à la coconstruction des textes et je suis persuadé que nous sommes toujours meilleurs quand nous jouons collectif.
    Je veux également remercier les sénateurs, en premier lieu le rapporteur du projet de loi, Michel Laugier, ainsi que la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Catherine Morin-Desailly, qui ont beaucoup contribué à améliorer le texte présenté par le Gouvernement en première lecture au Sénat.
    En dehors même de ce projet de loi, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour soutenir le secteur de la presse et pour garantir les conditions d’exercice de la liberté de la presse. La création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse et les agences de presse, que vous venez de voter à la quasi-unanimité, est de ce point de vue une étape fondamentale. Nous pouvons être fiers d’être le premier pays européen à transposer ce texte, là encore grâce à un travail transpartisan efficace des deux chambres. Je forme désormais le souhait que la filière sache se montrer unie pour ne pas donner prise aux stratégies de division qu’utiliseront certainement les plateformes numériques dans les négociations à venir.
    Le soutien du Gouvernement à la presse repose en premier lieu sur un système d’aides : aides à la distribution physique – portage, transport postal et distribution au numéro –, aides au pluralisme pour les titres à faibles ressources publicitaires, aides à la modernisation, à l’émergence et aux médias de proximité. Toutes sont essentielles à la vitalité de notre débat démocratique et à l’accès de nos concitoyens à une information fiable et diversifiée.
    C’est dans ce cadre et dans cet esprit que nous examinons actuellement le projet de plan de filière présenté par les principaux éditeurs de la presse d’information politique et générale au ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, et à moi-même, dans le but d’accompagner la modernisation du secteur.
    Défendre la liberté de la presse, c’est également protéger la loi de 1881, garante de la liberté d’expression. Oui, les réseaux sociaux permettent d’en abuser ; c’est un fait. Oui, il faut apporter une réponse spécifique aux délits d’injure et de diffamation lorsqu’ils sont commis sur internet ; c’est indéniable ; tel était du reste le sens de la proposition de loi déposée par Mme Laetitia Avia et que vous avez adoptée il y a quelques jours.
    Mais faut-il pour autant retirer l’injure et la diffamation de la loi de 1881 et les exclure de son régime procédural spécifique ? Je ne crois pas que ce soit là une réponse satisfaisante. Davantage responsabiliser les plateformes numériques, renforcer leur devoir de coopération avec les pouvoirs publics : voilà, à mon avis, la bonne réponse – qui n’implique pas de modifier la loi de 1881.
    Le Premier ministre l’a très clairement affirmé la semaine dernière, lors d’une réunion avec les représentants des journalistes et des éditeurs de presse : la loi de 1881 est un tout. Elle proclame une liberté, permet la répression de ses abus et organise une procédure particulière et protectrice, adaptée au fait que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme » : c’est cet équilibre qui la fonde ; nous devons le préserver.
    Défendre la liberté de la presse et permettre aux journalistes d’informer, c’est également nous assurer de la confiance que les citoyens placent dans les médias. Or cette confiance n’a jamais été aussi faible.
    À cet égard, la création d’une instance d’autorégulation de la profession pourrait contribuer à inverser la tendance. La réflexion conduite à ce sujet par Emmanuel Hoog, qui m’a remis son rapport à la fin du mois de mars dernier, est légitime et utile tant à la profession qu’à notre démocratie. C’est maintenant à la profession de se saisir de cette question et de lui apporter la réponse qui lui semble la plus appropriée.
    Je tiens à le rappeler : une instance de déontologie n’est pas un conseil de l’ordre. Elle n’a pas vocation à prononcer des sanctions, ce que fait le Conseil national de l’ordre des médecins, mais seulement à rendre des avis.
    J’insiste également sur le fait que ce n’est pas à l’État que revient de procéder à la création d’une telle instance, même s’il peut l’accompagner ; c’est à la profession, et à elle seule, de s’organiser. Une démarche en ce sens a été entreprise par l’Observatoire de la déontologie des journalistes ; nous pouvons nous en réjouir.
    Mesdames et messieurs les députés, ensemble, c’est une nouvelle page de l’histoire de la presse écrite que nous écrivons, c’est l’avenir de ce secteur que nous construisons. Pour y parvenir, nous ne partirons pas de zéro : nous repartirons des indispensables acquis de la loi Bichet. C’est tout le sens du projet de loi que vous examinez aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Garcia, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    M. Laurent Garcia, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    « On est comme des fakirs sur des clous : on a mal mais on ne bouge pas. » J’aime à rappeler cette formule assez parlante de la présidente-directrice générale de Presstalis, Michèle Benbunan, lorsque George Pau-Langevin et moi-même l’avons auditionnée, l’année dernière, dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.
    En conclusion de cette mission, nous préconisions quinze mesures pour faire bouger les choses sans remettre en cause les fondements de la loi Bichet. Par exemple, nous suggérions de confier la régulation du secteur à une unique autorité administrative, du type de l’ARCEP, de réformer le statut des sociétés coopératives de messageries de presse ou encore de rendre effective la libéralisation de l’assortiment des titres de presse ne relevant pas de la presse d’information politique et générale, déjà prévue par la loi Bichet.
    Il faut croire que nos recommandations ne sont pas restées lettre morte et que nous allons enfin sortir d’un statu quo mortifère : ces mesures sont en effet au cœur du projet de loi que nous avons à examiner aujourd’hui.
    S’agissant de l’organisation du système de distribution de la presse imprimée, le texte opère une refonte de l’architecture de la loi Bichet : tout en préservant les atouts de son armature actuelle, il l’adapte aux enjeux de notre temps en suivant un calendrier d’application très progressif, détaillé aux articles 7 et 8.
    À la place des sociétés coopératives de messageries de presse – qui, en théorie, assurent elles-mêmes les opérations de groupage et de distribution des titres édités par leurs associés mais, en pratique, les confient systématiquement à des sociétés commerciales dont elles sont les actionnaires majoritaires – seront instaurées des sociétés coopératives de groupage de presse. L’article 1er détaille les règles de leur composition, de leur actionnariat et de leur gouvernance et maintient le principe égalitaire selon lequel chaque associé, indépendamment du volume de sa participation au capital et du nombre de titres qu’il distribue par l’intermédiaire de la société coopérative, dispose d’une voix, et d’une seule.
    Afin de mettre le droit en cohérence avec la pratique, le projet de loi dispose que ces sociétés coopératives de groupage de presse, composées d’entreprises de presse, n’effectueront pas elles-mêmes les opérations de groupage et de distribution des titres de leurs associés : elles recourront aux services de sociétés agréées de distribution de la presse, sociétés commerciales dont elles ne seront pas nécessairement actionnaires majoritaires – ni même actionnaires tout court – et dont le texte énonce les conditions d’agrément.
    Cet agrément sera délivré sur le fondement d’un cahier des charges dont je vous proposerai tout à l’heure de rendre le contenu plus intelligible par un amendement que j’ai déposé ; Sophie Mette et Jean-François Portarrieu l’ont d’ailleurs enrichi par d’utiles sous-amendements.
    L’obtention de l’agrément sera subordonnée à la souscription d’engagements, comme celui d’assurer une desserte non discriminatoire des points de vente au sein de la zone géographique couverte par un schéma territorial présenté avec la demande d’agrément. Nos collègues Virginie Duby-Muller et Frédérique Meunier ont déposé un amendement intéressant pour garantir la cohérence de ce schéma territorial.
    Enfin, au troisième niveau se trouveraient, comme aujourd’hui, les diffuseurs de presse, dont le rôle de marchands, avec tout ce que ce mot recouvre d’expertise et d’initiative commerciales, serait valorisé par les nouvelles modalités d’accès au réseau de distribution de la presse que dessine le projet de loi, en particulier par la libéralisation de l’assortiment qu’il opère. Je tiens à souligner que cette libéralisation sera encadrée : l’assortiment devra respecter plusieurs principes, auxquels Béatrice Descamps et moi-même vous proposerons par amendement d’ajouter la garantie de la diversité de l’offre de presse.
    Si le droit inconditionnel d’accès au réseau de distribution de la presse est préservé pour la presse IPG, dont la définition est gravée dans le marbre de la loi, ce n’est pas le cas pour les autres catégories de presse. Le projet de loi dispose en effet que les titres admis au régime économique de la presse par la CPPAP ne pourront être distribués que dans les limites de règles d’assortiment des titres et de détermination des quantités servies, fixées par un accord interprofessionnel.
    En ce qui concerne les titres non éligibles au régime économique de la presse – c’est-à-dire la presse « hors CPPAP » –, leur distribution sera organisée au cas par cas par des conventions qui, négociées de gré à gré, détermineront les références et les quantités servies aux points de vente. Lors de l’examen du texte en commission, un amendement de Mme Sophie Mette et de plusieurs collègues du groupe Mouvement démocrate et apparentés a permis de préciser l’identité des parties à ces conventions, à savoir les entreprises et les diffuseurs de presse ou leurs représentants respectifs.
    Afin de garantir aux titres « CPPAP hors assortiment » et aux titres « hors CPPAP » la possibilité d’être distribués, et de permettre aux diffuseurs de presse de prendre connaissance de la diversité de l’offre de presse, le Sénat a prévu que ces titres pourront faire l’objet d’une première proposition de distribution auprès des points de vente. C’est ce que l’on appelle le droit de présentation.
    Le texte répond aussi aux questions qui se posent actuellement en modifiant radicalement la régulation du secteur de la distribution de la presse, qui revient aujourd’hui à deux organes distincts, le Conseil supérieur des messageries de presse et l’Autorité de régulation de la distribution de la presse. Il faut dire que ce bicéphalisme était source de complexité et de lenteur du processus décisionnel et qu’il ne remédiait que très imparfaitement aux situations de conflit d’intérêts que l’autorégulation avait fait naître.
    Le projet de loi entend donc confier la régulation de la distribution de la presse à un régulateur reconnu par tous pour ses compétences économiques et juridiques dans des domaines présentant des enjeux de même nature : l’ARCEP. L’Autorité, qui deviendrait celle des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, aurait ainsi pour mission de faire respecter les principes au cœur même de la loi Bichet : liberté de la distribution de la presse, continuité de la distribution de la presse d’information politique et générale, solidarité entre les entreprises de presse, neutralité totale du réseau de distribution et couverture large et équilibrée du territoire par le réseau des points de vente.
    C’est cette autorité qui délivrerait les agréments aux sociétés de distribution de la presse, sur le fondement du cahier des charges qu’elle aura préalablement proposé à l’exécutif. Elle exercerait, pour faire respecter l’agrément ainsi délivré, un contrôle relativement poussé sur ces sociétés, afin de s’assurer du caractère raisonnable et non discriminatoire des tarifs proposés aux éditeurs. Elle aurait également pour mission de vérifier que l’accord interprofessionnel relatif à l’assortiment se conforme bien aux principes énoncés par la loi, et pourrait, le cas échéant, se substituer aux professionnels concernés pour décider seule des règles d’assortiment des titres et des quantités servies aux points de vente.
    S’agissant de ces derniers, l’Autorité fixerait les règles relatives à leur implantation, ainsi que les conditions de rémunération de leurs agents. Il appartiendra toutefois à une commission notamment composée d’éditeurs de décider, de façon concrète, de l’ouverture des points de vente sur le territoire et d’en gérer les agents. Sur ce point, la commission a souhaité amender une précision apportée par le Sénat, tendant à ce que la décision d’implantation soit soumise à un avis conforme du maire. Si nous sommes favorables, bien sûr, à ce que l’avis du maire soit requis, il nous a, en revanche, semblé excessif qu’il revête un caractère conforme.
    L’Autorité aura également vocation à inciter les acteurs à adopter une organisation territoriale qui assure la couverture de l’ensemble du territoire, sans pour autant décider elle-même des zones de couverture des sociétés agréées. C’est la raison pour laquelle la commission a souhaité rétablir la version initiale du texte en ce qui concerne le schéma territorial d’orientation publié par l’ARCEP.
    Le projet de loi s’intéresse, par ailleurs, à la diffusion numérique de la presse. En effet, eu égard à l’importance que prend désormais le numérique dans la diffusion de la presse, qu’il s’agisse des moteurs de recherche, du partage de contenus de presse par le biais des réseaux sociaux, des applications des kiosques numériques inclus dans les abonnements téléphoniques ou bien encore des widgets de nos téléphones mobiles, il est nécessaire de transposer à l’univers digital les principes de la distribution de la presse nécessaires au débat démocratique.
    C’est la raison pour laquelle les kiosques numériques se voient transposer les exigences de diffusion applicables aux titres d’information politique et générale. Les éditeurs de titres IPG qui le souhaitent pourront ainsi accéder à ces kiosques dans des conditions techniques et financières raisonnables et non discriminatoires.
    Au-delà de ces aspects, le projet de loi poursuit la politique engagée par le Gouvernement en matière de régulation des opérateurs de plateformes en ligne dans leur activité de diffusion de contenus de presse. Ainsi, après l’entrée en vigueur de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information et l’adoption de la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, le texte apporte une nouvelle pierre à l’édifice juridique, en assurant une meilleure information des utilisateurs des plateformes en ligne quant à l’emploi de leurs données personnelles dans le référencement ou le classement des contenus extraits de publications de presse qui leur sont proposés.
    Enfin, soucieux de ne pas laisser de côté la distribution par portage, le Gouvernement a eu à cœur d’assouplir le statut juridique des vendeurs-colporteurs de presse, de façon à favoriser leur activité et l’attractivité de celle-ci. Ainsi, l’article 6 leur offre la possibilité d’avoir, en sus d’une activité principale de vente de titres de presse, une activité accessoire de distribution sans vente de publications de presse – quelles qu’elles soient –, tout en conservant leur statut de travailleurs indépendants.
    Je tiens à saluer l’amendement que le Gouvernement a déposé afin d’aligner le périmètre des titres susceptibles d’être distribués par des porteurs de presse salariés sur celui des titres susceptibles de l’être par des vendeurs-colporteurs de presse ayant le statut de travailleurs indépendants. Ce faisant, le ministre a honoré l’engagement qu’il avait pris devant le Sénat a été honoré.
    Mes chers collègues, je forme le vœu qu’à la faveur des enrichissements intéressants et bienvenus proposés sur nos différents bancs, le présent projet de loi puisse avoir l’appui du plus grand nombre d’entre nous : la représentation nationale saura, ainsi, présenter un front uni pour soutenir le secteur de la presse qui en a bien besoin.
    Cet après-midi, ce qui pourrait apparaître comme un petit pas pour le législateur est, en réalité, un grand pas pour la distribution de la presse. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM. – Mme Frédérique Dumas applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    La commission des affaires culturelles n’a eu de cesse, non seulement depuis le début de cette législature, mais aussi au cours des deux précédentes – puisque notre commission fête cette année ses dix ans dans sa forme actuelle –, de rappeler que la liberté de la presse est l’un des principes fondamentaux de notre démocratie et que nous avons pour mission de la protéger. Tel était le sens de la loi Bichet adoptée en 1947 et qui visait à permettre la distribution de la presse, chaque jour, sur l’ensemble du territoire, de manière égale et non discriminatoire.
    Toutefois, depuis ce moment, ce secteur a été complètement bouleversé, non seulement par l’évolution des habitudes des lecteurs, mais aussi et surtout par la montée en puissance du numérique. La crise de Presstalis, premier opérateur de distribution de la presse nationale que l’État a aidé à de nombreuses reprises, a aussi révélé les failles de notre cadre législatif et juridique et la nécessité de le repenser. Si des tentatives ont déjà été faites pour réformer la régulation en 2011 et 2015, il devenait indispensable de moderniser en profondeur la loi Bichet.
    Le présent texte est un premier pas dans cette direction, non seulement pour garantir la survie de la distribution de la presse au numéro, mais également et surtout pour protéger le travail journalistique de fond et de qualité face au traitement instantané de l’information. Car ce travail est l’assurance que la presse garde sa fonction de contre-pouvoir, si essentielle en démocratie.
    Le projet de loi correspond donc à l’ambition du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité. Il est l’aboutissement d’une réflexion menée depuis le début du quinquennat, dans la continuité du travail réalisé par Marc Schwartz – que je tiens à saluer –, à la demande, à l’époque, de Bruno Le Maire et de Françoise Nyssen : le texte que vous présentez, monsieur le ministre, est la concrétisation de ce travail.
    La commission des affaires culturelles et de l’éducation a aussi voulu apporter sa contribution à la démarche, grâce à l’évaluation de la loi de 2015, réalisée par Laurent Garcia et George Pau-Langevin, et grâce au rapport d’information de Laurent Garcia : je veux le remercier ici de la qualité de son travail en tant que rapporteur.
    Le dialogue mené avec les différents acteurs a permis d’élaborer un texte très équilibré, qui a été plébiscité par les différentes parties prenantes ; le Sénat en a d’ailleurs reconnu l’ambition et l’importance, lors de sa première lecture. Œuvrons donc à faire de ce projet une loi en mesure d’assurer, à long terme, l’avenir de l’ensemble de la filière, à laquelle l’inaction serait fatale.
    Le texte paraît essentiel en ce qu’il est structuré par deux objectifs principaux : garantir les valeurs issues de la rédaction de 1947 et moderniser les règles applicables à la distribution de la presse.
    Tout d’abord, il fallait préserver le cadre historique de la loi Bichet, aussi bien de manière formelle que dans ses grands principes, destinés à assurer la diffusion libre et impartiale de la presse écrite sur l’ensemble du territoire national. La préservation d’un régime unique au monde  – une spécificité bien française –, tenant compte de la place prééminente des titres IPG, et le maintien du système coopératif révèlent l’importance de cette organisation traditionnelle, qui doit être conservée et réaffirmée.
    Ensuite, nous voulions rénover et moderniser en profondeur le système, ce qui passe surtout par la refonte des rôles des acteurs à différents niveaux.
    D’abord, le projet de loi permettrait à d’autres messageries de presse d’entrer sur le marché d’ici à 2023, ce délai visant à laisser le temps à Presstalis de se redresser. La mise en concurrence de ce marché souligne la volonté de créer les conditions d’un équilibre économique durable.
    Ensuite, délibérément ancré dans les réalités du quotidien, le projet de loi entend également donner aux marchands de journaux un plus grand pouvoir. Les diffuseurs, placés au centre du système, pourront mener une véritable politique commerciale grâce à la mise en place d’assortiments : distinction entre les titres IPG, CPPAP et autres. Les marchands auront l’obligation de proposer ces premiers titres de presse ; pour les autres, une marge pourra être organisée de manière concertée avec l’ensemble de la filière. Cette réorganisation vise à empêcher l’engorgement en amont de la chaîne et à limiter les invendus en aval.
    La modernisation passe enfin par l’action d’un nouveau régulateur, l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui remplacera les organes actuels. Ses missions seront étendues afin qu’elle supervise le secteur dans sa globalité, ce qui souligne votre volonté, monsieur le ministre, d’unifier et de renforcer la régulation afin de mettre fin à l’autorégulation pour assurer la pérennité du système.
    Toute cette action est nécessaire pour permettre la survie d’un secteur dans un contexte en perpétuelle mutation. L’un des enjeux du projet de loi est précisément la prise en considération du numérique. Le texte donne aux éditeurs de titres d’information générale un droit d’accès aux kiosques numériques qui, en contrepartie, seront soumis aux mêmes obligations que les distributeurs physiques et devront faire preuve de transparence : il s’agit de tenir vraiment compte de l’évolution du modèle de la distribution au numéro et d’en permettre l’adaptation.
    Ce projet de loi très équilibré et nécessaire, qui s’inscrit dans une politique plus générale du Gouvernement et de notre majorité, fait l’unanimité chez les différents acteurs. Il vise non seulement à garantir la survie de la presse, mais aussi et surtout à permettre à celle-ci de continuer de produire un travail de qualité.
    La directive sur le droit d’auteur a été adoptée le 15 avril dernier au niveau européen, introduisant un droit voisin, dont nous venons d’adopter la transposition : cela révèle vraiment une conscience de l’urgence de la situation.
    Une démocratie ne pouvant exister sans presse libre ni sans un travail journalistique de qualité, restons mobilisés, monsieur le ministre, pour permettre à notre presse de toujours évoluer et de se moderniser, tout en préservant ses principes si cruciaux pour l’équilibre de notre pays : protégeons notre presse pour garantir notre démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Motion de renvoi en commission

    Mme la présidente

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    J’ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    C’est le patron de presse qui monte aujourd’hui à la tribune, le Citizen Kane en herbe qui, il y a vingt ans maintenant, vendait son journal, Fakir – déjà –, dans les restaurants amiénois. Les couples me refilaient 5 francs – c’était encore le temps des francs – simplement pour que je débarrasse le plancher et les laisse se bécoter en paix. C’étaient des temps héroïques ! Comme Billes Gates se souvenant de ses débuts dans son garage, je me rappelle mes livraisons aux abonnés à vélo. Mon torrent d’énergie d’alors, je le consacrais non pas à enquêter, à rédiger, à maquetter, mais à distribuer, à trouver pour cela un café, un coiffeur, un boulanger. Ma grande bataille, c’était la distribution, ou la diffusion. Réfléchir, écrire, voilà la partie poétique, récompensée, valorisée, du métier. Cependant, les plus belles idées ne sont rien, ne valent rien, ne pèsent rien, si on les garde pour soi et si on les réserve à l’entre-soi. La diffusion vers le public, le grand public, le plus grand public possible, voilà la part politique ; voilà la part essentielle.
    Après un an de cette débrouille, j’ai rencontré M. Soleillant à Somme Presse, la Presstalis locale. Qu’il me soit permis de lui rendre hommage : M. Soleillant faisait son métier, tout simplement. Il ne se demandait pas : « Fakir, est-ce de droite ou de gauche ? Est-ce pour ou contre le maire ? » Il se demandait simplement si ce canard pouvait se vendre, en professionnel, avec simplement un zeste de sympathie, sans doute, pour le « petit gars qui n’en veut », face à lui, animé d’un brin de folie.
    C’est alors que j’ai célébré la loi Bichet. Pourquoi ? D’un seul coup, mon petit canard avait accès à deux cents points de vente, des bars-tabac, des librairies, et j’étais libre d’en mettre deux ici, cinq là, cinquante plus loin. Les commerçants devaient les accepter et les mettre dans leurs rayons. Qu’importaient leurs opinions et leurs convictions : c’était pour eux une obligation. Ces deux cents points de vente étaient magiques. C’était une chance ! Le miracle s’est renouvelé et ses effets ont été même multipliés par cent, lorsque nous sommes passés en diffusion nationale. D’un coup d’un seul, vingt mille kiosques s’ouvraient à nous. J’étais traité à l’égal des grands… sur le papier au moins : les vrais journaux – Le Monde, Le Canard enchaîné, L’Obs – étaient mis en avant, parfois dans leurs propres présentoirs, quand il fallait sortir la pelleteuse pour retrouver Fakir sous une montagne de Gala ou de Dorcel Magazine,avec le DVD « spécial orgies » en promotion. (Sourires.)
    La diffusion restait une bataille à mener : il était quand même difficile de se faire sa place, de se payer des affichettes, de surveiller les relais Hachette, de remettre notre canard en avant ; on a envoyé des « fakiriens » de partout pour amadouer les vendeurs. Cela reste toujours une bataille, mais nous avons la loi pour nous : la loi Bichet de 1947, issue du Conseil national de la Résistance, qui voulait assurer « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ». Cette loi garantit l’égalité entre les petits et les gros, entre les anciens et les nouveaux, entre toutes les opinions, en leur accordant un égal accès aux kiosques, aux citoyens, aux lecteurs. Sans la loi Bichet, les kiosques seraient interdits aux petits.
    Vous touchez aujourd’hui à cette loi. Vais-je vous dire : « Attention ! Sacrilège ! Pas touche au totem ! » ? Vais-je vous dire : « Laissez-la dans son jus d’après-guerre ! »? Au contraire : je viens vous enjoindre d’y aller vraiment, d’avoir une vraie ambition pour la presse de ce pays, de réveiller l’esprit noble, démocratique et généreux de la loi Bichet, de ressusciter cette volonté d’égalité, de diversité, et de citoyenneté. (Mme Elsa Faucillon applaudit.) Vous prévoyez désormais, pour l’accès au réseau, de distinguer la presse d’information politique et générale et le reste : la presse de divertissement, people, érotique, automobile, spécialisée dans l’agriculture, le football, les cours de Bourse. Certains considèrent que ce serait une atteinte grave au principe de pluralisme. Je ne suis pas d’accord.
    Je vais aller dans votre sens : cette distinction me paraît, au contraire, nécessaire et bienvenue. L’État verse – vous déversez, nous déversons – chaque année 1,6 milliard d’euros d’aides publiques à la presse. Pourquoi le ferait-il à l’aveugle ? Regardez ces magazines : « Je veux une Porsche », à la Une de Flat6 Magazine – je l’ai acheté ce matin dans un Relais H –, qui est subventionné ; Maison créative, qui présente un dossier sur « Nos plus beaux bureaux », est un titre subventionné. (Exclamations sur plusieurs bancs.)

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Ce n’est pas possible !

    Mme la présidente

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    Monsieur Ruffin, vous ne pouvez pas montrer de magazines !
    Art et Décoration et ses « 200 pages pour s’inspirer tout l’été » ont été subventionnés.
    Si vous n’arrêtez pas, on viendra chercher vos revues ! Vous savez que le règlement vous interdit de les montrer à la tribune. Ce n’est pas sérieux !

    M. François Ruffin

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    Puisque le règlement de l’Assemblée l’interdit, je ne vous montre pas Paris Match, qui fait sa une sur « les secrets de la top française » Estelle : « Séduire, aimer, vivre. "Mon physique est mon capital. Je travaille dur." » Il s’agit d’un magazine reconnu comme appartenant à la presse d’information politique et générale. En ouvrant le magazine, on peut lire l’article intitulé : « Chômez en majesté. » Une page sur deux est consacrée à de la publicité pour des produits de luxe.
    Or ParisMatch est subventionné par des aides directes, des aides au portage, des aides à la diffusion, et par une TVA réduite. La Cour des comptes elle-même relève qu’une part non négligeable des aides profite encore aujourd’hui à la presse « non IPG » – Paris Match fait sa une non seulement sur les « secrets de la top française » Estelle, mais aussi sur la « complicité retrouvée » de Kate et Meghan et sur Jean-Claude Romand, « de la prison au monastère ».

    Mme Danielle Brulebois

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    Et alors ?

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Ne soyez pas méprisant ; il y a des Français qui lisent Paris Match !

    M. François Ruffin

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    Je ne suis pas méprisant, mais il faut opérer un tri.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Chacun peut lire ce qu’il veut !

    M. François Ruffin

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    Oui, chacun peut lire ce qu’il veut et, pour ma part, je prends plaisir, par exemple, à lire Le Nouveau Détective.

    Mme Danielle Brulebois

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    Nous préservons la presse d’information !

    M. François Ruffin

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    Madame la députée, vous faites partie de la majorité et vous allez voter un projet de loi qui sépare plus clairement la presse d’information politique et générale et la presse de divertissement ou la presse spécialisée. Je considère qu’il ne s’agit pas d’un tri entre le bon grain et l’ivraie. Il n’y a pas d’ivraie, ici : aucune honte à décorer sa maison, à aimer les grosses cylindrées, ou à cancaner sur les starlettes de la télévision.

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Aucune honte, en effet !

    M. François Ruffin

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    Simplement, il n’y a aucune raison pour que l’impôt, pour que les citoyens, paient pour ces plaisirs privés. Il y a de bonnes raisons, en revanche, pour que, en démocratie, on aide et favorise la diffusion de l’information et de la contre-information politique et générale.
    Mon collègue Jean-Hugues Ratenon fera, lors de la discussion générale, la liste de tous les sujets à propos desquels nous sommes en désaccord avec vous. Je tiens à placer l’un d’entre eux au cœur de ma défense de cette motion : qui va opérer le tri entre l’information politique et générale et les autres informations ?

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Le tri est déjà fait !

    M. François Ruffin

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    Qui désignera ceux qui bénéficieront d’avantages et ceux qui n’en bénéficieront pas ? La future autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Non ! Ce n’est pas son rôle !

    M. François Ruffin

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    Cette autorité est composée de sept conseillers : trois nommés par le Président de la République ; deux par le président de l’Assemblée nationale ; deux par le président du Sénat. C’est inacceptable. On nous propose une autorité politique pour réguler la presse.

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Vous vous trompez ! Vous confondez l’ARCEP et la CPPAP !

    M. François Ruffin

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    Les sociétés de rédacteurs ne vont pas participer à ce tri. Quelle place pour les sociétés de rédacteurs ? Aucune. Quelle place pour les syndicats de journalistes ? Aucune. Quelle place pour les lecteurs ? Aucune. D’un côté, il y a le marché, le « tout-marché » et, à vrai dire, non plus la concurrence libre et non faussée, mais l’oligopole : dix milliardaires possèdent 90 % des quotidiens et 55 % des chaînes de télévision et de radio. Le pluralisme est réduit au choix entre Drahi et Arnault, entre Bolloré et Lagardère, entre Bouygues et Dassault, entre un marchand de canons et un marchand de béton. De l’autre côté, il y a le « tout-État », une autorité entièrement entre les mains du politique.

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    C’est faux !

    M. François Ruffin

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    La loi Bichet avait prévu tout un arsenal législatif destiné notamment à contrer  la concentration et les monopoles. Cette loi de la Libération devait garantir l’indépendance de la presse à l’égard des puissances d’argent et de l’État. Nous voilà avec les deux : la dépendance à l’égard des puissances d’argent comme de l’État.
    Puisque je réclame le renvoi en commission, je vous propose des critères clairs. Que faudrait-il à un titre de presse pour relever de l’information politique et générale et pour avoir droit aux avantages qui lui sont liés ? Être édité par une société à but non lucratif ; proscrire toute publicité de ses colonnes ; compter, parmi son personnel, une majorité de journalistes.
    Le but est simple : il convient d’arracher l’information aux marchés, et non de rapprocher le régime de la presse du droit commun des entreprises, comme le suggère un rapport de la Cour des comptes ; au contraire, il faut l’en éloigner. Dans cette optique, exiger que les éditeurs de titres relevant de l’information politique et générale soient des sociétés à but non lucratif et n’aient plus le droit de faire des bénéfices contribuera non à casser les oligopoles, mais à les tenir à distance. Il s’agit de reprendre ce type de médias aux marchands de canons et de béton.
    L’information est un bien commun. C’est un combat que je mène depuis des années. Voici un florilège de ce que j’ai pu entendre quand j’étais élève au Centre de formation des journalistes : « on vend des journaux comme on vend des yaourts » ; « je suis un lessivier de la presse et je le revendique » ;  « tous les titres, chez nous, doivent être rentables à hauteur de 10 à 15 % » ; « dans les médias, on suit la même logique que le PDG de Procter & Gamble » ; « Le Monde est une marque, et une marque très forte », etc. Mais la presse doit échapper à l’univers de la marchandise : l’information ne doit pas être une marchandise.
    On peut citer l’Assemblée constituante de 1789, qui proclamait : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement […] ».

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    On est d’accord !

    M. François Ruffin

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    Je préfère pour ma part évoquer L’Homme qui tua Liberty Valance, western politique de John Ford, avec John Wayne, et selon lequel la civilisation repose, comme une chaise, sur quatre pieds : le droit et la justice, qui relèvent du service public ; l’école et l’instruction, qui relèvent du service public ; le vote et l’élection, qui relèvent du service public ; le journal et l’information, qui, en revanche, ne sont toujours pas considérés comme un bien commun, ne sont pas un service public, et qu’il nous faut donc arracher aux oligopoles privés. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    Mme la présidente

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