Séance du mercredi 27 juin 2018
- Présidence de M. François de Rugy
- 1. Questions au Gouvernement
- Pensions de réversion
- Service national universel
- Filière bois
- Plan mercredi pour les activités périscolaires
- Affectation des fonctionnaires dans les outre-mer
- Prochain conseil européen
- Politique migratoire européenne
- Principe de laïcité et organisation de l’islam de France
- Moyens des services de renseignement
- Avenir de l’Union européenne
- Politique migratoire
- Réforme des retraites
- Caméras piétons dans les polices municipales
- Grand Paris
- Situation des urgences hospitalières
- 2. Programmation militaire pour les années 2019 à 2025
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. François de Rugy
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au Gouvernement
M. le président
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Pensions de réversion
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maquet, pour le groupe Les Républicains.
M. Emmanuel Maquet
Madame la ministre des solidarités et de la santé, les différentes prises de parole sur les pensions de réversion n’ont pas éteint l’incendie allumé par Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites, qui disait vouloir les supprimer.
M. Marc Le Fur
Tout à fait !
M. Emmanuel Maquet
Les Français n’oublieront pas la brutalité avec laquelle cette question a été posée, ce qui, d’ailleurs, en dit long sur votre manière de concevoir la solidarité entre les conjoints.
M. Pierre Cordier
Il a raison !
M. Emmanuel Maquet
Depuis une semaine, vous jouez sur les mots en prétendant qu’il n’y aura pas de suppression. Mais nous gardons tous en mémoire l’augmentation de 25 % de la CSG – la contribution sociale généralisée –, qui témoigne de votre obsession à considérer les retraités comme des privilégiés. Nous finissons par connaître votre méthode et sommes d’autant plus inquiets que vos déclarations n’excluent pas une diminution de l’enveloppe pour les futurs retraités.
Les pensions de réversion, je le rappelle, concernent 4,5 millions de veufs et de veuves, dont 90 % de femmes, pour lesquelles c’est une source de revenu primordiale, alors que, par dévouement pour leur famille et leurs enfants, elles n’ont pas eu l’opportunité de réaliser une carrière professionnelle continue. Ces pensions incarnent l’attachement de la nation à l’union entre deux êtres, car une vie d’efforts partagés justifie que les revenus soient mis en commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
S’y attaquer, c’est non seulement bafouer l’engagement d’une vie, mais aussi mettre en danger des millions de femmes, pour lesquelles c’est le dernier rempart contre la pauvreté. C’est l’honneur de la France, madame la ministre, que de consacrer ces efforts à la défense des plus fragiles. Mettre leur sort « sur la table », comme vous dites, en empruntant une expression au vocabulaire des businessmen, c’est une nouvelle provocation et la porte ouverte à l’harmonisation par le bas.
Madame la ministre, les Français veulent savoir si vous condamnez les propos de Jean-Paul Delevoye. Ils ont besoin d’entendre que cette enveloppe sera réellement sanctuarisée. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Alain David, Mme Muriel Ressiguier et M. Hubert Wulfranc
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Monsieur Maquet, ce ton polémique, qui cherche encore une fois à attiser les peurs, est totalement inutile ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Si les inquiétudes sont légitimes, permettez-moi de clarifier le débat une énième fois.
M. Jean-Marie Sermier
Répondez plutôt !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Clairement, la discussion que le haut-commissaire…
M. Pierre Cordier
Commissaire politique !
Mme Agnès Buzyn, ministre
…a menée avec les partenaires sociaux est exemplaire. Tous les sujets sont débattus et ont fait l’objet d’une concertation longue et profonde. Un site internet permet à tous les Français d’y contribuer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Je rappelle qu’il y a eu plus de 100 000 votes et plus de 17 000 contributions, ce qui prouve que les Français veulent intervenir dans cette réforme, non pas pour polémiquer mais pour être constructifs. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.) Il ne s’agit aucunement de faire disparaître les pensions de réversion ; il n’en a été question à aucun moment. Vous n’avez pas le monopole de la défense des veuves et des orphelins ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) C’est un devoir, qui fait partie de notre pacte social. Les pensions de réversion s’adressent évidemment aux femmes qui n’ont pas travaillé et se sont occupées de leurs enfants, qui étaient aux côtés de leur mari et n’ont pas cotisé. Ces pensions subsisteront.
En revanche, il n’est pas interdit d’être lucide, quand on voit qu’il existe treize régimes différents, des inégalités et des injustices !
M. Pierre Cordier
Restez calme !
Mme Agnès Buzyn, ministre
C’est contre ces inégalités et ces injustices que nous travaillons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Nous consacrerons l’ensemble du temps qui nous sera nécessaire, dans les six mois à venir, à construire tous ensemble un système de retraite juste, lisible et équitable pour les familles. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier
Comme la hausse de la CSG !
Mme Agnès Buzyn, ministre
La solidarité persistera, c’est un engagement du haut-commissaire et de moi-même.
M. Fabien Di Filippo
De la ministre de l’injustice !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Elle persistera à même hauteur qu’aujourd’hui car nous le devons aux familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Service national universel
M. le président
La parole est à M. Christophe Blanchet, pour le groupe La République en marche.
M. Christophe Blanchet
Madame la ministre de la défense, engagement de campagne du Président de la République, le rétablissement d’un service national apparaît aujourd’hui essentiel et déterminant.
M. Fabien Di Filippo
Accessoire ! Trop cher !
M. Christophe Blanchet
Il est plébiscité par une grande majorité de nos compatriotes, et notre jeunesse – une des plus engagées d’Europe – a le désir de donner du sens à son avenir et de s’impliquer dans la vie de notre communauté nationale tout en gardant la liberté de choisir son engagement. Dans une logique d’inclusion et de mixité sociale, le service national de demain sera universel : il s’adressera aux garçons comme aux filles, juste avant leur majorité.
M. Fabien Di Filippo
Pour quoi faire ?
M. Christophe Blanchet
Le service national universel, SNU, doit offrir aux jeunes l’opportunité de s’investir, de travailler, de créer, de s’exprimer et d’exister.
M. Fabien Di Filippo
Ils le font déjà !
M. Christophe Blanchet
Ce SNU n’est pas une obligation, c’est une nécessité. Une nécessité pour l’avenir de notre société, animée par chacun de ces jeunes citoyens porteurs d’un intérêt pour le vivre ensemble et les valeurs de la République. Ce SNU sera une étape charnière pour ces jeunes qui, en sortant de leur quotidien, vivront des temps partagés, non virtuels. C’est aussi cela, l’épanouissement !
Les jeunes doivent trouver une utilité immédiate à ce SNU, qui diffusera dans toute la société les valeurs républicaines : respect, civisme…,
Mme Valérie Lacroute
Bla-bla-bla !
M. Christophe Blanchet
…mixité, goût de l’effort, utilité, humilité, dévouement, solidarité, responsabilité, sens du devoir, résilience et fraternité. (« La question ! » sur les bancs du groupe LR.)
M. Guy Teissier
Baratin !
M. Christophe Blanchet
L’ancien service militaire nous a enrichis d’une expérience de vie unique et fédératrice autour d’une conscience nationale. Le SNU peut s’en inspirer, mais il doit surtout répondre aux enjeux contemporains et s’inscrire dans un monde et une société qui ont évolué.
M. Maxime Minot
Et la question ? Il n’y a pas de question ?
M. Christophe Blanchet
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles seront les grandes lignes de ce service…
Mme Valérie Lacroute
Ce n’est pas la peine, vous l’avez fait !
M. Christophe Blanchet
…ainsi que le calendrier prévu, pour permettre à tous de s’associer à son élaboration et lui assurer l’adhésion de tous les Français, et en priorité des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur quelques bancs du groupe MODEM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Blanchet, le service national universel est un projet de société qui correspond aux idéaux que vous avez rappelés.
M. Fabien Di Filippo
Une gabegie !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Nous voulons une société de confiance, une société de l’engagement, du sens collectif, de la fraternité et du brassage social…
M. Fabien Di Filippo
Une société communautariste ! Une société inégalitaire !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
…où tous les enfants du pays peuvent se retrouver à certains moments pour rendre service. Nous voulons une société où chacun et chacune se sente utile, ensemble.
M. David Habib
Cela fait un an que vous êtes au pouvoir ! Vous avez tout raté ! Un an d’échecs !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Voilà les buts que nous poursuivons. C’est pourquoi, pour cette grande politique publique, comme pour toutes les autres, il faut d’abord et avant tout se poser la question du pourquoi.
M. Thibault Bazin
Et du comment !
M. Fabien Di Filippo
Et du combien !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Quel est le sens de tout cela ? Il s’agit, très concrètement, de cultiver l’engagement chez les jeunes de notre pays.
M. Christian Hutin
Ils ne sont pas très contents, les jeunes !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Ils ne demandent que cela, toutes les enquêtes et auditions le prouvent. Le groupe de travail, en place depuis plusieurs mois, a permis de définir quelques grandes lignes de force du futur dispositif.
M. Pierre Cordier
Il coûtera 4 milliards d’euros !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Aujourd’hui, le Premier ministre nous a dit en conseil des ministres ce que seraient ces grandes lignes. Au cours des prochains mois, nous organiserons une nouvelle concertation visant à entendre tous les acteurs de ce grand projet et à en définir le format.
M. Pierre Cordier
On va ouvrir les casernes !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Un premier temps d’environ un mois, qui concernera les jeunes de seize ans, sera un moment d’intégration et pourra être suivi d’un temps plus long – six ou neuf mois, peut-être davantage –, basé sur le volontariat, à l’instar du service civique, qui permettra à certains jeunes de s’engager dans des buts d’intérêt général dont nous avons tant besoin… :
M. Fabien Di Filippo
Mais ça existe déjà, arrêtez !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
…le développement durable, la défense, les enjeux de santé ou de lutte contre l’illettrisme. Bref, c’est un grand projet pour notre pays et pour notre jeunesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)
Filière bois
M. le président
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
Mme Sophie Auconie
Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, les professionnels de la première transformation du bois, notamment des scieries de chêne, dans mon département de Touraine et plus généralement en France, connaissent depuis plusieurs années des difficultés d’approvisionnement en matière première. La mise en place du label UE par l’Office national des forêts, l’ONF, participe de la volonté de pérenniser l’outil de transformation du bois national et d’assurer un développement équilibré de la filière bois dans son ensemble. Afin d’apporter une réponse aux entreprises de sciage de chêne en proie aux difficultés d’approvisionnement, les services de l’État en région ont pour mission de réunir localement l’ensemble des parties prenantes pour partager un diagnostic et identifier les solutions à mettre en œuvre à partir, notamment, d’engagements pris réciproquement entre les acteurs économiques – exploitants forestiers ou scieurs.
En parallèle, l’ONF expérimente actuellement le déploiement d’un site de vente en ligne et de bourse en ligne, permettant d’améliorer la visibilité de l’offre de bois des forêts publiques, et notamment des lots de chêne labellisé. Le ministère entend-il encourager le développement de ce type de site internet pour les forestiers privés ? Enfin, le plan en gestation de la filière feuillus sera essentiel pour l’avenir des scieries de chêne. Il sera accompagné d’un nouveau dispositif de financement, conçu avec Bpifrance. Monsieur le ministre, ce dispositif sera-t-il destiné à tous les acteurs de la filière ou particulièrement axé sur la modernisation de notre outil de sciage afin de réduire les tensions entre scieurs et exploitants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame Auconie, je vous prie d’excuser Stéphane Travert, actuellement au banc du Sénat. Vous m’interrogez sur la filière bois ; la bonne nouvelle, c’est qu’on ne peut pas faire pire qu’hier ! On a une marge de progression importante. Cela fait des années que nous nous désespérons – à raison – de voir nos chablis partir en Chine et revenir sous forme de parquet. Dorénavant, on va s’organiser différemment parce que la filière présente un énorme potentiel économique, écologique et énergétique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur quelques bancs des groupes UDI-Agir et LR.) Afin de résoudre les difficultés d’approvisionnement, le Gouvernement a engagé des actions structurantes. Début 2018, il a confié à M. Jean-Yves Caullet, président de l’ONF, une mission d’appui à la clarification de l’organisation de la filière bois, qui permettra de resserrer les liens entre les différents acteurs de la filière. Ce rapprochement, conformément à vos souhaits, améliorera la qualité du dialogue entre toutes les familles professionnelles, de l’amont à l’aval, dans la perspective de développer cette filière d’avenir qui représente un levier majeur en matière de création de valeur ajoutée, de services environnementaux, de développement des énergies renouvelables et de lutte contre le changement climatique.
Bien sûr, le développement de cette filière devra se faire en respectant la biodiversité. France bois forêt et France bois industries entreprises ont été invités à travailler avec France bois régions à l’élaboration d’un plan de la filière feuillus, comme vous l’espériez. Ce plan est attendu dans les prochains jours. Simultanément, nous travaillons à un nouveau dispositif de financement, conçu avec Bpifrance, qui sera mis en œuvre dans le cadre du Grand Plan d’investissement, le GPI. Le volet agricole du GPI déploie également des outils en faveur de l’amont de la filière. Dans quelques semaines, nous allons signer, avec quatre ministres, le contrat de la filière bois fixant les grands projets amont et aval, car la structuration de la filière passera aussi par les débouchés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Plan mercredi pour les activités périscolaires
M. le président
La parole est à M. Gaël Le Bohec, pour le groupe La République en marche.
M. Gaël Le Bohec
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, dès votre prise de fonctions, vous avez donné la priorité à l’école maternelle et primaire, en dédoublant les classes de CP et de CE1 en septembre dernier, et en ouvrant les écoles sur le monde, en particulier avec les pratiques artistiques et sportives, notamment avec l’opération Rentrée en musique. Enfin, en septembre prochain, l’instruction sera obligatoire à partir de trois ans.
Cependant, un chiffre doit nous interpeller. Vous avez permis aux communes, au nom de leur autonomie et de leur liberté, de revenir à la semaine de quatre jours, et 80 % d’entre elles ont effectivement fait ce choix. Vous avez pris acte de cette situation et annoncé, il y a une semaine, la mise en place du plan mercredi pour un accueil de loisirs éducatifs destiné aux enfants. Un projet éducatif territorial, labellisé « plan mercredi » devra être construit par les communes sur la base d’une charte de qualité.
Les maires sont pragmatiques : ils s’interrogent sur la force et la durée de l’engagement de l’État dans la conduite de ce plan. Celui-ci doit être guidé par un seul objectif : agir pour l’intérêt des enfants, en matière d’éducation, de cohésion sociale et de bien-être, afin de les aider, dès le plus jeune âge, à devenir les citoyens de demain.
J’en viens à mes deux questions, monsieur le ministre.
Où les activités relevant de ce plan seront-elles organisées ? Il semble intéressant de conserver un ancrage au sein même des établissements scolaires pour permettre aux élèves de percevoir l’école autrement, au travers d’activités variées.
Ce plan permettra-t-il de faciliter l’accès aux activités périscolaires de tous les enfants, y compris les plus défavorisés ? Il ne faut pas oublier, en effet, que notre pays compte 3 millions d’enfants pauvres, soit un sur cinq. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale
Monsieur Le Bohec, le plan mercredi répond à un besoin, celui d’avoir une vision complète, globale, dense, du temps de l’enfant. Il ne faut plus se concentrer sur la question du nombre de jours d’école hebdomadaires, quatre ou quatre jours et demi. Ce qui compte, c’est que les cinq journées de la semaine, du lundi matin au vendredi soir, soient intelligentes, avec des mercredis utiles pour tous les enfants de France, a fortiori les plus défavorisés d’entre eux.
Nous devons donc à nouveau nous demander : pour quoi ? Nous faisons cela pour que tous les enfants puissent s’épanouir grâce à des activités complémentaires à celles qui ont lieu pendant le temps scolaire. Nous devons nous intéresser au contenu du temps scolaire aussi bien qu’au contenu du temps périscolaire, et veiller en particulier à la qualité de celui-ci. C’est pourquoi le plan mercredi a une visée sociale – vous avez bien fait de le souligner, monsieur le député.
M. David Habib
Et les collectivités locales ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Il permettra aussi de soutenir les collectivités locales.
M. David Habib
Ah, enfin ! Vous alliez les oublier, comme d’habitude !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Il a été conçu pour elles. Les communes formuleront, dans le cadre du plan mercredi, un projet éducatif que l’État soutiendra financièrement.
Le plan a en outre été conçu de façon très interministérielle, notamment avec Agnès Buzyn, puisque les caisses d’allocations familiales participeront à cette politique. Grâce au soutien apporté par l’État aux projets des communes dans le cadre du plan mercredi, celles-ci ne toucheront plus seulement 55 centimes, mais 1 euro par heure et par élève. C’est donc aussi un plan de soutien aux communes, une réponse pragmatique et concrète à tous ceux qui soulignent les difficultés sociales et les problèmes que rencontrent les collectivités locales.
La dimension qualitative sera évidemment très importante. Le plan mercredi sera en effet un label de qualité, et toutes les communes de France sont invitées à élaborer un projet susceptible de le recevoir. Elles ont déjà dit, par la voix de leurs élus, combien elles sont intéressées.
C’est donc un plan à la fois pour les communes et pour les enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Affectation des fonctionnaires dans les outre-mer
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Jean-Philippe Nilor
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, Audrey, une enseignante vacataire martiniquaise de vingt-cinq ans, vient d’obtenir son CAPES – certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du secondaire. Elle est par ailleurs responsable d’un grand ballet regroupant une centaine d’enfants à qui elle dispense bénévolement des cours de soutien scolaire. Elle a pourtant reçu l’injonction de quitter son académie d’origine pour rejoindre Versailles à la rentrée prochaine – et certainement pas pour y mener une vie de château ! C’est malheureusement ce que vivent chaque année nos lauréats des concours : pour eux, la quête d’une titularisation se transforme en un déracinement vécu comme une sanction, qui les affecte sur les plans financier, familial et humain.
Vous me répondrez qu’il s’agit de concours nationaux et qu’une mission a été confiée à ce sujet au président de la délégation aux outre-mer. Soit, mais quel paradoxe ! D’un côté, nos territoires subissent des suppressions de postes drastiques, aggravant les difficultés de nos élèves et imposant l’exil à nos lauréats.
M. Éric Straumann
Ce n’est pas le cas uniquement chez vous !
M. Jean-Philippe Nilor
De l’autre côté, nos académies accueillent chaque année bon nombre d’enseignants non originaires. Il est donc indispensable, à terme, d’adopter des dispositions dérogatoires et expérimentales, notamment afin de renforcer la prise en compte des intérêts matériels et moraux, et de donner la priorité au recrutement régional.
Au-delà des tragédies individuelles que j’ai évoquées, l’insularité, l’éloignement, le chômage endémique, le vieillissement démographique et surtout la perte sèche d’habitants – 4 500 par an rien que pour la Martinique – doivent être pris en compte. Outre les suppressions de postes et la liquidation des contrats aidés, nous n’en pouvons plus de voir nos pays se vider de leurs forces vives par vagues successives !
Monsieur le ministre, les syndicats, les enseignants, les parents et toute la communauté scolaire sont déjà mobilisés. Au nom d’Audrey et de tous les autres, je vous demande quelles mesures concrètes, équitables et immédiates vous entendez prendre pour mettre fin à cette saignée. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe NG.)
Mme Caroline Fiat
Très bien !
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale
Monsieur Nilor, je suis très sensible à cette question très importante, d’autant que je connais les situations humaines que vous évoquez – ayant été, comme vous le savez, recteur outre-mer, je vois parfaitement de quoi vous parlez. Il faut considérer cette question à la fois sous l’angle de notre institution, qui est nationale, sous l’angle des intérêts des personnes concernées et sous l’angle de l’intérêt des élèves.
En premier lieu, je tiens à souligner qu’une attention particulière est portée aux territoires d’outre-mer dans la préparation de la rentrée. Vous avez eu raison de rappeler les problèmes démographiques bien réels que connaissent ces territoires. Je signale cependant que nous n’avons pas vraiment réduit le nombre de postes puisque la Martinique aura le taux d’encadrement le plus favorable de France à la rentrée prochaine. Nous portons donc vraiment une attention particulière aux territoires d’outre-mer.
En second lieu, du point de vue des personnels, le problème que vous évoquez a toujours existé car les concours sont nationaux. Comme vous le savez, nous prenons en compte, dans l’examen des vœux d’affectation, le centre des intérêts matériels et moraux des personnels concernés, en bonifiant le nombre de points qui leur sont attribués. J’ai demandé qu’une attention particulière soit portée à ce critère cette année, ce qui a permis de porter le taux de satisfaction des demandes à 77 % pour les territoires d’outre-mer, alors qu’il n’est que de 40 % à l’échelle nationale.
Nous devons continuer à prendre en compte la question, tout en respectant les grands principes de fonctionnement du service public. Le député Olivier Serva sera chargé d’une mission afin d’examiner comment nous pouvons progresser, non seulement dans l’intérêt des personnels mais aussi dans celui des élèves. Car les deux coïncident généralement : le bien-être des enseignants est aussi favorable aux élèves. Je resterai donc très attentif. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Prochain conseil européen
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Ardouin, pour le groupe La République en marche.
M. Jean-Philippe Ardouin
Ma question s’adresse à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, le Président de la République l’a dit dans son discours de la Sorbonne : « Ce qui manque le plus à l’Europe aujourd’hui, […] c’est une culture stratégique […] ».
M. Fabien Di Filippo
Quel sacré donneur de leçons !
M. Jean-Philippe Ardouin
Le 9 mai dernier, Emmanuel Macron se voyait remettre le prix Charlemagne, à Aix-la-Chapelle, des mains de la chancelière allemande Angela Merkel, récompense de son engagement européen pour la paix, après des récipiendaires aussi prestigieux que François Mitterrand, Helmut Kohl ou encore Simone Veil. Au-delà de cette récompense, le chef de l’État a pu aborder les thèmes majeurs et renforcer l’axe franco-allemand, axe essentiel à la réussite du projet de l’Union.
M. Pierre-Henri Dumont
Vous y croyez vraiment ?
M. Jean-Philippe Ardouin
Les actions présidentielles renforcent l’image de la France à l’international, une France plus dynamique et ouverte sur le monde.
Le conseil européen de cette semaine est d’une importance définitive. La France devra y réaffirmer sa volonté forte pour réussir l’Europe de la sécurité, de la défense et une politique commune en matière migratoire. Les dirigeants doivent également continuer à s’entendre pour assurer aux Européens emploi, croissance et compétitivité pour nos entreprises. Avec le nouveau gouvernement allemand et sa nécessité de composition politique, notre pays apparaît comme le seul État porteur d’une ambition pour l’Europe face à des obstacles non négligeables. Ce conseil revêt donc une importance capitale dans l’approfondissement de la coopération et de la réussite du marché commun actuel. Sous l’impulsion du Président de la République, nous devons mettre en œuvre ce projet de nouvelle Europe à l’heure où les eurosceptiques ont connu des succès électoraux dans plusieurs États membres et pèseront dans les négociations en marge de ce conseil.
Un député du groupe LR
Et ce n’est pas fini !
M. Jean-Philippe Ardouin
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les initiatives qu’entend prendre la France dans la perspective du prochain conseil européen pour continuer à être la locomotive de la coopération entre les États, à un an de l’échéance des élections européennes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien Di Filippo
Cette situation n’est pas claire !
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Laurent Furst
La mafia bretonne est terrible ! (Sourires.)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Monsieur le député, l’Europe est face à son destin, vous avez raison de le souligner. L’Europe peut se déliter. L’Europe est menacée dans son unité et dans ses fondamentaux si elle ne relève pas des défis collectifs qu’elle doit assumer. Et c’est le sens des grands enjeux qui vont être soumis demain et après-demain au conseil européen :…
M. Jean-Paul Lecoq
Trop tard !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
…qu’il s’agisse de l’enjeu migratoire, dont on a beaucoup parlé et qui a fait l’objet d’un mini-sommet dimanche dernier,…
M. Laurent Furst
Avec un mini-résultat !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
…avec des objectifs clairs, en s’appuyant sur les deux principes que sont la solidarité et la responsabilité ; qu’il s’agisse des enjeux de défense que vous avez évoqués, sur lesquels de grandes avancées ont été obtenues en vue d’affirmer l’autonomie stratégique de l’Union européenne – mais il faudra la réaffirmer lors du conseil – ; qu’il s’agisse des enjeux relatifs au commerce, suite aux décisions américaines sur l’acier et sur l’aluminium, qui ont amené une réponse européenne coordonnée et proportionnée qu’il faut saluer, mais ce sera aussi un des sujets à l’ordre du jour ; qu’il s’agisse du Brexit, sur lequel les négociations progressent malheureusement insuffisamment, en particulier sur la question de la frontière anglo-irlandaise ; …
M. Fabien Di Filippo
La réponse est encore pire que la question !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
…qu’il s’agisse, enfin, de la réforme de la zone euro, et vous avez eu raison de rappeler le compromis franco-allemand historique réalisé il y a quelques jours lors du sommet de Meseberg.
Mme Amélie de Montchalin
Très bien !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
Tout cela, monsieur le député, forme un enjeu considérable pour ce conseil européen, qui va être déterminant pour notre avenir collectif. Et je souhaite, comme vous, que ce conseil puisse permettre à l’Europe de retrouver sa force de proposition et sa force de stabilité dans un monde en proie à une dérégulation accélérée contre laquelle nous devons lutter ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Politique migratoire européenne
M. le président
La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
M. Jean-Louis Bourlanges
Monsieur le ministre d’État, face au drame de l’asile et des migrations, à la veille d’un conseil européen chargé de périls, l’Union européenne traverse à la fois une crise de solidarité, d’unité et de volonté. Ce qui rend cette crise moralement terrifiante, c’est qu’elle se déroule sur un fond de remise en cause des valeurs humanistes et démocratiques qui fondent le pacte européen depuis 1950 ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
Mme Muriel Ressiguier
Très juste !
M. Jean-Louis Bourlanges
Ce qui la rend administrativement ingérable, c’est que partout, dans la fausse Europe de Dublin, dans la défense bec et ongles des frontières, des comptabilités et des approches exclusivement nationales, nous trouvons le refus de l’altruisme et de la mutualisation ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe FI.) Ce qui rend cette crise intellectuellement incompréhensible, c’est que face à un problème d’ampleur historique qui requiert des solutions à long terme, les Européens ont le nez sur le guidon et multiplient les expédients et les défausses.
M. Fabien Di Filippo
N’importe quoi !
M. Jean-Louis Bourlanges
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre d’État, que les problèmes de gestion ne peuvent recevoir de réponse que si nous en sortons politiquement par le haut ? La question des finalités de notre action ne doit-elle pas être posée avant que nous nous épuisions sur la querelle des modalités ?
L’Union et les États ne peuvent pas transiger sur les principes de solidarité humaine fixés dans les conventions internationales (Applaudissements sur divers bancs) mais, pour le reste, le problème des migrations se pose en termes profondément renouvelés ; renouvelés par l’augmentation massive des flux, renouvelés par la fragilité croissante des distinctions entre les différentes catégories de migrants politiques, économiques et climatiques, renouvelés par la dimension d’un problème qui se pose à tout le monde et impose une construction multilatérale, renouvelés enfin par la prise de conscience des difficultés anthropologiques d’une intégration que nous découvrons chaque jour culturellement plus difficile, administrativement plus exigeante.
M. le président
Je vous remercie, mon cher collègue.
M. Jean-Louis Bourlanges
Monsieur le ministre d’État, le devoir de l’Europe n’est-il pas de tout changer dans ses pratiques afin de rester fidèle à ses valeurs ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur de nombreux bancs des groupes LaREM, UDI-Agir et FI.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Monsieur le député, je suis complètement d’accord avec votre analyse : l’Union européenne fait d’abord face aujourd’hui à une crise de sa politique en matière de migrations, beaucoup plus qu’à une crise migratoire proprement dite.
M. Pierre Cordier
Vous venez de dire le contraire !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
Les chiffres sont à eux seuls révélateurs : en 2015, plus d’un million de personnes sont arrivées en Europe par voie terrestre ou maritime ; en 2018, il y en aura moins de 100 000. Le sujet n’est donc pas l’aggravation des migrations, mais bien la crise politique autour des migrations et du type de migrations, ce que vous avez évoqué et qu’il nous faut traiter, une crise qui travers l’Europe même si le chiffre a beaucoup diminué.
M. Fabien Di Filippo
C’est une crise migratoire, pas politique !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
C’est une crise de nature politique parce que ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est à la fois nos valeurs et notre avenir. Et il y a des divergences sur ces points.
Nos valeurs, ce sont celles de solidarité et d’humanisme que vous avez rappelées,…
M. Éric Coquerel
Ce n’est pas ce que vous faites !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
…des éléments fondamentaux de la construction européenne.
Quant à notre avenir, il s’agit bien de la relation que nous, Européens, voulons avoir par rapport à cet immense défi que représentent l’avenir de l’Afrique et nos relations avec ce continent.
Et c’est cela qu’il nous faut mener ensemble, parce que le cavalier seul amènera à l’échec, que ce soit aujourd’hui ou demain. C’est l’enjeu des propositions que fera la France, par la voix du Président de la République, en matière migratoire. Il s’agit de renouveler pour affirmer d’une nouvelle manière à la fois notre responsabilité collective, notre rigueur et notre respect du droit, mais aussi la solidarité et l’humanisme, fondements de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Principe de laïcité et organisation de l’islam de France
M. le président
La parole est à M. Éric Pauget, pour le groupe Les Républicains.
M. Éric Pauget
Monsieur le Premier ministre, notre pacte républicain repose sur les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité. L’appropriation et l’acceptation de ces valeurs fondent notre culture, c’est-à-dire ce qui nous relie, nous rassemble et nous unit. N’en déplaise au Président de la République, cette culture française existe, monsieur le Premier ministre. N’en déplaise au Président de la République, les termes « mâles blancs » ne s’inscrivent pas dans notre ADN républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Christian Jacob
Très bien !
M. Éric Pauget
Sa vision communautariste à l’anglo-saxonne n’est pas la nôtre.
Or notre pays doit faire face à la montée des revendications communautaires à caractère religieux. Or le fondamentalisme islamique se diffuse avec violence sur notre territoire. Jusqu’à ces dernières années, la menace terroriste était malheureusement venue des réseaux djihadistes. Mais elle s’étend : nous apprenons en effet que des individus suspectés de préparer des attentats contre nos concitoyens musulmans, sur notre sol, ont été arrêtés.
À l’évidence, monsieur le Premier ministre, les mesures sécuritaires ne suffisent plus pour préserver la cohésion nationale. Il est donc essentiel de réaffirmer clairement notre attachement à la laïcité et à la loi de 1905. Nos concitoyens s’inscrivent dans un système de valeurs et une pratique religieuse qui s’insèrent sans heurts dans notre corpus républicain. Il est donc essentiel de réaffirmer avec force notre attachement à la laïcité, qui assure la neutralité de l’État vis-à-vis des religions. Nous éviterons ainsi les crispations que connaît, hélas, notre société.
Alors, monsieur le Premier ministre, ma question sera double. Le Gouvernement va-t-il tenir enfin la promesse du candidat Macron qui avait assuré vouloir réorganiser, en accord avec nos valeurs républicaines, l’islam de France ? Pouvez-vous en outre confirmer, devant la représentation nationale, qu’aucune loi religieuse, je dis bien aucune, ne peut l’emporter sur les lois de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Monsieur Pauget, le Président de la République a eu l’occasion de le redire : c’est la laïcité qui s’applique en France.
M. Pierre Cordier
Cela ne veut rien dire.
M. Gérard Collomb, ministre d’État
Mais il entendait le mot au sens d’Aristide Briand, qui, dans son rapport à la Chambre des députés, disait de la loi de 1905 que c’était une loi de liberté : la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer la religion de son choix, pourvu qu’elle n’apporte aucun trouble à l’ordre public. Nous restons fidèles à cette vision de la loi de 1905, qui ne revient pas à nier les religions mais à leur demander de s’inscrire dans l’ordre républicain.
Nous sommes d’ailleurs en train de travailler pour que puisse naître en France un islam en adéquation avec ces règles de la République. Aujourd’hui, celles et ceux que l’on entend dévoient en effet trop souvent cette religion. Nous voulons que l’immense majorité des musulmans de France qui entendent vivre leur foi dans le respect des règles de la République puissent se lever et dire : l’islam, ce n’est pas cela, c’est la religion que nous pratiquons tous les jours en accord avec les lois républicaines ! Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que nous voulons faire en France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
Moyens des services de renseignement
M. le président
La parole est à M. Thomas Rudigoz, pour le groupe La République en marche.
M. Thomas Rudigoz
Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, en début de semaine, les services de la direction générale de la sécurité intérieure ont mené une vaste opération dans les milieux d’extrême droite à travers l’ensemble du pays. Ainsi, dix individus ont pu être interpellés et sont toujours en garde à vue. Les premiers éléments laissent à penser qu’ils souhaitaient s’en prendre à nos concitoyens de confession musulmane, comme vient de le rappeler notre collègue du groupe Les Républicains.
Mme Frédérique Meunier
Ça n’a rien à voir !
M. Thomas Rudigoz
Il y a un an déjà, un projet d’attentat par un groupuscule d’extrême droite avait été déjoué par vos services, monsieur le ministre d’État, dans le Sud de la France. Cette succession d’événements vient nous rappeler combien le risque terroriste provenant des groupuscules d’extrême droite est bel et bien réel et présent sur l’ensemble du territoire national.
M. Guy Teissier
Et les black blocs ?
M. Thomas Rudigoz
C’est pourquoi, mes chers collègues, je tiens à rendre un hommage appuyé à toutes nos forces de sécurité, tout particulièrement à nos services de renseignement, qui se mobilisent partout pour combattre toutes les menaces terroristes pesant sur notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
En effet, nous avons tous ici parfaitement conscience de l’état de la menace, qui reste très élevée dans notre pays. Celle-ci est malheureusement protéiforme, de la radicalisation djihadiste à l’ultra-droite en passant par les black blocs d’extrême gauche. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.) Mais toutes, finalement, partagent le même objectif : briser notre unité nationale et républicaine.
Depuis un an maintenant, notre majorité, aux côtés du Gouvernement et du Président de la République, assume la difficile tâche de protéger les Français et de leur permettre de vivre en paix. Du vote de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme à l’augmentation des budgets du ministère de l’intérieur en passant par le recrutement sans précédent de policiers, de gendarmes et d’agents de renseignement, nous agissons, mes chers collègues, pour faire face à cette menace.
Néanmoins, les chantiers sont encore nombreux pour atteindre l’objectif fixé. Monsieur le ministre d’État, quelles actions comptez-vous mener afin de conforter les services de renseignement français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Monsieur Rudigoz, vous l’avez rappelé, dix personnes ont été interpellées samedi dernier, sur l’ensemble du territoire national, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte le 14 juin dernier.
Mme Frédérique Meunier
Donc tout va bien !
M. Gérard Collomb, ministre d’État
Elles avaient l’intention de fomenter un certain nombre d’actions contre la communauté musulmane. J’ai eu l’occasion de le dire la semaine dernière au Sénat : nous ne laisserons personne mener des projets d’actions violentes contre aucun de nos concitoyens.
Mme Émilie Chalas et M. Thomas Rudigoz
Très bien !
M. Guy Teissier
Gonflette !
M. Gérard Collomb, ministre d’État
Nous voulons que celles et ceux qui veulent commettre des actes contre la communauté musulmane soient arrêtés et sanctionnés.
M. Saïd Ahamada
Bravo !
M. Gérard Collomb, ministre d’État
Nous voulons que celles et ceux qui entendent mener des actes à l’encontre de la communauté juive soient arrêtés et sanctionnés.
M. Thomas Rudigoz
Très bien !
M. Gérard Collomb, ministre d’État
Nous voulons que celles et ceux qui entendent commettre des actes contre des chrétiens soient arrêtés et sanctionnés.
M. Jean-Louis Bourlanges
Bravo !
M. Gérard Collomb, ministre d’État
Oui, notre loi est celle de l’ordre républicain, un ordre qui protège l’ensemble de nos concitoyens, quelle que soit leur sensibilité politique, philosophique ou religieuse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
M. Pierre Cordier
Bisounours !
M. Gérard Collomb, ministre d’État
C’est cela qui fonde notre République : nous voulons vivre dans une société apaisée !
M. Fabien Di Filippo
Pour l’instant, vous avez échoué.
M. Gérard Collomb, ministre d’État
Toutes celles et tous ceux qui veulent effectivement semer le trouble et la haine dans cette société seront arrêtés et jugés ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
Avenir de l’Union européenne
M. le président
La parole est à Mme Valérie Thomas, pour le groupe La République en marche.
Mme Valérie Thomas
Ma question s’adresse à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, en septembre dernier, le Président de la République exprimait à la Sorbonne son ambition pour la refondation d’une Europe souveraine, unie, démocratique. Or, en un an, nos repères ont vacillé. Les équilibres mondiaux et européens ont évolué dans un sens qui nous rend au mieux circonspects et surtout inquiets, avec l’entrée de l’extrême droite dans un gouvernement de coalition en Autriche, les pays du groupe de Visegrád arc-boutés sur leur volonté de repli, les louvoiements des négociations du Brexit et la coalition des populistes dans un pays fondateur, l’Italie. L’Union retrouve ce soir son sens de la tragédie, où elle semble faillir en une nuit.
Pourtant, à la Sorbonne, le Président de la République avait donné un élan formidable et affirmé la volonté de la France de redevenir un moteur pour l’Europe.
M. Fabien Di Filippo
Il s’est ratatiné !
M. Pierre-Henri Dumont
Il est tout seul, abandonné, Macron !
Mme Valérie Thomas
Définissant l’Europe de 2024, son discours a livré plusieurs clés pour l’avenir de notre Union : l’Europe de la défense ; la souveraineté de nos frontières communes, en préservant nos valeurs ; l’écriture d’une nouvelle page de notre diplomatie commune en direction de l’Afrique ; l’Europe comme le continent de l’avant-garde en matière de transition écologique ; la souveraineté dans l’usage du numérique, au service de l’innovation et de l’industrie ; une union monétaire puissante, avec un budget de la zone euro visant les convergences fiscales et sociales.
M. Fabien Di Filippo
Peut-être faudrait-il faire des choix ?
Mme Valérie Thomas
Cette ambition ne peut reposer que sur une démocratie européenne robuste. Le Président l’a forgée pour notre jeunesse, pour lui garantir une Union souveraine, là où elle semble ne pouvoir compter désormais que sur elle-même.
M. Raphaël Schellenberger
C’est quoi, la question ?
Mme Valérie Thomas
Derrière le brouillard des dernières semaines, qu’en est-il, monsieur le ministre, des nouveaux pavés sur le chemin de la construction européenne qui ont été posés en septembre à la Sorbonne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Madame la députée, vous avez raison de rappeler en cet instant les points importants de ce que l’on a appelé le « discours de la Sorbonne », que le Président de la République avait prononcé à la veille d’un sommet européen majeur et que j’ai déjà évoqué tout à l’heure en répondant à deux questions différentes.
Les éléments de la refondation européenne reposent sur trois principes : il faut une Union européenne plus juste, plus ouverte, plus protectrice. Depuis le discours de la Sorbonne, sur ces trois sujets, l’Union européenne a progressé.
D’abord, pour ce qui est du projet d’une Union plus juste, il y eut successivement le sommet des chefs d’État et de gouvernement à Göteborg, qui a permis d’établir le socle européen des droits sociaux, puis la révision de la directive sur les travailleurs détachés, que personne ne croyait possible mais qui va devenir une réalité, puis l’engagement de la Commission européenne en faveur d’une fiscalité plus juste et plus efficace, avec la proposition de taxation des entreprises numériques, et enfin, il y a quelques jours, l’accord sur la réforme de la zone euro. Vous voyez que dans ce domaine, les progrès sont significatifs.
C’est vrai aussi s’agissant du projet d’une Europe plus ouverte. Nous avons souhaité, avec le Président de la République, faire en sorte que les citoyens soient au cœur du projet européen. Les consultations citoyennes se développent dans toute l’Europe afin de mobiliser l’Union européenne face à son avenir.
Quant au projet d’une Europe plus protectrice, les efforts et les engagements en matière de défense ont été très significatifs sous l’impulsion de Florence Parly, pour ce qui concerne tant la coopération structurée permanente que l’initiative européenne d’intervention. Tout cela correspond au socle de ce qui avait été dit par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne. C’est la voie à suivre pour que demain l’Europe conforte sa puissance, son autonomie stratégique et sa force économique. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Politique migratoire
M. le président
La parole est à M. Olivier Faure, pour le groupe Nouvelle Gauche.
M. Olivier Faure
Monsieur le Premier ministre, il y a un an, le candidat Macron prétendait que la chancelière allemande était, sur la question migratoire, « l’honneur de l’Europe ».
M. Pierre Cordier
Il était socialiste, à l’époque !
M. Olivier Faure
Un an plus tard, c’est à une organisation non gouvernementale française et à son bateau, l’Aquarius, que votre gouvernement a refusé un port.
Plusieurs députés du groupe LaREM
C’est faux !
M. Pierre-Henri Dumont
Ils ont quand même pris les migrants !
M. Olivier Faure
C’est maintenant une organisation non gouvernementale allemande que le Président accuse d’être d’un « cynisme terrible ».
M. Guy Teissier
C’est vrai !
M. Olivier Faure
Il reprend ainsi une accusation qui était jusqu’alors le privilège de l’extrême droite italienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.– Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Où est le cynisme, monsieur le Premier ministre ? Chez ceux qui appliquent la convention de Genève ou chez ceux qui affichent leur compassion au Vatican pour mieux, « en même temps », délégitimer l’action des ONG ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur quelques bancs du groupe FI.)
M. Pierre Cordier
Et où sont les socialistes italiens ?
M. Olivier Faure
La vérité, c’est que nous sommes loin de toute « submersion ». L’an passé, ce sont moins de 200 000 réfugiés qui sont entrés en Europe, alors que nous comptons 500 millions d’habitants.
Mme Valérie Rabault et Mme Cécile Untermaier
Très bien !
M. Olivier Faure
Vous emboîtez le pas de ceux qui pensent que tout se règle à coups de murs. Nous voulons au contraire changer la donne. L’Europe s’est mobilisée pour sauver ses banques ; elle doit le faire pour sauver des vies.
Que faire ? En finir avec le règlement de Dublin, qui fait peser l’accueil des réfugiés sur les pays du Sud. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.– Mme Danièle Obono applaudit aussi.) Lui substituer un droit d’asile européen, qui fasse correspondre pays d’accueil et capacité d’intégration des réfugiés.
Mme Valérie Rabault
Très bien !
M. Olivier Faure
Réfléchir à un système de quotas pour les migrants économiques. Enfin, parce que tout se mêle, climat, développement, situation géopolitique, il est urgent que la France prenne l’initiative d’une conférence internationale sur les migrations, en vue d’aboutir à de nouveaux accords de Paris.
Monsieur le Premier ministre, après l’Allemagne, après l’Espagne, quand serons-nous, à notre tour, l’honneur de l’Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Fabien Di Filippo
ministre des passoires !
M. Pierre Cordier
ministre des réceptions !
Mme Valérie Beauvais
Directeur de campagne !
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Monsieur le député, vous évoquez la chute importante du nombre de migrants qui traversent la Méditerranée. Il est vrai qu’en l’espace de six mois, si l’on compare les six premiers mois de cette année aux six derniers de l’année précédente, on note une diminution de 77 % de ce nombre. Comment cela s’est-il fait ?
M. Olivier Faure
Ce n’est pas la question !
M. Gérard Collomb, ministre d’État
Cela s’est fait d’abord grâce aux accords qu’avait passés l’ancien gouvernement italien avec les autorités libyennes, ensuite grâce à l’action que mène le Président de la République pour rétablir une autorité en Libye, enfin grâce à celle que nous menons auprès de certains pays, comme le Niger. Un certain nombre d’entre nous ont participé à la conférence de Niamey, que la France a organisée avec tous les pays de la région. Depuis que le Niger s’est engagé, on ne voit plus, comme c’était le cas par le passé, des centaines et des centaines de personnes mourir dans le désert.
Cela, nous le faisons en même temps – oui, en même temps ! – qu’une politique de solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe NG.) Et s’agissant du cas particulier du Lifeline, il n’est pas acceptable que ce bateau ait coupé ses balises, qu’il ait refusé de répondre aux messages des autorités maritimes et qu’il se soit prévalu indûment du pavillon néerlandais. (Mêmes mouvements.) Mais parce que les migrants n’en sont pas responsables, une équipe de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides est d’ores et déjà présente sur place et huit pays ont décidé ensemble… (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.– Exclamations sur les bancs des groupes NG et LR.)
M. le président
Merci, monsieur le ministre d’État.
M. Christian Hutin
Il n’a pas répondu à la question !
M. Olivier Faure
C’est lamentable !
Réforme des retraites
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour le groupe La France insoumise.
M. Bastien Lachaud
Madame la ministre des solidarités et de la santé, hier et aujourd’hui, plusieurs de mes collègues vous ont interrogée à propos des retraites, en particulier des pensions de réversion des veuves. Vos réponses sont insuffisantes pour comprendre ce qui est en jeu et ce que le Gouvernement prépare. Vous avez fait l’éloge du principe des pensions de réversion des veuves, et c’est heureux. Il serait intolérable que les personnes concernées, en plus de la douleur du deuil, soient sanctionnées financièrement. Pourtant, les femmes risquent d’être les grandes perdantes, une nouvelle fois, de la réforme des retraites.
Un député du groupe LR
C’est ce qui se prépare !
M. Bastien Lachaud
Avec un système par points, pas de réversion possible, car les points sont des cotisations individuelles non transférables. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe FI.) De plus, il est faux de dire qu’1 euro cotisé pourrait donner les mêmes droits, car, entre les riches et les pauvres, l’espérance de vie diffère de treize ans.
Qu’avez-vous donc trouvé pour garantir les droits familiaux et une retraite suffisante en cas de veuvage ? Pour éviter de répondre précisément à la question de fond, vous avez affirmé que des concertations sont en cours. Mais les concertations ne servent qu’à entériner ce que vous avez déjà décidé et que vous imposerez.
Vous dites que les systèmes de pension seront harmonisés en un système plus juste. Aussi je vous repose la question, de façon non pas polémique, mais constructive (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR) : qu’entendez-vous précisément par-là ? Quels critères d’harmonisation le Gouvernement entend-il utiliser ?
M. Olivier Marleix
Très bien !
M. Bastien Lachaud
Pouvez-vous affirmer que le système de retraite par répartition ne sera pas remis en cause et ne sera remplacé par un système par points ou par capitalisation ?
M. Fabien Di Filippo
Et pas de pipeau !
M. Bastien Lachaud
La loi PACTE – plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises – comporte de nombreuses mesures de défiscalisation pour les plans d’épargne retraite. Cela augure-t-il d’une déconnexion des retraites des cadres du système général, avec l’encouragement de la retraite par capitalisation ? Comptez-vous mettre en œuvre un système de retraite au rabais pour tous, en gageant que les plus riches, eux, pourront se payer une retraite par capitalisation ?
Ma question est simple : pouvez-vous garantir que l’harmonisation des systèmes de retraite se fera vers le haut, que, contrairement à la hausse de la CSG, aucune petite retraite ne sera lésée et qu’aucune veuve ne sera perdante avec le nouveau système ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et NG.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Avec vous, monsieur Lachaud, on pourrait avoir tendance à l’immobilisme. (Protestations sur les bancs du groupe FI.) Cela ne vous dérange pas qu’il y ait treize régimes de pensions de réversion différents, avec des iniquités entre eux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.) Je vous rappelle que l’égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause du quinquennat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Fabien Di Filippo
Pour l’instant, c’est raté !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Nous travaillons donc avec les partenaires sociaux, les citoyens et les élus à une concertation très large afin de réformer notre système de retraite et de le rendre plus juste, plus lisible, plus équitable et plus compréhensible pour les Français, et, surtout, afin que nos jeunes aient confiance en l’avenir, car ils ne croient pas, aujourd’hui, qu’ils auront jamais accès à un régime de retraite pérenne. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Fabien Di Filippo
Répondez à la question !
M. Vincent Descoeur
Vous ne répondez pas aux questions qu’on vous pose !
Mme Agnès Buzyn, ministre
S’agissant des pensions de réversion versées aux femmes, je veux vous rassurer. Nous travaillons sur trois thématiques.
M. Sébastien Chenu
La baisse, la baisse et la baisse !
Mme Agnès Buzyn, ministre
La première est celle du système redistributif et solidaire, qui prend en compte les droits non contributifs, liés à la maladie, à la maternité et au chômage.
M. François Pupponi
Répondez à la question, elle est simple ! Il faut prendre un engagement !
Mme Agnès Buzyn, ministre
La deuxième est l’évolution de la société, qui implique l’examen des droits familiaux. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes penchés sur les pensions de réversion, avec le haut-commissaire à la réforme des retraites et les partenaires sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
La seule question qui se pose, évidemment, est celle de l’égalité entre les hommes et les femmes. L’objectif est d’améliorer la situation en la matière, et la première façon de le faire est de travailler sur la question des salaires, comme s’y emploie Muriel Pénicaud.
Nous ne savons pas ce que sera le système des pensions de demain. (« Ah ! » sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier
Et voilà ! Elle l’a dit !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Nous ne savons pas quel sera le dispositif de réversion dans le futur système, mais il n’a pas vocation à disparaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LR, NG, FI et GDR.)
M. le président
Merci, madame la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre
L’objectif est de recueillir les avis de chacun, les avis des partenaires sociaux, des citoyens, des parlementaires. (Mêmes mouvements.)
Quel système voulons-nous pour demain ?…
M. le président
Merci.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, sur plusieurs bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir. – Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.)
Caméras piétons dans les polices municipales
M. le président
La parole est à Mme Anissa Khedher, pour le groupe La République en marche.
Mme Anissa Khedher
Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Florent Boudié, s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Dans son discours du 22 mai dernier, le Président de la République a réaffirmé que la sécurité est un élément indispensable de toute nouvelle politique pour nos quartiers prioritaires. Cet engagement s’illustre notamment par la mise en place prochaine de la police de sécurité du quotidien, grâce à laquelle seront déployés plus de 1 300 agents dans soixante quartiers prioritaires. Son objectif est de permettre aux brigades de proximité de retisser un lien de confiance avec les habitants et, ainsi, d’apaiser les tensions.
M. Fabien Di Filippo
Et concrètement, ça donne quoi ? C’est le plan bisounours ?
Mme Anissa Khedher
Ce rôle de proximité est également dévolu à nos polices municipales, qui ont la mission essentielle d’assurer la sécurité publique.
Toutefois, nos agents municipaux, souvent en première ligne, sont de plus en plus confrontés à une agressivité croissante. Le 5 juin dernier, dans ma circonscription, à Vaulx-en-Velin, des regains de violence ont conduit au caillassage des locaux de la police municipale.
M. Sébastien Chenu
Sortez les paravents !
Mme Anissa Khedher
Cette violence ne permet pas à nos agents de travailler dans les conditions de sécurité qu’ils méritent. Elle dégrade un peu plus le lien de confiance entre les habitants et les agents de police.
Une expérimentation, qui s’est terminée début juin, a permis d’équiper les policiers municipaux,…
M. Sébastien Chenu
De paravents !
Mme Anissa Khedher
…sur demande du maire, de caméras portatives individuelles enregistrant leurs interventions. Elle a été un succès et a prouvé que le dispositif fonctionne. Celui-ci a en effet fait chuter de manière significative l’agressivité à laquelle les agents sont confrontés, tout en assurant le respect des libertés de chacun, en accord avec la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Outre qu’il constitue une protection pour nos policiers, ce dispositif permet également de rassurer l’usager.
Plusieurs députés du groupe LR
Le temps de parole est écoulé, monsieur le président !
M. le président
Merci, ma chère collègue…
Mme Anissa Khedher
Monsieur le ministre d’État, pour que nos policiers municipaux puissent continuer à travailler en sécurité et assurer leur mission de proximité avec les habitants, allez-vous transformer l’essai et généraliser ce dispositif ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Charles de la Verpillière
Il aura bien mérité son salaire, cet après-midi ! (Sourires.)
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Vous avez eu raison de rappeler, madame Khedher, les efforts que le Gouvernement entreprend en faveur du rétablissement de la sécurité dans les quartiers en difficulté.
M. Christian Jacob
Ça ne se voit pas !
M. Fabien Di Filippo
C’est le ministre qui a écrit la question, on dirait !
M. Gérard Collomb, ministre d’État
C’est pour eux que nous avons créé les quartiers de reconquête républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Cette mesure se traduit par un nombre accru de policiers dans ces quartiers et par la priorité donnée à l’équipement numérique ! Oui, nos policiers peuvent désormais agir de manière plus efficace parce qu’ils sont équipés de tablettes et de smartphones grâce auxquels ils ont un accès immédiat aux fichiers. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes LR, NG et GDR.)
M. Fabien Di Filippo
C’est sans doute plus efficace que la kalachnikov !
M. Gérard Collomb, ministre d’État
Les policiers sont aussi équipés, comme vous l’avez souligné, de caméras piétons. (« Ah ! » sur les bancs des
Les polices municipales ont eu droit, comme vous l’avez souligné, à une expérimentation qui a duré un an et s’avère extrêmement positive. Aussi voulons-nous la pérenniser. Une proposition de loi, déposée et votée au Sénat en ce sens, sera examinée prochainement par l’Assemblée nationale. Cela permettra aux policiers municipaux d’agir, eux aussi, avec efficacité. Nous aurons ainsi créé un continuum de sécurité entre police nationale et police municipale ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir. – Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Grand Paris
M. le président
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
M. Pierre-Yves Bournazel
Monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, le Président de la République a confié à l’architecte et urbaniste Roland Castro un rapport sur l’invention d’un « nouveau modèle de métropole mondiale ».
Il est en effet nécessaire de redonner du sens à un projet du Grand Paris qui s’essouffle dans les méandres des multiples structures administratives.
M. Robin Reda
C’est vrai !
M. Pierre-Yves Bournazel
Oui, il faut voir Paris en grand. Oui, le Grand Paris doit avoir pour objectif de créer davantage de cohérence entre les territoires et de cohésion entre ses habitants.
Nous attendons les annonces de réformes du Président de la République touchant ce grand projet métropolitain. Paris, la région, la métropole, les collectivités sont en attente, parce qu’elles ont besoin de se projeter dans l’avenir.
M. Christian Jacob
Monsieur Griveaux pourrait-il répondre, plutôt ?
M. Pierre-Yves Bournazel
L’enjeu est vital pour accroître notre attractivité et pour transformer la vie quotidienne de millions de « grands Parisiens ».
M. Éric Ciotti
Monsieur Griveaux ?…
M. Pierre-Yves Bournazel
Pour réussir concrètement le Grand Paris, il faut l’aborder dans un certain état d’esprit. Ce ne peut pas être Paris contre sa banlieue : il faut apprendre à travailler ensemble. Cet état d’esprit demande parfois de penser contre soi-même, de ne pas se dire que l’on a toujours raison contre tout le monde et contre l’évidence.
M. Laurent Furst
Eh ben !
M. Pierre-Yves Bournazel
Chacun doit prendre conscience du fait que l’on ne peut réussir le défi de la ville-monde que collectivement, en dépassant les intérêts et les clivages politiques et territoriaux, comme Gérard Collomb a d’ailleurs su le faire avec la métropole de Lyon (Exclamations, rires et applaudissements sur les bancs du groupe LR) et avec des élus de différentes sensibilités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Thibault Bazin
Il est en marche !
M. Pierre-Henri Dumont
Il veut l’investiture !
M. Fabien Di Filippo
Si, avec ça, vous ne la lui donnez pas…
M. Pierre-Yves Bournazel
Comment créer cet esprit de confiance entre tous les acteurs à l’échelle du Grand Paris ?
Monsieur le secrétaire d’État, comment les collectivités et les citoyens seront-ils associés à la mission prospective de M. Castro ? Quand pouvons-nous espérer avoir une vision claire de la réforme qu’annoncera le Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)
M. Christian Jacob
Si, après ça, il n’a pas l’investiture d’En marche…
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement
Monsieur le député, Gérard Collomb a déjà répondu à trop de questions pour répondre aussi à la vôtre (Exclamations sur les bancs du groupe LR), même si le modèle lyonnais aurait en effet pu être une source d’inspiration.
Au-delà de ce modèle, la région Île-de-France n’a attendu personne – ni l’État, ni les collectivités – pour se développer, et heureusement. Car la région Île-de-France est déjà dans les faits, pour les Franciliens qui y vivent, qui y travaillent, qui y étudient, qui y sortent, l’incarnation du mouvement. Elle est déjà en chantier, qu’il s’agisse des entreprises qui s’y installent et des emplois qui s’y créent, des nouvelles opérations de logement et d’aménagement ou de l’offre de transports en commun – le Grand Paris Express.
Ce que les habitants attendent, vous l’avez rappelé à juste titre, c’est que nous proposions, pour cette métropole mondiale, un modèle métropolitain plus inclusif, qui prenne en considération la diversité. Car il y a dans cette métropole de grandes poches de richesse, mais aussi de grandes poches de fragilité et de pauvreté.
La métropole doit également offrir un terrain d’action enthousiasmant aux entreprises françaises et internationales. L’Île-de-France est le poumon économique de notre pays – avec Lyon (Sourires). Il faut qu’elle reste un lieu d’innovation et de développement dont la réussite doit profiter à tous les Français.
La mission que le Président de la République a confiée à Roland Castro, architecte connu de tous, repose sur l’idée de partir du réel, de regarder le Grand Paris tel qu’il est aujourd’hui, du point de vue géographique, urbain, économique et social, et, à partir de ce diagnostic, de proposer non pas un modèle d’organisation territoriale – beaucoup d’études ont déjà été faites en la matière – mais un projet.
Ce projet sera remis cet été au Président de la République, qui se prononcera à son sujet à l’automne. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et UDI-Agir et sur les bancs du groupe MODEM.)
Situation des urgences hospitalières
M. le président
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Mme Élodie Jacquier-Laforge
Madame la ministre des solidarités et de la santé, près de 1 350 médecins vous ont adressé en septembre 2017 une lettre ouverte, ce qui témoigne de la gravité de la situation. Ils souhaitent l’ouverture d’une discussion sur la pénurie médicale que l’on constate, et qui s’aggrave depuis des décennies, ainsi que l’élaboration d’un moratoire sur la fermeture des lits, des services, des établissements, sur la réduction des effectifs et sur le rééquilibrage de la gouvernance des établissements.
Tous s’inquiètent de la dégradation des situations locales. Toutes les spécialités sont concernées ; je vous ai d’ailleurs récemment saisie à propos de la pénurie de pédopsychiatres ou encore d’orthophonistes. Madame la ministre, ils sont prêts à tenir, malgré les difficultés, s’ils entrevoient enfin des améliorations.
Or, à l’approche de l’été, la situation des urgences est particulièrement préoccupante et pose la question des conditions de sécurité des soins et d’accueil des malades.
M. Gilles Lurton
C’est vrai !
Mme Élodie Jacquier-Laforge
Celles-ci sont souvent indignes et parfois dramatiques : les récents décès survenus aux urgences en sont la triste illustration.
Le nombre de patients admis aux urgences a atteint un nouveau record en 2016, avec 21 millions de passages enregistrés. Nous devons tous être responsables et ne nous rendre aux urgences que pour les véritables urgences médicales. Mais que répondre aux personnes qui vivent dans des régions où même les maisons de santé sont saturées, où les généralistes sont absents ou n’acceptent plus de nouveaux malades ? Que répondre aux parents d’enfants de moins de cinq ans qui sont blessés et qu’aucun service d’urgences n’accepte de soigner ?
Je prendrai l’exemple de mon département, l’Isère, mais chacun d’entre nous, j’en suis certaine, pourrait malheureusement en citer un autre dans sa circonscription. Ma collègue Nadia Essayan me parlait justement il y quelques minutes des difficultés de Bourges. À l’hôpital de Voiron, donc, le service mobile d’urgence et de réanimation, le SMUR, a récemment dû fermer une journée entière, privant 150 000 habitants d’un service d’urgences en raison de l’absence d’un médecin qui ne pouvait être remplacé. Ce n’est pas acceptable !
Nous héritons de cette situation, mais je vous demande, madame la ministre, quel sera demain notre modèle de santé et comment vous y associerez les professionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur de nombreux bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Madame la députée, je vous remercie bien entendu de votre question.
Hélas, le constat que vous établissez ne date pas d’hier. Nous l’avons dressé dès notre arrivée.
M. Fabien Di Filippo
Vous n’avez rien fait depuis !
Mme Agnès Buzyn, ministre
La situation résulte du fait qu’un certain nombre de décisions n’ont pas été prises depuis une vingtaine, voire une trentaine d’années. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Avec le numerus clausus, nous avons formé moins de 4 000 médecins par an entre 1977 et 2005. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Marc Fesneau applaudit également.) Nous en payons aujourd’hui le prix. Nous en sommes à plus de 8 000 médecins formés, mais il faut le temps de les former. Ces décisions n’étaient pas judicieuses, c’est le moins que l’on puisse dire.
Ensuite, nous avons effectivement un problème d’organisation des soins. Nos services hospitaliers sont débordés, parce que la médecine de ville ne permet pas de prendre en charge certains soins urgents. Cela nécessite une meilleure coopération entre la ville et l’hôpital. Nous allons y arriver grâce à de nouvelles tarifications.
Enfin, nous devons donner plus de place aux professionnels paramédicaux dans la prise en charge des malades chroniques : cela libérera du temps médical et permettra aux médecins de se recentrer sur leur valeur ajoutée.
Quant aux urgences, c’est une question qui nous concerne évidemment tous. Il faut réserver les passages aux urgences aux maladies graves. Il faut impérativement une pédagogie citoyenne pour éviter que l’on aille systématiquement vers la solution la plus simple – les urgences. Nous allons également réorganiser les soins non programmés ; le rapport du député Thomas Mesnier va beaucoup nous aider à opérer cette transformation du système de santé.
Nous y travaillons. Les annonces seront faites dans le courant de l’été. Sont concernés la médecine de ville, la médecine hospitalière, les médecins, les professions paramédicales. Les élus sont bien entendu associés à la concertation, car ils sont aux premières loges pour aider nos concitoyens.
Les Français peuvent avoir confiance dans leur système de santé : il sera au rendez-vous, grâce aux professionnels et grâce à la transformation que nous menons. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.)
M. le président
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Hugues Renson.)
Présidence de M. Hugues Renson
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Programmation militaire pour les années 2019 à 2025
Commission mixte paritaire
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (nos 659, 1091).
Présentation
M. le président
La parole est à M. Jean-Jacques Bridey, président de la commission de la défense nationale et des forces armées et rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur de la commission mixte paritaire
Monsieur le président, madame la ministre des armées, mes chers collègues, le 20 mars dernier, il y a un peu plus de trois mois, lorsque je vous ai présenté mes observations en tant que rapporteur sur le présent projet de loi de programmation militaire, j’ai indiqué que je poursuivais deux objectifs. Je souhaitais, premièrement, que nous puissions collectivement enrichir ce texte. Il était déjà bien fourni, mais nous pouvions trouver des marges pour l’enrichir, et je pense que nous y sommes parvenus. Je voulais, deuxièmement, que ce projet de loi soit adopté après une seule lecture dans chaque assemblée, à l’issue d’une commission mixte paritaire « conclusive », comme nous le disons habituellement. Tel a été le cas de la CMP qui s’est réunie la semaine dernière, et je m’en félicite. Si ce résultat a pu être atteint, c’est, je dois le dire, parce que nous avons tous su travailler ensemble, en commission et dans l’hémicycle, afin d’enrichir le texte – j’y reviendrai tout à l’heure.
Ce résultat a aussi été rendu possible par le travail d’une dizaine de jours que nous avons mené avec nos collègues sénateurs, principalement avec M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, que je remercie pour son écoute, sa disposition à échanger et ses efforts de pédagogie, qui nous ont permis de faire aboutir ce texte.
Permettez-moi, madame la ministre, de remercier également l’ensemble de votre cabinet, auprès duquel nous avons toujours trouvé une écoute durant ces trois mois et qui a apporté des réponses très précises à toutes les questions que nous avons pu poser. Cet échange a lui aussi facilité la construction de ce projet loi de programmation militaire et la mise au point d’un texte conclusif à l’issue de la CMP.
Au cours de toutes ces discussions, j’ai rencontré, sur tous les bancs de l’hémicycle et chez les nombreux sénateurs présents à la CMP, au-delà de nos différences politiques, un double souci : celui de donner à nos armées les moyens d’exercer les missions que le Président de la République et le Gouvernement leur confient ; celui de nous donner les moyens de réaliser les objectifs fixés par cette loi de programmation militaire. C’est avec cette double ambition que nous avons pu créer les conditions d’une conclusion positive de la CMP.
Les versions du texte votées respectivement par l’Assemblée et par le Sénat n’étaient certes pas identiques, mais elles n’étaient pas non plus si différentes que cela. Notre démarche a abouti parce que nous avons partagé, je le répète, les mêmes ambitions. Je prendrai seulement trois exemples.
Le premier concerne la sécurisation des ressources budgétaires fixées par cette LPM. C’était l’un des objectifs, nous l’avions tous répété, et je pense que nous l’avons réalisé. Au-delà de ce que nous, députés, avions inscrit dans le texte, les sénateurs ont voulu ajouter trois dispositions, que je vous propose de retenir.
La première, débattue ici même, a trait au financement du service national universel, à propos duquel le Premier ministre a fait des annonces ce matin. Il est désormais inscrit dans ce projet de loi de programmation militaire que la création ou le rétablissement du service national universel n’aura, bien entendu, aucun impact sur les finances ni sur les effectifs prévus par ce même texte.
Ensuite, les sénateurs ont voulu inclure deux facteurs dans le calcul du coût des opérations extérieures : le coût des carburants et l’usure des équipements, hors titre 5. Je vous propose de retenir cette deuxième disposition.
Enfin, toujours au titre de la sécurisation des ressources budgétaires, il est désormais précisé que, hors circonstances particulières, la part retenue pour le ministère des armées dans le financement interministériel des opérations extérieures ne pourra pas excéder la part que représente son budget dans celui de la nation.
Deuxième exemple d’enrichissement sur lequel nous avons abouti : le renforcement du contrôle du Parlement. Au-delà des visites sur pièces et sur place que nous avions réintroduites et de la fourniture par le Gouvernement de bilans détaillés de l’exécution de la loi de programmation militaire, le Sénat a souhaité revenir sur la délégation parlementaire au renseignement, qui existe désormais depuis dix ans. Nous sommes convenus que les deux assemblées et le Gouvernement travailleront ensemble pour dresser un bilan des pouvoirs et des actions de la délégation, et réfléchiront à la manière d’accroître ses moyens humains et ses moyens d’investigation, afin que le Parlement exerce un véritable contrôle sur les services de renseignement.
Troisième et dernier exemple : l’amélioration des conditions de vie de nos soldats et des conditions d’exercice de leurs missions. Au-delà du renforcement du plan famille et des droits spécifiques à congé des militaires, le Sénat a souhaité avancer sur le congé opposable du réserviste, dont nous avons porté la durée à huit jours pour toutes les entreprises de plus de 250 salariés, et sur les conditions d’éligibilité des militaires. Sur ce dernier point, nous avons trouvé un consensus : les militaires pourront se présenter aux élections municipales dans les communes de moins de 9 000 habitants ; les militaires ainsi élus pourront participer à la désignation des grands électeurs sans toutefois avoir le droit d’être candidats à cette fonction.
Enfin, le texte inclut deux amendements gouvernementaux adoptés par le Sénat, l’un concernant les mesures de surveillance des communications électroniques internationales, l’autre relatif à l’extension aux sous-traitants du dispositif de contrôle des coûts de revient des marchés publics.
Mes chers collègues, au début du mois, quelques-uns d’entre nous participaient, à Quiberon, à un exercice des marines française et britannique. La semaine dernière, certains m’ont accompagné sur la base d’Istres, à l’occasion du retrait du Mirage 2000N et de son remplacement par le Rafale, la base devant être dorénavant constituée exclusivement de ces avions. Enfin, je reviens de trois jours d’immersion dans un régiment de militaires de l’armée de terre, à Metz. J’ai pu visiter leur terrain d’entraînement, à Mourmelon, et j’arrive de Lille où je les ai accompagnés dans une mission relevant de l’opération Sentinelle.
Je n’ai pas à exprimer les attentes de nos militaires, car vous les connaissez aussi bien que moi et les avez entendues lors de vos visites : elles concernent leurs conditions de vie familiale et professionnelle, les conditions de leur entraînement et de l’exercice de leurs missions, la qualité de leurs équipements et matériels. Ces femmes et ces hommes prennent leurs responsabilités, au quotidien, pour assurer notre sécurité et notre tranquillité. Dans tous nos débats, en commission comme en séance, ici comme au Sénat, nous les avons tous défendus, pas toujours dans les mêmes termes, mais en leur apportant toujours notre plein soutien. Cette CMP vient clore le temps des débats ; il nous revient désormais d’agir collectivement comme le font nos armées : avec efficacité.
À nous, donc, d’agir tout de suite en votant ce texte, puis demain, aux côtés de nos armées et de nos soldats, pour vérifier l’exécution de la loi de programmation militaire et en évaluer les effets et la portée. C’est notre travail. Les armées attendent avec impatience le vote de cette loi de programmation. Je vous propose donc d’adopter le texte de la CMP, un bon texte qui donnera à notre armée les moyens nécessaires pour s’affirmer, à l’horizon 2025 puis 2030, comme une armée au format complet, moderne et encore plus efficace. Telle est l’ambition du Gouvernement et du Président de la République, et notre ambition collective. N’oublions pas que nos armées assurent notre sécurité : à nous d’assurer la leur et leur avenir, et montrons que nous avons tous confiance en ces hommes et femmes et en leurs actions. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, un an à peine, c’est le temps qui se sera écoulé entre le début des travaux de la revue stratégique et la lecture, aujourd’hui, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation militaire. Je voulais d’abord remercier chacun d’entre vous pour son implication, son travail et sa détermination à mener à bien l’examen de ce texte, en commission comme en séance publique.
La défense nationale est un enjeu qui dépasse très largement les clivages politiques et partisans, et je remercie tous ceux qui l’ont prouvé une fois de plus pendant ce débat, tous ceux qui ont choisi de parler d’idées plutôt que d’adopter des postures. Aujourd’hui, surtout, vous avez décidé d’envoyer un message fort à nos armées, qui sera entendu non seulement à quelques kilomètres d’ici, à Balard, mais aussi jusqu’aux dunes du Mali. Vous dites à nos armées que les restrictions sont finies, et que le temps du renouveau commence.
Avec ce texte, la France se donne tous les moyens pour respecter l’engagement du Président de la République de consacrer 2 % du produit intérieur brut à la défense d’ici à 2025. Vous offrez à nos forces les moyens d’accomplir leur mission, et de se régénérer enfin. Vous mettez, pour la première fois, le soldat, le marin et l’aviateur au centre de la loi de programmation militaire, en leur permettant de disposer de petits équipements neufs, en leur donnant de nouveaux droits, en prenant des mesures pour nos blessés. Vous permettez à nos armées de disposer plus vite d’équipements nouveaux, plus modernes et plus adaptés aux nouveaux théâtres d’opération. Je l’avais dit en présentant ce texte, beaucoup d’équipements de nos armées sont plus vieux que l’âge moyen des députés de cette assemblée : cela ne pouvait plus durer.
Avec ce texte, vous misez sur les coopérations et sur l’Europe. Vous préparez des armées modernes, adaptées aux conflits de demain, avec plus de moyens pour nos services de renseignement et la lutte dans le cyberespace. Enfin, cette loi de programmation va permettre à nos armées de se tourner résolument vers l’avenir et l’innovation. Elle augmente de plus d’un tiers le budget de la recherche et de la technologie. Elle permet de continuer la transformation de nos armées, et cette fois-ci de façon non pas subie, mais choisie.
Mesdames, messieurs les députés, vous allez voter la première loi de programmation militaire en expansion depuis la fin de la guerre froide, et avec ce vote, vous allez lancer la remontée en puissance de nos armées. Finalement, c’est maintenant que les choses sérieuses commencent. La loi de programmation militaire doit, en effet, être appliquée, les chantiers de transformation doivent être menés et les équipements livrés en temps et en heure. Nous le devons à nos armées et à tous les Français qui comptent sur nos forces pour les protéger. Ce travail, nous le mènerons conjointement. Votre mission de contrôle, que vous avez justement renforcée, commence maintenant. Je compte sur votre vigilance, comme je sais compter aussi sur votre soutien.
Pour terminer, je voudrais insister sur ce qui est, à mes yeux, essentiel : ce texte, que nous avons conçu et que vous avez enrichi, prévoit des moyens pour nos forces armées, car ce sont elles qui prennent tous les risques pour notre sécurité et notre liberté. Elles sont le seul guide de notre action, et nous ne devons jamais l’oublier. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir et NG.)
Motion de rejet préalable
M. le président
J’ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai eu l’occasion de souligner, en première lecture, les défauts que nous trouvons à cette loi de programmation militaire. Elle est marquée par l’autoritarisme et le dogmatisme qui caractérisent la politique d’Emmanuel Macron sur tous les sujets.
Est en effet dogmatique l’objectif, rappelé par Mme la ministre, de consacrer 2 % du PIB à la défense – un objectif fixé par l’OTAN et les États-Unis, comme en attestent les commu