XVe législature
Session extraordinaire de 2019-2020

Deuxième séance du jeudi 16 juillet 2020

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du jeudi 16 juillet 2020

Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Mes chers collègues, je vous rappelle que nos travaux se déroulent sous le regard de nos concitoyens. Or j’ai reçu, à l’issue de la précédente séance de questions au Gouvernement, de nombreux messages d’émotion suscités par le tumulte qui perturbe parfois le déroulement de ces séances.  Oh là là ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Cela affecte gravement l’image de notre assemblée et je vous invite donc solennellement à écouter les orateurs en vous abstenant de toute exclamation ou interpellation bruyante. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. Pierre Cordier

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    On n’est pas les premiers !

    M. Maxime Minot

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    Nous, on dit ce qu’on veut !

    Décès du chauffeur de bus agressé à Bayonne

    M. le président

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    La parole est à Mme Florence Lasserre.

    Mme Florence Lasserre

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    Le 5 juillet, un homme, Philippe Monguillot, a été victime d’une agression d’une extrême violence. Il était chauffeur de bus. Il est décédé chez moi à Bayonne. Cet après-midi, devant la représentation nationale, je tiens à lui rendre hommage. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
    Je tiens aussi à exprimer, de manière sincère et profonde, toute ma compassion à l’égard de son épouse, de ses trois filles et de ses collègues, pour qui les jours et les nuits sont si difficiles.
    Monsieur le président, ma question peut s’adresser à M. le Premier ministre, à M. le ministre de l’intérieur, à MM. les ministres de la justice, des transports, de l’éducation nationale. Dans le drame qui s’est noué au Pays basque, il y a bien entendu à première vue un problème de sécurité dans les transports auquel nous devrons apporter des réponses, mais j’y vois un problème bien plus profond : il y a dans notre société des personnes qui ne respectent plus les règles de la République ; il y a en France des personnes qui font des violations du pacte républicain un mode de vie.
    La devise de notre pays, « Liberté, Égalité, Fraternité », s’appuie sur des valeurs-socles fortes qui ne devraient plus être abîmées. Dès lors, mesdames et messieurs les ministres, que comptez-vous faire pour les imposer à celles et ceux qui chaque jour s’en détournent et pour redonner espoir et confiance aux Françaises et aux Français qui les ont chevillées au corps ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, UDI-I, Agir ens, SOC et GDR et parmi les députés non inscrits.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Je veux au nom du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement exprimer à mon tour toute l’indignation de la République devant cet acte odieux qui a endeuillé une famille. J’ai rencontré, vous le savez, Mme Monguillot et ses trois filles. Monsieur Monguillot a quitté sa famille le matin, fier de son travail, pour mourir dans des conditions particulièrement atroces, alors qu’il avait seulement demandé à des gens qui montaient dans son bus de payer leur ticket et de porter un masque. Ce n’est pas uniquement lui qui a été attaqué mais aussi l’autorité qu’il représentait, et c’est un peu de la République, un peu de nous-mêmes qui a été blessé par ces actes horribles.
    Leurs auteurs ont été, je me dois de le dire, très rapidement appréhendés par la police nationale, qui a fait un travail extraordinaire, vous le savez bien, madame la députée : dès le lendemain, grâce à la vidéo-protection installée dans le bus, cinq interpellations ont eu lieu, quatre personnes ont été présentées au parquet, écrouées et mises en examen.
    Cet acte particulièrement horrible ne doit pas seulement avoir une résonance dans le Pays basque, mais dans toute l’étendue de la République. Car depuis désormais trop longtemps, les conducteurs de bus, les professeurs, les médecins, les pompiers – encore hier à Étampes, où je me suis rendu – mais aussi les policiers et les gendarmes, parce qu’ils sont détenteurs de l’autorité publique et qu’ils portent pour une partie d’entre eux un uniforme de la République, sont insultés, blessés et parfois perdent la vie. Je veux ici leur rendre hommage une nouvelle fois. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, UDI-I, Agir ens, SOC et GDR et parmi les députés non inscrits.)
    J’aurai l’occasion dans les prochains jours, aux côtés du ministre délégué aux transports, de travailler encore davantage avec vous et avec les sociétés de transports pour renforcer la sécurité des conducteurs de bus. (Mêmes mouvements.)

    Différenciation territoriale

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    Monsieur le Premier ministre, hier, vous avez martelé ici même que c’est « la France des territoires » qui « détient, pour une large part, les leviers du sursaut collectif » et qu’il faudrait « une nouvelle étape de la décentralisation » marquée par « un droit à la différenciation » entre les territoires.

    M. Erwan Balanant

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    Eh oui !

    M. Alexis Corbière

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    Nous, au groupe La France insoumise, ne sommes pas d’accord car votre droit à différenciation, c’est la différenciation des droits. À l’inverse, l’exigence qui monte dans notre pays est celle de l’égalité des droits ! De telles différenciations entraînent généralement une dislocation de la nation française, devenant en l’occurrence une France des régions se faisant concurrence entre elles, qu’encourage l’Union européenne.
    Il s’agit prétendument de rapprocher les citoyens des prises de décisions… Épargnez-nous ces fadaises, on a vu le résultat ! Plus personne n’y comprend rien. L’abstention ne cesse de progresser, même aux élections locales. La crise de nos institutions ne sera pas résolue par l’aggravation de la décentralisation, mais par une refondation républicaine issue d’une assemblée constituante.
    Pas de faux débats : la promesse d’égalité que porte notre histoire républicaine n’a jamais signifié l’uniformité, mais elle est conditionnée par l’existence d’un État fort, planificateur, garant de l’intérêt général. Elle ne se fera certainement pas par un lent retour vers l’Ancien Régime et l’exaltation des particularismes locaux, même relookés en « Territoires ».

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Vous êtes gonflé de dire ça !

    M. Alexis Corbière

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    Je suis élu de Seine-Saint-Denis, un département qui subit depuis des années la différenciation des droits ! Chez nous, tout est différenciation : dans nos collèges, les professeurs sont plus difficilement remplacés, dans nos hôpitaux, les lits sont plus surchargés, notre police a moins de moyens pour travailler. Tout est sous-doté en comparaison avec les autres départements, en particulier avec notre voisin parisien. Et c’est notamment la source de la surmortalité terrible que nous avons connue pendant la crise du covid.

    Un député du groupe LaREM

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    Communautarisme !

    M. Alexis Corbière

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    Monsieur le Premier ministre, quand entendrez-vous notre exigence de justice, d’égalité et certainement pas de droit à la différenciation ? Cette exigence est celle des habitants de mon département, mais aussi, je le crois, celle de la grande majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

    Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

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    Monsieur Corbière, je vous ai bien entendu et je vous confirme ce qu’a dit le Premier ministre hier et qu’il a réitéré ce matin au Sénat, à savoir qu’il y aura une nouvelle étape de décentralisation…

    M. Pierre Cordier

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    Encore une !

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    …et à cet effet un projet de loi de décentralisation, de différenciation et également de déconcentration.

    M. Pierre Cordier

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    Ça fait dix ans qu’on entend ça !

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Je crois toutefois que vous prenez le mot « différenciation » dans un sens différent de celui que nous prônons. En effet, l’objet de la différenciation est de répondre aux besoins des spécificités des territoires.

    M. Fabien Di Filippo

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    Soyez concrète !

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    On répète souvent aujourd’hui qu’il y a des territoires très faibles : vous avez évoqué les quartiers urbains dans votre département, mais il y a aussi des territoires ruraux très isolés et démunis.

    M. Pierre Cordier

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    On ne dirait pas que ça fait trois ans que vous êtes aux affaires ! Quel bilan !

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    La différenciation consiste à être capable de répondre à la spécificité des territoires et à leur situation propre pour combler les fractures territoriales et les fractures sociales qui en découlent.
    L’expérimentation doit nous permettre d’arriver à la différenciation. C’est pourquoi un projet de loi organique a été déposé pour simplifier l’accès à l’expérimentation et la développer, en mettant fin à cette logique binaire qui veut qu’on étende forcément à tout le territoire national une expérimentation conçue au départ en fonction d’un territoire. Ce sera une bonne démarche pour répondre aux fractures territoriales.
    La différenciation, monsieur le député, c’est aussi une manière de répondre aux besoins d’égalité et d’équité des citoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également.)

    Effectifs en gynécologie médicale

    M. le président

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps.

    Mme Béatrice Descamps

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    Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, il y a moins de trois gynécologues médicaux en France pour 100 000 femmes, 65 % d’entre eux ont plus de 60 ans et approchent de l’âge de la retraite, treize départements n’en ont même aucun. Dans certains territoires, il faut parfois attendre plus d’un an pour obtenir un rendez-vous. Telle est la réalité pour la santé des femmes en France. Il en va de même pour la gynécologie obstétrique, comme en témoignent les fermetures de maternité pour cause de pénurie de médecins. L’Institut national du cancer indique par ailleurs que 61 % des nouveaux cas de cancer chez la femme sont des cancers gynécologiques.
    Derrière ces chiffres se dévoilent autant de femmes de tout âge qui n’ont pas ou plus de suivi, de prévention et de dépistages précoces, qui devraient les accompagner tout au long de leur vie. Rappelons-nous que la spécialité de gynécologie médicale avait été supprimée en 1987. Et si, depuis la recréation du diplôme en 2003, le nombre de postes d’interne ouverts en gynécologie médicale a connu une augmentation sensible, passant de vingt en 2003 à quatre-vingt-deux en 2019, notre pays compte encore aujourd’hui moins de 1 000 gynécologues médicaux pour 30 millions de femmes.
    Monsieur le ministre, en période d’épreuves classantes nationales, mais surtout dans l’optique des années à venir, quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour combler ce gouffre et s’atteler sérieusement à la formation en nombre de gynécologues médicaux ? Il s’agit d’un enjeu de santé public majeur, il s’agit de la vie des femmes et des jeunes filles françaises. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LT et EDS et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, GDR et SOC, ainsi que parmi les députés non inscrits.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Madame la députée, merci pour cette question, qui est récurrente au sein de cet hémicycle parce qu’il est légitime de savoir comment est organisé aujourd’hui l’accès aux soins gynécologiques dans notre pays.
    C’est une longue histoire que celle de la gynécologie médicale en France. Il y a un certain nombre d’années – je devais être interne à l’époque – il était même envisagé que la discipline disparaisse au profit des gynéco-obstétriciens, sachant que sur les quelque vingt formés chaque année, seuls six ou sept s’installaient en tant que gynécologues médicaux, les autres se dirigeant en particulier vers l’endocrinologie médicale.
    La filière n’a pas été supprimée en raison notamment de la mobilisation des gynécologues médicaux et aussi d’un certain nombre de Françaises et de Français, et leur nombre n’a depuis cessé d’augmenter, année après année : en 2017, nous en étions à 64 gynécologues médicaux formés et nous sommes passés à 82 aujourd’hui. Dans le même temps, le nombre de gynécologues-obstétriciens a augmenté lui aussi. Ainsi, le nombre total de gynécologues en formation a triplé depuis 2012.
    Vous avez raison de souligner qu’il s’écoule du temps entre le moment où la décision est prise d’augmenter une filière de formation et celui où l’on a suffisamment de professionnels sur le terrain. Néanmoins, des dispositions permettent déjà de favoriser l’accès des femmes de notre pays aux soins gynécologiques. Ainsi, un grand nombre de médecins généralistes sont formés à l’exercice du frottis et à l’examen gynécologique médical. De même, les maïeuticiens, autrement dit les sages-femmes, sont habilités à suivre non seulement des femmes enceintes mais également celles qui ne le sont pas, dans le cadre d’un suivi régulier de la santé de la femme.
    Enfin, vous évoquez à juste titre les cancers gynécologiques. Ils tuent : l’une des premières causes de mortalité de la femme jeune, c’est le cancer du col de l’utérus. Je rappelle donc qu’outre le dépistage, qui est fondamental, existe un moyen de prévention de ce cancer, à savoir la vaccination contre le papillomavirus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-I et EDS.) Il faudra avoir un débat parlementaire sur le sujet dans les mois ou les années à venir : plusieurs pays ont pris la décision courageuse de systématiser cette vaccination, sachant que c’est une manière de protéger les jeunes femmes…

    M. le président

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    Je vous remercie, monsieur le ministre.

    M. Olivier Véran, ministre

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    En entendant ces applaudissements, je me dis que notre pays est peut-être prêt à emprunter le même chemin. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps.

    Mme Béatrice Descamps

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    Il est urgent, monsieur le ministre, de poursuivre la réflexion pluridisciplinaire sur la prise en charge de la santé des femmes, ainsi que s’y était engagé votre prédécesseur. Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)

    Port du masque

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Door.

    M. Jean-Pierre Door

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    Monsieur le Premier ministre, le coronavirus continue de progresser dans le monde et la France n’est pas à l’abri d’une reprise épidémique. Les manifestations récentes à Paris, à Nice et lors d’une rave-party dans la Nièvre, à côté de ma circonscription, réunissant 5 000 personnes, sans précautions, relèvent de la provocation et, je le dis, de la débilité sociale.
    L’Académie nationale de médecine ainsi qu’une tribune signée par une quinzaine d’éminents médecins préconisent le port obligatoire du masque dans les lieux publics.
    Dans mon rapport parlementaire sur le risque épidémique, je prônais le port obligatoire du masque pour limiter la paralysie de l’État.

    M. Fabien Di Filippo

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    Oui, nous l’avions dit !

    M. Jean-Pierre Door

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    Nos voisins ont déjà adopté une telle mesure. D’inutile en mars, le masque devient utile aujourd’hui si l’on en croit les déclarations du Président de la République.
    Le groupe Les Républicains vous demande, monsieur le Premier ministre, de ne plus tarder et de ne plus tergiverser sur le port obligatoire du masque dans les lieux clos. Il y a urgence à l’imposer, dès ce week-end, pour éviter les manifestations à risque.

    M. Pierre Cordier

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    Le Président de la République a parlé du 1er août !

    M. Jean-Pierre Door

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    Dans le même temps, nous vous demandons d’accélérer le dépistage, car nous sommes loin des 700 000 tests par semaine promis. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Je partage votre agacement face aux images de la rave-party dans la Nièvre et, de manière plus générale, face à toutes les situations dans lesquelles des centaines, voire des milliers de personnes sont regroupées sans aucune protection ni distanciation sociale, et mettent en péril toute la stratégie française de lutte contre le coronavirus (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM). La ministre déléguée à la citoyenneté, Mme Marlène Schiappa, s’est rendue sur place.

    M. Fabien Di Filippo

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    Pour danser !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Il fallait envoyer Castaner !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Nous avons distribué masques, gel hydroalcoolique et bons de la Caisse nationale d’assurance maladie pour effectuer des tests. La situation était extrêmement délicate, et je vous remercie de me permettre de l’évoquer.
    S’agissant de la systématisation du port du masque dans les lieux clos, et demain de son obligation, un décret est en cours de finalisation. D’ici à lundi ou mardi, le port du masque sera généralisé.  

    M. Pierre Cordier

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    Dépêchez-vous !

    M. Olivier Véran, ministre

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    La vigilance ainsi que l’esprit de responsabilité et de citoyenneté des Français peut s’exercer sans qu’il soit besoin de prendre un décret.

    M. Bruno Studer

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    Absolument !

    M. Olivier Véran, ministre

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    J’invite l’ensemble des Français à porter sans délai un masque dans tous les lieux clos, quels qu’ils soient, d’autant plus s’ils sont nombreux à y être regroupés, sans attendre la parution du décret et l’inscription dans le marbre de l’obligation.(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.) Mais je rappelle aussi que le port du masque ne suffit pas s’il n’est pas accompagné d’une protection contre la transmission par les mains. Il faut conserver de la distanciation sociale, se laver les mains, utiliser du gel hydroalcoolique, changer régulièrement de masque et le porter correctement.

    M. Pierre Cordier

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    Vous avez dit le contraire en mars !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Il s’agit d’un travail de vigilance de tous les instants, absolument nécessaire, surtout à l’heure où certains indicateurs tendent à montrer que non seulement l’épidémie n’est pas terminée mais que çà et là des signes de résurgence du virus apparaissent – je pense à la Mayenne et à certains hôpitaux parisiens.
    S’agissant des tests, nous atteindrons prochainement la barre des 400 000 ; nous sommes capables d’en effectuer bien davantage, jusqu’à 1 million par semaine s’il le fallait (Exclamations sur les bancs du groupe LR).

    M. Pierre Cordier

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    Vous êtes bien le seul à y croire !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Les laboratoires sont aptes à le faire. Nous invitons les Français qui hésitent à sauter le pas. Le Président de la République a annoncé qu’une ordonnance ne sera bientôt plus nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)  

    Emploi des jeunes

    M. le président

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    La parole est à Mme Florence Morlighem.

    Mme Florence Morlighem

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    La crise sanitaire exceptionnelle que nous traversons aura dans les prochains mois de fortes répercussions économiques et sociales. La première urgence, soulignée par le Président de la République lors de son interview du 14 juillet et par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale hier, concerne l’avenir de nos jeunes. Un plan pour la jeunesse sera discuté avec les partenaires sociaux dès ce vendredi car rien ne se fera sans dialogue social.
    Il y a une véritable urgence sociale : 700 000 jeunes arrivent dès septembre 2020 sur le marché du travail. Il faut aller chercher les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Beaucoup a été fait depuis juin 2017 par le Gouvernement, soutenu par la majorité présidentielle – par exemple, le développement de l’apprentissage – mais la crise exceptionnelle que nous connaissons nous oblige à accélérer et à créer des mécanismes nouveaux, en particulier pour les jeunes qui n’ont pu trouver une entreprise pour les accueillir en apprentissage ou en alternance.
    Le service civique est un très bel outil d’engagement citoyen, destiné aux jeunes désireux de s’impliquer dans la vie de la cité. Il fonctionne : 140 000 jeunes sont aujourd’hui sous contrat. Il faut le développer pour toucher les jeunes éloignés de l’emploi.
    Il faut tout faire pour que les jeunes puissent avoir accès au marché du travail. Cela passe par une amplification de la réduction des coûts du travail pour les jeunes de moins de 25 ans, menée depuis juin 2017.
    Mais les situations des jeunes sont hétérogènes et doivent être appréhendées dans toute leur complexité. Il faut permettre aux jeunes privés de perspectives d’embauche à court terme de poursuivre leurs études, avec un accompagnement social.
    Pouvez-vous, madame la ministre du travail, nous présenter les principaux axes de la politique gouvernementale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

    Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion

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    Vous avez raison, madame la députée, notre urgence, c’est la jeunesse. Je connais votre engagement sur ce sujet dans le département du Nord.
    Nous avons demandé des sacrifices importants à nos jeunes pendant le confinement pour protéger nos aînés. Nous devons maintenant leur renvoyer l’ascenseur. Notre objectif est simple : ne laisser aucun jeune sans solution ; apporter des réponses adaptées à chaque situation.
    Pour les jeunes les plus proches de l’emploi, nous faciliterons les embauches en accordant une compensation de charges à hauteur de 4 000 euros par an, pour une embauche en CDI ou en CDD suffisamment long.
    Pour ceux qui veulent s’engager dans la voie de l’apprentissage ou dans un contrat de professionnalisation, nous continuerons à mettre le paquet : nous verserons une prime de 5 000 euros pour les moins de 18 ans et de 8 000 euros pour les plus de 18 ans.
    Pour les plus éloignés de l’emploi, nous créerons 300 000 parcours ou contrats d’insertion supplémentaires…

    M. Régis Juanico

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    Il ne fallait pas les supprimer !

    M. Boris Vallaud

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    Cela s’appelle des contrats aidés !

    Mme Élisabeth Borne, ministre

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    …en nous appuyant sur les dispositifs existants et en travaillant avec les acteurs locaux pour que ces contrats constituent un véritable tremplin vers un emploi durable.
    Enfin, nous créerons 100 000 postes supplémentaires en service civique pour ceux qui souhaitent accomplir une mission utile à la société en attendant que la conjoncture s’améliore.
    Ce plan sera discuté avec les partenaires sociaux demain, conformément à la méthode qui vous a été exposée par le Premier ministre hier.
    Notre jeunesse ne peut attendre. La réponse que nous élaborerons avec les partenaires sociaux et les territoires sera à la hauteur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe MODEM.)  

    Nouvelle étape de la décentralisation

    M. le président

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    La parole est à M. Joaquim Pueyo.

    M. Joaquim Pueyo

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    Il s’agit de ma dernière question, car je m’apprête à quitter mes fonctions de député à la suite de mon élection en tant que maire et président de la communauté urbaine d’Alençon. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    M. Pierre Cordier

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    Au moins, il est resté fidèle à ses convictions, lui !

    M. Joaquim Pueyo

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    Je tiens à remercier mes collègues, de tous les groupes politiques et non inscrits, avec lesquels j’ai noué des relations cordiales et humaines très enrichissantes dans le cadre de mon travail parlementaire.
    Il y a tout juste cinq mois, le Président de la République annonçait un confinement strict pour faire face à l’épidémie de covid-19.
    Dans l’ensemble des territoires, les élus locaux et les administrations locales ont été en première ligne pour répondre aux préoccupations, attentes et besoins des habitants. Nous avons à nouveau constaté l’importance des différents échelons décentralisés. Même si ce découpage territorial peut parfois créer des lenteurs et lourdeurs dans la prise de décision, il reste garant d’un dialogue avec l’ensemble des acteurs présents au plus près des préoccupations des Français. Si le caractère national d’une décision lui confère de la cohérence, l’application nécessite très souvent des adaptations aux particularités locales.
    Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué à de nombreuses reprises les territoires dans votre discours de politique générale, et annoncé des mesures visant à lier nouvel acte de décentralisation et plan de relance. Ce dernier doit rester au cœur de nos préoccupations afin de soutenir notre économie et maintenir le pouvoir d’achat des Français, notamment celui des plus fragiles.
    Si les collectivités locales sont en première ligne, il faut leur donner les moyens d’agir. Le texte de la future réforme devra être ambitieux et faire évoluer avec précision la décentralisation, la répartition des compétences et les modes d’élection. Mais tout cela n’aura aucun effet si les collectivités ne sont pas dotées des moyens humains et financiers de remplir leurs missions.
    Seul un nouvel acte de décentralisation et de déconcentration ambitieux sera à même de répondre à la volonté exprimée par nos concitoyens de participer à la définition des politiques publiques.
    Monsieur le Premier ministre, quels prérogatives et moyens seront-ils donnés aux collectivités locales dans le cadre du nouvel acte de décentralisation afin de répondre aux défis de demain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que parmi les députés non inscrits.)

    M. le président

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    Vous avez nos félicitations, cher collègue, et tous nos vœux de succès dans l’exercice du mandat qui vient de vous être confié à la tête de la ville d’Alençon. (Applaudissements.)
    La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

    Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

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    Monsieur le député, je tiens à vous féliciter pour votre élection à la mairie d’Alençon et à la communauté urbaine d’Alençon. (Applaudissements.)
    Vous avez fait le choix, après deux mandats nationaux, de devenir maire. Les citoyens vous ont élu. Je sais, pour avoir été maire pendant de longues années, la richesse de cette mission. Je connais votre sens du dialogue et du service public et je suis sûr que vos concitoyens l’apprécieront.
    Je voulais vous assurer de la mise en forme des mesures que vous avez mentionnées. Le Premier ministre a annoncé une nouvelle étape de la décentralisation, qui sera matérialisée dans un futur texte. Et la décentralisation s’accompagne toujours de moyens puisque la Constitution en fait obligation.
    Il sera aussi question de différenciation, et un projet de loi organique sera présenté en Conseil des ministres le 29 juillet.
    Monsieur le député, nous aurons encore de nombreuses occasions de travailler ensemble : en tant que maire et président de la communauté urbaine, vous aurez votre mot à dire ! Je serai ravie de venir à Alençon pour discuter de l’avenir de la décentralisation et des collectivités territoriales, qui, vous l’avez dit, sont toutes utiles et ont toutes vocation à servir nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)  

    Plan de relance européen

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabine Thillaye.

    Mme Sabine Thillaye

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    Demain et après-demain, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne se retrouveront à Bruxelles pour adopter le plan de relance et notre budget commun pour les sept années à venir. Deux jours. Deux jours pour s’accorder sur le sauvetage de l’Europe. Sur la table se trouve une solution à la hauteur de l’enjeu.
    Nous nous apprêtons à faire un saut qualitatif plus que jamais nécessaire : 750 milliards d’euros seront levés, au nom de tous. Certes, ce ne sera pas la première fois que la Commission européenne emprunte sur les marchés, mais cette fois-ci nous parlons de 500 milliards de subventions distribuées par le biais des programmes budgétaires de l’Union. En outre, la Commission propose un remboursement en fonction des contributions des États membres au budget et non des sommes utilisées par chacun.
    C’est peut-être un cap historique, mais les modalités d’attribution des fonds et de remboursement divisent les États. Or, nous le savons, il n’est guère possible de mettre d’accord vingt-sept pays sans faire de compromis, d’autant que le plan de relance et le cadre financier pluriannuel sont débattus conjointement, ce qui a pour effet de multiplier les leviers de négociations et les marchandages possibles.
    Comment s’assurer que l’intérêt collectif coïncide avec les ambitions françaises ? Je pense ici aux projets de défense européenne qui nécessitent un financement adéquat, au renouvellement de la politique agricole commune mais aussi à l’ambition de lier les financements au respect des règles de l’État de droit.
    Il faudra également traiter de la participation de chacun aux budgets. La philosophie du juste retour ou des rabais ne trouve plus d’écho en cette période de crise.
    Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les impératifs français ? Jusqu’où serez-vous prêt à aller pour les défendre ? Quelle synergie envisagez-vous entre le plan de relance français annoncé hier et celui de l’Europe négocié demain ? Quelle place pour l’écologie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EDS.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

    Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

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    Madame la présidente de la commission des affaires européennes, c’est une rencontre d’une extrême importance qui réunira, demain et après-demain, les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne : comme vous l’avez rappelé, un accord sur le plan de relance européen et sur le budget de l’Union européenne devra être trouvé. Il s’agit d’une révolution visant à créer concrètement un mécanisme de solidarité entre États membres pour faire face aux conséquences de la crise du covid-19, grâce à un emprunt et à une dette conjoints.
    Depuis le discours qu’il a tenu à la Sorbonne en septembre 2017, le Président de la République a eu l’occasion de rappeler l’importance qu’il attachait à la fois à la défense européenne et à la politique agricole commune. Ces éléments majeurs du budget européen feront partie des priorités défendues par la France dans les négociations à venir.
    Je veux évidemment dire un mot de l’écologie, que vous avez mentionnée à la fin de votre question, parce qu’elle constitue une préoccupation majeure de nos concitoyens. Comme vous le savez, le déploiement du Green Deal – du pacte vert – doit être au cœur de la relance.
    Cela signifie notamment que les nouveaux instruments financiers que sont le fonds de relance, le mécanisme de facilité pour la reprise et la résilience et le fonds pour une transition juste doivent être mobilisés, avec en ligne de mire l’objectif de neutralité carbone en 2050 et l’objectif intermédiaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030, le tout dans un souci de justice sociale et territoriale.

    M. Fabien Di Filippo

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    Ils ont beaucoup d’objectifs, mais ils ne les atteignent jamais !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Cela suppose également, et la France défend cette position, que nous appliquions très concrètement des écoconditionnalités à la mobilisation de ces financements, conformément notamment au principe du do not harm – agir sans nuire –, essentiel pour la protection du climat et de la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EDS et quelques bancs du groupe LaREM.)
    Cela veut dire, enfin, qu’une part substantielle, de 30 % du budget global – qui inclut le cadre financier pluriannuel et le plan de relance – devra être dédiée à l’objectif climatique et environnemental.
    Voilà les priorités qui seront défendues par le Président de la République et que je promouvrai dans les prochaines semaines auprès de mes collègues européens, avec lesquels j’ai déjà commencé à échanger. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et EDS.)

    Urgence économique

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget.

    M. Éric Pauget

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    Monsieur le Premier ministre, en période de crise, le temps est notre ennemi.

    M. Pierre Cordier

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    « Nous sommes en guerre », comme dirait le Président !

    M. Éric Pauget

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    Vous avez annoncé, hier, l’arrivée d’une crise économique majeure en France. C’est trop tard : la crise est déjà là depuis longtemps. Le manque d’anticipation face aux urgences d’hier conduit aux crises d’aujourd’hui. Avec elles, c’est l’habitude du retard qui s’installe malheureusement dans notre pays. Ce retard, vous l’accusez en premier lieu face à l’urgence sanitaire : qu’il s’agisse des masques, des tests, du gel hydroalcoolique ou des respirateurs, quel manque d’anticipation, alors que gouverner, c’est prévoir !

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Éric Pauget

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    Les crises se multiplient et se succèdent, et la gestion chaotique du Gouvernement a des conséquences catastrophiques : sanitaires d’abord, économiques ensuite et sociales désormais.
    Nous ne pouvons plus perdre de temps. La relance n’est pas seulement indispensable, elle est urgentissime. Pour de nombreuses entreprises françaises, en septembre, il sera trop tard. Chaque jour qui passe, notre économie dégradée fragilise un peu plus nos entreprises, nos emplois et notre société tout entière. Que de temps perdu : alors que nos voisins allemands et anglais ont déjà amorcé leur relance, vous préférez attendre encore deux mois de plus !

    M. Marc Le Fur

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    Tout à fait !

    M. Éric Pauget

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    Que de temps perdu, alors que les députés du groupe Les Républicains vous avaient proposé un plan de relance puissant, crédible et cohérent dès le mois de mai !
    Nous réclamons une relance économique pour accélérer la croissance. Pragmatiques et en avance, nous l’avons été quand nous proposions d’abaisser la TVA à 5,5 % dans les secteurs de l’hôtellerie et la restauration ; quand nous proposions de créer un statut d’intermittent du tourisme pour défendre l’activité et l’emploi, particulièrement dans mon département des Alpes-Maritimes, où le tourisme souffre ; quand nous proposions, le 11 juin dernier, de voter l’exonération des charges sociales pour l’embauche des jeunes. Ces solutions, vous les aviez alors tout simplement rejetées !
    Monsieur le Premier ministre, attendre la rentrée de septembre, c’est faire le choix d’arriver encore une fois trop tard.

    M. Pierre Cordier

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    Comme d’habitude !

    M. Éric Pauget

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    L’urgence économique, c’est maintenant ! À quand le passage des paroles aux actes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

    M. Pierre Cordier

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    Elle a oublié son masque !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie

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    Bien au contraire, je crois que l’État a été à la hauteur de ses responsabilités auprès des entreprises et de l’économie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) Son action est, me semble-t-il, largement reconnue par nos voisins européens et par les entreprises à l’activité internationale,…

    M. Patrick Hetzel

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    Venez dans nos circonscriptions, vous verrez ce qu’il en est !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    …qui nous font savoir que peu de pays peuvent se prévaloir d’avoir créé des dispositifs aussi rapidement et de les avoir appliqués avec autant d’efficacité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    L’État a assumé ses responsabilités auprès des salariés, en généralisant le dispositif de chômage partiel, qui a permis à 40 % de la population salariée de passer le cap de la crise. Il a été au rendez-vous pour les indépendants, en créant le fonds de solidarité, et pour les entreprises en multipliant les prêts garantis par l’État.
    Il est d’ores et déjà à la manœuvre pour la relance économique. Je songe au plan Relance tourisme, qui vous tient tant à cœur et qui vise à soutenir ce secteur si important. Ainsi déployons-nous déjà, depuis le 14 mai dernier, un plan inédit.

    M. Fabien Di Filippo

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    Dommage que les montants versés ne soient pas à la hauteur de la campagne marketing !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Je pense également au plan de soutien à l’aéronautique,…

    M. David Habib

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    Il n’y a rien pour les sous-traitants !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    …au plan d’aide à la filière automobile ou au plan en faveur du commerce de proximité, de l’artisanat et des indépendants. Au total, ce sont 460 milliards d’euros que nous mobilisons pour redresser notre économie : il me semble donc bien que nous sommes en avance.

    M. Fabien Di Filippo

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    Quelle anticipation…

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Oui, nous anticipons, tout en traitant l’urgence.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous regardez loin, mais vous êtes myopes !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Lorsque nous investissons au service de l’aéronautique et de la recherche et développement, en multipliant par quatre les budgets, nous regardons devant nous. Ces mesures figurent dans les plans déjà existants. Nous anticipons également les relocalisations, en incitant les équipementiers à investir 1 milliard d’euros dans les batteries et les chaînes de traction électriques. Je pourrais multiplier les exemples.
    Pour autant, nous ne confondons pas urgence et précipitation. C’est tout l’enjeu du plan de relance de 100 milliards d’euros : il sera au rendez-vous, au bon moment, pour approfondir cette trajectoire de reconstruction que nous avons déjà largement entamée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe MODEM.)

    Ségur de la santé

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Chalumeau.

    M. Philippe Chalumeau

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    Le Ségur de la santé vient de se conclure, le lundi 13 juillet, par un accord historique et la reconnaissance de la nation tout entière à nos soignants, célébrés à l’occasion du 14 juillet. La méthode employée en fait un accord historique, puisqu’en un temps record, vous êtes parvenu à mener une très large concertation, en portant une attention réelle et sincère au dialogue social avec l’ensemble des métiers du soin, afin d’aboutir à un consensus avec les organisations syndicales majoritaires. Ça n’était pas acquis d’avance et je tiens à saluer votre engagement personnel dans ce dialogue.
    Cet accord est aussi rendu historique par son ampleur et par son périmètre. En injectant 8,1 milliards d’euros dans les ressources humaines de nos hôpitaux, vous accordez des revalorisations salariales, largement méritées, mais d’un niveau jamais atteint. Elles concernent toutes celles et ceux qui font vivre nos services de soins au quotidien. Vous n’avez pas oublié non plus, et je vous en remercie particulièrement, les jeunes, étudiants en médecine, qui sont l’avenir de nos hôpitaux.
    Pour les personnels médecins, l’accord porte sur une enveloppe globale de 450 millions d’euros, versée aux praticiens qui s’engagent à ne travailler que dans les hôpitaux publics sans dépassement d’honoraires. Toutes ces revalorisations étaient urgentes et indispensables et je suis heureux qu’elles soient assorties d’une refonte des grilles salariales de la fonction publique hospitalière, incluant une évolution plus dynamique des carrières.

    M. Fabien Di Filippo

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    Si seulement vous nous aviez écoutés plus tôt !

    M. Philippe Chalumeau

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    Enfin, vous avez voulu et obtenu le recrutement de 15 000 soignants supplémentaires pour soulager les personnels très éprouvés par la durée et l’intensité de la crise.

    M. Fabien Di Filippo

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    Et la réorganisation de l’administration ?

    M. Philippe Chalumeau

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    Ce Ségur de la santé est la traduction de la volonté de réparer l’hôpital français…

    M. Pierre Cordier

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    Vous avez tout détruit depuis trois ans !

    M. Philippe Chalumeau

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    …et de poser les fondations de l’hôpital de demain – un hôpital plus humain, plus solidaire, plus efficace, plus complémentaire du secteur privé, disposant de davantage de moyens mieux alloués, mais aussi et surtout un hôpital plus attentif à la préservation de sa vraie richesse, qui constitue un bien commun et un patrimoine national : ses personnels !

    M. Pierre Cordier

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    Vous êtes le seul à y croire !

    M. Philippe Chalumeau

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    Après le plan « ma santé 2022 »,…

    M. Raphaël Schellenberger

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    C’est le énième plan depuis le début du quinquennat !

    M. Philippe Chalumeau

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    …après la reprise d’un tiers de la dette de nos hôpitaux, après ce Ségur, et sans oublier la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à l’autonomie, quels seront vos nouveaux axes prioritaires en matière de politique hospitalière, et plus généralement de santé publique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Marc Le Fur

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    S’il ne devient pas secrétaire d’État… (Sourires sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Vous avez raison de souligner l’ampleur de l’accord obtenu à l’issue du Ségur de la santé : 7,6 milliards d’euros de revalorisations ont été obtenus pour plus de 1,5 million de salariés des hôpitaux et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – publics, associatifs ou privés. Ces salariés, dont plus de 80 % sont des femmes, prennent soin de nous quand nous en avons besoin et exercent des métiers sous-valorisés et sous-payés, depuis des décennies. Ces 7,6 milliards, c’est quarante fois les dernières revalorisations salariales hospitalières !  Eh oui ! » sur les bancs du groupe LaREM.) Quarante fois ! Voilà pour les chiffres.
    Vous soulignez également qu’un accord a été trouvé avec les organisations médicales, qui permet d’améliorer l’attractivité des carrières dans la durée, mais aussi de favoriser les débuts de carrière des médecins hospitaliers, qu’on a tant de mal à recruter puis à convaincre de continuer à exercer à l’hôpital. Vous avez raison : entre autres mesures, nous avons fait le choix, avec les syndicats, de prioriser les médecins dont l’exercice est exclusivement public, sans activité privée.
    J’ai eu l’honneur et le plaisir de signer ce matin des accords avec les externes en médecine, les internes de médecine générale et les internes de médecine spécialisée. En matière d’accord, la boucle est ainsi bouclée, et le Ségur est à la hauteur de l’ambition qui avait été fixée par le Président de la République puis soutenue activement par le Premier ministre – qui a ajouté, rappelons-le, 1 milliard d’euros aux revalorisations accordées et annoncé la création de 15 000 emplois supplémentaires à l’hôpital. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    Depuis combien d’années l’exécutif n’avait-il pas admis qu’il fallait créer des postes à l’hôpital et rouvrir des lits ? Nous, nous l’avons dit, et nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    Il faudra en parler à Agnès Buzyn !

    Politique agricole

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Nous sommes loin du discours tenu à Rungis par le Président de la République et des espérances nées des états généraux de l’alimentation. Je le dis sincèrement : les élus du groupe socialiste partagent la déception…

    M. Pierre Cordier

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    Stéphane Travert, où es-tu ?

    M. Dominique Potier

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    …traduite par l’Observatoire de la formation des prix et des marges il y a quelques jours : non, pour les éleveurs et les producteurs de lait ou de viande, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, – loi EGALIM – n’a pas été conforme aux attentes. (M. Jean-Louis Bricout applaudit.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Nous l’avions annoncé !

    M. Raphaël Schellenberger

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    Nous l’avions dit depuis le début !

    M. Dominique Potier

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    C’est un échec que nous devons assumer ensemble, d’autant plus que la loi Sapin II – relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – que nous avions nous-même initiée n’avait pas non plus été, dans son volet agricole, à la hauteur des espoirs qu’elle avait suscités. Regardons les choses en face.
    Il nous reste deux ans pour agir. Nous vous proposons, monsieur le ministre de l’agriculture, d’investir trois champs, qui peuvent sauver ce mandat et être utiles au monde agricole.
    Le premier touche à une loi foncière.

    M. Thierry Benoit

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    Très bien !

    M. Dominique Potier

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    La moitié des agriculteurs prendront leur retraite dans les dix années à venir. L’accaparement des terres est un appauvrissement économique, social et écologique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR, FI, LR, UDI-I, EDS et parmi les députés non inscrits.) Nous avons besoin, face aux dérives ultralibérales, de retrouver une régulation du foncier pour assurer une relève générationnelle et assurer l’esprit d’entreprise dans nos campagnes.
    Le deuxième champ est celui de la politique agricole commune – PAC. Je le regrette, mais il semble que la France ne soit pas assez investie dans le Green Deal – le pacte vert – et le levier qu’il peut constituer pour améliorer cette politique.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Dominique Potier

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    Nous vous invitons notamment à débattre avec nous de quatre sujets, monsieur le ministre. Il s’agit d’abord de mobiliser le premier pilier de la PAC pour soutenir les organisations de producteurs et leur rôle dans la fixation des volumes et des prix, ce que la loi EGALIM n’a pas permis de faire. Il faut ensuite orienter le deuxième pilier vers la haute valeur environnementale, pour relancer le récit de l’agro-écologie, qui réconcilie société et agriculture. Le troisième chantier, que vous connaissez très bien, est celui de l’autonomie protéique, qui doit être favorisée par des aides découplées. Ces leviers sont à votre portée.

    M. le président

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    Veuillez conclure, monsieur le député…

    M. Dominique Potier

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    Le dernier point, le plus important, sur lequel vous pouvez vous engager ici et maintenant, consiste à garantir que la France, dans le cadre du processus de ratification du traité mixte avec le Mercosur – marché commun du Sud –, qui pourrait connaître une accélération sous la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne, mettra son veto à un tel accord, pour que l’agriculture reste une assurance-vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR, EDS, UDI-I, LR et parmi les députés non inscrits.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Pierre Cordier

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    Tiens, Didier Guillaume a rajeuni !

    M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    Il se trouve que, parmi les premiers documents que j’ai consultés en prenant mes fonctions, figure le rapport d’information sur le foncier agricole que vous aviez rédigé avec Anne-Laurence Petel en décembre 2018. Vous y indiquiez que l’agriculture française doit reposer sur deux notions clefs : protéger et partager. Je connais vos valeurs et je partage nombre d’entre elles. Je peux ainsi vous assurer que ces deux axes sont ceux que nous devons suivre dans la construction de notre politique agricole.

    M. Thierry Benoit

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    Très bien !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Cela me permet de répondre à certaines de vos questions.
    S’agissant du foncier, nous devons protéger nos agriculteurs de l’artificialisation des sols. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et EDS.) Lorsque le Premier ministre a appelé, dans sa déclaration de politique générale, à un moratoire sur tous les nouveaux centres commerciaux, notamment pour éviter que des terres agricoles soient grignotées par ces centres, il allait dans ce sens.
    Je suis également prêt à avancer sur la question des statuts et des fermages, et à discuter de la proposition de loi foncière que vous défendez. Que cette réforme doive ou non prendre la forme d’une loi importe peu : le danger serait qu’il n’y ait plus de transmission du foncier.

    M. Thierry Benoit

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    Très bien !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Nous devons donc avancer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et EDS.)
    Protéger, c’est aussi protéger l’agriculture et l’environnement. À ce titre, le Président de la République l’a redit le 29 juin devant les 150 participants à la convention citoyenne pour le climat : la France s’opposera à l’accord de libre-échange avec le Mercosur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-I et Agir ens.)

    M. Pierre Cordier

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    S’il l’a dit…

    M. Fabien Di Filippo

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    Les agriculteurs n’ont aucune raison de s’inquiéter !

    M. Raphaël Schellenberger et M. Marc Le Fur

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    Et qu’en est-il du CETA passé avec le Canada ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Le deuxième grand axe consiste à partager : l’alimentation française doit être accessible à tous les Français. Ce qui est en jeu, c’est la question de la souveraineté alimentaire, que vous appelez aussi de vos vœux.
    Cela veut dire qu’il faut par exemple que le plan protéines soit un des vecteurs du plan de relance – nous en avons largement discuté. Voilà ce à quoi correspond la souveraineté alimentaire.
    Je conclurai, comme j’avais commencé, en citant un rapport parlementaire, celui que vous avez signé, monsieur Potier, avec des collègues de différents groupes : Sébastien Jumel, Julien Dive, Richard Ramos… et j’en oublie un…

    M. Dominique Potier

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    Stéphane Travert ! (Sourires.)

    M. Julien Denormandie

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    Oui, mon ami Stéphane Travert, que je salue. La souveraineté alimentaire est une question essentielle !

    M. le président

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    Monsieur le ministre, vous faites bien de citer les grands auteurs qui produisent des rapports parlementaires, lesquels devraient plus souvent inspirer l’action du Gouvernement ! (Applaudissements nourris sur la majorité des bancs. De nombreux députés se lèvent.) Allons, vous allez me faire rougir !

    Lutte contre l’insécurité

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Monsieur le Premier ministre, votre ministre de l’intérieur était dimanche à Calais pour rencontrer les forces de l’ordre qui luttent contre l’immigration irrégulière. Une visite de plus d’un ministre de l’intérieur de plus, pour que, au bout du compte, rien ne change pour les habitants et les entreprises du Calaisis qui vivent dans l’insécurité permanente. Les passeurs ont d’ailleurs envoyé un message très clair puisque, ce même jour, 180 migrants traversaient illégalement la Manche, ce qui constitue un record.  Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Quand il s’agit de la sécurité des Français, seuls les actes importent. En cela, vous êtes comptable, monsieur le Premier ministre, du bilan catastrophique du président Macron.  Oh ! » sur les bancs du groupe LaREM.)
    Ces trois dernières années, l’insécurité a explosé dans notre pays. Partout l’autorité de l’État recule. Des gendarmes se font assassiner. Des bandes rivales s’échangent des rafales d’armes automatiques. Un chauffeur de bus se fait lyncher pour un ticket et trois masques. Des pompiers en intervention sont visés par des tirs d’armes à feu. Plus aucune manifestation ne se déroule sans violence. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe LaREM.)
    Ces trois dernières années, le communautarisme a gangrené des pans entiers de notre pays. Le voile dans l’espace public n’est pas l’affaire du Président. Les mosquées salafistes restent ouvertes. Les 3 000 étrangers radicalisés ne sont pas expulsés. Les femmes sont exclues de certains lieux publics.
    Ces trois dernières années, l’immigration est devenue hors de contrôle.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Aucun acte !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Le nombre de titres de séjour a augmenté de 20 %. Moins de 10 % des obligations de quitter le territoire français sont exécutées. Le débat sur la politique migratoire n’a suscité qu’incompréhension, déception et désillusion.
    Monsieur le Premier ministre, avec votre nomination, on promettait aux Français un changement de cap. Ce cap fut tracé le 14 juillet quand le Président de la République, en quatre-vingts minutes d’interview, a admis son échec sur la sécurité en restant muet sur le sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    Scandale !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Avec Emmanuel Macron, la France s’est transformée en un pays où la violence est devenue le principal moyen d’expression, l’impunité pour les délinquants la norme et l’autorité de l’État une chimère. (M. Marc Le Fur applaudit.) Avez-vous, monsieur le Premier ministre, conscience de l’état de déliquescence dans lequel se trouve notre pays ? (M. Marc Le Fur applaudit.) Avez-vous conscience de l’urgence de réarmer l’État ? Allez-vous faire du rétablissement de l’autorité de l’État la priorité absolue des deux dernières années de votre quinquennat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que parmi les députés non inscrits.  M. Meyer Habib applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Marc Le Fur

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    Et le Premier ministre, répond-il de temps en temps ?

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Monsieur Dumont, je n’ai pas tout compris, car vous parliez très vite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) J’ai toutefois noté que le ton de votre question était très différent de l’accueil républicain que vous m’avez réservé lors de ma visite dans la jolie ville de Calais, lorsque vous m’avez remercié d’être venu trois jours après ma nomination. Je regrette, pour tous les habitants qui y habitent, que votre présentation de votre territoire ne soit pas plus positive. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    M. Maxime Minot

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    C’est petit !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Monsieur le député, nous connaissons tous deux très bien notre région, tout comme d’ailleurs ma collègue Brigitte Bourguignon. Vous avez raison sur un point : il existe à Calais un problème migratoire ancien, qui n’est bien évidemment pas dû aux Calaisiens mais pas non plus, si vous me le permettez, aux politiques menées par la République française à travers trois gouvernements successifs.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous l’avez aggravé !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il s’explique par le fait que des gens, souvent en raison de la peur, de la détresse, de la pauvreté mais aussi des trafics des passeurs comme vous le savez, veulent profiter de cet accès facile à l’Angleterre et se posent de manière tout à fait illégale sur le territoire calaisien.
    Dès le lendemain de ma prise de fonction, comme vous le savez, j’ai demandé à M. le préfet du Pas-de-Calais d’ordonner une expulsion : sur les 800 migrants qui étaient revenus sur le territoire du Calaisis, 500 ont été évacués.

    M. Pierre Cordier

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    Où sont-ils ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je me suis rendu sur place avec Mme Schiappa.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous avez été à un anniversaire !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    J’ai discuté non seulement avec vous mais aussi avec les policiers qui accomplissent un travail formidable et que je veux ici saluer, ainsi qu’avec la maire de Calais. J’ai fait ce qu’aucun ministre de l’intérieur n’avait fait depuis longtemps en demandant à mon homologue britannique de venir à Calais, ce qu’il a fait quarante-huit heures plus tard, afin de rendre visite aux forces de l’ordre et de travailler ensemble, non seulement pour renforcer les moyens de sécurité mais surtout pour lutter contre l’immigration illégale. Vous verrez dans quelques jours que ce n’est pas un vain mot. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et quelques bancs du groupe MODEM.)

    M. Pierre Cordier

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    Il ne s’agit pas de faire des visites !

    M. Patrick Hetzel

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    Ce n’est que de la com !

    Soutien aux agriculteurs

    M. le président

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    La parole est à Mme Pascale Boyer.

    M. Fabien Di Filippo

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    Future présidente de groupe !

    Mme Pascale Boyer

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    Mon collègue Adrien Morenas, député du Vaucluse, se joint à moi pour cette question. Au cours de la crise sanitaire, les Français ont redécouvert que l’agriculture française les nourrissait. Nos agriculteurs ayant permis au système de tenir, remercions-les sincèrement une nouvelle fois ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, EDS et UDI-I.)
    La crise a pourtant montré des points de fragilités. Il est désormais urgent d’identifier les faiblesses et les difficultés qui auraient pu créer des blocages si la crise s’était prolongée. J’en veux pour exemple le problème du déficit de main d’œuvre saisonnière, conséquence de la fermeture des frontières.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’était déjà un problème avant la crise !

    Mme Pascale Boyer

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    Si une nouvelle fermeture était décidée, elle mettrait en péril le ramassage des prochaines récoltes. C’est pourquoi l’hypothèse d’un régime proprement français a été ravivée.
    D’autres questions sont à étudier : l’amélioration des circuits logistiques, de distribution et de transformation des matières premières, l’augmentation des prix des produits alimentaires, les marges de la grande distribution, les distorsions de concurrence intra-européenne sur le plan social et environnemental et les exportations de notre savoir-faire agricole vers des marchés à forte expansion démographique. L’attractivité des territoires ruraux passe évidemment par les conditions de vie qu’il est possible d’y trouver mais ce n’est pas suffisant : elle reste conditionnée par le soutien que nous pourrons apporter au maintien ou à l’implantation de nos entreprises rurales dans les secteurs agricoles et agro-alimentaires.
    Alors que la volonté du Premier ministre est d’engager prochainement une conférence avec les territoires, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre de l’agriculture, vos orientations en matière de souveraineté agricole et alimentaire et vos actions pour que les acteurs des territoires soient pleinement associés au plan de relance ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    Vous avez raison de mettre en avant celles et ceux qui, pendant la crise sanitaire, ont permis aux Français de tenir. Le 14 juillet dernier, la France a rendu un hommage appuyé à toutes celles et ceux qui étaient en première ligne, au front : les soignants.

    M. Fabien Di Filippo

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    Il a réussi à dire dix-huit fois « celles et ceux » !

    M. Julien Denormandie

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    L’après-midi même, je me suis rendu dans une exploitation agricole. Par ce geste, je voulais, en cette journée d’hommage, témoigner aussi de la reconnaissance de la République envers les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs, toutes celles et ceux qui, à chaque maillon de la chaîne, ont permis à tous les Français d’avoir accès à l’alimentation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.  M. Jean-Paul Dufrègne applaudit également.)
    Deuxièmement, la vision que nous devons avoir de la politique agricole et alimentaire est assez simple. Elle repose sur la souveraineté alimentaire française.

    M. Marc Le Fur

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    Et le CETA ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Depuis quelques mois, la santé est au cœur de toutes nos discussions. Or, on ne le dit pas assez souvent mais une bonne santé passe par une bonne alimentation. Quelle est la meilleure alimentation au monde ? L’alimentation française, grâce à l’agriculture française ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Il va falloir l’aider un peu !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    La solution est donc simple : garantir la souveraineté agricole et alimentaire française. Dans cette perspective, il faut continuer à avancer sur de nombreux dossiers. J’en profite au passage pour rendre hommage à mes prédécesseurs, Stéphane Travert et Didier Guillaume.  Ah ! » sur divers bancs.)
    Parmi ces dossiers figurent la définition du juste prix, qui n’a pas encore abouti et sur laquelle il faut continuer à avancer, tout comme sur l’investissement dans l’agro-écologie – car les premiers à souhaiter cette transformation sont les agriculteurs eux-mêmes – ou sur la structuration de la filière alimentaire, un réseau de PME et d’ETI qu’il faut continuer à aider, ce que prévoit d’ailleurs le plan de relance, notamment concernant les circuits courts.

    M. Pierre Cordier

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    Parlons du CETA et des importations de viande nord-américaine !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    La politique agricole doit enfin être sociale, parce que l’alimentation française doit profiter à tous les Français. C’est une des autres questions sur lesquelles le Premier ministre m’a demandé de travailler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Ségur de la santé

    M. le président

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    La parole est à M. Alain Bruneel.

    M. Alain Bruneel

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    Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, les soignants ont eu de l’espoir au début de la crise du covid-19, lorsque le Président de la République a déclaré que la santé n’a pas de prix, et qu’il souhaitait décliner un grand plan massif d’investissement pour l’hôpital. Les soignants étaient alors des « héros » selon les termes du Président de la République, des « génies » selon vos propres mots, monsieur le ministre.
    Entretemps est né le Ségur de la santé, énième consultation avec les soignants. Puis est arrivé le 14 juillet, avec son décorum joliment posé pour les professionnels qui étaient en première ligne, dont les soignants : le défilé, le Grand Palais, la place de la Concorde, les médailles et une Marseillaise entonnée à l’unisson.
    Le même jour, à Paris et ailleurs en France, des milliers de soignants ont manifesté pour exprimer leur déception face aux accords du Ségur. Car aujourd’hui, force est de constater que le Ségur n’a pas fière allure et rime avec demi-mesures.  Oh ! » sur les bancs du groupe LaREM.) On pourrait aussi dire « deux poids, deux Ségur » car il n’est pas à la hauteur des attentes exprimées par une majorité des soignants.
    Si les augmentations de salaires vont certes améliorer l’ordinaire, les calculs sont vite faits : les 183 euros prévus permettent juste de rattraper la perte de pouvoir d’achat accumulée depuis 2010 du fait du blocage des salaires dans la fonction publique. Je rappellerai que ces augmentations ont été arrachées de haute lutte, de mobilisations en mobilisations,  par les soignants dans la rue depuis de nombreux mois.
    Les personnels hospitaliers ne sont pas des marchands de tapis, ils demandent 300 euros par mois : ce n’est pas de l’aumône mais une revalorisation légitime. Ils revendiquent l’arrêt des plans de retour à l’équilibre financier, la réouverture de lits pour les patients et demandent à être plus nombreux pour ne pas être épuisés au travail. Monsieur le ministre, ces revendications n’ont toujours pas trouvé de réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Une députée du groupe LaRem

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    Et surtout pas avec vous !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Monsieur Bruneel, votre question comporte quelques contre-vérités. Je voudrais y revenir, calmement. Tout d’abord, je crois que vous n’étiez pas présent place de la Concorde le 14 juillet…

    M. Pierre Cordier et M. Patrick Hetzel

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    Il n’était pas invité !

    M. Olivier Véran

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    …ni au Grand Palais la veille au soir, lorsque j’avais invité 800 soignants investis dans le combat contre le covid-19 et dont certains avaient perdu des membres de leur famille. Je peux vous dire que, sur place, l’émotion était palpable, tout au long de la soirée et tout au long de la belle cérémonie du 14 juillet, et que personne n’a remis en question l’intérêt majeur, pour la nation, de rendre ainsi hommage à ces soignants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) J’en garderai un souvenir à vie.
    Vous parlez ensuite de la revalorisation des salaires des soignants. Lisez donc la totalité des accords, dont vous dites qu’ils sont rejetés par une majorité d’entre eux. Monsieur Bruneel, en tant que député communiste, les accords salariaux avec les syndicats, cela vous parle !

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    Il a oublié !

    M. Pierre Cordier

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    Communistes et socialistes, vous vous entendiez bien, avant…

    M. Olivier Véran, ministre

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    Vous savez ce qu’est un accord majoritaire ! Dès lors que l’UNSA, la CFDT et Force ouvrière signent un accord, celui-ci devient majoritaire. Je sais que vous respectez le dialogue social, faites-le donc aussi lorsque nous en sommes à l’origine ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    Eh oui !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Vous avez cité la première des trois mesures de revalorisation prévues par cet accord salarial, l’augmentation de 183 euros net qui concernera tout le monde, de l’électricien à la sage-femme en passant par l’infirmière, l’aide-soignante ou encore  l’agent de service hospitalier, soit 1,5 million de professionnels à l’hôpital.
    Or il existe une deuxième ligne de revalorisation, à propos de ce qu’on appelle le travail sur les grilles indiciaires : 35 euros net de plus en moyenne par mois pour tous les soignants et professionnels de la filière médico-technique. La somme atteint ainsi déjà près de 220 euros. Ajoutez-y la troisième ligne, qui concerne l’engagement collectif, et vous arrivez presque aux 300 euros que vous avez mentionnés.
    Enfin, si vous prenez en compte la quatrième ligne, qui prévoit la majoration de 50 % de cinq heures supplémentaires par semaine, pour toute infirmière qui souhaiterait en faire, vous explosez les 300 euros : on atteint alors 450, voire 500 euros ! C’est la plus forte revalorisation de salaires qui ait été décidée. Personne ne dira que c’est trop, tout le monde dira que c’est juste. Reconnaissez-le au moins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    C’est pour rattraper le retard de Mme Buzyn !

    M. le président

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    La parole est à M. Alain Bruneel.

    M. Alain Bruneel

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    L’émotion du 14 juillet, permettez-moi de la partager. Elle a été ressentie bien avant cette date dans les hôpitaux, elle a été vécue par les citoyens qui, dans les quartiers, ont applaudi les soignants, ces « génies » comme vous les avez appelés. Vous dites que l’augmentation est de 300 euros mais dans ce cas, pourquoi ne figure-t-elle pas sur les feuilles de salaires ? Pourquoi avez-vous préféré la décortiquer ainsi ? Vous ne vous donnez pas les moyens…

    M. le président

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    Merci, monsieur le député.

    Report de la suppression de la taxe d’habitation

    M. le président

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    La parole est à Mme Constance Le Grip.

    Mme Constance Le Grip

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    Monsieur le Premier ministre, vous avez indiqué hier, dans votre déclaration de politique générale, ne pas vouloir augmenter les impôts. Bien. Il est vrai que la France est déjà championne d’Europe des prélèvements obligatoires : nul n’est donc besoin d’en rajouter. En même temps, le chef de l’État, dans son entretien télévisé du 14 juillet, a évoqué comme une possibilité l’idée de décaler « un peu, pour les plus fortunés », la suppression de la taxe d’habitation.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Ce serait une très bonne mesure !

    Mme Constance Le Grip

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    Quand il dit « les plus fortunés », le président Macron évoque les 20 % de Français qui paient encore la taxe d’habitation, c’est-à-dire ceux des Français qui ont des revenus supérieurs à 2 500 euros par mois – autant dire les classes moyennes. Pour ces dernières, la suppression de la taxe d’habitation, qui était l’un des engagements forts du candidat Macron en 2017, est donc repoussée aux calendes grecques.
    Une telle décision, si elle devait être confirmée, serait en contradiction totale non seulement avec une promesse de campagne, mais également avec l’engagement du Gouvernement et avec la trajectoire de suppression de la taxe d’habitation prévue par la loi de programmation des finances publiques. Elle représenterait une hausse d’impôts et rendrait la taxe d’habitation terriblement injuste en la concentrant sur ceux des Français qui ont des revenus moyens – ces classes moyennes encore et toujours considérées comme des vaches à lait.
    J’ajoute que le Conseil constitutionnel a lui-même souligné que si la taxe d’habitation devait être supprimée, elle devait l’être pour tout le monde, cela au nom du principe d’égalité devant l’impôt.
    Ma question est donc très simple : sortez de l’ambiguïté et dites-nous quand la taxe d’habitation sera supprimée pour l’ensemble des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

    M. Fabien Di Filippo

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    Rendez l’argent !

    M. Éric Ciotti

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    Mais où est passé le Premier ministre ?

    M. Marc Le Fur

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    Avant, le Premier ministre répondait !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie

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    Je me réjouis d’entendre ce flamboyant plaidoyer pour la suppression de la taxe d’habitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Je m’en réjouis d’autant plus que je ne crois pas avoir entendu cet enthousiasme ces trois dernières années sur vos bancs. (Mêmes mouvements.)

    M. Maxime Minot

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Enfin, vous reconnaissez ce geste inédit qui consiste à supprimer 20 milliards d’euros de taxe pour l’ensemble des ménages français ! Je tiens d’emblée à vous rassurer : il n’est pas question de ne pas supprimer la taxe d’habitation pour tous les ménages.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    C’est bien dommage !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    D’ailleurs, le Conseil constitutionnel l’a souligné : c’est une question d’égalité des Français devant l’impôt.
    Il est peut-être question, pour certains des 20 % de ménages évoqués, de légèrement repousser cette baisse d’impôt.

    M. Patrick Hetzel

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    Enfumage !

    M. Maxime Minot

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    Arrêtez votre cinéma !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Je tiens également à vous rassurer : nous ne reviendrons pas sur la suppression de 5 milliards d’euros d’impôt sur le revenu des personnes physiques, suppression qui touche les classes populaires qui travaillent, les classes moyennes qui travaillent ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Et les 30 milliards d’euros d’impôts que nous avons supprimés depuis le début du quinquennat, ils sont bien dans la poche des Français ! Cela représente une augmentation du pouvoir d’achat de 550 euros en moyenne pour 17 millions de ménages !

    M. Patrick Hetzel

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    Répondez à la question !

    M. Fabien Di Filippo

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    Félicitations pour votre brillante élection à Paris ! Vous avez fait 2 % : arrêtez les effets de manche !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Alors merci, madame la députée, de nous donner l’occasion de montrer à quel point notre politique fiscale a été menée au service des Français qui travaillent, au service des Français qui ont été en première ligne pendant la crise du covid-19, au service de ceux qui contribuent à construire notre force économique et à consolider le lien social dans les territoires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Après votre échec cuisant aux élections municipales, vous devriez vous montrer moins arrogante ! Vous n’avez même pas réussi à vous faire élire !

    Préparation des établissements de santé à une seconde vague épidémique

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat.

    Mme Caroline Fiat

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    Monsieur le Premier ministre, avant d’occuper vos fonctions, vous avez été chargé du déconfinement et, si nécessaire, du reconfinement. C’est à ce titre que je vous interroge. Dans l’hypothèse d’une seconde vague, que redoute M. Salomon, directeur général de la santé – DGS –, pensez-vous que nos établissements de santé et leurs personnels seraient prêts à y faire face si celle-ci survenait en 2020 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Au total, 17 000 patients auront été admis en réanimation au cours de la première vague. Les soignants et les médecins ont armé les lits de réanimation des hôpitaux et des cliniques de manière à être en mesure, si nécessaire, d’accueillir jusqu’à 30 000 malades. Je puis vous assurer par ailleurs que nous disposons désormais d’un stock nous permettant de faire face à au moins six semaines de besoins de produits anesthésiques ; nous disposons aussi, après avoir commandé près de 4 milliards de masques, du matériel de protection nécessaire pour nos hôpitaux.
    Nos soignants sont fatigués, madame la députée, ils ont besoin de repos…

    M. Maxime Minot

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    Mme Fiat aussi a remis sa blouse, monsieur le ministre !

    M. Olivier Véran, ministre

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    …et il ne saurait être question, individuellement ou collectivement, de prendre le risque de faire repartir l’épidémie.
    Vous me demandez si nous sommes prêts ; je vous réponds que nous faisons le maximum pour l’être et pour faire face aux éventualités les plus compliquées et les plus douloureuses. Toutefois, je profite de votre question pour redire aux Français qu’il faut faire preuve d’une vigilance constante au cours des jours et des semaines à venir. Les Français qui le souhaitent pourront se faire tester sur leur lieu de vacances ; ils pourront obtenir des masques, accéder à des consultations médicales ou à des téléconsultations. C’est ainsi que nous éviterons d’avoir à nous poser la question de savoir si les hôpitaux peuvent faire face à une seconde vague. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Pierre-Yves Bournazel et Mme Maina Sage applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat.

    Mme Caroline Fiat

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    À ce jour, les personnels travaillent toujours en mode dégradé : pénurie de gants à venir, surblouses en sac poubelle, absence de masques FFP2 dans certains établissements, sous-effectifs… Ce ne sont pas des annonces pour 2021 qui aideront si la seconde vague arrive en 2020 ! Ce Ségur de la santé est une arnaque (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM) : rien sur l’attractivité de nos métiers.
    Vous vous demandez, bouche bée, pourquoi les personnels ne sont pas satisfaits de votre Ségur. Sans une augmentation de 300 euros, vous pouvez bien doubler le nombre de postes vacants, vous ne trouverez personne pour les pourvoir !
    On parle de santé. Voulez-vous revivre l’hécatombe de la première vague dans nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD –, le cauchemar dans nos hôpitaux ? Nous avons actuellement moins de lits qu’avant la crise !
    Quand le patron de Renault est venu vous réclamer de l’argent, vous ne lui avez pas répondu : « on va faire un Ségur des voitures ! » Bim : 8 milliards ! Quand le patron d’Air France est venu vous réclamer de l’argent, vous ne lui avez pas répondu : « on va faire un Ségur des avions ! » Bim : 8 milliards ! (Brouhaha.) Mais dès qu’il s’agit de la santé des Français, vous freinez des quatre fers : inadmissible ! Quand vous donnez 8 milliards à Air France pour supprimer 8 000 emplois, dites-vous bien que nous, sur ces bancs, ces 8 milliards d’argent public, nous les aurions mis dans les EHPAD et nous aurions créé 210 000 emplois ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.)
    Monsieur le Premier ministre, non, nos établissements de santé ne sont pas prêts et vous ne leur donnez pas les moyens de l’être ! Qu’attendez-vous pour débloquer dès aujourd’hui les fonds nécessaires pour que plus jamais nous n’ayons à subir le cauchemar de la première vague et pour qu’enfin, nous puissions traiter dignement nos patients et nos résidents ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. Pierre Cordier

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    Ça, ça fait mal !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Je ne vous répondrai pas concernant Air France, car je suis ministre des solidarités et de la santé.

    M. Pierre Cordier

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    Ça vous arrange bien !

    M. Maxime Minot

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    Sinon, il y a un Premier ministre…

    M. Olivier Véran, ministre

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    Vous parlez de « l’arnaque du Ségur ». Vous avez été aide-soignante, comme moi mais plus longtemps que moi. Le salaire moyen d’une aide-soignante est de 1357 euros net par mois. Après le Ségur de la santé, les aides-soignants gagneront au minimum 220 euros net par mois de plus. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-I. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

    M. Pierre Cordier

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    Elle le sait, c’est son boulot !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Vous qui êtes si prompte à considérer que perdre 5 euros par mois est un drame, 220 euros par mois en plus, ce n’est pas un cadeau, c’est juste : reconnaissez-le ! Sur ce point, vous n’êtes pas raisonnable ! (Mêmes mouvements.)

    Assistance aux Français de l’étranger

    M. le président

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    La parole est à M. M’jid El Guerrab.

    M. M’jid El Guerrab

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    Monsieur le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, permettez-moi de commencer ma question par une petite devinette : quel est le point commun entre Édouard Philippe, Emmanuelle Béart, Gad Elmaleh ou encore Philippe Séguin – paix à son âme ? Que cela soit à Bonn, Montréal, Casablanca ou Tunis, ils ont été à un moment de leur vie des Français de l’étranger.
    Célèbres ou anonymes, nos 3,5 millions de compatriotes qui vivent à l’étranger ont la France chevillée au cœur – mais ils ont parfois, hélas, le sentiment d’être oubliés. Dans les récentes interventions majeures qui tracent le chemin des deux prochaines années, ils n’ont malheureusement pas été évoqués. De retour de ma circonscription où j’étais hier, en Tunisie, j’ai constaté leurs inquiétudes, notamment celle liée à l’impossibilité de pouvoir revenir en France.
    Ainsi, monsieur le ministre délégué, si je n’ai jamais cessé de louer le travail exceptionnel réalisé par les agents de votre ministère, qui a permis le retour de 250 000 Français de passage, il est grand temps de concentrer nos efforts sur la situation de nos compatriotes à l’étranger, qui craignent également pour leurs emplois. Il y a également de grandes craintes liées au maintien de notre réseau d’écoles françaises à l’étranger, que beaucoup de pays nous envient, ainsi que sur l’évolution de la situation sanitaire face à la menace d’une seconde vague.
    Les postes consulaires, les élus des Français de l’étranger, les associations, tout le tissu d’entrepreneurs des Français du monde attendent des mots et des gestes forts. Paul Valéry disait : « Comment peut-on être si loin de ce que l’on a de plus près ? » Nos compatriotes à l’étranger n’en attendent pas moins de la part de leur mère patrie, la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

    M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité

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    Merci de votre question, monsieur El Guerrab, vous qui êtes, en particulier depuis le début de la crise sanitaire, un ardent défenseur non seulement des Français établis hors de France, mais aussi des Français de passage à l’étranger. À la demande du Président de la République, le Gouvernement est lui aussi mobilisé depuis le début de la crise, d’abord pour assurer le rapatriement de nos compatriotes de passage à l’étranger. Sous la houlette de Jean-Yves Le Drian et en lien direct avec le ministre des transports, la compagnie Air France et d’autres compagnies aériennes françaises et étrangères, le Gouvernement a veillé, chaque jour, à trouver des solutions pour les 250 000 de nos compatriotes qui se trouvaient à l’étranger au début du confinement.
    Aujourd’hui, sauf quelques exceptions, tous sont revenus en France.

    M. Stéphane Peu

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    Mais le Gouvernement se préoccupe aussi des Français établis à l’étranger. Il a lancé un plan de soutien de plus de 200 millions d’euros afin d’apporter des aides médicales – à hauteur de 20 millions d’euros –, des aides sociales pour les plus en difficulté et près de 135 millions d’euros pour accompagner les familles qui ont des enfants scolarisés dans le réseau d’enseignement français à l’étranger.
    Vous pouvez ainsi constater que le Président de la République et le Gouvernement sont mobilisés au service de nos compatriotes établis hors de France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. M’jid El Guerrab applaudit aussi.)

    Vente du site Alstom de Reichshoffen

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Reiss.

    M. Frédéric Reiss

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    Monsieur le Premier ministre, dans une période de grave crise sanitaire, économique et sociale, l’annonce de la vente du site Alstom de Reichshoffen a été un véritable coup de massue pour les salariés et leurs familles. Certes, le rachat de Bombardier Transport par Alstom était depuis quelques mois sur les rails d’une demande toujours croissante de mobilité durable.
    À ceux qui voulaient connaître la stratégie industrielle de ce nouveau géant ferroviaire et avoir des garanties concernant les emplois, M. Poupart-Lafarge répondait qu’il était normal que ce type d’opération crée une phase d’incertitude, mais qu’elle ne menacerait pas l’emploi car, selon lui, « le nouveau groupe aura[it] besoin de tous les talents ». Or, après le mariage avorté avec Siemens, Alstom anticipe les exigences de la Commission européenne qui pourrait lui reprocher, fin juillet, une position dominante sur le marché des trains régionaux. N’avons-nous pas là l’illustration d’une Union européenne incapable de laisser émerger des champions industriels de taille mondiale en Europe ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) N’est-il pas urgent d’adapter le droit européen à la concurrence, comme le préconise le rapport Le Grip-Anato de novembre 2019 ?
    Parmi les sacrifices consentis, la vente du site de production de Reichshoffen pose de nombreuses questions. Quels accords ? Quels effectifs ? Que deviendront les 730 salariés, la centaine d’intérimaires et les 130 sous-traitants ? Le site alsacien va-t-il passer aux mains d’un groupe européen ou le loup chinois va-t-il entrer dans la bergerie européenne ? L’Union européenne n’est-elle pas en train de se tirer une balle dans le pied ?
    Monsieur le Premier ministre, le site de Reichshoffen, qui a fêté ses 250 ans de savoir-faire industriel, a un potentiel d’innovation exceptionnel pour les trains du futur. Pouvez-vous nous rassurer sur la pérennité du site et de ses activités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

    M. Marc Le Fur

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    C’était pourtant une question du niveau du Premier ministre !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie

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    Vous avez raison de souligner que le rachat de Bombardier par Alstom va créer un groupe qui sera le deuxième du monde dans le secteur du transport ferroviaire. C’est en soi une bonne nouvelle pour l’industrie française, au moment où Alstom, avec 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, a « décroché » par rapport au géant chinois CRRC – China Railroad Rolling Stock Corporation – qui, lui, réalise environ 26 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est aussi une bonne nouvelle pour l’industrie européenne.
    Il ne m’appartient pas d’entrer dans le détail des discussions entre la Commission européenne et Alstom. Vous connaissez nos positions sur la politique de la concurrence. Vous connaissez nos propositions, formulées très clairement au moment du rapprochement entre Siemens et Alstom, qui a avorté. Vous savez qu’il nous semble important de faire évoluer le droit de la concurrence pour l’adapter à la réalité de la compétition mondiale. Nous allons continuer à y travailler.
    J’en viens à la situation du site de Reichshoffen. Comme vous, monsieur le député, je constate que ce site est particulièrement compétitif,…

    Un député du groupe LR

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    Il faut le défendre, alors !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    … qu’y sont développées des technologies remarquablement maîtrisées et qu’il dispose d’un carnet de commandes très bien fourni, qui assure une activité jusqu’en 2024. Cela signifie que le site a toutes les potentialités pour intéresser de grands acteurs de qualité. Nous serons aux côtés des salariés et de leurs représentants pour nous assurer de trouver le meilleur acheteur, si cette solution était retenue – les choses ne sont pas encore totalement tranchées. En tout cas, si tel était le cas, notre engagement et notre responsabilité sont qu’un projet industriel durable et clair pour les salariés permette à Reichshoffen de continuer d’être au sommet de son art dans le domaine de la construction ferroviaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Lutte contre le réchauffement climatique

    M. le président

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    La parole est à Mme Aude Luquet.

    Mme Aude Luquet

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    Madame la ministre de la transition écologique, vous vous êtes rendue samedi dernier en Seine-et-Marne, au cœur de la forêt de Fontainebleau, qui attend un classement au patrimoine mondial de l’UNESCO, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, et qui attire chaque année plus de 11 millions de personnes. Forêt d’exception par la richesse de sa biodiversité et sa géologie particulière, son territoire est menacé par le réchauffement climatique. Les épisodes caniculaires de ces dernières années ont asséché les sols et brûlé les arbres. Ces phénomènes désastreux sont de plus en plus nombreux en France et touchent beaucoup de forêts. La lutte contre le réchauffement climatique doit donc être le moteur de votre action et s’inscrire dans une politique volontariste et transversale.
    Cette politique doit d’abord être volontariste. Dans ma circonscription, par exemple, nous menons depuis plus de dix ans, avec d’autres élus de mon territoire, un combat pour faire interdire la traversée quotidienne de la forêt de Fontainebleau et de la ville de Melun par des milliers de poids lourds. Les nuisances sonores sont insupportables pour les riverains et les émissions de polluants atmosphériques sont dangereuses pour la faune et la flore. Il faut savoir que les axes de contournement existent. Les élus de nos territoires demandent votre appui pour mener cette politique volontariste dont notre biodiversité a tant besoin.
    Au-delà du volontarisme, nous devons renforcer la transversalité des actions. Vous avez, à juste titre, exprimé le souhait que tous les ministères soient dotés d’une feuille de route verte. Seriez-vous favorable au renforcement des missions des hauts fonctionnaires au développement durable, déjà présents au sein de chaque ministère ?
    Enfin, je regrette la disparition du terme « solidarité » dans l’intitulé de votre ministère, alors qu’il nous faut, plus que jamais, aider chaque citoyen à être un acteur de la transition écologique, quels que soient ses moyens, pour en tirer individuellement et collectivement des bénéfices. Comment comptez-vous faire vivre cette notion de solidarité au sein de votre ministère ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

    Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

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    Je me suis en effet rendue samedi dernier dans la magnifique forêt de Fontainebleau pour constater le fantastique travail effectué par l’Office français de la biodiversité et saluer les agents de l’ONF, l’Office national des forêts. Vous avez raison : la gestion de la forêt est un élément essentiel dans un contexte de changement climatique, car si nous n’agissons pas, nous risquons de la perdre.

    M. Pierre Cordier

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    Et il y a le scolyte !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Il s’agit d’un enjeu majeur. Mme Anne-Laure Cattelot est assise derrière vous. Je la salue : elle a remis un excellent rapport sur la forêt, dont nous allons beaucoup nous inspirer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    En ce qui concerne la traversée de la forêt de Fontainebleau par les poids lourds, des études de déplacements sont en cours dans le cadre du contrat d’intérêt national signé avec Melun Val de Seine. Nous serons attentifs aux conclusions de ces travaux et aux propositions des études de circulation, afin de trouver le meilleur compromis avec les acteurs locaux. À ce stade, je ne peux guère vous en dire plus.
    Chaque ministère doit être pleinement impliqué dans la transition écologique, dites-vous. C’est une idée que je soutiens depuis longtemps. C’est parce qu’il faut, en la matière, une politique transversale que le Premier ministre remettra prochainement, à chaque ministre, une feuille de route climat qui reprendra les budgets carbone de la stratégie nationale bas-carbone. Chacun disposera donc d’une feuille de route pour avancer, qui déclinera un ensemble d’actions que chaque ministère devra mettre en œuvre et dont il devra rendre compte de manière périodique. Le réseau des hauts fonctionnaires au développement durable sera bien évidemment impliqué dans la mise en œuvre et le suivi de ces feuilles de route.
    Pour conclure sur l’intitulé de mon ministère, j’ai envie de vous répondre, madame la députée, que « écologique et solidaire » est un pléonasme. D’ailleurs, quand on oublie cela, on a des ennuis. Certains de mes prédécesseurs et des gouvernements passés l’ont constaté : quand on met en place des politiques écologiques, mais qu’on ne met pas en place l’accompagnement social, ça ne fonctionne pas. Nous en tirons les leçons, et je peux vous dire que je serai très attentive à ce que toutes les politiques écologiques soient assorties de mesures d’accompagnement. Je pense, par exemple, à la prime à la conversion pour la voiture ou à MaPrimeRénov’ pour la rénovation thermique des bâtiments. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Aude Luquet.

    Mme Aude Luquet

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    Dans ma circonscription, 4 000 poids lourds traversent quotidiennement la forêt de Fontainebleau. À un moment donné, il faudra être cohérent : comment continuer comme cela et se battre pour la défense de l’environnement ?

    M. Pierre Cordier

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    La cohérence, c’est bien ce qui manque à ce gouvernement !

    Mme Aude Luquet

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    Il est nécessaire d’accompagner les Français pour acheter localement…

    M. le président

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    Chère collègue, je vous remercie. Votre temps de parole est écoulé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)

    Soutien aux TPE-PME

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Vatin.

    M. Pierre Vatin

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances et, en son absence, à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
    Tout d’abord, je suis pour le moins étonné qu’hier, au cours de son discours de politique générale, M. le Premier ministre n’ait pas eu un mot pour les TPE-PME – les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises –, pour nos artisans et nos commerçants, dont un très grand nombre souffrent de la crise actuelle.

    M. Frédéric Reiss

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    Eh oui !

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Pierre Vatin

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    Je pense ensuite à toutes les entreprises pour lesquelles les exonérations de charges sont insuffisantes au regard des difficultés rencontrées. C’est pour ces entreprises que les députés du groupe Les Républicains vous ont demandé une exonération de charges plus importante quand les difficultés sont plus importantes, proportionnellement au chiffre d’affaires, afin de leur éviter la faillite, le dépôt de bilan, le chômage pour leurs salariés comme pour eux-mêmes. Qu’en est-il ?
    Enfin, je pense par exemple aux TPE-PME du bâtiment qui ont pu traverser le confinement parce qu’elles ont poursuivi leur activité avec courage et détermination malgré la situation, mais qui vont très vite se trouver en difficulté. Vous le savez comme moi, la reprise d’activité n’est pas au rendez-vous aussi fortement qu’espéré. De nombreux chefs de petites entreprises sont inquiets dans l’attente de nouvelles commandes de leurs donneurs d’ordres.
    Ils sont aussi inquiets quand ils apprennent que leur assureur-crédit les déréférence du jour au lendemain sans préavis, au motif fallacieux que leur santé financière ne serait plus au rendez-vous, alors qu’elle est identique à ce qu’elle était avant la crise. Sans assurance-crédit, comment payer ses fournisseurs à quarante-cinq jours quand les donneurs d’ordre paient, hélas ! à soixante jours ? Comment trouver un fournisseur qui vous cède de nouveau de la marchandise alors que votre assureur-crédit vous a déréférencé sans motif économique sérieux ? Si les assureurs-crédit ne jouent pas le jeu dans la période que nous traversons, comment éviterez-vous que, dès le mois de septembre, advienne  une crise majeure dans les TPE-PME, des faillites d’entreprises pourtant sérieuses et nécessaires à notre économie, du chômage et une récession économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.

    M. Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

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    Monsieur Vatin, je suis heureux qu’un député de ma région m’interroge sur ce sujet. D’une façon générale, comme vous l’avez dit, les artisans, les commerçants, les professionnels libéraux et les petites entreprises sont très présents dans les territoires. Vous avez entendu comme moi le Premier ministre dire sa volonté de travailler avec ces derniers : cela devrait vous rassurer sur celle du Gouvernement d’agir en ce sens.
    L’assurance-crédit constitue un levier essentiel de soutien au crédit interentreprises – qui est de loin la première source de financement de court terme, représentant un total de 700 milliards d’euros de financement. L’assurance-crédit couvre environ 200 milliards d’euros de crédits interentreprises domestiques, et environ 100 milliards d’euros de crédits à l’exportation. Le Gouvernement a suivi, dès le démarrage de la crise, l’évolution des encours d’assurance-crédit. Nous avons été alertés par des entreprises et par des fédérations professionnelles, qui craignaient ou constataient un recul des couvertures d’assurance. Le Gouvernement a mis en place une réponse forte, en concertation avec les entreprises et les assureurs, pour assurer le maintien de ces couvertures.
    Il a proposé aux assureurs un mécanisme de partage des risques permettant d’absorber la montée du risque de défaillance des entreprises, qui revêt une acuité plus particulière dans les circonstances actuelles. Nous avons proposé, dès le deuxième projet de loi de finances rectificative, la réactivation des mécanismes CAP, CAP+ et Cap Francexport, qui offrent des contrats d’assurance-crédit partiellement réassurés par la Caisse centrale de réassurance. Dans le troisième projet de loi de finances rectificative, en cours d’examen par le Parlement, nous proposons, en complément, le dispositif CAP relais, qui octroie une réassurance globale des lignes d’assurance-crédit existantes.

    M. le président

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    Il faut conclure.

    M. Alain Griset, ministre délégué

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    En contrepartie de ces mécanismes de partage de risques, le Gouvernement a fixé des objectifs très clairs aux assureurs-crédit. Cela concerne, d’une part, le respect de la convention de 2013, par laquelle les assureurs se sont engagés à ne pas procéder à des réductions ou coupures brutales de lignes de garanties, et à maintenir une information fluide avec l’État. D’autre part, dans le cadre du dispositif CAP relais, les assureurs-crédit se sont engagés à maintenir les lignes d’assurance existantes jusqu’à la fin de l’année pour la très grande majorité des entreprises. Nous continuerons à suivre très attentivement le respect de ces engagements pris par les assureurs-crédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Merci, monsieur le ministre délégué. Je tenais à ce que M. Vatin obtienne une réponse complète. (Sourires.)

    Transition écologique

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Michel Clément.

    M. Jean-Michel Clément

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    Madame la ministre de la transition écologique, le 8 juillet, dans son rapport annuel, le Haut Conseil pour le climat dressait un constat sévère, mais juste, de votre politique en matière de lutte contre le changement climatique. En résumé, la mobilisation des pouvoirs publics se traduit par très peu d’avancées concrètes. Dans un autre rapport récent, le WWF – pour World Wildlife Fund, en français : fonds mondial pour la nature – démontrait pourtant que la transition écologique est pourvoyeuse d’emplois territorialisés et pérennes. Elle nécessite 14 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an entre 2020 et 2023.
    Depuis quelques jours, les chiffres et les annonces se multiplient. À la fin du mois de juin, le Président de la République évoquait 15 milliards d’euros sur deux ans. Hier, le Premier ministre nous a dit croire « en la croissance écologique, pas à la décroissance verte ». Il a esquissé un plan de relance de 100 milliards, dont 20 milliards pour la transition écologique. Madame la ministre, selon quel calendrier et comment comptez-vous répartir ces 20 milliards entre transition énergétique, mobilités durables, économie circulaire ou encore rénovation des bâtiments ?
    Je veux insister sur ce dernier chantier, à la dimension sociale évidente. Je le répète, le cadre actuel ne permettra pas d’atteindre les objectifs de rénovation si souvent réaffirmés. Mes questions sont simples. Dans votre plan de relance, combien consacrez-vous à la rénovation du parc social ? Combien pour réduire le reste à charge pour les ménages modestes ? Comment simplifier les dispositifs d’accompagnement ? Hier, il a beaucoup été question des territoires : êtes-vous prêts à régionaliser les services énergétiques en confiant aux régions l’ensemble des financements ? Enfin, pour mobiliser l’épargne des Français, le Gouvernement est-il prêt à étendre le bénéfice de la prime d’État des PEL, les prêts épargne logement, aux opérations de rénovation énergétique ?
    Madame la ministre, vous rappeliez que les mesures annoncées lors des législatures précédentes n’avaient pas toujours eu de traductions concrètes dans les faits. Je serai attentif à ce que ce ne soit pas le cas de celles que vous annoncerez.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

    Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

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    Monsieur le député, vous imaginez bien que je serai moi aussi très attentive au suivi des réformes. Un membre du cabinet de chacun des ministres est d’ailleurs chargé de leur suivi. C’est à mon sens une excellente chose, car il n’y a rien de pire que les grandes annonces qui ne sont pas suivies d’effets.

    M. Pierre Cordier

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    Pourtant, ça vous arrive souvent !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Le Haut Conseil pour le climat a rappelé l’importance d’accélérer la transition, ce qui passe par des mesures qui toucheront des secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre. On peut toutefois commencer par se réjouir, même si le recul est faible, que les émissions de la France baissent. C’est une première bonne nouvelle. Nous sommes à – 0,9 % en 2019, ce qui est évidemment insuffisant. Quelques mesures déjà prises commencent à faire leur effet, comme la prime à la conversion pour les véhicules – elle fonctionne tellement bien que, devant son énorme succès, il va falloir la revoir et la centrer davantage sur des véhicules encore plus intéressants écologiquement. Les choses avancent beaucoup pour le vélo : le confinement a eu un effet réel et on voit que les esprits changent.

    M. Pierre Cordier

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    C’est vrai que pour pédaler, vous êtes forts !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Le Premier ministre l’a annoncé ce matin, un tiers des 100 milliards d’euros du plan de relance sera consacré à la transition écologique. Cela nous donne des moyens pour impulser des dynamiques très fortes dans des domaines majeurs comme les transports – qui sont responsables de 30 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Nous consacrerons des moyens au vélo – il y aura un plan vélo très ambitieux –, au fret ferroviaire, aux petites lignes, entre autres priorités.
    Concernant le bâtiment, je ne vais pas entrer dans le détail, car les arbitrages sont en cours. Nous rencontrons demain les partenaires sociaux pour discuter de ces sujets. Bien évidemment, nous voulons que soient retenus des dispositifs efficaces et que MaPrimeRénov’ soit mieux employée afin que les personnes les plus en difficulté puissent en bénéficier le plus. Tout cela est à suivre, monsieur le député. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Justice fiscale

    M. le président

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    La parole est à M. Jérôme Lambert.

    M. Jérôme Lambert

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    Le Président de la République a reconnu qu’il avait échoué à réconcilier les Français. Son échec repose sur une explication : les Français rejettent la politique libérale menée depuis trois ans. Malheureusement, nous avons compris, monsieur le Premier ministre, que rien ne changerait avec votre gouvernement : vous n’allez rien faire pour corriger la politique de la France.
    Pourtant, que d’échecs, en particulier en matière d’égalité – les Français y sont très sensibles. Aujourd’hui, les citoyens sont moins égaux qu’hier devant l’impôt, qui doit représenter la juste contribution de chacun au fonctionnement des services publics et aux mécanismes de la solidarité. Grâce à votre politique, depuis trois ans, les plus fortunés sont dispensés d’une partie de l’impôt sur le revenu au profit de la flat tax, plus avantageuse pour eux. En prime, évidemment, cadeau de l’impôt sur la fortune – ISF ! Cela est contraire à l’égalité voulue par les Français, pour laquelle ils ont été capables de faire la Révolution.
    Échec aussi en matière de fraternité : l’abstention massive aux élections européennes puis municipales montre à quel point les Français se détournent les uns des autres et du socle commun démocratique.
    Monsieur le Premier ministre, la crise est devant nous et les centaines de milliards d’euros que vous sortez de jour en jour de votre manche, et que nous devrons rembourser, me font l’effet d’une lance à incendie déversée dans le tonneau des Danaïdes. Vous dépensez sans compter, sans remettre rien de fondamental en cause. Vous refusez de faire contribuer les plus fortunés, alors même que certains parmi eux le demandent. Vous refusez d’envisager la contribution de 4 % sur le versement des dividendes aux actionnaires, demandée par la Convention citoyenne pour le climat pour financer la politique de lutte contre le changement climatique.
    Ce sont des erreurs majeures, et ce n’est pas la majorité que vous avez obtenue hier dans cet hémicycle qui doit vous conforter dans cette voie. Pour réconcilier les Français, écoutez-les vraiment : ils vous disent tout autre chose. Pour l’égalité et la fraternité, ils veulent de la justice en tout et une autre vision de l’avenir commun ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

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    En 2017, nous avons fait le choix, avec le Président de la République, de baisser les impôts pour tous les Français, et nous n’en dévierons pas. C’est ce choix qui nous a permis d’arriver au bilan que vous connaissez : avant la crise du coronavirus, nous étions redevenus le pays le plus attractif pour les investissements en Europe, nous avions recommencé à créer des emplois industriels dans notre pays (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM), l’investissement et la consommation repartaient à la hausse. Il ne vous aura pas échappé que depuis, la donne a changé, rendant nécessaire de reconstruire notre pays.

    M. Jérôme Lambert

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    Tout va bien, donc !

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État

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    Nous l’avons dit et nous l’assumons : nous ne reconstruirons pas notre pays à l’identique, mais sur un modèle plus durable et plus juste. Le Premier ministre et les partenaires sociaux ont engagé un vrai débat sur la répartition de la valeur dans l’entreprise. Depuis plusieurs mois, nous avons déployé une vraie politique sociale.
    Je vous ai entendu parler d’ultralibéralisme ; je ne suis pas sûr que dépenser 8 milliards d’euros pour revaloriser les salaires des soignants soit ultralibéral ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Pas plus que dépenser des centaines de millions d’euros, sous l’impulsion de Jean-Michel Blanquer, pour permettre à des dizaines de milliers d’enfants de partir en colonie de vacances gratuitement cet été. (Mêmes mouvements.)

    M. Pierre Dharréville

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    Assumez votre libéralisme !

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État

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    C’est un équilibre qu’il a fallu trouver, et nous poursuivrons dans cette voie vers plus de justice, vers un modèle durable qui permettra d’embarquer tous les Français dans la croissance et l’emploi, et de faire participer tous les territoires à la reconstruction du pays.

    M. Pierre Cordier

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    Ce gouvernement est keynésien !

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État

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    C’est ainsi que nous allons poursuivre, et non en revenant à des solutions comme l’augmentation de la fiscalité, qui ont pu apparaître séduisantes à court terme, mais qui se sont révélées désastreuses à long terme parce qu’elles ont nui à l’attractivité du pays et à l’esprit d’initiative et d’entreprise en France.

    M. Pierre Cordier

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    Tu le diras à Marisol Touraine ! Tu te souviens ?

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État

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    C’est ce qui a été fait pendant le quinquennat précédent : vous comme moi en avons été témoins et nous pouvons constater que ce ne fut pas une grande réussite. En tout cas, j’assume pleinement aujourd’hui de suivre ce chemin vers l’attractivité de notre pays et le développement de la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Dispositif « sport, santé, culture et civisme »

    M. le président

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    La parole est à M. François Cormier-Bouligeon.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, l’émancipation, voilà l’objectif de la République laïque dont nous sommes les bâtisseurs humbles et déterminés !

    M. Pierre Dharréville

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    Humbles ?

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Faire des femmes et des hommes des citoyennes et des citoyens, dès le plus jeune âge, par l’instruction publique, voilà ce à quoi nous travaillons ! Comme l’a rappelé hier Jean Castex, notre Premier ministre, l’école est l’un des piliers les plus importants, peut-être le plus essentiel, de ce projet républicain. C’est pourquoi le grand confinement, qui a vidé les classes de nos écoles de l’énergie et de l’intelligence qu’y font vivre au quotidien professeurs et élèves, a été si pénible. Heureusement, l’école ne s’est en réalité pas réellement arrêtée et la représentation nationale salue les professeurs qui ont continué, avec un sens du devoir exceptionnel, à travailler avec et pour les enfants de France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    Nous devons maintenant nous tourner vers l’avenir. L’une des modalités de la reprise innovante des cours a été le dispositif « sport, santé, culture et civisme » – 2S2C –, mettant à profit le sport, la culture et le civisme, comme nous vous l’avions suggéré, avec plusieurs de nos collègues, dont Cédric Roussel et Fabienne Colboc. Depuis son lancement, 3 000 communes se sont engagées dans ce programme, dans près de 6 000 écoles et pour près de 170 000 élèves. Ce n’est pas si mal pour un dispositif conçu dans l’urgence pour répondre à une situation de crise !
    Monsieur le ministre, à l’heure où les enfants sont en vacances, les « vacances apprenantes » ont-elles vocation à s’inscrire dans cette dynamique que nous venons d’évaluer, pour l’Assemblée nationale, avec ma collègue Béatrice Descamps ? À plus long terme, comment envisagez-vous d’offrir à notre jeunesse un meilleur accès au sport et à la culture, avec les enseignants d’abord, bien sûr, et avec tous ceux qui apportent une solide pierre à cet édifice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    « Mens sana in corpore sano » : la fameuse phrase de Juvénal s’applique parfaitement au thème que vous venez d’ouvrir et qui représente, à mes yeux, l’une des grandes priorités de la rentrée scolaire et des années suivantes. Le fait d’avoir désormais un ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports est une formidable opportunité pour aller dans le sens que vous suggérez. En effet, nous avons besoin, en France, de réfléchir sur le temps non seulement scolaire, mais également périscolaire de l’élève, afin d’offrir davantage de sport et de culture à nos enfants. La coopération avec la ministre de la culture et avec Roxana Maracineanu, qui fait désormais partie de mon équipe – je m’en réjouis –, nous permettra de progresser de manière significative.
    Vous avez raison de citer les « vacances apprenantes » car ce dispositif illustre ce que nous sommes en train de dire.

    M. Pierre Cordier

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    Il y a piscine aujourd’hui !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Il nous fait renouer avec la grande tradition de la République, notamment avec ce qu’a fait Jean Zay à la fin de la Troisième République, en permettant à des enfants de tous les milieux, en particulier à des enfants défavorisés, de profiter à nouveau, après le confinement, de la nature et de l’accès à la culture.
    Cette expérience va nous inspirer pour développer le dispositif, mais nous procéderons autrement qu’au mois de juin, où nous étions dans une situation de crise : nous travaillerons avec les collectivités territoriales, avec les associations et l’ensemble des partenaires pour obtenir une vision de toute la semaine de l’enfant. Dès la rentrée, des signaux seront envoyés en matière culturelle et sportive, à commencer par la « rentrée en musique » ; d’autres projets suivront, pour lesquels nous avons déjà lancé des expérimentations avec la ministre déléguée chargée des sports. Je pense au projet « cours le matin, sport l’après-midi », mais aussi au « plan mercredi » et, de façon générale, à tout ce qui fait du temps périscolaire un complément au temps scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Avenir de la raffinerie Total de Grandpuits

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Ma question s’adresse au ministre de l’économie.

    M. Patrick Hetzel

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    Il n’est pas là !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    « On ne peut pas tout attendre de l’État » : ce sont vos mots, monsieur le Premier ministre. Notre groupe, qui porte dans son ADN les valeurs de la libre entreprise, ne peut qu’être d’accord. Mais quand c’est nécessaire, l’État doit être le garant de l’intérêt général. Aujourd’hui, c’est le grand silence sur la fermeture programmée de la raffinerie Total de Grandpuits en Seine-et-Marne. Ce site qui alimente l’Île-de-France a subi un incident très grave avec les fuites du pipeline d’Île-de-France, le PLIF, qui ne fonctionne qu’à 70 % et dont la modernisation coûterait 300 millions d’euros. La presse présente la fermeture comme quasi certaine. Sans apporter de réponse précise, la société laisse entendre que le site pourrait être consacré aux bioénergies. Mais c’est flou, c’est gazeux, c’est liquide.
    Fermer Grandpuits représenterait une triple faute – économique, stratégique et politique. Économique, car le site emploie 400 personnes et alimente autant d’emplois indirects. Stratégique, car c’est un opérateur d’importance vitale pour l’alimentation de l’Île-de-France. Symbolique : c’est le général de Gaulle en personne qui a inauguré le site en 1966 comme un symbole du nouvel élan industriel de la France.
    Alors mes questions sont simples. Que sait l’État du projet de Total pour Grandpuits ? Quelle est votre vision stratégique du PLIF ? Que comptez-vous faire pour préserver l’emploi ? C’est à l’aune des promesses d’un monde plus vert que nous partageons, mais aussi des emplois sauvegardés, que vous serez jugé. Dites-nous ce que vous allez faire pour éviter que ce petit coin de Brie ne rejoigne les cohortes désabusées de la France des périphéries. Dites-nous concrètement ce que sera l’État stratège. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Patrick Hetzel

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

    M. Pierre Cordier

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    Elle a oublié son masque !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie

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    J’admire votre humour !

    M. le président

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    Vous êtes la seule !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Je ne répondrai pas précisément à votre question concernant Total. Je vais investiguer ce cas car, très humblement, je ne dispose pas de tous les éléments pour en avoir une vision complète. Mais je vous dirai comment nous procédons dans ce type de situation.
    Il faut d’abord avoir en tête qu’on ne ferme pas les sites à brûle-pourpoint : on engage une discussion avec des organisations syndicales, à laquelle nous prenons notre part au travers de la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises. Les chiffres relatifs aux réalisations de cette délégation sont éloquents : en 2018 et 2019, au terme de ce type de discussions, neuf sites sur dix ont été maintenus ouverts et 75 % des emplois ont été sauvegardés. Nous savons tous que nous allons traverser une crise difficile ; je ne peux pas vous donner les chiffres de 2020, mais c’est ce niveau de performance que nous recherchons.
    Nous y parvenons en travaillant avec l’entreprise, son actionnaire, ses dirigeants et les organisations syndicales pour être sûrs de trouver la meilleure solution possible, dans laquelle l’État est prêt à prendre sa part dès lors que l’ensemble des autres acteurs se mettent autour de la table. Ainsi, en cas de projet possible de fermeture, il s’agit d’aller chercher un repreneur qui puisse soit convertir le site, soit reprendre l’intégralité des opérations, avec éventuellement des efforts en matière de passif social et fiscal, et un accompagnement individualisé des salariés. Notre seule volonté, notre unique boussole est d’identifier des projets industriels soutenables, conformes à notre ambition de transition écologique et préservant au maximum l’emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Situation hospitalière en Guyane

    M. le président

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    La parole est à M. Gabriel Serville.

    M. Gabriel Serville

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    Monsieur le ministre de la santé, ce week-end, vous avez parcouru 14 000 kilomètres, fait dix-sept heures d’avion, pour nous gratifier de six heures de câlinothérapie et tenter de redorer le blason des services de l’État en Guyane, dont il a été dit qu’ils ont tout réussi. Hélas, les chiffres démontrent le contraire puisque deux mois après le déconfinement, nous sommes passés de 140 à 6 300 cas confirmés de covid-19. Rapporté à notre population de 300 000 habitants, ce score nous place malheureusement en tête d’un affligeant classement mondial, et c’est une véritable honte pour notre République.
    Toutefois, je remercie tous les soignants qui se sont mobilisés, aussi bien ceux de Guyane que ceux de l’Hexagone qui ont répondu à l’appel à la solidarité en faveur de notre île – je dis bien « en faveur de notre île » –, bien ancrée dans le bassin amazonien en Amérique du Sud. C’est le plus grand désert médical de France : le centre hospitalier et universitaire – CHU – le plus proche est situé en Martinique, à plus de 1 500 kilomètres. C’est la distance qui sépare Paris de Stockholm, et que parcourent chaque année, afin d’être soignés, plus de 4 000 patients, évacués sanitaires – quand ils ne se rendent pas à Paris, éloignée de 7 000 kilomètres –, faute de plateau technique adapté et de spécialistes sur place.
    Pourtant, en juin 2017, au prix d’une grève de soixante-quatorze jours, le personnel de l’hôpital de Cayenne obtenait l’engagement d’une transformation de l’établissement en CHU. Un CHU mort-né et enterré par votre prédécesseur, avec une parfaite clairvoyance dont on peut apprécier aujourd’hui les conséquences.
    Monsieur le ministre, la Guyane ne quémande pas et n’a jamais sollicité le groupement hospitalier de territoire – GHT – qui lui a été imposé. Et puisque Cayenne est aussi française que la Mayenne, nous demandons seulement à être autrement accompagnés, pour qu’en matière de santé, ce ne soit pas à nouveau la rue qui arrache une décision tant de fois reportée, comme ce fut le cas pour l’académie ou encore l’université de plein exercice.
    Aussi, quelle suite comptez-vous accorder à la motion unitaire qui vous a été remise le 12 juillet par les forces vives du territoire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Monsieur le député, nous nous sommes effectivement rencontrés dimanche dernier à Cayenne, à l’occasion du déplacement du Premier ministre, que vous n’avez pas suivi en totalité. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et LR.)  Je vous ai vu à la préfecture, lors du pot convivial que nous avons pris avec les élus, et à la dernière étape ; mais vous n’étiez pas avec moi à la visite hospitalière. (Mêmes mouvements.)

    M. Stéphane Peu

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    C’est lamentable !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Il faut dire les choses : à un moment donné, ça suffit !

    M. Pierre Cordier

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    Gardez votre calme, monsieur le ministre ! Un peu de respect ! Quelle arrogance !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Vous n’étiez pas avec nous, monsieur Serville, lors de la visite de l’hôpital…

    M. Stéphane Peu

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    Il est là toute l’année !

    M. Olivier Véran, ministre

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    …sans quoi vous auriez rencontré l’équipe de réanimation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    L’équipe de réanimation nous a dit une chose très forte : « nous n’avons jamais manqué de lits, de respirateurs ou de places pour hospitaliser les malades et sauver des vies, (Protestations sur les bancs des groupes GDR, SOC et LR – (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.))…

    M. Maxime Minot

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    Il a pris la grosse tête !

    M. Stéphane Peu

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    Vous étiez là pendant six heures alors que lui, il est là toute l’année !

    M. le président

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    Monsieur Peu, s’il vous plaît !

    M. Olivier Véran, ministre

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    …nous n’avons jamais manqué de matériel de protection, nous sommes très fiers de l’action menée, qui a été déterminante pour sauver des vies en Guyane.« 

    M. Alain Bruneel

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    C’est honteux !

    M. Olivier Véran, ministre

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    C’est la réalité ! Soyez fier, monsieur le député, de cette action déterminée et déterminante !

    M. Pierre Cordier

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    Vous aussi, vous avez pris un pot, monsieur le ministre, et pas qu’un seul !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Nous avons aussi rencontré les autres élus de la collectivité. Avec d’autres élus de la Guyane, notamment M. Rodolphe Alexandre, vous nous avez remis une demande concernant le CHU.
    S’exprimant sur le sujet, le Premier ministre a indiqué qu’il était déterminé à renforcer les liens entre le système sanitaire et la recherche en Guyane. À présent, il y a neuf professeurs des universités-praticiens hospitaliers – PU-PH –, alors qu’il n’y en avait que trois au début du quinquennat – je cite ce chiffre de mémoire, vous me direz si je me trompe.

    M. Pierre Cordier

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    Vous n’êtes pas à la hauteur !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Avec le Premier ministre, nous avons aussi visité l’Institut Pasteur, qui montre l’excellence de la recherche en santé en Guyane, où se passent des choses incroyables.
    La Guyane est le département français qui a bénéficié du plus grand nombre de tests depuis le début de l’épidémie,…

    M. Pierre Cordier

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    C’est normal, non ?

    M. Olivier Véran, ministre

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    … ce qui a permis, avec l’excellence de la médecine et la détermination des soignants, de sauver des vies et d’enrayer l’épidémie.
    Pour l’heure, les indicateurs sont plutôt rassurants par rapport à la semaine dernière. C’est l’intérêt général, monsieur Serville, j’y insiste.

    M. Alain Bruneel

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    Honteux ! Vraiment honteux !

    M. Olivier Véran, ministre

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    On n’est pas obligé de s’envoyer des attaques au visage quand on parle de la santé des Français, et en particulier de celle des Guyanais ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Serge Letchimy

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    Alors il ne faut pas répondre comme ça !

    M. Pierre Cordier

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    Prenez donc un peu de recul, monsieur le ministre !

    Politique maritime

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Panonacle.

    Mme Sophie Panonacle

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    J’associe tous mes collègues de la « Team maritime » à ma question qui s’adresse à la ministre de la mer.
    Madame la ministre, le Président de la République vient de vous confier une mission, à vrai dire une réelle ambition : défendre la politique maritime de la France, engager l’accélération de notre stratégie dans ce domaine.
    Avec Jean Castex, notre nouveau Premier ministre,…

    M. Pierre Cordier

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    Il paraît !

    Mme Sophie Panonacle

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    …le retour d’un ministère de la mer de plein exercice met fin à trois décennies d’absence qui ont affaibli notre rang de deuxième puissance océanique mondiale.
    Pour avoir, avec mes collègues de la « Team », soutenu la communauté maritime dans toutes ses composantes depuis trois ans, je sais que l’attente des gens de mer était devenue particulièrement forte, et encore plus pressante face aux conséquences de la crise sanitaire.
    Madame la ministre de la mer, la tâche est immense, les enjeux le sont aussi. C’est pourquoi il est indispensable que l’étendue de vos compétences, en lien avec la mer et le littoral, soit vaste. C’est aussi pourquoi il est nécessaire que votre ministère soit doté de moyens à la hauteur de la mission qui vous est confiée.
    Il s’agit en effet de tracer une nouvelle voie qui préserve nos océans et contribue au développement harmonieux de l’économie bleue dans l’hexagone et les territoires ultramarins.
    Pour cela, nous avons besoin d’une économie compétitive et décarbonée pour les activités portuaires, les transports, les industries navales et nautiques, la pêche, l’aquaculture et les énergies marines renouvelables – EMR.
    Nous avons besoin d’un dialogue social améliorant les conditions de travail et permettant la création de nouveaux emplois.
    Nous avons besoin d’un engagement écologique, fil conducteur et fédérateur pour protéger le milieu marin et sa biodiversité.
    Nous avons besoin d’un investissement scientifique, afin de conforter notre politique maritime en l’étayant sur une connaissance solide.
    Nous avons besoin d’une politique éducative et pédagogique qui doit donner l’envie de mer à la jeunesse.
    Enfin, nous avons besoin d’une ambition diplomatique pour porter haut le pavillon français dans les négociations européennes et internationales.
    Madame la ministre de la mer, pouvez-vous nous donner le cap du navire France, afin que le XXIe siècle soit vraiment maritime ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la mer.

    Mme Annick Girardin, ministre de la mer

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    Oui, madame la députée, après une absence de trente ans, le ministère de la mer existe de nouveau,…

    M. Pierre Cordier

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    Il fallait bien vous trouver un poste !

    Mme Annick Girardin, ministre

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    …pour la plus grande satisfaction de tous : les 400 000 Français qui travaillent dans ce domaine ou dans des activités qui y sont liées ; les 975 communes du littoral, qu’elles soient situées dans les territoires d’outre-mer ou dans l’hexagone ; les associations et les usagers de ce secteur.
    Je suis très fière de créer ce ministère à la demande du Premier ministre et du Président de la République. La mer fait partie de mon ADN : je suis une Malouine qui a toujours vécu outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, pays de marins ; en tant que parlementaire, j’ai souvent été ici, avec d’autres comme vous et votre « Team maritime », la voix de la mer sur ces bancs.

    M. Jimmy Pahun

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    Moi aussi !

    Mme Annick Girardin, ministre

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    D’ailleurs, vous l’êtes tous.
    L’an dernier, lors des assises de l’économie de la mer, le Président de la République avait souhaité la création de ce ministère. Le Premier ministre l’a annoncée, réaffirmant une stratégie claire et, surtout, un portage politique unifié. Un décret qui sera publié dans quelques jours définira cette stratégie dans tous les domaines importants : l’environnement, la pêche, le transport maritime, la formation, les énergies renouvelables, la recherche.
    Tous les ministres seront associés à la réalisation de cette mission, selon la méthode de coconstruction qui a toujours été la mienne. Nous le ferons pour la France et les Français, mais aussi en prenant des initiatives aux niveaux européen et international. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.  M. Jimmy Pahun applaudit également.)

    M. Serge Letchimy

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    Et de l’outre-mer !

    Rentrée universitaire 2020

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvie Tolmont.

    Mme Sylvie Tolmont

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    Hier, le Premier ministre annonçait le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers. Pour y accéder, encore faudra-t-il pouvoir s’inscrire à l’université.
    En effet, comme l’a dit Valérie Rabault, s’exprimant à l’unisson des présidents d’université, nous sommes très inquiets quant aux possibilités d’accueillir dans des conditions sanitaires acceptables les 35 000 étudiants supplémentaires attendus à la rentrée prochaine.
    Face à cet afflux, et bien que le dispositif « oui si », prévu par la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants – ORE –, soit proposé à un plus grand nombre d’étudiants, les capacités d’accueil des établissements resteront limitées, sans compter les problématiques de locaux insuffisants et de ressources humaines disponibles. Il y a un vrai risque que ces étudiants ne puissent trouver d’offre de formation adaptée à leur projet individuel.
    Vous proposez 1 600 euros aux universités pour chaque étudiant supplémentaire alors que le coût complet d’un an de scolarité s’établit entre 10 000 et 16 000 euros selon les filières. C’est largement insuffisant. Aider véritablement la jeunesse implique d’affecter immédiatement les moyens nécessaires pour cette rentrée 2020.
    Ces moyens étant estimés à 300 millions d’euros par les présidents d’université, nous vous avons fait une proposition en ce sens dans notre plan de rebond et lors du PLFR 3. Vous l’avez refusée.
    Pour lutter réellement contre l’aggravation de la précarité des étudiants, il faut aussi prolonger les bourses d’un an et répondre à la situation des étudiants affectés par la perte de leurs revenus en raison de la crise. Nous vous appelons à une refonte des aides sociales afin de les adapter à la réalité de la vie étudiante.
    Madame la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, vous promettez d’accorder à la recherche, dans la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche – LPPR –, des milliards d’euros au cours des dix prochaines années, sans offrir les millions actuellement demandés par l’enseignement universitaire.
    Au-delà du gel des droits d’inscription dans l’enseignement supérieur, quelles sont vos propositions concrètes pour répondre à cette urgence et permettre l’accueil de tous les étudiants dans le respect des règles sanitaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

    Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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    Au cours de ces mois difficiles, les universités ont prouvé, une fois de plus, qu’elles pouvaient relever des défis incroyables. Elles ont ainsi continué à accompagner tous les étudiants par le biais de formations à distance, et fait en sorte qu’ils puissent valider leur année.
    Le Président de la République, le Premier ministre et moi-même l’avons promis : nous trouverons des solutions pour tous ces jeunes.
    Au cours de cette période, nous avons pu éprouver la robustesse de Parcoursup : nous n’avons pas découvert ces nouveaux bacheliers, car tous les élèves inscrits en terminale étaient sur la plateforme, ce qui nous a permis d’anticiper. Nous avons ainsi créé des places en brevet de technicien supérieur – BTS –, en diplôme « Passeport pour réussir et s’orienter », dit Paréo, et en parcours « oui si ».
    Madame la députée, ces 35 000 étudiants ne sont pas apparus soudainement : ils étaient sur Parcoursup. Nous sommes en train d’en accompagner 10 000 de manière individuelle, après les avoir appelés un par un. Notre objectif est bien qu’il y ait des places à la rentrée pour tout le monde, dans des filières très demandées.
    Durant cette crise, nous avons vu l’engagement de notre jeunesse au travers de la forte demande de formations dans les filières sanitaires et sociales et paramédicales, qui dépendent des régions. Nous allons donc aider les régions à ouvrir plus de places. Oui, nous accueillerons tous ces étudiants qui sont actuellement accompagnés, un par un, par les services du ministère.
    Le Premier ministre a annoncé que le prix d’un repas équilibré dans un restaurant universitaire serait divisé par trois – une mesure inédite – et que les droits d’inscription seraient gelés pour la deuxième année consécutive. Nous préparons d’autres mesures, car notre jeunesse est notre avenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Mme Sylvie Tolmont

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    C’est demain, la rentrée !

    M. le président

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

    Présidence de M. Marc Le Fur
    vice-président

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Dette sociale et autonomie

    Nouvelle lecture

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie (nos 3179, 3200) et du projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie (nos 3180, 3201).
    La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

    Présentation commune

    M. le président

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    Je suis très heureux – je le dis avec beaucoup de sincérité– de donner la parole à notre ancienne collègue, Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Je vous remercie, monsieur le président !
    Mesdames et messieurs les députés, je souhaite tout d’abord vous faire part de mon émotion : c’est la première fois que je m’adresse à vous de cette tribune en tant que membre du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, LT et LR.)
    Le sentiment de fierté que j’ai ressenti le soir de ma nomination, il y a maintenant dix jours, a très vite laissé place au sentiment de responsabilité, car je sais l’impatience légitime de nos compatriotes, mais aussi la vôtre, sur un sujet dont nous parlons depuis des décennies : en matière de dette sociale et d’autonomie, l’ambition et les objectifs sont partagés, mais nous n’avons pas su collectivement les concrétiser au service des Françaises et des Français les plus fragiles, de leurs familles et de leurs aidants.
    Je tenais à vous dire que je n’oublie rien de ces huit années passées sur ces bancs à vos côtés : ce fut un réel honneur et un plaisir de présider, depuis 2017, la belle commission des affaires sociales. Je n’oublie rien, je ne changerai pas. Comptez sur moi pour rester disponible et à votre écoute, que vous siégiez sur les bancs de la majorité ou de l’opposition. Car je crois que c’est tous ensemble, de façon pragmatique, par la recherche du compromis, que nous nous hisserons à la hauteur de ce nouveau défi pour notre système de protection sociale. Mais le moment est venu de clore ces considérations personnelles et de revenir à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
    Faute d’un accord avec le Sénat, nous nous retrouvons donc aujourd’hui pour examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à la dette sociale et à l’autonomie, alors même que les deux assemblées avaient franchi une étape importante, en première lecture, en s’accordant sur la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale.
    Compte tenu des responsabilités que le Président de la République et le Premier ministre m’ont confiées, vous comprendrez que je commence par aborder cet aspect du texte, tel qu’il résulte de la discussion parlementaire.
    Au demeurant, l’intérêt d’une nouvelle lecture est d’évoquer la manière dont les textes ont été enrichis par le Parlement. Je ne m’attarderai donc pas sur les aspects qui ont été longuement abordés et débattus en première lecture.
    L’ambition des présents projets de loi résulte, en partie, d’un amendement introduit à l’initiative de l’Assemblée nationale et proposant la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale. Jusqu’alors, nous nous étions bornés, sur ce sujet, à proposer un rapport en vue du projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS –, mais cette création était attendue depuis longtemps – on en parlait depuis trois mandatures. Nous devons donc nous réjouir et être fiers de l’avoir adoptée. Ne mâchons pas nos mots : c’est un tournant historique dans l’histoire de la sécurité sociale.
    En 1945, il a été décidé de créer une assurance sociale publique contre le risque de maladie et d’accident du travail ; nous faisons aujourd’hui le choix d’une nouvelle assurance publique contre ce qui est devenu un nouveau risque pour tous les Français.
    Les chiffres sont sans appel. Permettez-moi de vous les remettre en tête : en 2040, près de 15 % des Français, soit 10,6 millions de personnes, auront 75 ans ou plus ; c’est deux fois plus qu’aujourd’hui ! La création de la cinquième branche de la sécurité sociale permettra en premier lieu de donner une visibilité aux parlementaires, dès le PLFSS pour l’année 2021, sur son équilibre financier.
    Cette création n’est cependant pas un point d’orgue ; c’est le début d’une histoire. La mission créée par le Gouvernement et chargée d’examiner les conséquences de la création de la branche en matière de financement et de gouvernance vient de commencer ses travaux et rendra son rapport en septembre, dans la perspective du prochain PLFSS et au bénéfice de débats parlementaires éclairés.
    Je salue d’ailleurs les amendements qui ont permis de clarifier les modalités des consultations prévues dans le cadre de l’élaboration de ce rapport. Il est essentiel que l’ensemble des acteurs soient consultés afin de trouver une solution de consensus et de dégager, au minimum, 1 milliard d’euros dès 2021, conformément à l’engagement du ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, devant l’Assemblée nationale.
    Ces textes constituent également une opération de bonne gestion, puisqu’ils permettent à la sécurité sociale de se refinancer sans s’exposer à un risque de taux ou de liquidité sur les marchés financiers. C’était même là leur objectif principal.
    Sans revenir sur les explications techniques qui ont déjà été apportées dans cet hémicycle, je voudrais préciser quelques points sur ces textes examinés aujourd’hui en nouvelle lecture.
    Le premier est la règle d’or. Je comprends la volonté d’encadrer les finances sociales pour éviter que ne se creusent des déficits, qui, il faut le dire, alimenteront la dette future de nos enfants.

    M. Jean-Pierre Door

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    Eh oui !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Néanmoins, pour fonctionner, une règle d’or doit être crédible. Or pour être crédible, il faut un horizon d’équilibre. Aujourd’hui, l’incertitude est trop forte ; il est trop tôt.

    M. Jean-Pierre Door

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    Non ! Il faut du courage et de la volonté !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Le deuxième point est la dette hospitalière : le Sénat l’a supprimée, réduisant de 13 milliards la marge d’investissement annoncée dans le cadre du Ségur de la santé, qui a fait de cette mesure un véritable levier pour relancer l’investissement dans le service public hospitalier. En réalité, le déficit de l’assurance maladie et celui de nos hôpitaux sont liés : les économies de l’une ne peuvent devenir les déficits des autres. C’est aussi cette préoccupation que la reprise de la dette des hôpitaux traduit aujourd’hui.
    Le troisième point, enfin, concerne l’isolement de la dette liée à la crise sanitaire due au covid-19. Le ministre des solidarités et de la santé l’a clairement indiqué : le traitement de cette dette est une question complexe, encore largement débattue par les économistes, y compris par les plus grands spécialistes des finances publiques. Le Premier ministre a affirmé hier, lors de sa déclaration de politique générale, vouloir en discuter avec les partenaires sociaux. Aussi, je le répète, si rien dans les textes ne fait obstacle à l’isolement de la « dette covid », nous devons avant tout répondre à l’urgence : telle est la priorité qui a toujours guidé notre action. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur de la commission spéciale pour le projet de loi organique.

    M. Paul Christophe, rapporteur de la commission spéciale

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    Le 15 juin dernier, notre assemblée adoptait en première lecture le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, dont l’objet est, d’une part, de rendre possible un nouveau transfert de dette sociale vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES –, créée à cet effet, et, d’autre part, de faciliter la création d’un cinquième risque et d’une cinquième branche au sein du régime général de sécurité sociale – création qui incombe en définitive au législateur ordinaire.
    De l’examen du texte au Sénat est tout d’abord ressortie une profonde convergence de nos deux assemblées quant à l’opportunité d’un transfert de la dette vers la CADES pour l’apurer et en soulager l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Je m’en réjouis, et je tiens à souligner la constance des sénateurs sur ce point. C’est ainsi que l’article 1er, qui repousse à 2033 la date d’extinction de la dette sociale, a été adopté en termes identiques par les deux assemblées.
    Malheureusement, l’accord entre ces dernières a achoppé sur deux sujets principaux.
    S’agissant de l’article 2, les sénateurs, cohérents avec leur position concernant le transfert de la dette des hôpitaux à la CADES dans le projet de loi ordinaire, ont entendu supprimer la modification organique qui la rendait possible. Je laisserai Thomas Mesnier, rapporteur du projet de loi ordinaire, expliciter les tenants et aboutissants de cette divergence, mais nous avons bien évidemment voulu rétablir dès le stade de la commission spéciale la rédaction issue de nos travaux en première lecture afin que ce transfert, très attendu des établissements de santé, puisse avoir lieu dans les meilleurs délais.
    Les sénateurs ont par ailleurs inséré dans le texte un nouvel article 1er bis qui prévoit que soit annexé au PLFSS un rapport destiné à présenter une trajectoire des finances sociales à l’équilibre sur une durée pluriannuelle.
    Le dispositif proposé consiste plus précisément à transformer l’annexe B de la loi de financement de la sécurité sociale – qui expose dès à présent une trajectoire à cinq ans des comptes de la sécurité sociale – afin que le solde prévu pendant la période soit positif ou nul, le Gouvernement devant détailler dans la même annexe les hypothèses et les mesures qui permettent d’étayer cet équilibre pluriannuel.
    Les sénateurs ont prévu que la sincérité de cette trajectoire serait vérifiée par le Haut Conseil des finances publiques et ont assorti la règle d’une clause de circonstances exceptionnelles – en raison desquelles la trajectoire pourrait n’être équilibrée qu’à un horizon de dix ans. Ils ont retenu une entrée en vigueur à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, portant sur l’exercice 2024, en cohérence avec la prévision d’un retour à l’équilibre des finances sociales en 2023.
    Si un tel dispositif ne manque évidemment pas d’intérêt – il reprend à la fois les propositions du Haut Conseil du financement de la protection sociale et les dispositions que nous avions votées au sujet du système universel de retraite –, il semble mal à propos de l’introduire dans le texte, pour plusieurs raisons.
    Tout d’abord, une mesure qui n’entrerait en vigueur que dans quatre ans ne présente pas la même urgence que le transfert à la CADES des déficits accumulés, actuellement portés par l’ACOSS à un niveau inédit, ni même que la création d’une cinquième branche, laquelle nous a semblé utile et fondatrice pour définir le cadre de nos futures discussions au sujet du PLFSS pour 2021 et de la loi autonomie que nous attendons tous.
    Ensuite, une trajectoire pluriannuelle équilibrée nécessite en tout état de cause d’être pensée de pair avec le champ auquel elle s’applique. Or un sujet aussi vaste et complexe que ce dernier ne pouvait être traité dans le présent texte d’urgence et mériterait probablement un véhicule plus complet. La modification de l’annexe B afin de garantir le respect de l’équilibre des finances sociales doit ainsi s’accompagner d’une réflexion plus large sur le périmètre des comptes sociaux, dont certains volets – je pense aux régimes complémentaires de retraite ou à l’autonomie – pourraient avoir vocation à respecter une trajectoire comparable et à faire l’objet d’un examen unifié.
    Enfin, en adoptant dans la précipitation une disposition encadrant le budget de la sécurité sociale à un horizon de quatre ans, dans un contexte financier singulièrement difficile – vous l’avez rappelé, madame la ministre déléguée –, on pouvait craindre de créer de la confusion au moment où l’urgence demeure l’accompagnement sanitaire et financier de nos entreprises comme de nos concitoyens.
    L’ensemble de ces éléments ont conduit la commission mixte paritaire à l’échec sur le projet de loi organique et la commission spéciale à rétablir les rédactions issues de nos travaux en première lecture. C’est la position que je vous propose d’adopter en séance publique, tout en conservant les améliorations rédactionnelles apportées par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thomas Mesnier, rapporteur de la commission spéciale pour le projet de loi ordinaire.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur de la commission spéciale

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    Je voudrais tout d’abord saluer la qualité de nos échanges avec les sénateurs, notamment avec mon homologue, le rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est un dialogue comme celui-là, franc et exigeant, qui nous permet de faire progresser certains textes. Je souhaite qu’il se poursuive pour améliorer le cadre de la discussion sur les finances sociales.
    Malgré l’adoption conforme par le Sénat de deux des cinq articles que comptait le projet de loi ordinaire, ainsi qu’un accord de principe tant sur l’opportunité de transférer à la CADES la dette portée par l’ACOSS que sur la création d’une cinquième branche, nous n’avons malheureusement pas pu parvenir à un accord la semaine dernière en commission mixte paritaire.
    Comme l’a expliqué Paul Christophe, le désaccord a essentiellement porté sur la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier. Le transfert de ces 13 milliards d’euros, qui correspond à une promesse faite lors du plan d’urgence pour l’hôpital annoncé en novembre dernier, était contesté par les sénateurs, qui estiment que c’est à l’État que la dette aurait dû être transférée. La question a déjà été soulevée en première lecture, mais je souhaiterais y revenir plus particulièrement, car elle est essentielle.
    Le financement des hôpitaux est assuré à 70 à 75 % par l’assurance maladie, c’est-à-dire par la sécurité sociale. La politique d’investissement massive conduite dans le cadre des plans successifs hôpital 2007 et hôpital 2012 a certes contribué à l’endettement inquiétant des établissements de santé, mais elle va aussi de pair, in fine, avec un manque de financement de l’assurance maladie, notamment avec la faiblesse du niveau des ONDAM – objectifs nationaux de dépenses d’assurance maladie – hospitaliers à la suite de ces investissements massifs. Le débat peut probablement être raffiné à l’infini, mais il me semble que l’on peut le trancher rationnellement en répondant aux trois questions suivantes.
    Tout d’abord, la dette dont nous parlons est-elle sociale ? Oui, et ce à plusieurs titres.
    Elle l’est d’abord en raison du circuit de financement qui soutient les établissements hospitaliers assurant le service public par le biais de la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, donc de l’ACOSS. Elle l’est aussi dès lors que les flux financiers, qui seront orientés vers les établissements selon des clés de répartition à définir au niveau réglementaire, ont vocation à prendre part à la modernisation de notre système de santé, notamment de l’équipement hospitalier contribuant directement à l’amélioration de la prise en charge des patients. Elle l’est enfin dès lors que la distinction entre les investissements consentis par les établissements dans l’immobilier ou dans la modernisation de leur équipement n’a pas de pertinence comptable à l’échelle des établissements eux-mêmes. La nécessaire simplicité de la reprise de dette que nos hôpitaux appellent de leurs vœux plaide pour un circuit unifié – en l’occurrence, au sein de l’assurance maladie.
    Ensuite, la CADES est-elle en situation d’assumer ce transfert ?

    Mme Caroline Fiat

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    Non !

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Oui, puisque, juridiquement, la Caisse a vocation à apurer la dette, telle qu’elle est définie à l’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996, que nous modifions par le projet de loi ordinaire. Elle l’est encore puisque, financièrement, dans les conditions actuelles de refinancement de la Caisse, un tel transfert correspond à une durée de remboursement de neuf mois, sur les neuf ans de délai supplémentaire que nous accordons pour le remboursement de la dette sociale.
    Enfin, faut-il effectuer ce transfert ? Oui, car il y a urgence à alléger le poids de la dette pour les établissements de santé. Un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale des finances, l’IGF, rappelle que 42 % de ces établissements seraient en situation de surendettement, en raison des erreurs du passé. La reprise de la dette contribue ainsi à l’effort public massif consenti en faveur de l’hôpital et de celles et ceux qui le font vivre, tout en permettant d’éviter à l’avenir les investissements  néfastes qui ont pu avoir lieu dans le cadre des plans précédents.
    C’est donc sans équivoque que nous souhaitons confier à la CADES l’apurement d’un tiers de l’ensemble de la dette hospitalière, afin que ce passé soit rapidement soldé par le seul mécanisme aujourd’hui à notre disposition pour apurer la dette.
    S’agissant des autres dispositions, la commission spéciale a rétabli la rédaction de l’Assemblée nationale lorsque cela était nécessaire tout en maintenant à plusieurs reprises celle du Sénat lorsqu’elle améliorait le texte.
    Je note avant tout, avec satisfaction, que si le dispositif n’a pas fait l’unanimité, les sénateurs ont néanmoins encouragé l’Assemblée à poursuivre sur la voie de la création de la cinquième branche – un choix éclairé par plus de vingt ans de débats, et qui permet de concilier les incontestables spécificités du soutien aux personnes âgées dépendantes et aux personnes en situation de handicap et, en même temps, notre volonté d’une prise en charge plus marquée, plus solidaire et plus équitable, dans l’ensemble des territoires.
    C’est là un premier pas, nous le savons bien, mais un premier pas résolu dans une direction qui, j’en suis sûr, est largement approuvée sur les bancs de l’hémicycle. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du présent débat comme des prochains travaux de l’Assemblée ; cette discussion qui devra nous rassembler le plus possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

    Discussion générale commune

    M. le président

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    Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme Jeanine Dubié.

    Mme Jeanine Dubié

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    Il y a un mois, alors que nous examinions en première lecture les projets de loi relatifs à la dette sociale et à l’autonomie, le groupe Libertés et territoires n’a pas caché ses doutes, voire ses désaccords, quant au choix du Gouvernement de faire peser sur la sécurité sociale les coûts considérables de l’épidémie de covid-19.
    Notre groupe exprime à nouveau son scepticisme à l’égard de ces deux projets de loi, et son incompréhension du mélange qu’ils opèrent entre, d’un côté, des dispositions relatives à la gestion de la dette sociale et, de l’autre, celles concernant la création d’une cinquième branche de sécurité sociale consacrée à l’autonomie : ces deux sujets auraient dû être abordés distinctement.
    S’agissant du volet consacré à la reprise de la dette sociale, notre désaccord persiste. Nous craignons vivement que la décision de transférer 136 milliards d’euros de dette à la CADES n’en dénature la raison d’être même. En effet, ce que le Gouvernement propose de transférer n’est pas à proprement parler une dette sociale, mais une dette liée à une crise exogène. Le déficit n’est donc pas seulement la conséquence d’une hausse des dépenses d’assurance maladie : il est le résultat de l’arrêt brutal de notre économie imposé par le confinement et des mesures gouvernementales – certes nécessaires – qui en ont résulté. Selon cette logique, c’est donc bien à l’État de reprendre la dette liée à la crise sanitaire. Cette décision cohérente serait également plus pertinente financièrement, puisque la dette de l’État est gérée à très long terme à un taux avantageux.
    Mais notre désaccord le plus marqué porte sur les modalités de reprise du tiers de la dette des hôpitaux. L’État doit en effet tenir sa promesse initiale, en la reprenant lui-même. Les sénateurs ont eu raison de rappeler que cette dette est en très grande partie due à des investissements immobiliers, qui ne sont pas des dépenses sociales.
    Encore une fois, ce choix contribue à dénaturer la CADES. Notre crainte à cet égard est alimentée par les informations dont nous avons pu avoir connaissance par voie de presse à propos d’une possible prolongation de la CADES jusqu’en 2042. Nous attendons du Gouvernement qu’il nous précise dès aujourd’hui son intention à ce sujet.
    Par ailleurs, le transfert de la dette à la CADES signifie que tous les Français seront amenés à la rembourser en s’acquittant de la CRDS, la contribution au remboursement de la dette sociale, et de la CSG, la contribution sociale généralisée, jusqu’en 2033 au lieu de 2024, alors que l’on aurait pu imaginer une contribution des plus hauts revenus dans un objectif de justice sociale.
    Une prolongation de la CRDS pourrait s’envisager si elle permettait de financer une prestation sociale nouvelle, mais ce n’est pas le choix du Gouvernement, qui nous prive de leviers supplémentaires pour financer de façon pérenne et à la hauteur des besoins le risque dépendance et les dispositifs de soutien à l’autonomie.
    Je ne m’étendrai pas sur le volet relatif à l’autonomie, car j’ai eu l’occasion de m’exprimer longuement sur ce point en première lecture.
    Depuis 1988 et la création de la CSG par Michel Rocard, le financement du soutien à l’autonomie par la solidarité nationale est une question qui a souvent été abordée, mais sans jamais être traitée dans son intégralité.
    Avec ces textes, nous aurions pu avancer en la matière et nous entendre. Nous regrettons sincèrement d’être privés d’un examen approfondi des questions de la dépendance et de l’autonomie. Un texte plus large aurait dû voir le jour, ainsi qu’un véritable débat de fond sur le périmètre, la gestion et le financement de cette nouvelle branche, plutôt que d’aborder ces éléments fondamentaux en marge de projets de loi relatifs à la dette sociale.
    Malheureusement, au-delà du manque de perspectives quant au financement de la nouvelle branche, les présents projets de loi ne proposent pas de réelle réflexion sur ce qu’est l’autonomie, qui renvoie au libre-arbitre de chacun et au respect de la qualité de citoyen, quels que soient l’âge et l’état de santé ou de handicap. Voilà la réflexion liée à l’éthique qu’il nous fallait mener.
    Il convient que la création d’une cinquième branche ne s’appréhende pas uniquement par une compilation de crédits et une nouvelle présentation budgétaire. Sa dimension politique est déterminante, car elle renvoie à la place que notre société réserve aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap, ainsi qu’au regard que nous portons sur elles. (Mme Stella Dupont applaudit.) Ces personnes doivent être parties intégrantes de notre pacte républicain.
    Pour toutes ces raisons, notre groupe reste réservé sur la portée réelle de ce texte en matière de soutien à l’autonomie. (M. Pierre Dharréville et Mme Valérie Six applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat.

    Mme Caroline Fiat

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    Monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur du projet de loi organique, monsieur le rapporteur du projet de loi ordinaire, j’avais prévu d’insister à nouveau sur le fait que ces trois fonctions sont occupées par des hommes, mais, heureusement, Mme Bourguignon a été nommée au Gouvernement et le représente aujourd’hui.

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Pas de chance… (Sourires.)

    Mme Caroline Fiat

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    Nous venons de traverser une crise sanitaire et sociale sans précédent qui a montré à quel point celles et ceux que le Gouvernement a tant méprisés sont aussi celles et ceux qui tiennent le pays à bout de bras lorsque cela est nécessaire. Infirmières, caissières, ou encore éboueurs : ils sont souvent les plus précarisés par vos politiques, mais ce sont eux qui nous ont permis de tenir durant cette période. Si nous sommes biologiquement égaux face au virus, nous ne le sommes pas socialement. Et ces mêmes personnes, qui devaient sortir tous les jours, ont été celles qui ont été les plus contaminées et les plus mises en danger. Je ne redirai pas aujourd’hui que nombre d’entre elles auraient dû rester chez elles, à l’abri, plutôt que de se retrouver agglutinées dans les entrepôts d’Amazon, ou de s’exposer au virus pour livrer des sushis.
    La suite historique aurait dû être de rectifier le tir et de changer de cap. La suite historique – ou plutôt la suite logique – devrait être de faire payer celles et ceux qui le peuvent, au bénéfice de celles et ceux qui ne le peuvent pas et qui, bien souvent, n’en peuvent plus. Il aurait ainsi fallu, par exemple, augmenter les impôts progressifs, de sorte que les plus fortunés contribuent davantage – ce qui aurait constitué un juste niveau de participation – pour combler la dette sociale. Il est également impératif de rétablir un impôt sur la fortune, tant réclamé par la population française et, depuis ce matin, par quatre-vingt-trois millionnaires.
    Au lieu de faire cela, vous vous entêtez et vous endettez encore davantage la sécurité sociale, au travers de la CADES, en lui faisant supporter 136 milliards d’euros supplémentaires de dette. Cette somme correspond à de nombreuses décennies de cotisations sociales perçues sur le dos de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs.
    Mais personne n’est dupe ! Vous pratiquez la stratégie bien connue des libéraux les plus conservateurs : affamer la bête pour mieux la sacrifier ensuite. Vous creusez la dette, avant de revenir ici nous dire qu’elle est trop importante, qu’il faut faire des sacrifices, que les choses étaient imprévisibles, que tout le monde doit participer, se serrer la ceinture et travailler davantage pour percevoir moins. Vous préparez le terrain pour tailler largement dans notre système de protection sociale. Cette crise ne vous a donc rien appris. N’avez-vous donc pas vu à quel point notre système social, s’agissant notamment de notre assurance chômage et de notre assurance maladie, a été précieux ?
    Les impôts les moins progressifs, comme la CSG et la CRDS, vont financer cette dette. Il n’y a pas de redistribution des richesses ; tout le monde paye, quels que soient ses moyens. Certains pourront supporter cette charge, mais d’autres, les plus précaires, ne le pourront pas, même s’ils devront néanmoins le faire. L’appauvrissement des pauvres, venant de vous, ce n’est pas surprenant. De manière encore moins surprenante, les spéculateurs profiteront de cette dette accumulée, puisque vous la financez sur les marchés financiers.
    Dans un rapport d’Attac de septembre 2017, que j’avais déjà mentionné, nous avons appris que la CADES « émet des papiers commerciaux sans aucun contrôle, notamment à la City de Londres et au Luxembourg ». À la date du 16 septembre 2017, la CADES avait remboursé, depuis sa création, 140 milliards d’euros de dette sociale, en grande partie grâce aux impôts, et, dans le même temps, elle avait versé 52 milliards d’euros d’intérêts aux créanciers. Les recettes fiscales servent donc à rembourser des intérêts et des commissions aux banques privées qui spéculent dessus. C’est pourquoi il apparaît nécessaire de lancer un véritable audit citoyen afin de mettre en lumière cette partie illégitime de la dette.
    Enfin, vous vous prévalez de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale. Il s’agit manifestement d’un contre-feu, c’est-à-dire d’une diversion pour masquer le reste des dispositions prévues par ces textes. Si nous estimons qu’il est urgent de financer un service public de la perte d’autonomie, celui-ci devrait l’être par les cotisations sociales et non par la CSG. Nous pensons que l’État doit investir considérablement dans les politiques du grand âge. Pour vous donner une idée de budget, nous évaluions, Monique Iborra et moi-même, dans notre rapport sur les EHPAD, le financement d’une cinquième branche à au moins 20 milliards d’euros, ce qui équivaut à un point de PIB. Or sur ce point également, il n’y a que des effets d’annonce, mais pas d’actes.
    Pour toutes ces raisons, le groupe La France insoumise votera contre ces projets de loi. Alors que nous avons traversé une crise sans précédent, et alors que le pays a tenu grâce à ses services publics, vous préparez leur destruction. Allez-vous, un jour, retenir les leçons du passé ? Allez-vous, un jour, faire payer ceux qui en ont les moyens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Bagarry.

    Mme Delphine Bagarry

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    Malgré quelques désaccords, l’examen de ces deux textes par les deux chambres du Parlement a permis un rapprochement sur les grandes lignes que sont la reprise par la sécurité sociale de la dette sociale, que nous qualifierons donc de « dette covid-19 », et l’inscription dans la loi d’une cinquième branche, celle de l’autonomie. Après le travail réalisé en commission spéciale, l’Assemblée débat donc en nouvelle lecture de textes identiques à ceux qu’elle a adoptés il y a un mois. En somme, la question paraît entendue : les principaux points soulevés semblent arbitrés.
    Le législateur, au travers du projet de loi organique, s’apprête donc à prolonger, jusqu’en 2033, une dette sociale issue de la crise de la covid-19 : 15,5 milliards d’euros de prélèvements obligatoires sur les revenus d’activité continueront, jusqu’à cette date, à être consacrés à son apurement.
    Dans le même temps, des incertitudes réelles pèsent sur l’équilibre des comptes de la sécurité sociale à court et moyen termes ; le rejet, par plusieurs groupes politiques, d’une règle d’or proposée par le Sénat en est le meilleur exemple. Ségur de la santé, négociation sur la création de la cinquième branche, relance de la réforme des retraites, conséquences de la récession sur la dynamique de perception des cotisations : les incertitudes sont nombreuses. Le groupe Écologie démocratie solidarité ne peut donc que regretter que le Gouvernement se prive de ressources qui auraient pu permettre, dès 2024, de répondre à ce grand enjeu du XXIe siècle qu’est la dépendance.
    Ici réside la grande contradiction de ces deux projets de loi, avec, d’une part, l’inscription dans le code de la sécurité sociale d’une cinquième branche relative à l’autonomie et, d’autre part, le renoncement aux financements qui auraient pu y être consacrés, la CRDS étant, de fait, prolongée de dix ans.
    Les députés s’apprêtent donc à légiférer en faisant face à ces nombreuses incertitudes et à cette grande contradiction. Pourtant, ces questions sont cruciales et auraient mérité un débat bien plus approfondi au regard des conséquences qu’auront les deux principales dispositions. Les députés présents aujourd’hui doivent avoir conscience de ce que signifie le maintien de la CRDS, en particulier pour les petits revenus, comme ils ont conscience de la nécessité de réussir la réforme de la dépendance.
    En l’absence de mesures claires et lisibles sur son financement et puisque la question fiscale semble être entendue, rien ne garantit que la promesse de progrès contenue dans ces textes puisse être suivie d’effet. Le Parlement est sommé d’attendre la conférence des financeurs et il n’est pas certain qu’il soit mieux informé lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale car celle-ci n’aboutira, sauf erreur de ma part, qu’en novembre.
    Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la navette parlementaire n’a pas fait changer d’avis le groupe Écologie démocratie solidarité. Ces projets de loi font perdre à notre État providence la souplesse dont il a besoin pour s’adapter aux grands enjeux de demain et nous regrettons qu’à ce jour rien ne garantisse que la création d’une cinquième branche permettra d’améliorer effectivement le quotidien des Français en situation de fragilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes EDS, GDR et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    La crise sanitaire liée au covid-19 sera suivie, nous le savons tous, d’une crise économique et, plus largement, d’une crise multifactorielle qui affectera durablement le monde. La crise sera globale et nous obligera tous à des adaptations qui, pour certaines, transformeront nos modes de vie. Il nous faudra mener des réflexions sur les méthodes de travail, les modes de déplacements, ou encore nos façons de consommer. Nous devons faire confiance à l’humain et à ses capacités d’adaptation pour que cet « après », que nous sommes en train de construire, soit porteur d’espoir et d’améliorations.
    Mais cela ne pourra se réaliser si les contraintes financières sont trop intenses : le Gouvernement, en aidant massivement, en indemnisant, en payant, en finançant, a, de fait, alourdi la dette. Or les dettes ne peuvent être envisagées que si on les maîtrise et que l’on dispose de perspectives raisonnables de remboursement. Les équilibres financiers seront bousculés et celui de la sécurité sociale sera affecté tant en recettes qu’en dépenses.
    Comme l’a indiqué le Gouvernement, le déficit prévisionnel de la sécurité sociale, pour la seule année 2020, approchera les 52 milliards d’euros, un montant qui n’a jamais été atteint, même au plus fort de la crise financière de 2008. Si rien n’est fait, l’ACOSS pourrait prochainement se trouver en situation de détenir près de 95 milliards d’euros de dette de courte échéance auprès des marchés financiers, des banques et de la Caisse des dépôts et consignations.
    Cette situation ne pourra perdurer, au risque de faire courir un certain nombre de risques, en cas de forte détérioration de la conjoncture, s’agissant aussi bien des taux que des liquidités disponibles. Un nouveau transfert à la CADES est donc apparu comme la solution la plus évidente afin de reprendre et d’amortir la dette de la sécurité sociale. Les textes que nous examinons aujourd’hui visent à permettre la couverture par la CADES des déficits accumulés par les régimes de base de la sécurité sociale à hauteur de 136 milliards d’euros, ce qui allonge sa durée de vie de 2024 à 2033. Ce transfert soulagera la trésorerie de l’ACOSS, mais permettra surtout à notre pays de continuer à suivre la doctrine selon laquelle la dette sociale doit être amortie pour ne pas faire peser le poids des prestations d’aujourd’hui sur nos enfants. Il convient de faire disparaître la dette en l’amortissant progressivement ; c’est un préalable, quitte à en repousser l’échéance compte tenu des circonstances.
    Il est en effet logique que les contributions versées auprès de la sécurité sociale financent les prestations sans en reporter le poids sur le futur. C’est logique, mais néanmoins difficile à respecter en raison de cette crise multifactorielle. Oui, la date de l’amortissement de la dette est repoussée, mais le cap est maintenu, la volonté est ferme, et les actions menées pour y aboutir sont fortes.
    Certains de mes collègues parlementaires ont exprimé le souhait de voir établie dans ce texte une règle d’or pour contraindre un peu plus la gestion de cette dette. Si les députés du groupe Agir ensemble sont favorables à l’idée de tendre vers une règle d’or, nous estimons cependant que cette initiative est à la fois prématurée au regard de l’urgence de l’examen de ce texte et trop isolée en l’absence d’une réforme globale du cadre d’examen de la loi de financement de la sécurité sociale.
    Il nous semble préférable d’engager une réflexion plus approfondie, qui prenne en considération notamment les évolutions à venir dans les prochaines lois de financement de la sécurité sociale – LFSS –, qui intégreront ce cinquième risque. En effet, une gestion rigoureuse de la dette sociale est d’autant plus nécessaire que paraît le défi du grand âge et de l’autonomie. Notre pays sera confronté dans les années à venir à une évolution sans précédent, tant du point de vue du nombre croissant d’assurés à protéger que de celui des solutions transversales à imaginer.
    L’affectation de certaines recettes à la CADES était envisagée comme une piste de financement pour relever le défi du vieillissement de la population. Pour y parvenir, les deux projets de loi sanctuarisent une part des recettes de la CADES, pour la flécher à partir de 2024 vers les dépenses relatives au grand âge. Ils ouvrent aussi la réflexion sur la création d’un risque spécifique de protection sociale et d’une nouvelle branche, relatifs à l’aide à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, en proposant la remise d’un rapport sur les modalités de leur entrée en vigueur.
    Les projets de loi poursuivent également la réflexion sur l’organisation actuelle du budget relatif à cette politique, à laquelle plusieurs acteurs majeurs travaillent déjà de concert : l’assurance maladie, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – CNSA – et les conseils départementaux. Actuellement, les budgets alloués à l’autonomie ne sont pas agrégés ; or cela permettrait de mieux dessiner les contours de cette politique, de l’évaluer et de la faire évoluer le cas échéant. La création de ce risque identifié constitue à mon sens une avancée importante : tous les partenaires discerneront désormais plus facilement les atouts et contraintes de cette politique, qui sera ainsi mieux pilotée.
    Le travail parlementaire est à l’origine de cet aboutissement de la réflexion sur le cinquième risque. À l’initiative du rapporteur, la commission spéciale a décidé d’assumer pleinement ses responsabilités en prenant fermement position en faveur de la création d’une branche « autonomie ». Certes, ce risque était déjà assumé par la solidarité nationale à travers l’allocation personnalisée d’autonomie – APA – et la prestation de compensation du handicap – PCH –, mais le cinquième risque, ainsi défini, permet de bien distinguer la cinquième branche du régime général, complétant ainsi les branches historiques.
    La commission a ainsi entendu donner une direction précise aux travaux qui aboutiront dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Il s’agira alors d’être vigilants quant aux recettes affectées à cette branche, afin d’octroyer les moyens nécessaires à la poursuite de cette ambition. Il conviendra également d’être attentifs à la gouvernance de cette branche, en maintenant un équilibre entre CNSA et départements, qui travaillent déjà bien ensemble.
    Vous l’aurez compris, le groupe Agir ensemble votera les deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    Lors de sa première intervention dans notre hémicycle, le Premier ministre a tiré argument des conséquences de la crise sur notre système de retraites pour inventer un risque « d’effondrement ». Je vous retourne l’argument, à vous qui voulez faire peser sur les épaules de la sécurité sociale le poids des mesures prises pendant le confinement. Voulez-vous son effondrement ? C’est plutôt son corsetage que vous ferez perdurer indûment avec cette dette arbitrairement attribuée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, financée par l’impôt. Et selon la technique du « y’en a un peu plus, je vous le mets aussi ? », vous y ajoutez par exemple la dette des hôpitaux – un tiers –, alors que sa reprise par l’État avait été annoncée.
    Cette opération s’inscrit dans un schéma d’assèchement continuel des ressources de la sécurité sociale. Vous pratiquez la politique des caisses vides pour justifier des coupes dans les dépenses sociales. Or, le ralentissement économique entraînera de fait une chute des recettes. Il est donc urgent d’aller chercher les ressources nécessaires pour maîtriser la situation, en permettant à notre système de protection sociale de rester au rendez-vous. Cependant, vous refusez d’ouvrir ce débat ; vous annoncez de nouvelles exonérations de cotisations, employant systématiquement la même recette, dont l’efficacité économique n’a jamais été prouvée, mais dont les conséquences sociales sont toujours avérées. Ce faisant, vous créez les conditions d’une modération salariale et vous édifiez une économie des petits boulots. S’y ajoute le mauvais choix financier que représente cette option, puisque la dette coûtera ainsi plus cher.
    Vous nagez en pleine confusion : vous abolissez la différence entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale, de plus en plus étatisée, de plus en plus conçue comme un filet de sécurité et non plus comme une garantie de droits à la protection sociale. Les jeux de tuyauterie affaiblissent l’édifice de la sécurité sociale et la singularité de cette invention, conçue comme une propriété des travailleurs et des travailleuses.
    Le deuxième volet de la réforme est une opération publicitaire, une forme de « teasing » autour d’un sujet trop essentiel pour en faire un objet de marketing, trop sensible pour sacrifier une réflexion de fond et d’ensemble.
    À la première écoute, la création d’une branche, dite « autonomie », au sein de la sécurité sociale, sonne bien aux oreilles. En réalité, rien n’est créé qu’une intention, que vous ne définissez pas précisément. La raison de cette précipitation grossière est connue : le rapport Libault préconisait d’utiliser les ressources de la CADES pour financer des mesures en faveur de l’autonomie, or vous avez, dans le chapitre précédent, fait main basse sur ces ressources. Après le drame de nos EHPAD, vous ne vouliez pas être accusés de ne rien faire – vous commandez donc un rapport. Il est sans doute déjà quasiment écrit, avant même que nous l’ayons demandé ; par l’entremise d’un amendement, vous ne l’attendez même pas pour acter votre décision. Pour notre part, nous considérons que la sécurité sociale, avec sa branche maladie, est faite pour assurer à chacune et chacun le droit à un état de complet bien-être physique, mental et social, tout au long de sa vie. Aujourd’hui, nous ne sommes pas au niveau. Nombre de personnes se trouvent en difficulté en raison de tout ce qui est exclu de la prise en charge.
    Créer une nouvelle branche, dépourvue de sève et de feuilles – certains ont évoqué une coquille vide –, ne garantit pas que l’on répondra mieux aux enjeux. On ne sait pas bien comment on distinguera ce qui lui revient de ce qui relève du droit à la santé couvert par l’assurance-maladie, parce que vous voulez un mode de financement et un mode de gouvernance différents de ceux qui existent. En outre, vous ne dites rien du niveau des droits. Des aides existent, insuffisantes pour assurer une prise en charge correcte et une véritable reconnaissance salariale des métiers de l’autonomie. Ce sont les familles, les aidants, qui font face tant bien que mal.
    Il faut donc agir en faveur de l’autonomie. Cela suppose une meilleure prise en charge d’une part, et un véritable service public de l’autonomie d’autre part, pour la sortir des affres de la silver économie et la protéger des profiteurs en tous genres. Nous avons donc besoin d’entrer dans un nouvel âge du soutien à l’autonomie – c’est une urgence.
    Vous ne nous avez pas appris à vous faire confiance, a fortiori en matière de protection sociale. Ce nouveau morcellement de la sécurité sociale va à l’encontre de l’unité dont on nous avait approximativement rappelé l’intuition fondatrice à l’occasion du débat sur les retraites. Avec ce texte, dont l’examen avait commencé avant le remaniement, nous vérifions que le gouvernement Castex est bien le continuateur zélé du gouvernement Philippe. La sécurité sociale mérite plus d’égards, plus de respect que des arrangements à la petite semaine, englués dans la religion du marché. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Stella Dupont.

    Mme Stella Dupont

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    Les textes dont nous débattons à nouveau marqueront l’histoire de la sécurité sociale et celle de notre État providence. La création par notre Assemblée, par voie d’amendement en première lecture, d’une cinquième branche de la sécurité sociale consacrée au soutien à l’autonomie, est en effet historique, comme l’a rappelé le Premier ministre hier dans son discours de politique générale. Nous saluons le fait que cette création ait fait l’objet d’un vote conforme au Sénat – même s’il ne m’a pas échappé qu’elle n’avait pas fait l’unanimité. Ce vote traduit la priorité absolue que représente la question ; elle sera financée, dès 2021, à hauteur d’1 milliard d’euros au moins, selon l’engagement pris au banc par le ministre Olivier Véran. Je salue à cet égard, à titre personnel et au nom du groupe La République en marche, la création d’un ministère délégué à l’autonomie et le fait qu’il vous ait été confié, chère Brigitte. Vous saurez défendre haut et fort cette priorité de la législature.
    Toutefois, l’échec de la commission mixte paritaire témoigne de la persistance de désaccords entre l’Assemblée et le Sénat. L’inscription d’une règle d’or de la sécurité sociale à partir de 2025 ne nous semble pas pertinente au regard de la situation économique et sociale actuelle de notre pays. En effet, bien que l’équilibre à moyen terme des comptes de la sécurité sociale demeure un principe cardinal de nos finances publiques, l’inscription d’une telle règle dans un projet de loi organique serait assimilée à une politique d’austérité. Or la France entre dans une crise économique et sociale dont les conséquences et la durée sont loin d’être connues. Aussi, instaurer une règle d’or hypothéquerait les chances de la sécurité sociale de surmonter la crise, avec toutes les marges de manœuvre dont elle a besoin. C’est pourquoi nous avons supprimé cette disposition hier, en commission spéciale, lors de l’examen en nouvelle lecture.
    Par ailleurs, le Sénat a supprimé la mesure visant à transférer un tiers de la dette contractée par les hôpitaux à la CADES. Or, elle est destinée à accompagner les hôpitaux, qui ont été en première ligne tout au long de la crise. Nous avons donc rétabli hier cette reprise de dette, afin d’assurer la pérennité de nos établissements hospitaliers – les rapporteurs Thomas Mesnier et Paul Christophe l’ont rappelé.
    Ces projets de loi ordinaire et organique constituent une première étape de la reconnaissance de tout un secteur aujourd’hui en souffrance. Nos aînés ont été particulièrement touchés par la crise sanitaire. La population française vieillit, les personnes âgées ont besoin d’une pluralité d’accompagnements et de prises en charge pour adapter leurs choix de vie à leur perte d’autonomie. Confrontés à ce phénomène, les professionnels de ce secteur sont en souffrance. Leurs métiers sont souvent mal payés, avec des horaires très contraignants, ils sont difficiles tant physiquement que psychologiquement, même s’ils sont d’une grande richesse humaine. Nous connaissons cette réalité par notre ancrage dans le terrain. Cette réforme ne peut plus attendre. Elle doit intégrer non seulement la question du grand âge, mais aussi celle du handicap. Nous proposons donc que la nouvelle branche de la sécurité sociale regroupe l’ensemble de l’action de soutien à l’autonomie, quel que soit l’âge du bénéficiaire.
    Au-delà du contexte que nous connaissons, nous devons collectivement trouver des solutions pour répondre à ce secteur dont la demande est légitime et urgente. Les conclusions du Ségur de la santé s’inscrivent dans cette logique de revalorisation globale et doivent être saluées. Elles représentent une avancée historique en matière de revalorisation des métiers des soignants, des personnels paramédicaux et non médicaux. Il nous appartient désormais de nous assurer de la pérennité de ces avancées : ce sera le rôle du Parlement d’ici à l’automne budgétaire, avec notamment le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous serons également particulièrement impliqués dans la définition des contours de cette branche, avec le projet de loi grand âge et autonomie que nous attendons, madame la ministre déléguée : il devra nous être présenté au plus vite, en vue d’une adoption définitive au plus vite.
    J’ai apprécié les mots de notre collègue Jeanine Dubié : la nouvelle branche ne doit pas être enfermée dans une définition strictement budgétaire. Nous devons poursuivre collectivement l’ambition d’offrir une véritable place, au sens large, aux aînés de notre société. Notre majorité comme l’ensemble du Parlement, je l’espère, seront particulièrement actifs et impliqués concernant ce sujet essentiel, qui nous occupera durant les semaines à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Door.

    M. Jean-Pierre Door

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    Madame la ministre déléguée, j’ai plaisir à vous voir au banc du Gouvernement.
    La crise du coronavirus oblige les pouvoirs publics à réagir dans l’urgence pour financer un déficit colossal et une dette qui n’en finit plus d’augmenter. Cette dernière est alimentée par de nouveaux déficits dans le contexte de l’absence de compensation par l’État des différentes mesures d’allégement décidées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et d’une mauvaise gestion de la crise des gilets jaunes.
    La loi Veil de 1994 avait en effet prévu le principe d’une compensation intégrale par l’État des allégements et exonérations de cotisations sociales aux caisses de sécurité sociale. Nous en sommes loin. Cette absence de compensation, qui pénalise les cotisants, pèse très lourd sur le budget de la sécurité sociale. Aujourd’hui, il est pour le moins contestable que le coût de la crise sanitaire soit endossé par la sécurité sociale, et donc largement supporté par les actifs et les retraités. L’un des fondements de la sécurité sociale, le principe d’autonomie, est une nouvelle fois mis à mal.
    En première lecture, le Sénat a souhaité nous prémunir des dangers d’un nouveau chemin, celui d’une dette sociale incontrôlable qui s’ajoute à une dette publique vertigineuse et à celle des collectivités territoriales. Ainsi, il a rejeté le transfert de la dette des hôpitaux à la CADES et a instauré, dès la sortie de la crise actuelle, une règle d’or destinée à encadrer les futures lois de financement de la sécurité sociale. Nous regrettons donc l’échec de la commission mixte paritaire et le retour à un texte pour l’essentiel identique à celui adopté à l’Assemblée nationale en première lecture.
    Ce que nous n’acceptons pas, c’est la prise en charge par la CADES de l’amortissement d’un tiers de la dette hospitalière, pour un coût de 13 milliards d’euros. Même si le groupe Les Républicains n’est pas opposé à la reprise partielle de la dette des hôpitaux, cette somme n’est pas due à une mauvaise gestion des comptes sociaux ou à la crise sanitaire, mais à des décisions qu’il appartient à l’État d’assumer. Sans rapport avec les régimes obligatoires de la sécurité sociale, elle est très largement due à des investissements immobiliers mal maîtrisés.
    Cette mesure, à laquelle les partenaires sociaux et les caisses d’assurance maladie sont d’ailleurs opposés, devrait faire l’objet d’une compensation par le budget de l’État. Il faut que la CADES reste centrée sur sa mission d’apurement des déficits de la sécurité sociale, en particulier de toutes les branches. Elle est une structure d’amortissement, elle n’a pas à être transformée en structure de financement – le Conseil d’État a d’ailleurs critiqué cette tendance. Un tel précédent ouvre d’ailleurs dangereusement la voie à des manipulations en faveur d’autres structures, qui seront ainsi tentées de se financer à bon compte. C’est tout l’objet de l’un de nos amendements.
    En revanche, nous approuvons l’instauration d’une règle d’or, inspirée du rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale de novembre 2019. Cette règle, je l’avais d’ailleurs défendue dès 2010 avec l’un de nos anciens collègues, Jean-Luc Préel. L’annexe votée dans chaque PLFSS devra présenter un solde cumulé positif ou nul sur cinq ans pour l’ensemble des régimes obligatoires, ainsi que pour le fonds de solidarité vieillesse. En 2010, nous gardions en effet l’objectif d’une extinction totale de la dette et nous avions allongé la durée de vie de la CADES de quatre ans, portant ainsi l’horizon de l’amortissement au 31 décembre 2025 au plus tard. Contrairement à ce qu’indique le rapport, cette mesure entre tout à fait dans le champ d’un projet de loi organique consacré à la dette sociale. Nous refusons cette dette sociale perpétuelle, et nous souhaitons mettre en place les conditions de son non-renouvellement.
    En matière d’autonomie, le principe de la création d’une cinquième branche, proposé en première lecture à la faveur d’un amendement de la majorité, a été adopté. Mme la ministre déléguée a toutefois rappelé que les conclusions du rapport que le Gouvernement doit présenter au Parlement ne seront pas connues avant le 15 septembre 2020. C’est ce qui s’appelle mettre la charrue avant les bœufs ! Nous sommes assez circonspects car, à l’heure actuelle, ni les contours ni le financement de cette cinquième branche ne sont clairs. D’autre part, cette création pourrait tout aussi bien relever du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale.
    Enfin, pour des motifs à la fois sanitaires et financiers, nous défendrons au cours de ce débat un amendement tendant à introduire la prévention comme sous-objectif de l’ONDAM, car elle reste le parent pauvre de la santé.
    Vous aurez compris que, pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre ce texte modifié par la commission spéciale. (Applaudissementssur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Noël Barrot.

    M. Jean-Noël Barrot

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    Nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner en nouvelle lecture les deux projets de loi, organique et ordinaire, relatifs à la dette sociale et à l’autonomie. Comme en première lecture, le groupe MODEM s’accorde sur l’impérieuse nécessité de procéder à un transfert massif de dette à la CADES tout en prolongeant sa durée de vie jusqu’en 2033.
    Le caractère exceptionnel de la crise sanitaire appelle en effet des mesures d’ampleur, qui se traduisent par ces 136 milliards d’euros de reprise de dette permettant une réponse à court terme et, dans un temps plus long, de nous doter des capacités de relever les défis sociaux qui nous attendent. Il nous apparaît donc essentiel, pour faire face à un choc économique sans précédent, de prolonger la durée d’amortissement de la dette sociale afin de sécuriser l’ensemble de notre système de protection sociale.
    Une partie de ces 136 milliards d’euros de reprise de dette a fait l’objet de débats intenses et de désaccords qui ont conduit à l’échec de la commission mixte paritaire. Le point de désaccord majeur réside dans la reprise par la CADES de la dette des établissements de santé, privés et d’intérêt collectif, et assurant le service public hospitalier. De notre point de vue, le fait que la dette d’établissements financés par la sécurité sociale soit reprise par celle-ci est cohérent : en effet, les établissements en question sont financés par l’assurance maladie, aussi bien pour leurs dépenses d’investissement que pour leurs dépenses de fonctionnement, et s’ils se sont endettés, c’est parce que les financements votés en loi de financement de la sécurité sociale n’étaient pas à la hauteur de leurs besoins.
    Parallèlement à cette disposition, il incombera au Gouvernement de continuer à proposer des ONDAM hospitaliers à la hauteur des besoins d’investissement de ces établissements dans les prochains budgets de la sécurité sociale.
    L’introduction par le Sénat d’une règle d’or pour l’ensemble des branches de la sécurité sociale nous apparaissait une idée intéressante pour garantir la soutenabilité de leur financement. Si le dispositif ne s’insérait sans doute pas parfaitement dans ce texte, nous considérons qu’inscrire dans la loi la nécessité d’arriver à un solde positif des branches sur une période déterminée n’est pas inutile dans la perspective des années à venir. Notre objectif d’un solde positif ou excédentaire sur cinq ans était clair. Nous reviendrons sur ce sujet en formulant des propositions dans les mois qui viennent.
    Si les deux textes que nous examinons présentent un aspect particulièrement technique et financier, ils comportent également des mesures d’une grande humanité qui ouvrent la voie à la réforme tant attendue de l’accompagnement du grand âge. Rappelons en effet qu’en première lecture, à l’initiative des députés de la majorité, notre assemblée a entériné la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à la perte d’autonomie. Si certains esprits ne veulent y voir qu’une coquille vide, nous préférons nous féliciter de cette première étape fondamentale pour la prise en charge de la dépendance sous toutes ses formes, notamment celles liées au grand âge. (MM. les rapporteurs et Mme Stella Dupont applaudissent.)
    Rappelons aussi que ce projet de loi prévoit d’ores et déjà de flécher, à partir de 2024, 0,15 point de CSG vers cette cinquième branche, soit 2,5 milliards d’euros par an. Le Gouvernement s’est également engagé à mettre 1 milliard d’euros sur la table pour la perte d’autonomie, dès 2021, dans le prochain PLFSS.
    Néanmoins, cette réforme ne saurait être uniquement financière, et les semaines à venir seront déterminantes pour réfléchir avec l’ensemble des parties prenantes à l’architecture, à l’organisation et à la gouvernance de cette nouvelle composante de la protection sociale. La question de la prévention, chère à notre groupe, et que défend depuis le début de la législature notre collègue Cyrille Isaac-Sibille, devra constituer une priorité, au même titre que la valorisation et l’attractivité de tous les métiers du secteur. Il s’agit d’inscrire cette réforme dans une véritable politique de santé publique.
    À cet égard, nous nous félicitons que notre ancienne collègue Brigitte Bourguignon ait été nommée ministre déléguée à cette cause. Nous savons qu’elle saura mettre toute son énergie au service de l’aboutissement de cette réforme, avec le concours de l’ensemble des députés du groupe MODEM. Je veux remercier les rapporteurs pour leur travail et saluer le sens de l’écoute et de l’animation des débats dont a fait preuve le président de la commission spéciale. Ainsi, comme en première lecture, notre groupe votera ces projets de loi organique et ordinaire dans un esprit de responsabilité mêlé à un sentiment de fierté. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Boris Vallaud.

    M. Boris Vallaud

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    À entendre les propos liminaires de Brigitte Bourguignon et l’intervention de certains de nos collègues, j’avais l’impression d’être en décembre 2018…

    M. Pierre Dharréville

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    Ce n’est pas le cas ?

    M. Boris Vallaud

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    …et que nous examinions enfin la grande loi sur l’autonomie, qui avait été annoncée pour cette date. Ce n’est manifestement pas la loi promise, attendue, travaillée, prête au moment du départ de Mme Buzyn vers d’autres aventures.

    M. Pierre Dharréville

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    Elle arrive !

    M. Boris Vallaud

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    Celle que nous avons à examiner aujourd’hui est avant tout une loi budgétaire et financière. Elle sanctionne d’abord le transfert de 136 milliards d’euros à la CADES, sans qu’il y ait eu de véritable débat sur le bien-fondé de ce choix. Il a d’ailleurs été très largement contesté par de nombreux économistes comme par le Haut Conseil du financement de la protection sociale, qui ont justement analysé la différence entre une dette de l’État et une dette de la sécurité sociale. Celle dont nous parlons n’est pas constituée en raison d’un déséquilibre structurel du régime de la sécurité sociale, mais procède de décisions de l’État, prises à l’occasion de la crise et dont le bien-fondé n’est pas discuté en l’espèce.
    La nature particulière de cette dette commandait qu’elle soit traitée d’une façon particulière et demeure dans le giron de l’État. Cette solution présentait bien des avantages, le premier tenant au fait que l’État emprunte à des conditions plus favorables que les agences sociales, avec un écart de taux qui se situe régulièrement, depuis la création de la CADES, entre 0,1 et 0,3 point.
    Le deuxième avantage tient à la nature même des dettes concernées et aux conséquences qui en découlent. Depuis 1996, la dette de la sécurité sociale a fait l’objet d’un amortissement et donc d’un remboursement intégral, intérêts et capital : elle doit donc tendre vers zéro. La dette de l’État, elle, est gérée à long terme : l’État ne supporte que les intérêts et réemprunte continûment et indéfiniment le principal, ce qui s’appelle « faire rouler la dette ». Le débat porte en général sur le niveau soutenable, acceptable, de la dette de l’État, et pas sur son extinction.
    Votre choix nous fait craindre que vous n’hypothéquiez les marges de manœuvre de la dépense sociale, au moment où chacun mesure à quel point nous en aurons besoin pour l’hôpital, au-delà des augmentations de salaire qui ont été annoncées et qui sont les bienvenues. Alors que le coût annuel de la dette liée au covid-19 supportée par l’État serait de 1,5 milliard d’euros par an, ce qui correspond aux intérêts, le transfert de cette dette à la CADES, qui devait s’éteindre en 2024, prive la politique sociale de la nation d’une dizaine de milliards d’euros par an de CSG, de CRDS et de cotisations chômage.
    Vous avez fait un choix curieux, celui de faire payer la dette à ceux que nous avons applaudis à vingt heures comme aux plus riches. Vous dites, comme le Premier ministre hier, que vous avez choisi de ne pas augmenter les impôts. Mais si ! Vous les augmentez pour tout le monde jusqu’en 2033.
    Aujourd’hui, nous lisons que quatre-vingt-trois milliardaires demandent à être taxés. Ça tombe bien, parce que nous sommes quelques-uns à proposer que ceux-là soient mis à contribution, comme ce fut le cas, par exemple, en Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
    Vous pourriez d’ailleurs, sans froisser ceux qui seraient assujettis à cet impôt, vous rallier à la proposition qui consiste à faire contribuer les 1 % d’Européens les plus riches – ceux qui possèdent à peu près 20 à 25 % de la richesse en France, en Allemagne ou en Espagne – à un taux de 1 % pour ceux qui ont un patrimoine supérieur à 2 millions d’euros, de 2 % pour les 0,1 % les plus riches, et de 3 % pour les milliardaires. Le rendement de cet impôt, au niveau de l’Europe, serait d’un peu plus de 1 % du PIB par an. Ainsi, nous pourrions faire rembourser, fût-ce de manière temporaire, la dette covid par les plus riches d’entre nous.
    S’agissant de la création de la cinquième branche, nous nous réjouissons de son inscription à l’agenda du Gouvernement, après cette crise qui a été un choc anthropologique majeur, comme chacune et chacun d’entre nous a pu le mesurer. Toutefois, pour l’instant, il ne s’agit guère que d’une annonce. Vous ne dites rien de la manière dont vous concevez cette branche, ni de sa gouvernance et la politique publique qu’elle implique. Celle-ci devra nécessairement être globale, à la confluence du social et du médico-social, et ne pas se limiter à des prestations monétaires.
    Ainsi serait-il excessif, à ce stade, de lire dans ces projets de loi la nuit du 4 août que vous annoncez à chacune de vos réformes. Pour cette raison, le groupe socialistes et apparentés ne les soutiendra pas, à ce stade. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six.

    Mme Valérie Six

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    Permettez-moi tout d’abord, madame Bourguignon, de vous féliciter de vive voix pour votre nomination.
    Les deux projets de loi que nous examinons en nouvelle lecture répondent avant tout à une urgence : soulager la trésorerie de l’ACOSS, qui finance les différentes branches du système de sécurité sociale français. Ils prévoient d’assurer la viabilité de la sécurité sociale et de la protéger.
    « Sécurité sociale » : ces mots ne sont pas vains. Ils désignent l’effort réalisé par la nation pour protéger nos concitoyens des aléas de la vie. L’ensemble des institutions de la République, l’État, les collectivités locales et tout notre système de santé ont dû faire face au covid-19. La crise sanitaire est loin d’être derrière nous, et il est à craindre qu’elle s’accompagne d’une crise économique et sociale d’ampleur inédite.
    Soyons lucides sur la situation actuelle : refuser de s’endetter aujourd’hui reviendrait à faire porter le poids de la crise sur les forces vives de notre pays, à brider nos efforts de relance, à affaiblir notre outil productif, alors qu’il est vital de replacer notre pays sur un chemin de croissance dynamique. Le report à 2033 de l’amortissement de la dette ainsi que la reprise de 136 milliards d’euros de dette par la CADES pour couvrir les déficits passés et ceux résultant de la crise sanitaire nous paraissent justifiés.
    Toutefois, des questions subsistent. Alors que le Gouvernement s’était engagé à reprendre 13 milliards d’euros de dette des hôpitaux en novembre 2019, pourquoi souhaite-t-il les faire passer sur le budget de la sécurité sociale ? Pourquoi alourdir encore ce budget déficitaire au sortir de la crise du covid-19 en ajoutant de la dette à la dette ? Des efforts importants d’économies ont pourtant été consentis année après année. Ils sont d’ailleurs pour partie, avec l’instauration de la T2A – tarification à l’activité –, responsables de la dette hospitalière.
    Qu’en est-il du secteur privé, dont nous avons compris qu’il serait concerné à la marge par la reprise de la dette ? Il a, comme le secteur public, été durement touché par la crise.
    Nous nous étonnons par ailleurs de l’opposition du groupe majoritaire, La République en marche, en commission mixte paritaire, à la proposition de nos collègues sénateurs d’inscrire une règle d’or dans le projet de loi organique. Il s’agissait d’un gage de sérieux budgétaire, d’un signal envoyé aux générations futures. C’était une question de principe, de bonne gestion.
    Ces projets de loi organique et ordinaire posent le principe de la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale. Le groupe UDI et indépendants y est bien sûr très favorable : elle permettrait enfin de financer de manière pérenne la dépendance et le grand âge. Pourtant, la méthode choisie, consistant à passer par un projet de loi d’urgence visant à sécuriser l’ACOSS, ne peut que nous conduire à nous interroger. Par ailleurs, la date retenue pour la prise en charge de ce nouveau risque, en 2024, est bien trop éloignée : c’est dès 2021 qu’il faut changer la donne et amorcer la trajectoire.
    Les montants fléchés, à hauteur de 2,3 milliards d’euros, paraissent bien insuffisants au regard des besoins réels, estimés à 6 milliards en 2024 et 10 milliards à l’horizon 2030. Il est impératif d’imaginer d’autres financements pour répondre aux besoins urgents liés à la dépendance, que la crise du covid-19 a encore exacerbés. On nous annonce que 1 milliard d’euros supplémentaires seront ouverts dans le PLFSS pour 2021. En s’appuyant sur quels leviers ? S’agira-t-il de prélèvements supplémentaires ? Comptez-vous recourir à l’endettement ? Nous ne connaissons pas non plus précisément le cadre d’intervention de cette cinquième branche.
    La dépendance constitue un sujet de souffrances et d’inquiétudes pour beaucoup de nos compatriotes. Je pense notamment aux aidants, qui suppléent aux carences de l’État alors que nous n’avons guère progressé sur ce sujet depuis dix ans.
    La majorité des membres de notre groupe s’abstiendra donc sur ces deux textes. La reprise de la dette de l’ACOSS constitue un enjeu de bonne gestion des comptes sociaux – nous le comprenons parfaitement –, mais il aurait été préférable d’aborder la question du grand âge et de l’autonomie, sujets de société majeurs, dans un texte spécifique.

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Discussion des articles (projet de loi organique)

    M. le président

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    J’appelle en premier lieu, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique.

    Article 1er bis

    M. le président

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    La commission a supprimé l’article 1er bis.
    L’amendement no 3 de Mme Valérie Six, visant à le rétablir, est défendu.

    (L’amendement no 3, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Article 2

    M. le président

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    La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l’amendement no 1.

    M. Bernard Perrut

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    Je suis très heureux de vous saluer, madame la ministre déléguée, puisque c’est la première fois que vous participez à nos débats en occupant le banc du Gouvernement. Je vous souhaite une belle réussite dans vos nouvelles fonctions.
    L’amendement no 1 concerne la prévention. Vous savez combien elle a été négligée par le passé, alors que c’est une priorité, comme l’a annoncé le ministre des solidarités et de la santé et comme cela a été souligné dans plusieurs textes. Nous souhaitons donc qu’elle soit placée au cœur de la politique de santé ; la crise sanitaire actuelle en a confirmé la nécessité. Nous proposons donc l’introduction d’un quatrième sous-objectif de l’ONDAM relatif aux dépenses de prévention prises en charge par la branche maladie.
    Dans des amendements qui n’ont pas pu être discutés en première lecture, nous étions même allés plus loin : nous avions notamment proposé d’étendre ce texte « à l’autonomie, à la pluriannualité et à la prévention prophylactique ». Nous mesurons bien que, pour renforcer l’adhésion aux politiques publiques, il est nécessaire de donner aux acteurs davantage de visibilité et de sécurité juridique à travers cette approche pluriannuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Vous avez raison, monsieur Perrut, les amendements auxquels vous faites référence étaient bons.
    Comme en première lecture et en commission spéciale, vous proposez de porter de trois à quatre le nombre minimal de sous-objectifs de l’ONDAM afin d’intégrer la notion de prévention. Nous sommes tous d’accord : ce n’est pas l’intérêt de la notion de prévention qui est en question, mais la possibilité de rendre opérant l’outil que vous proposez. Vous m’accorderez qu’il sera très difficile de distinguer les dépenses de prévention des autres, particulièrement pour la médecine de ville. Par ailleurs, même si ce sous-objectif pouvait être mis en œuvre, il rendrait l’ONDAM illisible.
    Au-delà de ces questions techniques, je rappelle que nous avons voté, dans la loi de finances pour 2020, la création d’une nouvelle annexe transversale dédiée à la politique de prévention et de promotion de la santé – cela ne vous surprendra pas car cette mesure était défendue par des membres de votre groupe, comme Mme Louwagie, aux côtés de députés tels que Mme Tamarelle-Verhaeghe, M. Isaac-Sibille et moi-même.
    Vous voyez bien que la prévention est un sujet qui nous tient à cœur. Je vous propose d’examiner plus en détail cette annexe dans le cadre du prochain PLFSS : nous en tirerons alors les conclusions qui s’imposent.
    Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    (L’amendement no 1, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l’amendement no 2.

    Mme Valérie Six

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    Il vise à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 2.
    Nous avions salué la décision du Gouvernement de reprendre une partie de la dette hospitalière : il s’agissait d’une initiative bienvenue et indispensable pour redonner des marges de manœuvre financières aux hôpitaux, qui ont divisé par deux leur niveau d’investissement par rapport au début de la décennie. Dans le même temps, le Gouvernement avait augmenté les tarifs hospitaliers – une première depuis huit ans – et assoupli l’ONDAM : autant de mesures qui allaient dans le bon sens.
    Mais faire porter le poids de cette reprise de dette sur la sécurité sociale revient à instaurer une double peine. C’est injuste pour la sécurité sociale, dont les caisses sont bonnes gestionnaires et respectent les trajectoires d’économies, pourtant très contraignantes, prévues dans les derniers PLFSS ; or ce sont ces contraintes budgétaires, conjuguées à la T2A, qui ont mené en partie à l’endettement des hôpitaux. Transférer la dette hospitalière à la CADES, c’est aussi pénaliser à nouveau la sécurité sociale en diminuant d’autant les ressources disponibles pour des chantiers urgents comme la dépendance. Nous considérons donc qu’il revient à l’État et à l’Agence France Trésor d’assurer la charge de cette dette.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Je ne souhaite pas que ce débat ait lieu maintenant, parce qu’il relève plutôt du projet de loi ordinaire. Je laisserai M. Thomas Mesnier, qui en est le rapporteur, reprendre cette discussion.
    Pour autant, je précise que ce transfert vise à soulager les établissements de santé et à apurer à brève échéance les conséquences de l’insuffisance des financements ouverts par les PLFSS, en particulier de 2014 à 2018. Par ailleurs, ce transfert n’est pas aussi lourd que vous l’indiquez, puisqu’il porte sur 13 milliards d’euros, ce qui correspond à peu près à la somme remboursée par la CADES en une année – c’est aussi ce qui a motivé en partie la prorogation de cet organisme. Pour cette raison, j’émettrai, comme en commission et en première lecture, un avis défavorable sur cette proposition.

    (L’amendement no 2, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 2 est adopté.)

    M. le président

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    Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi organique.

    Vote sur l’ensemble (projet de loi organique)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique.

    (Le projet de loi organique est adopté.)

    Discussion des articles (projet de loi)

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi ordinaire.

    Article 1er

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 1, 2 et 4, visant à supprimer l’article 1er.
    La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l’amendement no 1.

    Mme Delphine Bagarry

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    Nous allons nous répéter, malheureusement – c’est notre devoir que de continuer à expliquer.
    La CADES a été instaurée pour apurer la dette des organismes de sécurité sociale, née d’un déséquilibre entre recettes et dépenses. Cette dette sociale devait être apurée en 2024, permettant d’envisager la fin du « trou de la sécu », de donner des perspectives durables aux politiques sociales pour tous, et ouvrant la possibilité de libérer tous les Français de la CRDS et d’une partie de la CSG.
    Répétons-le, la dette covid est le produit d’une crise conjoncturelle : elle est due à la pandémie et non à une mauvaise gestion des caisses de la sécurité sociale. Or, en transformant la dette covid en dette sociale, on prive la sécurité sociale de recettes durables et de possibilités de financement pour ses branches, y compris pour la branche autonomie créée par ces projets de loi.
    De plus, l’État pourrait reprendre cette dette dans des conditions bien meilleures que ne le peut la CADES.
    Pour ces raisons, nous proposons de supprimer l’article 1er. Nous vous demandons de réviser votre décision.

    M. le président

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    La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l’amendement no 2.

    M. Boris Vallaud

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    Notre désaccord est politique : vous faites un choix de mauvaise gestion, puisqu’il aurait été plus utile, du point de vue des finances publiques, de garder cette dette dans le giron de l’État. Surtout, vous choisissez d’augmenter les impôts pour tout le monde au lieu de faire contribuer, comme cela se fait après toute grande crise, ceux qui ont les moyens d’être solidaires. Quatre-vingt-trois millionnaires et milliardaires demandent à être taxés : faisons-leur plaisir !

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 4.

    M. Pierre Dharréville

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    Avec cet article, on crie haro sur le baudet, c’est-à-dire sur la sécurité sociale, que l’on charge abusivement de la dette qui résultera de la gestion de la crise et de choix gouvernementaux. Il s’agit d’un très mauvais choix, au sujet duquel je n’ai pas entendu d’arguments convaincants. En revanche, nous mesurons bien les conséquences de cette décision. D’une part, il s’agit d’une sorte de confusion entre les comptes de la sécurité sociale et ceux de l’État. De l’autre, vous ferez supporter le poids de cette crise non seulement à la sécurité sociale, mais aussi aux contribuables, par le biais de la CRDS et d’une partie de la CSG.
    Un débat beaucoup plus large était nécessaire sur la manière de gérer la dette créée par la crise et sur la durée pendant laquelle il convient de l’étaler. Boris Vallaud vient de le dire : ce projet de loi aurait pu être l’occasion de réparer plusieurs injustices aggravées par les mesures prises depuis 2017.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements de suppression ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Vous souhaitez supprimer la reprise de dette par la CADES. Nous avons eu ce débat en première lecture et en commission pour cette nouvelle lecture : vous savez donc que notre interprétation est différente.
    Cette dette est composée de trois parties. La première est la dette de l’ACOSS au 31 décembre 2019, qui représente plus de 30 milliards d’euros et qui, de toute façon, aurait dû être récupérée par la CADES. La deuxième, la dette des années 2020 à 2023, est profondément sociale : elle aurait donc vocation à retourner à la CADES, sauf à juger l’action de cet organisme illégitime jusqu’à présent. La troisième partie est la dette hospitalière, dont nous débattrons dans quelques instants. Celle-ci est, là encore, profondément sociale, comme j’ai pu le dire à l’ouverture des débats. L’assurance maladie finance très largement les hôpitaux : à ce titre, la reprise de dette par la CADES, qui permettra des investissements pour le soin, est tout à fait légitime. Avis défavorable.

    (Les amendements identiques nos 1, 2 et 4, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement no 14.

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Il s’agit de décaler la date butoir du premier versement de la CADES à l’ACOSS, ce qui est plus technique que vous ne l’imaginez. La CADES ne pourra émettre des titres sur les marchés financiers afin de lever les fonds nécessaires à la reprise de la dette que lorsque les deux projets de loi l’y auront autorisée. Compte tenu des délais d’adoption définitive de ces textes, puis de leur promulgation, la CADES n’aura pas la capacité technique de lever les fonds nécessaires en juillet, pendant une période estivale durant laquelle l’activité sur les marchés est ralentie. C’est pourquoi l’amendement repousse la date butoir du premier versement au 30 septembre au plus tard. Compte tenu des échanges et des délais, un premier versement pourrait avoir lieu fin août.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Dès lors que la trésorerie de l’ACOSS est soulagée à court terme, notamment par le biais du versement de la soulte des industries électriques et gazières, l’avis est favorable.

    (L’amendement no 14 est adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 3, 8, 11 et 12.
    La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l’amendement no 3.

    Mme Delphine Bagarry

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    Il concerne la dette des hôpitaux, qui ne résulte pas de l’épidémie de covid-19, ni d’une mauvaise gestion. De plus, l’alinéa 12 n’est pas conforme à ce qu’avait promis le Gouvernement au mois de novembre.

    M. le président

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    La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 8.

    Mme Jeanine Dubié

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    Il porte en effet sur la reprise de la dette hospitalière. Si nous approuvons le principe de cette reprise, d’un montant de 13 milliards d’euros sur trois ans, tel qu’il avait été voté, nous contestons en revanche l’intervention de la CADES. Le Gouvernement s’était engagé à ce que cette dette figure dans le budget de l’État et non dans celui de la sécurité sociale. L’assuré social paiera deux fois : au travers des cotisations et au travers des prélèvements de CRDS et de CSG.
    Ce qui nous inquiète surtout, c’est que ce sont des prémices : vous le faites une première fois aujourd’hui et vous le referez. Nous avons lu dans la presse – et nous n’avons toujours pas de réponse à ce sujet – que 150 milliards d’euros devraient s’ajouter et prolonger l’existence de la CADES au-delà de 2040. Madame la ministre déléguée, pourriez-vous apporter une précision au sujet de cette somme, qui s’ajouterait aux 136 milliards ? Où en est-on ? Est-ce vraiment le scénario que choisit le Gouvernement ? (M. Boris Vallaud applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 11.

    M. Alain Ramadier

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    Cet amendement du groupe Les Républicains vise à supprimer, dans le montant total de la dette reprise par la CADES, la part correspondant à la dette des établissements de santé, notamment les 13 milliards d’euros essentiellement constitués d’investissements immobiliers effectués à l’initiative de l’État.
    Nous ne sommes pas opposés à la reprise partielle de la dette de ces établissements, mais nous considérons que ces 13 milliards devraient faire l’objet d’une compensation par le budget de l’État ; cette dette n’est pas due à une mauvaise gestion ou aux conséquences de l’épidémie de covid-19, mais à des choix que le Gouvernement doit assumer.
    La reprise partielle de la dette des hôpitaux est une fausse reprise, car celle-ci sera financée par la CADES, elle-même financée par les contributions des Français.

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l’amendement no 12.

    Mme Valérie Six

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    Il vise à supprimer l’alinéa 12. Replacer la dette hospitalière dans la CADES, c’est pénaliser à nouveau la sécurité sociale, puisque ce sont autant de ressources que nous ne pourrons pas dégager pour des chantiers urgents comme la dépendance. Nous considérons qu’il revient à l’État et à l’Agence France Trésor d’en assurer la charge.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Pour toutes les raisons évoquées lors de ma précédente réponse, l’avis de la commission est défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    Un sujet n’a pas été évoqué, ce qui me semble dommage : si mes souvenirs sont bons, lors de l’examen du dernier PLFSS, la non-compensation d’exonérations à hauteur de 3,5 milliards a été actée, en rupture totale avec la règle prévalant jusqu’alors. Nous ajoutons à cette somme une part de dette qui devrait incomber au budget de l’État et non à celui de la sécurité sociale. La première des choses à faire aurait été de rétablir la compensation ; pour l’instant, nous n’en avons pas vu la trace.
    Si l’hôpital s’est trouvé dans cette situation, c’est à cause de l’assèchement des ressources, qui a été aggravé d’année en année, de PLFSS en PLFSS. Cela pose la question des choix à venir, parce que nous aurons besoin d’augmenter les ressources de la sécurité sociale.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Door.

    M. Jean-Pierre Door

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    Il faut relire le règlement de la CADES, qui précise que cette dernière « est constituée des déficits cumulés par les organismes de sécurité sociale, parmi lesquels principalement les différentes branches du régime général de sécurité sociale et le fonds de solidarité vieillesse ». Or vous vous servez de la CADES comme d’une auberge espagnole : vous allez y placer une dette immobilière, qui n’est pas une dette de fonctionnement – nous en avons parlé en commission, il faut remettre les points sur les i ! – mais une dette d’investissement, liée à des difficultés immobilières survenues après les plans pour l’hôpital de 2007 et de 2012. Cette dette, qui résulte de la gestion immobilière des hôpitaux, n’a rien à faire dans la CADES, qui appartient à la sécurité sociale, un point c’est tout. Vous faites un mélange inacceptable.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Que la dette soit immobilière ou issue d’investissements ne me semble pas être une distinction pertinente au niveau d’un établissement. Comme vous l’avez dit, cette dette résulte de choix politiques passés, des plans pour l’hôpital de 2007 et de 2012 défendus par deux majorités différentes. L’hôpital est dans une situation plus que difficile, que je connais pour y avoir exercé jusqu’à mon élection. Justement, il faut saluer le travail mené ces dernières semaines par le Gouvernement, avec pas moins de 8 milliards d’euros supplémentaires chaque année pour revaloriser les carrières des soignants, que nous voterons dans le cadre du prochain PLFSS, 6 milliards d’euros d’investissements pour l’hôpital, qui seront votés très rapidement, et ces 13 milliards d’euros de reprise de dette par la CADES, qui permettront d’accroître les investissements pour les soins du quotidien et de mener les actions de transformation du plan « ma santé 2022 » que nous avons défendu.

    M. Jean-Pierre Door

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    Non, vous vous trompez de tiroir !

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    En tout état de cause, cette dette a tout à fait sa place dans la CADES.

    (Les amendements identiques nos 3, 8, 11 et 12 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l’amendement no 7.

    Mme Stella Dupont

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    Cet amendement de Mme Audrey Dufeu Schubert, qui illustre son propos par la situation de l’établissement de Saint-Nazaire, traite des partenariats public-privé, qui ont été très développés par le passé. Ces montages existent aussi dans le secteur de la santé et ont pour but de faire endosser l’investissement immobilier par un tiers, avec lequel les établissements hospitaliers signent des baux emphytéotiques – ainsi, ils ne supportent pas directement leur dette, qui est externalisée.
    Il y a peut-être une incertitude dans la rédaction actuelle du texte, que l’amendement propose de pallier. Cette question a été brièvement évoquée en commission, mais elle mérite que nous nous y arrêtions quelques instants puisqu’elle représente 1,39 milliard d’euros de dette potentielle, d’après ce que j’ai retenu des propos du rapporteur. Il s’agit donc d’un vrai sujet, que nous devons traiter.
    J’en profite pour évoquer la question des groupements d’établissements, qui doivent, eux aussi, être intégrés dans le dispositif de reprise de dette : il n’y a pas de raison qu’ils n’en bénéficient pas alors que leur constitution est fortement soutenue par l’État.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Comme je l’ai dit en commission, la reprise de la dette des établissements de santé consistera en des versements qui s’appuieront sur une analyse de la situation financière de chaque établissement. Si celui-ci reste responsable du remboursement de l’intégralité de sa dette, l’assiette de l’aide représentera le service de la dette devant encore être remboursé. Si des établissements ont contracté des emprunts pour faire face à leurs échéances de loyer, une partie d’entre eux seront bien éligibles à la compensation versée par l’assurance maladie.
    Préciser qu’une partie de la dette est issue du paiement des baux emphytéotiques hospitaliers ne me paraît pas pertinent. Si des questions de périmètre devaient se poser, le prochain PLFSS constituerait un véhicule adéquat pour éviter toute éviction d’un établissement. Demande de retrait.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Je partage votre préoccupation, madame Dupont, et je souscris au fait que les loyers dus par les établissements de santé dans le cadre d’un bail emphytéotique doivent faire partie du champ de la reprise de la dette des hôpitaux, ce que prévoit le présent projet de loi.
    La question des groupements de coopération sanitaire est plus compliquée, dès lors que ceux-ci peuvent, par construction, regrouper des établissements privés à but lucratif. J’ai retenu de la première lecture du texte que ce sujet était une préoccupation majeure pour les députés. Le Gouvernement s’engage à ce que les établissements dont la dette est portée par une structure tierce ne soient pas moins bien traités que les autres.
    Nous avons demandé des précisions sur les modalités de la reprise de la dette, qui doivent être transmises à la représentation nationale. Nous présenterons une mesure sur ce sujet dans le prochain PLFSS. En attendant, je vous demande de retirer l’amendement, que je considère comme un appel.

    M. le président

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    La parole est à Mme Stella Dupont.

    Mme Stella Dupont

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    M. le rapporteur et Mme la ministre déléguée étant au fait de l’enjeu que représente cette question pour les établissements, je suis d’accord pour y retravailler dans le cadre de l’examen du PLFSS. Je suppose qu’Audrey Dufeu Schubert acceptera comme moi de retirer l’amendement.

    (L’amendement no 7 est retiré.)

    (L’article 1er, amendé, est adopté.)

    Article 3

    (L’article 3 est adopté.)

    Article 4

    M. le président

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    La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 9.

    Mme Jeanine Dubié

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    Il poursuit plusieurs objectifs. Il vise tout d’abord, dans son I, à remettre un peu d’ordre sémantique. Plutôt que d’évoquer l’« autonomie » à l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale, nous préférerions les termes de « soutien à l’autonomie ». On ne peut pas écrire que la sécurité sociale assure la couverture des charges d’autonomie, car ce n’est pas cette dernière qui crée la charge, mais les dispositifs qui viennent la soutenir.
    Le II de mon amendement vise à remplacer les mots « perte d’autonomie » par celui de « dépendance ». Je m’appuie sur les propos du Président de la République le 14 juillet et du Premier ministre hier, qui ont parlé du « risque dépendance ». Le risque social est bien la dépendance, comme le sont la maladie ou la maternité. Il faut être clair vis-à-vis de nos concitoyens.
    Le III de mon amendement vise à mentionner les articles L. 232-1 et L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles afin de s’assurer que la PCH et l’APA soient incluses dans le périmètre de la cinquième branche.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Madame Dubié, je vous remercie de votre vigilance sur la rédaction de cet article très important, mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous.
    Tout d’abord, l’article principiel du code de la sécurité sociale que vous souhaitez modifier évoque le risque et non la branche : c’est pourquoi nous en sommes restés au terme d’« autonomie ».
    Ensuite, vous voulez réintroduire la notion de dépendance, que nous avions écartée en première lecture en raison de sa connotation insatisfaisante et de son association trop étroite avec la seule question des personnes âgées.
    Enfin, votre troisième demande de modification, déjà proposée en première lecture, touche à l’APA et à la PCH ; or il ne s’agit pas ici de viser des prestations, mais un public susceptible d’être couvert pour un risque. Nous avons donc choisi de retenir le même champ que pour la protection universelle maladie, car le risque y est universellement couvert par le régime général.
    Je vous demande donc de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Jeanine Dubié.

    Mme Jeanine Dubié

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    J’entends vos propos, monsieur le rapporteur, mais ma demande de remplacement du mot « autonomie » par les mots « soutien à l’autonomie » ne concerne pas la branche, mais la rédaction de l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale, qui évoque des charges. L’autonomie ne crée pas de charge ; c’est le soutien à l’autonomie qui en crée !
    Sur les autres points, je comprends vos explications, mais je maintiens que le risque, c’est la dépendance. Je vous invite à réécouter le Président de la République et le Premier ministre, qui parlent bien du « risque dépendance ».

    (L’amendement no 9 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 5.

    M. Pierre Dharréville

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    Il porte sur le rapport que le Parlement demande au Gouvernement. J’ai appris, lors d’une audition qui s’est tenue il y a une dizaine de jours dans cette maison, que la rédaction de ce rapport avait débuté ; je m’en étonne un peu, même si nous savons que les choses sont cousues de fil blanc. J’ignore si ce rapport aura une quelconque utilité, puisque vous semblez avoir déjà décidé, mais le texte le prévoit toujours.
    Pour ma part, je propose d’approfondir le champ du rapport et d’« évaluer les mesures alternatives répondant au même objectif, notamment la création d’un service public de l’autonomie et de l’accompagnement au sein de la branche maladie de la sécurité sociale ». L’Assemblée nationale doit être pleinement éclairée. Si nous commandons un rapport au Gouvernement, il faut lui demander de répondre aux questions qu’il n’a pas décidé de se poser…

    Mme Caroline Fiat

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    Eh oui !

    M. Pierre Dharréville

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    …car il n’a pas besoin du Parlement pour lui demander d’écrire un rapport qu’il a d’ailleurs déjà commencé !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Nous en avons parlé en commission : ce rapport porte sur la création d’une cinquième branche au sein du régime général, destinée à couvrir un cinquième risque. En première lecture, nous avons tracé le chemin de la création de cette cinquième branche, pilotée par la CNSA. Il nous semble logique de continuer dans le même sens.
    C’est ici même qu’il a été décidé d’avancer de quinze jours le délai de remise du rapport par le Gouvernement : il n’est donc pas illégitime que le Gouvernement anticipe les travaux en lançant la mission chargée de l’élaborer. Nous ne pourrons que nous féliciter de l’avoir plus tôt pour préparer l’examen du PLFSS. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat.

    Mme Caroline Fiat

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    Le rapport sera rendu un peu plus tôt pour que l’opposition puisse le lire, mais entendez que l’opposition souhaite qu’il réponde à ses interrogations et traite de certaines questions importantes à ses yeux. Nous demandons simplement que le Gouvernement les intègre dans son rapport.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    Je soutiens ce que vient de dire Caroline Fiat : le rapport doit éclairer l’ensemble de l’Assemblée, d’où notre demande d’élargir un peu son champ. Il ne s’agit pas d’une requête exorbitante, mais la satisfaire nous permettra d’y voir plus clair – et peut-être vous aussi.

    Mme Caroline Fiat

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    Eh oui ! C’est du bon sens !

    (L’amendement no 5 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l’amendement no 13.

    Mme Delphine Bagarry

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    Je propose également d’enrichir le rapport : je demande qu’il retrace « l’ensemble des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques ainsi que leur évolution en rapport avec la nouvelle branche créée ».
    L’objectif est d’éclairer les parlementaires. Il y a des départements riches, d’autres pauvres, les premiers pouvant contribuer davantage que les seconds. Il faut éviter que la prise en charge de la dépendance varie d’un département à l’autre, car elle doit être partout la même, nous semble-t-il.

    (L’amendement no 13,repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 10.

    Mme Jeanine Dubié

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    Il vise à ce que le rapport examine également les conditions d’une réforme de la tarification des établissements médico-sociaux, notamment les EHPAD, dans l’objectif de réduire le reste à charge pour les résidents.
    La création d’une cinquième branche doit avoir des conséquences directes dans la vie quotidienne des personnes accompagnées à domicile ou accueillies dans des établissements, notamment en diminuant leur reste à charge par rapport à son niveau actuel – c’est l’une de leurs préoccupations.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Défavorable. Nous avons débattu de cette question en première lecture : les travaux de M. Dominique Libault nous éclairent déjà sur le sujet, et le rapport prévu par ce texte porte davantage sur les aspects techniques de la création d’une cinquième branche. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

    (L’amendement no 10, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 4 est adopté.)

    M. le président

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    Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

    Vote sur l’ensemble (projet de loi)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    (La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)

    3. Protection des victimes de violences conjugales

    Commission mixte paritaire

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales (no 3195). 

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à Mme Bérangère Couillard, rapporteure de la commission mixte paritaire.

    Mme Bérangère Couillard, rapporteure de la commission mixte paritaire

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    La commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales s’est réunie au Sénat jeudi dernier. Nous sommes très rapidement parvenus à un accord général. Les rédactions de l’Assemblée nationale et du Sénat étaient très proches, et chacun était de bonne volonté devant un objectif qui nous réunit tous. Alors, mes chers collègues, je dois vous dire mon émotion. Au-delà de l’accord de la commission mixte paritaire, le texte que je vous présente aujourd’hui est l’aboutissement d’un long chemin.
    Chaque année dans notre pays, des femmes meurent, tuées par arme à feu, poignardées, étranglées, défenestrées, brûlées vives ou encore rouées de coups. Depuis des siècles, des femmes meurent sous les violences de leur conjoint, tous les deux ou trois jours, dans l’indifférence de notre société.
    Face à la persistance des féminicides, en hausse en 2019, le Gouvernement, sous l’impulsion de Marlène Schiappa, s’est fortement mobilisé en lançant un Grenelle des violences conjugales. Les députés de la majorité se sont aussi engagés. J’ai copiloté avec Guillaume Gouffier-Cha un groupe de travail d’une trentaine de députés. Nous avons réalisé un tour de France. Nous sommes allés dans chacune des régions pour rencontrer les acteurs concernés et construire avec eux des propositions que nous avons ensuite traduites en une proposition de loi. Celle-ci est construite autour de trois grandes priorités : la protection des victimes, celle de leurs enfants et la prévention de ces violences.
    Nous y avons inscrit la suspension du droit de visite et d’hébergement en cas de violences conjugales, mais aussi la déchéance de l’obligation alimentaire qui pèse sur les enfants envers le parent condamné pour homicide conjugal. Comment imaginer qu’on oblige un enfant à régler les factures de l’EHPAD du parent vieillissant qui a gâché sa vie en tuant sa mère ?
    Il n’y a pas que les violences physiques qui tuent ; les violences psychologiques peuvent être tout aussi fortes. Nous renforçons donc les peines en cas de harcèlement moral au sein du couple et nous reconnaissons l’emprise. Lorsqu’une victime harcelée met fin à ses jours ou simplement tente de le faire, il faut pouvoir juger sévèrement le bourreau.
    Les médecins pourront également signifier au procureur de la République des faits de violences conjugales. Un médecin doit pouvoir signaler une femme qui pourrait ne jamais revenir vivante.
    Protéger, c’est aussi faciliter la saisie des armes, interdire des médiations pénales et familiales, permettre aux victimes d’être prises en charge dès le dépôt de plainte grâce à une aide juridictionnelle provisoire, ou encore interdire des logiciels espions utilisés par le conjoint violent pour surveiller, contrôler et humilier sa conjointe ou ex-conjointe. Ces logiciels disponibles pour quelques dizaines d’euros constituent un véritable fléau : neuf femmes sur dix victimes de violences déclarent avoir fait l’objet de cyberviolences et une femme sur trois déclare avoir été surveillée à son insu ou à distance via des logiciels espions.
    Lors de nos déplacements, les acteurs nous ont aussi indiqué que les violences conjugales apparaissent de plus en plus tôt. Cela serait lié à l’accès trop facile aux contenus pornographiques sur internet et à l’image dégradée des relations intimes, plus particulièrement des femmes, dans ces contenus. Nous imposons donc un contrôle accru de l’âge de consultation de sites pornographiques. Concrètement, il ne suffira plus de cocher une case « J’ai plus de 18 ans ». Toutes ces mesures sont très attendues par les victimes et les acteurs de terrain comme les associations, la justice, les forces de l’ordre, les médecins ou encore les travailleurs sociaux.
    Il en est résulté cette proposition de loi, que j’ai rapportée devant vous au mois de janvier, avec le soutien de la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Yaël Braun-Pivet, et l’appui de la garde des sceaux d’alors, Nicole Belloubet. Nous avons enrichi le texte et nous l’avons adopté à l’unanimité. Au printemps, sur le rapport de Marie Mercier, le Sénat a fait de même. Et maintenant, au début de l’été, nous allons conclure la procédure législative après une adoption unanime en CMP.
    C’est une belle loi, qui devrait améliorer significativement la vie des victimes et faciliter le quotidien des acteurs de terrain. Bien sûr, ce n’est ni un commencement ni un parachèvement, mais aujourd’hui, nous faisons sans conteste un pas dans la bonne direction.
    Je ne vous cacherai pas, mes chers collègues, mon immense satisfaction d’avoir, à vos côtés et avec votre aide, contribué à cette avancée. J’aurai un dernier mot pour remercier tous ceux qui ont pris part à l’élaboration de ce texte et qui lui permettent d’être un succès : les députés de la majorité qui en ont eu l’initiative, les oppositions qui l’ont enrichi, les sénateurs qui l’ont précisé, le Gouvernement qui l’a soutenu. Il apporte des avancées concrètes, attendues par les acteurs de terrain, pour mieux protéger les victimes de violences conjugales, leurs enfants, et pour mieux condamner les auteurs de ces violences. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, MODEM, EDS et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

    Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances

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    Tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint. En 2019, ce sont ainsi 149 femmes qui ont perdu la vie et autant de familles brisées à jamais. Nous ne pouvons demeurer inertes face à ces tragédies humaines qui touchent toutes les classes sociales, toutes les générations, qui sont multifacettes et multiformes.
    Dans les nouvelles fonctions qui sont les miennes, je veux protéger toutes les victimes des violences intrafamiliales contre leur bourreau, qu’il se trouve dans l’hexagone ou dans les outre-mer, qu’il se trouve dans les villes ou dans les zones rurales. C’est pourquoi je me réjouis de la réussite de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi très attendue et ô combien importante. Cet accord est, je le crois, à la hauteur de l’enjeu qui nous rassemble aujourd’hui : la lutte contre les violences conjugales est une lutte contre l’impunité et contre l’injustice.
    Je salue le travail des auteurs de la proposition de loi : les députés Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha ont élaboré ce texte en lien avec les acteurs de terrain et lui ont permis d’arriver au bout du processus parlementaire. Ce texte est véritablement le fruit d’un travail participatif, collaboratif et de réflexions collectives.
    Je remercie également les ministres Nicole Belloubet et Marlène Schiappa. C’est aussi grâce à leur engagement respectif que ce texte peut aboutir aujourd’hui. (Applaudissementssur les bancs des groupes LaREM, MODEM, EDS et Agir ens.) J’en profite pour vous demander d’excuser l’absence de M. le garde des sceaux, retenu ailleurs, avec qui je continuerai bien évidemment de mener cette bataille de chaque instant.
    Comme vous le savez, j’ai désormais la lourde tâche d’incarner au sein du Gouvernement le combat pour l’égalité hommes-femmes.

    Mme Caroline Fiat

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    Femmes-hommes !

    Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée

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    Oui, l’égalité femmes-hommes. Je considère que cette lutte constitue l’un des plus beaux défis de notre époque et l’un des plus beaux de la République, parce qu’elle dépasse largement les frontières de notre pays et touche directement les vies humaines. Parce que les violences conjugales ne sont malheureusement pas en voie de disparition, nous sommes – nous autres, responsables publics – face à une obligation d’action et une obligation de résultat. Faites-moi confiance pour y consacrer toute mon énergie.
    Ce texte part d’un constat terrible : les violences intrafamiliales tuent encore aujourd’hui dans notre pays et partout dans le monde. Au-delà des statistiques froides, ces vies fauchées constituent des drames du quotidien qui endeuillent des familles entières et, par ricochet, se répercutent sur la vie des enfants. Nous devons donc agir vite, collectivement, pour y mettre un terme. Nous en avons la capacité et la responsabilité. Au silence assourdissant de l’indifférence, nous devons opposer le bouclier de la République. La honte doit aujourd’hui changer de camp.

    Mme Anne-Laure Cattelot

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    Oui !

    Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée

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    L’histoire nous l’a montré, parfois de manière dramatique : la loi du plus fort ne profite que très rarement aux femmes. Nous avons donc besoin de vivre dans un État de droit qui protège et libère les victimes qui n’osent pas parler et restent marquées à vie – un État de droit qui condamne avec fermeté celles ou ceux qui harcèlent, qui agressent, qui injurient.
    Comme l’a dit le Président de la République, « la France ne doit plus être un pays où les femmes ont peur ». C’est l’honneur de notre pays que de tout entreprendre pour atteindre cet objectif. Je suis persuadée que nous pouvons réussir. J’y crois, au plus profond de moi.
    S’inscrivant dans le sillon tracé par le Grenelle contre les violences conjugales, la proposition de loi complète encore un peu plus notre arsenal juridique. Elle permet de véritables avancées – des avancées concrètes, tangibles.
    Je pense tout d’abord au travail accompli avec le Conseil national de l’Ordre des médecins. Désormais, les médecins pourront déroger au secret médical lorsqu’ils suspectent un danger immédiat pour leur patiente, et ce même sans son accord.
    Une autre réalité nous est malheureusement familière : dans la plupart des cas de féminicides, l’auteur a usé d’une arme à feu. Aux termes de la proposition de loi, l’officier de police judiciaire pourra saisir d’office ou sur demande du procureur de la République l’arme de l’auteur suspecté de violences, et ce dès le dépôt de plainte. C’était une demande très forte de certaines associations. Je suis ravie que nous la concrétisions aujourd’hui.
    Autre avancée concrète : ce texte consacre la notion d’emprise, qui mène à ce qu’on appelle communément le suicide forcé. C’est un fléau qui brise les femmes de l’intérieur et que nous devons combattre de toutes nos forces. Nous envoyons ici un message très fort puisque les peines en cas de harcèlement au sein d’un couple sont alourdies : elles vont jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsque le harcèlement a poussé la victime au suicide ou l’a conduite à une tentative de suicide.
    Enfin, parce que l’État se doit d’apporter le plus haut niveau de protection aux personnes victimes de violences, le texte modifie les dispositions relatives au régime de l’aide juridictionnelle provisoire pour que les victimes puissent bénéficier au plus tôt de l’assistance d’un avocat. Là encore, il s’agit d’une avancée concrète.
    Comme vous le savez, le Président de la République a fait de l’égalité femmes-hommes la grande cause du quinquennat. Si beaucoup reste à faire, beaucoup a été fait depuis trois ans. Comme l’a rappelé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le bilan du Gouvernement et de la majorité parlementaire est en la matière extrêmement positif. Nous pouvons tous en être fiers.
    Avec le Grenelle contre les violences faites aux femmes, des mesures très concrètes ont été mises en œuvre ou sont en préparation – des mesures qui passent par la mobilisation de tous les ministères, de tous les acteurs publics, et qui ont un impact direct sur la vie de nos concitoyennes ou de leurs enfants. Si bon nombre d’entre elles ont d’ores et déjà été concrétisées, d’autres sont encore en préparation. Vous pouvez compter sur moi pour veiller à ce qu’elles soient mises en œuvre dans leur intégralité, le plus rapidement possible.
    Par ailleurs, je tiens à l’affirmer aujourd’hui devant vous : les femmes n’ont pas été oubliées durant le confinement. En étroite collaboration avec les associations, les collectivités locales, les forces de l’ordre et le secteur privé, le Gouvernement a été pleinement mobilisé durant cette période inédite qui présentait, pour les femmes, un risque redoublé d’exposition à des violences conjugales. Il a renforcé les dispositifs d’alerte et d’urgence pour les adapter à ces circonstances particulières. Je le répète avec force : tous les acteurs ont été extrêmement mobilisés, et nous tenons à les en remercier.
    Au-delà des dispositifs existants, nous avons pris des mesures inédites. Citons notamment la mise en place de points d’accueil éphémères dans les supermarchés et les centres commerciaux permettant aux femmes victimes de violences de se signaler et de s’informer en sécurité ; le financement exceptionnel de 20 000 nuitées d’hôtel pour les accueillir en situation d’urgence ; la mise en place du dispositif d’alerte en pharmacie ; la création d’un numéro d’écoute, le 08 019 019 11, dédié aux auteurs de violences en vue de prévenir le passage à l’acte et la récidive. Par ailleurs, en raison du caractère tout à fait exceptionnel de cette période, des moyens supplémentaires ont été alloués aux associations afin qu’elles puissent adapter leurs modes de travail et continuer à venir en aide aux victimes.
    Je tiens enfin à souligner que de nombreuses initiatives locales ont vu le jour à la faveur du confinement. Leur mise en œuvre a été assurée par des associations, par nos forces de l’ordre ou par les services déconcentrés de l’État. Je pense notamment à la cellule de suivi des violences conjugales mise en place par la sûreté urbaine de Lille, qui a contacté plus de 200 femmes pendant le confinement, et au partenariat établi entre Doctolib et le groupement de gendarmerie de la Vendée en vue de faciliter la prise en charge médico-judiciaire des victimes. Ces bonnes pratiques sont légion ; je ne peux les énumérer toutes, mais je tiens à les encourager et à les pérenniser.
    La présente proposition de loi est une avancée supplémentaire dans les efforts qui doivent être consentis pour protéger les victimes de violences intrafamiliales. C’est une étape de plus vers la protection des femmes, et donc, en cascade, vers leur libération et leur émancipation. Comme l’a affirmé hier M. le Premier ministre, nous allons amplifier le travail accompli depuis trois ans et redoubler nos efforts. Vous pouvez compter sur ma détermination totale pour continuer à mener ce beau combat. Pour ce faire, votre appui et votre soutien nous seront indispensables. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, EDS et Agir ens.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha.

    M. Guillaume Gouffier-Cha

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    Du 3 septembre au 25 novembre derniers s’est tenu le Grenelle des violences conjugales. Initié par notre ancien Premier ministre, Édouard Philippe, il a été piloté par Marlène Schiappa. Il a constitué un moment marquant et entraîné une réelle mobilisation des acteurs concernés, dans tous nos territoires. À ce temps nécessaire et primordial, nous avons pris toute notre part. La présente proposition de loi est notamment le fruit des travaux que nous avons menés au cours de cette période ; elle reprend les mesures d’ordre législatif que nous avons construites à cette occasion.
    Avec certains collègues du groupe La République en marche, notamment Bérangère Couillard, et sous l’impulsion de notre président, Gilles Le Gendre, nous avons parcouru la France et ses territoires afin de mieux comprendre les ressorts des violences conjugales et d’identifier ce qui ne fonctionnait pas et ce que nous devions faire pour que, demain, plus aucune femme ne meure sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint, et pour que, demain, les violences au sein du couple et de la cellule familiale diminuent réellement dans notre pays.
    Nous nous sommes rendus à Dijon, Roubaix, Wattrelos, Rouen, Tours, Marmande, Paris, Argenteuil, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Le Mans, Aix-en-Provence, Perpignan, Redon, Thionville, Metz et Lyon. Nous avons rencontré plusieurs centaines de personnes, que nous remercions toutes pour leur accueil et pour le temps qu’elles nous ont accordé. J’ai une pensée particulière pour notre collègue Raphaël Gérard, qui a pleinement participé à ces travaux et dont je suis certain qu’il aimerait être parmi nous ce soir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, MODEM, UDI-I, EDS et Agir ens.)
    Nous avons rencontré des femmes victimes de violences, qui nous ont décrit l’enfer physique, psychique et social qu’elles ont vécu et continuent de vivre. Elles nous ont parlé de leurs blessures, de leurs peurs, de leurs agresseurs ; de leurs espérances, aussi. Elles nous ont parlé des difficultés qu’elles ont dû surmonter, des personnes qui les ont accompagnées et aidées, des combats qu’elles mènent. Elles nous ont parlé de leurs enfants, qui sont aussi victimes de ces violences, et qu’il faut protéger.
    Nous avons rencontré des policiers, des gendarmes, des magistrats, des avocats, des médecins, des psychologues, des accompagnateurs sociaux, des responsables de l’éducation nationale, des responsables d’associations, des élus locaux : tous ces acteurs sont quotidiennement sur le terrain. Tous engagés dans ce combat, ils nous ont parlé de leur travail, des violences conjugales et intrafamiliales ainsi que des victimes, plus nombreuses désormais à prendre la parole et à déposer plainte. Ils nous ont également parlé des enfants, qui assistent à ces violences, et des agresseurs. Ils nous ont parlé de la réalité de notre société et de ses faces les plus sombres. Ils nous ont décrit les dysfonctionnements qu’ils observent et qui les contraignent dans leur action. Ils nous ont présenté de nombreux dispositifs innovants et fédérateurs, qu’ils mettent en place pour accompagner les victimes le mieux possible et lutter contre ce fléau.
    Nous sommes donc retournés sur le terrain pour affronter la réalité du phénomène et construire ensemble des solutions. Les violences conjugales sont parmi les pires qui soient, tant elles sont destructrices, tant elles relèvent de l’intime, tant elles sont marquantes à vie. On peut se reconstruire, mais on ne peut jamais les oublier pour de bon. Elles constituent des blessures profondes, que le temps ne refermera jamais vraiment. Elles prennent des formes multiples, souvent imbriquées les unes dans les autres. Les solutions à construire doivent aussi tenir compte de cette réalité. Nous nous y sommes efforcés lors de l’élaboration de la présente proposition de loi et de la centaine de propositions que nous avons remises au Gouvernement en novembre dernier.
    La proposition de loi qui aboutit aujourd’hui et que nous allons définitivement adopter dans quelques instants est le fruit de ces travaux. Construite ici, elle a été approfondie dans le cadre de la navette parlementaire et du dialogue que nous avons mené avec nos homologues du Sénat, notamment la sénatrice Marie Mercier, afin de parfaire son élaboration. Elle permettra d’appliquer de nouvelles mesures renforçant notre arsenal législatif, grâce auxquelles nous pourrons mieux lutter contre les violences conjugales et mieux protéger les victimes.
    Ainsi, nous excluons la possibilité de recourir à la médiation en cas de violences conjugales ou intrafamiliales. Nous déchargeons les ascendants et les descendants de la victime de leur obligation alimentaire à l’égard de l’auteur en cas de meurtre, d’assassinat ou d’empoisonnement. Nous reconnaissons la notion de suicide forcé en aggravant les peines encourues en cas de harcèlement.
    Nous introduisons une nouvelle dérogation au secret médical lorsque le professionnel de santé ou le médecin suspecte un danger immédiat pour son patient ou une situation d’emprise dans un contexte de violences conjugales. Nous permettons également la saisie des armes. Face au cyber-harcèlement et au développement des logiciels espions, nous interdisons la géolocalisation en temps réel d’une personne sans son consentement et ajoutons une circonstance aggravante à l’atteinte à la vie privée lorsqu’elle est commise au sein du couple.
    Nous renforçons la protection des mineurs contre l’exposition à la violence et à la pornographie. Nous avons enrichi le texte, par voie d’amendement, d’une disposition visant à pénaliser les viols à distance. Je m’en tiens là, mais le texte comporte d’autres mesures non moins importantes.
    Ce texte n’aurait pas vu le jour sans l’action de Nicole Belloubet, de Marlène Schiappa et d’Adrien Taquet, que nous devons remercier. Je suis sûr que nous la poursuivrons au cours des mois et des années à venir. Avec vous, madame la ministre déléguée, et avec le garde des sceaux, M. Dupond-Moretti, nous mettrons en œuvre ces mesures et continuerons à défendre tous ensemble la grande cause du quinquennat, pour laquelle je sais que vous êtes tous engagés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.)

    Mme Constance Le Grip

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    Nous l’étions avant !

    M. Raphaël Schellenberger

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    Nous avons même pris des initiatives !

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Savignat.

    M. Antoine Savignat

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    Nous sommes réunis ce soir une nouvelle fois – et une dernière, espérons-le – pour porter le coup de grâce à ce fléau que sont les violences au sein de la famille. Unanimement, nous avons fait nôtre cette cause. L’année écoulée a été riche en apports législatifs protecteurs pour celles et ceux qui sont victimes de violences physiques, morales, psychologiques, commises au sein du cercle familial. Difficiles à révéler, souvent complexes à prouver, elles ont des conséquences dramatiques.
    Mettre un terme à ce funeste décompte, intolérable dans un État de droit, faire cesser la souffrance de celles et ceux qui la subissent au quotidien, rétablir leurs droits, retrouver la sérénité, laisser vivre les victimes quotidiennes de ces abjects bourreaux à la lâcheté inacceptable : ce parcours législatif, dont nous ne pouvons que nous féliciter, nous l’avons entamé le 10 octobre 2019 avec l’examen de la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, déposée par notre collègue Aurélien Pradié, dans le cadre de la niche parlementaire de notre groupe.

    M. Raphaël Schellenberger

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    C’est vrai ! Il faut le rappeler !

    Mme Caroline Fiat

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    Eh oui !

    M. Antoine Savignat

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    Ce texte a été adopté à l’unanimité le 11 décembre dernier.
    La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est issue des conclusions du Grenelle des violences conjugales, présentées le 25 novembre dernier. Elle complète et enrichit le texte de M. Pradié pour renforcer encore la protection des victimes, grâce notamment au maintien à domicile de ces dernières et à l’éloignement du conjoint violent ou facilitateur des violences. Elle permet d’accélérer les procédures et d’apporter sans attendre une réponse judiciaire à la détresse intolérable causée par leurs bourreaux à des victimes isolées, apeurées et esseulées.
    Nous allons ainsi enrichir – à l’unanimité, je l’espère – l’arsenal juridique permettant de lutter contre ce fléau, en nourrissant l’espoir que l’effectivité et la mise en œuvre des dispositions réglementaires ne viennent pas priver les dispositions du texte que nous allons adopter de leur raison d’être : agir plus vite et plus efficacement, pour une protection pleine et entière des victimes.
    Si la victime est souvent l’adulte – conjoint, concubin ou partenaire de PACS –, l’enfant se trouve aussi souvent – trop souvent – en position de victime par ricochet voire de victime directe, instrumentalisée, sujet de pressions morales ou de violences physiques. Le texte permettra de l’éloigner de son bourreau, mais également de lui garantir un logement digne en levant les difficultés susceptibles de naître de l’exercice conjoint de l’autorité parentale.
    L’interdiction d’approcher gagne en effectivité grâce à l’article 1er G. La médiation, alternative au règlement judiciaire du litige, pourra être écartée en cas de violences alléguées. Parce qu’une protection doit être rapide et efficace et qu’elle ne peut subir le temps parfois long de la discussion, l’urgence, en pareil cas, doit s’imposer à tous. Parce que le bourreau a fait, seul, le choix de se couper des siens, le texte ajoute les violences intrafamiliales aux exceptions d’indignité, sauf décision contraire du juge.
    Le texte aborde également un sujet délicat s’il en est, mais ô combien important en la matière : le rôle du médecin dans la détection des faits de violence. Parce qu’il est souvent le seul confident de la victime ou le seul à pouvoir constater l’effectivité des violences, il fallait lui permettre, en conscience, s’il estime le danger de mort immédiat et après avoir tenté de recueillir l’accord de la victime, d’informer le procureur de la République. Cette entorse à l’absolu secret médical se justifie par le péril encouru par la victime qui, trop souvent, n’est pas psychologiquement apte à dénoncer les atrocités qu’elle subit.
    Dans la même visée d’efficacité, la procédure de confiscation des armes est assouplie. Parce que, trop souvent, la condamnation ne suffit pas, hélas, à faire cesser le trouble, le champ d’application de l’interdiction de paraître a été élargi.
    La simplification procédurale et l’accélération de la prise de décision seraient irréalisables si la victime n’était pas déchargée des contraintes matérielles de sa mise en œuvre. C’est pourquoi cette dernière pourra, l’urgence étant caractérisée, bénéficier de l’aide juridictionnelle provisoire sans attendre l’examen de son dossier.
    Enfin, parce que la violence n’est jamais voulue mais toujours subie, la séparation du couple et la fin de la communauté de vie de ses membres ne sauraient permettre la déchéance du titre de séjour dont bénéficie l’étranger victime.
    Nous ne pouvons que nous féliciter de l’adoption à l’unanimité de ces dispositions par la commission mixte paritaire. Reste à les mettre en œuvre, à les rendre effectives, en donnant aux services de police et de gendarmerie ainsi qu’aux parquets et aux juges les moyens indispensables pour permettre une prise de décision rapide, pour une protection accrue.
    Le Parlement, à l’unanimité, a fait sienne cette juste cause. Gageons que le pouvoir exécutif mettra tout en œuvre pour faire cesser le macabre décompte des victimes que nous connaissons aujourd’hui ! Parce qu’une vie n’a pas de prix, parce que notre société ne peut tolérer ce type d’agissements, nous ne pouvions agir autrement. Nous devrons veiller à l’effectivité et à l’efficacité de la mise en œuvre des dispositions du texte. Le groupe Les Républicains votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Monsieur le président, madame la ministre déléguée, que je suis heureux de saluer pour la première fois, mes chers collègues, nous voici enfin parvenus au terme du processus législatif suivi par ce texte important pour notre pays, visant à faire en sorte que nos concitoyennes et nos concitoyens se sentent davantage en sécurité au sein de leur foyer.
    Les violences conjugales ravagent la vie de milliers de femmes et d’hommes. En 2019, 116 femmes ont été tuées par leur conjoint – 116 femmes de trop, 116 constats de l’impuissance de notre justice et de notre République face à ce fléau. Ces chiffres sont consternants et les lacunes de la justice bien présentes. Les mains courantes et les procès-verbaux de renseignement judiciaire ne débouchent sur des investigations que dans 18 % des cas. Dans 41 % des cas d’homicides et de tentatives d’homicide commis dans le cadre conjugal, la victime s’était manifestée auparavant.
    Je n’ai évoqué ici que les actes de violence qui ont connu une issue fatale. Il ne faut pas oublier les victimes qui survivent à ces violences, des femmes et des hommes bien souvent anéantis pour une vie entière. Je n’ai pas de mots pour décrire les conséquences irréversibles des violences conjugales sur la vie de ces victimes.
    Face à ce constat inique, notre société est trop souvent restée sourde aux signaux faibles ou aux actions de libération de la parole ; ce faisant, elle a contribué à banaliser l’inacceptable.
    Le groupe MODEM et apparentés se réjouit des travaux menés sur la proposition de loi de nos collègues Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha. Nous nous félicitons qu’un accord soit survenu en commission mixte paritaire. Je remercie aussi la sénatrice Marie Mercier qui, avec ses collègues, a rendu possible ce consensus.
    Nos débats ont permis de belles avancées, notamment la possibilité de lever le secret médical en cas de violences conjugales et d’emprise afin de procéder au signalement nécessaire, ce que nous avions proposé dès l’examen de la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié. Cette disposition aboutit ici : c’est l’essentiel.
    Nous nous félicitons également de l’adoption consensuelle de l’article 9, qui permettra de faciliter la saisie des armes des conjoints violents. Ce point nous semble fondamental, compte tenu de l’omniprésence des armes dans les violences au sein du couple. Rappelons qu’en 2018, pour l’ensemble des décès consécutifs à ces violences, une arme a été utilisée dans 66 % des cas lorsque les auteurs sont des hommes et dans 80 % des cas lorsque les coupables sont des femmes – c’est beaucoup plus rare, mais cela arrive aussi.
    Nous souhaiterions toutefois formuler une réserve sur l’article 11 bis A, qui introduit une nouvelle procédure destinée à obliger les éditeurs de sites pornographiques à contrôler l’âge de leurs clients. Si nous sommes tous ici convaincus de l’importance d’empêcher l’accès des mineurs aux contenus pornographiques, et si le groupe MODEM est évidemment parfaitement déterminé sur ce point, l’article ne nous semble guère énoncer davantage qu’une déclaration d’intention. Au-delà du fait que cette disposition ne nous semble pas avoir sa place dans ce texte, nous craignons que son application ne soulève de sérieuses questions en termes de respect de la vie privée. À notre sens, l’application de cet article pourrait entrer en contradiction avec le droit européen. Sur ce sujet majeur, car l’accès à la pornographie est bien trop facile pour les mineurs, nous devons encore travailler : je ne suis pas sûr que nous tenions ici une réponse définitive.
    Ce texte nous fera avancer. Mais nous devons garder un point important à l’esprit : les lois ne font pas tout, elles ne feront jamais tout. Tous les acteurs, associatifs et institutionnels, ainsi que la représentation nationale doivent continuer à travailler ensemble et poursuivre le dialogue engagé dans le cadre du Grenelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UDI-I et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Cette proposition de loi, annoncée en conclusion du Grenelle des violences conjugales, s’inscrit dans la lignée des propositions de loi examinées par notre assemblée ; elle vient après l’adoption, à l’unanimité, de la proposition de loi d’Aurélien Pradié visant à agir contre les violences au sein de la famille, devenue la loi du 28 décembre 2019. (Approbationssur les bancs du groupe LR.)
    On doit d’abord se réjouir du consensus républicain autour d’une question aussi grave. Alors que le nombre de féminicides augmente et que le phénomène massif des violences intrafamiliales s’aggrave, l’urgence de la situation nous engage tous à agir au plus vite.
    Si l’arsenal législatif de lutte contre les violences conjugales s’est considérablement renforcé depuis quinze ans, l’efficacité de nos dispositifs mérite cependant d’être examinée. Il faut faire évoluer notre droit et nos dispositifs de protection pour mieux prendre en considération la spécificité de ces violences. La protection des victimes de violences conjugales reste encore trop aléatoire et inégale selon les territoires ; elle varie en fonction de la plus ou moins grande implication des professionnels rencontrés, qu’il s’agisse des policiers, des gendarmes, des procureurs, des juges ou même des avocats. Leur formation et leur sensibilisation à ce fléau constituent, de notre point de vue, une priorité.
    Nous approuvons à la fois l’objectif et la plupart des dispositions du texte qui sont, pour beaucoup, l’aboutissement d’une longue mobilisation menée par de nombreuses associations. Je pense, en particulier, à l’interdiction de la procédure de médiation familiale en cas de violences conjugales, mais aussi à la saisie des armes en cas de violences au sein du couple ou au renforcement de la lutte contre le harcèlement au sein du couple avec l’interdiction de géolocaliser une personne sans son consentement exprès.
    Notre principale réserve sur cette proposition de loi a trait à la levée du secret médical. Le texte autorise les personnels de santé à porter à la connaissance du procureur de la République leur conviction qu’une personne serait victime de violences au sein de son couple et qu’elle se trouverait en danger immédiat et sous l’emprise de leur auteur supposé.
    Cette disposition pose problème. Le principe du secret médical est fondamental car il garantit au malade une liberté de conversation absolue avec le praticien, sans besoin de dissimuler quelque affection ou pratique dont la révélation publique entraînerait pour l’intéressé des conséquences familiales, professionnelles ou sociales. La levée du secret médical pourrait, dès lors, entacher la confiance entre le patient et le professionnel de santé. Le dispositif proposé pourrait s’avérer contreproductif – j’emploie à dessein le conditionnel – voire néfaste, dans la mesure où les femmes victimes pourraient ne plus oser se confier au professionnel de santé et rejeter son aide, ce qui accentuerait leur isolement.
    En outre, un signalement sans ou contre l’avis de la patiente pourrait mettre en danger la femme et ses enfants victimes de violences conjugales s’ils ne sont pas immédiatement protégés, mis en sécurité. Or, compte tenu du manque de places d’hébergement d’urgence et des dysfonctionnements relevés par le rapport de l’Inspection générale de la justice, paru en octobre dernier, sur les homicides ou tentatives d’homicides conjugaux en 2015 et 2016, on ne peut être qu’inquiet.
    Aussi, plutôt que d’inciter les professionnels de santé à dénoncer ces violences à la place des victimes, il nous semblerait plus opportun de les encourager à accompagner les victimes de violences conjugales dans leur démarche de dépôt de plainte. Il serait bon qu’ils soient davantage formés, en lien avec la police, la justice et les associations. Je m’appuie ici sur l’expérience très intéressante de la Maison des femmes, à Saint-Denis, qui a mis en place des dispositifs de ce type, en lien avec la police et le parquet – mais c’est toujours la victime qui, in fine, fait la démarche de porter plainte.
    Comment ne pas revenir sur le décret du 27 mai 2020, qui a suscité une vague d’indignation légitime ? Il instaurait une nouvelle exigence indéniablement contraire à l’intérêt des victimes de violences conjugales et à l’esprit de la loi du 28 décembre 2019. Un décret rectificatif daté du 3 juillet 2020 a été publié pour traiter ces difficultés, mais ce n’est que grâce à la vigilance et à la persévérance des associations, des professionnels et des élus que le Gouvernement a finalement fait marche arrière.
    En définitive, au-delà de ces dispositifs juridiques, des moyens budgétaires conséquents doivent être dégagés afin de lutter efficacement contre les violences conjugales. Rappelons que, selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, au moins 500 millions d’euros par an seraient nécessaires pour protéger les femmes qui portent plainte.
    En dépit de ces remarques et de ces quelques réserves, le groupe GDR votera, une nouvelle fois, cette proposition de loi.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Auconie.

    Mme Sophie Auconie

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    Madame la ministre déléguée, permettez-moi de saluer votre arrivée sur le banc du Gouvernement et de saluer votre histoire personnelle.
    Nous avons débuté l’examen de ce texte avec une équipe gouvernementale, nous l’achevons avec un nouveau gouvernement : si je le souligne, c’est parce que pour le sujet qui nous occupe ce soir, il faudra mettre les bouchées doubles. En effet, les premiers constats qui ressortent de la période de confinement nous révèlent à quel point la route reste longue.
    Sur le fond, cette proposition de loi vient utilement compléter notre arsenal, sans toutefois provoquer de révolution. Beaucoup de dispositions prises ici sont des ajustements, des demandes formulées de très longue date ou des mesures de simple bon sens : suppression des médiations, indignités successorales, dispositions concernant le logement… Je ne vais pas reprendre point par point chacune d’entre elles pour en expliciter les forces ou les faiblesses ; elles apportent toutes une pierre à l’édifice de la lutte contre les violences conjugales.
    Mais après plusieurs lois sur le sujet depuis le début de la législature, la réalité est que les possibilités législatives s’essoufflent. Soyons réalistes : le pouvoir de la loi pour endiguer ces violences a ses limites. Je souligne ici que nous devrons, tous ensemble, surveiller les décrets d’application : l’excellente loi d’Aurélien Pradié, adoptée à l’unanimité, a été interprétée dans ces décrets d’une façon qui n’était pas acceptable. Nous devrons être, cette fois encore, très vigilants.

    M. Frédéric Reiss

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    C’est vrai !

    Mme Sophie Auconie

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    Ce texte comporte néanmoins quelques avancées importantes. La notion d’emprise fait son entrée dans la loi : nous nous en félicitons car c’est un élément essentiel des conflits intrafamiliaux, sans lequel il est impossible de les aborder véritablement. Je regrette cependant que l’adjectif « manifeste » l’accompagne finalement, malgré les nombreux amendements déposés ici, à l’Assemblée nationale, par notre groupe, comme au Sénat.
    La question de la protection des enfants est également essentielle. Dans la continuité de la loi défendue par notre collègue Aurélien Pradié, nous reconnaissons enfin que les enfants sont de réelles victimes. Par exemple, suspendre le droit de visite et d’hébergement dans le cadre d’un contrôle judiciaire apparaît comme une mesure purement technique ; elle vient, en réalité, combler une lacune et se révélera essentielle en pratique.
    L’examen de ce texte a également été l’occasion d’aborder la question de la confrontation des mineurs à la pornographie. Nous saluons le dispositif innovant proposé par nos collègues sénateurs car c’est un sujet qui, à l’heure où internet est accessible partout, par tous, tout le temps, ne peut plus être mis de côté.
    Comme je l’ai déjà dit, nous devons traiter ce fléau des violences conjugales à la source. Les rapports de domination que nous voyons à l’œuvre lors de violences conjugales sont une construction sociale : la répression est certes nécessaire pour traiter les conséquences lorsque le mal est fait, mais il faut aussi et surtout de la pédagogie, de l’éducation, pour traiter le mal à la racine. Nous pouvons saturer notre droit, mais tant que les violences symboliques et le poids des imaginaires sociaux perdureront, nous serons condamnés à compter nos victimes, nos mortes.
    Enfin, nous savons toutes et tous ici que promulguer une loi n’est jamais suffisant si les moyens pour l’appliquer ne sont pas au rendez-vous. Nous serons très attentifs au budget accordé dans la prochaine loi de finances. Je pense par exemple aux bracelets anti-rapprochement, dont certains départements n’ont pas été dotés par manque d’argent. Nous devons être sensibles à cet aspect : à quoi sert-il de voter des lois si elles ne sont pas appliquées parce que les moyens font défaut ?
    Je salue le travail de Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha. Le groupe UDI et indépendants votera cette proposition de loi en toute humilité et avec conviction, pour tout ce qu’elle apporte, mais nous restons conscients qu’elle ne représente qu’un volet de tout ce qu’il reste à accomplir.
    Je terminerai par une citation de Saint-Exupéry : « La pierre n’a point d’espoir d’être autre chose que pierre. Mais de collaborer, elle s’assemble et devient temple. » Construisons ensemble le temple de la protection des victimes, femmes et enfants, des violences conjugales. (Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LR et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Depuis quelques années, on assiste peu à peu à une libération de la parole, tant chez les victimes de violences conjugales que dans l’entourage familial, amical ou chez les voisins. Nous avons enfin l’espoir que la conscience du fléau que représentent ces violences pénètre l’ensemble de notre société. Il est essentiel de briser la chaîne du silence. Ces violences inacceptables détruisent des vies, des personnalités, et sont bien souvent pour les enfants qui les subissent, directement ou non, la source de troubles du comportement qui peuvent resurgir à l’âge adulte. Il reste encore de nombreux défis à relever à travers une politique qui se doit d’être transversale, car tous les acteurs concernés doivent être associés à cette lutte – je pense aux acteurs de la justice, de la santé, aux acteurs sociaux et associatifs. C’est tous ensemble que nous parviendrons à mieux protéger et à mieux accompagner les victimes pendant la procédure judiciaire à l’encontre des auteurs de violences, mais aussi après, pour leur permettre de se reconstruire.
    Pour répondre à cette situation intolérable, une première étape a été franchie lors de l’adoption de la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié, que nous avons soutenue. Le Grenelle des violences conjugales, qui s’est déroulé à l’automne dernier, a marqué une étape supplémentaire dans la lutte contre ces violences, mais le confinement a fait apparaître de nouveaux enjeux, auxquels il nous faudra répondre.
    Si nous nous réjouissons de l’examen de la présente proposition de loi, nous regrettons cependant que toutes les mesures qu’elle contient aujourd’hui n’y aient pas été intégrées dès le mois de décembre, alors que nous savons tous que le temps est un ennemi dans ce difficile combat et que nos atermoiements et nos hésitations nuisent à la protection des victimes, à leur reconstruction et à la sanction des auteurs.
    Parmi les améliorations apportées au texte, nous notons que le Conseil supérieur de l’audiovisuel pourra désormais réguler l’accès des mineurs aux sites pornographiques. Il était en effet nécessaire de refermer ces portes ouvertes, sans aucun contrôle, sur des images ou des films qui peuvent avoir un impact particulièrement lourd sur le comportement de ces futurs adultes. La violence se développant à travers certains modes de socialisation, l’accès facilité de très jeunes individus, qui ont en moyenne 13 ans, à des contenus pornographiques diffusant une vision brutale de la sexualité constituait certainement l’un des vecteurs des violences conjugales.
    Notre groupe salue également les apports du Sénat en ce qui concerne la protection renforcée des victimes de nationalité étrangère, ainsi que l’exemption de l’obligation alimentaire envers les auteurs de violences. En effet, sur ce dernier point, nous avions fait part de notre inquiétude quant à l’absence de juge dans la rédaction de l’article 6 adoptée par la commission en première lecture, et nous avions d’ailleurs déposé un amendement précisant que le juge devait se prononcer sur cette décharge. La rédaction de cet article dans sa version issue du Sénat nous satisfait.
    Nous avions également souligné combien le harcèlement moral au sein d’un couple, même après sa séparation, pouvait être destructeur et même conduire la victime au suicide. C’est pourquoi nous accueillons favorablement l’aggravation de la peine encourue par le conjoint en cas d’envoi de messages malveillants.
    En outre, nous avions exprimé notre crainte que l’article 8 soit considéré comme une atteinte à un droit fondamental pour les patients, à savoir le secret médical. Nous nous demandons toujours si l’absence d’accord donné par la victime au signalement n’entraîne pas un risque réel de perte de confiance entre cette dernière et son médecin, qui sert souvent de refuge en ces circonstances. Il faudrait donner au médecin les moyens de convaincre la victime de dénoncer son bourreau avant d’envisager de fissurer le secret médical.
    Enfin, je souhaite revenir sur un point que nous avions déjà mis en exergue : l’attribution à titre provisoire de l’aide juridictionnelle. L’objectif est louable, mais une telle attribution étant susceptible de ne pas être validée par la suite, ce qui entraînerait l’obligation de rembourser les honoraires versés, cette disposition créera inévitablement de l’insécurité pour la personne victime de violences. Pour résoudre ce problème, nous avions proposé en vain que les bureaux d’aide juridictionnelle se prononcent dans les quarante-huit heures sur l’octroi de l’aide, mais à titre définitif.
    Nous construisons à petits pas et de manière pas toujours cohérente une politique de lutte contre les violences conjugales. Le groupe Libertés et territoires souhaite que le Gouvernement et le Parlement travaillent davantage de concert pour affronter les nouveaux défis qui s’annoncent en la matière, notamment ceux issus de la crise sanitaire. Dans cette perspective, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat.

    Mme Caroline Fiat

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    Alors que le confinement a augmenté de façon importante le nombre de cas de violences conjugales, cette proposition de loi permet d’apporter quelques corrections au droit pénal, encore largement inadapté à ces situations. Les faits se situent souvent dans des interstices que le droit pénal ne semble pas pressé de prendre en considération – dans l’intimité du foyer, dans les replis de l’emprise, dans les difficultés à parler, dans les difficultés à partir. Mais ne nous y trompons pas : les situations de violence sont encouragées et multipliées par l’absence d’écoute des femmes qui parlent, par le tabou qui existe encore sur ce sujet, par le mépris que les institutions montrent parfois à l’encontre des droits des femmes et des violences qu’elles subissent.
    Si cette proposition de loi comporte des avancées, notamment la possibilité de saisir les armes des auteurs ou d’attribuer des logements aux personnes victimes de violences, elle ne s’attaque pas aux racines du problème. Nous avions pourtant défendu des amendements qui nous auraient donné les moyens de lutter contre le fléau des violences conjugales, qui coûte la vie à plus de 120 femmes par an.
    « Ne pleure pas ! Fais pas la fille ! Tu cours vraiment comme une femmelette ! Tu jacasses comme une fille ! T’es trop charmante, viens là ! Tu vas où ? Retourne-toi, regarde-moi ! On fait connaissance ? Mais comment, tu oses partir ? » Depuis des siècles, on apprend aux petits garçons à détester les femmes, à détester ce que l’on identifie au féminin. C’est là, l’origine de la violence. D’un point de vue préventif, afin d’endiguer les violences systémiques contre les femmes, il est essentiel de casser tous les processus qui mènent à ces violences. Cela doit passer par une profonde rénovation des relations garçons-filles, et donc par une éducation des enfants relative aux mécanismes de domination et favorisant l’égalité.
    Cela doit aussi passer par une formation des personnes en lien avec les victimes  – policiers, gendarmes, magistrats –, par l’embauche de médecins légistes, qui ne sont pas présents dans tous les départements, ainsi que par le renforcement des associations, qui ont été minées par la suppression des contrats aidés et dont les subventions n’augmentent pas. Toutes ces mesures permettraient de modifier en profondeur les ressorts des violences. Mais elles nécessitent toutes la mise en place d’un budget dédié ambitieux. Or, contrairement à ce que le Gouvernement prétendait en faisant de la lutte contre les violences faites aux femmes « la grande cause du quinquennat », le budget alloué à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et au recul des violences n’a pas augmenté.
    Contrairement à ce que déclarait le Président Macron, nous assistons à l’effondrement de l’attention que les pouvoirs publics pouvaient, un tant soit peu, porter au sort des femmes. Une enquête ouverte pour complicité de détournement de fonds publics a valu à M. Bayrou, avant toute mise en examen, d’être écarté du Gouvernement au nom de l’exemplarité, alors qu’une procédure pour viol ouverte contre M. Darmanin, certes sans mise en examen, ne l’empêche pas d’être promu ministre de l’intérieur. Ce symbole de ce que les violences faites aux femmes sont moins importantes que des détournements dans des affaires de collaborateurs parlementaires nous renseigne sur la place que le Gouvernement donne à la parole des femmes et à la lutte contre les violences qu’elles subissent.
    Ces dernières années, et plus encore ces dernières semaines, nous avons vu fleurir dans les rues des messages qui doivent nous faire prendre conscience de l’urgence de la situation, madame la ministre déléguée : « Elle le quitte, il la tue » ; « Victimes, on vous croit » ; « Culture du viol, État coupable, justice complice » ; « L’immonde d’après » ; « Ne protégez pas vos filles, éduquez vos fils ». Nous avons tout à gagner à prendre le temps d’éduquer les garçons afin que cesse le dénigrement des femmes qui, à l’âge adulte, peut se transformer en violence.
    Il est nécessaire de dégager massivement de l’argent public pour prévenir les violences, pour former les professionnels et pour lutter contre les représentations qui déprécient l’image des femmes. Nous l’avions proposé mais le Gouvernement l’a balayé. Il est impératif de s’assurer que la parole des femmes est entendue, sachant qu’un long cheminement est souvent suivi avant la plainte, avant le procès, avant la condamnation. Rappelons qu’en matière de viols, seuls 1 % des auteurs sont condamnés. Les violences conjugales, quelles qu’elles soient, sont largement sous-estimées. Le droit doit changer mais, avant cela, c’est la société tout entière qui doit être consciente que nous avons toutes et tous à gagner d’un monde dans lequel les hommes et les femmes vivent en harmonie.
    Dans ce texte, vous faites un pas. Bien qu’il le trouve très lent, très petit, et que la déception des femmes soit perceptible, le groupe de La France insoumise votera en faveur de cette proposition de loi.

    M. le président

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    La parole est à Mme Albane Gaillot.

    Mme Albane Gaillot

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    Aujourd’hui, les mobilisations féministes sont parfois la cible de critiques. Je veux rappeler que les violences conjugales n’ont pas toujours été reconnues comme une question de société légitime, et pour cause : c’est grâce aux mobilisations féministes des années soixante-dix, qui définissent alors la violence dans le couple comme une violence faite aux femmes, issue de rapports de domination entre les hommes et les femmes, que les pouvoirs publics se sont emparés de cette question. Après le mouvement #MeToo, c’est encore grâce aux mobilisations féministes que le terme « féminicide » s’est imposé récemment dans le débat public et que les quelque 120 féminicides annuels sortent peu à peu de la rubrique des faits divers pour rejoindre celle des questions sociétales.
    En dépit d’un demi-siècle de combats et des nombreuses lois votées depuis quinze ans, le nombre de ces crimes ne diminue pas, car la protection réelle des femmes victimes de violences conjugales implique de tenir compte de deux impératifs : la protection judiciaire des femmes d’abord, leur accompagnement jusqu’à la sortie effective et durable des violences ensuite. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a rappelé récemment que cet accompagnement doit inclure la prise en charge sanitaire, la mise à disposition d’un hébergement sécurisé et le traitement adapté de la parentalité.
    La proposition de loi sur laquelle nous sommes amenés à nous prononcer ce soir répond en partie à ces impératifs, parce qu’elle restreint la pratique de la médiation familiale et interdit la médiation pénale dans un contexte de violences conjugales, qu’elle supprime l’obligation alimentaire en cas de crime, qu’elle prévoit la saisie des armes dès le stade de l’enquête et qu’elle reconnaît la notion de cybercontrôle dans le couple.
    Je voudrais m’attarder quelques instants sur ce dernier point. Si cette forme particulière de violences conjugales échappait encore, il y a peu, au radar des politiques publiques, un certain nombre de travaux nous alertent déjà depuis plusieurs années sur l’ampleur du phénomène – je pense notamment aux travaux du Centre Hubertine Auclert et à ceux du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Le cybercontrôle au sein du couple, c’est l’usage de services numériques par un conjoint violent pour contrôler l’activité de la femme – déplacements, activités sociales, dépenses et j’en passe. Si l’on ne dispose pas de données en France, une enquête réalisée en Grande-Bretagne par une association de prise en charge des femmes victimes de violences nous donne un ordre de grandeur : 85 % des femmes accueillies ont subi des violences en ligne, 29 % via des logiciels de géolocalisation et de surveillance. Il était urgent que nous nous saisissions de cette question ; c’est désormais chose faite et je m’en réjouis.
    Je présentais à la presse, en début d’après-midi, une proposition de loi visant à améliorer l’effectivité du droit à l’avortement, cosignée par des collègues de huit groupes parlementaires différents. En matière d’IVG comme en matière de violences conjugales, on peut avoir le sentiment que les droits des femmes sont garantis. Pour autant, bien que l’arsenal législatif français soit important, c’est bien l’effectivité de ces droits qui est en jeu ; et pour que le droit à une vie sans violence sexiste et sexuelle, notamment sans violence conjugale, soit effectif, le chemin est encore long. En effet, le budget consacré à ce sujet reste restreint et insuffisant au regard des besoins identifiés. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes estime ainsi les besoins au-dessus de 500 millions d’euros par an alors que ce budget n’atteint que 80 millions aujourd’hui – vous le voyez, la marge de progrès est importante.
    J’en reviens au texte dont nous débattons aujourd’hui. Il est essentiel de déployer pleinement les mesures de protection des victimes, au premier rang desquelles figure l’ordonnance de protection. Si ce dispositif existe dans la plupart des pays d’Europe, les justices espagnole et britannique, par exemple, en délivrent 20 000 par an, quand la justice française n’en prononce que 10 000. La présente proposition de loi se fixe l’objectif honorable – entre autres – de permettre une délivrance plus rapide des ordonnances de protection.
    Le décret du 27 mai 2020 a suscité, à cet égard, de vives interrogations. Alors que la loi défendue par notre collègue Aurélien Pradié imposait au juge aux affaires familiales un délai de six jours pour statuer sur une demande d’ordonnance de protection, le décret a ajouté deux nouvelles règles. D’abord, les femmes victimes de violences ne disposent que de vingt-quatre heures pour informer leur conjoint violent de l’ouverture d’une procédure à leur encontre, au risque de voir cette procédure annulée si le délai est dépassé. Ensuite, la procédure doit être réalisée par un huissier aux frais de la victime. Les modifications annoncées par l’ancienne garde des sceaux, notamment l’allongement du délai de vingt-quatre à quarante-huit heures, restent largement insuffisantes. J’en appelle à la vigilance collective. En l’état, il me semble que ce décret met en péril les ordonnances de protection ; plutôt que de renforcer les mesures de protection, il les affaiblit.
    Pour toutes les raisons évoquées précédemment et malgré ces quelques limites, parce qu’il n’y a pas de petites avancées en matière de lutte contre les violences conjugales, le groupe Écologie démocratie solidarité votera en faveur de cette proposition de loi.

    M. le président

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    La parole est à M. Dimitri Houbron.

    M. Dimitri Houbron

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    Léon Tolstoï, dans Anna Karénine, nous livre cette très belle réflexion : « Toutes les familles heureuses se ressemblent. Chaque famille malheureuse, au contraire, l’est à sa façon. » Si le droit ne peut pas répondre aux spécificités des déchirements propres à chaque foyer, la justice française sera capable, grâce à ce texte, de s’adapter un peu mieux à la particularité du malheur qui frappe ces familles.
    Je tiens à remercier et à féliciter sincèrement l’ensemble des parlementaires, députés ou sénateurs, de toutes tendances politiques, qui ont mené ce combat avec nous, dès le Grenelle des violences conjugales lancé par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, que je remercie également. Je salue aussi Marlène Schiappa et Nicole Belloubet pour leur action commune et sans précédent.
    Je relèverai quatre ambitions majeures qui sous-tendent le texte.
    D’abord, concernant les enfants, la présente proposition de loi permet une avancée fondamentale : la consécration du lien de corrélation entre les violences conjugales et la déflagration que ces violences peuvent entraîner pour les enfants du couple. Luc Frémiot, l’ancien procureur de Douai – dans ma circonscription –, se bat depuis de nombreuses années contre les violences faites aux femmes. Il répète inlassablement qu’il faut arrêter d’affirmer qu’un mari violent peut être un bon père : un enfant qui grandit dans un foyer en proie à des violences est à la fois témoin, otage et victime. Enfin, sa parole est entendue. C’est un vrai soulagement. Enfin, en cas d’instauration d’un contrôle judiciaire pour des faits de violences conjugales, le juge judiciaire devra systématiquement se prononcer sur la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur. Enfin, il sera possible de retirer l’autorité parentale d’une personne condamnée pour un crime ou un délit commis sur l’autre parent.
    Une autre ambition concerne la notion d’emprise. L’intégration de cette notion dans la loi est audacieuse : elle fera appel, plus que jamais, à la finesse d’analyse psychologique des magistrats et des auxiliaires de justice. Un travail essentiel devra être mené, tant dans la formation des magistrats que dans le quotidien des tribunaux, pour que la compréhension de ce phénomène soit approfondie et partagée entre professionnels.
    S’agissant ensuite de l’aide juridictionnelle, je suis particulièrement satisfait de l’adoption de l’article qui prévoit l’admission à l’aide juridictionnelle immédiate à titre provisoire pour les procédures présentant un caractère d’urgence. Cette proposition, que j’avais défendue dans le rapport pour avis sur le budget de la justice, dont j’étais chargé en 2018, a été retenue par la commission mixte paritaire – merci à ses membres. Elle permettra aux personnes les plus vulnérables d’accéder plus facilement à un tribunal, dans le respect de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Surtout, cette aide juridictionnelle permettra à une victime, parfois sous emprise, d’être accompagnée sans qu’il lui soit nécessaire de fournir des documents dont elle ne dispose pas toujours.
    Enfin, la proposition de loi apporte des réponses dans la lutte contre la pédopornographie et l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques. S’il est important de sanctionner les violences et d’en gérer les conséquences, il nous faut désormais améliorer la prévention en informant et en éduquant notre jeunesse, pour éviter que ces violences se renouvellent sur le long terme. Il est capital de protéger les mineurs de l’exposition à des images et vidéos pornographiques : c’est un sujet de société majeur. Le constat est alarmant, d’autant que la pratique est devenue courante : selon un sondage IFOP, 64 % des garçons et 39 % des filles âgés de 15 à 17 ans ont déjà visionné une vidéo pornographique. Les conséquences de ces expositions sont importantes, à court terme comme à long terme.
    Mon travail sur cette question se prolongera jusqu’à Strasbourg, puisque j’ai l’honneur de siéger à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et d’avoir été nommé rapporteur d’une mission sur les moyens de lutte contre l’exposition des mineurs à la pornographie dans la grande Europe. Je serai très heureux et fier de promouvoir cette avancée législative française auprès d’autres pays européens.
    La lutte contre les violences conjugales est une responsabilité que nous portons à la fois individuellement et collectivement. Sur cette question, le terrible film Jusqu’à la garde de Xavier Legrand montre comment la vigilance d’un simple voisin peut sauver des vies. Les députés du groupe Agir ensemble se félicitent que ce texte offre une plus grande protection aux victimes de violences conjugales et reconnaisse enfin l’impact de la déflagration causée par ces violences sur les enfants du couple, même lorsque leur intégrité corporelle n’est pas menacée.
    Un grand pas est franchi aujourd’hui, mais la lutte doit continuer, comme l’a écrit Antonio Gramsci dans ses Cahiers de prison, en étant « pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par la volonté ». (Mme la rapporteure applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Boris Vallaud.

    M. Boris Vallaud

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    Madame la ministre déléguée, bienvenue dans cette enceinte et sur le banc du Gouvernement !
    Cinquante femmes sont déjà décédées cette année sous les coups de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. Il est essentiel de mener toujours un combat intransigeant contre les violences faites aux femmes. Le présent texte s’inscrit dans ce combat. Nous en remercions la rapporteure. Nous saluons également les militantes féministes, nombreuses et engagées, qui jamais ne cèdent un pouce de terrain face à l’inadmissible, et sans qui l’on ne parlerait sans doute pas des violences conjugales – peut-être continuerions-nous de considérer qu’il s’agit là d’une affaire privée, quand il s’agit bien évidemment d’une affaire publique et d’un sujet politique.
    Le texte vient mieux définir ce que recouvre le terme de « violences » en limitant, par exemple, la procédure de médiation en cas de violences familiales. Il facilite l’aide juridictionnelle, dont on sait combien elle est essentielle pour permettre aux femmes de se défendre. Il protège le respect de la vie privée face au cybercontrôle et encadre l’autorité parentale pour protéger les enfants d’un parent violent. Il a été enrichi au cours du débat parlementaire, en particulier par nos collègues socialistes au Sénat, qui ont notamment souhaité permettre aux locataires victimes de violences conjugales de bénéficier d’un délai de préavis réduit à un mois pour quitter leur logement, comme d’autres personnes en situation de vulnérabilité.
    Toutefois, parce que le sujet a été déclaré « grande cause du quinquennat » et que la société s’est mobilisée comme jamais, grâce au mouvement #MeToo et aux médias qui ont porté la question sur la scène publique, nous aurions aimé une grande loi contre les violences faites aux femmes, qui aurait par exemple englobé la question des violences économiques ou inclus les thèmes de l’antisexisme, des violences sexuelles et des droits sexuels et reproductifs. Nous regrettons de ne discuter que d’un texte qui, en dépit d’avancées réelles – que nous saluons –, continue de segmenter les différentes dimensions des droits des femmes.
    Par ailleurs, vous le savez, nous regrettons particulièrement que les avancées obtenues par nos collègues sénateurs et sénatrices socialistes n’aient pas été retenues en commission mixte paritaire, alors qu’elles amélioraient considérablement l’ordonnance de protection des victimes et mettaient hors d’état de nuire le décret pris par le ministère de la justice le 27 mai 2020, que nous avons été nombreux à dénoncer. Nous déplorons ce recul.
    Surtout, une disposition nous pose problème : c’est la levée du secret médical. Les spécialistes des mécanismes de violences conjugales y sont farouchement opposés, car si signaler, c’est bien, que se passe-t-il ensuite ? Que se passera-t-il si une femme concernée refuse de témoigner ? Que se passera-t-il si elle est menacée ? Que se passera-t-il si la plainte est classée ? Le problème n’est pas tant le signalement que ce que l’on en fait, et que notre capacité à garantir, autant que faire se peut, la protection d’une femme signalant ce qu’elle a subi.
    Vous l’aurez compris, nous aurions voulu voter ce soir une vraie loi permettant de transformer la condition des femmes, qui ne se repose pas uniquement sur la société et sa mobilisation mais apporte aussi le soutien des politiques et des pouvoirs publics. Nous voterons néanmoins en faveur de ce texte, naturellement, tant la cause relève, pour nous comme pour vous, d’un combat historique et malheureusement jamais achevé.
    Toutefois, notre exigence morale nous conduit à exhorter le Gouvernement et la nouvelle ministre déléguée chargée de ce dossier à ne pas se contenter d’un texte de plus. Nous n’en avons pas fini avec la compréhension collective du phénomène et avec l’action publique contre les violences intrafamiliales – contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Si le Président de la République a évoqué un « fil rouge » dans sa déclaration du 14 juillet, le nombre de féminicides figure surtout comme une tache rouge indélébile dans le bilan de nos politiques publiques.

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

    (La proposition de loi est adoptée.)
    (Applaudissements.)

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, mardi 21 juillet, à quinze heures :
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion du projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures dix.)

    Le Directeur du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Serge Ezdra