Première séance du mardi 26 juin 2018
- Présidence de M. François de Rugy
- 1. Questions au Gouvernement
- Visite du Président de la République au Vatican
- Exportation de bœuf français en Chine
- Crise migratoire en Europe
- Situation des retraités résidant en EHPAD
- Comptes de campagne du Président de la République
- Annonces du Président de la République en Bretagne en matière d’accessibilité et de transports.
- Limitation du cumul des mandats en Polynésie française
- Fréquentation touristique
- Pensions de réversion
- Pensions de réversion
- Limitation de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires
- Coopération européenne en matière de défense
- Avenir de la Nouvelle-Calédonie
- Inscription de la protection de l’environnement à l’article 1erde la Constitution
- Lancement de la fondation Femmes@numérique
- 2. Allocution de M. le président
- Suspension et reprise de la séance
- 3. Pour un État au service d’une société de confiance
- Présentation
- Motion de rejet préalable
- Motion de renvoi en commission
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er et annexe
- Mme Séverine Gipson
- M. Emmanuel Maquet
- Amendements nos 141, 124 et 122
- Article 2
- Mme Séverine Gipson
- M. Emmanuel Maquet
- M. Éric Pauget
- Amendements nos 38, 125, 13, 37, 25, 14 et 46 rectifié
- Article 2 bis A
- Article 2 bis B
- Article 2 bis
- Article 1er et annexe
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. François de Rugy
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au Gouvernement
M. le président
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Visite du Président de la République au Vatican
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière, pour le groupe La France insoumise.
M. Alexis Corbière
Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais solennellement, au nom du groupe France insoumise, protester le plus vivement contre le voyage du Président de la République au Vatican afin de recevoir le titre de premier et unique chanoine honoraire de l’archibasilique romaine de Saint-Jean de Latran.
Ma protestation se fonde sur l’article 2 de la loi de 1905, qui dit clairement que la République ne reconnaît aucun culte. Qu’on ne vienne pas ici nous dire qu’il s’agit d’une vieille tradition. Cette pratique était tombée en désuétude pendant près de deux cents ans ; elle n’a été rétablie qu’en 1957, soit il y a à peine soixante ans, par le président René Coty. Elle était déjà tombée en désuétude sous les rois de France, abandonnée après la Révolution française, rétablie sous le Second Empire.
Elle est née en 1604, lorsqu’Henri IV a abjuré le protestantisme et qu’il a accepté d’abandonner les bénéfices de l’abbaye de Clairac au Vatican. En quoi tout cela engage t-il la République ?
Il faut être clair : le Président de la République doit être le premier des laïcs et rappeler qu’en aucune manière il n’a, comme il l’a fait le 9 avril au Collège des Bernardins, à engager un dialogue avec les évêques de France pour leur dire que nous devrions réparer un lien entre l’Église et l’État qui aurait été abîmé. Je ne suis pas d’accord. Ce à quoi nous avons à veiller, c’est au respect de la liberté de conscience et donc de culte. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Ce débat, nous l’aurons cet après-midi, à propos de l’article 38 du projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public, qui porte un coup très dur à la laïcité en faisant un cadeau aux lobbies religieux. Nous en parlerons.
M. Guy Teissier
La question !
M. Alexis Corbière
Monsieur le Premier ministre, quand demanderez-vous au Président de la République qu’il cesse d’aller devant le culte pour affaiblir la loi de 1905 ? Quand direz-vous au Vatican que nous abandonnons le titre de chanoine de Latran ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI – Protestations sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et LR.)
M. Ian Boucard et M. Pierre-Henri Dumont
Démago !
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Monsieur le député, vous répondre est un sacerdoce, mais j’en ai fait mon chemin de croix. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
La visite du Président de la République au Vatican a une résonance politique et diplomatique, comme toutes les visites auprès de chefs d’État.
M. Alexis Corbière
Vous n’y connaissez rien ! Cela n’a rien à voir !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État
C’est l’occasion d’un dialogue entre deux visions du monde, d’une confrontation d’idées sur un certain nombre de sujets qui occupent l’esprit de nos contemporains : la question migratoire, la lutte contre le dérèglement climatique, l’aide au développement, la situation des chrétiens d’Orient, la protection des minorités.
Sur le dossier migratoire, le Président a eu à cœur de rappeler, au cours de l’échange qu’il a eu avec le pape ce matin, quelle était son approche, fondée sur une solution européenne, sur la solidarité entre les États européens, sur le renforcement de la coopération avec les pays d’origine et sur des procédures d’examen qui respectent mieux la dignité des personnes.
M. Alexis Corbière
Vous ne répondez pas à la question !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État
Écoutez ma réponse, cela vous évitera de hurler !
Vous nous interrogez sur le titre de chanoine du Latran, dont le Président a pris officiellement possession. C’est un titre laïc. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe FI.) Cette distinction revient automatiquement au chef de l’État français depuis Henri IV. Tous les présidents de la République l’ont été. (« Faux ! » sur les bancs du groupe FI.) Accepter de recevoir ce titre n’est pas un acte d’allégeance religieuse, mais la réponse à un honneur adressé par un État, en l’occurrence le Saint-Siège, à un chef d’État, en l’espèce le Président de la République.
M. Jean-Luc Mélenchon
Non !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État
Soyez donc rassuré : il n’y a pas de dimension spirituelle, mais uniquement une dimension honorifique et historique, en espérant que ma réponse vous aura aidé à trouver le chemin de la rédemption. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe LR.)
Exportation de bœuf français en Chine
M. le président
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour le groupe La République en marche.
M. Jean-Baptiste Moreau
Monsieur le Premier ministre, au moment où certains prônent le repli sur soi, je salue le travail coordonné du Président de la République, de notre ministre de l’agriculture et de vous-même, qui a conduit hier à la signature d’un accord qui va permettre à notre agriculture d’exporter à nouveau de la viande bovine en Chine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Alors que la consommation de viande de bœuf chute en France, elle est en plein essor en Chine, avec une forte demande de la classe moyenne.
L’ouverture au monde n’est pas un danger. Les exportations agroalimentaires ont longtemps été un des fers de lance de notre balance commerciale mais, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les exportations doivent redevenir une force afin de tirer les revenus de nos agriculteurs vers le haut, dans la logique de ce qui a été discuté lors des états généraux de l’alimentation et de la loi qui en est issue.
Nos concurrents ont un modèle agricole fondé sur une logique intensive et productiviste, adapté aux fermes de taille gigantesque. C’est très loin de notre modèle français et européen d’agriculture familiale. Il est irresponsable de dire qu’en réduisant les charges sur nos exploitations, celles-ci pourraient être concurrentielles sur le même type de produit et, j’insiste, sur le même type de produit avec les anciens kolkhozes ukrainiens de 10 000 hectares ou les feedlots américains de 10 000 têtes. C’est pourquoi la France doit toujours être à la pointe et miser sur le développement d’une filière viande bovine de très haute qualité, ambassadrice de notre agriculture et de notre gastronomie d’excellence.
La montée en gamme est également un fait chez nos concurrents, c’est pourquoi l’agriculture française ne doit pas se reposer sur ses lauriers. Les acteurs doivent organiser leur stratégie export collectivement au sein de la plate-forme France Viande Export lancée en octobre 2015. Il est nécessaire de soutenir une stratégie offensive pour valoriser nos filières et l’origine France.
Cependant, il est irréaliste de demander que l’agriculture française renforce ses exportations sans, en contrepartie, ouvrir nos frontières aux importations. Nous avons en France et en Europe les normes de production sociales, sanitaires et environnementales les plus élevées au monde et il est fondamental que tout nouvel accord commercial préserve ce modèle.
Les Français sont fiers de leurs agriculteurs. La qualité de notre production et de notre alimentation est enviée partout dans le monde mais, aujourd’hui, les enjeux sont grands. Aussi, monsieur le Premier ministre, quelles perspectives votre déplacement en Chine a-t-il ouvert pour la filière bovine et, plus généralement, pour l’économie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre
Monsieur le député, cinq mois après le déplacement du Président de la République en Chine, je me suis en effet rendu dans ce pays à la tête d’une délégation composée d’un certain nombre de ministres, de chefs d’entreprise, de présidents d’instituts de recherche scientifique, d’abord à Shenzhen, puis à Shanghai et, enfin, à Pékin, hier, pour travailler avec nos partenaires chinois à développer les échanges entre nos deux pays : échanges économiques, bien entendu, mais aussi échanges culturels puisqu’à l’occasion de ce déplacement, j’ai pu soutenir les projets défendus à la fois par le musée Rodin, le Centre Pompidou et le musée Picasso dans le cadre d’expositions ou d’installations d’équipements sur place. L’objectif était de vérifier que, cinq mois après, la feuille de route définie par les deux chefs d’État était bien appliquée.
Notre coopération économique avec la Chine a commencé par des partenariats industriels dans des domaines comme le nucléaire civil ou l’aéronautique. Dans un deuxième temps, elle s’est poursuivie par le développement d’entreprises de production, de grande consommation, de distribution, par le développement de l’industrie du luxe et d’un certain nombre de services.
Aujourd’hui, un troisième moteur est nécessaire : celui de l’innovation, du développement de petites entreprises qui doivent choisir l’internationalisation et les exportations. C’est pourquoi la délégation que je conduisais comprenait un nombre considérable de dirigeants de toutes petites entreprises – de start-up, comme on dit – qui ont pu échanger avec des partenaires chinois potentiels.
Enfin, nous avons en effet discuté du secteur agricole. Vous savez, monsieur le député – et mieux que d’autres, d’ailleurs – combien celui-ci est une force de l’économie française et combien il peut jouer un rôle décisif pour notre commerce extérieur. Mesdames, messieurs les députés, cela faisait dix-sept ans que la France ne pouvait plus exporter de bœuf en Chine, dix-sept ans que nos producteurs étaient privés d’un débouché considérable sur le premier marché mondial, où la consommation de viande bovine se développe rapidement.
Avec les producteurs, avec les services de sécurité sanitaire, avec l’ensemble des acteurs de cette filière, notre objectif a donc été de réinvestir le marché chinois. C’est fait, puisque le protocole d’exportation a été conclu hier. Ce sont donc jusqu’à 30 000 tonnes de viande bovine qui pourront être exportées en Chine, mais le travail n’est pas terminé. D’abord, parce que nous devons garantir que les usines et les abattoirs seront homologués et validés par les autorités chinoises – c’est un travail qui est devant nous et qui, je crois, se déroulera dans de bonnes conditions. Ensuite, nous devons faire en sorte que l’ensemble des marchés chinois s’ouvre – je pense non seulement au marché de la viande porcine, mais aussi aux produits de transformation, notamment aux salaisons.
Je voudrais dire deux choses, monsieur le député.
Tout d’abord, lorsque l’on évoque la question des exportations ou des importations des produits agroalimentaires au sein de cette assemblée, c’est souvent pour se plaindre, pour dire que des importations massives constitueraient un danger. Après les marchés japonais, le marché chinois s’ouvre à nouveau aux producteurs français : c’est une bonne nouvelle dont j’aimerais que nous nous réjouissions tous, comme s’en sont réjouis les patrons de la filière de la viande bovine, comme s’en est réjoui l’ensemble des acteurs !
Ensuite, nous sommes vigilants afin que les conditions d’application de ce protocole soient à la hauteur des exigences de nos producteurs : c’est l’intérêt de la France d’œuvrer en ce sens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Crise migratoire en Europe
M. le président
La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe Les Républicains.
M. Éric Ciotti
Monsieur le Premier ministre, la crise migratoire qui frappe le continent européen et qui n’épargne pas notre pays n’a jamais été aussi grave. Un chiffre résume cette crise et, au-delà, cette tragédie : 15 000 morts en Méditerranée depuis 2013, victimes du commerce meurtrier des passeurs, ces négriers des temps modernes ! Sur les cinq premiers mois de l’année, monsieur le Premier ministre, le nombre des demandeurs d’asile a augmenté de 15 %, selon les chiffres publiés par l’OFPRA : 47 725 demandes d’asile !
Face à cette situation, nous avons le sentiment que votre Gouvernement est totalement impuissant, nous avons le sentiment que votre position est totalement ambiguë. En matière de politique migratoire, vous pratiquez le « en même temps » : avec hypocrisie, vous refusez l’Aquarius mais, en même temps, vous acceptez ses passagers ; avec duplicité, vous tenez des discours fermes mais, en même temps, vous faites voter une loi qui accroît les flux migratoires ; avec arrogance, vous insultez l’État italien mais, en même temps, vous lui demandez de jouer le rôle de garde-frontière en France pour empêcher l’arrivée de 500 000 étrangers en situation irrégulière.
Alors, monsieur le Premier ministre, nous voudrions aujourd’hui connaître clairement votre position ! Nous vous appelons à rompre avec une forme de naïveté et nous vous demandons si, oui ou non, vous voulez plus d’immigration en France ! Nous vous demandons si vous soutenez Mme Merkel ou son ministre de l’intérieur ! Nous vous demandons si vous soutenez les États qui, en Europe, veulent moins d’immigration ou ceux qui en veulent toujours plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement
Monsieur le député, il faut vous reconnaître de la constance mais… dans l’erreur, notamment lorsque vous dites, comme à l’instant, que la crise migratoire n’a jamais été aussi grave en Méditerranée. La réalité des chiffres assure l’inverse : en 2014, 229 000 migrants sont arrivés par la Méditerranée ; en 2015, ils étaient plus d’un million ; en 2016, 374 000 ; en 2017, 184 000 et, depuis le début de 2018, ils sont 50 430. Voilà la réalité des chiffres attestant l’inverse de ce que vous affirmez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Éric Ciotti
Tout va donc bien !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
En Italie en particulier, monsieur Ciotti – puisque votre modèle semble être M. Salvini – les entrées illégales aux frontières ont diminué de 89 %.
M. Fabien Di Filippo
C’est la politique de l’autruche ! Tout va très bien, madame la marquise !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
Au-delà de vos affirmations, ce qui compte, c’est justement notre capacité à accueillir systématiquement les réfugiés. Depuis des années, vous avez nourri ce débat sans jamais vous préoccuper de la seule question qui vaille : avons-nous accueilli et intégré en France, dans de bonnes conditions, les femmes et les hommes que nous devions accueillir ? La réponse est non, et vous le savez très bien – cette question a d’ailleurs été régulièrement utilisée à des fins électorales (Protestations sur les bancs du groupe LR.)
Notre ambition, monsieur le député, c’est d’accueillir les femmes et les hommes qui doivent l’être, en particulier lorsqu’ils ont le statut de réfugié. C’est ainsi que nous avons proposé aux Espagnols de les aider dans la gestion des réfugiés de l’Aquarius pour qu’ils puissent être accueillis en France.
M. Christian Jacob
C’est du baratin ! Concrètement, que faites-vous ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
Nous devons évidemment agir à l’échelle de l’Europe. Ce sera l’enjeu des deux journées du sommet européen qui rassemblera l’ensemble des pays européens et pendant lesquelles il faudra faire preuve de courage pour trouver une réponse à trois niveaux : sur le plan international, au niveau des frontières européennes et, pour être dignes de ce qui fait la France, sur notre capacité à honorer les réfugiés en les accueillant et en réussissant à les intégrer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Situation des retraités résidant en EHPAD
M. le président
La parole est à Mme Josy Poueyto, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Mme Josy Poueyto
Madame la ministre des solidarités et de la santé, à l’heure où de nombreuses inquiétudes naissent parmi les retraités, notamment au sujet des pensions de réversion, nous prenons acte des déclarations du Gouvernement en la matière et serons vigilants quant à la suite qui leur sera donnée.
En effet, la question des retraites mobilise de plus en plus l’opinion publique, qui ne constate pas encore les bénéfices des décisions que nous avons votées l’année dernière, et qui s’inquiète des réformes annoncées.
Ainsi, à l’appel d’une intersyndicale, de nombreux retraités ont manifesté dans le pays le 14 juin dernier. À ma permanence de Pau, une délégation de manifestants m’a remis une pétition de 2 000 signataires réclamant l’annulation de la hausse de la contribution sociale généralisée – CSG – pour tous les retraités et une revalorisation des pensions.
M. Fabien Di Filippo
Très bonne idée !
M. Pierre Cordier
Vous faites partie de la majorité, il faudrait savoir !
Mme Josy Poueyto
J’appelle particulièrement votre attention sur la situation des plus modestes d’entre eux, notamment les couples dont le revenu mensuel dépasse de peu le seuil de 2 100 euros et qui se trouvent donc fortement touchés par la hausse de la CSG.
Un certain nombre de nos concitoyens sont dans cette situation inconfortable, à la frontière entre l’exonération et l’assujettissement à taux plein. Ces personnes nous font part de leur incompréhension, ainsi que de leur sentiment d’injustice. Si celles-ci bénéficieront de la baisse progressive de la taxe d’habitation, en revanche, celles qui résident dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – n’en profiteront pas.
M. Fabien Di Filippo
Il ne fallait pas voter cette mesure avec M. Fesneau !
Mme Josy Poueyto
Dès lors, n’est-il pas nécessaire, dans le cadre des prochaines lois de finances, de réfléchir à un dispositif plus juste pour ces personnes, qui doivent déjà supporter le coût important de la prise en charge dans ces structures ? Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement pourrait-il prendre en soutien à ces publics spécifiques dans le cadre de nos discussions de l’automne prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)
M. Ian Boucard
Arrêter d’augmenter la CSG !
M. Fabien Di Filippo
Votre politique est injuste !
M. le président
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Madame la députée, je reviendrai tout à l’heure sur la question des pensions de réversion, mais vous m’interrogez plus spécifiquement sur la situation des retraités résidant en EHPAD.
Rappelons d’abord la philosophie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale : la hausse de la CSG n’était évidemment pas une mesure d’économie, mais bien une mesure de redistribution plus équitable, destinée à financer la Sécurité sociale, dont tous les Français bénéficient. C’est un enjeu de solidarité intergénérationnelle.
M. Fabien Di Filippo
C’est injuste !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Les retraités les plus modestes sont exonérés de la hausse de la CSG : cela représente environ 4 millions de personnes. Ceux qui sont soumis au taux réduit de CSG à 3,8 % sont également exonérés de cette hausse – ils sont 1,8 million dans ce cas. Ces deux catégories, qui représentent 40 % des retraités, seront préservées de toute augmentation de la CSG. Par ailleurs, 8 millions de personnes au régime général, soit près de 60 % des titulaires d’une pension, verront leur CSG compensée par l’exonération de la taxe d’habitation, prévue dans la loi de financement de la Sécurité sociale.
M. Jean-Pierre Door
Mais ce n’est pas encore fait !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Vous pointez le cas des 600 000 personnes âgées qui vivent en EHPAD. En ce qui les concerne, il faut distinguer deux cas de figure. Les personnes qui résident dans une maison de retraite tout en conservant la jouissance de leur résidence principale sont soumises à la taxe d’habitation, et elles bénéficieront donc de l’exonération. Les personnes âgées résidant dans un EHPAD du secteur privé non lucratif, qui n’ont pas la même jouissance privative de leur logement et qui ne paient donc pas directement la taxe d’habitation, auraient pu être touchées par cette mesure, mais leur situation a été réglée par un amendement du Gouvernement lors de l’examen de la loi de finances.
Les pensionnaires des EHPAD du secteur privé non lucratif bénéficieront eux aussi du dégrèvement de taxe d’habitation. En effet, l’amendement adopté demande expressément aux gestionnaires de ces établissements de répercuter sur le prix de la prise en charge en EHPAD le dégrèvement de la taxe d’habitation. Nous allons suivre de très près l’effectivité de cette mesure. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien Di Filippo
Une mesure injuste !
Comptes de campagne du Président de la République
M. le président
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe Les Républicains.
M. Sébastien Huyghe
Monsieur le Premier ministre, en mai dernier, le quotidien Le Monde, puis Radio France, révélaient que le candidat Emmanuel Macron avait bénéficié de ristournes importantes sur la location de salles durant la campagne présidentielle. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.) Certaines sociétés ont pratiqué des remises allant jusqu’à 80 % de la tarification habituelle !
M. Pierre Cordier
Pas bien !
M. Sébastien Huyghe
À ces révélations, le président de la Commission nationale des comptes de campagne, qui venait justement de bénéficier d’une revalorisation de 57 % de son salaire, répondait : « Circulez, y a rien à voir ! ». Invités par le porte-parole du Gouvernement à éplucher les « MacronLeaks », les médias y découvraient, au début du mois de juin, les mensonges distillés en fin de campagne sur les chiffres des dons, alors minimisés de plus de 2 millions d’euros, et sur les dons moyens, dont le niveau souligne le nombre élevé de très généreux donateurs.
M. Pierre Cordier
Pas bien !
M. Sébastien Huyghe
Aujourd’hui, de sérieuses questions se posent sur le soutien apporté à la campagne du candidat par la ville et la métropole de Lyon. La réception à grands frais du ministre Emmanuel Macron à l’Hôtel de Ville en juin 2016 ressemble étrangement à une opération de récolte de fonds, à quelques semaines d’une déclaration de candidature ! Rappelons que les élus d’opposition étaient restés à la porte et que la liste des invités n’a jamais été communiquée.
L’implication dans la campagne du chef de cabinet du maire de Lyon, lequel est devenu ministre de l’intérieur, pose enfin la question de l’apport humain à la campagne d’une collectivité.
M. Fabien Di Filippo
Rendez l’argent !
M. Sébastien Huyghe
Il apparaît que les amitiés du candidat, dans les affaires comme en politique, ont été largement mises à profit pour bénéficier d’avantages.
Monsieur le Premier ministre, une enquête a été ouverte, et la justice répondra. Mais, au-delà de la question judiciaire, une question de démocratie se pose, alors que nous ne cessons depuis un an d’entendre des leçons de morale. Ne vous semble-t-il pas nécessaire de réformer le fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne pour éviter que de telles situations ne soient à nouveau validées, contre l’évidence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur certains bancs des députés non inscrits.)
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Monsieur le député, il est vrai que, dans vos rangs, vous avez plutôt l’habitude de surfacturer que de payer le prix juste lors d’une campagne électorale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.) Les comptes de campagne du Président de la République ont été validés par la Commission nationale des comptes de campagne.
M. Pierre Cordier
Et le salaire de son président a été multiplié par deux !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État
Ils ont été contrôlés et ont donné lieu à des échanges nombreux entre la Commission et les équipes de campagne d’Emmanuel Macron. Ils ont d’ailleurs été réformés à hauteur de 120 000 euros, soit la plus faible réformation de l’ensemble des principaux candidats à cette élection.
Une plainte a été déposée par l’un des principaux soutiens de Laurent Wauquiez pour mettre en cause la ville de Lyon et son maire de l’époque, Gérard Collomb.
M. Christian Jacob
Et alors ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État
Nous ne craignons pas le travail de la justice, qui doit se faire sereinement, en évitant les anathèmes, les critiques ad hominem et la désignation de certaines personnes à la vindicte publique.
M. Maxime Minot
Qui fait dans l’attaque ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État
Nous répondrons point par point aux interrogations qui ont été soulevées, comme nous avons déjà eu l’occasion de le faire à maintes reprises.
Au fond, monsieur le député, vous faites semblant de vous indigner. Vous vous indignez que le maire d’une grande ville française puisse accueillir dignement un ministre de la République (Vives exclamations sur les bancs du groupe LR), comme il a eu l’occasion de le faire à maintes reprises au cours du précédent quinquennat. Vous vous indignez de la location au juste prix d’une péniche par un mouvement politique pour une durée de trois heures.
M. Maxime Minot
Quel culot ! Il faut oser !
M. Fabien Di Filippo
Rendez l’argent !
M. Christian Jacob
Magouilles en tout genre !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État
Vous avez surtout, monsieur le député, dans la question que vous formulez, choisi la calomnie et le qu’en-dira-t-on, plutôt que la vérité des faits, et vous le savez.
M. Sébastien Huyghe
Non !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État
Vous avez choisi l’insinuation et le soupçon, plutôt que le résultat implacable des urnes ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Ne vous en déplaise, monsieur le député, les Français ont fait un choix. Ils l’ont exprimé clairement : c’est le choix de la démocratie…
M. Jean-François Parigi
34 % !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État
…et c’est ce choix-là qui prévaudra pour les quatre prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Christian Jacob
C’est une défense fragile !
Annonces du Président de la République en Bretagne en matière d’accessibilité et de transports.
M. le président
La parole est à Mme Annaïg Le Meur, pour le groupe La République en marche.
Mme Annaïg Le Meur
Madame la ministre chargée des transports, la semaine dernière, le Président de la République était en Bretagne à la rencontre de nos concitoyens. De Saint-Brieuc à Quimper jusqu’en presqu’île de Crozon, les Bretons furent nombreux à accueillir chaleureusement le chef de l’État. Au-delà de ce lien particulier nourri avec notre région, je retiendrai surtout la traduction des engagements de l’État envers la Bretagne. Dans un discours qui fera date, le Président a affirmé sa volonté de développer l’accessibilité de la péninsule bretonne.
Quatre enjeux sont à relever pour notre territoire.
Tout d’abord, le train. Le nombre de trains bolides entre Paris et Brest augmente, tandis que les engagements financiers de l’État pour la modernisation des gares de villes moyennes se confirment. Certaines petites lignes sont préservées, comme celle de Rennes-Châteaubriant, et des études ont été lancées en vue de moderniser l’axe Rennes-Redon.
Avec l’avion, l’État est également au rendez-vous. Le Président nous a confirmé le développement de l’aéroport de Rennes grâce au soutien opérationnel de l’État. Les liaisons vers Paris, vitales pour l’avenir des aéroports de Lorient et de Quimper, seront soutenues. Les élus bretons s’en félicitent, car le maintien de ces aéroports et l’amélioration des dessertes dans les villes moyennes sont autant d’atouts pour le développement économique de la péninsule bretonne.
Le réseau routier n’est pas non plus oublié. Le doublement des voies de la RN 164, qui est la clé du désenclavement du centre-Bretagne, doit être poursuivi. Le Président a annoncé son extension vers Chateaulin au cours du quinquennat et a pris date pour un engagement des derniers travaux avant 2022.
Enfin, le développement du numérique est un enjeu central. À l’unisson de toutes les régions françaises, l’ensemble de la Bretagne sera relié au haut débit en 2020 et au très haut débit en 2022.
Après ce déplacement réussi du Président de la République, pourriez-vous, madame la ministre, nous confirmer les engagements de l’État en faveur de la mobilité de tous nos territoires et en préciser le calendrier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports
Madame la députée, vous l’avez rappelé, le Président de la République s’est rendu la semaine dernière en Bretagne. À cette occasion, il a annoncé les principaux engagements du Gouvernement envers la Bretagne, qu’il s’agisse du développement des aéroports, de la mise à deux fois deux voies de la RN 164, des liaisons ferroviaires vers les aéroports franciliens ou, au sein de la Bretagne, dans la perspective de se rapprocher des trois heures entre la pointe de la Bretagne et Paris, en traitant en priorité la section Rennes-Redon.
Le 17 janvier dernier, le Premier ministre avait annoncé une décision courageuse pour sortir de décennies d’impasse. Dans le même temps, il m’avait demandé d’étudier le réaménagement de Nantes Atlantique, la mise en réseau des aéroports du Grand Ouest et la fluidification des dessertes ferroviaires.
Dans ce cadre, j’avais confié à M. Francis Rol-Tanguy, fin janvier, une mission pour faire émerger un projet stratégique dans le Grand Ouest, en lien avec les élus des territoires et les parlementaires.
Ce travail nourrira le pacte d’accessibilité pour la Bretagne, dont le Président a annoncé les principaux enjeux, ainsi que le contrat d’avenir pour les pays de Loire. Concernant ces derniers, le travail se poursuit en vue d’un prochain déplacement du Premier ministre pour évoquer ces sujets avec les élus ligériens.
Soyez assurée, madame la députée, que le Gouvernement a pleinement pris la mesure des enjeux de la mobilité dans le Grand Ouest. Ce sera aussi l’objet du projet de loi d’orientation des mobilités, que je présenterai bientôt : apporter des réponses rapides et concrètes à tous nos concitoyens, sur tous nos territoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Limitation du cumul des mandats en Polynésie française
M. le président
La parole est à M. Moetai Brotherson, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Moetai Brotherson
Madame la ministre des outre-mer, Paul Ricœur disait : « Ce qui arrive est toujours autre chose que ce que nous avions attendu ».
À lire le projet de réforme des institutions qui nous est annoncé, nous sommes tentés de lui donner raison.
En effet, ce projet de révision s’accompagne de deux projets de loi organique et ordinaire, qui fixent notamment l’interdiction du cumul des mandats électifs dans le temps, au-delà de trois mandats consécutifs. Les Français attendaient une limitation du nombre des mandats, une réduction par rapport à un existant sans contrainte.
Étant issu du privé, je fais partie de ceux qui approuvent cette limitation, gage de renouvellement de la classe politique. Un lagon sans passe est, à l’instar d’une classe politique éternelle, un écosystème qui finit par s’étouffer, faute de renouvellement. Dans les faits, ce qui arrive est conforme, à une exception près, à la Polynésie.
Depuis le gouvernement précédent, des échanges, des réflexions entre les élus polynésiens, le Gouvernement central, le Conseil économique, social et culturel, ont mené aux accords de Papeete, prélude aux accords de l’Elysée. Dès l’arrivée du nouveau Gouvernement, la grande réflexion des Assises de l’outre-mer a été lancée, dont nous aurons les conclusions cette semaine.
Madame la ministre, à aucune des étapes de ces réflexions, à aucun moment de ces échanges, à aucune tribune politique récente ne s’est exprimé le besoin, ou même l’envie, d’augmenter le nombre de mandats successifs du président de l’exécutif local de Polynésie. C’est pourtant ce que propose le projet de réforme, qui tend à modifier l’article 74 de la loi organique, portant statut d’autonomie de la Polynésie française. Cette modification, paradoxalement, introduit une augmentation et non une diminution du nombre de mandats successifs, qui passerait alors de deux à trois.
Madame la ministre, c’est à l’unanimité que l’Assemblée de Polynésie s’est prononcée, le 7 juin dernier, contre ce projet de réforme. Le Gouvernement persistera-t-il à aller jusqu’au bout du paradoxe, pour donner raison à Paul Ricœur ? Mauruuru e te aroha la rahi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe NG.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
Monsieur le député, jeudi dernier déjà, au Sénat, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur cette relation entre le Gouvernement et la Polynésie, qui repose sur deux principes. Le premier est celui d’un dialogue constant et confiant, qui prenne en compte les particularités de la Polynésie et les enjeux de ce pays. C’est le sens du toilettage du statut sur lequel nous échangeons depuis plusieurs mois, c’est aussi la prise en compte des contraintes spécifiques de la Polynésie, comme l’a rappelé le Premier ministre, notamment pour ce qui est des questions de santé ou de développement numérique. C’est aussi une volonté ferme du Gouvernement d’accompagner les conséquences des essais nucléaires et nous pouvons nous féliciter du bon fonctionnement de ce dossier depuis quelques mois.
J’ai évoqué tous ces sujets avec le président de la Polynésie, M. Édouard Fritch, qui vient d’être réélu.
Le second principe est de parler de transparence et de parler vrai. C’est pourquoi, je le répète, les engagements du Président de la République pour une démocratie représentative, efficace et responsable, parce qu’ils concernent tous les Français, seront aussi appliqués en Polynésie française.
Alors oui, le nombre de parlementaires sera réduit. Les autorités exécutives locales sont concernées par cette nouvelle règle de limitation dans le temps du cumul des mandats. Quant au mandat du président du pays, le droit commun s’appliquera là encore.
Vous me connaissez, monsieur le député, je me bats toujours pour que l’on reconnaisse les spécificités des territoires d’outre-mer, pour que l’on prenne en compte la nécessité d’assumer la différenciation. Le Président de la République le veut, mais il est certains sujets pour lesquels la différenciation n’est pas possible : les sujets d’intérêt national.
Fréquentation touristique
M. le président
La parole est à M. Jean-François Portarrieu, pour le groupe La République en marche.
M. Jean-François Portarrieu
Monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, les professionnels du tourisme sont inquiets, parce que depuis quelques mois, les conflits sociaux dans les transports ont directement affecté l’activité touristique.
M. Fabien Di Filippo
Eh oui ! C’est de votre faute !
M. Jean-François Portarrieu
Depuis le mois d’avril, les professionnels de l’hôtellerie ont constaté un recul de 10 % du taux d’occupation des établissements, avec une perte évaluée par le cabinet MKG autour de 100 millions d’euros. Cette inquiétude est accentuée par les tensions géopolitiques et commerciales qui caractérisent la situation internationale.
Dans ce contexte incertain, plusieurs acteurs estiment que la baisse d’activité enregistrée ces derniers mois pourrait se poursuivre. D’aucuns évoquent même les risques d’un boycott de la France par quelques touristes américains, ce qui semble évidemment totalement hypothétique et très exagéré. Toutefois, alors que s’ouvre la saison estivale, il faut écouter et rassurer les professionnels.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous faire un point sur la fréquentation touristique de ces derniers mois et nous confirmer que les prévisions pour la saison estivale demeurent bien orientées pour la destination France ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Monsieur le député, vous avez raison, le tourisme est un véritable trésor national que nous devons préserver. Il irrigue tous nos territoires, qu’ils soient urbains, ruraux, du littoral ou de montagne. Le Gouvernement est donc pleinement conscient des inquiétudes des professionnels du tourisme. J’ai pu les partager la semaine dernière avec eux dans le cadre de Tourisme et territoires.
Je souhaite vous donner quelques éléments de réponse. Les perspectives pour 2018 demeurent bonnes. Les arrivées aériennes sont en hausse de 4,5 % depuis le début de l’année, avec, grâce à la mesure visa en 48 heures, des arrivées en croissance forte respectivement de 12 %, de 13 % et de 20 % depuis l’Australie, l’Inde et le Japon. Les recettes engendrées par le tourisme international atteignent des niveaux records sur les mois de janvier, février et mars. La très bonne dynamique de 2017, qui a été une année record en termes de fréquentation et de recettes générées – 54 milliards d’euros –, se poursuit donc, il est vrai de façon différente selon les territoires. Des villes ou des territoires qui accueillent plus particulièrement du tourisme d’affaires ont été affectés par les mouvements sociaux des mois d’avril et de mai.
Toutefois, les prévisions restent optimistes. Les réservations d’arrivées aériennes pour les trois prochains mois sont à la hausse, de l’ordre de 8 %.
M. Fabien Di Filippo
C’est la méthode Coué !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État
De plus, près de 13 000 emplois ont été créés dans le secteur de l’hébergement et de la restauration durant le premier trimestre 2018.
Le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre qui réunira prochainement le comité interministériel du tourisme, reste pleinement mobilisé pour mettre les moyens en termes de promotion et d’ingénierie.
M. Fabien Di Filippo
Ce n’était pas la question.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État
Faisons tous en sorte que cette grande cause nationale demeure une priorité pour tous, afin de faire vivre les territoires de l’ensemble du pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Pensions de réversion
M. le président
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour le groupe Nouvelle Gauche.
M. Hervé Saulignac
Madame la ministre des solidarités et de la santé, combien sont les femmes dont les carrières professionnelles sont incomplètes ou inexistantes pour avoir élevé des enfants ? Combien de femmes n’ont pas pu travailler parce qu’il fallait l’accord de leur époux jusqu’en 1965 ? Combien de femmes ont accompagné, parfois sans être déclarées, un mari agriculteur, artisan ou commerçant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur quelques bancs du groupe LR.) Et parmi celles-là, combien aujourd’hui vivraient sous le seuil de pauvreté si elles ne percevaient pas une pension de réversion ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR, FI, UDI-Agir et LR.) Et ce ne sont pas les 30 euros d’augmentation du minimum vieillesse qui changeront leur quotidien.
C’est pourquoi, lorsque vous annoncez vouloir réformer les retraites et mettre sur la table la question des pensions de réversion, vous déclenchez une émotion immense chez 4 millions de pensionnés, dont 89 % sont des femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR, FI, UDI-Agir et LR.) Vous avez indiqué, à plusieurs reprises, qu’il ne s’agissait pas de supprimer ces pensions de réversion : vous souhaitez les harmoniser. (Exclamations sur les bancs du groupe NG.)
M. Aurélien Pradié
Les rendre « plus efficaces » !
M. Fabien Di Filippo
Vous voulez les sabrer, oui !
M. Hervé Saulignac
Nous, nous aimons l’harmonie. Nous l’aimons, toutefois, à condition qu’elle ne consiste pas à prendre aux uns pour donner aux autres, c’est-à-dire à harmoniser la précarité des pensionnés. Ma question porte donc sur votre sens de l’harmonisation.
Allez-vous harmoniser les pensions de réversion comme vous avez harmonisé la CSG des retraités modestes, comme vous avez harmonisé les APL, comme vous avez harmonisé le prix du diesel, comme vous avez harmonisé la vitesse sur le réseau routier secondaire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NG, GDR, FI, UDI-Agir et LR et parmi les députés non inscrits.)
Depuis deux semaines, le Gouvernement entretient le flou sur ses intentions. C’est pourquoi je vous demande de ne pas tergiverser dans votre réponse, madame la ministre, mais de lever ce doute insupportable. Le temps est venu de libérer les retraités d’une pression injuste et de leur dire clairement qu’ils ont suffisamment contribué aux efforts de la nation que vous leur avez imposés. Le temps est venu, non seulement de les rassurer, mais aussi de les protéger. C’est pourquoi je vous demande, en leur nom, de lever toute ambiguïté sur vos intentions. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR, FI, sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir et LR et parmi les députés non inscrits.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Fabien Di Filippo
Et de l’injustice !
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Monsieur le député, je vous remercie car, en me posant cette question, vous me permettez de clarifier le débat. Je tiens d’abord à assurer devant la représentation nationale que les personnes qui perçoivent déjà une pension de réversion ne verront aucun changement, évidemment. (Exclamations sur les bancs du groupe NG.)
M. Maxime Minot
Heureusement !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Il n’a jamais non plus été question de supprimer les pensions de réversion, qui sont et resteront un outil très puissant pour lutter contre la pauvreté des veuves.
Un député du groupe LR
Mais à quel niveau ?
Mme Agnès Buzyn, ministre
Elles sont un moyen de lutter en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, ces femmes, vous l’avez souligné, qui ont dû s’arrêter de travailler pour s’occuper de leurs enfants ou qui ont travaillé aux côtés de leur mari durant des années sans cotiser pour leur retraite.
Il ne faut pas non plus oublier que la pension des femmes reste nettement inférieure à celle des hommes : la DREES – Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – souligne un écart moyen de 40 %. Dans ces différentes situations, la pension du conjoint décédé permet de compléter chaque mois leur revenu.
Le contexte est donc celui de la préparation de la réforme générale de notre système de retraite. Nous en sommes actuellement au stade de la concertation avec les partenaires sociaux et d’une consultation citoyenne. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Le dispositif de réversion est discuté parmi mille autres sujets. Actuellement, les règles en matière de réversion sont particulièrement complexes, et surtout très différentes d’un régime à l’autre. Vous le savez, c’est ce qui donne lieu à de nombreuses inégalités.
M. Fabien Di Filippo
Il y aura beaucoup de perdants !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Nous voulons faire en sorte que le système soit plus juste et plus universel. Nous voulons mettre fin à la grande injustice entre les Français qui ont des droits à pension différents, alors qu’ils sont confrontés au même drame du décès de leur conjoint. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. André Chassaigne
Il faut harmoniser par le haut !
Pensions de réversion
M. le président
La parole est à Mme Valérie Petit, pour le groupe La République en marche.
Mme Valérie Petit
Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Fabien Di Filippo
Et des injustices !
Mme Valérie Petit
Chaque semaine, dans ma circonscription du Nord, à Lille, à Tourcoing ou à Marcq-en-Barœul, je reçois des femmes de soixante, de soixante-dix, de quatre-vingts et parfois même de quatre-vingt-dix ans. Ces femmes me racontent leur vie de femme, leur vie de mère, leur vie d’épouse. Certaines ont travaillé, percevant d’ailleurs souvent un salaire inférieur à ceux des hommes ; d’autres ont soutenu leur conjoint et élevé leurs enfants. Mais ces femmes ont un point commun, celui d’avoir connu la douleur de perdre leur compagnon.
Mme Valérie Rabault
Et voilà ! Cela rejoint la question de M. Saulignac !
Mme Valérie Petit
Madame la ministre, ces femmes me disent chaque semaine leur inquiétude de voir leur pension de réversion diminuer ou disparaître. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes NG et FI.)
M. Christian Hutin
Protégez les plus faibles !
Mme Valérie Petit
Elles sont aujourd’hui près d’un million à ne vivre que de cette pension, une pension sans laquelle elles n’imaginent pas mener une vie sereine, voire décente. D’autres femmes ont aussi perdu leur compagnon et vécu la même douleur mais, parce qu’elles ont fait un autre choix marital, elles ne reçoivent pas de pension du tout.
Madame la ministre, ces femmes sont aujourd’hui 3,8 millions dans notre pays et représentent 90 % des retraités qui touchent une pension de réversion. Pour l’État, cela représente 35 milliards. Mais aujourd’hui, du fait des disparités de critères d’attribution et de calculs entre les différents régimes de retraite, le système des pensions de réversion est à la fois inefficace et injuste. Il est inefficace du fait de la complexité du calcul des droits et de la lenteur des versements, parce que les carrières sont de moins en moins linéaires ; il est également injuste parce que, d’un régime de retraite à l’autre, à âge égal, à ressources égales et à statut marital égal, les droits des Françaises varient.
Ma question est donc très simple : alors que nous nous apprêtons à réformer le système des retraites, quelles mesures envisagez-vous de mettre en œuvre pour rendre ce système plus juste, plus efficace, et rassurer toutes les femmes que nous écoutons…
M. le président
Merci, madame la députée.
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Madame la députée, je viens à l’instant de clarifier le débat sur ce sujet de préoccupations. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR, NG et GDR.)
M. Hervé Saulignac
Pas vraiment !
M. Jean-Paul Dufrègne
Non, ce n’était pas clair !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Lors de la campagne électorale, le Président de la République a promis une réforme des retraites : il voulait faire en sorte que chaque euro cotisé donne les mêmes droits, ce qui n’est évidemment pas le cas aujourd’hui pour les pensions de réversion, nous le savons. Notre objectif est d’améliorer le système, de le rendre plus juste et plus lisible.
M. Fabien Di Filippo
C’est du blabla !
Mme Agnès Buzyn, ministre
La phase préalable à l’examen parlementaire a lieu en ce moment, d’abord avec une consultation citoyenne en ligne lancée le 31 mai dernier, qui a déjà recueilli plus de 17 000 contributions. Par ailleurs, des négociations sont en cours avec les partenaires sociaux. Ces négociations, menées par Jean-Paul Delevoye,…
M. Pierre Cordier
Encore un homme de conviction !
Mme Agnès Buzyn, ministre
…ont été organisées en plusieurs cycles, découpées en plusieurs blocs.
M. Pierre Cordier
Cela va durer longtemps !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Jusqu’à l’été, nous travaillons sur la construction d’un système universel commun à tous les actifs afin de définir le périmètre du nouveau régime et le niveau de couverture, d’assiette ainsi que le taux de cotisation.
M. Marc Le Fur
Votre réponse est très inquiétante !
Mme Agnès Buzyn, ministre
La deuxième question discutée porte sur la construction d’un système redistributif et solidaire. Il s’agit de déterminer comment peuvent être pris en compte les droits non contributifs liés à la maladie, à la maternité ou au chômage.
Le troisième bloc concerne l’évolution de la société, avec l’examen des droits familiaux. C’est dans le cadre de ce bloc que nous discuterons des pensions de réversion.
Trois autres blocs seront discutés à partir de l’automne : ils porteront sur les conditions d’ouverture des droits à la retraite, pour donner plus de liberté dans la transition vers la retraite, sur la reconnaissance des spécificités de certains parcours professionnels, plus particulièrement sur les conditions des départs anticipés à la retraite,…
M. Fabien Di Filippo
Nivellement par le bas !
Mme Agnès Buzyn, ministre
…et sur la construction d’un système pérenne et responsable, avec les modalités de transition entre l’ancien régime et le nouveau régime. Les parlementaires auront également l’occasion de travailler sur cette réforme.
M. Fabien Di Filippo
C’est une escroquerie démocratique !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Vous aurez toute votre place dans le débat. Nous ne sommes qu’au début d’une réforme globale, ambitieuse et de justice sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme Danièle Obono
D’injustice sociale !
Limitation de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour le groupe Les Républicains.
Mme Emmanuelle Anthoine
Monsieur le Premier ministre, le 9 janvier dernier, vous avez pris la décision d’abaisser la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires. (Exclamations sur divers bancs.) Depuis, les Français ne décolèrent pas. Un récent sondage a montré que les trois quarts d’entre eux sont profondément opposés à cette mesure, imposée, selon leurs termes, « sans discernement »…
M. Jean-Louis Bourlanges
Avec discernement !
Mme Emmanuelle Anthoine
…par « la France d’en haut ». Et nous ne pouvons que les comprendre. C’est d’ailleurs ce que s’est efforcé de faire votre ministre en charge de la sécurité routière, qui a exprimé publiquement ses doutes. Alors, monsieur le Premier ministre, puisque vous ne faites pas confiance aux territoires, de grâce, écoutez votre ministre !
Une fois de plus, vous méprisez l’intelligence du terrain – une faute d’autant plus grave que ce sont les acteurs locaux qui sont les mieux à même de conduire la lutte contre la mortalité routière. Ils savent, par expérience, qu’il vaut mieux cibler les tronçons accidentogènes, entretenir et sécuriser les routes, faire de la prévention, plutôt que de changer tous les deux ans les panneaux de signalisation suite à l’expérimentation que vous allez mener.
Inspirons-nous du modèle suédois, qui part de l’analyse du terrain pour adapter la vitesse à chaque route et n’hésite pas à relever la limitation de vitesse si cela peut sauver des vies.
Avec le groupe Les Républicains, nous avons présenté une proposition de loi redonnant la main aux acteurs de terrain. Or votre majorité l’a rejetée, sans même que le débat ait lieu. Vous avez confisqué ce débat. C’est inadmissible ! Vous faites donc encore le choix d’imposer cette mesure qui pénalisera chaque jour, dès dimanche prochain, non seulement les habitants des territoires ruraux,…
M. Fabien Di Filippo
C’est honteux !
Mme Emmanuelle Anthoine
…mais aussi l’ensemble des Français, qui paieront la facture.
M. Pierre Cordier
Eh oui !
Mme Emmanuelle Anthoine
Alors, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin faire confiance au terrain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur quelques bancs des groupes NG et GDR.)
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Daniel Fasquelle
Le Premier ministre n’assume pas !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement
Madame la députée, j’ai été maire pendant seize ans…
M. Christian Hutin
Maire socialiste !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
…et, de mon expérience d’élu, je peux vous dire que l’épreuve la plus difficile à laquelle j’ai jamais été confronté est celle d’aller toquer à la porte, au petit matin, pour annoncer (Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits)…
M. André Chassaigne
C’est trop facile !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
J’imagine que ceux qui crient et huent n’ont jamais été confrontés à cela (Exclamations sur les bancs du groupe LR, sur quelques bancs des groupes NG et GDR, ainsi que parmi les députés non inscrits),…
M. Aurélien Pradié
Votre cynisme est insupportable !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
…mais c’est effectivement le fait de devoir annoncer à des parents la mort de leur enfant.
Ce que je sais, et ce que vous savez aussi, madame la députée, c’est que, dans 80 % des accidents, la vitesse est soit la cause, soit un facteur aggravant. On peut effectivement suivre la courbe des sondages et ne pas assumer cette mesure parce qu’elle est impopulaire, mais le Gouvernement fait le choix inverse : il assume cette mesure impopulaire si elle permet de sauver une vie – une vie chaque jour ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien Di Filippo
Quelle démagogie !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
Voilà l’objectif que nous voulons atteindre : sauver une vie chaque jour grâce à l’abaissement de la vitesse.
M. Fabien Di Filippo
Pourquoi pas 70 km/h, alors ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
Voilà l’enjeu, madame la députée. Il s’agit non pas de satisfaire une opinion publique, mais de prendre une décision et de la mettre en œuvre.
M. Fabien Di Filippo
Vous n’avez qu’à entretenir les routes !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
Cette disposition est complétée par dix-sept autres mesures qui permettront justement de sauver chaque jour une vie – au fond, de protéger chaque jour plusieurs dizaines ou plusieurs centaines de personnes du handicap ou des conséquences graves d’un accident grave.
M. Aurélien Pradié
Vous êtes d’un cynisme !
M. Vincent Descoeur
Et les accidents domestiques, alors ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
C’est cela qui doit nous rassembler. Il s’agit non pas de suivre l’opinion publique, mais d’avoir le courage qu’a eu Jacques Chirac, notamment, quand il a fait de la lutte contre l’insécurité routière une grande cause nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Pierre Cordier
Tiens donc ! Chirac est votre référence, maintenant !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État
À ce moment-là, madame la députée, l’opinion publique ne l’a pas suivi, mais celles et ceux qui siègent sur vos bancs savent le nombre de vies que nous devons à son courage politique.
Je vous invite donc, madame la députée, à ne pas suivre la courbe des sondages, comme vous nous l’avez proposé, et à assumer le courage politique d’une décision qui, chaque jour, sauvera une vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
M. André Chassaigne
Votre courage politique est à géométrie variable !
Coopération européenne en matière de défense
M. le président
La parole est à M. Stéphane Trompille, pour le groupe La République en marche.
M. Stéphane Trompille
Madame la ministre des armées, l’Europe ne peut plus attendre. C’était un engagement fort du Président de la République pendant sa campagne et c’est une conviction portée depuis un an par tout le Gouvernement.
M. Fabien Di Filippo
Zéro résultat !
M. Stéphane Trompille
Terrorisme, attaques cyber, incertitudes quant aux alliances : les pays d’Europe subissent de plein fouet les mêmes menaces. Et pourtant, au lieu de les affronter ensemble, avec force et d’une manière coordonnée, l’Europe y répond en ordre dispersé.
Dans son discours de la Sorbonne, le Président a été très clair : il faut que l’Europe de la défense avance et que se crée une culture stratégique européenne. Il a alors proposé le lancement d’un nouveau projet, complémentaire des structures déjà existantes et qui avancent : l’Initiative européenne d’intervention.
Madame la ministre, nous connaissons votre engagement pour l’Europe de la défense. Il s’est traduit dans la loi de programmation militaire et s’est concrétisé par les partenariats historiques conclus avec l’Allemagne pour le système de combat aérien du futur et pour le char du futur.
Hier a encore été franchi un grand pas pour l’Europe de la défense : à Luxembourg, neuf États européens ont signé une lettre d’intention lançant un dispositif concret, pratique et tourné vers les opérations : l’Initiative européenne d’intervention.
Madame la ministre, l’Europe a besoin que ces nations s’engagent pleinement pour sa défense. Après soixante ans de stagnation, l’Europe de la défense a besoin d’actes forts. Pouvez-vous aujourd’hui nous assurer que l’Initiative européenne d’intervention est bien l’un de ces actes forts et fondateurs ? Quelles sont les prochaines étapes pour son développement et son articulation avec les projets déjà existants ? Surtout, quel sera le poids de notre pays au sein de cette initiative ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées
Monsieur le député, depuis des années, l’Europe de la défense était vue comme un sujet de colloques. Hier, nous avons montré que c’était une réalité concrète. Le 26 septembre, à la Sorbonne, le Président de la République a souhaité une initiative européenne d’intervention. Il a souhaité que des États capables militairement et déterminés politiquement s’unissent pour assurer la défense de l’Europe et des Européens.
M. André Chassaigne
Sous l’autorité de qui ?
M. Christian Hutin
Depuis hier !
Mme Florence Parly, ministre
Hier, à Luxembourg – moins d’un an, donc, après le discours du Président –, la France, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni ont fait naître l’Initiative européenne d’intervention.
M. Stéphane Le Foll
C’était Jean-Yves Le Drian en 2016 !
Mme Florence Parly, ministre
Résolument orientée vers les opérations, cette initiative est une réponse pragmatique à un constat très simple : pour répondre à des menaces communes, plus fortes et plus violentes, nos forces armées doivent se connaître, se comprendre et agir de concert.
M. Stéphane Le Foll
C’est déjà fait !
Mme Florence Parly, ministre
Par des échanges d’officiers, des partages de renseignements et des exercices conjoints, l’Initiative européenne d’intervention – IEI – créera donc un lien direct entre les états-majors de ses pays membres. Elle permettra aussi de mieux anticiper les crises et d’y apporter des réponses rapides, coordonnées et efficaces.
L’IEI renforce l’OTAN en assurant par ailleurs un meilleur partage de l’effort de défense. Elle renforce également l’Union européenne par sa complémentarité avec la coopération structurée permanente, orientée, quant à elle, vers le domaine des capacités.
Il faut donc maintenant agir, et agir vite : une réunion ministérielle se tiendra bientôt, ainsi que la première réunion stratégique au niveau des états-majors.
Ces neuf pays qui se sont lancés hier ont donc écrit une page de l’histoire de l’Europe et, surtout, pris un engagement fort pour la sécurité de l’Europe et des Européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
Mes chers collègues, je rappelle que la séance ne sera pas suspendue à l’issue des questions au Gouvernement : je prononcerai une brève allocution de bilan de la session ordinaire, qui sera suivie d’une réponse du Premier ministre.
Avenir de la Nouvelle-Calédonie
M. le président
La parole est à M. Philippe Gomès, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
M. Philippe Gomès
Monsieur le Premier ministre, le 26 juin 1988, quelques semaines après le terrible drame d’Ouvéa, Michel Rocard, Premier ministre, déclarait : « Je veux dire [à mes compatriotes de Nouvelle-Calédonie] : reprenez espoir, une page nouvelle va pouvoir s’inscrire, non par les armes, mais par le dialogue et la tolérance, par le travail et la volonté ». Il ajoutait : « Ceux qui vous ont représentés à Paris ont fait preuve de courage et de responsabilité. Sans rien abandonner, ils ont su donner et pardonner. »
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les députés, en ce trentième anniversaire de la signature des accords de Matignon, je tiens à rendre un hommage solennel aux trois hommes d’État qui ont su réconcilier la Nouvelle-Calédonie avec elle-même et avec la France : Michel Rocard, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir, LR et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe NG.)
Le 4 novembre prochain, le peuple calédonien a rendez-vous avec son histoire. Il devra décider s’il reste au sein de la République ou s’il accède à l’indépendance.
Pour ma part, je considère, comme une large majorité de Calédoniens de toutes ethnies, que l’avenir de notre pays doit continuer à s’écrire au sein du vaste espace de liberté que lui a offert la Constitution, protégé par le grand récif de la République française. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.) Dans cette perspective, à l’instar du chemin tracé par nos grands anciens, le dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes doit demeurer la clé de voûte du maintien de la paix et de la construction du vivre-ensemble dans notre pays.
Ma question, monsieur le Premier ministre, est donc la suivante : comment entendez-vous poursuivre le dialogue que vous avez engagé entre indépendantistes et non-indépendantistes pour affirmer solennellement le patrimoine commun des Calédoniens, indépendamment de leur opposition sur l’avenir institutionnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.)
M. le président
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre
Monsieur le député, il y a trente ans, en effet, confrontés à une situation dramatique, ainsi qu’à des tensions anciennes qui étaient portées à leur terme et avaient abouti à cette explosion, deux hommes, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, ont pu se retrouver grâce à un effort réalisé à l’invitation de Michel Rocard. Ces trois hommes, tous les trois ensemble, et tous ceux qui les accompagnaient – car, au fond, ces trois figures sont des incarnations –, tous ceux qui ont participé à cette négociation et à cette redéfinition de la façon dont des Français, des Kanaks, des indépendantistes et des non-indépendantistes allaient travailler ensemble, tous ceux-là ont été à la hauteur de l’histoire, tous ceux-là ont été absolument remarquables. Je veux, monsieur le député, me joindre à vous pour dire à la fois ma reconnaissance et celle de la France, et l’admiration que nous portons à ces trois figures historiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir, LR et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe NG.)
Il y a, à l’évidence – et j’ai déjà eu l’occasion de rappeler, au début de cette séance de questions, que j’étais hier en Chine –, un art de la guerre, mais il y a aussi un art de la paix. Or, l’art de la paix mis en œuvre par ces trois grandes figures historiques, et poursuivi depuis lors, repose sur une méthode : le dialogue – ininterrompu, exigeant, direct, un dialogue qui accepte l’idée qu’on ne soit pas toujours d’accord, mais qui se fonde sur l’idée que nous ne devons pas en rompre le fil, car si nous le rompions, nous perdrions l’essentiel.
La méthode envisagée par Michel Rocard, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, et qui a été mise en œuvre depuis trente ans, est fondamentalement construite sur cette nécessité du dialogue, de petits pas. On dénigre parfois le compromis, mais en vérité, monsieur le député, comme vous le savez parfaitement, c’est parce que chacun sait qu’il détient certes une part de vérité, mais aussi qu’il ne peut construire qu’avec l’autre, que nous avons tout intérêt à faire des compromis, lesquels ne sont pas de petits compromis, de petits abandons, mais la construction commune, en Nouvelle-Calédonie, d’un nouveau modèle de société. Ce qui est en jeu, en effet, au moins autant que les questions liées à l’indépendance ou à la non-indépendance, c’est la question de la construction de la société néo-calédonienne.
Dialogue, donc, et des valeurs communes qui existent, qui sont partagées et qui font que, sur cette île lointaine et magnifique, des hommes et des femmes venus d’horizons radicalement différents et vivant des cultures radicalement différentes veulent vivre ensemble – ce qui est la définition d’un peuple.
Monsieur le député, depuis trente ans, le chemin est un beau chemin. Il n’est pas toujours facile, c’est vrai, mais c’est un beau chemin, un chemin partagé.
Le 4 novembre, les Néo-Calédoniens vont devoir prendre une décision et, à l’évidence, à mesure que nous approcherons de cette date, les tensions, les inquiétudes – les incompréhensions, peut-être – se multiplieront et nous verrons une forme d’angoisse apparaître. Nous le savons. Chacun y est prêt, d’une certaine façon.
Il faut que la question soit posée – elle était prévue dans les accords – et qu’elle soit tranchée, mais il faut aussi que, derrière cette question mécaniquement binaire du « oui » ou du « non », nous ayons tous conscience de l’intérêt de la méthode, des valeurs partagées et, au fond, de cet héritage commun, de cette coutume – ou, plus exactement, de cet usage devenu coutume – du travail en commun, dans le dialogue, avec l’envie de construire la paix.
C’est une très grande responsabilité qui est devant le peuple de Nouvelle-Calédonie, car ce qui est fait aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie n’a jamais été fait sur aucun territoire français et n’est pas réalisé ailleurs. C’est quelque chose d’unique, d’admirable. À nous tous, monsieur le député, d’être à la hauteur de nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
M. Philippe Gosselin
Très bien !
Inscription de la protection de l’environnement à l’article 1er de la Constitution
M. le président
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour le groupe Nouvelle Gauche.
Mme Cécile Untermaier
Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, vos dernières interventions traduisent une volonté forte, de la part du Gouvernement : celle d’inscrire la protection de l’environnement à l’article 1er
Il s’agit là d’un changement de cap important, même si, s’agissant du fond de cette réforme de nos institutions, je me vois obligée d’alerter nos collègues sur le risque grave d’affaiblissement du rôle et de la place du Parlement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NG.)
M. Charles de la Verpillière
Très juste !
Mme Cécile Untermaier
Se contenter de modifier l’article 34, comme le prévoit le projet de loi constitutionnelle, serait cosmétique dès lors que cet article précise déjà que « la loi détermine les principes fondamentaux […] de la préservation de l’environnement ».
Les réformes constitutionnelles précédentes ont complété l’article 1er
L’article 1er
La démarche européenne est, quant à elle, déjà engagée au sein, notamment, de la Charte des droits fondamentaux. Nous nous retrouverons donc peut-être dans cette volonté précise, monsieur le ministre d’État. Avez-vous bien l’intention de faire figurer le principe de non-régression à l’article 1er
M. Guillaume Garot
Très bien !
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Ian Boucard
Cela faisait longtemps que l’on ne l’avait pas entendu !
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
Madame la députée, nous partageons, à l’évidence, les mêmes objectifs. Vous avez raison, il faut être prudent, car tout cela mérite une analyse fine. Le principe de non-régression, que vous avez évoqué, est déjà reconnu dans la loi, notamment par celle du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Il est également inscrit – vous y avez également fait référence – dans le droit européen, notamment au paragraphe 3 de l’article 3 du Traité sur l’Union européenne selon lequel il est possible de modifier les règles en matière d’environnement, mais seulement pour maintenir ou améliorer le niveau de protection de l’environnement.
Ce principe, comme vous le savez, ne fige pas le droit, ne bloque pas le législateur : il interdit seulement de réduire le niveau de protection de l’environnement, chaque État membre demeurant libre de modifier les techniques de protection.
Ce principe est récent et novateur : d’ailleurs, les juges comment à l’utiliser, notamment sur la question de l’Autorité environnementale. Il est parfaitement cohérent avec l’Accord de Paris, qui prévoit que si les États signataires veulent réviser leurs engagements, ils ne peuvent le faire qu’à la hausse.
Au-delà de l’attention qui doit être portée à tout ce qui pourrait, même avec les meilleures intentions, faire régresser le droit, essayons plutôt de nous concentrer sur la manière de faire progresser la loi et le droit par rapport aux paramètres et aux contraintes du XXIe siècle.
De mon point de vue, l’inscription à l’article 1er
Lancement de la fondation Femmes@numérique
M. le président
La parole est à Mme Christine Hennion, pour le groupe La République en marche.
Mme Christine Hennion
Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du numérique.
Le numérique a-t-il un sexe ? Il y a quelques décennies, les femmes se démarquaient dans le secteur du numérique. Elles étaient remarquées pour leurs inventions tout autant que pour leur présence dans les cursus universitaires, puisque près de 37 % d’entre elles étudiaient encore les sciences de l’informatique dans les années 80.
Cette tendance s’est nettement inversée. Les femmes sont aujourd’hui éloignées des métiers et des formations du numérique : l’on y compte désormais seulement 15 % de femmes salariées dans les fonctions techniques et les femmes ne représentent que 10 % des étudiants suivant une formation numérique dans les universités. Pourtant, la présence des femmes y est plus que jamais essentielle.
D’un point de vue économique, d’abord, nombre de secteurs d’activité peinent à recruter les talents nécessaires à leur transformation numérique, et l’écart entre leurs besoins et la main-d’œuvre qualifiée disponible continue de se creuser. On estime qu’en 2022, environ 200 000 emplois du numérique ne seront pas pourvus en France.
D’un point de vue sociétal, ensuite, les femmes ne peuvent être écartées des nouvelles technologies de demain. Je pense, par exemple, à l’intelligence artificielle : comment pouvons-nous penser créer des processus cognitifs comparables à ceux de l’être humain sans y inclure les femmes ?
Conscientes de l’urgence, quarante-deux sociétés ont créé une fondation permettant de soutenir quarante-cinq associations s’engageant dans la formation des femmes au numérique. Cette démarche, que vous soutenez, monsieur le secrétaire d’État, se nomme Femmes@numérique et sa convention sera signée demain.
Si cette initiative est déterminante par son effort de féminisation des métiers du numérique, est-elle suffisante face aux enjeux économiques et sociétaux auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés ? Monsieur le ministre, qu’envisage le Gouvernement pour conforter la place des femmes dans un domaine où leur rôle est déterminant ?
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique
Madame la députée, tout à l’heure le Premier ministre parlait de la délégation qui nous accompagnait hier en Chine : parmi les quinze start-up qui en faisaient partie, dix sont dirigées par des femmes. Lorsque nous étions assis avec le Premier ministre, avec ces dix femmes autour de nous, qui nous racontaient leur métier au quotidien, je n’avais qu’une seule envie : que toutes les Françaises âgées de huit ans les voient redéfinir le monde de demain, redéfinir notre société et se disent que, demain, elles aussi pourront en être. (Applaudissements sur quelques
Aujourd’hui, comme vous l’avez rappelé, la situation est terrible : pour la troisième année consécutive, moins de femmes sortent diplômées des études d’ingénieur, et nous avons moins de 15 % de femmes salariées dans les métiers du numérique.
Le danger est très grave, car le numérique est le secteur qui redéfinit notre monde, notre économie. Eh bien, ce monde et cette économie sont en train d’être redéfinis, de façon quasi monopolistique, par des hommes. Cela, on ne peut l’accepter, de même que nous ne l’avons pas accepté en politique.
Mme Clémentine Autain
Ah bon ?
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État
Il n’y a pas de solution simple. La seule solution…
M. Stéphane Peu
C’est la révolution !
M. Sébastien Jumel
La révolution virtuelle ! Le numérique !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État
…c’est la mobilisation générale. Depuis douze mois, nous travaillons, aidés en cela par vous, monsieur le député, et nous sommes heureux de pouvoir annoncer que la fondation Femmes@numérique sera enfin créée, sous l’égide de la Fondation de France. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M. André Chassaigne
Vous n’êtes pas très attentif aux députés ! Vous ne répondez pas aux questions écrites !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État
Demain, avec des entreprises qui ont apporté un financement à hauteur de 1 million d’euros, ainsi qu’avec quarante associations, nous allons pouvoir mener des actions sur le territoire national, avec le concours de l’État et des collectivités locales, pour dire à toutes ces jeunes filles âgées de huit à dix ans que ces métiers du numérique sont pour elles, que Marjolaine, Céline, Alice, Laure, Tatiana, Linda, Paola et Christine sont des prénoms du numérique, et pour longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
2. Allocution de M. le président
M. le président
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres et secrétaires d’État, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, le discours de fin de session est une tradition de la Ve République – j’ajouterai : une saine tradition, d’abord parce que dresser des bilans et rendre des comptes, cela fait partie intégrante de notre mandat, ensuite parce que cela permet de tirer les leçons de cette première année de législature au moment si particulier où nous nous apprêtons à engager une réforme de la Constitution.
Ce bilan, je le fais d’abord et avant tout pour mettre en valeur le travail des députés, si souvent mis en cause, que ce soit par la résurgence d’un vieil antiparlementarisme ou par des classements aussi réducteurs que simplistes.
Au mois de juin dernier, près de 430 nouveaux députés et, surtout, nouvelles députées, ont été élus pour la première fois. Le renouvellement a été voulu par la majorité et validé par les électeurs.
M. Pierre Cordier
Chez nous aussi, il y a eu un renouvellement !
M. le président
Les électeurs l’ont aussi voulu pour d’autres sensibilités politiques et ce renouvellement, on le retrouve de la gauche à la droite de cet hémicycle.
Ce renouvellement est aussi le résultat concret de l’entrée en vigueur de la loi adoptée en 2014 mettant fin au cumul des mandats. Notre assemblée est la première assemblée du non-cumul. C’est un changement profond dont nous n’avons pas encore vu toutes les conséquences.
De la même façon, nous sommes les premiers à avoir adopté une réforme globale de notre statut. Ainsi pouvons-nous retisser un lien de confiance avec nos concitoyens,…
M. Pierre Cordier
Ça, ce n’est pas sûr !
M. le président
…car les premiers changements, nous nous les sommes appliqués à nous-mêmes.
Avec sept groupes parlementaires, dont cinq se sont déclarés d’opposition, la composition de notre hémicycle est elle aussi inédite. L’Assemblée nationale joue donc pleinement son rôle : elle représente la diversité des opinions politiques des Français.
Cela amène à retrouver ici différentes conceptions du mandat de député, ce qui est bien normal. Certains remettent au goût du jour la fonction tribunitienne de l’Assemblée, modernisée par l’utilisation de Facebook, Twitter ou YouTube. D’autres se réfèrent strictement à la tradition de la Ve République.
M. Pierre Cordier
Nous !
M. le président
D’autres enfin cherchent à innover, notamment en cultivant de nouveaux modes d’interaction avec les citoyens.
Quelles que soient nos différences d’approche, sachez que je les respecte toutes. Mon rôle, ma responsabilité, est de garantir ici, à chacune et à chacun, à la fois la plus grande liberté d’expression et la capacité à s’exprimer sereinement.
M. Aurélien Pradié
Ne poussez pas !
M. le président
En défendant ces principes ensemble, mes chers collègues, c’est la démocratie parlementaire que nous défendons.
En une année, nous avons siégé pendant plus de 1 329 heures en séance. Ce sont au total 92 textes qui ont été examinés, dont 67 projets et 25 propositions de loi, sans compter les nombreuses conventions internationales que nous avons ratifiées. Ce sont plus de 19 000 amendements qui ont été discutés dans l’hémicycle, dont plus de 2 800 ont été adoptés. Il convient d’ailleurs de signaler que plus d’un amendement adopté sur six provenait d’un groupe d’opposition. Sur sept propositions de loi définitivement adoptées, quatre avaient été défendues par un groupe d’opposition. C’est là un bilan dont nous pouvons être collectivement fiers.
Rappelez-vous, il y a quelques mois, le procès en amateurisme contre les nouveaux députés. Ne nous y trompons pas : ce procès, c’était le procès du renouvellement. Aujourd’hui, notre assemblée, composée de ces députés que certains disaient inexpérimentés, a abattu un travail considérable. Toutefois, ce travail ne saurait se réduire, tant s’en faut, aux données chiffrées que je viens de rappeler. Gardons-nous d’évaluer la qualité de l’activité parlementaire d’un point de vue purement quantitatif !
Mme Amélie de Montchalin et M. Didier Paris
Très bien !
M. le président
Le travail des députés ne se résume pas à leur présence dans l’hémicycle, loin de là. En 1996, un de mes prédécesseurs, Philippe Séguin, disait déjà, dans son discours de fin de session : « Les députés qui ne sont pas en séance ne sont généralement ni au cinéma ni en villégiature ». (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
Que ce soit dans les médias ou dans des échanges directs avec des citoyens sur le terrain, je le dis et le redis toujours : les députés travaillent dans l’hémicycle, mais ce n’est qu’une petite partie de leur activité. Les députés travaillent en commission, dans les commissions d’enquête, les missions d’information, ou encore les groupes d’études. Les députés travaillent, enfin, sur le terrain, notamment dans leur circonscription. Je vous invite, mes chers collègues, à assumer cela collectivement et individuellement. N’ayez pas peur. Dites-le, expliquez-le, répétez-le du premier au dernier jour de votre mandat. Les Français sont clairvoyants : quand on leur explique, ils comprennent très bien et ne fondent pas leur jugement sur la base de quelques classements aux critères contestables. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)
Le travail, disais-je, ne se réduit pas aux statistiques. Les bilans chiffrés soulignent surtout à quel point nous avons touché les limites de nos modes de fonctionnement. Ni l’inflation législative ni celle des amendements ne font de bonnes lois. Déjà en 1991, dans son rapport annuel, le Conseil d’État disait : « Lorsque le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite. » Jolie formule, qui vient rappeler que les débats les plus longs ne sont pas les meilleurs, les lois les plus touffues non plus.
Mes chers collègues, la révision constitutionnelle à venir est l’occasion – et je vous invite tous à la saisir – de rendre le Parlement plus fort en le rénovant, et c’est bien parce qu’il sera rénové qu’il sera renforcé. Cette rénovation repose, selon moi, sur trois piliers. Le premier pilier est une meilleure prévisibilité de nos travaux, qui suppose un ordre du jour législatif prévisionnel donné par le Gouvernement au moins au début de chaque session. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Le deuxième pilier est une réforme des modalités d’examen des projets et propositions de loi, qui nous permette de concentrer nos débats sur les vrais enjeux, ceux qui engagent l’avenir de nos concitoyens et pour lesquels nous avons, les uns et les autres, été élus.
Le troisième pilier, enfin, est le renforcement de notre mission d’évaluation des politiques publiques et de contrôle du Gouvernement. Il y a près d’un siècle, Clemenceau disait : « Pour faire vivre une démocratie, il faut intervenir directement dans les affaires publiques, demander au Gouvernement de rendre compte de ses actes. » Pour exercer pleinement cette mission, il nous faut nos propres outils, au premier rang desquels une agence parlementaire de contrôle et d’évaluation, qui fournira son expertise à l’ensemble de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
La France a tout à gagner d’un Parlement puissant, avec une Assemblée nationale légitime, indépendante, capable de bien légiférer et de bien évaluer l’efficacité des lois et des budgets. Durant cette première session qui s’achève, nous avons beaucoup travaillé, grâce à l’engagement personnel de chacune et chacun d’entre vous ; grâce aussi, ne l’oublions jamais, au travail, à nos côtés, de nos collaborateurs parlementaires, mais aussi de l’ensemble des personnels de l’Assemblée nationale (Applaudissements sur tous les bancs). Permettez-moi de rendre hommage, en votre nom, à leur sérieux, à leur dévouement et à leur disponibilité, dont ils ont fait preuve particulièrement ces derniers mois.
La session ordinaire se termine, mais les transformations continuent. La session extraordinaire va s’ouvrir et, avec elle, la perspective d’une transformation importante de nos institutions. Nous avons l’occasion de redonner de la légitimité et du poids au Parlement.
M. Aurélien Pradié
C’est une blague !
M. le président
Un Parlement mieux organisé, plus efficace et plus utile : c’est ce que j’appelle la bataille du Parlement. Menons-la, et menons-la ensemble ! (Les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.)
M. Aurélien Pradié
Nous ne sommes pas dupes !
M. le président
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre
Merci, monsieur le président, de me permettre de répondre au discours que vous venez de prononcer. Je ne sais pas, d’ailleurs, si le verbe « répondre » est le plus approprié, tant je partage la quasi-totalité de vos propos. D’abord, nous avons tous conscience ici que la première année de cette législature a été intense, qu’il s’agisse du travail parlementaire ou des discussions qui ont nourri l’action publique dans ce pays. Jamais une assemblée nationale n’avait été aussi féminine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Jamais les députés n’avaient été aussi présents en séance, pendant tous les débats. Je voudrais, au nom du Gouvernement, remercier l’ensemble des députés qui concourent à l’élaboration de la loi, qui, à l’occasion de séances parfois toniques, questionnent le Gouvernement, mais qui renforcent notre conviction profonde de participer à une grande et belle démocratie en contribuant à la vitalité de notre République. Merci à l’ensemble des députés.
Merci, évidemment, aux députés de la majorité, qui…
Un député du groupe LR
…sont obéissants ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Edouard Philippe, Premier ministre
…enrichissent l’action du Gouvernement. Merci à eux pour leur soutien. Je le dis d’autant plus volontiers que c’est le sens des institutions de la Ve République que le Gouvernement soit responsable devant l’Assemblée nationale. Grâce au soutien de la majorité, nous continuons l’action dans la perspective exacte de ce qui a été tracé par le Président de la République.
M. Aurélien Pradié
N’oubliez pas les députés de l’opposition, qui attendent leurs remerciements !
M. Edouard Philippe, Premier ministre
Merci également aux députés de l’opposition (« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.)
Un député du groupe LR
Ne vous adressez pas seulement à nous, nous ne sommes pas la seule opposition !
M. Edouard Philippe, Premier ministre
Les autres groupes d’opposition ne sont pas très présents aujourd’hui ! (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Il y a beaucoup d’opposition : on se sait où tourner de la tête ! Merci beaucoup aux députés de l’opposition qui, par leur passion et l’intensité de leur participation, nourrissent, eux aussi, le débat parlementaire et font valoir leurs convictions légitimes : il faut qu’elles soient défendues et je les en remercie.
Je voudrais m’associer, monsieur le président, aux remerciements que vous avez adressé à l’ensemble de ceux qui concourent à notre travail collectif : les fonctionnaires de l’Assemblée et les collaborateurs parlementaires (Applaudissements sur tous les bancs), qui, souvent dans l’ombre, font que notre travail est meilleur. Ils ne sont pas élus, mais ils concourent, eux aussi, d’une certaine façon, à l’élaboration de la loi, et ils concourent certainement à la vitalité de notre démocratie.
Enfin, monsieur le président, vous avez évoqué la perspective d’une révision constitutionnelle. Je crois qu’elle sera discutée à partir de cet après-midi en commission, et je m’en félicite. Elle donnera lieu à des échanges nourris, car tous ne partagent pas toujours les mêmes convictions : certains se rattachent à différents courants de pensée qui ont tous, à un moment ou à un autre, prévalu dans l’histoire de la République – sous la IIIe, la IVe
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard.)
Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
3. Pour un État au service d’une société de confiance
Nouvelle lecture
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance (nos 806, 1056).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics
Madame la présidente, madame la présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, monsieur le rapporteur de la commission spéciale, mesdames, messieurs les députés, je suis particulièrement heureux de revenir devant vous pour l’examen du texte relatif, selon son appellation usuelle, au « droit à l’erreur », mais que votre assemblée a rebaptisé « pour un État au service d’une société de confiance », et ce avant son adoption définitive par votre assemblée dans quelques heures et, je l’espère, sa promulgation par le Président de la République au tout début du mois d’août prochain.
Je veux rappeler, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, le travail riche effectué par les deux assemblées au seuil de cette nouvelle lecture au sein de la vôtre, avant celle du Sénat, programmée le 25 juillet prochain. L’Assemblée nationale a exprimé, me semble-t-il, une volonté assez forte d’être à l’écoute des différents groupes politiques, mais aussi du Sénat. Même si nous regrettons que celui-ci n’ait pas ouvert la voie à un accord en commission mixte paritaire – CMP –, un tiers des dispositions du présent texte sont issues d’amendements de vos collègues sénateurs. Cela montre, je crois, l’esprit d’ouverture et de bienveillance du Gouvernement et de la majorité – puisque les membres de l’opposition, à cette heure, sont peu présents sur ces bancs…
M. Michel Larive
Je suis là !
M. Gérald Darmanin, ministre
…– à quelques rares exceptions près, en effet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Les députés présents sont souvent – pas toujours – ceux du Nord… (Sourires.)
M. Alain Bruneel
En effet !
Mme Agnès Thill
Très bien !
Mme Brigitte Bourguignon
Ou du Pas-de-Calais ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre
Le travail, disais-je, a été riche puisque, sur 805 amendements discutés en commission spéciale, 169 amendements d’origine parlementaire ont été adoptés, dont, fait notable, 46 non issus de la majorité présidentielle. En séance publique, 1 026 amendements ont été discutés et 117 adoptés, dont 44 présentés par des députés n’appartenant pas, là encore, à la majorité présidentielle. Beaucoup d’amendements ont aussi été discutés au Sénat et à l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, au sein de la commission spéciale.
Après cinquante-cinq heures de débats, plus les quelques heures qui nous restent sans doute, nous conclurons le travail considérable effectué par la commission spéciale que vous présidez, madame Errante – et je tiens à vous remercier personnellement pour votre travail –, mais aussi en amont du texte par M. le rapporteur et l’ensemble des parlementaires qui se sont penchés sur le sujet : ce travail « en chambre », si je puis dire, a précédé l’examen de la chambre elle-même, sur ce texte essentiel qui correspond à une promesse du Président de la République.
Finalement, ce texte relatif au droit à l’erreur est le deuxième pilier, après le texte que je vous avais présenté sur la lutte contre la fraude. Il s’agit ici de bienveillance pour l’erreur, conformément au vieil adage d’origine latine selon lequel, si persévérer dans l’erreur est diabolique, l’erreur elle-même est humaine. Ces deux piliers d’un ouvrage global traduisent, me semble-t-il, la nouvelle politique conduite par l’administration depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Le dernier pilier, que votre assemblée s’apprête à adopter, tend à concrétiser cette perspective dès la fin du mois d’août 2018.
Avant d’en venir au fond, je veux d’ailleurs souligner à quel point me paraît essentielle l’exécution du texte. Conformément aux engagements que j’avais pris devant vous, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, j’ai demandé à l’administration placée sous mon autorité d’adopter l’ensemble des décrets simples dès la promulgation de la loi par le Président de la République. Je m’engage aussi à ce que l’ensemble des décrets soient adoptés en Conseil d’État et publiés avant le 31 décembre de cette année.
Cet engagement vaut également pour les ordonnances, en particulier celle qui a trait à la relation de confiance. Sur ce point, le texte prévoit une promulgation dans un délai de neuf mois, mais peut-être peut-on aller plus vite encore : un engagement sera sans doute pris à cet égard lors de la discussion que nous aurons, tout à l’heure, sur cette grande avancée. C’est là l’un des sujets sur lesquels les textes d’application seront publiés le plus vite. De mémoire, il me paraît au demeurant assez rare que l’on ait travaillé, en chambre, à la préparation des décrets au moment de la promulgation par le Président de la République.
Le présent texte comporte plusieurs avancées, sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir, et définit de nouveaux équilibres : c’est le cas, par exemple, pour les chambres d’agriculture, les éoliennes en mer et les cultes – point qui, sans doute, nous occupera un peu ce soir. Cela correspond en tout cas au compromis, qu’il importe de ne pas dénaturer, passé entre l’exécutif et le législatif – non seulement entre nous, mais aussi avec l’opposition et les acteurs concernés par ce texte qui intéresse toute la société civile. La première ligne rouge, pour le Gouvernement – et je remercie à cet égard mon collègue Olivier Dussopt, qui a partagé avec moi le débat parlementaire sur le projet de loi –, est justement la préservation de cet équilibre.
La deuxième ligne rouge, on l’a dit – et cela s’est vérifié –, est qu’il ne s’agit en rien d’un texte de simplification. De façon principielle, celui-ci vise à changer le fonctionnement de l’administration vis-à-vis des contribuables, des citoyens ou des entreprises. C’est si vrai que je vous ai fait parvenir, mesdames, messieurs les députés, un résumé de l’œuvre de simplification de mes prédécesseurs et des mesures que nous avons nous-mêmes prises depuis que nous sommes aux responsabilités, notamment depuis la circulaire de M. le Premier ministre. C’est là un autre débat, non directement lié au présent texte
De fait, j’avais pris l’engagement que d’autres textes comporteraient des volets de simplification : ce fut le cas avec le projet de loi de programmation militaire, le projet de loi de programmation pour la justice et d’autres textes encore, dont le projet de loi « PACTE » – plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises –, qui sera bientôt soumis à votre assemblée. Cela me semble de bonne méthode, et c’est aussi un moyen d’éviter un texte « fourre-tout », même si un certain nombre d’articles, monsieur le rapporteur, diffèrent du premier dans leur objet. Nous avons, je crois, trouvé un équilibre qu’il s’agit désormais de ne pas rompre à l’occasion de cette nouvelle lecture.
La dernière ligne rouge touche au rejet que votre assemblée a exprimé vis-à-vis des positions du Sénat. L’objet du texte n’est pas de simplifier ou d’arranger les relations entre les administrations elles-mêmes, mais entre l’administration et les contribuables, les entreprises et les citoyens. C’est pour cette raison que nous n’avons pas voulu entrer dans le débat du droit à l’erreur pour les collectivités territoriales.
Si un tel débat n’est pas inopportun, nous engageons ici une grande révolution que l’État et ses agents, qui doivent se former pour cela, ont d’abord à s’approprier. Aussi n’avons-nous pas retenu la proposition sénatoriale en cette matière. Il y a d’ailleurs quelque chose d’un peu équivoque à refuser un texte, en tout cas dans ses équilibres, au motif qu’il n’irait pas assez loin. Qui peut le plus, peut le moins : nous consentons déjà, ce me semble, un grand effort de pédagogie et engageons une véritable révolution copernicienne pour l’administration française.
Je voudrais dire ici à quel point le temps législatif est essentiel. Le débat parlementaire nous a ainsi permis de parvenir à des compromis et, sans doute, d’éclairer, parfois même de bousculer les positions que le Gouvernement défendait devant vous, animé d’un certain conservatisme administratif – qui n’est pourtant pas le genre de la maison, mais que l’on peut retrouver ici ou là dans les dispositions que le Gouvernement fait valoir devant la représentation nationale et les citoyens. En tout cas, nous avons, je crois, considérablement avancé.
C’est le cas à propos de la garantie fiscale, dont nous tous n’avons peut-être pas assez souligné quelle révolution elle introduit dans les rapports entre le contribuable, l’entreprise et l’administration fiscale. C’est aussi le cas des rescrits, et de la notion même de rescrit.
C’est enfin le cas, je l’espère, de la relation de confiance elle-même. Je souhaite vraiment que perdure au cours de la discussion la confiance que le Parlement fait au Gouvernement, particulièrement à moi-même, pour travailler dans l’esprit dans lequel il a conçu cette relation. Je souhaiterais que les parlementaires et les entreprises participent à l’élaboration de celle-ci et que la direction générale des finances publiques ne soit pas la seule à réfléchir à ce sujet très important.
Je ne vais pas revenir sur l’intégralité des nombreuses dispositions du texte. Le plus important est sans doute l’article 1er, porteur d’un principe qui concernera l’ensemble de nos concitoyens. Lorsque la loi aura été promulguée, il faudra bien comprendre que c’est à l’administration de prouver la mauvaise foi de l’usager et non à celui-ci de prouver sa bonne foi. Je crois que nous n’avons pas mesuré – une fois n’est pas coutume – la grandeur de ce principe, qui demande à être vérifié tous les jours.
Il le sera par une application du texte que nous voulons très rapide, grâce, je l’ai dit, à la publication des décrets. Il sera également vérifié par le conseil de la réforme, et je veux dire ici à Mme la présidente de la commission spéciale que je suis entièrement à sa disposition – le cas échéant, si elle le souhaite, par des prises de position du Gouvernement dans l’hémicycle – pour concevoir le fonctionnement du conseil. S’agit-il d’une mission institutionnelle que créera la conférence des présidents de l’Assemblée nationale ou du Sénat ? J’y suis disposé. S’agira-t-il d’un lieu que nous acceptons tous ensemble, comme par un gentlemen’s agreement, et où je m’engage à soumettre des textes et à faire vérifier divers éléments touchant l’administration ? Dans tous les cas, le choix de l’Assemblée nationale sera le mien : nous créerons le conseil de la réforme qu’elle souhaitera. C’est un peu le « service après-vote » – après le « service avant-vote » – que nous allons assurer.
Gageons que notre ouverture d’esprit et notre travail collaboratif inspireront d’autres textes. Cela démontrera que le Parlement peut véritablement contrôler et évaluer l’action du Gouvernement et de l’administration. Là réside d’ailleurs le premier rôle assigné à la représentation nationale.
Ce changement doit aussi être concret. Voilà pourquoi j’ai décidé de réunir tous les mois à partir de septembre, après la promulgation de la loi par le Président de la République, un comité de pilotage sur le droit à l’erreur et la société de confiance. Nous choisirons au sein des régions de France parmi les expérimentations que le Parlement a bien voulu autoriser et nous en vérifierons la mise en œuvre sur place et sur pièces. J’associerai évidemment à cette démarche tous les parlementaires qui le souhaiteront, à commencer par vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés ici présents. Nous irons voir si les horaires décalés sont bien assurés, comme nous l’avons promis, et s’ils fonctionnent ; nous irons voir ce qu’il en est des expérimentations conduites aujourd’hui, parfois inspirées d’hier – comme notre travail sur les URSSAF et la médiation –, mais qui peuvent être étendues demain à d’autres sujets.
Il ne faut pas avoir honte d’expérimenter, de mettre fin à de mauvaises expérimentations et de généraliser les bonnes. Pour cela, il faut que l’application du texte soit suivie. Je m’engage à y veiller chaque mois, indépendamment de ce que pourront faire les parlementaires en la matière.
Il faut également des moyens – même si, pour le ministre des comptes publics, ce n’est pas toujours par une dépense publique qu’il convient de répondre à une question qui se pose – pour assurer la transformation prévue et respecter l’esprit même du droit à l’erreur.
D’abord, des moyens pour la formation. Le projet de loi est une magnifique occasion de pratiquer la conduite du changement, comme on dirait dans d’autres lieux, et d’aider nos agents publics, les premiers à devoir intérioriser le texte et adopter un esprit de bienveillance et d’écoute, pour que l’administration soit celle du conseil plutôt que du contrôle. Voilà pourquoi la formation est essentielle. Le droit à l’erreur tiendra ainsi une place importante dans le plan de formation pour la fonction publique que je défends avec Olivier Dussopt. Ce sera une grande transformation pour les fonctionnaires, notamment pour les fonctionnaires d’État, dans l’esprit voulu par le législateur.
Il s’agit aussi – je veux saluer ici le député Saint-Martin, qui a particulièrement défendu cette idée dans le cadre du projet de loi de finances – de la création du fonds de transformation de l’action publique, doté de 700 millions d’euros en autorisations d’engagement et, pour cette année, de 200 millions d’euros en crédits de paiement. Plus de 120 millions d’euros ont déjà été utilisés ; il en reste près de 80 pour la fin de l’année. Nous avons choisi de sélectionner les projets d’administrations conformes à l’esprit du droit à l’erreur. C’est notamment le cas des dossiers retenus s’agissant de la direction générale des finances publiques.
Le Parlement aurait tout à fait intérêt à pousser encore davantage le Gouvernement à provisionner des fonds de transformation. J’invite donc le député Saint-Martin et vous toutes et tous, mesdames et messieurs les députés, à proposer la création d’un fonds équivalent dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, voire, demain, pour les collectivités territoriales. Il s’agit en effet de se donner les moyens de sa transformation au lieu de subir simplement la politique du rabot ou de la difficulté budgétaire, sans anticiper et sans moderniser une administration qui a pourtant besoin de temps long et de réflexion. (M. Stanislas Guerini, rapporteur de la commission spéciale, applaudit.)
Mme Sophie Errante, présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance
Merci !
M. Gérald Darmanin, ministre
Mais je vous en prie, madame la présidente. Et je vous remercie de m’applaudir, monsieur le rapporteur ; vous êtes le seul à le faire, mais un seul suffit pour avoir raison ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Nous avons tous intérêt à continuer à mettre de l’argent de côté afin de développer l’investissement plutôt que le fonctionnement et, surtout, à ce que la démarche vienne des agents eux-mêmes. Je veux le dire au député Saint-Martin comme à l’ensemble de la représentation nationale : le seul écueil auquel nous nous soyons heurtés est le fait que nous n’ayons eu qu’un seul projet venant de l’État déconcentré – dans la région Occitanie ; j’en remercie le préfet, mais peut-être la philosophie du droit à l’erreur, de la concertation et du dialogue avec la société civile et les agents eux-mêmes veut-elle que les idées viennent de la base, que l’organisation de l’administration soit un peu moins verticale. Peut-être pourrions-nous diffuser cette culture de la proposition, qui pourrait correspondre à la demande des agents. Nous en prenons acte ; nous y reviendrons sans doute au cours des prochaines semaines et des prochains mois.
Enfin, nous devons mesurer l’impact concret de ces transformations pour les Français, de manière tout à fait transparente. Je suis à la disposition de la représentation nationale pour garantir cette transparence.
À ce propos, si je m’apprête à accepter une partie des amendements présentés par les parlementaires, certaines questions se posent, notamment dans la discussion sur la publication des décrets et circulaires, en somme sur la manière dont le Parlement peut contrôler le Gouvernement et l’obliger à répondre à ses interrogations. Ce ne sera pas le cas pour ce texte, puisque je me suis engagé à en faire un exemple. Mais nous avons là l’occasion de débattre des pouvoirs d’évaluation dont dispose actuellement la représentation nationale. Si la loi ne saurait être bavarde, le Parlement doit assumer sa fonction de contrôle.
Sans doute le Gouvernement disposera-t-il donc là d’un bon moyen, si vous – majorité et opposition – en êtes d’accord, de répondre par ma voix à vos questions sur divers textes qui n’ont pu être publiés, soit parce que la loi était déjà trop bavarde, soit parce que les choses ne sont pas assez intelligibles.
Dans le cadre général du changement de paradigme que représente le droit à l’erreur, nous avons considéré, avec le Premier ministre, que nous étions évidemment favorables à tout ce qui pourra permettre à l’Assemblée nationale et au Sénat de contrôler l’action du Gouvernement, notamment en ce qui concerne l’évaluation des politiques publiques et le chiffrage des propositions formulées par les parlementaires.
Mesdames et messieurs les députés, c’est avec bonheur que je vous retrouve à nouveau en vue de l’adoption d’un texte qui nous aura pris beaucoup de temps, mais qui, j’en suis certain, sera l’un des plus importants du quinquennat.
Aujourd’hui, je pense aux fameux Justine et Alexandre, parents de la petite Manon, dont je vous ai parlé dans mon intervention liminaire en première lecture. Ils avaient fait l’expérience de certaines difficultés administratives liées à l’absence d’un interlocuteur unique, d’un médiateur, au manque de compréhension, au côté parfois un peu tatillon d’une administration qui peut même être de temps en temps kafkaïenne. Le texte répond tout à fait aux besoins de Justine, d’Alexandre et de Manon ; j’en suis heureux, parce que la politique, c’est du concret ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stanislas Guerini, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.
M. Stanislas Guerini, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous entamons l’examen en nouvelle lecture du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, je voulais vous rappeler que nous nous étions séparés ici même, en janvier, sur un consensus large, à la suite de débats enlevés, mais toujours constructifs. Je vous en remercie, ainsi que l’ensemble des groupes qui ont participé au débat en commission ou en séance.
Je me réjouis moi aussi que nous ayons ainsi pu atteindre des points d’équilibre sur les sujets les plus sensibles ou les plus complexes ; j’espère que nous pourrons nous y tenir lors de cette nouvelle lecture. Je pense aux expérimentations concernant les chambres d’agriculture ; au taux effectif global, à l’article 32 ; je pense aussi aux mesures relatives aux cultes.
Cela concerne aussi nos discussions avec le Sénat. Même si elles n’ont pu aboutir en commission mixte paritaire – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre –, les convergences se sont révélées nombreuses : vous l’avez dit, c’est plus d’un tiers des articles du texte sénatorial que nous avons adopté.
Bien sûr, le paradoxe de toute nouvelle lecture, quel que soit le texte de loi, est que la discussion, si consensuelle soit-elle, se focalise nécessairement sur les points de désaccord qui peuvent demeurer. Voilà pourquoi, avant d’engager le débat, j’aimerais que nous prenions un instant de la hauteur pour saluer à sa juste valeur la large adhésion que suscitent les principaux objectifs de la réforme visant à renouveler l’action publique.
Gardons à l’esprit les progrès réels que le texte apportera à la vie de nos concitoyens dès que nous l’aurons adopté, et surtout dès que nous l’aurons mis en pratique. Je l’ai toujours affirmé, l’élément essentiel du projet réside dans les trois piliers de son titre I : passer d’une administration qui sanctionne à une administration qui conseille ; disposer d’une administration que ses avis engagent auprès de nos concitoyens ; et, surtout, d’une administration qui soit dans une posture de dialogue. C’est une révolution culturelle que nous devons opérer, en construisant des parcours autour des citoyens au lieu de demander aux citoyens de subir les parcours administratifs.
À cet instant, monsieur le ministre, je repense moi aussi à Alexandre, à son épouse Justine et à leur fille Manon. Vous nous aviez parlé d’eux en nous lisant la lettre qu’ils vous avaient envoyée. Je ne sais pas si ce sont des Français types, mais ce qu’ils disaient vivre avec l’administration ressemble fortement à ce dont nombre de nos concitoyens font l’expérience.
Je souhaite qu’en 2022, à la fin de la législature, un Alexandre puisse ne pas être sanctionné, c’est-à-dire ne pas perdre ses droits ni payer de pénalités, s’il a fait une erreur dans sa déclaration à l’URSSAF. Il bénéficiera de ce qui va devenir, j’en suis certain, l’un des marqueurs de ce quinquennat : le droit à l’erreur. En cas de désaccord, il pourra même recourir, comme il en aura désormais l’habitude, au médiateur des URSSAF, s’épargnant du temps et de l’argent ainsi qu’à l’administration.
Je souhaite qu’en 2022 Manon, sa fille, qui aura grandi et qui accomplira désormais seule ses démarches administratives, n’ait plus à fournir sa feuille d’imposition ou son justificatif de domicile, grâce à France Connect. En cas de doute, elle pourra même joindre l’administration concernée par téléphone en utilisant, bien sûr, un numéro non surtaxé.
M. Gérald Darmanin, ministre
Et même gratuit !
M. Stanislas Guerini, rapporteur
Je ne veux pas multiplier ici les exemples, mais on peut lire dans l’histoire de cette famille de Tourcoing l’objectif cardinal du texte de loi : que chacun puisse retrouver confiance dans l’État.
Redonner confiance dans l’État, c’est aussi redonner confiance et fierté aux agents du service public. À cet instant, je pense à mon grand-père, qui a consacré toute sa carrière à l’État. Il était fonctionnaire. Je l’ai toujours entendu parler de l’administration non comme d’un métier, mais comme d’un engagement, et toujours avec fierté. Cette fierté, ce sens, nous les avons parfois – souvent – perdus.
M. Jean-Charles Colas-Roy
Bravo !
M. Stanislas Guerini, rapporteur
Cette réforme, ces principes que nous inscrivons dans la loi doivent aussi être une première étape de l’évolution qui permettra de redonner du sens à l’organisation de la fonction publique et de rendre à chaque agent public confiance et fierté au quotidien.
Mes chers collègues, nous devons prendre toute notre part à ce renouveau de l’action publique et de l’État, au-delà même du vote de la loi. Il nous appartient ainsi de veiller à son application stricte par des décrets publiés rapidement – merci, monsieur le ministre, de l’engagement essentiel que vous avez pris ici à ce sujet ; de nous assurer du bon déroulement des différentes expérimentations ; d’être les aiguillons d’une élaboration concertée des projets d’ordonnances, et même, allant plus loin encore, les porteurs de la révolution culturelle que doivent opérer les administrations. Voilà pourquoi nous attachons autant d’importance à l’installation du conseil de la réforme, qui devra nous permettre de relever ce défi.
C’est encore le temps du débat ; place au débat, donc. Mais le temps de l’action s’approche. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Gérald Darmanin, ministre
Ça faisait longtemps !
M. Ugo Bernalicis
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous nous retrouvons pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.
Je vais d’abord m’attarder sur son article 1er, qui me semble déterminant. Il s’agit en effet d’adopter le programme « Action publique 2022 », renommé « AP 2022 » pour faire bien.
M. Gérald Darmanin, ministre
Ça n’a rien à voir !
M. Ugo Bernalicis