XVe législature
Session ordinaire de 2017-2018

Séance du mercredi 13 juin 2018

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (nos 904, 1019, 975, 981).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est : de six heures vingt-quatre minutes pour le groupe La République en marche, dont 250 amendements restent en discussion ; cinq heures cinq minutes pour le groupe Les Républicains, dont 720 amendements restent en discussion ; une heure cinquante-quatre minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 132 amendements restent en discussion ; deux heures trente-sept minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 125 amendements restent en discussion ; deux heures trente minutes pour le groupe Nouvelle Gauche, dont 139 amendements restent en discussion ; deux heures vingt-huit minutes pour le groupe La France insoumise, dont 85 amendements restent en discussion ; une heure quarante-deux minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 69 amendements restent en discussion ; quarante et une minutes pour les députés non inscrits, dont 58 amendements restent en discussion.
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no 1883 à l’article 3. La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l’amendement no 1883. La majorité a choisi de privatiser l’accompagnement. Notre amendement tend à revenir à la situation antérieure, pour les raisons que nous avons déjà exposées, en particulier le risque de déconnexion avec les stratégies de chaque territoire. Les interrogations sont nombreuses.
Qui pourrait répondre à ces appels d’offres nationaux, mais pour des besoins spécifiques à chaque territoire ? C’est une vraie question.
Par ailleurs, nous estimons qu’il sera très difficile de maintenir les acteurs déjà opérationnels sur nos territoires. Nous pensons notamment à la disparition des FONGECIF – les fonds de gestion des congés individuels de formation. Nous nous inquiétons des conséquences de l’arrivée de nouveaux opérateurs sur les territoires. Ne devrons-nous pas affronter des plans sociaux ? Que deviendront certains salariés des FONGECIF ?
Vous avez évoqué le problème des financements, mais les 250 millions évoqués auraient tout aussi bien pu réorienter pour soutenir et fortifier les acteurs locaux déjà opérationnels ; cela aurait même été une meilleure option.
Voilà toutes les raisons pour lesquelles nous ne comprenons pas cette démarche de privatisation.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission. L’opérateur du conseil en évolution professionnelle doit avoir une approche centrée autour de l’individu et des besoins économiques du territoire pour bien l’informer. L’avis est donc défavorable. La parole est à Mme la ministre du travail, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis que la rapporteure.
(L’amendement no 1883 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 1910. Il est défendu.
(L’amendement no 1910, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 277. Il est défendu.
(L’amendement no 277, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 1677. Il tend à préciser que l’accompagnement peut être réalisé à distance, à l’ère du numérique. Quel est l’avis de la commission ? Cette possibilité sera en effet maintenue dans le nouveau cahier des charges. L’avis est donc défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? La disposition est déjà prévue. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; sinon j’y serai défavorable. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Vercamer ? Je n’ai pas compris l’argument de la rapporteure : elle est défavorable tout en étant d’accord ? L’amendement est satisfait. D’accord : je le retire.
(L’amendement no 1677 est retiré.) Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 959, 1081 et 1620.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l’amendement no 959.
Le conseil en évolution professionnelle est conçu pour les publics les plus fragiles et les plus exposés à la précarité, à la désinsertion professionnelle et au chômage. Dans une logique de justice sociale redistributive, il est normal qu’il soit étendu aux personnes en situation de handicap dans le cadre de leur projet de maintien dans l’emploi ou de transition professionnelle. La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l’amendement no 1081. Le conseil en évolution professionnelle est conçu pour les publics les plus fragiles et les plus exposés à la précarité, à la désinsertion professionnelle et au chômage. Dans une logique de justice sociale redistributive, il est ouvert aux personnes en situation de handicap mais il n’est pas toujours appréhendé avec les compétences et les connaissances nécessaires aux besoins des parcours. Cet amendement tend à inscrire dans la loi la nécessité d’adapter le CEP à ce public. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 1620. Comme viennent de le dire mes collègues, il est logique que le conseil en évolution professionnelle soit étendu aux personnes en situation de handicap, dans le cadre de leur projet de maintien dans l’emploi ou de transition professionnelle. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ? Ces amendements sont satisfaits car la mesure est déjà prévue dans le cahier des charges. Je vous invite donc à les retirer.
(Les amendements identiques nos 959, 1081 et 1620, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l’amendement no 1679. Il vise à inscrire dans la loi le cas de figure particulier des proches aidants, afin d’adapter le conseil en évolution professionnelle à leur situation spécifique. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement est déjà satisfait dans la mesure où le CEP est un outil accessible à tout individu, qu’il occupe un emploi ou qu’il en recherche un. La mise entre parenthèses d’une activité professionnelle pour aider un proche ne remet pas en cause l’accès au CEP. Je vous invite à retirer cet amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis car le CEP s’adresse à tous les actifs : la situation visée est déjà couverte par le texte. La parole est à M. Paul Christophe. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 1679 est retiré.) La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 751. Il est défendu.
(L’amendement no 751, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 903 et 1773.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l’amendement no 903.
Nous pouvons nous féliciter de la création d’un droit au conseil en évolution professionnelle, gratuit pour les individus, pris en charge collectivement. Un tel service permettra en effet de répondre à une partie de la demande sociale, mais à une partie seulement, vu le budget annoncé. Le recours à des prestations individuelles d’accompagnement spécifique, notamment pour la VAE – la valorisation des acquis de l’expérience –, la création d’entreprise ou le bilan de compétences, reste nécessaire.
À une époque où les trajectoires professionnelles sont de moins en moins linéaires, il est moins question de projet professionnel que de stratégie professionnelle. Engager la personne dans une approche stratégique de carrière implique nécessairement de prendre en compte son système de croyances, ses représentations. Ces mécanismes nécessitent un accompagnement spécifique d’un niveau de profondeur qui ne relève pas du cadre du CEP. Le cahier des charges du CEP n’intégrera pas la mobilisation de ces expertises. Le bilan de compétences livre des informations sur la personne dans son environnement, tandis que le CEP apporte à la personne des informations sur son environnement. Ils relèvent d’un niveau d’expertise de nature différente et complémentaire.
Il est donc plus que nécessaire de permettre le recours aux experts extérieurs. Ce recours doit être envisagé de manière articulée avec le CEP. Notre amendement vise à créer de la transversalité entre l’ensemble des professionnels en capacité d’accompagner les actifs, à créer de la fluidité dans les démarches entreprises par la personne, à éviter les redondances et à inciter les professionnels à travailler ensemble, au service des actifs.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l’amendement no 1773. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ? La complémentarité entre l’identification des besoins et du projet professionnel par l’opérateur de CEP et des actions de formation pouvant en découler, comme la VAE, le bilan de compétences ou la création d’entreprise, est effectivement indispensable et se retrouve au cœur de la philosophie du projet de loi. Ces dispositions seront prévues dans le cahier des charges du CEP. Il est du reste prévu, à l’article 4, que le bilan de compétences soit transmis à l’opérateur de CEP. J’ai moi-même déposé un amendement, que je présenterai dans un instant, pour permettre à Mme la ministre d’expliciter ce point. Je vous suggère par conséquent de retirer cet amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Je retire mon amendement.
(L’amendement no 903 est retiré.)
(L’amendement no 1773 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Catherine Fabre, pour soutenir l’amendement no 832. Nous y voilà : comme je viens de le dire, dans la veine de ce que vous proposiez, il s’agit de rendre complémentaires le CEP et le bilan de compétences. Le cahier des charges du CEP doit tenir compte de leur finalité commune et de leur nécessaire articulation. Quel est l’avis du Gouvernement ? Le cahier des charges actuel du CEP, qui tire son caractère opposable d’un arrêté ministériel national du 6 juillet 2014, précise déjà les articulations entre le CEP et d’autres types de prestation, dont la VAE et le bilan de compétences. La mesure proposée par cet amendement ne relève pas du domaine législatif. Aussi, j’invite Mme la rapporteure à retirer son amendement. La parole est à Mme Catherine Fabre. Compte tenu de ces explications, je le retire.
(L’amendement no 832 est retiré.) La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 1526. Il tend à ce que le cahier des charges régional définisse, dans les régions volontaires, à titre expérimental, pour une durée de trois ans – et je ne serais pas mécontent que Mme la ministre rende la mesure pérenne –, l’offre de service du conseil en évolution professionnelle. Il est important que les régions puissent donner leur avis. Je ne reviendrai pas sur le principe du développement économique, qui relève de la compétence régionale. Quel est l’avis de la commission ? Les opérateurs, qui seront désignés par appel d’offres en région, pourront évidemment adapter leurs actions aux spécificités de leur environnement, dans le respect des grands principes qui seront communs à tous. Cela apportera des garanties communes à l’ensemble des actifs. Par conséquent, je donne un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Gérard Cherpion. On se trompe là encore de débat : la question posée par M. Vercamer à travers cet amendement n’a pas reçu de réponse ; c’est répondre à côté que d’évoquer un appel d’offres national ou un cahier des charges national. Qu’on le veuille ou non, les régions ont une compétence économique, c’est une réalité, et elles connaissent le tissu local. Pas toujours ! Il est donc logique que les appels d’offres soient régionaux mais aussi d’expérimenter la mesure proposée ici. Si, dans trois ans, les régions n’ont pas fait leur travail, comme vous le craignez, madame la ministre, vous n’aurez qu’à ne pas la proroger. Au moins, rapprochons la décision du niveau national, car c’est un gage de succès.
(L’amendement no 1526 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 1908. La formation professionnelle est largement privatisée : ce marché très lucratif et en développement est constitué à 97 % d’organismes privés, soumis à des logiques de rentabilité. La qualité de l’offre s’en trouve malheureusement affectée en profondeur car elle est très peu contrôlée et très opaque. Depuis des années, nous voyons fleurir les fraudes à la formation sous forme de stages bidon ou de prestations facturées à des prix très élevés. En 2014, on comptait ainsi quelque 76 000 prestataires de formation, dont seulement 630 ont été contrôlés par l’État, soit moins de 1 %.
Au lieu d’augmenter les contrôles, ce projet de loi offre de nouvelles possibilités à ces organismes en leur ouvrant le conseil en évolution professionnelle. Il convient, à mon sens, de reprendre en main ce secteur dérégulé et hétéroclite, et de mettre en place un service public de la formation professionnelle. Nous proposons donc de supprimer cette nouvelle possibilité offerte aux organismes privés, qui ne sont pas assez contrôlés par les pouvoirs publics.
Quel est l’avis de la commission ? Le rapport de 2017 du CNEFOP – le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles – sur le suivi de la mise en œuvre du CEP fait clairement état d’une mobilisation insuffisante de cet outil et de la nécessité de l’enrichir. L’avis est donc défavorable.
(L’amendement no 1908, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de trois amendements, nos 549, 1301 rectifié et 431, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l’amendement no 549.
Il vise à préciser la nature des prestataires compétents pour assurer le conseil en évolution professionnelle. Il propose que le CEP soit assuré par les organismes du service public de l’emploi ainsi que par tout autre opérateur sélectionné par un appel d’offres de France compétences. Cela permettrait, de manière transparente, d’élargir le CEP à tout acteur public et privé compétent et ainsi de répondre à la grande pluralité des besoins d’accompagnement en favorisant l’innovation sur ce marché en pleine expansion. La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir l’amendement no 1301 rectifié. L’article 3, je le répète à mon tour, prévoit l’ouverture du conseil en évolution professionnelle à de nouveaux opérateurs, financés à l’issue d’un appel d’offres. D’ailleurs, madame la ministre, avez-vous des exemples d’opérateurs capables de prendre en charge de tels appels d’offres ? Pour notre part, nous n’en connaissons pas, nous ne voyons pas trop qui cela pourrait être.
Les opérateurs actuels sont présents dans l’ensemble des régions, ils ont investi et développé correctement le CEP et ils en respectent le cahier des charges. L’ouverture au marché risquerait, comme nous l’avons déjà souligné, de casser la dynamique en cours, de conduire à des licenciements chez les opérateurs, notamment les FONGECIF, et de dégrader le service rendu en n’assurant plus la même qualité de service et l’accès de proximité au service. Notre amendement vise à supprimer l’ouverture au marché du CEP.
Et je vous remercie d’avance, madame la ministre, de la réponse que vous pourriez apporter à ma question.
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 431. Le conseil en évolution professionnelle devant pouvoir accompagner les salariés et demandeurs d’emploi tout au long de leur vie professionnelle, nous avons pour souci qu’il soit en adéquation avec la situation économique et les besoins du territoire actuels ou prévisibles. Or cette volonté n’apparaît pas dans l’actuelle rédaction du projet de loi. Pour rapprocher le CEP de tous les salariés et de toutes les entreprises en organisant le maillage territorial le plus fin possible, il convient de prévoir une procédure d’habilitation qui repose sur un appel à candidatures régional effectué au niveau de chaque région. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ? La possibilité offerte aux régions de désigner des opérateurs régionaux de CEP, que vous évoquez, introduite en 2014, n’a pas réellement été mobilisée. S’agissant de l’appel à candidatures prévu dans le projet de loi, il me paraît souhaitable de préserver une démarche nationale pilotée par France compétences et de ne pas surcharger les CREFOP – comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles – d’une mission potentiellement lourde. L’avis est donc défavorable sur les trois amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Patrick Hetzel. La tournure que prend le débat m’étonne : vous prétendez que les régions n’ont pas fait leur travail mais le point en question n’apparaît pas dans l’étude d’impact. Pourquoi n’y figure-t-il pas ? Nous aurions bien aimé prendre connaissance de cet élément. Vous arguez aujourd’hui que le travail n’a pas été effectué. Nous ne disposons pas des mêmes données. La moindre des choses serait de présenter des arguments : d’où proviennent vos données ? de quand datent-elles ? comment ont-elles été recoupées pour produire un tel résultat ? Ce flou incroyable illustre encore l’impréparation qui a présidé à la rédaction du texte. Plus nous avancerons dans son examen, plus nous le trouverons illisible, notamment pour les demandeurs d’emploi. Très bien ! La parole est à Mme Ericka Bareigts. Vos propositions nous inquiètent et inquiètent les demandeurs d’emploi, d’autant que nous n’obtenons aucune réponse à nos questions. Aucune ! Il est très difficile de travailler dans de telles conditions. Et ce n’est pas la première fois ! Plusieurs des questions que nous avions posées lors de l’examen du projet de loi sur l’asile et l’immigration n’ont toujours pas reçu de réponse ! Les populations à l’écoute et en attente s’interrogent, tout comme nous. Elles comprennent bien que les dispositifs actuels sont sur le point d’être revus et reconstruits. Des personnes sont déplacées et des intervenants disparaissent – aujourd’hui les FONGECIF. On fait le choix de la privatisation et on recentralise. L’impact sur les territoires de ces mesures de réorganisation ne sera pas neutre. Il est donc légitime que nous nous posions des questions et tout aussi légitime que nous obtenions des réponses. Excellente intervention ! La parole est à M. Pierre Dharréville. Je partage les interrogations de mes collègues, y compris celle de Mme Victory sur les différents opérateurs susceptibles de s’ajouter à la liste des opérateurs publics qui officient actuellement, d’autant que le service offert est gratuit. Quel sera l’intérêt de ces opérateurs privés à candidater et quel est l’intérêt de l’État à les appeler sur ce type d’opération ? Nous ne finissons pas de nous interroger.
La question de la place des régions a également été plusieurs fois soulevée au cours des débats. Or les études manquent pour produire un diagnostic étayé, nous permettant de vous suivre dans la direction que vous nous proposez. J’aimerais, moi aussi, obtenir des précisions.
Nous voulons des réponses.
(Les amendements nos 549, 1301 rectifié et 431, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) Sur l’article 3, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi d’un amendement no 2106, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 2210.
La parole est à M. Sylvain Maillard, pour soutenir l’amendement.
Il vise à prévoir, pour 2019, la réalisation du CEP par les FONGECIF, transitoirement autorisés à assurer la mission des commissions paritaires régionales interprofessionnelles. En effet, les opérateurs du CEP seront probablement désignés courant octobre 2019, compte tenu des délais de préparation et d’organisation des appels d’offres de France compétences. Le but de cet amendement est d’éviter une carence dans le service de conseil en évolution professionnelle et de donner le temps aux nouveaux opérateurs de se mettre en place, au 1er janvier 2020. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 2210 et donner l’avis de la commission sur l’amendement no 2106. L’amendement vise à garantir une transition réussie entre les deux versions du CEP. Le sous-amendement apporte une précision de nature rédactionnelle. Je suis donc favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ? Avis favorable au sous-amendement et à l’amendement. La parole est à M. Boris Vallaud. Je ne suis pas certain que nous y voyions plus clair à mesure que le débat avance. Cet amendement de M. Maillard me paraît en effet illustrer parfaitement l’impréparation, voire l’improvisation de la majorité sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Il a raison. Hier soir, à une heure tardive, M. Maillard a déjà fait adopter un amendement, no 2168, qui modifie le calendrier de la mise en œuvre du CPF – le compte personnel de formation – dans le cadre d’un projet de transition professionnelle, nous expliquant que les commissions paritaires interprofessionnelles régionales créées en catastrophe en commission, vous vous en souvenez, à l’article 1er, ne seraient pas en capacité de mettre en œuvre ce dispositif dès la promulgation de la loi, à savoir vers le mois d’août, en raison de l’attente de leur agrément administratif. Il appartiendrait en conséquence à la Caisse des dépôts et consignation d’en assurer la mise en œuvre jusqu’au 31 décembre 2018. De ce fait, la mise en œuvre des CPF de transition sera assurée par la Caisse des dépôts d’août 2018 à décembre 2018, puis, à compter du 1er janvier 2019, par les commissions paritaires.
Or, monsieur Maillard, vous nous expliquez maintenant que, parce que les opérateurs de mise en œuvre du CEP ne seront pas opérationnels avant le 31 décembre 2019, il appartiendra aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales de mettre en œuvre le CEP d’août 2018 au 31 décembre 2019, alors que, si je ne me trompe, en défendant le précédent amendement, vous expliquiez que ces mêmes commissions ne seraient pas opérationnelles avant le 1er janvier 2019.
Absolument ! Je n’y comprends plus grand-chose. Ma question est simple : Qui mettra en œuvre le conseil en évaluation professionnelle d’août 2018 à décembre 2018 ? Ce ne seront certainement pas les commissions paritaires interprofessionnelles, puisque, comme vous l’avez vous-même souligné, elles ne seront pas encore agréées. Nous sommes face à une forme de confusion et d’improvisation. J’ai lu que l’objectif était de rendre le texte plus lisible et plus accessible ; avec de tels amendements, nous avons peine à vous suivre et à vous croire.
Je relève en outre une incohérence dans votre amendement, monsieur Maillard. Dans l’exposé sommaire, vous indiquez que ce sont les FONGECIF qui seront chargés de la phase transitoire. Pourtant, dans le dispositif, vous écrivez : « les commissions paritaires interprofessionnelles régionales mentionnées à l’article L. 6323-17-6 délivrent le conseil en évolution professionnelle ». Votre amendement ne vise donc pas les FONGECIF mais ces commissions créées en catastrophe au nouvel alinéa 80 de l’article 1er.
La vérité, c’est que vous êtes dans la confusion la plus totale. Vous vous embrouillez vous-mêmes dans les calendriers de mise en œuvre des différentes commissions parce que votre texte n’est manifestement pas prêt.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Très bien ! La parole est à M. Gérard Cherpion. L’exposé de M. Vallaud est très éclairant. Je vous propose, chers collègues, de relire l’alinéa 14 de l’article 3, qui a été ajouté par amendement en commission : « Jusqu’à la désignation des opérateurs permettant la mise en œuvre du 4° de l’article L. 6123-5 du code du travail par France compétences et au plus tard jusqu’au 30 septembre 2019, les organismes agréés à prendre en charge le congé individuel de formation conformément aux règles en vigueur au 31 décembre 2018 délivrent le conseil en évolution professionnelle ». Et ces organismes, ce sont les FONGECIF.
L’amendement de M. Maillard vise à remplacer cet alinéa par un alinéa rédigé de la même façon, mais où ce sont « les commissions paritaires interprofessionnelles » qui délivrent le conseil en évolution professionnelle. Alors même que vous remplacez les FONGECIF par les commissions paritaires interprofessionnelles régionales, vous nous expliquez, dans l’exposé sommaire de l’amendement, qu’il a pour objet de permettre aux FONGECIF de continuer à faire ce travail. C’est donc un mensonge, une mystification inacceptable.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe NG.) Très bien ! Ils ne savent plus où ils en sont ! La parole est à Mme la ministre. Je vais vous expliquer quelque chose de très opérationnel. Le projet de loi tend à transformer le CIF – le congé individuel de formation – en CPF transition. Vous conviendrez qu’il est difficile, dans ces conditions, de maintenir les OPACIF – organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation – avec le même nom et les mêmes fonctions. C’est pourquoi, dans le cadre de la transition méthodique sur laquelle nous avons travaillé avec les opérateurs professionnels et les partenaires sociaux, les OPACIF continueront à être opérateurs pour tous les CIF en cours et pour le CEP pour l’année 2019. Simplement, leur nom change : ils s’appelleront désormais commissions paritaires interprofessionnelles régionales. Le CIF n’existant plus, ils ne peuvent pas continuer à s’appeler OPACIF ! Ces organismes fonctionneront ainsi durant toute l’année de transition. L’appel d’offres de France compétences, qui réunit l’État, les régions et les partenaires sociaux, aura lieu en avril ou mai 2019, et les nouveaux opérateurs complémentaires du CEP pourront intervenir à partir du 1er janvier 2020. Il n’y a là rien de mystérieux, au contraire : ces dispositions sont très pratiques, très opérationnelles. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) C’est ardu ! C’est technique ! Pas beaucoup plus clair, en tout cas ! La parole est à M. Raphaël Schellenberger. Ce que nous comprenons, madame la ministre, c’est que ces organismes changeront de nom. Ils s’adressent pourtant à des publics en recherche d’emploi, qui doivent parfois se réinsérer, se réorienter, qui vivent des moments pas toujours simples. Ces personnes se retrouvent face à des dispositifs complexes, qu’elles ont du mal à s’approprier. Quand un de leurs proches leur parlera des FONGECIF, ils se heurteront à un mur, car ces organismes auront changé de nom. Je le répète : ces dispositifs sont suffisamment difficiles comme cela à appréhender, sans que l’on change systématiquement leur nom. Comme si cela allait améliorer la situation !
La réalité, c’est que vous avez refusé de laisser aux régions le bénéfice du doute. Elles ont subi de grands changements en raison des fusions opérées en 2015, et certaines sont beaucoup trop grandes, alors que les territoires nécessitent des mesures de formation adaptées. Quand une région comprend plusieurs bassins d’emploi qui ne se ressemblent pas, il ne peut pas y avoir une seule politique de formation ou d’accompagnement vers l’emploi ; il en faut plusieurs, adaptées aux territoires, pour tenir compte de leurs spécificités en matière d’employabilité. Mais vous n’avez pas voulu leur laisser le bénéfice du doute. Vous n’avez même pas daigné vous intéresser à cette question dans l’étude d’impact. Vous l’avez simplement écartée, en vous contentant de dire dans l’hémicycle que les régions n’avaient pas fait leur travail, n’étaient pas efficaces, et qu’il fallait donc centraliser la formation professionnelle.
C’est ce dont les Français ne veulent plus ! Comme si l’État central était mieux à même d’adapter les dispositifs aux spécificités des territoires, notamment en matière de reconversion économique – je pense, par exemple, aux alentours de Fessenheim, qui connaîtront des difficultés particulières, et à d’autres territoires qui seront particulièrement frappés par l’effondrement de l’industrie agroalimentaire provoqué par votre loi sur l’agriculture. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LaREM.) Vous allez un peu vite en besogne : cette loi n’a même pas encore été adoptée définitivement par le Parlement ! Cette adaptation ne sera plus possible dans le grand magma administratif que vous instituez, que plus personne ne comprendra. Et par-dessus le marché, vous en changez le nom, pour que personne ne puisse trouver le guichet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) La parole est à M. Gérard Cherpion. Cet amendement montre bien que la période transitoire n’a pas du tout été préparée : il y aura un vide total à partir de janvier 2019. Or vous aviez dit vous-même en commission, madame la ministre, que, pendant cette période de transition, les FONGECIF continueraient à assurer leurs missions. C’est bien ce que j’ai dit. Voilà ! Avec cet amendement, vous revenez sur vos affirmations, puisqu’il s’agit de remplacer les FONGECIF par les commissions paritaires interprofessionnelles régionales. Je suis désolé mais elles ne seront pas en place au 1er janvier 2019. Mais si ! À l’évidence, cela ne peut pas fonctionner. Restons-en donc au texte tel qu’il est, pour au moins limiter les dégâts pendant la période de transition. Très bien ! Voilà une proposition claire ! La parole est à M. Pierre Dharréville. Je ne voudrais pas répéter ce qui a été dit au sujet des risques de déstabilisation du système. La question qui a été posée à plusieurs reprises reste ouverte : quel sera l’avenir des FONGECIF et, au-delà, des personnes qui y travaillent ? Pour l’instant, je n’ai pas entendu de réponse satisfaisante sur ce point. La parole est à M. Frédéric Reiss. Madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues du groupe majoritaire, nous avons vraiment du mal à vous suivre ! La rédaction originelle du projet de loi a été largement modifiée en commission par l’adjonction d’un nouvel alinéa : l’alinéa 14. À présent, nous discutons d’un amendement de la majorité qui démolit le travail de la commission : la date de fin de la période transitoire est repoussée au 31 décembre 2019, et il est question des commissions paritaires interprofessionnelles régionales. La logique voudrait pourtant que le CEP revienne aux régions, dans le cadre de leur compétence en matière d’orientation ; au moins les choses auraient été claires ! On ne s’en sort plus. Notre objectif, quant à nous, était de permettre l’accompagnement des projets de reconversion professionnelle pendant cette fameuse période de transition à laquelle vous n’avez pas du tout réfléchi. La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour un rappel au règlement. Je formule ce rappel au règlement car nous débattons depuis un certain temps déjà sans obtenir les réponses aux questions que nous posons. Eh oui ! C’est à chaque fois la même chose ! Vraiment, on ne peut pas accepter le manque de qualité de ces débats. Nous sommes, depuis tout à l’heure, dans une démarche très constructive : chacun à tour de rôle essaie d’obtenir des réponses compréhensibles, claires, pour savoir où nous mène cette réforme, mais nous n’y arrivons pas. J’en appelle au règlement, madame la ministre, madame la rapporteure, pour que nous puissions obtenir des réponses dignes des questions que chacun d’entre nous se pose. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG et LR. – Murmures sur les bancs du groupe LaREM.) Ce n’est pas vraiment un rappel au règlement ! La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un autre rappel au règlement. Il s’agit d’un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 1er. Puisque nous n’arrivons pas à obtenir de réponse et que le texte est assez illisible, je suggère, pour régler le problème, que nous passions directement à l’article 66 ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Très bien ! Nous vous prenons au mot ! Suggestion adoptée ! (Sourires sur quelques bancs du groupe LaREM.) Je ne puis retenir votre proposition, mon cher collègue. (Sourires.)
(Le sous-amendement no 2210 est adopté.)
(L’amendement no 2106, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l’amendement no 1411 tombe.) Je mets aux voix l’article 3.
(Il est procédé au scrutin.)
(L’article 3, amendé, est adopté.) Nous en venons à des amendements portant articles additionnels après l’article 3.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 397 et 551.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 397.
En pratique, les candidats à la validation des acquis de l’expérience sont confrontés à des délais de réponse longs alors même que l’étape de recevabilité est formelle et simple. Il s’agit en effet de vérifier le lien, même partiel, entre une expérience et le contenu d’un diplôme. Actuellement, en cas d’absence de réponse du certificateur dans un délai de deux mois, la demande de recevabilité est considérée comme acceptée. Ces deux mois d’attente découragent souvent des candidats de poursuivre un parcours de validation des acquis de l’expérience, et les empêchent de se concentrer sur l’étape la plus importante : la préparation de leur dossier à présenter devant le jury. Ce découragement est d’autant plus fort qu’une période de deux mois est très longue pour quelqu’un qui recherche un emploi.
Le présent amendement a donc pour objectif d’encadrer les réponses de recevabilité dans un délai plus court, afin de ne pas décourager les candidats et de gagner du temps pour l’accomplissement des validations des acquis de l’expérience.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l’amendement no 551. Cet amendement, identique à celui que vient de présenter M. Lurton, est de bon sens, parfaitement compréhensible : il s’agit de donner plus vite une réponse aux gens qui veulent valider leurs acquis de l’expérience. C’est simple, moins technique que les dispositions dont nous avons discuté il y a quelques instants, mais ce serait beaucoup plus efficace. Certaines personnes sont en effet dans une situation d’urgence : un ou deux mois d’attente, c’est parfois trop pour ceux qui sont dans un processus de rebond professionnel, social, économique. Facilitons la vie de ces gens, faisons en sorte qu’ils obtiennent plus facilement, plus rapidement, la réponse à laquelle ils ont droit ! Très bien ! Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ? Je comprends votre souci de raccourcir le plus possible le délai de traitement des demandes de validation des acquis de l’expérience, cette attente pouvant en effet sembler longue aux personnes qui s’engagent dans le processus. Le délai d’un mois que vous proposez semble raisonnable pour l’usager, mais on peut s’interroger : sera-t-il réellement tenable pour les administrations, par exemple au mois d’août ? Par ailleurs, cette précision, aussi louable soit-elle dans son principe, ne relève pas du domaine de la loi. Cela ne change rien au fait qu’à titre personnel, je souhaite comme vous que le délai soit raccourci, mais cette modification devrait intervenir par décret. C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Gérard Cherpion. J’aimerais, madame la rapporteure, que vous précisiez votre pensée. Vous avez dit que le raccourcissement du délai pourrait poser problème aux administrations, notamment au mois d’août. Mais je ne vois pas vraiment ce que les administrations viennent faire dans cette affaire car elles n’ont pas de décision à prendre pour un agrément de VAE. La parole est à M. Raphaël Schellenberger. J’ai un doute à propos de toutes ces discussions sur le caractère législatif ou réglementaire des mesures proposées. Lorsque nous objectons que le Gouvernement nous présente des projets de loi d’ordre réglementaire, qui n’ont aucune raison d’être discutés ici, on nous répond que le sujet est tellement important qu’il doit faire l’objet d’une discussion parlementaire ; dont acte. En l’occurrence, nous considérons qu’il importe de donner rapidement des réponses aux gens pour leur permettre d’avancer dans leur vie professionnelle et que c’est un sujet assez important pour pouvoir être débattu et voté ici.
Votre réponse, madame la rapporteure, m’interpelle donc, car cette manière de réfléchir signifie qu’on légifère plus pour l’administration que pour les administrés. Ce n’est pas ma façon de voir la politique.
(Les amendements identiques nos 397 et 551 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 396. Cet amendement, lui aussi relatif à la validation des acquis de l’expérience, vise à renforcer l’accompagnement des candidats pour réduire le taux d’échec et le taux d’abandon. En effet, les candidats à la VAE accompagnés dès le début du processus et non pas seulement lorsque leur candidature a été déclarée recevable, ont de meilleures chances de réussite. L’orientation et l’accompagnement préalable à la recevabilité permettent par exemple de mieux orienter les candidats vers la certification la plus pertinente. L’accompagnement permet également au candidat de remplir son dossier de recevabilité sans être isolé, en bénéficiant de l’appui et le soutien des professionnels. Il réduit le découragement et le taux d’abandon, très important à ce stade – il est estimé à plus de 50 %. Cet amendement vise donc à aider tous les bénéficiaires de la VAE. Quel est l’avis de la commission ? Ce rôle, qui s’exerce en amont de la recevabilité, me semble relever du conseil en évolution professionnelle, qui peut accompagner et orienter l’individu concerné dans sa démarche et l’aider à trouver la formation à laquelle il doit adresser son dossier de candidature. Cette démarche en amont peut parfois être complexe et décourager la personne qui s’y engage ; en même temps, il paraît compliqué d’assurer cet accompagnement en amont de la recevabilité, car c’est précisément la recevabilité qui marque le commencement du processus de validation. Ce rôle se semble donc plutôt dévolu au CEP. L’amendement est repoussé par la commission. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis que la rapporteure. La parole est à M. Gérard Cherpion. Là encore, je croyais que le projet de loi visait à simplifier, à ouvrir plus rapidement, à donner à des gens la capacité de s’engager très vite et de répondre aux sollicitations. Il me semblait qu’il s’agissait d’un projet de loi d’ouverture et qu’était même inscrit dans son titre le mot « liberté » ! Or on constate que la liberté est en train de passer par une seringue et qu’en définitive, il n’y en a pas.
(L’amendement no 396 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Sylvie Charrière, première oratrice inscrite sur l’article 4. Il est nécessaire de mieux préparer les jeunes à l’apprentissage. Avec un tiers de ruptures de contrat et le fait que de nombreux jeunes abandonnent leur formation faute de trouver une entreprise, il est important de poser le bon diagnostic et de mettre en place des dispositifs permettant de pallier ces problèmes.
On peut identifier deux motifs à ces derniers : le manque de maturité et le fait que le projet professionnel soit insuffisamment défini. Actuellement, le jeune apprenti arrive en entreprise dès le début de sa formation, sans maîtriser, la plupart du temps, les gestes et « savoir-être » professionnels. Cette situation n’est satisfaisante ni pour l’entreprise ni pour l’apprenti, et peut conduire à des ruptures de contrat précoces.
La préparation à l’apprentissage permettra à tout jeune de bénéficier d’un accompagnement en fonction de ses besoins, afin d’affiner son projet professionnel et d’acquérir une meilleure maîtrise des connaissances et compétences, notamment transversales, facilitant son adaptation au milieu professionnel. Cet accompagnement est d’autant plus important que les jeunes vont pouvoir entrer en apprentissage de plus en plus précocement, en raison du caractère exceptionnel du redoublement. Il devra cependant viser aussi l’entreprise, afin de faciliter l’intégration du jeune et d’assurer une bonne prise de contact avec le maître d’apprentissage.
La parole est à Mme Céline Calvez. Nous voulons faire société. Comme l’écrivait Max Weber, la socialisation est l’apprentissage de la vie en société, le processus d’acquisition des connaissances, des modèles et des valeurs que l’on acquiert tout au long de sa vie. L’article 4 du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel va dans ce sens. Son objectif est double : il donne de nouveaux droits aux personnes pour leur permettre de choisir leur vie professionnelle tout au long de leur carrière et renforce la définition de l’investissement des entreprises dans les compétences de leurs salariés.
Notre pays, nos entreprises et des secteurs entiers de l’économie nationale font face à des mutations majeures, qui ont des effets importants sur les organisations de travail, les métiers et donc nos vies. Plus notre système de formation professionnelle sera performant, plus il créera les conditions donnant à chacun la liberté individuelle de saisir toutes les occasions. C’est en étant encore plus compétitive que la France offrira à tous nos concitoyens des possibilités de construire et de développer leur projet professionnel. La formation professionnelle doit être accessible à tous les actifs français, de façon continue et autonome, pour que la liberté d’évoluer professionnellement soit applicable et effective pour tous et toutes.
L’article 4, qui inaugure le chapitre II, intitulé « Libérer et sécuriser les investissements pour les compétences des actifs », vise à définir la qualité de la formation.
En tant qu’élus de la nation et de La République en marche, nous devons permettre à chaque citoyen de participer pleinement à la société, en toute confiance et en toute autonomie, notamment en exerçant son droit d’insertion économique, son droit de créer de la valeur pour toute la société – valeur sociale, économique, sociétale et surtout humaine.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Jacqueline Dubois. Redéfinir les actions entrant dans le champ de la formation professionnelle s’imposait. La liste des actions de formation en vigueur apparaissait à bien des égards illisible. L’article 4 prévoit, dans ce but, de rationaliser la liste des dispositions entrant dans le domaine de la formation, afin de proposer une typologie plus simple et renouvelée. Pour plus de clarté et d’exhaustivité, une liste de quatre leviers concourant au développement des compétences a été conçue : elle comprend les actions de formation, les bilans de compétences, les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience et enfin les actions d’apprentissage.
Nous devons souligner au passage le progrès apporté par l’article 4
bis . En effet, les activités exercées par les personnes accueillies au sein d’un organisme d’accueil communautaire et d’activités solidaires deviendront éligibles à la VAE, ce qui complète les dispositions s’insérant dans le prisme de la formation professionnelle.
Afin de gagner encore en visibilité, les actions de formation seront appréhendées par leur objet. Quatre ont été retenues, qui répondent aux enjeux du monde du travail : l’accès à l’emploi des moins qualifiés, le maintien dans l’emploi, l’accompagnement des mutations d’activité et le soutien dans l’évolution professionnelle.
Ainsi seront prises en compte toutes les situations d’actions de formation à distance ou en situation de travail, qui sont réelles. La conséquence en est une ouverture, une assurance de couvrir l’ensemble du champ de formation. Adopter cet article sera donc bien le gage d’un enrichissement, et non d’un appauvrissement, de la fonction professionnelle.
La parole est à M. Fabrice Brun. L’article 4 paraît spécialement important, en ce qu’il définit un parcours pédagogique tout au long de la vie. Permettez-moi de proposer deux minutes de respiration dans l’examen, particulièrement technique, de ce texte. Selon un sondage récent, 42 % des Français ont affirmé vouloir changer de vie. Cette volonté s’apparente souvent à ce qu’on pourrait appeler « la révolte des premiers de la classe », tant elle est révélatrice du projet de nombreux cadres aspirant à une reconversion dans les métiers de l’artisanat.
Il est donc impératif, madame la ministre, de créer des déclics dès l’orientation et de susciter le plus tôt possible des vocations vers les beaux métiers d’artisan, innovants, épanouissants mais en tension alors que notre pays connaît le chômage de masse – un paradoxe bien français, auquel la revalorisation du travail et celle de l’apprentissage sont des réponses concrètes. Pour cela, il faut mieux prendre en compte dans votre texte le rôle déterminant du réseau consulaire : chambres des métiers, chambres de commerce et d’industrie – CCI – et centres de formation d’apprentis – CFA. Cependant, si l’effort financier doit se traduire par plus de formation, il doit bénéficier aussi et surtout aux moins formés.
Il est, madame la ministre, un point sur lequel je tiens à insister. J’habite l’un de ces territoires ruraux qui cumulent les particularités : moins d’offre de formation, moins de transports collectifs et de mobilité, et plus de très petites entreprises, qui sont celles qui recourent le moins à la formation. Et, pour les femmes – malheureusement, on sait que ce sont les femmes qui utilisent statistiquement le moins leur droit à l’information – travaillant dans une petite entreprise située en zone rurale, c’est la triple peine. Madame la ministre, je vous invite – et je nous invite tous –, durant nos débats, à penser à ces femmes et à donner du souffle au projet de loi, car ces femmes doivent être la priorité de la République, il faut qu’elles puissent se former et retrouver un travail, un espoir, pour gagner ou regagner, tout simplement, la liberté de choisir leur avenir professionnel.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Béatrice Piron. La réforme de la formation professionnelle poursuit des objectifs primordiaux, en permettant aux personnes de choisir leur avenir professionnel et en investissant dans la formation et dans les compétences. L’article 4 s’inscrit dans l’objectif de rénover et simplifier le cadre légal de la formation professionnelle à travers quatre grandes catégories : la formation, le bilan de compétences, la validation des acquis de l’expérience et l’apprentissage.
Gardons surtout à l’esprit que, derrière ces catégories se trouvent des personnes, hommes et femmes, en attente de formation. Cet article a pour ambition de remettre les Français au cœur du dispositif de la formation professionnelle, en leur en facilitant l’accès. Il demeure ainsi primordial de prendre en compte les besoins des plus vulnérables. Je pense plus particulièrement aux personnes en situation d’illettrisme, qui sont entre 3 et 5 millions en France, selon les critères retenus ; c’est un constat insupportable, que notre pays ne peut pas ignorer. Ces personnes n’ont pas de profil type : certaines sont jeunes, d’autres plus âgées ; ils peuvent être dans l’emploi ou sans emploi. Ce n’est pourtant pas irrémédiable et nous pouvons agir, notamment à la faveur de ce projet de loi, en y intégrant explicitement la lutte contre l’illettrisme et en identifiant clairement les responsables de cette lutte et les moyens que nous voulons nous donner pour y parvenir.
En tant que chef d’entreprise, j’ai découvert le tabou qui entourait l’illettrisme, avec ces personnes qui usent de stratagèmes pour cacher leurs difficultés à leur employeur, ces travailleurs qui font souvent face à de multiples obstacles et ne disposent pas de formations adaptées à leur niveau.
Bravo ! Ils n’atteignent pas le niveau minimum permettant d’accéder à d’autres formations de qualification et n’ont pas la possibilité de faire valider leurs acquis d’expérience, car ils ne peuvent pas remplir les dossiers.
Il est urgent de prendre en charge ces personnes et de répondre à leurs besoins de formation pour leur faciliter l’accès à l’emploi, garantir leur employabilité et leur permettre l’exercice de leur citoyenneté. J’ai la conviction que cette réforme saura inclure l’enjeu de l’illettrisme dans la démarche de transition vers une société qualifiante.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine. L’article 4 du projet de loi abroge, entre autres, les articles 6313-8 et 6313-12 à 6313-15 du code du travail. Or ces articles prévoient des dispositions qu’il convient de conserver, portant sur les actions de formation continue relatives au développement durable et à la transition énergétique, les actions de formations destinées aux bénévoles du mouvement coopératif, associatif ou mutualiste et aux volontaires du service civique, les actions de formation continue relatives à la radioprotection des personnes exposées, la prise en charge de tout ou partie des coûts pédagogiques des formations destinées aux salariés en arrêt de travail et le traitement forfaitaire relatif aux dépenses afférentes à la participation d’un salarié à un jury d’examen ou de validation des acquis de l’expérience.
Vous voyez comme moi, madame la ministre, la pertinence de telles mesures. Dès lors, comprenez notre inquiétude à l’idée de les voir disparaître. Pouvez-vous donc nous rassurer quant à leur devenir ?
La parole est à M. Charles de la Verpillière. Madame la ministre, nos débats ont fait ressortir un défaut majeur de votre réforme de la formation professionnelle : vous procédez à la recentralisation de cette politique en privant les régions de l’essentiel de leurs compétences.
Et il y a un autre défaut, lié au précédent : la recentralisation s’accompagne d’un affaiblissement des pouvoirs du Parlement en matière de formation professionnelle, au profit du Gouvernement et de l’administration. L’article 4 en est l’illustration parfaite. Vous réécrivez complètement le chapitre du code du travail fixant les catégories d’actions qui entrent dans le champ de la formation professionnelle : on passe de quatorze à quatre catégories. De plus, le contenu de ces actions ne figurera plus dans la loi votée par le Parlement mais dans un décret en Conseil d’État, qui définira aussi les programmes et les attestations, c’est-à-dire l’essentiel du sujet.
Mes chers collègues, sur une question aussi importante pour l’emploi, le Parlement ne doit pas abdiquer ses pouvoirs. Puisque nous sommes proches du terrain, c’est à nous, et non pas à l’administration parisienne, que revient le devoir, la tâche de fixer ce qui doit figurer dans les textes sur la formation professionnelle. Nous sommes tout à fait à même de mener cette tâche à bien. Le groupe des Républicains vous proposera plusieurs amendements pour préciser et enrichir cet article 4 dans ce sens.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) La parole est à M. Thomas Mesnier. J’associe à mes propos mon collège Laurent Pietraszewski.
L’article 4 vise à redéfinir le champ des actions entrant dans le périmètre de la formation professionnelle en procédant à trois modifications majeures. D’abord, les dispositions relatives à la formation professionnelle s’appliqueront désormais aux actions de formation, au bilan de compétences, aux actions permettant la validation des acquis de l’expérience et aux actions d’apprentissage. Ensuite, l’article vise à clarifier la notion d’action de formation, dans une approche résolument orientée vers la montée en qualification et le soutien de la mobilité professionnelle ; il est en effet essentiel de favoriser le recours aux nouvelles modalités de formation en reconnaissant notamment la portée des actions de formation en situation de travail. Enfin, troisième avancée majeure : la reconnaissance et l’ouverture du champ des formations certifiantes.
Au début des années 1970, la France avait inventé un système de formation moderne et performant, en avance sur les autres pays européens. Il convient de renouer avec l’inspiration de la loi Delors en l’adaptant aux enjeux de notre temps. Aujourd’hui, hélas, il faut être conscient que le taux de formation certifiante pour les personnes en recherche d’emploi est l’un des plus faibles d’Europe. Il s’écoule sept mois entre la perte d’un emploi et l’entrée en formation d’un chômeur dans notre pays.
Madame la ministre, comme vous l’avez souligné à plusieurs reprises, 60 % des emplois créés en 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Il est grand temps d’anticiper la transformation digitale de notre économie et d’être capable de transformer cette contrainte en opportunité. Aussi, chers collègues, est-il de notre responsabilité collective de favoriser l’accès à l’emploi des personnes les moins qualifiées, de soutenir la mobilité professionnelle et d’accompagner le salarié à l’évolution de son poste de travail en lui permettant de monter en compétence.
Nous avons tous, sur ces bancs, une obligation de résultat. Face aux mutations économiques et sociales, à l’intelligence artificielle, le cœur de notre bataille reste la lutte contre le chômage de masse, ne l’oublions pas ! Notre seule arme est la formation, la montée en compétence : c’est la meilleure des protections.
La qualification, c’est la meilleure des protections ! C’est l’une des promesses les plus fortes du quinquennat : soyons à la hauteur des enjeux de notre temps et des attentes de nos concitoyens en leur permettant enfin de choisir leur formation professionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Excellent ! La parole est à M. Jean Lassalle. Je ne veux pas être désagréable – je me rends compte que je le suis trop – mais voilà : un an après l’élection d’un nouveau président, la majorité actuelle ressemble singulièrement aux deux précédentes, dont nous savons tous comment elles ont fini… (Rires.)
Je vous ai suggéré, l’autre soir, de reporter ce projet de loi parce que nous ne sommes pas en mesure de le mener à bien. C’est la première fois que nous nous intéressons à la formation, aux jeunes, aux moins jeunes, au plan de vie de chacun d’entre nous. Or nous n’avons plus d’État. Peut-être le problème vient-il de ce que nous élisons des présidents trop intelligents : il faudrait des présidents plus moyens, pragmatiques, pour reconstruire un État. (Rires.) La technocratie vous dit tout ce qu’il faut faire et vous suivez comme les autres, bêtement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et NG.)
Les seuls qui fonctionnent, ce sont les préfets, qui ne sont plus que des garde-chiourme – les préfets de région, qui ne servaient d’ailleurs à rien, ont été flingués. Nous n’avons plus d’organisation territoriale : le Parti socialiste s’en est occupé. (Rires. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Les régions ne servent strictement à rien et nous n’avons plus de corps intermédiaire non plus.
M. le Président de la République a dit qu’il va faire rentrer de l’argent dans la sphère publique de la France et lui donner de nouveau les moyens d’agir en relançant l’Europe – il n’y a qu’à voir l’état dans lequel celle-ci se trouve !
(Rires.) Il a même affirmé qu’il va aller jusqu’à relancer l’économie mondiale. S’il passait un peu moins de temps à faire joujou avec Trump, ça irait un peu mieux !
Je vous le dis simplement : si vous voulez arrêter la catastrophe, arrêtez-moi tout ça ! Mettez le clocher au milieu du village ! Il faut construire un État plus simple, moderne, qui redonne le pouvoir aux élus et confie des projets de grande envergure à la fois à l’État et à nos provinces, nos territoires, qui savent très bien faire.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, NG et GDR.) La parole est à M. Raphaël Schellenberger. J’aimerais souligner que, derrière ces dispositions très techniques, la vision du rôle que la formation professionnelle et l’apprentissage peuvent jouer dans la société m’interpelle. Derrière une volonté d’affichage, la vision de l’apprentissage comme outil de modernisation du retour à l’emploi est en réalité très peu ambitieuse : on réduit l’apprentissage à la nécessité de faire travailler les gens, tout en continuant de sacraliser un système éducatif intégré, un cursus initial qui serait seul à même d’émanciper les jeunes, les travailleurs – s’ils ne sont pas restés suffisamment longtemps dans le cursus initial avant d’entrer dans l’apprentissage, il faudrait même les y remettre par un stage de pré-apprentissage.
Nous, nous considérons que la valorisation de soi par l’apprentissage d’un métier, de techniques, de savoir-faire et de savoir-être est un moyen d’émancipation. L’apprentissage n’est pas seulement un moyen de trouver un emploi : c’est un moyen de se créer, de s’émanciper et de devenir une personne à part entière.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
La vision technocratique cantonnant l’apprentissage à un outil de retour à l’emploi manque énormément d’ambition par rapport au rôle qu’il pourrait jouer dans la société. Le texte contient justement de bonnes mesures concrètes ! Pour faire société, donnez toute sa place à l’apprentissage : faites-en le cœur de notre système de formation et pas seulement sa troisième roue ! Très bien ! La parole est à Mme la ministre. Le débat oscille entre plusieurs niveaux de discussion. En nous plaçant au bon niveau, nous nous y retrouverons tous mieux. Nous sommes tous là pour cela, nous avons tous envie de faire quelque chose d’utile pour nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Pour ce faire, il faut déverrouiller quelques aspects techniques. Mais les déverrouillages techniques ne sont pas le but : il s’agit juste d’un moyen permettant à nos concitoyens d’accéder enfin à la formation.
Du coup, j’ai du mal à comprendre. Dans l’exposé des motifs du projet de loi, nous disons que celui-ci doit permettre à chacun de se former – y compris à la femme vivant en zone rurale –, au jeune d’avoir une passion, un métier dont il vive et qui le fasse grandir. Tel est le but, le cœur de cette loi. Pour cela, il faut déverrouiller !
Ce n’est pas ce que vous proposez ! Écoutez-moi ! Pourquoi faut-il déverrouiller ? Vous vous battez pour garder une liste de quatorze items dans les plans de formation. Je vais vous dire comment cela se passe dans les entreprises – je vois des milliers de PME, j’y ai travaillé vingt ans. Les entreprises se demandent quels sont les besoins des salariés, les besoins de l’entreprise, puis font leur plan de formation. Ensuite, elles constatent : « Zut ! Il y a l’obligation légale, il faut que ça rentre dans quatorze cases ubuesques ! », et elles paient quelqu’un pour le faire. Ce n’est pas ainsi que l’on progressera ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Nous vous proposons donc de simplifier le dispositif – c’est ce que vous appelez une mesure technique. Il faut rappeler, à chaque instant de nos débats, que la France était en avance en matière de formation dans les années 1970 et qu’elle est désormais en retard : notre pays ne figure pas parmi les meilleurs de l’OCDE – l’Organisation de coopération et de développement économiques – ; seulement un tiers des salariés se forment chaque année, contre 56 % en Allemagne et 70 % dans les pays nordiques ! (Mêmes mouvements.)
Alors oui, on peut se faire plaisir en établissant des listes longues comme un jour sans pain dans le code du travail, mais ce n’est pas cela qui aidera les entreprises ni les salariés. Nous sommes tous au service des salariés, des entreprises et des jeunes, pour leur assurer un avenir. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 1911, tendant à supprimer l’article 4. Madame la ministre, je vais me mettre à votre niveau, mais en opposition totale avec ce que vous venez de dire. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) On écoute Mme Obono ! Merci, monsieur le président, de me permettre de défendre cet amendement de suppression.
Non, il ne nous semble pas que la simplification à outrance permette de mieux armer et de mieux former les salariés. Avec l’article 4, vous modifiez la définition de l’action de formation, c’est-à-dire les raisons pour lesquelles une formation professionnelle peut être mise en œuvre. Cet article, de notre point de vue, montre votre vision non seulement de la formation professionnelle mais plus généralement du travail. Les travailleurs et les travailleuses sont appréhendés comme des ressources disponibles pour produire de la richesse et non comme des membres à part entière du tissu social, économique, environnemental – vous venez encore une fois de le montrer.
Plus exactement, pour vous, dans le cadre du travail, l’émancipation ne passe pas par autre chose que des besoins économiques et des données statistiques, comme si nous ne pouvions être que des personnes consacrant une grande partie de leur vie à travailler et ayant ainsi les moyens de leur émancipation. Cette dimension émancipatrice, essentielle dans notre conception du travail, est complètement à l’opposé de ce que vous venez de déclarer.
En plus d’être moralement contestable, l’idée de la formation professionnelle que vous développez à l’article 4 mais aussi, d’une manière générale, dans l’ensemble de votre projet de loi, nous paraît aller à l’encontre de la fameuse religion de l’efficacité que vous professez à longueur de discours. Pour vous prémunir de cet égarement, nous vous invitons à voter la suppression de cet article.
Je veux reprendre l’exposé des motifs et les propos de Mme la ministre sur les quatorze types d’actions de formation composant le champ de la formation professionnelle, maintenant réduites à quatre catégories censées simplifier, libérer, etc.
Passer de quatorze à quatre, oui, ça simplifie ! Ces quatre catégories ne constituent pas une synthèse du champ actuel mais l’élimination pure et simple d’actions de formation.
Prenons l’exemple de la suppression du 2°
bis de l’article L. 6313-1 du code du travail. Vous communiquez largement sur le fait que la lutte contre les violences sexistes et sexuelles constitue la priorité de votre quinquennat. La lutte contre le racisme et l’antisémitisme est prise très au sérieux, notamment par M. le Premier ministre, est-il écrit. Mais, pour de prétendus motifs de simplification, vous supprimez purement et simplement « les actions de promotion de la mixité dans les entreprises, de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes et pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » : c’est cela, l’efficacité en marche ! Merci, mais non merci ! (Murmures sur les bancs du groupe LaREM.)
Les études ne cessent de le démontrer : l’environnement sexiste, c’est-à-dire construit sur les règles du patriarcat, est discriminant et nuit à la productivité, qui vous est pourtant si chère. Cet environnement impacte la santé mentale des employés, augmente les conflits et peut entraîner des procès pour harcèlement, par exemple. Ne serait-ce que pour cette raison, nous pensons qu’il faut supprimer l’article.
Pour nous, comme pour ceux qui ont obtenu ce droit, la formation professionnelle a été pensée comme un outil d’émancipation ; elle ne peut se réduire à tailler les robots humains sur mesure pour les employeurs, sans quoi il n’y aura plus de droit à la formation mais une obligation à se conformer au marché du travail pour survivre. Nous sommes diamétralement opposés à cette conception.
Bravo ! Quel est l’avis de la commission ? J’aurais énormément de choses à dire mais je vais essayer de m’en tenir à l’article 4, relatif aux actions de formation, et de ne pas partir dans tous les sens en m’éloignant du sujet. Vous devriez plutôt vous lâcher ! Nous ne limitons pas du tout le champ de la formation à quatre actions : nous proposons une définition rénovée et resserrée, couvrant exactement le champ couvert par l’énumération à la Prévert proposée dans le code du travail, avec quatorze actions de formation qui s’étaient additionnées au fil des réformes, sans aucune cohérence ni lisibilité. C’est tout simplement à des fins de clarification, pour permettre aux gens de s’emparer de la formation, que nous cherchons à définir son champ de manière beaucoup plus globale et resserrée.
Ce que nous amenons d’intéressant, de plus, c’est une modernisation de la conception de l’action de formation. Nous clarifions cette notion, nous redéfinissons son objet, en l’orientant vers la montée en qualification. Nous reconnaissons de nouvelles méthodes pédagogiques, innovantes, qui permettront à l’entreprise de développer la formation de leurs salariés, notamment au travers de la formation numérique, de la formation à distance mais également de la formation en situation de travail. Il s’agit par exemple de permettre aux salariés des toutes petites entreprises, qui ne peuvent pas s’absenter sans désorganiser complètement l’entreprise, de se former de manière plus accessible et plus applicable.
Ce qui importe, c’est le volontarisme du résultat. Ce qui compte, c’est le résultat en ce qui concerne de droit d’accès réel. On n’est pas sur du théorique.
C’est pourtant bien théorique tout ça ! On n’est pas là pour se faire plaisir en énumérant quatorze actions de formation qui sont mal ficelées et ne forment pas un tout cohérent. Nous cherchons au contraire à réintroduire de la cohérence pour que cela soit plus lisible et que chacun puisse beaucoup mieux s’en emparer.
Vous nous parlez, madame Obono, de sexisme et d’inégalités hommes-femmes dans le milieu du travail. Je tiens quand même à rappeler que nous sommes en train d’examiner un projet de loi particulièrement volontariste en matière d’égalité salariale entre hommes et femmes, visant justement le résultat et non pas seulement l’objectif théorique.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Nous en sommes très fiers, et vos critiques sont particulièrement malvenues. Bravo ! L’article 4 est évidemment essentiel et il n’est absolument pas question de le supprimer. L’avis est défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. La parole est à M. Patrick Hetzel. Il y a quelques instants, madame la ministre, vous avez prononcé une déclaration de principe visant à redonner du sens à votre action, notamment à votre projet de loi, mais vous voyez bien que c’est difficile et qu’il y a un décalage énorme entre vos propos et les faits, qui sont têtus. Au fur et à mesure que nous avançons dans l’examen du texte, nous nous apercevons que le projet que vous aviez dessiné et que vous prétendez défendre ce soir n’est pas au rendez-vous. En réalité, vous êtes en train de recentraliser l’appareil de formation, faisant fi de ce qui a été d’ores et déjà réalisé par les régions évidemment, mais aussi par un certain nombre de centres de formation d’apprentis. Contrairement à ce que dit M. Maillard, il existe bien un risque de fermeture de 700 centres de formation d’apprentis ! C’est une réalité, même si vous ne voulez pas l’admettre. Tout à fait ! Il est important que nos concitoyens sachent que ce texte entraînera la fermeture de 700 centres de formation d’apprentis. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, NG et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Démagogie ! La parole est à Mme Cécile Rilhac. Monsieur Hetzel, on ne peut pas continuer à vous laisser prétendre, à chaque article, que 700 CFA vont fermer ! Ce n’est pas vrai !
Il est pour nous totalement impensable de supprimer cet article, dont le but est de réorganiser, hiérarchiser, rendre beaucoup plus lisible l’objet même de la formation professionnelle. Il a également pour objectif de simplifier la liste des actions de formation, qui n’avait pas été toilettée depuis la réforme de 2014, alors même que l’obligation fiscale avait disparu.
À son alinéa 14, l’article 4 distingue quatre grands types d’actions de formation, visant à couvrir de façon plus rationnelle les publics qui en sont bénéficiaires : les jeunes, les demandeurs d’emploi, les salariés. Il y a les actions de préformation pour les demandeurs d’emploi, les actions d’adaptation, de maintien et d’évolution dans l’emploi, les actions de formation liées aux conséquences de l’évolution technologique et les actions de formation permettant de favoriser la mobilité professionnelle.
Vous comprendrez, madame Obono, qu’il nous soit impossible de supprimer cet article.
Très bien ! La parole est à Mme Clémentine Autain. Vos propos sont limpides : les quatre grands thèmes que vous venez de nous exposer illustrent très clairement que l’objectif est d’ajuster la formation soit à la transformation du travail, soit aux évolutions de carrière. Cela veut dire qu’elle n’est plus pensée comme un outil permettant tout au long de sa vie à un citoyen – qui n’est pas simplement un travailleur mais aussi une personne – de s’enrichir et d’avoir accès à une forme d’éducation qui le tire vers le haut.
La rationalisation dont vous parliez restreint le champ de la formation professionnelle. C’est pourquoi nous estimons que la définition que vous proposez transforme un droit des citoyens et des travailleurs en un outil « étroitisant » la conception même du travailleur et du citoyen. Nous sommes en désaccord avec l’objectif même et le sens de la formation professionnelle. Il faut le reconnaître, sans prétendre qu’il s’agit d’une simple rationalisation technique : il y a bien là un objectif politique que nous ne partageons pas.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
(L’amendement no 1911 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l’amendement no 1302. Dans le code du travail, l’expression est « formation professionnelle continue ». La suppression du mot « continue » que vous nous proposez n’est pas anodine car elle permet d’inclure l’apprentissage. C’est un des signes montrant votre volonté de tirer l’apprentissage hors de la formation initiale, ce qui n’est pas acceptable pour nous. Vous transformez un service public non marchand en activité marchande assimilée à la formation professionnelle continue. Vous oubliez que l’apprentissage forme certes des professionnels de talent mais aussi des citoyens. C’est pourquoi il doit être protégé des lois du marché et continuer de relever de la formation initiale. Pour cette raison, nous demandons la suppression de l’alinéa 1er. Très bien ! Quel est l’avis de la commission ? Il est défavorable. L’apprentissage fait effectivement partie de la formation professionnelle et c’est un choix que de l’inscrire dans l’ensemble des actions de formation professionnelle.
(L’amendement no 1302, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 555 et 1122.
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 555.
Cet amendement, dont la première signataire est notre collègue Louwagie, est de précision. Le livre IV de la sixième partie du code du travail est entièrement consacré à la validation des acquis de l’expérience. Par souci de lisibilité, il est utile de préciser que le présent projet de loi vise la validation des acquis de l’expérience telle qu’elle est prévue par le code du travail, comme c’est le cas pour les actions d’apprentissage, à l’alinéa 9. La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 1122. Défendu. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ? Cette précision me semble effectivement bienvenue pour la cohérence avec les actions d’apprentissage, dont la référence est précisée. L’avis de la commission est donc favorable.
(Les amendements nos 555 et 1122, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.) La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 278. Comme l’a rappelé notre collègue Mesnier tout à l’heure, l’article 4 énumère les actions concourant au développement des compétences relatives à la formation professionnelle ; je n’y reviendrai donc pas. Mais nous regrettons qu’aient été oubliés les créateurs et les repreneurs d’entreprise, souvent soutenus par les plateformes d’initiative locale. Ils étaient visés par l’une des quatorze actions prévues par l’actuel article L. 6313-1, qui évoque « les actions d’accompagnement, d’information et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprise agricole, artisanale, commerciale ou libérale exerçant ou non une activité ».
C’est pourquoi nous proposons d’ajouter : « Les actions de formation, d’accompagnement et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises ayant pour objet de réaliser leur projet de création ou de reprise d’entreprise et de pérenniser l’activité de celle-ci. »
Quel est l’avis de la commission ? Les actions de formation à la création ou à la reprise d’entreprise constituent, comme leur nom l’indique, des actions de formation. À ce titre, elles relèvent des actions de développement des compétences et sont couvertes par la définition plus resserrée mais qui inclut l’ensemble des actions de formation : c’est tout l’intérêt de cette définition resserrée, alors qu’avec une énumération on risque toujours de laisser de côté une action de formation. Mon avis sera donc défavorable sur cette proposition comme sur toutes celles qui tendront à maintenir un inventaire sectoriel et hétérogène des actions de développement des compétences.