XVe législature
Session ordinaire de 2017-2018
Séance du vendredi 20 avril 2018
- Présidence de M. Hugues Renson
- Suspension et reprise de la séance
- 1. Immigration maîtrisée, droit d’asile effectif et intégration réussie
- Discussion des articles (suite)
- Article 9 bis
- Après l’article 9 bis
- Article 10 A
- Mme Mathilde Panot
- M. Fabien Di Filippo
- Amendements nos 620, 663, 767 et 635
- Article 10 B
- Mme Bénédicte Taurine
- Amendements nos 314 et 631
- Article 10
- Mme Danièle Obono
- Mme Laurence Dumont
- M. Christophe Blanchet
- M. Fabien Di Filippo
- Mme Elsa Faucillon
- Amendements nos 316, 825, 158, 925, 541, 1012, 542, 924, 207 rectifié et 230
- Après l’article 10
- Avant l’article 11
- Amendement no179
- Article 11
- Mme Séverine Gipson
- Mme Valérie Boyer
- M. Benoit Potterie
- M. Thomas Rudigoz
- M. Alain Ramadier
- M. Ian Boucard
- M. Ludovic Pajot
- Mme Elsa Faucillon
- Mme Clémentine Autain
- Amendements nos319, 318, 826, 1126, 930, 442, 76, 77, 75, 264, 443, 116, 731, 1067, 664, 444, 927, 505, 250, 251, 929, 926, 928, 506, 371, 445 et 485
- Après l’article 11
- Amendement no857
- Article 12
- M. Jean Terlier
- M. Sébastien Huyghe
- Amendements nos931, 321, 322, 1127, 1128, 934, 937 rectifié, 939, 621, 935, 320, 606, 795, 936, 1013 et 1144
- Article 13
- Après l’article 13
- Amendement no323
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
3e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
La séance est suspendue pour dix minutes.
(La séance, suspendue à vingt et une heures trente, est reprise à vingt et une heures quarante.)
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (nos 714, 857, 815, 821).
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 9
bis
.
La parole est à Mme Sabine Rubin, inscrite sur l’article.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, madame la présidente et madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, cet article adopté en commission vise à ce qu’il soit tenu compte, pour l’accès aux centres provisoires d’hébergement, de la vulnérabilité de la personne s’étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, de ses liens personnels et familiaux, ainsi que de la région dans laquelle elle a résidé pendant le temps d’examen de sa demande d’asile.
Cette attention particulière que doit avoir l’administration est en effet fondamentale. Toutefois, l’article nous interpelle. Si vous rappelez et consacrez la vulnérabilité particulière des personnes qui ont obtenu l’asile ou la protection subsidiaire, qu’en est-il justement de toutes celles qui ont fait l’objet d’une procédure devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides – OFPRA – ou la Cour nationale du droit d’asile – CNDA ? Ne devaient-elles pas être considérées avec autant de vigilance dès le début de la procédure, et pas seulement à la fin ?
Comme le rappelle le Défenseur des droits, votre projet de loi donne une succession de coups de rabot aux garanties procédurales des demandeurs et demandeuses d’asile, sans aucunement tenir compte de leur vulnérabilité. Comme vous l’avez dit en commission des lois, monsieur le ministre d’État, les demandeurs et demandeuses d’asile de mauvaise foi passent par la procédure accélérée, caractérisée par des délais réduits et des garanties moindres.
Le « en même temps » porte ici un autre nom. Il s’appelle dissonance cognitive. On ne peut d’un côté créer un parcours juridique du combattant pour les demandeurs d’asile dans l’attente, particulièrement vulnérables, et de l’autre affirmer en brandissant un humanisme de façade que ceux qui ont obtenu l’asile sont des personnes vulnérables. C’est toute la contradiction de cet article. Très juste ! L’article ne fait l’objet d’aucun amendement. (L’article 9 bis est adopté.) La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l’amendement no 120. Cet amendement vise à permettre à la représentation nationale, comme à l’ensemble des Français, de connaître nos capacités d’accueil concrètes. On le sait, pour accueillir un réfugié, ou plus généralement un immigré, dans de bonnes conditions, il faut pouvoir l’intégrer, ce qui suppose la combinaison de plusieurs facteurs : travail, logement, liens sociaux.
Il est par conséquent nécessaire d’inverser la logique qui a toujours prévalu et selon laquelle les immigrés se présentent à nos frontières sans que la France puisse choisir leur nombre ni ajuster ses capacités d’accueil compte tenu des critères que j’ai évoqués.
Nous proposons donc que le Gouvernement publie chaque année un rapport combinant l’ensemble de ces évolutions, ce qui pourrait éclairer la représentation nationale et constituerait un premier pas vers une politique active de choix de l’immigration, une politique de quotas que le Parlement définirait chaque année en tenant compte des capacités d’accueil et d’intégration de notre pays. La parole est à Mme Élise Fajgeles, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. Il y a quelques années, Nicolas Sarkozy avait voulu, me semble-t-il, instaurer des quotas. Ce n’est pas ce que propose l’amendement ! Le rapport Mazeaud avait démontré qu’une telle politique serait peu productive et d’ailleurs inconstitutionnelle. En ce qui me concerne, j’émets un avis défavorable. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement. Avis défavorable. La parole est à M. Fabien Di Filippo. Malheureusement, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la réponse de la rapporteure, qui nous renvoie dix ans en arrière quand il s’agit de résoudre un problème actuel. Chaque année, nous devons nous interroger sur nos capacités d’accueil et d’intégration, les évaluer et faire le point. À défaut, on continuera d’aller dans le mur, comme on le fait actuellement.
Madame la rapporteure, vous ne pouvez nous opposer un refus en invoquant une expérience vieille de dix ans sans rapport – ni sur le plan juridique ni dans les faits – avec l’amendement. (L’amendement no 120 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l’amendement no 858 rectifié. La France est submergée par des flux migratoires incontrôlés constitués – vous le savez – d’étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire national ou qui se sont maintenus sur notre territoire après l’expiration de leur titre de séjour initialement régulier.
Afin d’éviter une reconduite à la frontière, les migrants concernés s’empressent de déposer une demande d’asile, ce qui leur évite l’éloignement et leur ouvre le droit éventuel à un hébergement et à un pécule. Seul un faible pourcentage – vous le savez aussi – des demandes d’asile ou de protection voient leur requête aboutir favorablement, ce qui montre le caractère majoritaire de ceux qui utilisent ce dépôt de manière abusive et dilatoire.
Cependant, la fraude à l’asile est très tentante dans la mesure où les étrangers concernés sont déjà présents sur le territoire français. Il est dès lors très difficile de réunir toutes les conditions pour les reconduire à la frontière. Selon les dernières statistiques disponibles, seules 14 % des obligations de quitter le territoire français sont réellement exécutées, et seulement 4 % des migrants déboutés quittent le territoire français.
Dans ce contexte, cet amendement tend à imposer aux demandeurs d’asile de déposer leur dossier dans leur pays d’origine, auprès d’un poste consulaire français. Relevons d’ailleurs que l’ambassade concernée ne doit pas nécessairement être dans le pays de résidence de l’étranger réellement menacé. Cette disposition, parfaitement conforme au droit international, n’aurait rien d’illogique. Tous les pays du monde appliquent strictement cette procédure pour les demandes de visa. Nos postes diplomatiques à l’étranger disposent de services suffisamment étoffés pour traiter les demandes de visa d’entrée en France, il suffira de les mandater pour traiter les demandes d’asile. Absurde ! Quel est l’avis de la commission ? La procédure que vous proposez existe déjà, mais elle ne peut être la règle générale. Quand on prend la route pour fuir la guerre, les persécutions, les dangers de mort, de traitement inhumain ou dégradant, on ne le fait pas par gaieté de cœur. En 2017, la quasi-totalité des 43 000 protections accordées ont bénéficié à des personnes qui vivaient déjà sur notre territoire. Votre demande n’est pas acceptable. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame Le Pen, vous avez assez peu suivi nos débats, mais la loi que nous proposons permettra de savoir en six mois qui a droit à l’asile parce qu’il est persécuté dans son pays ou qui n’y a pas droit. Nous réglerons ainsi les problèmes qui se posent depuis des années à notre pays.
Nous voulons une loi qui soit juste, fidèle à la tradition d’accueil de la France… Vous l’avez déjà écornée ! …en particulier vis-à-vis de ceux qui sont persécutés dans leur pays pour des raisons ethniques, religieuses, politiques ; mais en même temps, nous saurons éloigner ceux qui n’ont pas droit à l’asile. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Marine Le Pen. Monsieur le ministre d’État, votre réponse est totalement hors sujet. C’est votre amendement qui est hors sujet ! En l’occurrence, cet amendement ne tendait pas à remettre en cause les conditions d’aboutissement des demandes d’asile, mais l’endroit où ces demandes sont déposées et traitées, conformément au droit international. Cette proposition nous éviterait de mettre en œuvre des procédures très longues et coûteuses pour retrouver ceux qui, déboutés du droit d’asile, ont disparu dans la nature. Vous savez bien qu’ils sont nombreux, puisque seuls 4 % quittent notre pays.
Ne vous avancez pas trop, monsieur le ministre d’État, car on ne sait pas quels chiffres vous pourrez nous donner d’ici un ou deux ans, de ceux que vous vous engagez aujourd’hui à renvoyer dans leur pays en cas de rejet de leur demande.
Quant à vous, madame la rapporteure, je ne comprends pas bien l’indigence de votre réponse à ma proposition de bon sens. La demande pourrait être déposée dans n’importe quel pays du monde. S’ils prennent la route, ils traverseront un certain nombre de pays, et dans chacun d’eux, ils pourraient déposer auprès de nos services consulaires ou de nos ambassades leur demande d’asile. La parole est à M. Serge Letchimy. Madame Le Pen…. La leçon de morale commence ! …vous faites preuve d’une très grande intelligence en présentant ainsi votre proposition. Vous êtes très adroite. Je regrette que le ministre lui-même n’ait pas découvert votre stratégie. Il n’a pas votre intelligence ! Vous n’avez pas la parole, monsieur Collard. Laissons parler M. Letchimy. Réalisez-vous, monsieur Collard, que je suis en train de démasquer Mme Le Pen ? En effet, vous proposez très subtilement de remettre en cause le droit du sol. Vous l’avez d’ailleurs reconnu à l’occasion d’une interview accordée à LCP. En proposant de déposer la demande auprès d’un consulat ou d’une ambassade, vous n’accordez pas la possibilité de déposer cette demande sur un territoire. Or, il me semble important de rappeler que le droit du sol est aussi important que le droit du sang dans le domaine de la filiation. C’est fondamental. Il ne sait pas ce que c’est, le droit du sol ! Aucun rapport ! (L’amendement no 858 rectifié n’est pas adopté.) La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour soutenir l’amendement no 782. L’amendement de mon collègue Frédéric Petit propose que les actions de formation bénéficiant aux demandeurs d’asile issus de pays cibles de l’aide au développement bénéficient d’une coordination interministérielle et soient notamment pris en charge dans le cadre des programmes d’aide économique et financière au développement, ou dans le cadre de la diplomatie culturelle d’influence et de la francophonie.
En effet, au cours de la période allant de la demande d’asile à la décision finale, le demandeur d’asile se trouve souvent dans une phase d’attente passive qui pourrait être mise à profit pour le former. Cet amendement vise à associer les actions de formation linguistique, de délivrance d’un savoir-faire professionnel au demandeur d’asile, aux missions gouvernementales concernées par ces actions.
Cela permettrait d’anticiper l’éventualité que le demandeur d’asile soit débouté, en rendant plus efficace et plus intégrée l’organisation de sa préparation au retour. En revanche, s’il est admis au statut de réfugié, il aura alors déjà bénéficié d’une formation qui favorisera son installation en France. En tout état de cause, cela rendra la période de latence beaucoup moins passive et pathogène et permettra de diversifier les moyens d’action et les intervenants engagés. Quel est l’avis de la commission ? Pour le moment, les formations linguistiques et tous les parcours d’intégration sont consacrés aux réfugiés. Il n’est pas question ici de les étendre aux demandeurs d’asile, mais c’est une discussion que nous pourrions avoir plus tard, notamment dans le cadre du rapport Taché. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Isabelle Florennes. Je retire l’amendement. (L’amendement no 782 est retiré.) La parole est à Mme Mathilde Panot. Ma collègue Sabine Rubin parlait tout à l’heure de dissonance cognitive et d’incohérence. Nous les retrouvons à cet article. Vous ajoutez ainsi à la fin de cet article, un alinéa jusqu’à présent absent du texte : « Une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs, que ces derniers soient ou non accompagnés d’un adulte ».
Belle intention, mais que les actes du Gouvernement contredisent. En effet, toute la presse s’est fait l’écho, ces derniers mois, de condamnations en chaîne du préfet des Alpes-Maritimes par le tribunal administratif de Nice pour avoir ordonné le refoulement aux frontières ou le renvoi illégal hors de nos frontières de migrants mineurs. Et quelle est votre réponse, monsieur le ministre ? L’obligation de porter « une attention particulière » ! Croyez-vous vraiment que cette déclaration d’intention changera quelque chose ? Pourquoi ne pas écrire, tant que vous y êtes, « un temps de réflexion », « un café avant de décider » ? Soyons sérieux ! Nous écrivons la loi, mais la loi n’est déjà pas appliquée par votre gouvernement. Ce ne sont pas quelques vagues mots sur « une attention particulière » qui y changeront quoi que ce soit.
Surtout, nous prenons bonne note du fait que vous reconnaissez une vulnérabilité particulière aux mineurs. Allez donc au bout de votre démarche et, en cohérence avec vous-même, parce que les mineurs doivent recevoir cette protection particulière, votez les amendements que nous avons déposés en commun avec le groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour interdire le placement en rétention des mineurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Fabien Di Filippo. Monsieur le ministre, « ventre affamé n’a pas d’oreilles ». Je ne doute pas que, durant cette pause, vous aurez pu vous restaurer et que vous saurez entendre ma question. Nous avons rencontré tout à l’heure un problème au sujet des quotas, qui seraient éventuellement prévus en Guyane, en passant le taux d’acceptation des demandes d’asile de 92,8 % à 92 %, comme l’aurait déclaré le Président de la République. N’importe quoi ! Mais c’est vous qui l’avez dit ! Je n’ai jamais dit cela ! Répétez-moi les propos que vous avez tenus concernant la Guyane, dans ce cas ! Vous relirez ma réponse, tout simplement. La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l’amendement no 620. Je ne reviendrai pas sur le problème des mineurs et de la présomption de minorité, puisque nous avons appris qu’un texte spécifique viendrait sur le sujet. Vous connaissez la difficulté qui se pose. Un certain nombre de majeurs se font passer pour des mineurs et notre laxisme nous empêche d’imposer les examens qui permettraient de connaître la vérité et de confondre les personnes qui se rendent coupables d’escroquerie à l’hospitalité.
Cet amendement tend à supprimer les alinéas 4 à 6 de l’article. Le dernier alinéa dispose en effet qu’une attention particulière doit être accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs, qu’ils soient ou non accompagnés d’un adulte.
Cette disposition ne comporte aucune précision quant au concept de vulnérabilité, ce qui pourrait déboucher sur des dérives jurisprudentielles. Surtout, cette attention particulière est aussi accordée à des mineurs accompagnés par un adulte.
Cette précision pourrait inciter certains adultes, vous le savez, à se présenter accompagnés d’un enfant afin de bénéficier d’un traitement plus attentif. Or, les enfants ne sont pas des boucliers humains, ils ont déjà suffisamment de difficultés pour que vous n’en fassiez pas en plus des critères d’obtention d’un traitement de faveur pour les majeurs qui les accompagneraient. Très bien ! Quel est l’avis de la commission ? Je me suis rendue à la frontière franco-italienne à Montgenèvre, où j’ai pu constater dans quelles conditions les personnes arrivaient. L’important est de faire respecter le droit. Même s’il s’agit bien de refus d’admission, les conditions sont telles – la neige, par exemple – que même la police aux frontières a tout intérêt à l’existence de ce type de dispositions pour pouvoir tenir compte de la vulnérabilité des personnes et ne pas les laisser repartir dans la nature dans des conditions absolument terribles.
Sans remettre en cause le refus d’admission, la prise en compte de la vulnérabilité est la moindre des choses, et nous saluons cette initiative de la commission. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. (L’amendement no 620 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 663. La commission des lois a adopté des amendements conférant des droits supplémentaires, par rapport à l’état de la législation actuelle, aux personnes dites vulnérables. Nous avons considéré, au sein du groupe Les Républicains, que ces amendements pourraient grandement fragiliser nos dispositifs d’éloignement et que le droit actuel était déjà suffisamment garant des libertés individuelles et porteur de l’humanité nécessaire, notamment vis-à-vis des mineurs. Je peux en témoigner dans le département des Alpes-Maritimes. Je veux rendre hommage aux fonctionnaires de l’État et aux policiers en charge de l’accueil et de l’accompagnement – peut-être pourriez-vous faire de même, monsieur le ministre d’État. Malgré les campagnes diffamatoires qui ont été menées à leur encontre, ils accomplissent au quotidien un travail d’une grande qualité, sous les insultes et les menaces permanentes de militants d’extrême-gauche politisés qui instrumentalisent les migrants à des fins politiques, parce qu’il n’y a pas d’autre cause à leur engagement, et qui ont d’ailleurs été condamnés à plusieurs reprises par la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Très bien ! Des amendements ont été adoptés, qui visent notamment à inscrire dans le texte que ceux qui sont chargés de faire appliquer les lois, à savoir les policiers, doivent veiller à ce que le traitement des personnes respecte la dignité humaine. Cette suspicion, ces non-dits, ces arrière-pensées, qui reprennent le discours politicien des associations que j’ai évoquées, n’ont pas leur place dans le texte. C’est pourquoi je propose de les supprimer.
Nous devons confiance et reconnaissance à ceux qui sont chargés de faire respecter les lois de la République, sous votre autorité, monsieur le ministre d’État. Si vous les soutenez, si vous avez à leur égard, ce que je crois, la reconnaissance et la considération qu’ils méritent, vous aurez à cœur de soutenir cet amendement qui respecte le travail difficile de notre police de l’air et des frontières ainsi que de nos douaniers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Quel est l’avis de la commission ? Je rends moi aussi hommage aux policiers que j’ai pu rencontrer à la frontière franco-italienne, mais je fais l’analyse contraire. Je pense que c’est précisément parce qu’ils tiennent compte de cette vulnérabilité et qu’on leur reproche de ne pas le faire qu’il faut inscrire dans la loi qu’une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables. Chacun saura ainsi que l’action des policiers est conforme à la loi et ils ne seront plus soumis à ces polémiques.
J’ai visité le local dans lequel ils accueillent les personnes en situation de vulnérabilité : il ne s’agira plus désormais pour les policiers que d’une simple question de respect de la loi. Avis défavorable. Vous faites donc des lois bavardes. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable.
Je m’exprimerai tout à l’heure sur les problèmes qui se posent à la frontière franco-italienne. La parole est à M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre d’État, nous ne comprenons pas votre silence. L’article 10 A n’était pas dans le projet de loi présenté par le Gouvernement. La rédaction actuelle du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit déjà des dispositions relatives au refus d’entrée. Tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont eu à connaître de ces questions savent, par exemple, qu’un mineur arrivant à la ZAPI – zone d’attente pour personnes en instance – de Roissy fera évidemment l’objet d’une prise en charge très attentive par vos services. Une association intervient même à la ZAPI de Roissy. C’est Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, qui avait souhaité l’introduire en ces lieux pour prendre notamment en charge les mineurs arrivant sur le territoire national dans de telles conditions.
En modifiant le texte comme le propose la commission des lois, vous donnez le sentiment que vous vous méfiez de vos propres services. Il n’est nul besoin d’inscrire dans le texte que les agents de l’État doivent accorder une attention particulière aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs. C’est évidemment et heureusement déjà le cas. Madame la rapporteure, nous partageons tous, sur tous les bancs, les mêmes intentions sur l’article 10 A : pourquoi diable modifier ce qui, pour une fois, fonctionne ? La parole est à Mme Danièle Obono. Tout en étant en total désaccord avec cet amendement et en appelant à voter contre, je tiens à répondre aux manipulations auxquelles M. Ciotti s’est livré en le défendant. En effet, les dénonciations des actes commis à la frontière franco-italienne ne sont pas des élucubrations de gauchistes. Elles sont d’abord le fait des autorités italiennes – dois-je vous rappeler les récents incidents diplomatiques survenus à ce propos ? –, ainsi que celui des organisations internationales et nationales de défense des droits de l’homme. On peut évidemment considérer que ces associations sont sous la coupe de la France insoumise, mais ce serait peut-être nous faire trop d’honneur.
De plus, une plainte relative au comportement des forces de police a été déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Il y a surtout eu des condamnations de vos amis ! Ils sont complices des passeurs ! Comme les forces de police et les garde-frontières agissent sur l’ordre de l’autorité politique, c’est évidemment celle-ci qui est responsable de leurs agissements. Pourquoi jeter l’opprobre sur les citoyens ? Il n’est pas besoin d’être militant d’extrême gauche pour avoir le sens de l’humanité et accomplir son devoir de solidarité. Je pense notamment à Cédric Herrou ou aux militants d’Amnesty international, qui ont secouru les migrants et, loin d’avoir sali la tradition de la France en leur donnant la main, l’ont au contraire honorée. C’est vous qui salissez leur action : il était important de le rappeler. Nous leur apportons tout notre soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupe FI, GDR et NG. - Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et LR.) Scandaleux ! (L’amendement no 663 n’est pas adopté.) Mes chers collègues, pour l’efficacité de nos débats, nous allons nous en tenir à deux orateurs par amendement, sauf en cas de débats plus longs portant sur des thèmes identifiés.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 767. Cet amendement vise à insérer à l’alinéa 8, après le mot « mineurs », les mots : « dont il est prouvé et raisonnable de penser qu’ils n’ont pas atteint l’âge de 18 ans ».
En effet, le syndicat des cadres de la sécurité intérieure CFDT a alerté les membres de la commission des lois sur les filières de « "faux mineurs", non accompagnés, […] qui échappent donc aux procédures de retenue administrative et dont la preuve de la minorité et de l’isolement appartient aux services de police. » Dans cette perspective, « l’attention particulière » mentionnée à l’alinéa 8 ne doit en aucun cas permettre d’encourager ces filières clandestines de « faux mineurs ».
Je suis particulièrement attentive au sujet, parce que dans mon département, l’Hérault, une filière fournissant de faux documents d’identité à des migrants, leur permettant de se faire passer pour des mineurs et, ainsi, de bénéficier d’aides, a été démantelée par la police aux frontières. Après six mois d’enquête, on a découvert que de faux mineurs, qui avaient tous acheté leur acte de naissance à un faussaire de Daloa, en Côte-d’Ivoire, étaient passés par la Libye puis par l’Italie. Ils faisaient croire qu’ils étaient orphelins, alors que leurs parents, en Côte-d’Ivoire, étaient bel et bien vivants. Résultat : 825 000 euros de préjudice en trois mois. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement porte bien sur des refus d’entrée. Il convient donc de prendre en considération la vulnérabilité. Je me suis évidemment aperçue, lors de ma visite à la frontière franco-italienne, que la police aux frontières hésite parfois sur la minorité d’une personne. Toutefois, plutôt que de la relâcher en pleine nuit dans la neige, elle préfère la garder dans le local d’attente avant de la renvoyer en Italie. Avis défavorable. Regardez ce qui se passe dans les départements ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. Je m’exprimerai bientôt plus longuement sur la question. La parole est à Mme Sandrine Mörch. Vous semblez vraiment obsédée par la question des faux mineurs. Pourquoi obsédée ? Notre problème est plutôt la méfiance généralisée que vous portez à tous ces adolescents qui se retrouvent sur notre territoire et qui voient leur parcours fragilisé parce qu’ils sont injustement suspectés d’être majeurs. Vous le savez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM, ainsi que sur les bancs des groupes NG, FI et GDR.) Les images que vous véhiculez ont des effets dévastateurs. À force de suspicion maladive, nous n’assumons même plus notre devoir d’assistance à l’égard des jeunes.
Si j’ai bien compris les propos de Mme Le Pen, le statut de demandeur d’asile « ne doit donner aucun droit ». (Exclamations parmi les députés non inscrits.) En conséquence, pas d’hébergement, pas d’allocations, pas d’aide médicale d’urgence, pas de scolarisation, pas de cours de français. Je souhaite juste vous poser une question : quel sera le coût pour les Français de cette défiance et de cette absence de solidarité de base ? Combien coûte un accueil qui n’est pas digne ? Combien coûte la misère, selon vous ? Combien coûtent les bidonvilles, les problèmes sanitaires, la détresse, l’ignorance, l’explosion des réseaux de prostitution et les vendeurs de sommeil ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, NG, FI et GDR.) Combien coûte la délinquance qui en découlerait nécessairement, parce qu’il faut bien survivre ? Combien tout cela coûtera-t-il aux Français ? Car les Français devront aussi payer, et je puis vous assurer que ce sera bien plus coûteux qu’un accueil digne de ce nom ! (Mêmes mouvements.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Ces procès d’intention sont terribles ! Je vous donne des faits et vous ne voulez pas ouvrir les yeux, vous ne voulez pas les voir ! Vous ne voulez pas voir la réalité ! Ce n’est pas moi qui ai démantelé la filière des faux mineurs ! Vous me demandez combien cela coûte : je vais vous le dire. Depuis le 1er janvier, le parquet a déjà engagé des poursuites à l’encontre d’une quinzaine de faux mineurs pour fraude sociale au département – il ne s’agit que de l’Hérault. Ces faux mineurs ont coûté l’année dernière près d’1 million d’euros et, depuis le 1er janvier 2018, le préjudice s’élève déjà à plus de 800 000 euros. Voilà combien cela coûte. (Applaudissements parmi les députés non inscrits.) (L’amendement no 767 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Élise Fajgeles, pour soutenir l’amendement no 635. Amendement rédactionnel. (L’amendement no 635, accepté par le Gouvernement, est adopté.) La parole est à M. le ministre d’État. Mesdames et messieurs les députés, je souhaite évoquer les problèmes très importants qui se posent à la frontière avec l’Italie.
Je rappelle que 50 000 non-admissions ont été prononcées à cette frontière en 2017, ce qui donne une idée de la pression migratoire qui s’y exerce. Parce que cette pression reste forte, parce que, dans le même temps, la France reste soumise à un problème important de traversée de ses frontières, nous avons décidé de renouveler les contrôles aux frontières pour les six mois à venir.
Cette exigence d’efficacité, nous devons évidemment la concilier avec une exigence d’humanité et de dignité. Paroles verbales. Je partage la préoccupation, fréquemment exprimée, quant à la dangerosité des routes dans les Hautes-Alpes, au col de Montgenèvre ou au col de l’Échelle, que les migrants, quelquefois pour échapper aux contrôles dans les Alpes-Maritimes, empruntent depuis le mois d’août dernier.
Par rapport à 2016, le nombre des migrants sur cette route particulièrement dangereuse a été multiplié par six, voire plus. C’est pourquoi nous voulons prendre des mesures avec nos amis italiens pour mieux contrôler cette frontière. J’ai eu sur le sujet de grandes discussions, débouchant sur une véritable coopération, avec l’actuel ministre de l’intérieur italien, Marco Minniti, et avec le président du Conseil. Aujourd’hui, notre coopération est exemplaire. Ils sont ravis. Sur cette route particulièrement dangereuse, les forces de secours, pelotons de gendarmerie de haute montagne et CRS des Alpes, interviennent très régulièrement chaque semaine pour secourir des personnes en perdition dans la montagne. Les services de l’État, qu’il s’agisse des policiers ou des pompiers, ne font aucune différence entre ressortissants français et étrangers : c’est là notre dignité.
Mais en même temps, nous voulons contrôler nos frontières, et donc empêcher ceux qui pensent que les frontières n’existent plus de lancer des appels et d’inciter les migrants à traverser la Méditerranée dans des conditions particulièrement dangereuses.
Nos services constatent qu’un certain nombre de numéros de téléphone sont distribués aux migrants ; on les incite à passer en leur disant qu’ils pourront appeler ces numéros en cas de problème. Lorsqu’ils sont en perdition, ils appellent mais ils ne peuvent pas obtenir de réponse. La seule vraie réponse est apportée par la préfecture, qui mobilise nos services.
Il faut donc faire en sorte que les frontières soient respectées mais, en même temps, à chaque fois que des personnes sont en danger ou en situation de vulnérabilité, nous devons être au premier rang. C’est cela, l’équilibre que nous cherchons, tant aux frontières italiennes que dans l’ensemble du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui. Nous devons prendre en compte la réalité de la situation que nos compatriotes connaissent, et en même temps être capables de générosité. C’est tout l’objet de ce projet de loi. Il y a trop de « en même temps » ! Oui, le « en même temps » existe. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Nous voulons maîtriser l’immigration et, en même temps, faire en sorte que le droit d’asile soit respecté dans notre pays… Ce ne sont que des mots ! Des slogans ! …parce que c’est le meilleur de la tradition française. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM. – « Debout ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.) Nous en venons aux explications de vote sur l’article 10 A.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe Les Républicains. Nous voterons contre cet article, qui introduit une suspicion.
Monsieur le ministre d’État, vous nous avez apporté des explications et je vous en remercie. Vous avez décrit la gravité de la situation à la frontière franco-italienne, dans les Alpes-Maritimes, où 50 000 migrants ont déjà été interpellés, dont un nombre croissant de mineurs. Vous avez rappelé l’importance du contrôle aux frontières, qui a été rétabli le 13 novembre 2015 à l’occasion de la COP21 et après les attentats qui ont frappé notre pays, notamment au Bataclan. Ces contrôles aux frontières sont très utiles, dans la mesure où ils permettent d’appliquer les procédures simplifiées de non-admission, qui se sont substituées aux procédures de réadmission. Ces dernières, beaucoup plus lourdes et complexes, n’auraient plus été supportées par nos services, ni par nos structures d’accueil, compte tenu de l’augmentation du nombre de passages.
Monsieur le ministre d’État, je sais que vos services sont mobilisés : ce soir, je veux leur rendre hommage et saluer leur efficacité et leur courage, notamment dans le contexte que je rappelais, avec les attaques indignes qu’ils subissent.
Vous avez évoqué les numéros de téléphone figurant sur des cartes vendues par les passeurs aux migrants avant leur traversée de la Méditerranée, où beaucoup trouvent la mort. Certains de ces numéros appartiennent à des personnes condamnées par la justice, dont parlait tout à l’heure Mme Obono et qui nourrissent en permanence les passages – ce sont les complices des passeurs.
Nous sommes inquiets, monsieur le ministre d’État : à la frontière franco-italienne, depuis quelques semaines, depuis quelques jours, le nombre de passages a considérablement augmenté. Depuis quelques semaines, vous le savez, les autorités italiennes coopèrent beaucoup moins ; depuis quelques jours, elles refusent les procédures de non-admission pour les mineurs. Depuis le début de l’année jusqu’à ce jour, nous avons accueilli quasiment autant de mineurs non accompagnés que pendant toute l’année 2017. Veuillez conclure, mon cher collègue. Monsieur le ministre d’État, il faut que vous en soyez conscient. Alors que vous êtes en train de prendre des dispositions plus souples, vous devez mesurer la gravité de la situation, qui empire encore. Merci, monsieur Ciotti. Laissez-le parler, monsieur le président ! C’est important ! Monsieur le président, il faut que nous débattions de cette question, puisque les Alpes-Maritimes sont la porte d’entrée de tous les flux migratoires dans notre pays. Merci, monsieur Ciotti. Le débat aura lieu, mais chacun doit respecter son temps de parole. Si ce contrôle n’est plus effectué aujourd’hui, alors c’est tout notre pays qui sera concerné demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour le groupe La France insoumise. Après nos débats, il me semblait que nous étions quand même d’accord sur certains points touchant aux causes des migrations forcées, à leur caractère global et à la nécessité d’avoir une vision d’ensemble du phénomène avant de s’attaquer à ses causes. C’est, en tout cas, notre perspective.
Il est assez curieux et problématique que l’entrée en France de ces réfugiés soit aujourd’hui imputée à l’action de citoyens comme Martine Landry, une femme de soixante-treize ans, militante d’ATTAC,… Ah, vous les connaissez donc ! …qui a porté secours à deux mineurs de treize et quinze ans pour leur éviter de connaître le sort d’un trop grand nombre de migrants. Non, nous ne considérons pas que ces personnes ont commis des actes illégitimes. Mais la justice le pense ! Nous sommes dans un État de droit ! Nous pensons au contraire qu’ils ont honoré notre tradition d’accueil… Ils contribuent à organiser des filières ! …et agi comme devrait le faire toute personne face à un autre être humain visiblement en danger. Là-dessus, effectivement, nous sommes en désaccord.
Nous avons des propositions. Nous n’appelons pas à une ouverture totale des frontières – nous ne sommes pas des « No Border », vous le savez très bien. Ah non, cela nous avait échappé ! Dans notre document « Pour une politique migratoire humaniste, solidaire, raisonnée et réaliste », nous expliquons comment s’attaquer aux causes des migrations et comment éviter que des personnes se retrouvent dans les cols des Alpes, qu’elles mettent leur vie en danger et que des enfants soient placés en zone d’attente. Nous avons une solution globale mais, malheureusement, ce n’est pas ce que vous proposez, monsieur le ministre d’État. Au contraire, vous permettez à l’extrême droite et à la droite la plus xénophobe de s’emparer de ce débat et de pointer du doigt les citoyens qui font honneur à la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.) (L’article 10 A, amendé, est adopté.) La parole est à Mme Bénédicte Taurine, inscrite sur l’article. Cet article relatif aux procédures de non-admission à nos frontières dans le cadre du rétablissement temporaire des frontières intra-Schengen semble innocent, mais il faut rappeler quelles dispositions en ont été retirées. En effet, l’avant-projet de loi que le Gouvernement avait mis à notre disposition et qui avait particulièrement scandalisé les associations comportait une disposition relative au franchissement de nos frontières.
Dans ce qui était alors l’article 16 de l’avant-projet de loi, le Gouvernement voulait rétablir un délit de franchissement des frontières extérieures en dehors d’un point de passage frontalier : tout contrevenant risquait un an d’emprisonnement et une amende de 3 750 euros. Vous auriez ainsi forcé ceux qui ont subi la guerre et les pires atrocités dans leur pays et sur le chemin de l’exil – l’esclavage en Libye, les tortures, les viols, les violences – à mourir de froid dans la montagne, sans eau ni nourriture, en attendant l’heure d’ouverture d’un poste frontière pour chercher refuge en France. Cette proposition du Gouvernement était d’ailleurs contraire à l’article 31 de la convention de Genève.
Monsieur le ministre d’État, vous avez retiré cette disposition de votre projet de loi, et c’est tant mieux. Mais cet article reste tout de même un ersatz de votre volonté politique, qui ne nous a pas échappé. Bravo ! Je suis saisi d’un amendement, no 314, de suppression de l’article 10 B.
La parole est à M. Alain David, pour le soutenir. En effet, monsieur le président, cet amendement vise à supprimer l’article 10 B, lequel prévoit la limitation du périmètre dans lequel peuvent être prononcés les refus d’entrée en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, au sein de l’espace Schengen. En d’autres termes, il entérine dans le CESEDA la possibilité de rétablir les frontières intérieures : à notre sens, il est donc contraire à l’esprit des accords de Schengen. Quel est l’avis de la commission ? Monsieur David, vous savez bien que l’exception liée à la menace terroriste est acceptée par nos partenaires et tout à fait prévue dans les accords de Schengen. Compte tenu de la menace terroriste qui continue de peser sur nous, il est important d’en rester à cet esprit-là. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Éric Ciotti. Nous soutiendrons naturellement cet article essentiel pour l’équilibre et le contrôle des flux migratoires, ainsi que pour nos contrôles aux frontières.
Par dérogation au code frontières Schengen, ce contrôle a été mis en place le 13 novembre 2015. Il est aujourd’hui essentiel. Vous avez eu raison, monsieur le ministre d’État, de veiller au maintien de ce contrôle, et je vous en remercie. Nous avions eu des inquiétudes et nous vous avions interrogé cet été, à plusieurs reprises, alors que nous voyions arriver le terme du délai maximal de deux ans. Vous avez alors mis en place un cadre dérogatoire qui est aujourd’hui pérennisé par la loi. C’est une très bonne chose.
Permettez-moi, monsieur le ministre d’État, de reposer une question que j’avais formulée lundi dans le cadre de la motion de renvoi en commission. J’avais évoqué une note d’Europol, citée par le Guardian et le Figaro , qui faisait état du franchissement de la frontière franco-italienne, cet été, par au moins cinquante djihadistes de nationalité tunisienne. Ces articles et cette note faisaient référence à des menaces très graves pour la sécurité nationale. Le contrôle aux frontières intérieures est naturellement lié au contexte terroriste : c’est pourquoi il doit être maintenu. Monsieur le ministre d’État, tout en vous remerciant encore une fois d’avoir obtenu, au nom de la France, que ce contrôle soit pérennisé, pouvez-vous confirmer ou infirmer l’information selon laquelle de tels flux ont été constatés ? (L’amendement no 314 n’est pas adopté.) L’amendement no 631, déposé par M. Joël Giraud, est repris par la commission.
La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir. Dans le cadre de nos travaux en commission, M. Giraud avait déposé un amendement, cosigné par les membres du groupe La République en marche et moi-même, visant à faire définir par décret en Conseil d’État une zone dans laquelle il serait possible de refuser l’accès au territoire aux personnes contrôlées. L’amendement no 631 préserve la souplesse de l’article 10 B, puisqu’il s’agit toujours de délimiter par décret en Conseil d’État une telle zone en fonction des réalités géographiques, mais il précise que le périmètre de cette zone ne pourra pas dépasser dix kilomètres. Il s’agit donc de mieux encadrer cette zone de refus d’admission. Quel est l’avis du Gouvernement ? Il est évidemment favorable.
Joël Giraud connaît particulièrement bien la situation à la frontière italienne, puisqu’il est élu de cette zone géographique. Éric Ciotti l’est aussi ! Vous devriez le citer ! Quel sectarisme ! Il connaît les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Ces difficultés sont liées à la volonté de certains de faire franchir tous les passages, et en même temps, comme je le disais tout à l’heure, à la prise en compte de l’aspect humanitaire. Il a donc déposé cet amendement, auquel nous souscrivons évidemment.
Monsieur Ciotti, les problèmes auxquels nous devons faire face, et que je ne me cache pas, ne peuvent pas simplement être traités dans un cadre national ; ils doivent l’être dans une longue chaîne.
Lorsque le Président de la République dit qu’il faut permettre aux pays d’origine des migrants de se développer, c’est un premier élément de cette chaîne. Quand il appelle l’Union européenne à faire preuve de plus de solidarité européenne envers l’Afrique, c’est encore un élément de cette chaîne. Lorsqu’au Niger, le Gouvernement prend des décisions difficiles pour supprimer le passage des migrants par Agadez, c’est un autre bout de la chaîne. Où en êtes-vous avec les hot spots ? Lorsqu’on essaie de reconstituer un État en Libye, c’est encore un autre bout de la chaîne. Lorsque nous travaillons, avec le président du Conseil et le ministre de l’intérieur italiens, pour trouver un accord entre nous, c’est encore un bout de la chaîne.
Je m’inquiète, évidemment, lorsque des populistes veulent raisonner uniquement à l’échelle de leur pays, car ce serait la guerre de chacun contre chacun là où nous devons avoir de la coopération.
Précédemment, nous avons coopéré avec les ministres de l’intérieur allemand et italien. Ah ! En France, il faut certes faire respecter nos frontières – car, pour des raisons financières aussi bien qu’idéologiques, on ne peut pas faire en sorte qu’il n’y ait plus de frontières –, mais, en même temps (Exclamations et rires sur les bancs du groupe LR) – j’assume l’expression –, il faut savoir respecter le droit d’asile, et c’est précisément parce que nous voulons le faire respecter que nous prenons les décisions que nous vous présentons aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre d’État, cet amendement m’inspire des inquiétudes. La bande des 20 kilomètres a été censurée en 2010 par la Cour de justice de l’Union européenne, mais vous avez mis en place un dispositif qui a notamment été voté cet été, à la faveur d’un vecteur législatif, et qui prévoit des points de passage autorisés. Or, je crains que le nouveau dispositif introduit par l’amendement de M. Giraud, qui me paraît beaucoup plus restrictif, ne nous prive de capacités de contrôle, notamment aux points de passage autorisés. Je ne sais pas si vous avez évalué ce dispositif : vous voulez instaurer la bande de 10 kilomètres par la loi, mais vous pourriez le faire par voie réglementaire, ce qui laisserait plus de souplesse et d’adaptabilité, notamment en fonction des territoires, dans le cadre de la jurisprudence nationale ou conventionnelle.
Je crains que cet amendement, sous couvert d’humanité et du fameux « en même temps », ne soit extraordinairement restrictif et ne vous prive de leviers d’action. Il ne s’agit pas ici de discours. Votre texte comporte des mesures d’appel, vous faites de la politique et vous lancez des messages, mais il s’agit ici d’efficacité et de pragmatisme : si vous affaiblissez le contrôle à nos frontières, on ne tiendra plus rien et il y aura une entrée massive car, comme vous le savez, il y a aujourd’hui en Italie de 600 000 à 800 000 étrangers en situation irrégulière. Si les dispositifs mis en place à nos frontières, notamment dans les Alpes-Maritimes et dans les Hautes-Alpes, sont fragilisés, je vous laisse en tirer les conséquences pour notre pays dans quelques semaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Alexandra Valetta Ardisson. Monsieur Ciotti, en tant que députée de la quatrième circonscription des Alpes-Maritimes, directement concernée par la frontière franco-italienne, j’avais initialement les mêmes inquiétudes que vous sur cet amendement. Après l’avoir attentivement étudié, je peux vous assurer qu’il n’y aura aucun effet sur les fameux points de passage autorisés – PPA – et que les contrôles et les sécurités à la frontière seront bien maintenus.
Chers collègues du groupe La France insoumise, vous nous demandez de ne pas jeter l’opprobre sur les associations, mais vous attaquez sans vergogne le Gouvernement, les services de l’État et les forces de l’ordre qui œuvrent le long de la frontière. C’est vous qui devriez avoir honte (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) , mais il est vrai que votre fonds de commerce, ce sont plutôt les zadistes et ceux qui saccagent les universités que les fonctionnaires qui tentent de maintenir l’État de droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UDI-Agir et LR.) (L’amendement no 631 est adopté.) (L’article 10 B, amendé, est adopté.) Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 10.
La parole est à Mme Danièle Obono. La condition sine qua non pour faire une demande d’asile est l’accès au territoire. Lorsqu’on parle d’externalisation du droit d’asile, c’est précisément de cela qu’il est question : il s’agit de tuer dans l’œuf la simple possibilité de demander l’asile en France et en Europe, en empêchant par divers moyens l’accès au territoire de personnes qui ont précisément besoin de notre protection.
Cet article 10 tente de parfaire jusque dans les moindres détails, comme il semble que ce soit systématiquement le cas, cette politique de dissolution du droit d’asile, non seulement au niveau français, mais aussi au niveau européen, par tous les moyens techniques et de procédure. Dans les zones d’attente – en France, ce sont le plus souvent les aéroports de Roissy et d’Orly – se trouvent des femmes et des hommes à qui on a refusé l’accès sur le territoire. On y trouve également des enfants, comme l’ont rapporté les journaux, citant par exemple le cas de deux fillettes – l’une française, de six ans, l’autre ivoirienne, de trois ans –, retenues quatre à cinq jours dans une zone d’attente de l’aéroport de Roissy.
Cet article veut, une fois encore, réduire les garanties procédurales dans un contexte où elles sont les plus nécessaires, systématiser les vidéo-audiences et faciliter les décisions d’irrecevabilité. La généralisation de la vidéo-audience, que nous avons déjà évoquée, remet en cause le droit des demandeurs et des demandeuses d’asile à une vraie audience dans un réel environnement juridictionnel. C’est passer outre les difficultés techniques déjà constatées et rendre encore plus compliqué, pour des personnes ayant subi des persécutions, d’en faire le récit. C’est ce que disent et redisent les avocats de la défense, les magistrats, les associations et le Groupe d’information et de soutien des immigrés – GISTI –, n’en déplaise à certains députés qui tentent d’utiliser ces exemples pour dire le contraire.
Comment imaginer qu’on puisse, avec un tel média, faire part des tortures et des persécutions subies ? Cela va à l’encontre du droit qui devrait être garanti à ces personnes. Cet article crée des conditions intolérables. Nous nous y opposons donc formellement. Très bien ! La parole est à Mme Laurence Dumont. L’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers – ANAFÉ – utilise le terme d’« invisibilisation de la procédure en zone d’attente » pour qualifier cet article qui renforce l’idée que les personnes maintenues sont des justiciables marginaux, à éloigner à tout prix, y compris, désormais, des tribunaux. Il s’agit, ici encore, de porter une atteinte aux droits des personnes en se passant de leur consentement pour utiliser la visioconférence, qui sera généralisée, en dépit des avis successifs du contrôleur général des lieux de privation de liberté – CGLPL – , de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou de la Commission nationale consultative des droits de l’homme– CNCDH.
Le 21 février dernier, le CGLPL rappelait en effet que « la généralisation du recours à la visioconférence pour les audiences, sans le consentement des intéressés, est inacceptable. Outre des difficultés techniques souvent constatées, la visioconférence entraîne une déshumanisation des débats et nuit considérablement à la qualité des échanges. Le CGLPL rappelle ses recommandations antérieures, aux termes desquelles l’usage de ce moyen doit rester exceptionnel, et en aucun cas constituer une commodité pour l’administration. Elle doit en tout état de cause être soumise à l’accord de la personne concernée. »
L’exemple donné par l’ANAFÉ dans son avis est, à cet égard, éclairant : un demandeur d’asile sera auditionné par l’OFPRA par visioconférence, son recours sera fait par visio-audience devant le tribunal administratif, l’audience devant le juge des libertés et de la détention se fera pas visio-audience, avec un tribunal délocalisé loin du tribunal compétent – Roissy ou Marseille, par exemple – et sa requête en appel sera rejetée au « tri ». Ainsi, cette personne ne rencontrera physiquement aucun juge tout au long de la procédure. Vous avez là la démonstration du recul dans le droit à un procès équitable, à l’accès au juge et à un recours effectif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.) La parole est à M. Christophe Blanchet. L’article 10, qui figure au titre II : « Renforcer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière », concerne la procédure dans les zones d’attente. Il apporte deux modifications ponctuelles au régime du contentieux des refus d’admission. Tout d’abord, il facilite la tenue d’audiences au moyen de vidéoconférences. D’autre part, il permet un traitement plus rapide des déclarations d’appels manifestement irrecevables formées à l’encontre de décisions du juge des libertés et de la détention.
Le 1° et le 2° de cet article permettront une meilleure administration de la justice en évitant l’allongement des délais d’audience, protégeront la dignité des demandeurs en leur épargnant des déplacements sous escorte et en leur fournissant des garanties telles que la confidentialité et la qualité de la retransmission, tout en préservant les deniers publics par la réduction des coûts pour l’administration. Le 3° permettra de faciliter le traitement des appels en autorisant la cour d’appel à rejeter par ordonnance motivée les déclarations manifestement irrecevables définies par décret en Conseil d’État.
En mettant cette procédure dans les zones d’attente en cohérence avec les modifications que ce projet de loi apporte à la procédure devant la Cour nationale du droit d’asile – CNDA –, il permet un traitement plus efficace des demandes. En somme, cet article entend simplifier les conditions d’exercice de la justice dans le cadre du maintien en zone d’attente, sans pour autant porter atteinte à la dignité des personnes et au bon exercice du droit, puisqu’il bénéficie du soutien du Conseil d’État et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Fabien Di Filippo. Cet article nous permet de parler de l’efficacité du traitement des demandes d’asile. C’est un sujet important, car il ne faut jamais oublier que, derrière toutes ces choses dont nous parlons, derrière toutes ces demandes d’asile et ces prises en charge, il y a un coût, aujourd’hui assumé entièrement par le contribuable. La prise en charge des demandeurs d’asile représente 2 milliards d’euros – et encore ce chiffre est-il celui de 2015, selon un rapport de la Cour des comptes –, dont une moitié pour les demandeurs acceptés et une moitié pour les demandeurs déboutés. Quant à l’allocation de demandeur d’asile, elle représente 355 millions d’euros en 2017, en hausse de 61 %.
Ces coûts sont très importants et tout ce qui va dans le sens d’une accélération, d’une plus grande efficacité ou d’une dématérialisation des procédures est sans doute une bonne chose. Je reviendrai vers vous avec un amendement tendant à ce que les gens qui abusent du renouvellement et du dépôt successif de plusieurs demandes d’asile soient mis à contribution. Avec vous, les chômeurs, les pauvres et les immigrés sont tous des fraudeurs ! La parole est à Mme Elsa Faucillon. J’ai déjà beaucoup évoqué la question de la généralisation de la vidéo-audience et de la grande importance, pour les plus vulnérables, de l’oralité et de la présence physique.
Il est beaucoup question de la question des droits. Une justice forte est celle qui est capable de donner les mêmes droits aux plus faibles qu’aux plus forts dans la société, aux moins riches qu’aux plus riches, mais aussi celle qui donne les mêmes droits à celui qui a tous les traits du coupable idéal qu’à celui sur lequel on a peu de doutes : c’est la garantie de la confiance de toutes et tous en la justice. Or, ici, à chaque fois, nous voyons justement se réduire les droits pour les plus faibles et les plus vulnérables. Je crains pour celles et ceux qui auront à subir cette justice d’exception, mais nous devons, toutes et tous, nous en inquiéter : elle se propagera pour toutes et tous car, je le répète, quand on décide de réduire les droits pour certains, on finit par les réduire pour toutes et tous.
De plus, cet article est à l’image des précédents : vous ne voulez pas renforcer la justice, donc vous justifiez la force. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI et sur quelques bancs du groupe NG.) Je suis saisi de deux amendements identiques tendant à la suppression de l’article 10, nos 316 et 825.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 316. Depuis quelques minutes, nous examinons les articles du titre II, lequel concerne les mesures relatives à l’immigration. À cette occasion, je dénonce une fois de plus la faute originelle de ce texte : réunir dans une même loi des dispositifs relatifs au droit d’asile et à l’immigration.
Concernant cet article, il fait l’objet de critiques très sévères de la part des acteurs concernés, et tout particulièrement des avocats, qui estiment à juste titre qu’une telle mesure porte atteinte aux droits de la défense et à un procès équitable.
La généralisation de la vidéo-audience, y compris sans l’accord de la personne concernée, pose évidemment problème. Je reprends les propos de notre collègue magistrate, Laurence Vichnievsky, qui nous a indiqué en commission que l’oralité revêt une importance majeure pour la compréhension par le juge du parcours de la personne étrangère. Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 825. Il s’agit également d’un amendement de suppression. La vidéo-audience fait l’unanimité contre elle, tant parmi les magistrats que parmi les avocats. Il serait bien d’écouter un peu ceux qui, sur le terrain et au quotidien, sont confrontés à ces réalités.
Le fait de systématiser la vidéo-audience pour le juge administratif ou le juge des libertés et de la détention, s’agissant du droit d’asile, pose un problème lié à la particularité de ces audiences, où l’oralité et parfois la traduction nécessitent une unité de lieu. Je me suis rendu au Mesnil-Amelot, dans le centre de rétention où sont expérimentées des vidéo-audiences : il n’y a personne pour justifier ou dire du bien de cette mesure, qui pose beaucoup de problèmes, à la fois techniques et de droit.
Enfin, après avoir évoqué le monde judiciaire, avec les magistrats et les avocats unanimes contre cette mesure, je citerai le Défenseur des droits qui, s’agissant de la publicité des débats, du respect du contradictoire et des droits de la défense, a également alerté sur cette mesure qui entame la justice et l’État de droit dans notre pays. Cette vidéo-audience n’est pas une modernisation, mais plutôt une restriction des droits de la défense. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ? Nous avons déjà eu le débat sur la vidéo-audience. Vous avez affirmé, monsieur Peu, que l’ensemble des magistrats et des avocats étaient absolument contre la vidéo-audience. J’ai souvenir que notre collègue Laetitia Avia, en audition comme en commission, nous a dit qu’elle-même, en tant qu’avocate, avait eu recours à la vidéo-audience dans d’excellentes conditions. Cela vaut étude d’impact ? Vous ne pouvez donc pas vous prévaloir d’une unanimité qui n’est pas si évidente que cela ! Moi-même, en tant que rapporteure, je suis allée assister à des vidéo-audiences et j’ai pu constater qu’un vrai dialogue était possible entre le requérant et le juge.
Je vous rappelle que cela est proposé pour une bonne administration de la justice, pour ménager les deniers publics et pour éviter de trop lourdes escortes, tant pour les policiers que pour les requérants.
Dernier argument, il s’agit ici du recours à la vidéo-audience en zone d’attente : comme vous le savez, la plupart des maintiens en zone d’attente se font à l’aéroport Charles-de-Gaulle ; une salle d’audience se trouve à immédiate proximité. S’il est important de pouvoir recourir à la vidéo-audience, il y en aura finalement assez peu car cela ne sera pas le cas à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Avis défavorable à ces amendements de suppression. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je voudrais dire à un certain nombre d’entre vous que si l’on place tout sur le même plan, alors il n’y a plus aucun repère. Jusqu’à présent, lorsque nous avons parlé des migrations, des problèmes d’asile, nous parlions de gens qui traversaient des déserts ou des mers, au péril de leur vie.
Ici, de quoi parle-t-on ? Nous parlons de personnes arrivant directement en avion… En classe affaires ? …qui, lorsqu’elles sont contrôlées, sont placées en zone d’attente parce que l’on s’aperçoit qu’elles arrivent de manière irrégulière. Sur les 10 000 personnes placées en zone d’attente chaque année, il y en a à peu près 8 000 à Roissy.
Oui, il faut prendre au sérieux cette question et décider qui est sur le territoire à bon droit, ou qui est venu ici indûment. En zone d’attente, ils ont le droit au juge des libertés et de la détention, puisque c’est une privation de liberté, comme dans les centres de rétention. In fine , nous proposons que le premier président de la cour d’appel puisse rejeter par ordonnance motivée les déclarations d’appel manifestement irrecevables. Voilà de quoi il s’agit !
Si quelqu’un nous dit « Tout le monde peut entrer librement ! », alors il faut nous le dire : on supprime le contrôle aux frontières des aéroports et on laisse les gens entrer comme ils le veulent. Personne ne le propose ! Personne ne le propose : pour cette raison, nous présentons ce texte, qui permettra de prendre en compte la réalité d’un aéroport comme Roissy. Sa salle d’audience, inaugurée il y a peu, fonctionne en prenant évidemment en compte, ici comme ailleurs, les droits de la défense. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Mathilde Panot. Monsieur le ministre, vous parlez de la réalité de la zone d’attente à l’aéroport. Ma collègue Danièle Obono a elle aussi parlé de la réalité créée par votre système de suspicion. Elle a évoqué le cas d’une fillette de six ans, retenue quatre jours dans la zone d’attente. Cette fillette française vivait avec sa grand-mère et venait voir sa mère, elle aussi française ; mais comme elle avait une tête de bébé sur la photo de sa carte d’identité française, on ne l’a pas reconnue et donc, par suspicion, on l’a placée en zone d’attente. Voilà le résultat du climat de suspicion généralisée que vous avez créé ! Nous le constatons partout : quand je suis allée visiter le centre de rétention de Cornebarrieu, dont je parlais hier, il y avait une Française. La réalité, c’est aussi cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Stéphane Peu. Je ferai deux observations. Tout d’abord, nous nous efforçons, depuis le début, en tout cas pour ce qui nous concerne, de ne pas être caricaturaux. Je demande à Mme la rapporteure et à M. le ministre de ne pas l’être de leur côté. Personne ici n’a proposé que l’on ouvre les frontières ! Personne !
Nous étudions un article instaurant la vidéo-audience, et cela pose un problème. Madame la rapporteure, vous avez cité une députée du groupe majoritaire, qui a fait carrière dans le domaine de la justice. Nous pourrions également citer Mme Vichnievsky, dont l’avis est opposé à celui de Mme Avia. Pour ma part, quand je parle du monde judiciaire, je m’en tiens aux organisations professionnelles de magistrats et d’avocats qui, toutes, dans leur diversité, sont opposées à la vidéo-audience. Écoutons-les ! Il ne s’agit pas de quelques associations marginales ou dont les positions seraient radicales : toutes les associations de magistrats et d’avocats s’y opposent. Il n’est donc pas aberrant d’entendre les professionnels.
Ensuite, si l’on considère, comme vous le faites, que la vidéo-audience, ce n’est pas très grave du point de vue du droit, que cela n’entache pas les droits de la défense ni le contradictoire, et que même pour le droit d’asile, qui nécessite souvent des traductions, cela peut se faire – alors que je peux vous garantir, pour avoir assisté à des vidéo-audiences, que les contraintes techniques ne permettent pas de rendre le droit dans des conditions sereines –, au moins, retirez de cet article la faculté de faire une vidéo-audience sans le consentement de la personne ! Maintenez-la avec le consentement, si vous le souhaitez. La vidéo-audience est déjà un problème en soi, mais si on s’autorise à en faire sans le consentement de la personne jugée, alors là, cela va très loin ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et NG.) La parole est à M. Bruno Questel. Je souhaite vous faire part très brièvement de mon expérience d’avocat. Qu’il s’agisse de correctionnelle, qu’il s’agisse du juge d’application des peines, qu’il s’agisse du quotidien de la justice française, nous utilisons la vidéo et cela marche très bien. Avec le consentement ! Pas toujours avec le consentement, y compris depuis les établissements pénitentiaires, et cela marche très bien ! Je voterai contre ces amendements. (Les amendements identiques nos 316 et 825 ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 158 et 925.
L’amendement no 158 est défendu.
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l’amendement no 925. Il est toujours question du même sujet : la vidéo-audience dans les zones d’attente. Le présent amendement a pour objet le retrait des alinéas 2 et 3, qui suppriment la possibilité, pour la personne concernée, de refuser la vidéo-audience. Autrement dit, vous souhaitez systématiser le recours à cette télé-audience pour éviter de devoir convoquer physiquement et matériellement les demandeurs d’asile en bonne et due forme dans la salle d’audience d’une juridiction. Vous inventez le télé-asile : voilà la réalité !
Kafka avait raison : désormais, un demandeur d’asile pourra être dans une salle, son interprète et son éventuel avocat de l’autre côté de l’écran. Seul face à l’écran ! Car voici concrètement les conditions dans lesquelles la justice française sera rendue : le demandeur d’asile qui sollicite une protection internationale contre des persécutions pourra se retrouver seul dans une pièce, isolé, face à un écran. Supprimer ces seuls alinéas serait déjà un petit pas vers plus d’humanité dans cet article ! Quel est l’avis de la commission ? Le requérant ne sera jamais seul, puisque son avocat doit être à côté de lui. Votre univers kafkaïen est largement fantasmé ! Avis défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Jean Terlier. Deux observations : tout d’abord, je veux rectifier une erreur de notre collègue de la Nouvelle gauche, qui a soutenu que le recours à la vidéo-audience était contraire à l’avis du Conseil constitutionnel. Qui a dit cela ? Nous avons tous lu le même projet de loi : celui-ci précise que, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « le droit au procès équitable permet que les formes de participation du justiciable soient aménagées, en fonction du dispositif technique dont peut bénéficier la juridiction, dans un objectif d’intérêt général ». Le Conseil constitutionnel dit précisément… Qui a dit cela ? Prenez le temps de le lire : c’est à la page 322 !
Ensuite, je veux rassurer tout le monde et répondre aux interrogations de M. Peu : il peut y avoir un problème de non-fonctionnement de ces vidéo-audiences. Oui, cela peut arriver ! Mais soyez rassurés : le recours à cette technologie sera décidé par le juge présent dans les locaux du tribunal. Lorsque le juge constatera que le dispositif de vidéo-audience ne fonctionne pas, il ne l’ordonnera pas. C’est à son entière discrétion. Faites confiance à votre justice, faites confiance aux magistrats, qui décident ou non d’ordonner une vidéo-audience ! Soyez rassurés et faites un peu confiance à votre justice pour prendre les bonnes décisions quant à l’utilisation de cette nouvelle technologie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Stéphane Peu. Je n’ai jamais fait référence au Conseil constitutionnel : j’ai fait référence au Défenseur des droits et à l’avis qu’il a rendu sur ce sujet – ce n’est pas tout à fait la même chose. Nous sommes tous les deux suffisamment âgés, monsieur Peu, pour savoir qu’il fut une époque où celui qui est aujourd’hui le Défenseur des droits n’avait pas exactement les mêmes positions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe NG.) Vous non plus ! Je le reconnais volontiers, mais certains se bonifient avec l’âge alors que pour d’autres, c’est le contraire ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et NG.)
Vous nous dites de faire confiance à la justice. Je n’ai pas dit autre chose ! Encore faut-il écouter ses représentants. Or toutes les organisations syndicales de magistrats sont opposées à cette mesure. Le meilleur moyen de leur faire confiance, c’est de les écouter ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et NG.) (Les amendements identiques nos 158 et 925 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Brahim Hammouche, pour soutenir l’amendement no 541. Il s’agit de ne pas déshumaniser un sujet éminemment humain. Le demandeur d’asile doit pouvoir, s’il le souhaite, s’exprimer face au magistrat qui va décider de son sort, de sa vie. Cela lui permettra de mieux se défendre et de mieux être entendu dans un colloque singulier, dans le respect de sa liberté de choix. Très bien ! (L’amendement no 541, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l’amendement no 1012. Il s’agit d’un moment un peu particulier, où le demandeur d’asile est confronté à son parcours et sa fragilité. Nos échanges en commission des lois nous ont permis d’avancer sur le point extrêmement important de la présence d’un interprète. Il conviendrait cependant de garantir que l’interprète sera dans la même pièce que le demandeur d’asile, et non pas à des milliers de kilomètres.
Si l’interprète ne peut pas être présent, cet amendement tend à garantir à tout le moins la présence du demandeur d’asile devant la CNDA. Quel est l’avis de la commission ? La garantie que nous avions introduite de la présence de l’interprète autant que possible devant la CNDA est ici beaucoup plus difficile, puisque le JLD doit statuer en 24 ou 48 heures. Organiser dans un délai aussi réduit et partout sur le territoire un interprétariat dans des langues souvent difficiles est trop compliqué sur le plan opérationnel, même si cela reste un objectif à atteindre.
Je vous demanderai donc de retirer votre amendement. À défaut, ce sera un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis que Mme la rapporteure. La parole est à Mme Martine Wonner. Je maintiens l’amendement, parce que ce sujet me paraît extrêmement important, d’autant qu’il s’agit des plus vulnérables. (L’amendement no 1012 n’est pas adopté.) La parole est à M. Brahim Hammouche, pour soutenir l’amendement no 542. Il s’agit de permettre au demandeur d’asile d’exercer son recours en annulation devant un magistrat, et non pas uniquement par le truchement d’un média audiovisuel. (L’amendement no 542, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l’amendement no 924. L’alinéa 5 nous paraît particulièrement inique, puisqu’il tend à faciliter le rejet par la justice d’une requête devenue sans objet, la personne en cause ayant quitté la zone d’attente pour repartir vers un autre État. Il est inique de laisser pendant plusieurs jours dans ces zones d’attente des personnes en situation de grande vulnérabilité et de précarité, elles qui ont dû bien souvent investir des sommes conséquentes dans le transport et l’obtention d’un visa, qui suppose des démarches coûteuses. Elles se retrouvent parfois face à des avocats rapaces… Voilà les avocats rapaces maintenant ! N’importe quoi ! …cela arrive ! Ce sont des magistrats qui nous le disent.
Ces personnes sont parfois interdites d’entrée de territoire parce que le motif de leur visite ne paraît pas plausible ou parce qu’elles sont soupçonnées de vouloir rester plus longtemps.
Nous demandons par cet amendement qu’on réintroduise des garanties procédurales strictes dans ces zones d’attente, où les droits devraient être non seulement garantis, mais renforcés, puisqu’y sont traitées des questions extrêmement sensibles aux conséquences extrêmement lourdes pour la vie des personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? L’alinéa 5 traite spécifiquement de l’irrecevabilité des appels. Le texte pose clairement que ceux-ci sont irrecevables quand ils ne sont pas suffisamment motivés ou lorsqu’ils sont forclos. Ce sont deux causes suffisantes d’irrecevabilité. Avis défavorable. (L’amendement no 924, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 207 rectifié et 230.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 207 rectifié. Le poncif oratoire selon lequel l’immigration ne coûte rien mais rapporte a la vie dure. Pourtant, le rapport de la Cour des comptes de 2015 est extrêmement instructif. Une députée de la majorité me demandait tout à l’heure combien ça coûtait. Le coût moyen d’un débouté qui repart est de 5 528 euros, et celui d’un demandeur d’asile de 13 724 euros. En 2017, les 45 000 déboutés auront coûté 368 millions d’euros aux contribuables. C’est un chiffre qui devrait sûrement intéresser les Français.
J’en ai un autre qui pourrait nous amener à réfléchir : 57 % des Français ne veulent plus financer l’immigration. Il serait peut-être donc temps de tenir compte de l’incompréhension et de la colère de ces derniers au sujet de l’accueil de toujours plus d’étrangers en France.
Mon amendement consiste donc – et cela me semble tout à fait opportun –, en cas d’appel, à exiger une caution de 200 euros des demandeurs d’asile. Ces 200 euros seront symboliques.
Pourquoi adopter une telle mesure ? Tout simplement parce que 80 % des recours sont rejetés. Naturellement, faire appel reste un droit. En revanche, il convient de lutter contre les recours abusifs. C’est ce que permettrait cette caution de 200 euros, puisqu’en cas de décision favorable, ils seraient remboursés. Dans le cas contraire, ils permettront de participer aux frais de cette immigration qui coûte cher aux Français. Bref, il s’agit tout simplement d’une politique de responsabilisation. La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 230. Force est de constater, monsieur le ministre, qu’une promesse est loin d’être tenue : celle de réduire la dépense publique – la dépense de l’État augmente cette année de 7 milliards d’euros – et d’augmenter le pouvoir d’achat – les prélèvements sur nos concitoyens augmenteront de 4,5 milliards au moins cette année.
On se rend compte que le coût du traitement des demandes d’asile est de plus en plus important. Nous vous proposons avec cet amendement de faire d’une pierre deux coups : récupérer plusieurs dizaines de millions d’euros pour juguler une partie de la dépense publique – je rappelle que le coût des demandeurs d’asile, globalement, c’est 2 milliards d’euros – et participer au désengorgement des guichets, qui traitent de plus en plus de demandes pour un coût de plus en plus important.
Nos compatriotes qui travaillent tous les jours et qui paient leurs impôts ne peuvent pas comprendre que le demandeur d’asile ne prenne pas en charge une partie du coût de cette procédure. Si cette nouvelle demande est acceptée – 80 % sont rejetées – , la caution lui est automatiquement restituée ; mais il convient qu’il participe un minimum aux frais colossaux engendrés par toutes ces procédures qui nécessitent des moyens matériels et humains de plus en plus importants. Quel est l’avis de la commission ? Un tel système de cautionnement ferait obstacle à l’exercice de leurs droits par des personnes totalement démunies. Décidément, vous n’êtes pas attaché à l’effectivité du droit de recours. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Puisque vous vous êtes attardé sur le climat économique en faisant le bilan de ce début de quinquennat, monsieur Di Filippo, je vais vous dire quel est notre bilan : pour la première fois depuis très longtemps, on recrée beaucoup d’emplois, on reconstitue des filières industrielles qui avaient totalement disparu. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Grâce à vous, peut-être ? Vous n’y êtes pour rien ! Nous, nous souhaitons développer l’économie, et pour cela il faut rester ouvert au monde et non pas, comme vous le souhaitez, se rétrécir sur soi-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Mansour Kamardine. Monsieur le ministre d’État, l’amendement qui nous est proposé me paraît relativement simple. Pouvons-nous, oui ou non, demander aux demandeurs d’asile de participer aux frais qu’engendre l’instruction de leur demande, sachant que la première demande resterait totalement prise en charge par l’État ? (« Le ministre n’écoute pas ! » sur les bancs du groupe LR.)
Ne pouvons-nous pas demander une telle participation à quelqu’un qui multiplie les procédures après une décision définitive ? Il faut savoir que ces demandeurs d’asile dépensent beaucoup d’argent pour venir en France. S’ils peuvent payer pour arriver sur notre territoire, ils peuvent faire un petit effort pour participer au financement de l’instruction de leur dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Jean Terlier. Je suis un peu surpris par la teneur des propos que nous venons d’entendre et par le contenu de cet amendement. N’avancez pas masqués ! Si ce que vous voulez, c’est que tous les étrangers qui demandent l’asile soient déboutés sans même que leur dossier ait été examiné, dites-le clairement ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) C’est caricatural !
Cette attention particulière que doit avoir l’administration est en effet fondamentale. Toutefois, l’article nous interpelle. Si vous rappelez et consacrez la vulnérabilité particulière des personnes qui ont obtenu l’asile ou la protection subsidiaire, qu’en est-il justement de toutes celles qui ont fait l’objet d’une procédure devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides – OFPRA – ou la Cour nationale du droit d’asile – CNDA ? Ne devaient-elles pas être considérées avec autant de vigilance dès le début de la procédure, et pas seulement à la fin ?
Comme le rappelle le Défenseur des droits, votre projet de loi donne une succession de coups de rabot aux garanties procédurales des demandeurs et demandeuses d’asile, sans aucunement tenir compte de leur vulnérabilité. Comme vous l’avez dit en commission des lois, monsieur le ministre d’État, les demandeurs et demandeuses d’asile de mauvaise foi passent par la procédure accélérée, caractérisée par des délais réduits et des garanties moindres.
Le « en même temps » porte ici un autre nom. Il s’appelle dissonance cognitive. On ne peut d’un côté créer un parcours juridique du combattant pour les demandeurs d’asile dans l’attente, particulièrement vulnérables, et de l’autre affirmer en brandissant un humanisme de façade que ceux qui ont obtenu l’asile sont des personnes vulnérables. C’est toute la contradiction de cet article. Très juste ! L’article ne fait l’objet d’aucun amendement. (L’article 9 bis est adopté.) La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l’amendement no 120. Cet amendement vise à permettre à la représentation nationale, comme à l’ensemble des Français, de connaître nos capacités d’accueil concrètes. On le sait, pour accueillir un réfugié, ou plus généralement un immigré, dans de bonnes conditions, il faut pouvoir l’intégrer, ce qui suppose la combinaison de plusieurs facteurs : travail, logement, liens sociaux.
Il est par conséquent nécessaire d’inverser la logique qui a toujours prévalu et selon laquelle les immigrés se présentent à nos frontières sans que la France puisse choisir leur nombre ni ajuster ses capacités d’accueil compte tenu des critères que j’ai évoqués.
Nous proposons donc que le Gouvernement publie chaque année un rapport combinant l’ensemble de ces évolutions, ce qui pourrait éclairer la représentation nationale et constituerait un premier pas vers une politique active de choix de l’immigration, une politique de quotas que le Parlement définirait chaque année en tenant compte des capacités d’accueil et d’intégration de notre pays. La parole est à Mme Élise Fajgeles, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. Il y a quelques années, Nicolas Sarkozy avait voulu, me semble-t-il, instaurer des quotas. Ce n’est pas ce que propose l’amendement ! Le rapport Mazeaud avait démontré qu’une telle politique serait peu productive et d’ailleurs inconstitutionnelle. En ce qui me concerne, j’émets un avis défavorable. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement. Avis défavorable. La parole est à M. Fabien Di Filippo. Malheureusement, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la réponse de la rapporteure, qui nous renvoie dix ans en arrière quand il s’agit de résoudre un problème actuel. Chaque année, nous devons nous interroger sur nos capacités d’accueil et d’intégration, les évaluer et faire le point. À défaut, on continuera d’aller dans le mur, comme on le fait actuellement.
Madame la rapporteure, vous ne pouvez nous opposer un refus en invoquant une expérience vieille de dix ans sans rapport – ni sur le plan juridique ni dans les faits – avec l’amendement. (L’amendement no 120 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l’amendement no 858 rectifié. La France est submergée par des flux migratoires incontrôlés constitués – vous le savez – d’étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire national ou qui se sont maintenus sur notre territoire après l’expiration de leur titre de séjour initialement régulier.
Afin d’éviter une reconduite à la frontière, les migrants concernés s’empressent de déposer une demande d’asile, ce qui leur évite l’éloignement et leur ouvre le droit éventuel à un hébergement et à un pécule. Seul un faible pourcentage – vous le savez aussi – des demandes d’asile ou de protection voient leur requête aboutir favorablement, ce qui montre le caractère majoritaire de ceux qui utilisent ce dépôt de manière abusive et dilatoire.
Cependant, la fraude à l’asile est très tentante dans la mesure où les étrangers concernés sont déjà présents sur le territoire français. Il est dès lors très difficile de réunir toutes les conditions pour les reconduire à la frontière. Selon les dernières statistiques disponibles, seules 14 % des obligations de quitter le territoire français sont réellement exécutées, et seulement 4 % des migrants déboutés quittent le territoire français.
Dans ce contexte, cet amendement tend à imposer aux demandeurs d’asile de déposer leur dossier dans leur pays d’origine, auprès d’un poste consulaire français. Relevons d’ailleurs que l’ambassade concernée ne doit pas nécessairement être dans le pays de résidence de l’étranger réellement menacé. Cette disposition, parfaitement conforme au droit international, n’aurait rien d’illogique. Tous les pays du monde appliquent strictement cette procédure pour les demandes de visa. Nos postes diplomatiques à l’étranger disposent de services suffisamment étoffés pour traiter les demandes de visa d’entrée en France, il suffira de les mandater pour traiter les demandes d’asile. Absurde ! Quel est l’avis de la commission ? La procédure que vous proposez existe déjà, mais elle ne peut être la règle générale. Quand on prend la route pour fuir la guerre, les persécutions, les dangers de mort, de traitement inhumain ou dégradant, on ne le fait pas par gaieté de cœur. En 2017, la quasi-totalité des 43 000 protections accordées ont bénéficié à des personnes qui vivaient déjà sur notre territoire. Votre demande n’est pas acceptable. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame Le Pen, vous avez assez peu suivi nos débats, mais la loi que nous proposons permettra de savoir en six mois qui a droit à l’asile parce qu’il est persécuté dans son pays ou qui n’y a pas droit. Nous réglerons ainsi les problèmes qui se posent depuis des années à notre pays.
Nous voulons une loi qui soit juste, fidèle à la tradition d’accueil de la France… Vous l’avez déjà écornée ! …en particulier vis-à-vis de ceux qui sont persécutés dans leur pays pour des raisons ethniques, religieuses, politiques ; mais en même temps, nous saurons éloigner ceux qui n’ont pas droit à l’asile. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Marine Le Pen. Monsieur le ministre d’État, votre réponse est totalement hors sujet. C’est votre amendement qui est hors sujet ! En l’occurrence, cet amendement ne tendait pas à remettre en cause les conditions d’aboutissement des demandes d’asile, mais l’endroit où ces demandes sont déposées et traitées, conformément au droit international. Cette proposition nous éviterait de mettre en œuvre des procédures très longues et coûteuses pour retrouver ceux qui, déboutés du droit d’asile, ont disparu dans la nature. Vous savez bien qu’ils sont nombreux, puisque seuls 4 % quittent notre pays.
Ne vous avancez pas trop, monsieur le ministre d’État, car on ne sait pas quels chiffres vous pourrez nous donner d’ici un ou deux ans, de ceux que vous vous engagez aujourd’hui à renvoyer dans leur pays en cas de rejet de leur demande.
Quant à vous, madame la rapporteure, je ne comprends pas bien l’indigence de votre réponse à ma proposition de bon sens. La demande pourrait être déposée dans n’importe quel pays du monde. S’ils prennent la route, ils traverseront un certain nombre de pays, et dans chacun d’eux, ils pourraient déposer auprès de nos services consulaires ou de nos ambassades leur demande d’asile. La parole est à M. Serge Letchimy. Madame Le Pen…. La leçon de morale commence ! …vous faites preuve d’une très grande intelligence en présentant ainsi votre proposition. Vous êtes très adroite. Je regrette que le ministre lui-même n’ait pas découvert votre stratégie. Il n’a pas votre intelligence ! Vous n’avez pas la parole, monsieur Collard. Laissons parler M. Letchimy. Réalisez-vous, monsieur Collard, que je suis en train de démasquer Mme Le Pen ? En effet, vous proposez très subtilement de remettre en cause le droit du sol. Vous l’avez d’ailleurs reconnu à l’occasion d’une interview accordée à LCP. En proposant de déposer la demande auprès d’un consulat ou d’une ambassade, vous n’accordez pas la possibilité de déposer cette demande sur un territoire. Or, il me semble important de rappeler que le droit du sol est aussi important que le droit du sang dans le domaine de la filiation. C’est fondamental. Il ne sait pas ce que c’est, le droit du sol ! Aucun rapport ! (L’amendement no 858 rectifié n’est pas adopté.) La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour soutenir l’amendement no 782. L’amendement de mon collègue Frédéric Petit propose que les actions de formation bénéficiant aux demandeurs d’asile issus de pays cibles de l’aide au développement bénéficient d’une coordination interministérielle et soient notamment pris en charge dans le cadre des programmes d’aide économique et financière au développement, ou dans le cadre de la diplomatie culturelle d’influence et de la francophonie.
En effet, au cours de la période allant de la demande d’asile à la décision finale, le demandeur d’asile se trouve souvent dans une phase d’attente passive qui pourrait être mise à profit pour le former. Cet amendement vise à associer les actions de formation linguistique, de délivrance d’un savoir-faire professionnel au demandeur d’asile, aux missions gouvernementales concernées par ces actions.
Cela permettrait d’anticiper l’éventualité que le demandeur d’asile soit débouté, en rendant plus efficace et plus intégrée l’organisation de sa préparation au retour. En revanche, s’il est admis au statut de réfugié, il aura alors déjà bénéficié d’une formation qui favorisera son installation en France. En tout état de cause, cela rendra la période de latence beaucoup moins passive et pathogène et permettra de diversifier les moyens d’action et les intervenants engagés. Quel est l’avis de la commission ? Pour le moment, les formations linguistiques et tous les parcours d’intégration sont consacrés aux réfugiés. Il n’est pas question ici de les étendre aux demandeurs d’asile, mais c’est une discussion que nous pourrions avoir plus tard, notamment dans le cadre du rapport Taché. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Isabelle Florennes. Je retire l’amendement. (L’amendement no 782 est retiré.) La parole est à Mme Mathilde Panot. Ma collègue Sabine Rubin parlait tout à l’heure de dissonance cognitive et d’incohérence. Nous les retrouvons à cet article. Vous ajoutez ainsi à la fin de cet article, un alinéa jusqu’à présent absent du texte : « Une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs, que ces derniers soient ou non accompagnés d’un adulte ».
Belle intention, mais que les actes du Gouvernement contredisent. En effet, toute la presse s’est fait l’écho, ces derniers mois, de condamnations en chaîne du préfet des Alpes-Maritimes par le tribunal administratif de Nice pour avoir ordonné le refoulement aux frontières ou le renvoi illégal hors de nos frontières de migrants mineurs. Et quelle est votre réponse, monsieur le ministre ? L’obligation de porter « une attention particulière » ! Croyez-vous vraiment que cette déclaration d’intention changera quelque chose ? Pourquoi ne pas écrire, tant que vous y êtes, « un temps de réflexion », « un café avant de décider » ? Soyons sérieux ! Nous écrivons la loi, mais la loi n’est déjà pas appliquée par votre gouvernement. Ce ne sont pas quelques vagues mots sur « une attention particulière » qui y changeront quoi que ce soit.
Surtout, nous prenons bonne note du fait que vous reconnaissez une vulnérabilité particulière aux mineurs. Allez donc au bout de votre démarche et, en cohérence avec vous-même, parce que les mineurs doivent recevoir cette protection particulière, votez les amendements que nous avons déposés en commun avec le groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour interdire le placement en rétention des mineurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Fabien Di Filippo. Monsieur le ministre, « ventre affamé n’a pas d’oreilles ». Je ne doute pas que, durant cette pause, vous aurez pu vous restaurer et que vous saurez entendre ma question. Nous avons rencontré tout à l’heure un problème au sujet des quotas, qui seraient éventuellement prévus en Guyane, en passant le taux d’acceptation des demandes d’asile de 92,8 % à 92 %, comme l’aurait déclaré le Président de la République. N’importe quoi ! Mais c’est vous qui l’avez dit ! Je n’ai jamais dit cela ! Répétez-moi les propos que vous avez tenus concernant la Guyane, dans ce cas ! Vous relirez ma réponse, tout simplement. La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l’amendement no 620. Je ne reviendrai pas sur le problème des mineurs et de la présomption de minorité, puisque nous avons appris qu’un texte spécifique viendrait sur le sujet. Vous connaissez la difficulté qui se pose. Un certain nombre de majeurs se font passer pour des mineurs et notre laxisme nous empêche d’imposer les examens qui permettraient de connaître la vérité et de confondre les personnes qui se rendent coupables d’escroquerie à l’hospitalité.
Cet amendement tend à supprimer les alinéas 4 à 6 de l’article. Le dernier alinéa dispose en effet qu’une attention particulière doit être accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs, qu’ils soient ou non accompagnés d’un adulte.
Cette disposition ne comporte aucune précision quant au concept de vulnérabilité, ce qui pourrait déboucher sur des dérives jurisprudentielles. Surtout, cette attention particulière est aussi accordée à des mineurs accompagnés par un adulte.
Cette précision pourrait inciter certains adultes, vous le savez, à se présenter accompagnés d’un enfant afin de bénéficier d’un traitement plus attentif. Or, les enfants ne sont pas des boucliers humains, ils ont déjà suffisamment de difficultés pour que vous n’en fassiez pas en plus des critères d’obtention d’un traitement de faveur pour les majeurs qui les accompagneraient. Très bien ! Quel est l’avis de la commission ? Je me suis rendue à la frontière franco-italienne à Montgenèvre, où j’ai pu constater dans quelles conditions les personnes arrivaient. L’important est de faire respecter le droit. Même s’il s’agit bien de refus d’admission, les conditions sont telles – la neige, par exemple – que même la police aux frontières a tout intérêt à l’existence de ce type de dispositions pour pouvoir tenir compte de la vulnérabilité des personnes et ne pas les laisser repartir dans la nature dans des conditions absolument terribles.
Sans remettre en cause le refus d’admission, la prise en compte de la vulnérabilité est la moindre des choses, et nous saluons cette initiative de la commission. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. (L’amendement no 620 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 663. La commission des lois a adopté des amendements conférant des droits supplémentaires, par rapport à l’état de la législation actuelle, aux personnes dites vulnérables. Nous avons considéré, au sein du groupe Les Républicains, que ces amendements pourraient grandement fragiliser nos dispositifs d’éloignement et que le droit actuel était déjà suffisamment garant des libertés individuelles et porteur de l’humanité nécessaire, notamment vis-à-vis des mineurs. Je peux en témoigner dans le département des Alpes-Maritimes. Je veux rendre hommage aux fonctionnaires de l’État et aux policiers en charge de l’accueil et de l’accompagnement – peut-être pourriez-vous faire de même, monsieur le ministre d’État. Malgré les campagnes diffamatoires qui ont été menées à leur encontre, ils accomplissent au quotidien un travail d’une grande qualité, sous les insultes et les menaces permanentes de militants d’extrême-gauche politisés qui instrumentalisent les migrants à des fins politiques, parce qu’il n’y a pas d’autre cause à leur engagement, et qui ont d’ailleurs été condamnés à plusieurs reprises par la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Très bien ! Des amendements ont été adoptés, qui visent notamment à inscrire dans le texte que ceux qui sont chargés de faire appliquer les lois, à savoir les policiers, doivent veiller à ce que le traitement des personnes respecte la dignité humaine. Cette suspicion, ces non-dits, ces arrière-pensées, qui reprennent le discours politicien des associations que j’ai évoquées, n’ont pas leur place dans le texte. C’est pourquoi je propose de les supprimer.
Nous devons confiance et reconnaissance à ceux qui sont chargés de faire respecter les lois de la République, sous votre autorité, monsieur le ministre d’État. Si vous les soutenez, si vous avez à leur égard, ce que je crois, la reconnaissance et la considération qu’ils méritent, vous aurez à cœur de soutenir cet amendement qui respecte le travail difficile de notre police de l’air et des frontières ainsi que de nos douaniers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Quel est l’avis de la commission ? Je rends moi aussi hommage aux policiers que j’ai pu rencontrer à la frontière franco-italienne, mais je fais l’analyse contraire. Je pense que c’est précisément parce qu’ils tiennent compte de cette vulnérabilité et qu’on leur reproche de ne pas le faire qu’il faut inscrire dans la loi qu’une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables. Chacun saura ainsi que l’action des policiers est conforme à la loi et ils ne seront plus soumis à ces polémiques.
J’ai visité le local dans lequel ils accueillent les personnes en situation de vulnérabilité : il ne s’agira plus désormais pour les policiers que d’une simple question de respect de la loi. Avis défavorable. Vous faites donc des lois bavardes. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable.
Je m’exprimerai tout à l’heure sur les problèmes qui se posent à la frontière franco-italienne. La parole est à M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre d’État, nous ne comprenons pas votre silence. L’article 10 A n’était pas dans le projet de loi présenté par le Gouvernement. La rédaction actuelle du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit déjà des dispositions relatives au refus d’entrée. Tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont eu à connaître de ces questions savent, par exemple, qu’un mineur arrivant à la ZAPI – zone d’attente pour personnes en instance – de Roissy fera évidemment l’objet d’une prise en charge très attentive par vos services. Une association intervient même à la ZAPI de Roissy. C’est Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, qui avait souhaité l’introduire en ces lieux pour prendre notamment en charge les mineurs arrivant sur le territoire national dans de telles conditions.
En modifiant le texte comme le propose la commission des lois, vous donnez le sentiment que vous vous méfiez de vos propres services. Il n’est nul besoin d’inscrire dans le texte que les agents de l’État doivent accorder une attention particulière aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs. C’est évidemment et heureusement déjà le cas. Madame la rapporteure, nous partageons tous, sur tous les bancs, les mêmes intentions sur l’article 10 A : pourquoi diable modifier ce qui, pour une fois, fonctionne ? La parole est à Mme Danièle Obono. Tout en étant en total désaccord avec cet amendement et en appelant à voter contre, je tiens à répondre aux manipulations auxquelles M. Ciotti s’est livré en le défendant. En effet, les dénonciations des actes commis à la frontière franco-italienne ne sont pas des élucubrations de gauchistes. Elles sont d’abord le fait des autorités italiennes – dois-je vous rappeler les récents incidents diplomatiques survenus à ce propos ? –, ainsi que celui des organisations internationales et nationales de défense des droits de l’homme. On peut évidemment considérer que ces associations sont sous la coupe de la France insoumise, mais ce serait peut-être nous faire trop d’honneur.
De plus, une plainte relative au comportement des forces de police a été déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Il y a surtout eu des condamnations de vos amis ! Ils sont complices des passeurs ! Comme les forces de police et les garde-frontières agissent sur l’ordre de l’autorité politique, c’est évidemment celle-ci qui est responsable de leurs agissements. Pourquoi jeter l’opprobre sur les citoyens ? Il n’est pas besoin d’être militant d’extrême gauche pour avoir le sens de l’humanité et accomplir son devoir de solidarité. Je pense notamment à Cédric Herrou ou aux militants d’Amnesty international, qui ont secouru les migrants et, loin d’avoir sali la tradition de la France en leur donnant la main, l’ont au contraire honorée. C’est vous qui salissez leur action : il était important de le rappeler. Nous leur apportons tout notre soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupe FI, GDR et NG. - Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et LR.) Scandaleux ! (L’amendement no 663 n’est pas adopté.) Mes chers collègues, pour l’efficacité de nos débats, nous allons nous en tenir à deux orateurs par amendement, sauf en cas de débats plus longs portant sur des thèmes identifiés.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 767. Cet amendement vise à insérer à l’alinéa 8, après le mot « mineurs », les mots : « dont il est prouvé et raisonnable de penser qu’ils n’ont pas atteint l’âge de 18 ans ».
En effet, le syndicat des cadres de la sécurité intérieure CFDT a alerté les membres de la commission des lois sur les filières de « "faux mineurs", non accompagnés, […] qui échappent donc aux procédures de retenue administrative et dont la preuve de la minorité et de l’isolement appartient aux services de police. » Dans cette perspective, « l’attention particulière » mentionnée à l’alinéa 8 ne doit en aucun cas permettre d’encourager ces filières clandestines de « faux mineurs ».
Je suis particulièrement attentive au sujet, parce que dans mon département, l’Hérault, une filière fournissant de faux documents d’identité à des migrants, leur permettant de se faire passer pour des mineurs et, ainsi, de bénéficier d’aides, a été démantelée par la police aux frontières. Après six mois d’enquête, on a découvert que de faux mineurs, qui avaient tous acheté leur acte de naissance à un faussaire de Daloa, en Côte-d’Ivoire, étaient passés par la Libye puis par l’Italie. Ils faisaient croire qu’ils étaient orphelins, alors que leurs parents, en Côte-d’Ivoire, étaient bel et bien vivants. Résultat : 825 000 euros de préjudice en trois mois. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement porte bien sur des refus d’entrée. Il convient donc de prendre en considération la vulnérabilité. Je me suis évidemment aperçue, lors de ma visite à la frontière franco-italienne, que la police aux frontières hésite parfois sur la minorité d’une personne. Toutefois, plutôt que de la relâcher en pleine nuit dans la neige, elle préfère la garder dans le local d’attente avant de la renvoyer en Italie. Avis défavorable. Regardez ce qui se passe dans les départements ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. Je m’exprimerai bientôt plus longuement sur la question. La parole est à Mme Sandrine Mörch. Vous semblez vraiment obsédée par la question des faux mineurs. Pourquoi obsédée ? Notre problème est plutôt la méfiance généralisée que vous portez à tous ces adolescents qui se retrouvent sur notre territoire et qui voient leur parcours fragilisé parce qu’ils sont injustement suspectés d’être majeurs. Vous le savez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM, ainsi que sur les bancs des groupes NG, FI et GDR.) Les images que vous véhiculez ont des effets dévastateurs. À force de suspicion maladive, nous n’assumons même plus notre devoir d’assistance à l’égard des jeunes.
Si j’ai bien compris les propos de Mme Le Pen, le statut de demandeur d’asile « ne doit donner aucun droit ». (Exclamations parmi les députés non inscrits.) En conséquence, pas d’hébergement, pas d’allocations, pas d’aide médicale d’urgence, pas de scolarisation, pas de cours de français. Je souhaite juste vous poser une question : quel sera le coût pour les Français de cette défiance et de cette absence de solidarité de base ? Combien coûte un accueil qui n’est pas digne ? Combien coûte la misère, selon vous ? Combien coûtent les bidonvilles, les problèmes sanitaires, la détresse, l’ignorance, l’explosion des réseaux de prostitution et les vendeurs de sommeil ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, NG, FI et GDR.) Combien coûte la délinquance qui en découlerait nécessairement, parce qu’il faut bien survivre ? Combien tout cela coûtera-t-il aux Français ? Car les Français devront aussi payer, et je puis vous assurer que ce sera bien plus coûteux qu’un accueil digne de ce nom ! (Mêmes mouvements.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Ces procès d’intention sont terribles ! Je vous donne des faits et vous ne voulez pas ouvrir les yeux, vous ne voulez pas les voir ! Vous ne voulez pas voir la réalité ! Ce n’est pas moi qui ai démantelé la filière des faux mineurs ! Vous me demandez combien cela coûte : je vais vous le dire. Depuis le 1er janvier, le parquet a déjà engagé des poursuites à l’encontre d’une quinzaine de faux mineurs pour fraude sociale au département – il ne s’agit que de l’Hérault. Ces faux mineurs ont coûté l’année dernière près d’1 million d’euros et, depuis le 1er janvier 2018, le préjudice s’élève déjà à plus de 800 000 euros. Voilà combien cela coûte. (Applaudissements parmi les députés non inscrits.) (L’amendement no 767 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Élise Fajgeles, pour soutenir l’amendement no 635. Amendement rédactionnel. (L’amendement no 635, accepté par le Gouvernement, est adopté.) La parole est à M. le ministre d’État. Mesdames et messieurs les députés, je souhaite évoquer les problèmes très importants qui se posent à la frontière avec l’Italie.
Je rappelle que 50 000 non-admissions ont été prononcées à cette frontière en 2017, ce qui donne une idée de la pression migratoire qui s’y exerce. Parce que cette pression reste forte, parce que, dans le même temps, la France reste soumise à un problème important de traversée de ses frontières, nous avons décidé de renouveler les contrôles aux frontières pour les six mois à venir.
Cette exigence d’efficacité, nous devons évidemment la concilier avec une exigence d’humanité et de dignité. Paroles verbales. Je partage la préoccupation, fréquemment exprimée, quant à la dangerosité des routes dans les Hautes-Alpes, au col de Montgenèvre ou au col de l’Échelle, que les migrants, quelquefois pour échapper aux contrôles dans les Alpes-Maritimes, empruntent depuis le mois d’août dernier.
Par rapport à 2016, le nombre des migrants sur cette route particulièrement dangereuse a été multiplié par six, voire plus. C’est pourquoi nous voulons prendre des mesures avec nos amis italiens pour mieux contrôler cette frontière. J’ai eu sur le sujet de grandes discussions, débouchant sur une véritable coopération, avec l’actuel ministre de l’intérieur italien, Marco Minniti, et avec le président du Conseil. Aujourd’hui, notre coopération est exemplaire. Ils sont ravis. Sur cette route particulièrement dangereuse, les forces de secours, pelotons de gendarmerie de haute montagne et CRS des Alpes, interviennent très régulièrement chaque semaine pour secourir des personnes en perdition dans la montagne. Les services de l’État, qu’il s’agisse des policiers ou des pompiers, ne font aucune différence entre ressortissants français et étrangers : c’est là notre dignité.
Mais en même temps, nous voulons contrôler nos frontières, et donc empêcher ceux qui pensent que les frontières n’existent plus de lancer des appels et d’inciter les migrants à traverser la Méditerranée dans des conditions particulièrement dangereuses.
Nos services constatent qu’un certain nombre de numéros de téléphone sont distribués aux migrants ; on les incite à passer en leur disant qu’ils pourront appeler ces numéros en cas de problème. Lorsqu’ils sont en perdition, ils appellent mais ils ne peuvent pas obtenir de réponse. La seule vraie réponse est apportée par la préfecture, qui mobilise nos services.
Il faut donc faire en sorte que les frontières soient respectées mais, en même temps, à chaque fois que des personnes sont en danger ou en situation de vulnérabilité, nous devons être au premier rang. C’est cela, l’équilibre que nous cherchons, tant aux frontières italiennes que dans l’ensemble du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui. Nous devons prendre en compte la réalité de la situation que nos compatriotes connaissent, et en même temps être capables de générosité. C’est tout l’objet de ce projet de loi. Il y a trop de « en même temps » ! Oui, le « en même temps » existe. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Nous voulons maîtriser l’immigration et, en même temps, faire en sorte que le droit d’asile soit respecté dans notre pays… Ce ne sont que des mots ! Des slogans ! …parce que c’est le meilleur de la tradition française. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM. – « Debout ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.) Nous en venons aux explications de vote sur l’article 10 A.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe Les Républicains. Nous voterons contre cet article, qui introduit une suspicion.
Monsieur le ministre d’État, vous nous avez apporté des explications et je vous en remercie. Vous avez décrit la gravité de la situation à la frontière franco-italienne, dans les Alpes-Maritimes, où 50 000 migrants ont déjà été interpellés, dont un nombre croissant de mineurs. Vous avez rappelé l’importance du contrôle aux frontières, qui a été rétabli le 13 novembre 2015 à l’occasion de la COP21 et après les attentats qui ont frappé notre pays, notamment au Bataclan. Ces contrôles aux frontières sont très utiles, dans la mesure où ils permettent d’appliquer les procédures simplifiées de non-admission, qui se sont substituées aux procédures de réadmission. Ces dernières, beaucoup plus lourdes et complexes, n’auraient plus été supportées par nos services, ni par nos structures d’accueil, compte tenu de l’augmentation du nombre de passages.
Monsieur le ministre d’État, je sais que vos services sont mobilisés : ce soir, je veux leur rendre hommage et saluer leur efficacité et leur courage, notamment dans le contexte que je rappelais, avec les attaques indignes qu’ils subissent.
Vous avez évoqué les numéros de téléphone figurant sur des cartes vendues par les passeurs aux migrants avant leur traversée de la Méditerranée, où beaucoup trouvent la mort. Certains de ces numéros appartiennent à des personnes condamnées par la justice, dont parlait tout à l’heure Mme Obono et qui nourrissent en permanence les passages – ce sont les complices des passeurs.
Nous sommes inquiets, monsieur le ministre d’État : à la frontière franco-italienne, depuis quelques semaines, depuis quelques jours, le nombre de passages a considérablement augmenté. Depuis quelques semaines, vous le savez, les autorités italiennes coopèrent beaucoup moins ; depuis quelques jours, elles refusent les procédures de non-admission pour les mineurs. Depuis le début de l’année jusqu’à ce jour, nous avons accueilli quasiment autant de mineurs non accompagnés que pendant toute l’année 2017. Veuillez conclure, mon cher collègue. Monsieur le ministre d’État, il faut que vous en soyez conscient. Alors que vous êtes en train de prendre des dispositions plus souples, vous devez mesurer la gravité de la situation, qui empire encore. Merci, monsieur Ciotti. Laissez-le parler, monsieur le président ! C’est important ! Monsieur le président, il faut que nous débattions de cette question, puisque les Alpes-Maritimes sont la porte d’entrée de tous les flux migratoires dans notre pays. Merci, monsieur Ciotti. Le débat aura lieu, mais chacun doit respecter son temps de parole. Si ce contrôle n’est plus effectué aujourd’hui, alors c’est tout notre pays qui sera concerné demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour le groupe La France insoumise. Après nos débats, il me semblait que nous étions quand même d’accord sur certains points touchant aux causes des migrations forcées, à leur caractère global et à la nécessité d’avoir une vision d’ensemble du phénomène avant de s’attaquer à ses causes. C’est, en tout cas, notre perspective.
Il est assez curieux et problématique que l’entrée en France de ces réfugiés soit aujourd’hui imputée à l’action de citoyens comme Martine Landry, une femme de soixante-treize ans, militante d’ATTAC,… Ah, vous les connaissez donc ! …qui a porté secours à deux mineurs de treize et quinze ans pour leur éviter de connaître le sort d’un trop grand nombre de migrants. Non, nous ne considérons pas que ces personnes ont commis des actes illégitimes. Mais la justice le pense ! Nous sommes dans un État de droit ! Nous pensons au contraire qu’ils ont honoré notre tradition d’accueil… Ils contribuent à organiser des filières ! …et agi comme devrait le faire toute personne face à un autre être humain visiblement en danger. Là-dessus, effectivement, nous sommes en désaccord.
Nous avons des propositions. Nous n’appelons pas à une ouverture totale des frontières – nous ne sommes pas des « No Border », vous le savez très bien. Ah non, cela nous avait échappé ! Dans notre document « Pour une politique migratoire humaniste, solidaire, raisonnée et réaliste », nous expliquons comment s’attaquer aux causes des migrations et comment éviter que des personnes se retrouvent dans les cols des Alpes, qu’elles mettent leur vie en danger et que des enfants soient placés en zone d’attente. Nous avons une solution globale mais, malheureusement, ce n’est pas ce que vous proposez, monsieur le ministre d’État. Au contraire, vous permettez à l’extrême droite et à la droite la plus xénophobe de s’emparer de ce débat et de pointer du doigt les citoyens qui font honneur à la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.) (L’article 10 A, amendé, est adopté.) La parole est à Mme Bénédicte Taurine, inscrite sur l’article. Cet article relatif aux procédures de non-admission à nos frontières dans le cadre du rétablissement temporaire des frontières intra-Schengen semble innocent, mais il faut rappeler quelles dispositions en ont été retirées. En effet, l’avant-projet de loi que le Gouvernement avait mis à notre disposition et qui avait particulièrement scandalisé les associations comportait une disposition relative au franchissement de nos frontières.
Dans ce qui était alors l’article 16 de l’avant-projet de loi, le Gouvernement voulait rétablir un délit de franchissement des frontières extérieures en dehors d’un point de passage frontalier : tout contrevenant risquait un an d’emprisonnement et une amende de 3 750 euros. Vous auriez ainsi forcé ceux qui ont subi la guerre et les pires atrocités dans leur pays et sur le chemin de l’exil – l’esclavage en Libye, les tortures, les viols, les violences – à mourir de froid dans la montagne, sans eau ni nourriture, en attendant l’heure d’ouverture d’un poste frontière pour chercher refuge en France. Cette proposition du Gouvernement était d’ailleurs contraire à l’article 31 de la convention de Genève.
Monsieur le ministre d’État, vous avez retiré cette disposition de votre projet de loi, et c’est tant mieux. Mais cet article reste tout de même un ersatz de votre volonté politique, qui ne nous a pas échappé. Bravo ! Je suis saisi d’un amendement, no 314, de suppression de l’article 10 B.
La parole est à M. Alain David, pour le soutenir. En effet, monsieur le président, cet amendement vise à supprimer l’article 10 B, lequel prévoit la limitation du périmètre dans lequel peuvent être prononcés les refus d’entrée en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, au sein de l’espace Schengen. En d’autres termes, il entérine dans le CESEDA la possibilité de rétablir les frontières intérieures : à notre sens, il est donc contraire à l’esprit des accords de Schengen. Quel est l’avis de la commission ? Monsieur David, vous savez bien que l’exception liée à la menace terroriste est acceptée par nos partenaires et tout à fait prévue dans les accords de Schengen. Compte tenu de la menace terroriste qui continue de peser sur nous, il est important d’en rester à cet esprit-là. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Éric Ciotti. Nous soutiendrons naturellement cet article essentiel pour l’équilibre et le contrôle des flux migratoires, ainsi que pour nos contrôles aux frontières.
Par dérogation au code frontières Schengen, ce contrôle a été mis en place le 13 novembre 2015. Il est aujourd’hui essentiel. Vous avez eu raison, monsieur le ministre d’État, de veiller au maintien de ce contrôle, et je vous en remercie. Nous avions eu des inquiétudes et nous vous avions interrogé cet été, à plusieurs reprises, alors que nous voyions arriver le terme du délai maximal de deux ans. Vous avez alors mis en place un cadre dérogatoire qui est aujourd’hui pérennisé par la loi. C’est une très bonne chose.
Permettez-moi, monsieur le ministre d’État, de reposer une question que j’avais formulée lundi dans le cadre de la motion de renvoi en commission. J’avais évoqué une note d’Europol, citée par le Guardian et le Figaro , qui faisait état du franchissement de la frontière franco-italienne, cet été, par au moins cinquante djihadistes de nationalité tunisienne. Ces articles et cette note faisaient référence à des menaces très graves pour la sécurité nationale. Le contrôle aux frontières intérieures est naturellement lié au contexte terroriste : c’est pourquoi il doit être maintenu. Monsieur le ministre d’État, tout en vous remerciant encore une fois d’avoir obtenu, au nom de la France, que ce contrôle soit pérennisé, pouvez-vous confirmer ou infirmer l’information selon laquelle de tels flux ont été constatés ? (L’amendement no 314 n’est pas adopté.) L’amendement no 631, déposé par M. Joël Giraud, est repris par la commission.
La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir. Dans le cadre de nos travaux en commission, M. Giraud avait déposé un amendement, cosigné par les membres du groupe La République en marche et moi-même, visant à faire définir par décret en Conseil d’État une zone dans laquelle il serait possible de refuser l’accès au territoire aux personnes contrôlées. L’amendement no 631 préserve la souplesse de l’article 10 B, puisqu’il s’agit toujours de délimiter par décret en Conseil d’État une telle zone en fonction des réalités géographiques, mais il précise que le périmètre de cette zone ne pourra pas dépasser dix kilomètres. Il s’agit donc de mieux encadrer cette zone de refus d’admission. Quel est l’avis du Gouvernement ? Il est évidemment favorable.
Joël Giraud connaît particulièrement bien la situation à la frontière italienne, puisqu’il est élu de cette zone géographique. Éric Ciotti l’est aussi ! Vous devriez le citer ! Quel sectarisme ! Il connaît les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Ces difficultés sont liées à la volonté de certains de faire franchir tous les passages, et en même temps, comme je le disais tout à l’heure, à la prise en compte de l’aspect humanitaire. Il a donc déposé cet amendement, auquel nous souscrivons évidemment.
Monsieur Ciotti, les problèmes auxquels nous devons faire face, et que je ne me cache pas, ne peuvent pas simplement être traités dans un cadre national ; ils doivent l’être dans une longue chaîne.
Lorsque le Président de la République dit qu’il faut permettre aux pays d’origine des migrants de se développer, c’est un premier élément de cette chaîne. Quand il appelle l’Union européenne à faire preuve de plus de solidarité européenne envers l’Afrique, c’est encore un élément de cette chaîne. Lorsqu’au Niger, le Gouvernement prend des décisions difficiles pour supprimer le passage des migrants par Agadez, c’est un autre bout de la chaîne. Où en êtes-vous avec les hot spots ? Lorsqu’on essaie de reconstituer un État en Libye, c’est encore un autre bout de la chaîne. Lorsque nous travaillons, avec le président du Conseil et le ministre de l’intérieur italiens, pour trouver un accord entre nous, c’est encore un bout de la chaîne.
Je m’inquiète, évidemment, lorsque des populistes veulent raisonner uniquement à l’échelle de leur pays, car ce serait la guerre de chacun contre chacun là où nous devons avoir de la coopération.
Précédemment, nous avons coopéré avec les ministres de l’intérieur allemand et italien. Ah ! En France, il faut certes faire respecter nos frontières – car, pour des raisons financières aussi bien qu’idéologiques, on ne peut pas faire en sorte qu’il n’y ait plus de frontières –, mais, en même temps (Exclamations et rires sur les bancs du groupe LR) – j’assume l’expression –, il faut savoir respecter le droit d’asile, et c’est précisément parce que nous voulons le faire respecter que nous prenons les décisions que nous vous présentons aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre d’État, cet amendement m’inspire des inquiétudes. La bande des 20 kilomètres a été censurée en 2010 par la Cour de justice de l’Union européenne, mais vous avez mis en place un dispositif qui a notamment été voté cet été, à la faveur d’un vecteur législatif, et qui prévoit des points de passage autorisés. Or, je crains que le nouveau dispositif introduit par l’amendement de M. Giraud, qui me paraît beaucoup plus restrictif, ne nous prive de capacités de contrôle, notamment aux points de passage autorisés. Je ne sais pas si vous avez évalué ce dispositif : vous voulez instaurer la bande de 10 kilomètres par la loi, mais vous pourriez le faire par voie réglementaire, ce qui laisserait plus de souplesse et d’adaptabilité, notamment en fonction des territoires, dans le cadre de la jurisprudence nationale ou conventionnelle.
Je crains que cet amendement, sous couvert d’humanité et du fameux « en même temps », ne soit extraordinairement restrictif et ne vous prive de leviers d’action. Il ne s’agit pas ici de discours. Votre texte comporte des mesures d’appel, vous faites de la politique et vous lancez des messages, mais il s’agit ici d’efficacité et de pragmatisme : si vous affaiblissez le contrôle à nos frontières, on ne tiendra plus rien et il y aura une entrée massive car, comme vous le savez, il y a aujourd’hui en Italie de 600 000 à 800 000 étrangers en situation irrégulière. Si les dispositifs mis en place à nos frontières, notamment dans les Alpes-Maritimes et dans les Hautes-Alpes, sont fragilisés, je vous laisse en tirer les conséquences pour notre pays dans quelques semaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Alexandra Valetta Ardisson. Monsieur Ciotti, en tant que députée de la quatrième circonscription des Alpes-Maritimes, directement concernée par la frontière franco-italienne, j’avais initialement les mêmes inquiétudes que vous sur cet amendement. Après l’avoir attentivement étudié, je peux vous assurer qu’il n’y aura aucun effet sur les fameux points de passage autorisés – PPA – et que les contrôles et les sécurités à la frontière seront bien maintenus.
Chers collègues du groupe La France insoumise, vous nous demandez de ne pas jeter l’opprobre sur les associations, mais vous attaquez sans vergogne le Gouvernement, les services de l’État et les forces de l’ordre qui œuvrent le long de la frontière. C’est vous qui devriez avoir honte (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) , mais il est vrai que votre fonds de commerce, ce sont plutôt les zadistes et ceux qui saccagent les universités que les fonctionnaires qui tentent de maintenir l’État de droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UDI-Agir et LR.) (L’amendement no 631 est adopté.) (L’article 10 B, amendé, est adopté.) Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 10.
La parole est à Mme Danièle Obono. La condition sine qua non pour faire une demande d’asile est l’accès au territoire. Lorsqu’on parle d’externalisation du droit d’asile, c’est précisément de cela qu’il est question : il s’agit de tuer dans l’œuf la simple possibilité de demander l’asile en France et en Europe, en empêchant par divers moyens l’accès au territoire de personnes qui ont précisément besoin de notre protection.
Cet article 10 tente de parfaire jusque dans les moindres détails, comme il semble que ce soit systématiquement le cas, cette politique de dissolution du droit d’asile, non seulement au niveau français, mais aussi au niveau européen, par tous les moyens techniques et de procédure. Dans les zones d’attente – en France, ce sont le plus souvent les aéroports de Roissy et d’Orly – se trouvent des femmes et des hommes à qui on a refusé l’accès sur le territoire. On y trouve également des enfants, comme l’ont rapporté les journaux, citant par exemple le cas de deux fillettes – l’une française, de six ans, l’autre ivoirienne, de trois ans –, retenues quatre à cinq jours dans une zone d’attente de l’aéroport de Roissy.
Cet article veut, une fois encore, réduire les garanties procédurales dans un contexte où elles sont les plus nécessaires, systématiser les vidéo-audiences et faciliter les décisions d’irrecevabilité. La généralisation de la vidéo-audience, que nous avons déjà évoquée, remet en cause le droit des demandeurs et des demandeuses d’asile à une vraie audience dans un réel environnement juridictionnel. C’est passer outre les difficultés techniques déjà constatées et rendre encore plus compliqué, pour des personnes ayant subi des persécutions, d’en faire le récit. C’est ce que disent et redisent les avocats de la défense, les magistrats, les associations et le Groupe d’information et de soutien des immigrés – GISTI –, n’en déplaise à certains députés qui tentent d’utiliser ces exemples pour dire le contraire.
Comment imaginer qu’on puisse, avec un tel média, faire part des tortures et des persécutions subies ? Cela va à l’encontre du droit qui devrait être garanti à ces personnes. Cet article crée des conditions intolérables. Nous nous y opposons donc formellement. Très bien ! La parole est à Mme Laurence Dumont. L’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers – ANAFÉ – utilise le terme d’« invisibilisation de la procédure en zone d’attente » pour qualifier cet article qui renforce l’idée que les personnes maintenues sont des justiciables marginaux, à éloigner à tout prix, y compris, désormais, des tribunaux. Il s’agit, ici encore, de porter une atteinte aux droits des personnes en se passant de leur consentement pour utiliser la visioconférence, qui sera généralisée, en dépit des avis successifs du contrôleur général des lieux de privation de liberté – CGLPL – , de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou de la Commission nationale consultative des droits de l’homme– CNCDH.
Le 21 février dernier, le CGLPL rappelait en effet que « la généralisation du recours à la visioconférence pour les audiences, sans le consentement des intéressés, est inacceptable. Outre des difficultés techniques souvent constatées, la visioconférence entraîne une déshumanisation des débats et nuit considérablement à la qualité des échanges. Le CGLPL rappelle ses recommandations antérieures, aux termes desquelles l’usage de ce moyen doit rester exceptionnel, et en aucun cas constituer une commodité pour l’administration. Elle doit en tout état de cause être soumise à l’accord de la personne concernée. »
L’exemple donné par l’ANAFÉ dans son avis est, à cet égard, éclairant : un demandeur d’asile sera auditionné par l’OFPRA par visioconférence, son recours sera fait par visio-audience devant le tribunal administratif, l’audience devant le juge des libertés et de la détention se fera pas visio-audience, avec un tribunal délocalisé loin du tribunal compétent – Roissy ou Marseille, par exemple – et sa requête en appel sera rejetée au « tri ». Ainsi, cette personne ne rencontrera physiquement aucun juge tout au long de la procédure. Vous avez là la démonstration du recul dans le droit à un procès équitable, à l’accès au juge et à un recours effectif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.) La parole est à M. Christophe Blanchet. L’article 10, qui figure au titre II : « Renforcer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière », concerne la procédure dans les zones d’attente. Il apporte deux modifications ponctuelles au régime du contentieux des refus d’admission. Tout d’abord, il facilite la tenue d’audiences au moyen de vidéoconférences. D’autre part, il permet un traitement plus rapide des déclarations d’appels manifestement irrecevables formées à l’encontre de décisions du juge des libertés et de la détention.
Le 1° et le 2° de cet article permettront une meilleure administration de la justice en évitant l’allongement des délais d’audience, protégeront la dignité des demandeurs en leur épargnant des déplacements sous escorte et en leur fournissant des garanties telles que la confidentialité et la qualité de la retransmission, tout en préservant les deniers publics par la réduction des coûts pour l’administration. Le 3° permettra de faciliter le traitement des appels en autorisant la cour d’appel à rejeter par ordonnance motivée les déclarations manifestement irrecevables définies par décret en Conseil d’État.
En mettant cette procédure dans les zones d’attente en cohérence avec les modifications que ce projet de loi apporte à la procédure devant la Cour nationale du droit d’asile – CNDA –, il permet un traitement plus efficace des demandes. En somme, cet article entend simplifier les conditions d’exercice de la justice dans le cadre du maintien en zone d’attente, sans pour autant porter atteinte à la dignité des personnes et au bon exercice du droit, puisqu’il bénéficie du soutien du Conseil d’État et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Fabien Di Filippo. Cet article nous permet de parler de l’efficacité du traitement des demandes d’asile. C’est un sujet important, car il ne faut jamais oublier que, derrière toutes ces choses dont nous parlons, derrière toutes ces demandes d’asile et ces prises en charge, il y a un coût, aujourd’hui assumé entièrement par le contribuable. La prise en charge des demandeurs d’asile représente 2 milliards d’euros – et encore ce chiffre est-il celui de 2015, selon un rapport de la Cour des comptes –, dont une moitié pour les demandeurs acceptés et une moitié pour les demandeurs déboutés. Quant à l’allocation de demandeur d’asile, elle représente 355 millions d’euros en 2017, en hausse de 61 %.
Ces coûts sont très importants et tout ce qui va dans le sens d’une accélération, d’une plus grande efficacité ou d’une dématérialisation des procédures est sans doute une bonne chose. Je reviendrai vers vous avec un amendement tendant à ce que les gens qui abusent du renouvellement et du dépôt successif de plusieurs demandes d’asile soient mis à contribution. Avec vous, les chômeurs, les pauvres et les immigrés sont tous des fraudeurs ! La parole est à Mme Elsa Faucillon. J’ai déjà beaucoup évoqué la question de la généralisation de la vidéo-audience et de la grande importance, pour les plus vulnérables, de l’oralité et de la présence physique.
Il est beaucoup question de la question des droits. Une justice forte est celle qui est capable de donner les mêmes droits aux plus faibles qu’aux plus forts dans la société, aux moins riches qu’aux plus riches, mais aussi celle qui donne les mêmes droits à celui qui a tous les traits du coupable idéal qu’à celui sur lequel on a peu de doutes : c’est la garantie de la confiance de toutes et tous en la justice. Or, ici, à chaque fois, nous voyons justement se réduire les droits pour les plus faibles et les plus vulnérables. Je crains pour celles et ceux qui auront à subir cette justice d’exception, mais nous devons, toutes et tous, nous en inquiéter : elle se propagera pour toutes et tous car, je le répète, quand on décide de réduire les droits pour certains, on finit par les réduire pour toutes et tous.
De plus, cet article est à l’image des précédents : vous ne voulez pas renforcer la justice, donc vous justifiez la force. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI et sur quelques bancs du groupe NG.) Je suis saisi de deux amendements identiques tendant à la suppression de l’article 10, nos 316 et 825.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 316. Depuis quelques minutes, nous examinons les articles du titre II, lequel concerne les mesures relatives à l’immigration. À cette occasion, je dénonce une fois de plus la faute originelle de ce texte : réunir dans une même loi des dispositifs relatifs au droit d’asile et à l’immigration.
Concernant cet article, il fait l’objet de critiques très sévères de la part des acteurs concernés, et tout particulièrement des avocats, qui estiment à juste titre qu’une telle mesure porte atteinte aux droits de la défense et à un procès équitable.
La généralisation de la vidéo-audience, y compris sans l’accord de la personne concernée, pose évidemment problème. Je reprends les propos de notre collègue magistrate, Laurence Vichnievsky, qui nous a indiqué en commission que l’oralité revêt une importance majeure pour la compréhension par le juge du parcours de la personne étrangère. Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 825. Il s’agit également d’un amendement de suppression. La vidéo-audience fait l’unanimité contre elle, tant parmi les magistrats que parmi les avocats. Il serait bien d’écouter un peu ceux qui, sur le terrain et au quotidien, sont confrontés à ces réalités.
Le fait de systématiser la vidéo-audience pour le juge administratif ou le juge des libertés et de la détention, s’agissant du droit d’asile, pose un problème lié à la particularité de ces audiences, où l’oralité et parfois la traduction nécessitent une unité de lieu. Je me suis rendu au Mesnil-Amelot, dans le centre de rétention où sont expérimentées des vidéo-audiences : il n’y a personne pour justifier ou dire du bien de cette mesure, qui pose beaucoup de problèmes, à la fois techniques et de droit.
Enfin, après avoir évoqué le monde judiciaire, avec les magistrats et les avocats unanimes contre cette mesure, je citerai le Défenseur des droits qui, s’agissant de la publicité des débats, du respect du contradictoire et des droits de la défense, a également alerté sur cette mesure qui entame la justice et l’État de droit dans notre pays. Cette vidéo-audience n’est pas une modernisation, mais plutôt une restriction des droits de la défense. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ? Nous avons déjà eu le débat sur la vidéo-audience. Vous avez affirmé, monsieur Peu, que l’ensemble des magistrats et des avocats étaient absolument contre la vidéo-audience. J’ai souvenir que notre collègue Laetitia Avia, en audition comme en commission, nous a dit qu’elle-même, en tant qu’avocate, avait eu recours à la vidéo-audience dans d’excellentes conditions. Cela vaut étude d’impact ? Vous ne pouvez donc pas vous prévaloir d’une unanimité qui n’est pas si évidente que cela ! Moi-même, en tant que rapporteure, je suis allée assister à des vidéo-audiences et j’ai pu constater qu’un vrai dialogue était possible entre le requérant et le juge.
Je vous rappelle que cela est proposé pour une bonne administration de la justice, pour ménager les deniers publics et pour éviter de trop lourdes escortes, tant pour les policiers que pour les requérants.
Dernier argument, il s’agit ici du recours à la vidéo-audience en zone d’attente : comme vous le savez, la plupart des maintiens en zone d’attente se font à l’aéroport Charles-de-Gaulle ; une salle d’audience se trouve à immédiate proximité. S’il est important de pouvoir recourir à la vidéo-audience, il y en aura finalement assez peu car cela ne sera pas le cas à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Avis défavorable à ces amendements de suppression. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je voudrais dire à un certain nombre d’entre vous que si l’on place tout sur le même plan, alors il n’y a plus aucun repère. Jusqu’à présent, lorsque nous avons parlé des migrations, des problèmes d’asile, nous parlions de gens qui traversaient des déserts ou des mers, au péril de leur vie.
Ici, de quoi parle-t-on ? Nous parlons de personnes arrivant directement en avion… En classe affaires ? …qui, lorsqu’elles sont contrôlées, sont placées en zone d’attente parce que l’on s’aperçoit qu’elles arrivent de manière irrégulière. Sur les 10 000 personnes placées en zone d’attente chaque année, il y en a à peu près 8 000 à Roissy.
Oui, il faut prendre au sérieux cette question et décider qui est sur le territoire à bon droit, ou qui est venu ici indûment. En zone d’attente, ils ont le droit au juge des libertés et de la détention, puisque c’est une privation de liberté, comme dans les centres de rétention. In fine , nous proposons que le premier président de la cour d’appel puisse rejeter par ordonnance motivée les déclarations d’appel manifestement irrecevables. Voilà de quoi il s’agit !
Si quelqu’un nous dit « Tout le monde peut entrer librement ! », alors il faut nous le dire : on supprime le contrôle aux frontières des aéroports et on laisse les gens entrer comme ils le veulent. Personne ne le propose ! Personne ne le propose : pour cette raison, nous présentons ce texte, qui permettra de prendre en compte la réalité d’un aéroport comme Roissy. Sa salle d’audience, inaugurée il y a peu, fonctionne en prenant évidemment en compte, ici comme ailleurs, les droits de la défense. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Mathilde Panot. Monsieur le ministre, vous parlez de la réalité de la zone d’attente à l’aéroport. Ma collègue Danièle Obono a elle aussi parlé de la réalité créée par votre système de suspicion. Elle a évoqué le cas d’une fillette de six ans, retenue quatre jours dans la zone d’attente. Cette fillette française vivait avec sa grand-mère et venait voir sa mère, elle aussi française ; mais comme elle avait une tête de bébé sur la photo de sa carte d’identité française, on ne l’a pas reconnue et donc, par suspicion, on l’a placée en zone d’attente. Voilà le résultat du climat de suspicion généralisée que vous avez créé ! Nous le constatons partout : quand je suis allée visiter le centre de rétention de Cornebarrieu, dont je parlais hier, il y avait une Française. La réalité, c’est aussi cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Stéphane Peu. Je ferai deux observations. Tout d’abord, nous nous efforçons, depuis le début, en tout cas pour ce qui nous concerne, de ne pas être caricaturaux. Je demande à Mme la rapporteure et à M. le ministre de ne pas l’être de leur côté. Personne ici n’a proposé que l’on ouvre les frontières ! Personne !
Nous étudions un article instaurant la vidéo-audience, et cela pose un problème. Madame la rapporteure, vous avez cité une députée du groupe majoritaire, qui a fait carrière dans le domaine de la justice. Nous pourrions également citer Mme Vichnievsky, dont l’avis est opposé à celui de Mme Avia. Pour ma part, quand je parle du monde judiciaire, je m’en tiens aux organisations professionnelles de magistrats et d’avocats qui, toutes, dans leur diversité, sont opposées à la vidéo-audience. Écoutons-les ! Il ne s’agit pas de quelques associations marginales ou dont les positions seraient radicales : toutes les associations de magistrats et d’avocats s’y opposent. Il n’est donc pas aberrant d’entendre les professionnels.
Ensuite, si l’on considère, comme vous le faites, que la vidéo-audience, ce n’est pas très grave du point de vue du droit, que cela n’entache pas les droits de la défense ni le contradictoire, et que même pour le droit d’asile, qui nécessite souvent des traductions, cela peut se faire – alors que je peux vous garantir, pour avoir assisté à des vidéo-audiences, que les contraintes techniques ne permettent pas de rendre le droit dans des conditions sereines –, au moins, retirez de cet article la faculté de faire une vidéo-audience sans le consentement de la personne ! Maintenez-la avec le consentement, si vous le souhaitez. La vidéo-audience est déjà un problème en soi, mais si on s’autorise à en faire sans le consentement de la personne jugée, alors là, cela va très loin ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et NG.) La parole est à M. Bruno Questel. Je souhaite vous faire part très brièvement de mon expérience d’avocat. Qu’il s’agisse de correctionnelle, qu’il s’agisse du juge d’application des peines, qu’il s’agisse du quotidien de la justice française, nous utilisons la vidéo et cela marche très bien. Avec le consentement ! Pas toujours avec le consentement, y compris depuis les établissements pénitentiaires, et cela marche très bien ! Je voterai contre ces amendements. (Les amendements identiques nos 316 et 825 ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 158 et 925.
L’amendement no 158 est défendu.
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l’amendement no 925. Il est toujours question du même sujet : la vidéo-audience dans les zones d’attente. Le présent amendement a pour objet le retrait des alinéas 2 et 3, qui suppriment la possibilité, pour la personne concernée, de refuser la vidéo-audience. Autrement dit, vous souhaitez systématiser le recours à cette télé-audience pour éviter de devoir convoquer physiquement et matériellement les demandeurs d’asile en bonne et due forme dans la salle d’audience d’une juridiction. Vous inventez le télé-asile : voilà la réalité !
Kafka avait raison : désormais, un demandeur d’asile pourra être dans une salle, son interprète et son éventuel avocat de l’autre côté de l’écran. Seul face à l’écran ! Car voici concrètement les conditions dans lesquelles la justice française sera rendue : le demandeur d’asile qui sollicite une protection internationale contre des persécutions pourra se retrouver seul dans une pièce, isolé, face à un écran. Supprimer ces seuls alinéas serait déjà un petit pas vers plus d’humanité dans cet article ! Quel est l’avis de la commission ? Le requérant ne sera jamais seul, puisque son avocat doit être à côté de lui. Votre univers kafkaïen est largement fantasmé ! Avis défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Jean Terlier. Deux observations : tout d’abord, je veux rectifier une erreur de notre collègue de la Nouvelle gauche, qui a soutenu que le recours à la vidéo-audience était contraire à l’avis du Conseil constitutionnel. Qui a dit cela ? Nous avons tous lu le même projet de loi : celui-ci précise que, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « le droit au procès équitable permet que les formes de participation du justiciable soient aménagées, en fonction du dispositif technique dont peut bénéficier la juridiction, dans un objectif d’intérêt général ». Le Conseil constitutionnel dit précisément… Qui a dit cela ? Prenez le temps de le lire : c’est à la page 322 !
Ensuite, je veux rassurer tout le monde et répondre aux interrogations de M. Peu : il peut y avoir un problème de non-fonctionnement de ces vidéo-audiences. Oui, cela peut arriver ! Mais soyez rassurés : le recours à cette technologie sera décidé par le juge présent dans les locaux du tribunal. Lorsque le juge constatera que le dispositif de vidéo-audience ne fonctionne pas, il ne l’ordonnera pas. C’est à son entière discrétion. Faites confiance à votre justice, faites confiance aux magistrats, qui décident ou non d’ordonner une vidéo-audience ! Soyez rassurés et faites un peu confiance à votre justice pour prendre les bonnes décisions quant à l’utilisation de cette nouvelle technologie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Stéphane Peu. Je n’ai jamais fait référence au Conseil constitutionnel : j’ai fait référence au Défenseur des droits et à l’avis qu’il a rendu sur ce sujet – ce n’est pas tout à fait la même chose. Nous sommes tous les deux suffisamment âgés, monsieur Peu, pour savoir qu’il fut une époque où celui qui est aujourd’hui le Défenseur des droits n’avait pas exactement les mêmes positions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe NG.) Vous non plus ! Je le reconnais volontiers, mais certains se bonifient avec l’âge alors que pour d’autres, c’est le contraire ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et NG.)
Vous nous dites de faire confiance à la justice. Je n’ai pas dit autre chose ! Encore faut-il écouter ses représentants. Or toutes les organisations syndicales de magistrats sont opposées à cette mesure. Le meilleur moyen de leur faire confiance, c’est de les écouter ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et NG.) (Les amendements identiques nos 158 et 925 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Brahim Hammouche, pour soutenir l’amendement no 541. Il s’agit de ne pas déshumaniser un sujet éminemment humain. Le demandeur d’asile doit pouvoir, s’il le souhaite, s’exprimer face au magistrat qui va décider de son sort, de sa vie. Cela lui permettra de mieux se défendre et de mieux être entendu dans un colloque singulier, dans le respect de sa liberté de choix. Très bien ! (L’amendement no 541, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l’amendement no 1012. Il s’agit d’un moment un peu particulier, où le demandeur d’asile est confronté à son parcours et sa fragilité. Nos échanges en commission des lois nous ont permis d’avancer sur le point extrêmement important de la présence d’un interprète. Il conviendrait cependant de garantir que l’interprète sera dans la même pièce que le demandeur d’asile, et non pas à des milliers de kilomètres.
Si l’interprète ne peut pas être présent, cet amendement tend à garantir à tout le moins la présence du demandeur d’asile devant la CNDA. Quel est l’avis de la commission ? La garantie que nous avions introduite de la présence de l’interprète autant que possible devant la CNDA est ici beaucoup plus difficile, puisque le JLD doit statuer en 24 ou 48 heures. Organiser dans un délai aussi réduit et partout sur le territoire un interprétariat dans des langues souvent difficiles est trop compliqué sur le plan opérationnel, même si cela reste un objectif à atteindre.
Je vous demanderai donc de retirer votre amendement. À défaut, ce sera un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis que Mme la rapporteure. La parole est à Mme Martine Wonner. Je maintiens l’amendement, parce que ce sujet me paraît extrêmement important, d’autant qu’il s’agit des plus vulnérables. (L’amendement no 1012 n’est pas adopté.) La parole est à M. Brahim Hammouche, pour soutenir l’amendement no 542. Il s’agit de permettre au demandeur d’asile d’exercer son recours en annulation devant un magistrat, et non pas uniquement par le truchement d’un média audiovisuel. (L’amendement no 542, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l’amendement no 924. L’alinéa 5 nous paraît particulièrement inique, puisqu’il tend à faciliter le rejet par la justice d’une requête devenue sans objet, la personne en cause ayant quitté la zone d’attente pour repartir vers un autre État. Il est inique de laisser pendant plusieurs jours dans ces zones d’attente des personnes en situation de grande vulnérabilité et de précarité, elles qui ont dû bien souvent investir des sommes conséquentes dans le transport et l’obtention d’un visa, qui suppose des démarches coûteuses. Elles se retrouvent parfois face à des avocats rapaces… Voilà les avocats rapaces maintenant ! N’importe quoi ! …cela arrive ! Ce sont des magistrats qui nous le disent.
Ces personnes sont parfois interdites d’entrée de territoire parce que le motif de leur visite ne paraît pas plausible ou parce qu’elles sont soupçonnées de vouloir rester plus longtemps.
Nous demandons par cet amendement qu’on réintroduise des garanties procédurales strictes dans ces zones d’attente, où les droits devraient être non seulement garantis, mais renforcés, puisqu’y sont traitées des questions extrêmement sensibles aux conséquences extrêmement lourdes pour la vie des personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? L’alinéa 5 traite spécifiquement de l’irrecevabilité des appels. Le texte pose clairement que ceux-ci sont irrecevables quand ils ne sont pas suffisamment motivés ou lorsqu’ils sont forclos. Ce sont deux causes suffisantes d’irrecevabilité. Avis défavorable. (L’amendement no 924, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 207 rectifié et 230.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 207 rectifié. Le poncif oratoire selon lequel l’immigration ne coûte rien mais rapporte a la vie dure. Pourtant, le rapport de la Cour des comptes de 2015 est extrêmement instructif. Une députée de la majorité me demandait tout à l’heure combien ça coûtait. Le coût moyen d’un débouté qui repart est de 5 528 euros, et celui d’un demandeur d’asile de 13 724 euros. En 2017, les 45 000 déboutés auront coûté 368 millions d’euros aux contribuables. C’est un chiffre qui devrait sûrement intéresser les Français.
J’en ai un autre qui pourrait nous amener à réfléchir : 57 % des Français ne veulent plus financer l’immigration. Il serait peut-être donc temps de tenir compte de l’incompréhension et de la colère de ces derniers au sujet de l’accueil de toujours plus d’étrangers en France.
Mon amendement consiste donc – et cela me semble tout à fait opportun –, en cas d’appel, à exiger une caution de 200 euros des demandeurs d’asile. Ces 200 euros seront symboliques.
Pourquoi adopter une telle mesure ? Tout simplement parce que 80 % des recours sont rejetés. Naturellement, faire appel reste un droit. En revanche, il convient de lutter contre les recours abusifs. C’est ce que permettrait cette caution de 200 euros, puisqu’en cas de décision favorable, ils seraient remboursés. Dans le cas contraire, ils permettront de participer aux frais de cette immigration qui coûte cher aux Français. Bref, il s’agit tout simplement d’une politique de responsabilisation. La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 230. Force est de constater, monsieur le ministre, qu’une promesse est loin d’être tenue : celle de réduire la dépense publique – la dépense de l’État augmente cette année de 7 milliards d’euros – et d’augmenter le pouvoir d’achat – les prélèvements sur nos concitoyens augmenteront de 4,5 milliards au moins cette année.
On se rend compte que le coût du traitement des demandes d’asile est de plus en plus important. Nous vous proposons avec cet amendement de faire d’une pierre deux coups : récupérer plusieurs dizaines de millions d’euros pour juguler une partie de la dépense publique – je rappelle que le coût des demandeurs d’asile, globalement, c’est 2 milliards d’euros – et participer au désengorgement des guichets, qui traitent de plus en plus de demandes pour un coût de plus en plus important.
Nos compatriotes qui travaillent tous les jours et qui paient leurs impôts ne peuvent pas comprendre que le demandeur d’asile ne prenne pas en charge une partie du coût de cette procédure. Si cette nouvelle demande est acceptée – 80 % sont rejetées – , la caution lui est automatiquement restituée ; mais il convient qu’il participe un minimum aux frais colossaux engendrés par toutes ces procédures qui nécessitent des moyens matériels et humains de plus en plus importants. Quel est l’avis de la commission ? Un tel système de cautionnement ferait obstacle à l’exercice de leurs droits par des personnes totalement démunies. Décidément, vous n’êtes pas attaché à l’effectivité du droit de recours. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Puisque vous vous êtes attardé sur le climat économique en faisant le bilan de ce début de quinquennat, monsieur Di Filippo, je vais vous dire quel est notre bilan : pour la première fois depuis très longtemps, on recrée beaucoup d’emplois, on reconstitue des filières industrielles qui avaient totalement disparu. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Grâce à vous, peut-être ? Vous n’y êtes pour rien ! Nous, nous souhaitons développer l’économie, et pour cela il faut rester ouvert au monde et non pas, comme vous le souhaitez, se rétrécir sur soi-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Mansour Kamardine. Monsieur le ministre d’État, l’amendement qui nous est proposé me paraît relativement simple. Pouvons-nous, oui ou non, demander aux demandeurs d’asile de participer aux frais qu’engendre l’instruction de leur demande, sachant que la première demande resterait totalement prise en charge par l’État ? (« Le ministre n’écoute pas ! » sur les bancs du groupe LR.)
Ne pouvons-nous pas demander une telle participation à quelqu’un qui multiplie les procédures après une décision définitive ? Il faut savoir que ces demandeurs d’asile dépensent beaucoup d’argent pour venir en France. S’ils peuvent payer pour arriver sur notre territoire, ils peuvent faire un petit effort pour participer au financement de l’instruction de leur dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Jean Terlier. Je suis un peu surpris par la teneur des propos que nous venons d’entendre et par le contenu de cet amendement. N’avancez pas masqués ! Si ce que vous voulez, c’est que tous les étrangers qui demandent l’asile soient déboutés sans même que leur dossier ait été examiné, dites-le clairement ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) C’est caricatural !