XVe législature
Session ordinaire de 2017-2018

Séance du jeudi 14 juin 2018

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (nos 904, 1019, 975, 981).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures quarante-sept minutes pour le groupe La République en marche, dont 225 amendements sont en discussion ; quatre heures treize minutes pour le groupe Les Républicains, dont 679 amendements sont en discussion ; une heure quarante-six minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 125 amendements sont en discussion ; deux heures vingt-trois minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 112 amendements sont en discussion ; deux heures sept minutes pour le groupe Nouvelle Gauche, dont 121 amendements sont en discussion ; une heure quarante-neuf minutes pour le groupe La France insoumise, dont 67 amendements sont en discussion ; une heure vingt-trois minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 61 amendements sont en discussion, et trente-sept minutes pour les députés non inscrits, dont 58 amendements sont en discussion.
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant aux amendements nos 1314 et identique à l’article 7. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1314 et 1942, tendant à supprimer l’article 7.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l’amendement no 1314.
Puisque nous avons levé la séance de ce matin sur ces mots, j’aimerais d’abord vous dire, madame la ministre, que nous ne sommes pas des révolutionnaires du statu quo et que nous ne nous accrochons pas à l’ordre ancien en considérant que tout va bien et que nous pouvons nous satisfaire de la situation de nombreux jeunes. Mais il est de notre devoir à tous de vous dire que si nous devons changer, nous devons le faire pour le meilleur. Or un certain nombre des choix que vous faites nous interrogent et nous inquiètent, notamment cet article 7, et c’est pour cela que nous en demandons la suppression.
Tout d’abord, comparaison n’est pas raison. Il a été rappelé ce matin que l’on compte 1,5 million d’apprentis en Allemagne. En France, on ne compte certes que 400 000 apprentis, mais il y a aussi 665 000 jeunes en lycée professionnel, 430 000 jeunes inscrits dans les filières technologiques dans les lycées, 260 000 en BTS – brevet de technicien supérieur – et 115 000 en IUT – institut universitaire de technologie. Le succès de la voie professionnelle dépasse donc le seul apprentissage.
Ensuite, notre inquiétude porte sur le pari que vous faites. Nous sommes attachés à ce que l’apprentissage demeure une formation initiale, au même titre que la formation scolaire, parce qu’il concerne des jeunes en formation, et non en formation professionnelle, continue. Vous allez transformer un service d’intérêt général non économique, qui n’est pas assujetti à des règles de marché, qui n’est pas assujetti à des considérations de rentabilité, en un marché concurrentiel d’un nouveau genre.
Cela nous fait craindre des phénomènes de ségrégation spatiale, et c’est ce qui fait dire aux régions qu’un certain nombre de CFA – centres de formation d’apprentis – sont menacés – et je crois qu’il faut se garder de tout mépris à l’égard de la démocratie locale. On nous répond qu’il n’y a aucune raison d’être inquiets, mais il se trouve que nous le sommes, et que nous ne nous contentons pas d’être les porte-voix de l’Association des régions de France.
Le fonds de péréquation des régions représente 250 millions d’euros. Or il faudrait 390 millions pour faire face à la situation actuelle. Pour l’Occitanie, que nous avons évoquée tout à l’heure, il est prévu 18 millions d’euros au titre de la péréquation, alors qu’il faudrait 34 millions. Et vous n’avez pas répondu non plus à la question que nous vous avons posée sur le devenir des aides aux apprentis qui sont versées par les régions. En Occitanie, pour reprendre cet exemple, elles représentent plus de 14 millions d’euros.
Notre deuxième inquiétude, vous l’aurez compris, porte donc sur les modes de financement, et notamment sur le financement au contrat, qui met les CFA en concurrence. Les CFA qui seront les plus touchés sont ceux qui ont des qualifications de niveau IV et V, ceux qui sont situés dans les territoires ruraux, dans des petits bassins d’emploi, et qui ont de faibles effectifs.
Absolument ! Ce sont eux qui seront menacés par les retournements de conjoncture, si le nombre d’apprentis baisse mais que les frais de structure restent les mêmes. Or vous ne nous avez pas répondu de façon satisfaisante à cette question.
Enfin, vous faites un pari qui nous semble insensé. Qu’un certain nombre de régions n’aient pas utilisé l’intégralité des fonds dédiés à l’apprentissage, c’est une réalité. Mais il était possible de changer les choses ! En revanche, confier l’apprentissage à 510 branches, alors que seules une dizaine d’entre elles ont une consistance juridique et matérielle et une représentation territoriale, c’est prendre le risque de saper durablement l’élan de l’apprentissage. Je le dis avec une certaine gravité, parce que nous sommes attachés à cette voie de formation professionnelle.
C’est pour toutes ces raisons que nous demandons la suppression de cet article, qui nous paraît extrêmement dangereux. Convenez néanmoins, madame la ministre, que nous ne vous proposons pas le
statu quo . Ce que nous vous proposons, c’est d’être exigeants vis-à-vis des régions. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 1942. La modification de l’article L.6211-1 du code du travail est caractéristique de l’esprit qui préside au présent projet de loi, lequel introduit, dans son principe même, une confusion grave entre l’apprentissage et la voie professionnelle proprement dite.
L’alinéa 1 de l’article L.6211-1 précise que l’apprentissage « concourt aux objectifs éducatifs de la nation ». L’apprentissage ne se réduit donc pas à l’insertion professionnelle : s’il participe, sous la direction de son maître d’apprentissage à la vie de l’entreprise, qui constitue l’aspect pratique de son enseignement, l’apprenti suit également une formation théorique auprès d’un centre de stage ou d’un établissement scolaire. En effet, l’acquisition d’un diplôme ou d’une qualification nécessite que la formation pratique soit couplée avec une formation théorique.
La suppression du terme « jeunes » témoigne d’une même volonté de diluer la spécificité de l’apprentissage par rapport à l’insertion professionnelle proprement dite. L’apprentissage complète un temps de formation théorique par une formation pratique, sans s’y substituer.
À terme, cela ne peut que fragiliser le statut et les conditions de travail de l’ensemble des travailleurs, suivant une logique de moins-disant social, délétère pour notre cohésion sociale et nationale. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 7 de votre projet de loi.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques. Ces deux amendements tendant à supprimer l’article 7 me donnent l’occasion de rappeler l’esprit de la réforme du contrat de l’apprentissage, telle que définie aux articles 7, 8 et 9.
S’agissant du diagnostic, vous dites que les chiffres de la formation professionnelle sont comparables à ceux de l’Allemagne, mais il me semble que nous ne parlons pas de la même chose. La question n’est pas seulement de savoir combien de jeunes sont dans la voie professionnelle dans notre pays et outre-Rhin, mais de savoir si nous avons assez de jeunes qui recourent à l’alternance. C’est bien la question de l’alternance qui se pose, celle d’une double formation, en entreprise et en établissement. Or, sur ce point-là, le différentiel entre la France et l’Allemagne est très net.
Certains freins ont certes été levés, mais d’autres persistent, qui n’ont pas seulement été pointés par le Gouvernement, par l’étude d’impact ou par cette majorité, mais également par une concertation menée avec l’ensemble des partenaires, ainsi que par différents rapports, émanant notamment de corps d’inspection.
Face à ce constat, qui est partagé, nous proposons donc de simplifier la passation du contrat, les relations contractuelles et la rupture du contrat, dans la droite ligne des propositions qui ont déjà été faites à maintes reprises.
Le rapprochement avec le contrat de professionnalisation n’est pas un problème pour nous, bien au contraire, puisque ces dernières années ont été marquées par une accélération des recrutements des jeunes de seize à vingt-cinq ans, qui sont, je le rappelle, le public cible de l’apprentissage, du fait de ces contrats de professionnalisation. À notre sens, ce n’est pas un hasard. Et, pour toutes ces raisons, je pense que ces articles sont très bons pour le développement de l’apprentissage, pour notre jeunesse, pour notre économie, pour nos entreprises, et je suis évidemment défavorable à ces deux amendements.
La parole est à Mme la ministre du travail, pour donner l’avis du Gouvernement. J’ai exposé tout à l’heure les raisons et les grandes lignes de cette réforme de l’apprentissage. Je voudrais maintenant, pour répondre aux questions de M. Vallaud et à celles qui m’ont été posées ce matin, entrer davantage dans le détail au sujet du financement des CFA. Nous devons en effet nous assurer ensemble de la faisabilité de cette réforme.
Je rappelle qu’il y a 975 centres de formation d’apprentis en France, et 1 200 lycées professionnels. Les discours que l’on entend sur la disparition de 700 CFA sont sans fondement – mais j’y reviendrai. Aujourd’hui, je rappelle qu’il n’y a pas de règle unique, mais une subvention d’équilibre, qui est un peu de gré à gré. Cela crée des situations assez étonnantes. Les règles de prise en charge sont aujourd’hui très différentes d’une région à l’autre, et c’est l’une des raisons du déficit structurel des CFA.
J’ai pris l’exemple du CAP – certificat d’aptitude professionnelle – cuisinier ce matin, mais je peux vous en donner d’autres. Pour le CAP pâtissier, la subvention peut varier de 2 112 à 8 962 euros, selon les régions ; de 1 942 à 13 738 euros pour le CAP restauration ; de 1 469 à 8 992 pour le CAP boulangerie ; de 2 277 à 8 892 euros pour le CAP coiffure. Je pourrais encore vous citer les chiffres des employés de vente, mais ceux du commerce sont particulièrement parlants : au bac professionnel, la subvention peut varier de 2 559 à 14 684 selon les régions. Elle varie de 2 270 à 15 491 euros pour les maçons et de 3 559 à 14 967 euros pour le management des utilités commerciales en BTS. Et j’ai encore une liste longue comme un jour sans pain.
Qu’est-ce que cela signifie ? Si beaucoup de CFA ont peur, c’est parce que leur subvention est déjà insuffisante pour assurer leur survie.
Non, ce n’est pas vrai ! Demain, les règles de prise en charge seront garanties. À chaque fois qu’un nouveau contrat sera signé entre un jeune et une entreprise, la péréquation générale, quelle que soit la branche, quelle que soit la région, et y compris dans les outre-mer, permettra de financer le CFA. Ce système sera plus juste, parce que les professionnels de chaque métier, au niveau paritaire, vont évaluer le coût de la formation, sur la base d’une objectivation des coûts. En effet, qui, mieux que la fédération des coiffures, sait combien coûte la formation d’un coiffeur ? Les subventions vont aujourd’hui du simple au quadruple : c’est la preuve que personne ne sait le faire à l’heure qu’il est.
Cela se fera sur la base d’un cahier des charges qui sera défini avec les régions et les partenaires sociaux au sein de France Compétences, et qui prendra en compte le coût pédagogique, les coûts de fonctionnement et la matière d’œuvre, mais aussi le premier équipement de l’apprenti. Aujourd’hui, de nombreuses régions financent le premier équipement de l’apprenti, mais toutes ne le font pas. Or il y a beaucoup de jeunes d’origine modeste pour qui l’apprentissage est aussi un ascenseur social. Et quand on a seize ans et qu’il faut commencer par acheter son équipement, c’est un problème pour les familles. Je suis donc favorable à ce que l’on intègre cette dépense dans le coût du contrat.
Ce dispositif permettra de personnaliser les contrats par métier. Pourquoi ? Parce qu’un bac professionnel « commerce » ou « installation des systèmes énergétiques », ou un bac professionnel « intervention sur le patrimoine bâti » ont un coût différent, même au sein du même CFA. Et c’est normal, parce qu’il y a plus ou moins de matière d’œuvre. Il faut penser aussi au cas des formations rares, qui ont été évoquées ce matin. On ne peut pas gérer la formation de tailleur de pierre au niveau régional, puisqu’il n’y en a que cinq par an en France. Mais le coût au contrat sera beaucoup élevé pour tous les métiers rares.
En revanche, pour les métiers de proximité, comme la boulangerie et la coiffure, par exemple, qui sont présents partout sur le territoire, on sait que l’on remplira les sections. Tout le monde connaît les métiers pour lesquels il est plus difficile de remplir les sections. Les professionnels le savent. Ce sont donc les professionnels qui vont définir ces coûts, sur la base d’un cahier des charges qui sera commun à toutes les branches, et à l’élaboration duquel les régions participeront. De nombreux CFA vont donc recevoir beaucoup plus.
Ne vous y trompez pas ! Pourquoi les compagnons du devoir, les maisons familiales rurales et l’assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat soutiennent-ils cette réforme ? Parce qu’ils ont bien compris que, dans la majorité des cas, les subventions reçues sont inférieures au coût de la formation. Les CFA auront plus de moyens, ce qui leur permettra de développer l’apprentissage sans limites – ils deviendront des développeurs de l’apprentissage, ce qui ne leur est pas permis aujourd’hui, car les subventions reçues en moyenne sont extrêmement basses et leur permettent à peine de survivre. Je ne voudrais pas que la subvention d’équilibre qu’ils reçoivent à la fin de l’année se transforme en subvention de survie. Au contraire, il faut mettre en place un système qui permette de former davantage de jeunes dans les entreprises.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Cela étant, il y a de nombreuses zones rurales dans lesquelles les CFA fonctionnent très bien – les maisons familiales rurales, les chambres de métiers, les chambres de commerce et les compagnons du devoir sont en zone rurale et ont de belles perspectives de développement.
Mais lorsqu’un bassin d’emploi rencontre des difficultés ou se trouve enclavé, il vaudra mieux conserver une offre de proximité, notamment pour les formations aux niveaux V et IV. La famille d’un jeune de seize ans n’a pas forcément envie qu’il parcoure 100 kilomètres chaque jour ni qu’il se retrouve en internat. D’ailleurs, on ne trouve pas d’internats partout et tout le monde n’est pas prêt à y aller, ce qui se comprend.
Le maillage du territoire est donc important. Le coût au contrat, s’il était un système d’offre et de demande, permettrait de couvrir les besoins. Il s’agit seulement de réguler, d’ajouter quelque chose dans les cas, minoritaires, où le maintien d’un CFA en zone rurale serait jugé essentiel pour le bon développement du territoire.
C’est pourquoi nous avons prévu une dotation de 250 millions d’euros destinée aux régions, ce qui correspond environ à 20 % des places. Une première estimation, pilotée par les régions, chiffrait les besoins à 280 millions d’euros. Nous nous sommes arrêtés à 250 millions, car nous n’avions pas retenu la même méthode de calcul. Le chiffre est ensuite monté à 380 millions. J’invite cependant tous ceux qui répètent ce chiffre en boucle à revoir la méthode d’évaluation, car elle ne tient pas la route.
Je suis pragmatique. Plutôt que de mener un combat idéologique, j’ai proposé aux régions de lancer une mission flash dans laquelle la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle ainsi que les services régionaux éplucheraient les comptes de tous les CFA, feraient des simulations avec le coût au contrat basé sur la moyenne – soit plutôt de l’ordre de 6 000, 4 000, 8 000 euros que de l’ordre de 2 000, en tout cas dans de nombreuses régions. Nous verrons ensuite. S’il ressort qu’il faut 200 millions d’euros, nous donnerons 200 millions. S’il faut 300 millions, nous donnerons 300 millions. Il ne s’agit pas tant des financements que de dire la vérité et de permettre à tous les CFA de se développer.
Nous avons engagé ce travail dans quatre régions : en Bourgogne Franche-Comté, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Centre-Val-de-Loire, et bientôt dans le Grand Est. Le travail se poursuivra pour vérifier que tout fonctionne correctement.
Concernant les branches, soyons clairs : on ne transfère pas l’argent des régions aux branches. On le transfère directement au CFA par l’intermédiaire de l’opérateur de compétences. Chaque fois qu’un CFA signe dix contrats supplémentaires, à 6 000 euros chacun par exemple, il touchera 60 000 euros en plus. Cette somme est automatiquement versée par l’opérateur de compétences, qui n’a pas à justifier quoi que ce soit. Dès lors qu’il a des jeunes et des entreprises, il peut se développer. Ce système est très différent de celui qui prévaut aujourd’hui.
Du reste, c’est ainsi que fonctionne le contrat de professionnalisation, qui se développe sans qu’on en parle, pour la bonne raison que c’est simple.
Même si on accélère le regroupement des branches, je suis d’accord qu’on ne peut pas attendre que toutes les branches soient en état de gérer les financements directement, car il en reste encore 650. Nous approcherons les 200 à la fin de l’année. Cela étant, ce n’est pas un problème, puisque ce n’est pas la branche qui reçoit l’argent et qui décide à qui le verser, mais l’opérateur de compétences qui joue le rôle d’intermédiaire auprès de chaque CFA et décide des financements en fonction des contrats.
À quoi servent les branches ? Le système est extrêmement simple. Tout CFA sait que dès la mise en place de la réforme, il ne sera plus limité dans le nombre des formations qu’il assure, et qu’il pourra recevoir le soutien des régions s’il se trouve dans une zone très enclavée où des difficultés persistent malgré l’augmentation des aides.
Je prends le pari que le nombre de CFA augmentera, car nous autoriserons aussi les collectivités territoriales, les entreprises, les organismes consulaires, les réseaux associatifs à en créer. Surtout, beaucoup plus de jeunes se retrouveront en apprentissage, ce qui est l’objectif de tous.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Boris Vallaud. J’espère que vous gagnerez votre pari, madame la ministre, mais nous sommes en droit d’émettre des doutes. Vous venez vous-même de reconnaître que les branches n’étaient pas capables d’assumer la régulation du système de l’apprentissage et que la technocratie se chargerait de le faire fonctionner.
Vous n’avez pas répondu à notre question : avec 600 branches dont seulement dix fonctionnent correctement, comment garantir que le système ne s’effondrera pas ?
Par ailleurs, vos services ont engagé il y a un certain temps une réflexion sur le coût par apprenti, qui est différent du coût au contrat. Il s’agissait de s’appuyer sur les régions qui dépensaient l’intégralité de leurs dépenses dédiées à l’apprentissage pour engager un dialogue de gestion. Vous comparez des coûts de formation, mais sans savoir ce qu’ils recouvrent. Quelle est la part des coûts de structure ? Entre des formations assurées au sein d’une chambre de métiers qui ne facture pas l’hébergement et celles assurées dans des locaux construits
ex nihilo , les coûts ne sont pas les mêmes ! Vous n’êtes pas très convaincante, madame la ministre. C’est le moins que l’on puisse dire ! Nous vous alertons : vous prenez un risque considérable en matière de régulation du système.
Vous n’avez pas davantage répondu à la question concernant les aides versées par les régions aux apprentis – un peu plus de 14 millions d’euros en Occitanie. Que devient cet argent ?
La parole est à M. Pierre Dharréville. Je profite de ce débat pour saluer nos jeunes apprentis qui trouvent leur voie dans l’apprentissage et vivent pleinement leur passion, tout en découvrant parfois difficilement, à un jeune âge, le monde du travail. C’est pourquoi nous défendons un statut protecteur pour les apprentis, qui sont des jeunes en formation, que les entreprises ne doivent pas prendre pour de la main-d’œuvre bon marché. Beaucoup d’entreprises, d’ailleurs, en ont conscience et remplissent leur devoir de formation, mais ce n’est hélas pas le cas de toutes, et nous devons aussi le dénoncer.
Vous espérez que les mesures prévues dans ce projet de loi porteront leurs fruits, et que le nombre d’apprentis aura largement augmenté dès l’année prochaine. Je ne comprends pas en quoi ce texte favoriserait un tel essor, mais si c’était le résultat de l’abaissement des droits qui nous est promis, ce serait une bien triste nouvelle.
Nous devons conserver l’apprentissage au sein de la formation initiale. C’est un débat de fond sur le statut même de l’apprentissage. Nous voulons qu’il conserve une dominante éducative. Or, vous souhaitez que les entreprises occupent le premier poste de pilotage. Cela ne correspond pas à notre vision des choses.
Vous avez par ailleurs, madame la ministre, repris une rhétorique que j’ai déjà eu l’occasion de critiquer ici : puisque nous sommes opposés à votre réforme, nous serions en accord avec la situation actuelle, qui est insupportable.
Cet argument n’est pas sérieux.
Très bien ! Vous affirmez qu’1,3 million de jeunes seraient sans emploi ni formation en France. Cette situation nous préoccupe tous, vous le savez, même si nous pouvons nous diviser sur le diagnostic. Par un raccourci assez stupéfiant, vous passez d’une situation où les formations en apprentissage sont insuffisantes au tout apprentissage. Il est impossible de raisonner ainsi ! Pas du tout ! Il a raison ! Nous devons établir un diagnostic au préalable – la lutte contre l’échec scolaire, le décrochage scolaire sont autant de sujets auxquels nous devons nous attaquer en tout premier lieu. Quelle est notre ambition pour l’éducation ? Que faites-vous de l’objectif de 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat ? Quel est notre investissement au niveau de l’éducation nationale ? Dans les lycées professionnels ? Dans les dispositifs de remédiation comme les écoles de la seconde chance ? Dans les missions locales, dont l’objectif est d’aider ces jeunes à se construire un avenir professionnel ? Autant de questions qui demeurent sans réponse.
Enfin, en quoi les inégalités que vous avez dénoncées, et qui existent bel et bien, seront-elles résolues par le système libéral que vous proposez ? Je ne suis pas du tout convaincu. Vous affirmez que des CFA auront plus de moyens. Peut-être, mais d’autres auront moins…
700 ! …puisque vous allez les mettre en concurrence.
Je redoute que cette réforme s’inscrive à nouveau dans une logique de baisse des coûts. Nous en avons déjà parlé hier s’agissant de la formation professionnelle. Là encore, votre projet conduira à une baisse de l’investissement au détriment de l’apprentissage.
Vous le voyez, les objections sont nombreuses. Je comprends que vous défendiez votre réforme avec enthousiasme, mais vous n’avez pas levé nos doutes.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe NG.) La parole est à Mme Sylvie Charrière. Cher collègue, la ministre n’a jamais dit que l’apprentissage était l’alpha et l’oméga, ni qu’il permettrait d’absorber ce 1,3 million de jeunes.
L’apprentissage est un levier parmi d’autres – l’orientation, abordé à l’article 10, l’accompagnement, l’articulation des politiques régionales dans le domaine de l’orientation. Nous ne suivons pas une seule stratégie, mais plusieurs. Le ministre de l’éducation nationale sera d’ailleurs présent au moment où nous aborderons le sujet de l’orientation.
La réforme des lycées professionnels est aussi engagée. Nous allons utiliser de nombreux leviers. Faites-nous confiance !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement. Rappel au règlement au titre de l’article 58 alinéa 1. Nos collègues, MM. Vallaud et Dharréville, posent des questions légitimes, mais ce sont nos collègues du groupe La République en marche qui leur répondent ! Nous voulons que le pouvoir exécutif s’engage en nous donnant des réponses claires. Ce serait la moindre des choses ! Nous souhaitons donc que la ministre réponde à nos collègues. C’est cela, le vrai débat parlementaire ! La parole est à M. Sylvain Maillard. Rappel au règlement au titre de l’article 58 alinéa 1, pour la sérénité de nos débats. M. Hetzel reprend la même antienne qu’hier ou avant-hier. Le débat est serein. Mme la ministre vous a expliqué, un quart d’heure durant, les enjeux de la réforme, débordant d’ailleurs le cadre de l’article 7. Et vous lui reprochez de ne pas répondre ! Quand on ne veut pas entendre, on ne reçoit pas de réponse, en effet !
Mme la ministre a été parfaitement claire. Je ne comprends pas que l’on perde tant de temps.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Votre manœuvre s’apparente à de l’intimidation, mon cher collègue, et nous ne pouvons pas débattre sereinement dans ces conditions ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Chers collègues, ce sera un mouvement perpétuel si nous enchaînons rappel au règlement sur rappel au règlement.
(Les amendements identiques nos 1314 et 1942 ne sont pas adoptés.) Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 950, 1473 et 1944.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l’amendement no 950.
Cette disposition, qui fait suite à un amendement adopté en commission, permet à un apprenti de réaliser la visite médicale d’embauche auprès d’un médecin de ville.
Sous le prétexte de simplifier les procédures d’embauche dans le domaine de l’apprentissage, vous remettez en cause le rôle de la médecine du travail.
Ce projet de loi allège déjà significativement les obligations des employeurs en la matière – conditions d’embauche, conditions de rupture du contrat. L’enjeu de la santé au travail ne peut être sous-traité à la médecine de ville.
On ouvre ici une brèche dangereuse : il est possible d’imaginer que la prochaine étape concernera les salariés de droit commun. La médecine de ville n’a pas vocation à se substituer à la médecine du travail, qui sera peu à peu détricotée – il sera facile ensuite de prétendre qu’elle ne remplit pas son office. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 1 de l’article 7.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 1473. J’ai rendu plusieurs rapports sur la santé au travail et la médecine du travail au cours des précédentes législatures. Un de mes rapports a même inspiré la réforme de la médecine du travail il y a quelques années.
Cette disposition me surprend ; je pense que les parlementaires qui l’ont adoptée en commission n’en ont pas mesuré toute la portée. Je ferai plusieurs observations. La première est que la médecine du travail est une spécialité médicale : le médecin de ville n’a pas les compétences pour faire de la médecine du travail.
Deuxième observation : les entreprises cotisent pour la médecine du travail. Qui paiera le médecin de ville ? Troisième observation : la question de la traçabilité en matière de médecine du travail a déjà fait l’objet d’amendements dans des textes précédents, et les ordonnances ont été dans le même sens. Cette question se pose avec davantage d’acuité dans la période actuelle, où il est difficile de faire la transition entre le temps de travail et le temps de retrait, si je puis dire, pour connaître la réalité des expositions professionnelles. Madame la ministre, vous avez bien voulu considérer que ces amendements étaient importants et vous les avez même acceptés, bien que les jugeant un peu prématurés.
Et voilà que l’alinéa 1 de l’article 7 autorise les jeunes à se rendre chez leur médecin de ville pour la visite d’information et de prévention, alors qu’ils sont particulièrement vulnérables, puisqu’ils entrent en apprentissage. Or le médecin de ville, qui ne connaît ni la médecine du travail ni l’entreprise, ne peut pas non plus assurer la traçabilité. Je tiens tout de même à vous rappeler que, selon l’article L.4622-2 du code du travail, les services de santé au travail « conduisent les actions de santé au travail », « conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants », « assurent la surveillance de l’état de santé des travailleurs » et « contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles ».
Comment est-il possible, dans ces conditions, de demander à la médecine de ville d’assurer la prévention dans le cadre de la visite d’embauche ? C’est aller trop loin. Le risque est important, non pas d’une dérive vers la suppression de la médecine du travail – ce n’est pas dans l’air du temps –, mais, pour ces jeunes apprentis, de passer à côté d’une véritable prévention à leur entrée dans l’entreprise.
Telle est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement de suppression de l’alinéa 1.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l’amendement no 1944. C’est la loi du 11 octobre 1946 qui rend obligatoire la médecine du travail dans toutes les entreprises : elle associe à sa gestion les comités d’entreprise tout juste créés. L’ordre des médecins, qui avait traversé la guerre sans encombre, a empêché que les médecins du travail ne se chargent des soins et viennent ainsi concurrencer la médecine libérale. Toutefois, pour le patronat, le mal était fait : les patrons devaient dépenser de l’argent pour avoir à leurs côtés un médecin du travail.
Comme le patronat avait déjà été mis à contribution l’année précédente pour le financement des accidents du travail et des maladies professionnelles avec la création de la Sécurité sociale, il est aisé de comprendre pourquoi les plus décomplexés veulent revenir sur les dispositifs mis en place ces années-là.
Tout en fragilisant la Sécurité sociale, plusieurs gouvernements précédents ont affaibli la médecine du travail. La loi El Khomri, votée en 2016, a fait le plus gros du travail en supprimant toute obligation de visite médicale à l’embauche, ainsi que durant la vie du salarié. La visite d’embauche est remplacée par un entretien d’information avec un professionnel de santé, qui n’est pas nécessairement médecin, alors qu’elle avait pour objet de détecter d’éventuelles incapacités et fragilités avant d’envoyer la personne sur un poste à risque. Les travailleurs de nuit, suivis auparavant tous les six mois, le sont désormais à une fréquence qui varie selon les entreprises, alors même qu’ils sont particulièrement exposés à toutes sortes de pathologies et d’accidents.
L’alinéa 1 contribue à la démolition de la médecine du travail, qui a été entamée avant vous. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement de suppression de cet alinéa.
Quel est l’avis de la commission ? Je comprends vos arguments. Cependant, d’autres arguments ont conduit la commission à adopter l’alinéa 1 tel qu’il est rédigé. Lesquels ? Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je tiens à rappeler, comme je l’ai déjà fait en commission des affaires sociales, qu’il ne s’agit pas de supprimer la visite médicale préalable à l’embauche des apprentis – il faut absolument la maintenir. J’ai déjà eu l’occasion de rappeler, lors des questions au Gouvernement, que 25 % des postes de médecins du travail sont vacants, faute de candidats et non pas faute de financement. De plus, leur pyramide des âges est inquiétante. C’est la raison pour laquelle Agnès Buzyn et moi-même avons commandé un rapport sur la santé au travail, qui sera bientôt disponible. J’espère que nous pourrons travailler à l’automne sur ce sujet qui me préoccupe beaucoup, parce que nous avons besoin de la médecine du travail et de services de santé au travail. Or notre modèle s’effrite à l’heure actuelle, sans que personne ne le veuille. C’est un fait. Et ce n’est pas ce projet qui va arranger les choses ! Dans le secteur tertiaire, notamment les métiers du commerce, un grand nombre de médecins du travail déclarent aujourd’hui ne pas être en mesure d’assurer leurs missions en ce qui concerne l’apprentissage, si bien que certains contrats d’apprentissage ne peuvent pas commencer et deviennent caducs.
Cette disposition pragmatique sera, je l’espère, de court terme : elle n’est pas un objectif en soi. Elle vise seulement à ce qu’un apprenti puisse voir un médecin, lequel enverra l’information au service de médecine du travail le plus proche pour que le suivi puisse être assuré dans le cadre des visites régulières de l’entreprise. J’espère que lorsque nous nous pencherons de nouveau sur la médecine du travail, nous trouverons les moyens d’éviter de telles situations. Pour l’heure, c’est un moindre mal : du moins le jeune sera t-il suivi et recevra t-il une information qui sera transmise à l’entreprise et au service de la médecine du travail.
Cela va être généralisé par la suite... Avis défavorable aux amendements identiques. La parole est à Mme Martine Wonner. Je suis étonnée de ces propos discriminatoires, qui tendent à nous expliquer que les médecins de ville seraient incapables de définir l’état de santé d’un jeune futur apprenti ou d’assurer la traçabilité. Certes, les médecins du travail sont des spécialistes ; certes, ils ont la connaissance des pathologies professionnelles, mais il s’agit là d’une disposition pragmatique, de souplesse, permettant à un jeune d’entrer rapidement dans l’apprentissage. Nous ne statuons pas sur des problématiques tenant à des maladies professionnelles graves provoquées par une pratique de long terme dans un secteur particulier.
Mes chers collègues, j’aimerais bien que tous ceux qui ont fait passer la visite médicale d’embauche à leurs collaborateurs lèvent la main.
(Plusieurs députés lèvent la main sur divers bancs.) Je vais également lever la mienne. Soyons raisonnables et pragmatiques. C’est obligatoire ! Oui, c’est obligatoire ! Mais nous savons aussi que les délais sont malheureusement très longs pour accéder à la médecine du travail – nous sommes députés depuis un an. J’aimerais bien que ceux qui ont un gamin en apprentissage lèvent aussi la main ! (Exclamations sur plusieurs bancs.) Je le répète : soyons pragmatiques. La parole est à M. Didier Martin. Il n’est pas inutile de rappeler que tous les médecins, y compris les médecins généralistes, ont validé le module « médecine du travail » dans leur cursus médical. Je partage les propos qui viennent d’être tenus : pour favoriser l’apprentissage, dans le contexte actuel, pour des jeunes qui sortent du cocon familial – il faut le rappeler –, le médecin traitant est souvent le premier interlocuteur à connaître les motivations et l’état de santé du jeune. Quand il y en a encore ! Afin de favoriser la prise de contact avec le milieu professionnel, je pense que le médecin généraliste est parfaitement capable d’enclencher la première étape du processus de validation médicale de l’état de santé de l’apprenti. Il faut du reste rappeler que les effectifs des médecins du travail sont souvent déficitaires dans les centres interentreprises de médecine du travail. Les difficultés de recrutement expliquent des délais d’accès à la médecine du travail souvent beaucoup trop longs.
Une hyperspécialisation de la surveillance médicale des futurs apprentis aboutirait à surcharger une filière qui n’est pas en état d’assumer les fonctions que, fort logiquement, nous sommes en droit d’attendre d’une médecine du travail de qualité. C’est pourquoi je ne pense pas qu’il faille adopter ces amendements.
La parole est à M. Gérard Cherpion. Étant à l’origine de l’alinéa 1, je souhaiterais que nous y revenions. Il prévoit que, lorsqu’aucun médecin du travail « n’est disponible dans les deux mois », alors « la visite d’information et de prévention […] peut être réalisée par un professionnel de santé de la médecine de ville ». Des médecins du travail m’ont appelé pour me dire tout le mal qu’ils pensaient de cette disposition qu’ils jugent scandaleuse. Je tiens tout de même à rappeler qu’il y a 5 000 médecins du travail pour 20 millions d’actifs – tous les actifs ne sont pas concernés. Vous rendez-vous compte ? Il ne leur est pas possible de tout assumer.
Pour une fois, je suis d’accord avec M. Quatennens : la loi El Khomri, qu’il a rappelée, confie des missions à des professionnels de santé, comme les infirmiers, qui sont un peu spécialisés. Un médecin ne serait-il donc pas capable de réaliser un entretien médical d’embauche, alors que celui-ci peut être confié à un infirmier ? On marche sur la tête ! Pourquoi mettre en difficulté un apprenti et une entreprise, qui ne serait pas en règle avec le droit du travail, alors que l’alinéa 1 se contente d’offrir une possibilité, dans le cas où le rendez-vous avec le médecin du travail ne peut pas être assuré dans les deux mois ?
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Carole Grandjean. L’alinéa 1, qui a été adopté sur la proposition de Gérard Cherpion, est pragmatique – cela a déjà été souligné. Il vise à répondre à une problématique de pénurie de médecins du travail, peut-être aussi à leur permettre de se concentrer sur des enjeux de maintien dans l’emploi ou de suivi d’inaptitude, dont la portée est très importante. La parole est à M. Francis Vercamer. N’en déplaise aux professions médicales qui sont intervenues, le médecin du travail n’est pas là que pour faire passer la visite médicale. Il a également pour mission la prévention dans l’entreprise et la santé des salariés – j’ai déjà évoqué ses quatre missions.
Comment le médecin de ville, qui n’a jamais mis les pieds dans l’entreprise, pourrait-il assurer la mission de prévention, puisque l’alinéa 1 concerne bien la visite de prévention ? Comment saura-t-il si l’apprenti va être au contact de produits dangereux et comment mesurera-t-il le risque ? La question ne porte pas sur la visite médicale, mais bien sur les risques éventuels que courra l’apprenti.
C’est pourquoi je m’insurge. J’ai participé aux différentes avancées sur la santé au travail ; je sais à quoi sert un médecin du travail, puisqu’un de mes amendements a permis de définir la spécificité de ses missions par rapport à celles du médecin de ville. Je comprends l’argument de Mme la ministre, qui nous rappelle la pénurie de médecins du travail. M. Cherpion a raison de souligner qu’il n’y en a que 5 000. Je me permets toutefois de vous rappeler, madame la ministre, que cela fait seize ans que je suis député et seize ans que je soulève ce problème.
Je n’y suis pour rien. Je sais bien que vous n’y êtes pour rien : il n’empêche que cela fait seize ans aussi qu’on me promet une revalorisation et que la situation n’a pas changé. Ou plutôt si : il y a de moins en moins de médecins du travail, comme, du reste, de médecins de ville.
Vous ayant entendue, madame la ministre, j’aurais toutefois tendance à retirer mon amendement, puisque vous avez assuré qu’il ne s’agissait que d’une mesure supplétive, adoptée en attendant que le problème de la pénurie de médecins du travail soit résolu. En revanche, il n’est pas question de cautionner l’idée – que je viens d’entendre – selon laquelle le médecin de ville aurait toutes les compétences en matière médicale, puisqu’il est médecin. Dans ces conditions, il pourrait aussi bien remplacer l’ORL. De telles affirmations me laissent pantois.
La parole est à M. Sébastien Jumel. Hier, le président d’En marche, qui essayait de retrouver sa jambe gauche, a prononcé un discours fondateur. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) Il s’agit du Président de la République. Il nous a expliqué que lorsqu’il existait un décalage entre les libertés formelles et les libertés réelles, entre les droits formels et les droits réels – comme c’est le cas pour l’accès à la médecine du travail –, il fallait, pour résoudre le problème, supprimer les droits formels.
C’est ce que vous proposez, d’une certaine manière, en affichant votre volonté de priver les apprentis de l’accès à la médecine du travail…
Oh là là ! …alors que l’on devrait justement leur garantir un accès prioritaire à cette médecine.
Peu de gosses de riches font de l’apprentissage.
(Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR et UDI-Agir.) C’est faux ! Ce sont des stéréotypes ! Épargnez-nous vos clichés ! Je veux bien vous sortir des statistiques… De même, j’aimerais savoir si tous ceux qui font l’apologie de l’apprentissage préconisent cette orientation pour leurs mômes. (Mêmes mouvements.) C’est mon cas ! Aucun problème ! Je suis prêt à examiner les statistiques sociologiques sur ce sujet.
M. Vercamer vient de nous rappeler les compétences spécifiques des médecins du travail. Or les territoires dont nous parlons, où l’accès à la médecine du travail doit être préservé, connaissent déjà des problèmes de démographie médicale s’agissant de la médecine de ville. Dans les territoires les plus reculés, les plus ruraux, éloignés des métropoles, 11 % de nos concitoyens n’ont pas de médecin référent. Vous proposez de supprimer l’accès des mômes qui rentrent en apprentissage à la médecine du travail et de faire appel à des médecins de ville qui n’existent plus sur ces territoires ! Ainsi, vous mettez en œuvre l’invitation du Président de la République à supprimer les droits formels lorsqu’ils sont en décalage avec les droits réels.
Bravo ! Bien sûr ! C’est notre but ! Quelle dialectique ! La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille. Je remercie M. Vercamer pour son intervention, mais il faut être pragmatique. Le diplôme de médecin est un diplôme universel : on peut être médecin généraliste et exercer l’oto-rhino-laryngologie, la gynécologie ou la médecine du travail.
Je suis membre de la mission d’information relative à la prévention santé en faveur de la jeunesse. Le manque de médecins scolaires pose le même problème. Je le répète, sur la question des droits réels et des droits formels, il faut être pragmatique. Combien d’entre vous ici ont inscrit leurs collaborateurs à la médecine du travail ?
(Plusieurs députés lèvent la main sur divers bancs) Beaucoup ont déjà répondu à cette question. Mais combien de collaborateurs ont effectivement passé leur visite médicale dans l’année écoulée ? Beaucoup moins ! Cela a été fait en juillet ! Justement, nous demandons que nos collaborateurs soient reçus par le médecin du travail ! Monsieur Isaac-Sibille, vous ne travaillez pas pour un institut de sondage ! En Marche est un think tank ! On voit bien qu’il n’y a pas de médecin du travail disponible. Mes chers collègues, si nous devions attendre l’accord de la médecine du travail pour embaucher des collaborateurs, il n’y aurait plus beaucoup de collaborateurs à nos côtés dans cette assemblée ! Monsieur Vercamer, vous souhaitez vous exprimer à nouveau sur un amendement que vous allez retirer, me semble-t-il…
Vous avez la parole.
Il restera deux amendements identiques, madame la présidente !
Madame la ministre, je vous ai demandé qui allait payer la visite médicale préalable auprès d’un médecin de ville. Vous ne m’avez pas répondu, et je pense que cela peut poser un problème.
Je vous rappelle que les entreprises n’ayant pas de médecin du travail en interne cotisent à un organisme mutualisateur. Or vous préconisez maintenant de passer par la médecine de ville. L’entreprise prendra-t-elle en charge la visite médicale, étant entendu que les honoraires payés seront déductibles des cotisations de médecine du travail ? Est-ce la Sécurité sociale qui la prendra en charge ? Dans le second cas, il risque d’y avoir un problème d’ordre constitutionnel.
Bonne question ! Confirmez-vous le retrait de votre amendement, monsieur Vercamer ? Oui, madame la présidente.
(L’amendement no 1473 est retiré.)
(Les amendements identiques nos 950 et 1944 ne sont pas adoptés.) M. Vercamer a posé une question intéressante mais n’a pas obtenu de réponse ! La parole est à Mme Catherine Fabre, pour soutenir l’amendement no 1386. Rédactionnel.
(L’amendement no 1386, accepté par le Gouvernement, est adopté.) La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir l’amendement no 1028. Cet amendement s’inspire de la proposition de loi visant à développer l’apprentissage comme voie de réussite déposée au Sénat en 2016 par Mme Lamure. Il s’agit d’insuffler un nouvel état d’esprit en faveur du développement de l’apprentissage en France.
Cet amendement vise à mettre en place une voie de formation initiale valorisée, organisée plus librement par les entreprises qui le souhaitent et sanctionnée par des diplômes en adéquation avec les besoins des jeunes et des entreprises. Il élargit donc les objectifs de l’apprentissage définis par le code du travail et le code de l’éducation.
L’apprentissage est une voie de formation qui concourt à la réalisation des objectifs tant éducatifs qu’économiques de la nation. Il doit permettre de lutter contre le chômage des jeunes, de développer des compétences et de maintenir des métiers. En outre, le code du travail précise désormais que la voie de l’apprentissage vise l’insertion professionnelle des jeunes travailleurs et leur capacité à occuper un emploi au regard de l’évolution des métiers, des technologies et des organisations.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable, car les articles du code du travail que M. Minot propose de modifier font écho au droit à l’instruction. Mettre les objectifs économiques sur le même plan que ce droit reviendrait à banaliser, voire à neutraliser le lien très fort entre l’apprentissage et le droit à l’éducation.
(L’amendement no 1028, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Nous en venons à l’amendement no 951, sur lequel je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l’amendement.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 et 5, qui nous semblent marquer un renversement sans précédent dans les objectifs de l’apprentissage.
Permettez-moi de prendre un exemple vécu sur mon territoire. Nous nous sommes battus dans deux lycées professionnels pour faire émerger deux formations en lien avec les besoins des bassins d’emploi – nous ne sommes pas complètement déconnectés de la réalité ! La première formation était un BTS dans l’industrie mécanique, en lien avec une grappe d’entreprises, Dieppe Méca Énergies ; la seconde était un BTS dans le domaine du nettoyage industriel, lié aux besoins importants d’un territoire où 23 % du PIB provient du secteur industriel. Cette réflexion était menée avec les lycées et l’ensemble de la communauté éducative, car la mise en place de ces BTS impliquait un renoncement à la formation initiale.
Dans les deux cas, les branches professionnelles – l’Union des industries et métiers de la métallurgie d’un côté, la branche du nettoyage industriel de l’autre – ont voulu piquer ces formations pour les insérer dans leur centre de formation de branche – l’un au Havre, l’autre à Rouen. Or les projets que nous portions étaient basés à Dieppe, une ville moyenne au nord du département, dans un territoire où les besoins de formation sont extrêmement importants.
Si je vous cite cet exemple, c’est parce que votre projet va entraîner un déménagement des centres d’apprentissage, qui vont quitter les villes moyennes et les zones rurales. L’explication que vous avez donnée tout à l’heure sur la péréquation des modalités de financement et des coûts des contrats le confirme. Or, pour des mômes qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche, la nécessité de quitter leur territoire va poser de vrais problèmes en termes de mobilité et de transport. La mutualisation va conduire les branches à concentrer les formations dans les pôles déjà importants.
C’est vrai ! C’est une malformation congénitale que je voulais dénoncer à la faveur de cet amendement. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Comme je viens de le préciser, nous tenons au lien entre apprentissage et éducation. Dans le code du travail, l’expression « jeunes travailleurs » est plutôt utilisée pour les mineurs. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. Je mets aux voix l’amendement no 951.
(Il est procédé au scrutin.)
(L’amendement no 951 n’est pas adopté.) La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 504. Au fur et à mesure que nous discutons de ce texte, nous nous rendons compte que cette réforme posera un problème de financement. Nous aborderons ce sujet un peu plus tard, mais il suscite d’ores et déjà des tensions entre deux ministères de la rue de Grenelle. Vous l’avez déjà dit ! Nous voyons bien la difficulté sur la fraction « hors quota » de la taxe d’apprentissage. Mais nous y reviendrons.
L’amendement no 504 est très clair : il vise à compléter l’alinéa 7 par les mots : « son financement étant de droit ». Pour le moment, en effet, la réforme de l’apprentissage prévue par le Gouvernement n’est pas financée. Il y a donc une volonté de siphonner le « hors quota » pour assurer ce financement, mais cela poserait d’autres problèmes, notamment pour les écoles de la seconde chance et les écoles de production. Ainsi, faisons déjà le minimum en garantissant le financement de droit de l’apprentissage. Ce principe mérite d’être inscrit dans la loi.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement est redondant avec les dispositions de l’article 17 et, plus encore, de l’article 19, qui posent clairement ce principe de financement obligatoire du contrat. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Patrick Hetzel. Pardonnez-moi, madame la rapporteure, mais votre argument serait valable si l’article 17 avait déjà été adopté. Pour le moment, il ne l’est pas : il faut donc sécuriser les choses. À mon sens, il est nécessaire de garantir ce principe dès l’article 7 car, encore une fois, l’adoption de l’article 17 n’est qu’hypothétique. Le débat montrera que rien n’est joué. D’ailleurs, au sein même du groupe majoritaire, il y a deux écoles en présence. Il sera très intéressant d’observer cela. Ben voyons !
(L’amendement no 504 n’est pas adopté.) Je suis saisie de trois amendements, nos 1186, 1187 et 1387, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Catherine Fabre, pour les soutenir.
Ce sont des amendements rédactionnels.
(Les amendements nos 1186, 1187 et 1387, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.) Je suis saisie de trois amendements, nos 894, 1624 et 1183, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 894 et 1624 sont identiques.
La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l’amendement no 894.
Cet amendement vise à reconnaître le rôle essentiel que jouent les chambres consulaires dans l’apprentissage grâce à leur ancrage sur le territoire, au maillage territorial qu’elles assurent, à leur représentation de l’ensemble des métiers et à leur connaissance des entreprises. Aussi cet amendement énumère-t-il clairement les différentes missions exercées par les chambres consulaires. Ces missions justifient le maintien d’une compétence d’organisation générale en matière d’apprentissage, complémentaire avec le recentrage des activités des centres de formation des apprentis sur leur mission pédagogique. La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l’amendement no 1624. Madame la ministre, permettez-moi de revenir très rapidement sur les propos que vous avez tenus vers treize heures, à la fin de la séance de ce matin. Vous avez parlé des personnes concernées par cette réforme – c’est extrêmement important –, et vous avez cité les conseils régionaux et les branches. Mais il ne faut pas oublier que les principales personnes concernées sont les alternants,… C’est ce que j’ai dit ! …les entreprises et les salariés désireux de se former. Aujourd’hui, les entreprises veulent tout d’abord pouvoir former des jeunes et les embaucher à l’issue de cette période de formation. Les salariés veulent progresser grâce à des formations. Quant aux alternants, ils veulent pouvoir apprendre un travail en étant mieux rémunérés. Ainsi, pour les entreprises, la structure qui prend les décisions n’a aucune importance ; ce qu’elles veulent, c’est que cela marche ! Le plus important, dans cette réforme, n’est pas de répartir les compétences, mais de tout faire pour que cela marche.
Cela m’amène à l’amendement déposé par Mme Firmin Le Bodo, qui reprend exactement ce que disait tout à l’heure M. Bony : les chambres consulaires sont l’organe qui représente les entreprises et le monde du travail tout en étant présent sur le territoire. Ce sont donc elles qui ont les meilleures compétences pour être une force de proposition et avoir un impact en matière de formation professionnelle. Il faut donc les inclure et étendre au maximum leur champ de compétences, car elles sont un atout pour nos territoires et pour la formation professionnelle.
Quel est l’avis de la commission ? Nous avons adopté en commission, à l’initiative du Gouvernement, une définition des missions des chambres consulaires dont la rédaction est un peu différente, mais qui présente néanmoins peu de différences sur le fond. En substance, donc, ces amendements sont satisfaits par cette rédaction, qui me semble préférable car plus précise. Je vous propose donc de les retirer. À défaut, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis que la rapporteure. La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l’amendement no 1183, qui est en discussion commune avec les deux précédents. Cet amendement de notre excellente présidente, Mme Genevard, relève du même esprit que celui que j’ai défendu précédemment et invite à s’appuyer sur l’expertise et les connaissances des chambres consulaires pour sécuriser les relations entre l’employeur et l’apprenti. Du fait de leur neutralité et de leur légitimité, ces chambres doivent être davantage associées à la gouvernance de l’apprentissage. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis.
(Les amendements identiques nos 894 et 1624 ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Sabine Rubin. En réponse à M. Bony, qui a dit que les apprentis souhaitaient trouver un travail, je tiens à revenir sur le sens de l’apprentissage : il ne s’agit pas de trouver un travail, mais de préparer une formation théorique et pratique. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI-Agir.) Il me semble qu’on dévie beaucoup à ce propos, mais ce n’est pas du tout la même chose : l’apprentissage vise à préparer une formation, un diplôme et un titre… Pour quoi faire ? …pour travailler ensuite, dans un second temps… Voilà ! …et non pas pour avoir un travail. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
(L’amendement no 1183 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1389. Il est rédactionnel. Quel est l’avis du Gouvernement ? Favorable. La parole est à M. Christophe Naegelen. Madame la présidente, je demandais la parole sur l’amendement précédent, mais vous ne m’avez pas vu. Si, je vous ai vu, mais le vote était engagé.
Si vous voulez prendre la parole, prenez-la maintenant.
Madame Rubin, bien que j’aie la plus grande estime pour notre collègue Bony, je suppose que vous faites référence aux propos que j’ai tenus tout à l’heure. Or, qu’on le veuille ou non, un contrat d’apprentissage est un contrat de travail. C’est une manière de se former. L’apprenti, le jeune qui se forme, relève d’un contrat de travail. Ce n’est pas plus compliqué que cela. Chers collègues, je rappelle les règles : il convient de s’exprimer si possible sur l’amendement – et non pour répondre aux collègues, mais pour apporter une contribution au débat.
(L’amendement no 1389 est adopté.) La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1390. Il est également rédactionnel.
(L’amendement no 1390, accepté par le Gouvernement, est adopté.) La parole est à M. Jean François Mbaye, pour soutenir l’amendement no 1556. Ce matin, nous avons longuement insisté sur l’expertise que possèdent les chambres consulaires dans le domaine de l’apprentissage et j’ai noté quelques paroles prononcées à cet égard.
Sur l’article 7 que nous examinons, je propose un amendement qui, je l’espère, fera consensus. Il permet de conserver la fluidité que vous recherchez dans cet article et de remettre les chambres consulaires, avec France Compétences et les opérateurs de compétences, au cœur de l’action que nous voulons mener.
Il est vrai qu’en droit positif, les contrats d’apprentissage doivent faire l’objet d’un enregistrement auprès d’une chambre consulaire. Cette procédure a pour fonction de vérifier la conformité desdits contrats et conduit, le cas échéant, à faire obstacle à leur exécution. L’article 7 prévoit deux modifications : d’une part, il substitue à cette procédure un dépôt simple et, d’autre part, il permet d’effectuer ce dépôt auprès des opérateurs de compétences.
Cet amendement – qui n’a pas pour objet, je le répète, de remettre en cause les avancées proposées par l’article 7, mais bien de faciliter la coopération ponctuelle entre les chambres consulaires et les opérateurs de compétences – tend à maintenir un dépôt simple du contrat d’apprentissage auprès des chambres consulaires, parallèlement à celui qui est effectué auprès des opérateurs de compétences. Ce dépôt permettra aux chambres, lorsqu’elles l’estiment nécessaire, d’intervenir auprès des opérateurs de compétences. Cet amendement ne me semble pas déséquilibrer le texte.
Quel est l’avis de la commission ? L’alinéa 11 de l’article prévoit déjà que les chambres consulaires peuvent être chargées par les opérateurs de compétences de participer à la mission de dépôt. Je propose donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis que la rapporteure. Monsieur le député, maintenez-vous l’amendement ? Attention ! Rappel à l’ordre du Premier ministre ! Pas forcément, cher collègue ! Ici, la parole est assez libre et nous avons le droit, après une réponse de la rapporteure et de la ministre, d’expliquer pourquoi on maintient un amendement ou pourquoi on le retire.
En l’occurrence, madame la rapporteure, je vous ai entendue. Nous avons évoqué ces interventions ponctuelles durant les débats en commission, et je vous propose simplement une combinaison des deux propositions – car cela concerne également l’alinéa 20 –, qui permet de concilier une certaine souplesse et une certaine efficacité. C’est le seul objet de cet amendement : au lieu de nous contenter de considérer que le droit actuel permet déjà de le faire, la rédaction proposée consiste simplement à insérer le mot : « coopérer », afin que les chambres consulaires puissent être saisies ou se saisir ponctuellement, lorsqu’elles l’estiment nécessaire. Pour ces raisons, je maintiens mon amendement.
(L’amendement no 1556 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l’amendement no 1793. Le projet de loi supprime l’enregistrement des contrats d’apprentissage, mission principale des chambres consulaires, qui permettait le contrôle a priori du contrat d’apprentissage.
Cet amendement tend à mettre en place un accompagnement dans les démarches de constitution d’un contrat d’apprentissage pour les entreprises de moins de onze salariés et les jeunes inscrits dans une formation permettant de préparer un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalent, au plus, au baccalauréat. Les jeunes et les très petites entreprises ont en effet besoin de cet accompagnement pour s’engager pleinement dans l’apprentissage.
Quel est l’avis de la commission ? Comme évoqué précédemment, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je propose le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable. Madame Brunet, retirez-vous l’amendement ? Oui, je le retire.
(L’amendement no 1793 est retiré.) Je suis saisie d’un amendement no 1737 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 2214.
La parole est à Mme Véronique Hammerer, pour soutenir l’amendement.
Cet amendement vise à permettre aux groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification – GEIQ – de conclure un contrat avec un apprenti, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, mais en permettant en outre que cet apprenti puisse avoir plusieurs lieux de stage au sein d’un tel groupement. Dans le secteur de la propreté, par exemple, l’apprenti pourrait ainsi intervenir dans une usine, auprès d’une collectivité et dans une crèche, qui ont des procédures et des normes d’hygiène différentes, ce qui pourrait lui permettre d’acquérir une plus grande polyvalence et de s’adapter à ces différents postes de travail.
L’amendement tend donc à permettre que les GEIQ, qui sont au nombre de 180 en France et jouent un rôle très important en tant que véritables professionnels de l’accompagnement, interviennent en tant que tuteurs et proposent à l’apprenti plusieurs lieux de stage en relation avec sa formation.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement et soutenir le sous-amendement no 2214. Le sous-amendement limite à deux le nombre des entreprises utilisatrices lorsque le GEIQ recourt, comme vous le proposez, à un apprenti. Sous réserve de cette précision, l’amendement me semble judicieux, car il permettra d’assouplir l’apprentissage au sein d’un groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification, en autorisant l’apprenti à effectuer son stage chez deux employeurs. Cette mesure me semble intéressante. L’amendement est donc accepté par la commission, sous réserve de l’adoption du sous-amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis favorable sur le sous-amendement. S’il est adopté, avis favorable sur l’amendement. Sinon, avis défavorable sur l’amendement. La parole est à Mme Michèle Victory. Une simple question : cet amendement relatif aux GEIQ est intéressant, mais pourquoi limiter à deux le nombre d’entreprises ? Dans les territoires ruraux, les GEIQ travaillent souvent avec des agriculteurs ou d’autres structures et ont besoin de contrats couvrant plus de deux entreprises. Cette limitation n’est pas intéressante, et il me semble qu’il faut dépasser ce chiffre de deux pour que l’amendement trouve son sens. Sur l’amendement no 1737, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Gérard Cherpion.
Tout ce qui favorise l’apprentissage est bon : en ce sens, cet amendement est donc bon. Cependant, la possibilité qu’il propose est déjà inscrite dans la loi de juillet 2011 et il est donc superfétatoire.
En outre, cette même loi prévoit la possibilité d’effectuer le stage dans plusieurs entreprises, sans en limiter le nombre à deux. L’apprenti peut en effet avoir plusieurs employeurs pendant la période de l’apprentissage, sachant qu’il ne peut pas s’agir de périodes de quinze jours et que ce stage est régi par un contrat. Toujours est-il que la disposition figure déjà dans la loi.
(Le sous-amendement no 2214 est adopté.) Je mets aux voix l’amendement no 1737, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
(L’amendement no 1737, sous-amendé, est adopté.) La parole est à M. Gérard Cherpion. Notre groupe a voté contre cet amendement, qui représente en réalité un retour en arrière, car il limite à deux le nombre d’employeurs possibles. De fait, si l’idée d’ouvrir l’apprentissage à plusieurs employeurs est bonne, celle d’en limiter le nombre à deux est une erreur. C’est la raison pour laquelle nous avons voté contre. Nous n’avons, du reste, pas été le seul groupe à le faire et je crois pouvoir dire que le groupe de M. Vercamer partage notre point de vue. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1623, 444 et 1544, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 1623.
Défendu. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 444. Ce projet de loi prévoit la suppression de la procédure d’enregistrement des contrats d’apprentissage au profit d’une simple procédure de dépôt. Avec Martial Saddier, nous pensons que cette volonté de simplification du système d’apprentissage, que nous ne refusons pas forcément, ne doit pas se faire au détriment de la sécurisation des apprentis et des entreprises, notamment des plus petites d’entre elles.
C’est pourquoi le présent amendement propose de renforcer la procédure du dépôt par un dépôt suspensif permettant de ne pas engager les jeunes et les entreprises dans un contrat qui ne serait pas juridiquement correct. Ce qualificatif de « suspensif » permet de mettre un terme provisoire au contrat s’il est invalide juridiquement.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 1544. Cet amendement, proposé par notre collègue Gabriel Serville, a pour objet d’introduire le caractère suspensif décrit par Gilles Lurton. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ? J’y suis défavorable, puisque c’est l’une des mesures importantes de l’article 7. Tout d’abord, c’est assez lourd : cela concerne 280 000 contrats chaque année. Ensuite, c’était l’une des préconisations du rapport Brunet : les chambres consulaires ou les services préfectoraux apportant plus de valeur ajoutée dans d’autres domaines, il est dommage de les concentrer sur ces missions-là. J’ajoute que le contrat de professionnalisation fonctionne sur ce modèle et ne pose pas de souci. Pour toutes ces raisons, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Aujourd’hui, c’est long et cher pour les entreprises. Nous allons donc faire quelque chose de très simple : les opérateurs de compétences, comme ils le font pour les contrats de professionnalisation, vérifieront la validité sur la base d’un simple dépôt. C’est beaucoup plus léger qu’un enregistrement et cela permet bien de garantir les conditions de validité que vous évoquiez. Avis défavorable.
(Les amendements nos 1623, 444 et 1544, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 2190. Défendu.
(L’amendement no 2190, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Sur l’article 7, je suis saisie par le groupe Nouvelle Gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je mets aux voix l’article 7.
(Il est procédé au scrutin.)
(L’article 7, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Graziella Melchior, première oratrice inscrite sur l’article 8. Le présent projet de loi cherche à donner une visibilité à l’apprentissage pour que plus de jeunes empruntent cette voie à la réussite reconnue. Il a pour objectif d’attirer plus de jeunes vers l’apprentissage en informant mieux, en orientant mieux, en communiquant mieux. Mais à quoi serviront ces efforts si, en face, les jeunes ne trouvent pas d’entreprises d’accueil ? Les concertations préalables ont permis aux employeurs d’exprimer leurs réticences et les freins qui les retiennent. Beaucoup de leurs raisons tiennent au contrat d’apprentissage, trop spécifique à leurs yeux. L’article 8 répond à leurs principales objections.
Certains nous ont dit : « Je voudrais ne pas avoir à attendre septembre pour embaucher. » L’article 8 permet au jeune d’entrer en apprentissage tout au long de l’année, pour une durée de six mois à un an. L’employeur ne perd pas de temps, le jeune non plus.
D’autres employeurs ont renchéri : « Le contrat est trop contraignant par rapport aux horaires de mon activité. » L’article 8 assouplit les règles et admet des dérogations journalières pour certains secteurs comme le BTP et l’hôtellerie-restauration. Mais pour l’apprenti, ces exceptions, limitées à deux heures par jour, seront contrebalancées par la rémunération des heures supplémentaires et des repos compensateurs.
L’article 8 conduit à un rapport plus équilibré entre employeur et apprenti : l’un ne va pas sans l’autre. Les conditions de réussite dépendent donc autant d’une certaine flexibilité du contrat que de la protection du jeune, et c’est bien la qualification et l’insertion de ce jeune que nous visons.
L’article 8 entérine aussi le report de la limite supérieure d’âge d’entrée en apprentissage, donnant la possibilité aux personnes jusqu’à 29 ans révolus d’acquérir une formation diplômante, notamment dans le cadre d’une reconversion professionnelle. Cela peut être vu comme une première étape vers le rapprochement du contrat d’apprentissage et de celui de professionnalisation et donc, à terme, une simplification.
J’ajouterai un mot sur l’article 9 : celui-ci inscrit le modèle de rupture du contrat dans le cadre du droit commun. La simplification apportée, sans recours aux prud’hommes, accélère les procédures tout en conservant à l’apprenti l’ensemble de ses droits.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei. À l’heure où 1,3 million de jeunes sont sans emploi ni formation dans notre pays, le présent article 8 entend favoriser le développement de l’apprentissage, qui permet à sept apprentis sur dix de trouver un emploi dans les sept mois suivant leur formation. L’apprentissage doit en effet être développé, car il ne concerne que 7 % des jeunes, contre 15 % chez nos voisins européens dont le taux de chômage est bas. À ce titre, il est nécessaire d’allonger, comme le propose cet article, l’âge d’entrée dans l’apprentissage, qui passe de 25 à 29 ans.
Je salue l’esprit de ce texte et tiens à évoquer à cette occasion deux propositions, désormais du ressort gouvernemental car les fourches caudines de l’article 40 ont empêché mes amendements de parvenir jusqu’à ce stade du débat. La première proposition consiste à intégrer à la prorogation légale de la durée des contrats d’apprentissage les personnes qui, bien que dépassant l’âge de 29 ans, sortent d’une relation contractuelle avec le ministère des armées. Cela permettrait de favoriser la reconversion des militaires.
La seconde proposition, qui remonte du terrain, consiste à autoriser une prolongation de trois à cinq ans des contrats d’apprentissage pour certaines formations spécialisées, qui nécessitent un perfectionnement ou l’acquisition de connaissances complémentaires au-delà des trois années d’apprentissage de base. Je pense notamment à la filière carrosserie – 2 500 entreprises, 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires et 35 % du marché de la réparation en France –, où plusieurs milliers de postes restent à pourvoir chaque année. C’est pourquoi je vous proposerai, à l’article 10, deux amendements de bon sens pour intégrer les listes des métiers en tension au mécanisme d’orientation des jeunes, qu’ils soient dans le système scolaire ou en dehors, pour leur permettre d’accéder à une formation et à un vrai métier qui les fasse vivre.
La parole est à Mme Martine Wonner. Je souhaite montrer à quel point cet article 8 est l’illustration même d’une observation de terrain. Il est avant tout extrêmement pragmatique et introduit beaucoup de souplesse. Tout d’abord, afin de tenir compte des réorientations parfois tardives ou tout simplement des aléas de la vie, il est proposé d’ouvrir l’apprentissage à tous les jeunes de 16 à 29 ans révolus, contre 25 ans actuellement. Nous prenons ainsi enfin en compte les souhaits de celles et ceux ayant rencontré des difficultés dans l’enseignement supérieur ou qui, n’ayant pas forcément trouvé leur voie de façon immédiate, souhaitent rejoindre cette voie d’excellence que représente l’apprentissage.
Une deuxième raison de se réjouir de cet article tient à son caractère pragmatique. Démarrer un contrat d’apprentissage à tout moment de l’année, sans tenir compte de ces fameux rythmes scolaires totalement rigides, est une démarche de bon sens, qui permettra à nos jeunes de ne plus devoir attendre la fin de l’année scolaire pour intégrer un CFA ou être actif au sein même d’une entreprise. Comment pouvait-on accepter qu’un jeune reste sans formation pendant plusieurs mois ?
Enfin, cet article prend en compte les expériences passées des apprentis en modulant la durée du contrat de six mois à trois ans. J’aimerais aussi rappeler qu’en commission, nous avons adopté plusieurs amendements venant de l’opposition. L’un d’eux introduit une expérimentation afin de valoriser la mobilité géographique des apprentis vivant dans des territoires proches des outre-mer. Un autre facilite la validation des acquis de l’expérience pour les maîtres d’apprentissage. Je ne doute pas une seule seconde que cet article 8 obtiendra l’aval de tous les groupes politiques, et je m’en réjouis par avance.
La parole est à Mme Laëtitia Romeiro Dias. Cet article est essentiel pour développer le contrat d’apprentissage. Il permet d’apporter des réponses aux obstacles et aux difficultés rencontrées par nos jeunes sur le terrain : lourdeurs administratives, réglementation incohérente, carcan organisationnel sont autant de problèmes auxquels cet article apporte des solutions. Nous proposons ainsi d’ouvrir l’accès à la voie de l’apprentissage jusqu’à 29 ans révolus, précisément pour répondre aux orientations tardives ou aux réorientations, ce qui favorisera aussi le développement de l’apprentissage dans le supérieur.
Pour remédier aux rigidités absurdes qui freinent les apprentis dans leur apprentissage et le développement même de celui-ci, nous assouplissons certaines règles lorsque cela est pertinent : terminé, l’apprenti qui attend dans le camion du chantier que les ouvriers aient terminé leur travail pour le ramener, parce qu’en tant qu’apprenti il doit s’arrêter avant eux. Terminé, l’apprenti boulanger qui ne peut pas apprendre à faire le pain car il n’a pas le droit d’être là à l’heure où cela se passe.
Avec cette disposition, nous ouvrons la possibilité à tous les jeunes de s’intégrer totalement dans leur entreprise et leur secteur d’activité. Avec cet article, nous répondrons aussi aux attentes de bon nombre d’entreprises, qui finissaient par renoncer à recourir à l’apprentissage à cause de ces incongruités.
Toujours dans une logique de pragmatisme, nous proposons aussi de mettre en place la modularité de la durée de la formation. Terminé, l’étudiant obligé de suivre à nouveau des enseignements dont il maîtrise déjà les acquis élémentaires.
Enfin, parce que former et encadrer n’est pas inné, et pour assurer la qualité de la formation, nous valorisons le statut et le niveau de qualification du maître d’apprentissage. Ainsi, pour ceux qui en doutaient encore, cet article est la preuve que libérer, c’est aussi protéger.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Bruno Fuchs. L’article 8 vise à rapprocher le contrat d’apprentissage du droit commun tout en respectant ses spécificités. Cet article propose de réelles avancées, qu’ont rappelées les orateurs et oratrices précédents. Je voudrais pour ma part insister sur la mesure qui ouvre désormais l’apprentissage à tous les jeunes de seize à vingt-neuf ans révolus, contre vingt-cinq ans aujourd’hui.
Cette disposition est bienvenue, mais n’aurait-on pas pu, et dû, aller un peu plus loin ? Ne peut-on pas imaginer supprimer tout simplement cette limite d’âge, au moins pour certaines catégories, telles que les chômeurs, les bénéficiaires du RSA, les personnels des armées ou pour certaines filières, comme la carrosserie ?
Nous disposerions ainsi, dans la bataille pour l’emploi, d’un dispositif très large qui permettrait d’être en phase avec les besoins d’un marché du travail en constante évolution. La moitié des emplois de demain ne sont pas encore connus. On aura donc besoin de se former à tout âge.
Nous offririons ainsi une possibilité de retour dans l’emploi au travers d’un processus réellement professionnalisant : deux tiers des personnes passées par l’apprentissage disposent d’un emploi durable. Les chiffres le prouvent : l’apprentissage, cela marche.
De plus des dérogations existent déjà au bénéfice de certaines catégories de personnes, telles que les sportifs de haut niveau, les personnes handicapées ou les futurs entrepreneurs.
Quel signal cela serait pour les jeunes qui s’inquiètent au point d’accumuler les formations initiales, retardant ainsi leur entrée sur le marché du travail par peur de ne pas être suffisamment qualifiés pour les emplois du futur ! Quel espoir pour les bénéficiaires du RSA, auxquels cette dérogation ouvrirait la perspective de sortir par le haut de leur situation, et ce à tout moment de leur vie !
Avantage pour l’entreprise, avantage pour les bénéficiaires du RSA, les chômeurs, mais aussi pour les CFA auxquels on assurerait l’arrivée de nouveaux apprentis, augmentant ainsi leur taux d’occupation – on sait que certains CFA n’accueillent pas autant d’apprentis qu’ils le pourraient.
Plusieurs amendements proposant une expérimentation de ces dérogations ont été déclarés irrecevables, mais je voulais, à l’occasion de cet article, vous soumettre cette idée ambitieuse, qui pourrait donner d’excellents résultats.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. L’article 8 est censé simplifier les conditions d’exécution du contrat d’apprentissage, notamment les conditions d’âge de l’apprenti.
La région Occitanie expérimente actuellement le recul de l’âge limite d’entrée en apprentissage à trente ans, mais l’apprenti est alors rémunéré en fonction de son âge et de son année de contrat.
Cette distinction paraît datée, pour ne pas dire obsolète : pourquoi un jeune de dix-huit à vingt ans en première année d’apprentissage devrait-il toucher 180 euros de moins qu’un jeune de vingt et un ans en première année lui aussi ? Il semble donc important de revenir sur ce critère de l’âge et de proposer une rémunération adaptée au niveau profil des apprentis en se fondant sur le seul critère du niveau de diplôme préparé, et ce quel que soit l’âge de l’apprenti. Voilà qui serait une véritable simplification, outre que cela éviterait tout risque de contentieux fondé sur les conditions de rémunération des apprentis.
Par ailleurs – et ce n’est pas la moindre des objections qu’on peut opposer à ce critère – l’âge peut constituer un frein à l’embauche d’un apprenti, notamment au sein des TPE ou des PME, puisqu’on doit payer plus un apprenti plus âgé. C’est non seulement tout à fait regrettable mais même discriminatoire.
La parole est à M. M’jid El Guerrab. Le contrat d’apprentissage est un contrat de travail conclu entre un employeur et un salarié. Son objectif est de permettre à un jeune de suivre une formation générale, technologique et pratique en vue d’acquérir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme de l’enseignement professionnel ou technologique, un titre d’ingénieur ou un titre répertorié.
Après sept années de baisse, le nombre de contrats de ce type s’est stabilisé à partir de 2016 où 288 700 nouveaux contrats d’apprentissage ont été signés, 275 300 dans le secteur privé et 13 400 dans le secteur public. Cela représente une hausse de 1,9 % par rapport à 2015, 1,2 % dans le privé et 19,4 % dans le public.
L’apprentissage est donc un moyen de se former professionnellement pour une part importante de notre jeunesse. Voilà pourquoi les efforts de simplification entrepris par le Gouvernement sont positifs. L’article 8 ouvre le contrat d’apprentissage aux jeunes de seize à vingt-neuf ans afin de faciliter son développement dans l’enseignement supérieur et les réorientations tardives.
Cet article tend à rapprocher le contrat d’apprentissage du droit commun, notamment par l’autorisation de travailler jusqu’à 40 heures par semaine contre 35 heures, et l’assouplissement des conditions d’emploi des mineurs selon les branches professionnelles. Demain, il sera possible de commencer son apprentissage à tout moment de l’année et la durée du contrat d’apprentissage pourra aller de six mois à trois ans.
Enfin les conditions à satisfaire pour devenir maître d’apprentissage sont simplifiées.
Je salue cette simplification générale, mais prenons garde à ne pas trop démunir nos jeunes. La flexibilité doit conserver de saines limites et un encadrement juridique : les garde-fous demeurent essentiels car, comme l’observait Lacordaireau XIXesiècle, « entre le maître et le serviteur – aujourd’hui, nous dirions entre le patron et son employé – c’est la liberté – c’est-à-dire le contrat – qui opprime et la loi qui affranchit ».
La parole est à M. Gilles Lurton. Avec cet article 8, nous abordons l’examen des conditions dans lesquelles les apprentis peuvent être employés, notamment les conditions d’âge. Vous voulez reculer l’âge limite ouvrant la possibilité d’entrer en apprentissage. J’y suis pour ma part très favorable et j’aurais même été favorable à la possibilité d’entrer en apprentissage durant toute sa vie active, comme je vous l’ai dit en commission. Je considère en effet qu’il s’agit d’un très bon moyen de se former et je ne vois pas pourquoi on empêcherait un travailleur qui se trouve sans emploi à quarante-cinq ou cinquante ans d’acquérir par ce biais la formation qui lui convient. Vous avez choisi de reculer l’âge limite à vingt-neuf ans, ce qui est déjà un progrès.
Cet article tend également à modifier la durée légale de travail des futurs apprentis. Il est vrai qu’elle est actuellement une contrainte pour les entreprises, et c’est pourquoi j’approuve cette modification, qui était attendue depuis longtemps et que j’avais proposée dans le rapport que j’avais consacré à l’apprentissage dans le cadre d’une mission budgétaire au cours de la précédente législature.
Il est, madame la ministre, un problème sur lequel j’étais beaucoup intervenu durant la législature précédente, auprès de M. Vidalies, puis de Mme El Khomri, qui m’avait promis qu’elle publierait avant la fin du quinquennat un décret assouplissant les conditions dans lesquelles les apprentis marins sont autorisés à embarquer et à travailler à bord des bateaux. Je sais que l’élaboration de ce décret a pris beaucoup de temps au cours du quinquennat précédent, les procédures interministérielles et de consultation du Conseil d’État étant toujours extrêmement longues, mais je crois que vous avez bien avancé sur ce sujet et j’aimerais savoir où nous en sommes aujourd’hui.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille. J’aimerais, de façon assez inhabituelle j’en conviens, vous adresser une question, madame la présidente, à l’occasion de l’examen de cet article 8 qui donne à tous les jeunes la possibilité de recourir à l’apprentissage.
Récemment, une jeune étudiante en communication m’a demandé de la prendre en apprentissage à l’Assemblée nationale. Alors qu’une attachée était d’accord pour être son maître d’apprentissage, les services de l’Assemblée m’ont indiqué que ce n’était pas possible.
Madame la présidente, profitons de l’examen de cette loi pour demander au bureau de notre assemblée de rendre ceci possible. Je compte sur vous pour que le bureau étudie rapidement cette proposition. Madame la présidente, donnons l’exemple !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Alors il faut aussi les autoriser à travailler la nuit et le week-end ! L’article ne va pas assez loin ! Puisque je suis directement interpellée, je vous informe, monsieur le député, cher collègue, qu’il y a des apprentis à l’Assemblée nationale, y compris dans des services administratifs. Mais pas auprès des députés ! Eh bien je m’engage à évoquer cette question à l’occasion de la prochaine réunion du bureau, mon cher collègue. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et LaREM.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 348 et 1946, tendant à la suppression de l’article 8.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 348.
Dans la ligne des nombreuses propositions de dérégulation qui nous sont soumises, ces dispositions marquent un véritable affaiblissement du statut de l’apprenti : possibilité de conclure un contrat d’apprentissage jusqu’à l’âge de vingt-neuf ans, contre vingt-cinq aujourd’hui, allongement du temps de travail des apprentis mineurs avec la possibilité de passer de 35 à 40 heures par semaine et de déroger à la règle des 8 heures quotidiennes. La durée minimale du contrat serait abaissée de douze à six mois, et de tels contrats pourraient être conclus tout au long de l’année.
Surtout, cet article ne traite pas à la racine les nombreux problèmes de l’apprentissage. Je pense notamment au taux de rupture des contrats d’apprentissage, qui s’élève à 28 %, qui se traduisent par de nombreux abandons et à l’importance du décrochage. Je pense également à la difficulté, pour les jeunes apprentis, de trouver un employeur ou au manque d’accompagnement de l’apprenti dans l’entreprise et au-dehors, aux difficultés qu’il rencontre en matière de logement, de transport, etc.
Les apprentis aspirent au contraire à de nouveaux droits et à un statut plus protecteur et plus attractif. Ce n’est pas la revalorisation de 30 euros de leur rémunération qui suffira pour assurer l’attractivité de ces contrats.
Cet article s’inscrit dans la même logique de diminution des protections que les ordonnances Travail. Nous sommes opposés à cette logique, s’agissant en l’occurrence des apprentis, particulièrement vulnérables du fait de leur âge. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l’amendement no 1946. Cet article est une régression majeure pour les droits des apprentis. Alors que ce projet de loi devait apporter plus de sécurité et de nouveaux droits aux travailleurs, le Gouvernement trahit son engagement, continuant au contraire à déréguler le droit du travail.
Par cet article, il s’attaque directement aux plus jeunes d’entre les travailleurs, les apprentis. Il introduit la possibilité de porter leur durée hebdomadaire de travail à 40 heures, soit la durée légale obtenue en 1936.
Ce ne sont pas les mêmes métiers qu’en 1936 ! Quant à la journée quotidienne de 8 heures, elle a été obtenue en 1919, preuve, s’il en fallait une, de la régression que vous opérez.
Par ailleurs, cette augmentation du temps de travail va à rebours de la nécessité d’un meilleur partage du travail entre les actifs, nous l’avons rappelé maintes fois. Lors des auditions qui ont préparé l’examen de ce projet de loi, les organismes de formation nous ont expliqué que la création d’emplois pérennes restait le problème principal. C’est bien là le nœud du problème, dont une des solutions réside, nous le savons, dans le partage du temps de travail. La dernière qu’on a créée de l’emploi de manière significative en France, c’était au moment de la réduction du temps de travail.
Nous militons en faveur de l’application réelle des 35 heures, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans notre pays, où on travaille 40 heures en moyenne, et même en faveur d’une réduction de la durée légale du travail, et ce pour une raison bien simple : pour que nous puissions toutes et tous travailler, il faut que l’on travaille moins et mieux.
La possibilité d’allonger la durée du travail des apprentis rompt l’équilibre entre temps de travail, temps d’étude et temps de repos. Or cet équilibre est ô combien nécessaire car, nous l’avons rappelé, l’apprenti est un jeune en formation, non un travailleur comme les autres.
Malgré les annonces et les intentions louables, cet article rendra en fait plus difficile la poursuite de l’apprentissage et affaiblira ainsi cette voie d’étude que vous voulez promouvoir.
Nous demandons donc la suppression de cet article, d’autant plus qu’il comporte aussi des dispositions pour faire passer la limite d’âge de vingt-six à vingt-neuf ans. Je m’arrête un instant sur cette mesure qui, à plus d’un titre, nous interpelle.
Elle contrevient à l’article L. 6211 du code du travail qui rappelle que l’apprentissage s’adresse exclusivement aux mineurs et aux plus jeunes, exception faite des dérogations concernant les travailleurs en situation de handicap.
En outre, madame la ministre, cette dérogation a été mise en place à titre d’expérimentation dans neuf régions en 2017 et un rapport doit être remis au Parlement courant 2020 afin de juger de la pertinence de sa généralisation.
Par cet article, vous court-circuitez une nouvelle fois le rôle des parlementaires que nous sommes. Nous demandons donc la suppression de l’article.
Quel est l’avis de la commission ? Je suis défavorable à ces amendements de suppression, car l’article 8 comporte des avancées essentielles, notamment en ce qui concerne l’orientation tardive des étudiants, la sécurisation des parcours, l’entrée en apprentissage, la facilitation nécessaire de la préparation et de la signature des contrats.
S’agissant de la durée hebdomadaire de travail, je ne voudrais pas qu’il y ait de malentendu. Il n’est pas du tout question que l’ensemble des apprentis travaille 40 heures. Nous ne nous situons pas du tout dans ce schéma-là, contrairement à ce que laissent accroire certains propos. Il est simplement question de faciliter les procédures dans les cas reconnus, pour lesquels la durée du temps de travail hebdomadaire doit être allongée et pour lesquels il existe déjà une procédure dérogatoire lourde et complexe sur le plan administratif.
Les avancées essentielles sont le relèvement de la limite d’âge, l’assouplissement du cadre horaire – tout en maintenant un cadre protecteur – et l’amélioration du cadre juridique pour la mobilité des apprentis.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Sur les amendements identiques nos 348 et 1946, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Avis défavorable, pour les raisons qu’a fort bien exposées la rapporteure.
Une précision : un décret du 13 octobre 2017 concernant la situation des mineurs sur les bateaux de pêche est entré en vigueur le 1er janvier 2018.
Il faudra me le communiquer, parce que j’y ai contribué !