XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Séance du jeudi 22 novembre 2018

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (nos 1349, 1396).
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1524 à l’article 12.
Les amendements nos 1524 et 1232 pouvant faire l’objet d’une présentation groupée, la parole est à Mme Laetitia Avia, pour les soutenir. Ils permettent de clarifier le fait que l’acceptation du principe de la rupture du mariage peut intervenir à tout moment de la procédure. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement. Favorable aux deux amendements.
(Les amendements nos 1524 et 1232 sont successivement adoptés et l’amendement no 175 tombe.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 194 et 922.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 194.
Il vise la suppression de l’alinéa 6 de l’article 12. Le cas dit de divorce accepté interdit aux époux de revenir en arrière, donc de retirer leur consentement pendant la procédure dès lors qu’ils ont accepté « le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci ». Cet alinéa rend très difficile d’évaluer la qualité du consentement si bien qu’il n’est pas rare d’entendre l’un des époux se plaindre, à l’issue d’un tel divorce, d’avoir été piégé. Toutefois, comment évaluer le caractère libre d’un consentement donné le plus souvent en état de choc par celui qui subit le divorce ? Au regard du coût personnel et social des divorces et au vu de leurs conséquences sur les enfants, le législateur n’est pas dans son rôle lorsqu’il cherche à accélérer les procédures en supprimant toute possibilité de rétracter son consentement. Cette particularité du divorce « accepté » contraste d’ailleurs avec le droit applicable au divorce par consentement mutuel puisque, dans ce dernier cas, le consentement peut être rétracté pendant toute la durée de la procédure. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 922. Je propose également de supprimer cet alinéa. Lorsque les époux acceptent « le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci », cette acceptation n’est pas susceptible de rétractation. Cette particularité ne me semble pas pertinente ; ainsi, dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel, le consentement peut être retiré durant toute la procédure. Cet alinéa rend très compliqué d’évaluer la qualité du consentement au divorce, notamment du côté de celui des époux qui le subit. Vous cherchez ici à réduire les délais et à empêcher une partie de se rétracter dès lors qu’elle a donné son consentement ; bref, vous réunissez les conditions pour que dans certains cas, la partie du couple qui subit le divorce se sente piégée. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, d’autant plus que ces dispositions ne sont pas nouvelles, mais résultent de la loi de 2004.
(Les amendements identiques nos 194 et 922, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de trois amendements, nos 36, 765 et 1446, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 36 et 765 sont identiques.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 36.
Il est proposé en premier lieu de réduire de deux à un an le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal – qui était de six ans il y a quelques années. En second lieu, les pratiques judiciaires étant très différentes en matière de fixation de la date du délibéré – les délais peuvent parfois atteindre plusieurs mois –, il est précisé que le délai de cessation de la vie commune est apprécié au jour de la clôture des débats et non du prononcé du divorce. La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 765. C’est exactement le même amendement ; je me joins donc aux propos qui viennent d’être tenus.
Ayant manqué le débat sur l’article 12, je profite de l’occasion, madame la ministre, pour vous reposer la question que je vous adressais en discussion générale, s’agissant des divorces contentieux, désormais moins fréquents. Dès lors qu’une ordonnance de non-conciliation a été rendue…
C’est fini ! …et qu’elle est très profitable à l’un des conjoints, celui-ci a tendance à faire durer la procédure jusqu’au prononcé du divorce. Ce cas est assez fréquent. En tant que ministre de la justice, vous avez la main sur le dispositif réglementaire ; n’est-il pas possible de limiter les renvois dans le cadre des divorces contentieux, considérant qu’à partir de deux renvois, le dossier est en état ? En effet, le divorce contentieux donne aujourd’hui lieu à des procédés dilatoires. Alors même qu’on a créé un divorce sans juge, opéré par des notaires, le moment me semble venu de limiter les renvois. La parole est à M. Jean Terlier, pour soutenir l’amendement no 1446. Cette proposition fait suite à l’adoption en commission d’un amendement réduisant le délai nécessaire pour caractériser l’altération définitive du lien conjugal, désormais fixé à un an. Elle vient clarifier le fait que ce délai est apprécié à titre dérogatoire au moment du prononcé du divorce, dans la seule hypothèse où la demande a été formée sans indication du cas de divorce. Quel est l’avis de la commission ? Ces trois amendements poursuivent le même objectif. Pour des raisons rédactionnelles, je demande de retirer les deux premiers amendements et donne un avis favorable à celui de M. Jean Terlier et du groupe La République en marche. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis.
Monsieur Morel-À-L’Huissier, le juge de la mise en état peut parfaitement faire obstacle à de telles démarches dilatoires ; cela relève de sa responsabilité. Tout l’enjeu de la réforme que nous proposons est précisément de diminuer les délais qui ponctuent la phase suivant les mesures provisoires. J’espère donc que vous êtes satisfait.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. C’est précisément ce que je voulais vous entendre dire. Je retire mon amendement.
(L’amendement no 765 est retiré.)
(L’amendement no 36 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 1446 est adopté et les amendements nos 195, 352, 827 et 925 tombent.) Les amendements, nos 1233 et 1234, de Mme Laetitia Avia, sont respectivement de coordination et rédactionnel.
(Les amendements nos 1233 et 1234, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 37 et 767.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 37.
Dans notre profession, l’acte de saisine avant la fixation des mesures provisoires serait directement contraire à l’esprit de la réforme. À ce jour, les divorces prononcés sur le fondement de l’article 242 du code civil ne représentent que 5 % des procédures et il serait très mal venu de réintroduire la faute avant l’audience fixant les mesures provisoires, alors que ce point ne pose actuellement aucune difficulté. Je rappelle que la faute ne doit pas être précisée dans la requête, mais dès les premières conclusions ou dans le cadre de l’assignation. La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 767. Je m’associe totalement aux propos de Mme Meunier. Quel est l’avis de la commission ? L’objectif est de s’assurer que la suppression de l’audience de conciliation ne favorise pas une logique d’affrontement, afin de permettre le rapprochement des parties en cours de procédure. Avis défavorable, au vu de ce but de simplification et de réduction des délais.
(Les amendements identiques nos 37 et 767, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 134. Nous souhaitons alerter sur l’importance de préserver, avant tout recours, la tenue d’une audience de conciliation obligatoire pour les personnes souhaitant entamer une procédure de divorce. En effet, le projet de loi prévoit, dans cet article, de supprimer l’audience de conciliation devant le juge aux affaires familiales, obligatoire lors du lancement de la procédure de divorce contentieuse. Cette audience de conciliation est unanimement saluée par les praticiens comme particulièrement utile pour faciliter le bon déroulement des divorces et aider chacune des parties à exercer dûment ses droits.
(L’amendement no 134, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 769. La nouvelle rédaction de l’article 252 du code civil proposée par le projet de loi doit être précisée en matière de conditions d’irrecevabilité. Lorsque la demande en divorce est engagée par un seul époux, sans l’acceptation de son conjoint, le plus souvent l’époux demandeur ne possède pas suffisamment d’éléments pour chiffrer le montant de la prestation compensatoire ou former utilement une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux. Ces éléments ne sont généralement connus qu’à l’issue de l’audience organisant les mesures provisoires ou des expertises lancées sur le fondement des 9° et 10° de l’article 255 du code civil, ou d’autres demandes incidentes formées dans le cadre de l’instance en divorce.
De plus, l’obligation d’exposer dans la requête en divorce la demande de prestation compensatoire et la proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux pourrait conduire dans certaines hypothèses à envenimer la situation ; il est préférable que ces demandes, lorsqu’elles sont sollicitées, soient négociées à l’issue des mesures provisoires. Les conseils des époux devraient se réunir dès avant l’introduction de la demande afin de rechercher les points d’accord et ne soumettre au juge que les points de désaccord.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable : votre amendement propose une série de dispositions à peine d’irrecevabilité, ce qui semble représenter une conséquence disproportionnée.
(L’amendement no 769, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) L’amendement no 1235 rectifié de Mme Laetitia Avia est de précision.
(L’amendement no 1235 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’amendement no 426 tombe.) La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, pour soutenir l’amendement no 427. Issu de la recommandation 8 du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, cet amendement propose qu’avant l’audience introductive de fixation des mesures provisoires, chacun des deux époux puisse, à sa demande, être entendu individuellement par le juge aux affaires familiales. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement s’oppose malheureusement au principe du contradictoire en matière judiciaire. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ferai la même observation que Mme la rapporteure : avec la procédure telle que nous l’avons construite, lors de l’audience chaque époux pourra s’exprimer sur les mesures provisoires, en étant, s’il le souhaite, assisté de son avocat. Votre amendement ne me semble pas opportun, et j’émets un avis défavorable à son adoption.
(L’amendement no 427 est retiré.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 197 et 926.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 197.
Je propose de supprimer l’alinéa 28 de l’article 12, parce qu’il ne faut pas faire disparaître la possibilité pour le juge du divorce de prononcer des mesures d’urgence. L’article 257 du code civil reste utile, car il permet d’obtenir des mesures d’urgence dans le cadre de la procédure de divorce.
Pour justifier l’abrogation de cet article, le projet de loi fait valoir que les mesures prononcées sur le fondement de ce texte pourraient être obtenues dans d’autres cadres procéduraux, notamment l’ordonnance de protection.
Il n’est toutefois pas bon d’ôter au juge saisi du divorce la possibilité de prendre, dès la requête initiale, des dispositions d’urgence, telles que la résidence séparée ou des mesures conservatoires, avant même les mesures provisoires décidées pendant l’audience de conciliation.
Il importe en effet que le juge du divorce conserve ce pouvoir, tel est le sens de cet amendement.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 926. Je propose également de supprimer l’alinéa 28. L’article 257 du code civil donne la faculté au juge de prendre les mesures d’urgence qui peuvent être nécessaires dès le début de la procédure de divorce, sans attendre les mesures provisoires de la phase de conciliation. Dans certaines situations graves, cette procédure s’impose. Je ne pense pas qu’il faille abroger cet article 257 du code civil.
Les violences conjugales font des ravages chaque année : 225 000 femmes subissent les maltraitances de leur conjoint en France et, plus grave, 123 femmes ont succombé sous les coups de leur actuel ou ancien compagnon en 2016. Alors que votre Gouvernement a annoncé, en octobre dernier, de nouvelles mesures pour lutter contre ce fléau, vous voulez maintenant retirer au juge la possibilité de prendre des mesures d’urgence dès le début de la procédure de divorce. Certes, il existe une ordonnance de protection, prévue par l’article 515-9 du code civil, qui peut être obtenue auprès du juge aux affaires familiales en dehors de la procédure de divorce, mais cela ne justifie pas que le juge saisi pour une telle procédure soit privé de cette compétence, alors que, pour les divorces pour faute notamment, les violences conjugales sont encore trop souvent mises en cause. Cela est d’autant plus étonnant que, dans la plupart des cas, les victimes éprouvent non seulement une grande difficulté à parler de ce sujet, mais sont aussi souvent mal informées de leurs droits et de la procédure à suivre. Les chiffres sont d’ailleurs cruellement éloquents, puisque seulement 14 % des victimes portent plainte.
C’est pourquoi il me semble primordial de conserver cette compétence, qui permet au juge de prendre d’emblée les mesures de protection qui s’imposent dans le cadre de la procédure de divorce. Cette faculté n’est pas redondante avec l’ordonnance de protection prévue à l’article 515-9 du code civil et favorise, au contraire, la protection des victimes.
Quel est l’avis de la commission ? La suppression des dispositions de l’article 257 du code civil se justifie par la refonte complète de cette procédure. Comme vous l’avez indiqué, en cas de violences conjugales, la victime pourra toujours saisir le juge d’une demande d’ordonnance de protection. Mais il n’y a pas que cette ordonnance, la mise en état, l’ordonnance sur requête et les mesures provisoires pouvant répondre aux questions soulevées par le justiciable. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Ces mesures urgentes sont en réalité très peu utilisées, car elles sont non contradictoires. Elles servent essentiellement à ordonner des mesures conservatoires sur le plan patrimonial, telle que l’apposition des scellés sur les biens communs, et sont rarement prises pour des questions comme la résidence des enfants.
Le texte du projet de loi offre des réponses parfaitement équivalentes, avec d’autres outils procéduraux, notamment le pouvoir du juge de la mise en état. Cette dernière commencera dès la saisine dans la nouvelle procédure que nous proposons.
Vous avez soulevé le point très important des violences conjugales, sur lequel nous sommes évidemment très vigilants : le dispositif de l’ordonnance de protection est le cadre le plus approprié pour agir. Les mesures de l’article 257 du code civil n’offrent pas, en effet, la possibilité de statuer sur le domicile familial ou sur l’interdiction de contact entre les époux, ce que permet précisément l’ordonnance de protection.
Pour ces raisons, je suis défavorable à l’adoption de ces amendements.
La parole est à Mme Frédérique Meunier. Devant le juge, les femmes peuvent exposer leur situation et obtenir des réponses rapides. Il existe bien sûr d’autres procédures, mais les femmes souffrent de devoir se tourner vers d’autres juridictions. Le juge de la mise en état est efficace, mais il faut du temps pour le saisir dans les petits tribunaux.
(Les amendements identiques nos 197 et 926 ne sont pas adoptés.)
(L’article 12, amendé, est adopté.)
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 441, 589 et 766.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 441.
Je propose de supprimer l’article 12 bis A, parce qu’il ne faut pas abréger le délai de séparation requis pour constater la cessation de la communauté de vie entre les époux, dans le cas du divorce pour altération définitive du lien conjugal. En effet, nous le voyons à travers nos débats, à force de glisser en droit français vers la répudiation, il va devenir de plus en plus difficile de justifier les refus d’exequatur de décisions étrangères de répudiation. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet article. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 589. Cet amendement de notre collègue Sébastien Leclerc vise à supprimer l’article, car, comme vient de le dire Xavier Breton, deux ans de séparation représentent une durée équilibrée pour constater la cessation de la communauté de vie entre les époux. Il convient de ne pas la réduire à un an. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 766. Actuellement, l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation volontaire de la communauté de vie entre les époux lorsqu’ils vivent séparés depuis au moins deux ans. En 2004, lors de l’adoption de la loi ayant instauré ce dispositif, le garde des sceaux de l’époque, Dominique Perben, déclarait que « cette voie devrait constituer une véritable alternative au divorce pour faute, en visant toutes les situations dans lesquelles la cause de la rupture se trouve plus dans la mésentente durable ou le désamour que dans l’existence d’une violation grave et avérée des obligations du mariage ». Il s’agissait en quelque sorte de créer une nouvelle alternative pour faciliter le divorce lorsqu’un seul des conjoints veut divorcer, alors que celui qui ne le souhaite pas n’est pas fautif.
Le Gouvernement, par souci de simplification et de rapidité, voudrait réduire ce délai de deux à un an. Si l’on peut comprendre la situation dans laquelle se trouve une personne voulant se séparer d’une autre sans le pouvoir, il n’en reste pas moins qu’un divorce est toujours un drame, aussi bien pour les époux que pour les enfants. À ce titre, il me semble dangereux de faire passer ce délai de deux à un an, car cela réduirait considérablement le temps accordé aux époux pour éventuellement leur permettre de ne pas divorcer. Cela tendrait même à donner un caractère définitif aux séparations provisoires, ce qui serait extrêmement regrettable.
Or les familles devraient être protégées autant qu’il est possible, car elles constituent le socle de notre société. Le divorce ne doit donc pas être traité comme la rupture ordinaire d’un contrat ; c’est une décision grave, qui engage toute une vie ou, plutôt, qui la désengage. Il convient de donner aux époux un temps suffisant pour réfléchir de façon apaisée à leur éventuelle séparation. C’est ce que le délai de deux ans offre aujourd’hui.
Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Cet article est issu d’un amendement introduit par la commission, à l’initiative de M. Jean Terlier et du groupe de La République en marche. C’est un peu court comme argument ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Alexandra Louis. J’entends les argumentations sur la réduction du délai, mais je vais vous donner un éclairage issu de mon expérience d’avocate. Pour avoir accompagné des clients dans quelques procédures de divorce, je peux vous assurer que personne ne comprend aujourd’hui ce délai de deux ans, car il ne correspond à aucune réalité sociale ou sociétale. Il ne correspond à rien. Pendant ce délai, le dossier est mis de côté, dans l’attente d’une éventuelle réconciliation entre les époux. Ce délai de vingt-quatre mois n’a aucune raison d’être, et une durée de douze mois me paraît suffisante pour réfléchir, le divorce n’étant pas un acte anodin. D’ailleurs, les personnes se lançant dans une procédure de divorce ont souvent déjà beaucoup réfléchi.
En outre, il convient de prendre en compte le délai de la procédure, si bien que laisser le dossier de côté pendant vingt-quatre mois suscite de l’angoisse pour les personnes concernées. Ce délai allonge la procédure de divorce, donc le temps pendant lequel les époux voulant se séparer peuvent difficilement reconstruire leur vie sentimentale.
Je suis très attachée à la réduction de ce délai, parce qu’elle répond à une véritable attente, non des professionnels, mais des justiciables.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Permettez-moi de revenir sur la non-réponse de Mme la rapporteure : l’argument consistant à dire que La République en marche a décidé de cette mesure en commission me semble peu explicatif.
D’autre part, madame Louis, ce n’est pas parce que quelques députés siégeant dans cet hémicycle ont eu trois dossiers de divorce à traiter que leur avis est plus éclairé que celui de leurs collègues. En outre, il n’est pas très glorieux pour la profession d’avocat de dire que l’on met les dossiers de côté pendant vingt-quatre mois en attendant que cela se passe. Certains avocats ne seraient probablement pas ravis de votre réponse, ma chère collègue. Il ne faut pas généraliser ni légiférer à partir de quelques dossiers. Je pourrais vous donner de nombreux exemples allant en sens contraire. Comment fait-on ? Qui a raison : vous ou moi ?
La parole est à Mme la garde des sceaux. Cette réduction du délai de deux à un an me semble correspondre aux attentes des personnes engagées dans une procédure de divorce. Elle s’inscrit également dans l’esprit du texte que je défends, qui vise à simplifier ces procédures. C’est ce que je dis et revendique.
Pour autant, dans l’hypothèse, que vous envisagez, où le divorce est refusé par le défendeur ou bien lorsqu’il n’a pas constitué avocat, il me semble qu’un an est suffisant pour répondre aux attentes. Si l’époux assigne sur le fondement de l’altération définitive du lien conjugal, le délai devra être écoulé au moment de l’assignation.
Avec la réduction du délai de deux à un an, nous sommes loin d’une « répudiation », d’autant que la procédure garantit les droits des parties. Chacun des époux aura son propre avocat et bénéficiera d’une défense individualisée. Chacun d’eux pourra demander des mesures provisoires et s’exprimer oralement en début de procédure, lors de la première audience. Si le divorce est particulièrement difficile à vivre pour l’un des deux époux, ce qui peut tout à fait se comprendre, celui-ci pourra demander une médiation familiale. Le juge pourra également, durant ce délai, ordonner une enquête sociale ou une expertise psychologique de la famille si la situation familiale le nécessitait. Comme aujourd’hui, les enfants pourront être entendus par le juge. Enfin, ce dernier sera informé, le cas échéant, de l’ouverture auprès du juge des enfants d’un dossier en assistance éducative.
Il me semble que ce délai d’un an est suffisant pour mettre en place ces éléments, qui garantissent les droits des deux époux.
(M. Jean Terlier applaudit.)
(Les amendements identiques nos 441, 589 et 766 ne sont pas adoptés.)
(L’article 12 bis A est adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 12 A.
L’amendement no 196 de M. Xavier Breton est défendu.
(L’amendement no 196, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 34 rectifié, 242 rectifié et 764 rectifié.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 34 rectifié.
Il porte sur les cas de divorces internationaux et vise à rendre au juge judiciaire la compétence pour les prononcer s’il existe un ou plusieurs éléments d’extranéité découlant de la nationalité ou du lieu de résidence de l’un des époux. Il s’agit d’une mesure de simplification. L’amendement no 242 rectifié de M. Antoine Savignat est défendu.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 764 rectifié.
Compte tenu des difficultés rencontrées dans certains cas de divorce internationaux en matière de reconnaissance et de mise en œuvre de la convention de divorce par consentement mutuel par acte sous seing privé contresigné par avocats, déposée au rang des minutes d’un notaire, nous proposons de rendre au juge judiciaire la compétence de prononcer le divorce présentant un ou plusieurs éléments d’extranéité découlant de la nationalité ou de la résidence de l’un des époux.
Même au sein de l’Union européenne, de nombreux pays ne reconnaissent pas le divorce par consentement mutuel non judiciaire, ce qui fait obstacle aux procédures d’exécution facilitée prévues par les règlements européens.
Considérant que les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats si la procédure comporte un ou plusieurs éléments d’extranéité découlant de la nationalité ou de la résidence habituelle à l’étranger de l’un des époux, l’amendement prévoit, en pareil cas, l’application de l’article L. 230 du code civil.
Le divorce pourra être demandé conjointement par les époux s’ils s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, en soumettant à l’approbation du juge une convention réglant les conséquences du divorce.
Quel est l’avis de la commission ? Chers collègues, vous soulevez là une difficulté qui l’a déjà été à de nombreuses reprises. Elle se pose dans certains pays dès qu’il s’agit de faire reconnaître un acte d’avocat par lequel deux parties consentent mutuellement à un divorce. Pour la résoudre, deux voies s’offrent à nous.
La première, que vous proposez d’emprunter, consiste à rejudiciariser la procédure, la replongeant ainsi dans un processus dont chacun sait qu’il est long. La seconde consiste à la conserver telle quelle en prévoyant, s’il existe un élément d’extranéité, une homologation par le juge semblable à celle que peuvent d’ores et déjà demander les couples en instance de divorce.
S’agissant des délais et de l’efficacité, il est préférable de conserver telle quelle la procédure de divorce par consentement mutuel par acte d’avocat, en prévoyant l’homologation éventuelle de celui-ci par le juge, laquelle peut être obtenue par voie de requête simple.
J’émets donc un avis défavorable aux amendements, d’autant plus qu’ils portent sur des dispositions récentes, dont je suggère que nous attendions l’évaluation complète avant de réfléchir à de nouvelles évolutions.
Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ajoute à ce que vient d’indiquer Mme la rapporteure que nous avons ouvert des négociations internationales sur ce sujet précis. Je me rendrai à Bruxelles le 7 décembre prochain pour assister au Conseil européen « Justice et aux affaires intérieures », au cours duquel le règlement Bruxelles II bis devrait être adopté.
Celui-ci vise à faire reconnaître à l’échelle européenne la modalité de divorce par consentement mutuel dont nous débattons, ce qui devrait alléger les difficultés auxquelles vous faites allusion, monsieur Morel-À-L’Huissier. Par ailleurs, nous avons engagé des négociations sur ce point avec des États n’appartenant pas à l’Union européenne, notamment le Maroc.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Je prends note de votre réponse, madame la ministre, mais tout cela prendra du temps. Non ! Ces dispositions seront adoptées d’ici deux semaines pour l’Union européenne. Dont acte.
(Les amendements identiques nos 34 rectifié, 242 rectifié et 764 rectifié ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, pour soutenir l’amendement no 431 rectifié. Issu des recommandations du rapport de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, cet amendement a été préparé dans le même état d’esprit que celui ayant présidé à l’élaboration d’un amendement relatif à la médiation judiciaire examiné hier.
Il vise à proscrire explicitement le recours à celle-ci, dans le cadre de la procédure de divorce judiciaire, si des violences ont été commises au sein du couple.
Le divorce – on le sait – peut constituer un élément déclencheur ou aggravant des violences au sein du couple et des violences intrafamiliales. Il me semble nécessaire d’interdire explicitement le recours à la médiation judiciaire dans de tels cas de divorce contentieux.
Quel est l’avis de la commission ? Une telle interdiction est déjà prévue par l’article L. 373-2-10 du code civil, auquel fait référence l’exposé sommaire de votre amendement, cher collègue. Il ne me semble pas nécessaire de la redoubler, car elle est parfaitement opératoire. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Sébastien Jumel. De nombreux débats dans cet hémicycle – qui me semblent légitimes – ont démontré que l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas au rendez-vous dans cette société. Il faut bien constater que l’exacerbation du conflit conjugal que représente le divorce est susceptible de constituer un facteur aggravant d’inégalité.
C’est pourquoi la systématisation de la déjudiciarisation nous inspire des réserves. Hors du cadre judiciaire, si une violence est constatée dans le couple, la rupture d’égalité – donc l’incapacité à trouver un consensus préservant les intérêts des parties ainsi que ceux des enfants – n’est pas constituée.
L’inscrire dans la loi, fût-ce en doublon, dans le cadre d’un projet de loi visant à réaffirmer les prérogatives des uns et des autres – de la saisine du juge au rôle du médiateur judiciaire –, me semble lui conférer une force symbolique accrue.
On la trouve d’ores et déjà dans le code civil ! Je ne vous ferai pas l’offense de détailler ces réalités, chers collègues. Il n’en demeure pas moins que la violence faite aux femmes impose de mettre la victime à l’abri – j’ai eu l’occasion de dire dans quelles conditions elles le sont. Au demeurant, les collectivités locales sont souvent isolées pour fournir un logement de répit permettant de protéger la victime.
En outre, celle-ci est plongée dans le désœuvrement le plus total et manque de moyens financiers pour saisir un avocat, d’autant plus que vous avez refusé d’élargir le champ d’application de l’aide juridictionnelle, madame la garde des sceaux. Pour plusieurs raisons, une femme victime de maltraitance est le plus souvent désœuvrée et ne dispose pas forcément d’une maîtrise de droit ni des références juridiques adéquates.
Il importe donc d’inscrire dans la loi, comme le propose la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, l’évacuation de la médiation judiciaire et la protection du juge en pareil cas.
Nous pensons que seule l’intervention du juge est de nature à protéger la victime. Rien d’autre. La justice sans juge, nous n’y croyons pas ! Nous pensons qu’elle n’est pas protectrice.
L’amendement est issu des rangs de votre majorité, madame la garde des sceaux. Peut-être devriez-vous le prendre un peu plus et un peu mieux en considération, en y prêtant une oreille davantage bienveillante. En tout état de cause, nous le soutiendrons.
La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha. Je précise que l’amendement n’est pas issu des rangs de la majorité, mais de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Plusieurs de ses membres l’ont cosigné. Exact ! Toutes mes excuses ! Je compte le retirer. C’est dommage ! Je le reprends ! Nous avons débattu du sujet hier soir, constaté qu’une telle interdiction est d’ores et déjà prévue par un article du code civil ainsi qu’un autre du code pénal et conclu que le doublon qu’introduirait l’adoption de l’amendement pourrait être contre-productif. Notre débat portait sur des amendements déposés par des membres du groupe Socialistes et apparentés. Je retire l’amendement. Je le reprends et demande un scrutin public ! L’amendement est retiré. Monsieur Jumel, sa reprise est de droit. Toutefois, votre demande écrite m’est parvenue trop tard, réglementairement, pour le soumettre à un scrutin public. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR, FI et LR.) Notre collègue a annoncé qu’il reprenait l’amendement ! Monsieur Gosselin, j’applique le règlement, qui est valable pour tout un chacun. Vous n’allez pas, vous, mettre en difficulté la présidence de séance alors même qu’elle applique les décisions de la conférence des présidents ! Pas moi ! Pas ça ! Je vous en sais incapable ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au règlement. Il est fondé sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement et porte sur l’organisation de nos débats. Il ne m’a pas échappé qu’il convient désormais, pour des raisons de facilité et de commodité – notamment afin de permettre aux membres de la majorité de rejoindre à temps l’hémicycle lorsqu’un scrutin public est demandé (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) – de signifier très en avance à la présidence de séance que nous souhaitons soumettre un amendement à un scrutin public. Nous respectons scrupuleusement cette règle, autant que la présidence de séance, d’ailleurs ! Heureusement ! C’est joliment dit ! En l’espèce, il s’agit d’un cas qui n’a pas été évoqué en conférence des présidents. Si un amendement est retiré, puis repris, il doit faire l’objet d’un nouvel examen suscité par sa reprise. Il est donc possible de solliciter un scrutin public, puisque le débat n’a pas commencé. Il a raison ! Je demande donc que l’amendement fasse l’objet d’un scrutin public, qu’en l’espèce la conférence des présidents n’a pas exclu des possibilités ménagées par notre règlement. (Mme Elsa Faucillon et M. Ugo Bernalicis applaudissent.) Monsieur Jumel, si un amendement est repris – vous me permettrez de me livrer à la pédagogie du règlement de l’Assemblée –, il ne fait pas l’objet d’un débat. Vous venez de prendre la parole dans le cadre d’un rappel au règlement. Pas nous ! Par ailleurs, je vous ai donné la parole avant que l’auteur de l’amendement ne réponde à la commission et au Gouvernement, par élégance, alors même que je savais que l’amendement serait retiré, après quoi vous n’auriez pas pu vous exprimer à son sujet. Voilà qui incite à demander davantage de scrutins publics ! En tout état de cause, un amendement repris ne fait jamais l’objet d’un débat. Une fois repris, il est mis aux voix. Voilà ! Au demeurant, vous soulevez là un véritable problème, monsieur Jumel. Je m’engage à en informer M. le Président de l’Assemblée nationale. Pour l’heure, je ne peux rien faire de plus. Comme vous le savez, des modifications réglementaires sont envisagées. Je le crains ! Nous l’appréhendons ! Je ne doute pas que votre président de groupe, ainsi que le président Mélenchon, monsieur Corbière, et les autres présidents de groupe, alimenteront le débat le moment venu.
La parole est à M. Philippe Gosselin.
Il porte sur l’organisation de nos débats et ne vise nullement à mettre en cause – chacun s’en doute – la présidence de séance, que je respecte infiniment, comme le fait chaque membre de cette assemblée. Toutefois, j’aimerais bien comprendre, avant que nous ne mettions aux voix l’amendement repris par notre collègue Jumel, les raisons pour lesquelles notre collègue Gouffier-Cha l’a retiré. Bien sûr ! Cela nous semble un peu mystérieux – à moins que nous n’ayons pas bien compris ses explications ! Cher collègue Gouffier-Cha, pouvez-vous nous fournir des éléments d’explication supplémentaires ? Le mandat impératif l’emporte sur l’avis de la commission ! Sous-amendons ! Je n’ai pas le sentiment que les explications qui précèdent ont été satisfaisantes. Ce rappel au règlement vise à assurer le bon déroulement de nos débats ainsi qu’un vote éclairé. Monsieur Gosselin, je viens d’indiquer à M. Jumel qu’un amendement repris ne fait pas l’objet d’un débat. Le débat est clos. La présidence de séance ne peut qu’appliquer le règlement. La commission a donné son avis, le Gouvernement également. Nous passons donc au vote.
(L’amendement no 431 rectifié n’est pas adopté.) C’est serré ! Il faut recompter les voix ! Vu d’ici, c’est très clair, cher collègue ! Vous savez prendre de la hauteur, monsieur le président ! C’est toute la différence – momentanée – entre nous, chers collègues ! (Sourires.)
Mais soyez rassuré, tout se passera bien, y compris lors de la nuit que nous nous apprêtons - une fois de plus – à passer ensemble...
(Sourires.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 199. Il s’inscrit dans la même épure que les précédents. S’il faut affirmer le caractère exclusivement judiciaire du divorce dans un but de protection et de bonne justice, il convient de supprimer l’article 12 bis, qui introduit la déjudiciarisation de la séparation de corps. Il a raison ! Il s’agit d’un amendement de cohérence avec nos précédentes prises de position, exprimées différemment. Espérons qu’il fera l’objet d’un débat complet, à moins qu’il ne tombe ou ne soit repris – nous nous en remettons à l’agilité de M. le président, à défaut de celle des autres parlementaires. Monseigneur est trop bon !
Quel est l’avis de la commission ?
Avis défavorable, par cohérence avec la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui a facilité le divorce par consentement mutuel. Je ne vois pas de raison de ne pas aller dans le même sens en ce qui concerne la séparation de corps.
(L’amendement no 199, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 655. Cet amendement de notre collègue Arnaud Viala va dans le sens de la simplification, qui est l’esprit de ce projet de loi.
Si la convention est rédigée par les avocats, il n’y a aucune raison de ne pas leur confier son exécution et d’envoyer ensuite le justiciable auprès d’un notaire, ce qui allonge considérablement la procédure et la complexifie.
Quel est l’avis de la commission ? C’est le retour de la force exécutoire de l’acte d’avocat… Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Nous avons en effet déjà traité ce sujet hier. Avis défavorable.
(L’amendement no 655 n’est pas adopté.)
(L’article 12 bis est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 200 et 879.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 200.
La philosophie est toujours la même : dès lors que nous défendons le caractère exclusivement judiciaire de la procédure de divorce, nous estimons qu’il n’est pas utile d’adopter cet article.
Je subodore que l’avis de Mme la rapporteure sera identique aux précédents, comme celui de Mme la garde des sceaux. Je ne me fais aucune illusion, mais perseverare n’est pas toujours diabolicumesque…
Quel bonheur de vous entendre faciliter la présidence de séance, monsieur Gosselin.
Sur les amendements identiques nos 200 et 879, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 879.
Cet article 12 ter laisse apparaître la perspective d’un divorce à distance, qui n’est pas souhaitable puisque cela nuirait au caractère solennel d’une telle procédure, fragilisant ainsi encore un peu plus l’institution du mariage.
L’autorisation de la signature électronique fait un peu plus disparaître le symbole qu’est la signature manuscrite. Vous me permettrez de penser que s’agissant d’un divorce, ce n’est pas tout à fait anodin.
Quel est l’avis de la commission ? L’avis sera en effet défavorable, monsieur Gosselin, mais l’explication diffère. (Sourires.) La conclusion reste la même ! Certes, mais je vous dois tout de même quelques explications. Je vous écoute toujours avec intérêt, madame la rapporteure. L’article 12 ter permet que les conventions de divorce et de séparation de corps par consentement mutuel puissent être conclues par signature électronique, mais en présence des parties.
Concrètement, aujourd’hui, les parties présentes chez le notaire avec leurs avocats peuvent signer de façon électronique, sur une tablette, les actes préparés par le notaire, mais doivent parapher et signer de façon manuelle les actes préparés par les avocats.
Cet article propose donc une simplification. Mais, madame Ménard, il faut en effet éviter d’aller vers un divorce à distance. C’est pourquoi nous avons spécifié en commission que la présence physique des parties est indispensable. Il s’agit donc bien d’être dans la même pièce, autour d’une même table, même si c’est pour une signature électronique.
Avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Je mets aux voix les amendements identiques nos 200 et 879.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 5
Contre 43
(Les amendements identiques nos 200 et 879 ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 39. L’idée est à peu près la même que celle qui vient d’être exposée par la rapporteure : s’assurer de la présence physique de toutes les parties. Parfois, ceinture et bretelles, c’est un peu plus sûr pour tenir le pantalon ! (Sourires.) Quel est l’avis de la commission ? Votre amendement propose une rédaction presque identique à celle qui a été adoptée par la commission. Je suggère plutôt le retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis.
(L’amendement no 39 est retiré.)
(L’article 12 ter est adopté.)
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l’amendement no 675. Je défendrai ensemble une série d’amendements proches, les nos 675, 687, 683, 745, 665 et 614. Il s’agit de fixer la date des effets du divorce lors de la signature de la convention. Ce serait plus sûr juridiquement. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Ces amendements reviennent finalement à donner force exécutoire à l’acte d’avocat. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Monsieur Latombe, l’amendement est-il maintenu ? Par cohérence avec ce que j’ai dit hier, il l’est : je continue de penser que nous devons réfléchir à la force exécutoire de l’acte d’avocat.
(L’amendement no 675 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 670 et 687.
L’amendement no 687 a été défendu.
La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l’amendement no 670.
Il s’agit d’un amendement de notre collègue Sophie Auconie.
L’article 262-2 du code civil dispose que « toute obligation contractée par l’un des époux à la charge de la communauté, toute aliénation de biens communs faite par l’un d’eux dans la limite de ses pouvoirs, postérieurement à la requête initiale, sera déclarée nulle, s’il est prouvé qu’il y a eu fraude aux droits de l’autre conjoint ». Cet amendement prévoit également une telle nullité dans l’hypothèse où cette obligation ou cette aliénation interviendrait dans les mêmes conditions postérieurement à l’assignation ou à la signature d’une convention de procédure participative à fin de divorce.
Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. L’engagement d’une procédure participative ne préjuge pas de l’issue de celle-ci. Cet amendement entraînerait des effets considérables de nullité à l’égard de tiers, pour des décisions qui ne leur appartiennent pas.
(Les amendements identiques nos 670 et 687, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 668 et 683.
L’amendement no 683 a été défendu.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 668.
Tout accord passé entre les parties durant la phase conventionnelle ne doit pas être remis en cause pour nullité, puisque passé avant l’instance.
(Les amendements identiques nos 668 et 683, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) L’amendement no 745 a été défendu.
(L’amendement no 745, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) L’amendement no 665 a été défendu.
(L’amendement no 665, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 614 et 667.
L’amendement no 614 a été défendu.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 667.
Il s’agit d’un amendement de Sophie Auconie.
La procédure participative est le mode de règlement amiable des différends réservé aux avocats. Elle est particulièrement attractive, car elle est intégrée à la procédure, de sorte que la tentative de résolution amiable n’est pas ressentie par les justiciables comme une perte de temps ; ils n’ont pas le sentiment de prendre du retard.
Elle est efficace grâce à l’accès direct au juge qu’offrent l’article 2066 du code civil et l’article 1558 du code de procédure civile en cas de désaccord persistant. Les tribunaux étant très encombrés, cette possibilité d’éviter toute mise en état devant le tribunal et d’être appelé directement en audience de jugement est un atout tant pour le justiciable que pour les greffiers ou les magistrats.
La convention participative de divorce permet de trouver des points d’accord entre les parties. Mais si un accord ne peut être trouvé sur l’ensemble, la procédure reprend ab initio devant le juge.
Le présent amendement propose d’ouvrir la possibilité de ne saisir le juge que sur les points restant en discussion. Cela rendrait la procédure participative plus efficace en matière de divorce.
Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Les accords sont en pratique rarement partiels. S’il existe des éléments d’accord mais des désaccords suffisamment profonds pour que le divorce soit conflictuel, je pense sincèrement que ces points d’accord seront conservés par la procédure judiciaire, et produiront donc les mêmes effets.
(L’amendement no 667, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Typhanie Degois. L’article 13 tend à adapter l’offre de justice aux demandes et besoins des justiciables, en prévoyant que les litiges puissent être jugés sans audience dès lors que l’ensemble des parties en est d’accord. L’article 446-1 du code de procédure civile permet déjà aux parties de « formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit » quand une disposition particulière le permet. Ces possibilités sont donc étendues.
La procédure étant alors exclusivement écrite, il est essentiel de préserver les principes fondamentaux de la procédure civile ; je pense au principe du contradictoire, au principe de publicité des débats ou encore au droit à un procès équitable. Plusieurs garde-fous sont donc prévus : l’absence d’audience doit être une demande expresse des parties ; elles doivent toutes consentir à renoncer à leur droit d’être entendues par le juge. Par ailleurs, au cours de la procédure, le juge pourra décider de tenir une audience, soit que les preuves écrites ne lui permettent pas de se forger un avis, soit qu’une partie en fasse la demande.
L’article 13 présente un second apport à la procédure civile en instituant une procédure dématérialisée du règlement des litiges, qui concernerait à la fois les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer et les demandes formées devant le tribunal de grande instance en paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant, fixé par un décret en Conseil d’État. L’étude d’impact mentionne la somme de 5 000 euros. Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser vos intentions ?
Dans les procédures sans représentation obligatoire, les justiciables peuvent avoir besoin d’obtenir une décision dans un délai raccourci ; cela sera désormais possible, grâce au portail de la justice et aux échanges dématérialisés qu’il permettra. Cette procédure pourra trouver à s’appliquer lorsque les parties sont domiciliées dans des ressorts géographiques distincts, par exemple lors d’une action en restitution d’un dépôt de garantie à l’issue d’un contrat de bail d’habitation.
Cet article est, vous le voyez, très concret. Nous le soutiendrons.
(M. Jean Terlier applaudit.) La parole est à M. Sébastien Jumel. Dans le nouveau monde, les diagnostics sont souvent remplis de bon sens : ici, celui d’une justice malade, peu efficiente, trop lente, pas suffisamment réactive pour donner aux jugements toute leur force. L’ensemble de la communauté judiciaire, comme la représentation nationale, peuvent être d’accord.
Mais la suite est aussi extraordinaire que déroutante.
Au lieu de prendre en compte un tel diagnostic pour donner à cette fonction régalienne de l’État les moyens de son efficience, de son efficacité, de sa réactivité, vous en tirez prétexte, au nom d’une idéologie high tech, pour nous présenter une justice sans juge, et, maintenant, une justice par écran interposé, dématérialisée et, ce faisant, désincarnée, déshumanisée, oubliant la dimension humaine et matérielle nécessaire à la contradiction des dossiers ou à l’appréciation de leurs subtilités.
Je veux le dénoncer une nouvelle fois, alors que vous ajoutez des éléments de privatisation de ces fonctions régaliennes, en les faisant devenir payantes, ce qui n’est pas sans nous inquiéter.
Par ailleurs, cette dématérialisation ne prend pas en compte le fait que les juridictions ne partent pas de zéro. Les avocats avec lesquels j’échange me disent que l’on peut évidemment dématérialiser les relations entre professionnels, mais que, pour le reste, s’agissant de la formation des greffes et des moyens matériels, le compte n’y est pas.
Enfin, on trouve le diagnostic posé par une institution impartiale, renommée, qui ne siège pas ici : le Défenseur des droits estime que la numérisation des services publics creuse les inégalités et qu’elle constitue une énorme difficulté pour les personnes vulnérables. Nous en avons déjà fait l’exemple dans nos territoires, notamment avec la numérisation des cartes grises : nous ne sommes pas des bleus. Ce faisant, à l’heure où 33 % des Français déclarent être peu à l’aise avec internet, non contents d’accentuer la fracture territoriale, vous aggravez la fracture sociale ;
Vous pouvez nous raconter que le dispositif est moderne, libéré, simplifié. En réalité, il est déshumanisé, désincarné et, au bout du compte, peu efficace.
La parole est à M. Ugo Bernalicis. Pour abonder dans le sens de Sébastien Jumel, et avant que Danièle Obono ne défende notre amendement de suppression de l’article, je voudrais revenir sur l’intervention très intéressante de notre collègue de La République en marche, qui a énoncé de grands principes – la publicité de l’audience, le contradictoire, notamment –, non pour mieux les appliquer, mais pour mieux les contourner.
Le principe de la publicité de l’audience ne signifie pas que le justiciable doive obligatoirement se rendre à l’audience, mais que celle-ci est publique, donc que tout citoyen peut venir écouter le jugement. Or le projet de loi revient sur ce point.
S’agissant du numérique, nous avons proposé hier une plateforme afin que les citoyens se mettent en relation pour organiser des actions collectives en justice. Vous l’avez jugée peu intéressante et sans plus-value apparente.
Vous avez une appréciation du numérique à géométrie variable : une initiative dans ce sens ne vous convient pas si elle ne sert pas à retirer des gains de productivité ou à augmenter la productivité. Dès qu’il s’agit d’aider concrètement les justiciables à acter en justice, cela vous pose problème.
Le numérique, tel que vous le concevez dans la procédure, consistera à dire au justiciable qu’il s’expose à des délais plus longs s’il ne passe pas par la voie dématérialisée. Les citoyens seront donc naturellement poussés dans cette direction, car ils n’ont pas envie que leur action dure trois plombes.
Encore une fois, pour des questions de moyens, du fait du manque de juges, on va inciter au numérique, s’agissant notamment du contentieux des injonctions de payer, une matière qui touche pourtant des personnes en situation d’infériorité et de faiblesse, puisqu’elles doivent de l’argent. Ces litiges méritent une audience devant un juge, qui pourra concrètement, physiquement, faire son office en équilibrant les points de vue.
La parole est à M. Philippe Gosselin. Cet article se couvre d’une simplification que personne ne peut contester. Pour reprendre, en l’atténuant, le mot de Georges Pompidou, nous ne sommes pas là pour « enquiquiner » nos concitoyens, mais pour simplifier les procédures.
Je ne me désolidariserai pas non plus des engagements pris par le Président de la République, pratiquement au nom du peuple français. En numérisant à outrance, nous courons le risque de désincarner la justice, non pas à court terme, dans un ou deux ans, mais à moyen terme.
Je crois pour ma part en la force des symboles d’une justice rendue au nom du peuple français, l’huis ouvert, comme l’on dit, afin que nul n’en ignore les tenants. Le citoyen peut ou non être présent, du moins en a-t-il la capacité. Cela me paraît important.
Le fait d’entrer dans des lieux particuliers – un hall, un bâtiment, qui n’est pas toujours ancien –, rappelant que l’on se trouve dans un bâtiment de la République, a une signification. Au nom de la simplification, on est en train de retirer toute chair aux magistrats.
On déshumanise ! Ainsi, on désincarne la justice elle-même. Encore une fois, ce risque ne se traduira pas nécessairement demain matin, ni après-demain, mais à moyen terme.
Il sera alors facile de dire que la justice n’exerce plus ses fonctions. Voyons alors – pourquoi pas ? – à la rendre autrement, par l’arbitrage, c’est-à-dire par des règles conventionnelles, par la conciliation ou la médiation.
Pour terminer, à force de numérisation, notamment pour des litiges simples du quotidien car c’est bien d’eux dont il est question ici, on ira vers une justice de l’algorithme, expéditive, prédictive. Or ce n’est pas ce que je veux pour la justice de mon pays.
La parole est à M. Jean Terlier. Les propos tenus par mes collègues sur la portée de cet article me semblent très sévères. On peut l’ être encore plus ! Vous avez tous assisté, au moins une fois, à une audience devant un tribunal d’instance, celui des petits litiges, pour lesquels cette mesure s’appliquera. C’est un tribunal de la vulnérabilité ! Ce n’est pas le montant qui fait le litige ! La procédure étant sans représentation obligatoire, bien que l’ensemble des parties soient convoquées le matin à neuf heures, les dossiers des parties sans avocat ne sont appelés qu’à partir de midi. Les justiciables se présentent donc, avec toutes leurs quittances de loyer, pour un défaut de paiement de 200 ou 300 euros. Ils déposent leur dossier sur le bureau du juge à midi, après avoir déjà attendu trois heures.
L’autre partie arrive, qui n’est pas assistée non plus par un avocat. Le juge demande si les pièces ont été communiquées à l’adversaire. La réponse étant négative, les parties sont convoquées à une autre audience, dans un mois, pour prouver que la communication a été faite.
Chers collègues, croyez-vous sincèrement que l’intérêt du justiciable soit d’être physiquement présent à l’audience ?
Oui ! C’est un échange ! Est-ce que, pour ce type de litige, il n’a pas intérêt à communiquer avec l’autre partie de manière dématérialisée, sans avoir à se déplacer, à faire le trajet, parfois à poser une journée de RTT, surtout s’il doit s’entendre dire qu’il doit revenir dans un mois, alors que, la fois suivante, l’autre partie aura peut-être recours à un avocat ?
Il y a un intérêt manifeste à la dématérialisation pour le justiciable, comme pour les professionnels du droit, qui se contentent parfois de déposer leur dossier, sans même donner d’explications sur l’affaire. Ceux-là aussi ont un intérêt manifeste à la dématérialisation de certaines procédures.
Enfin, il existe des garde-fous.
Qui sont les fous ? Le premier, c’est d’obtenir l’accord des parties à la dématérialisation de la procédure.
Le deuxième garde-fou réside dans l’appréciation du juge présent. Faites-lui confiance : s’il estime qu’il a besoin d’entendre les parties et de les voir, alors il reprendra le dossier et convoquera celles-ci à une audience.
Rassurez-vous, chers collègues, ce dispositif a vraiment un intérêt pratique pour le justiciable.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde. Nous sommes inquiets du devenir de la justice d’instance, notamment dans le cadre de la réorganisation des tribunaux de grande instance, en raison de la pression, notamment médiatique, qui se portera sur les magistrats, en particulier sur le président du TGI, pour que le tribunal correctionnel traite plus rapidement telle ou telle affaire, jugée grave.
Ce sujet suscite une réelle inquiétude, chez nous comme au sein de la magistrature. Finalement, on court le risque de déshabiller la justice d’instance pour réalimenter la justice correctionnelle. Ce souci n’est pas en lien direct avec le dispositif de l’article 13, mais c’est un élément de l’ensemble.
Ce projet de loi vise à faciliter l’accès à la justice d’instance. Encore faut-il que celle-ci ne se trouve pas déshabillée de ses magistrats.
La justice d’instance est à la fois la justice du pauvre et la justice de la paix civile. Si ces petits conflits – la querelle du loyer, de voisinage, la querelle commerciale – ne sont pas tranchés par des magistrats, si on les laisse s’envenimer dans le temps, ils finissent tous par des violences. Dans un département comme le mien, on voit d’ailleurs augmenter les violences non crapuleuses. Elles ont souvent ce type de litiges pour origine, qu’une forme de juge de paix, facile, gratuit, accessible et sans formalisme, permet de résoudre rapidement.
Nous sommes les défenseurs de cette justice d’instance. En revanche, dans le seul cas où les parties en sont d’accord, une dématérialisation ne me paraît pas porter atteinte à cette justice d’instance, si nécessaire, que je voulais décrire ici. Nous la défendrons plus tard, au sein des TGI.
Rien dans le texte ne permet de garantir que le nombre de juges d’instance demeure stable dans un ressort ou, du moins, qu’il soit adapté à la demande, et que ceux-ci ne soient pas défavorisés par rapport aux juges des tribunaux correctionnels. Cela est de nature à améliorer le dispositif ou à l’accélérer, dès lors que les deux parties en sont expressément d’accord, et seulement dans ce cas.
La parole est à Mme Cécile Untermaier. Cet article démarre plutôt bien, puisqu’en cas d’accord des parties, il peut y avoir dématérialisation à la place d’une audience.
Son alinéa suivant offre également une garantie satisfaisante, puisqu’il prévoit que le magistrat peut maintenir l’audience, s’il l’estime utile, bien que les parties aient demandé la dématérialisation de la procédure. Ce dispositif nous convient, puisqu’il fait en sorte de rechercher la réponse la plus adaptée.
En revanche, la dernière partie de l’article nous gêne. Elle prévoit que le tribunal, par une décision spécialement motivée, peut faire fi des demandes d’audience des justiciables, et décider d’une dématérialisation.
Cet alinéa semble contredire les propos tenus sur la philosophie du texte, à savoir que le numérique et la dématérialisation ne doivent pas couper la route à la présence humaine.
Sur ce point, il faut donner le signe de la cohérence et maintenir cette présence, dès lors qu’une des parties le demande.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 133, qui vise à supprimer l’article.
Dans la lignée de plusieurs interventions, nous demandons la suppression de cet article, afin d’alerter sur l’importance de préserver la tenue publique des audiences, notamment parce qu’elles sont une des garanties d’un service public et d’une justice rendue au nom du peuple et pour le peuple.
La version de l’article retenue par le Sénat nous semblait présenter des garanties importantes, car la numérisation d’une audience pouvait se faire à l’initiative des parties, par leur accord express. Il me semble que les mesures proposées par le Gouvernement et défendues par la majorité font subsister de réelles difficultés.
Il a déjà été question du caractère public des audiences, un acquis révolutionnaire contre la justice secrète et cloîtrée de l’Ancien Régime. Non seulement cette remise en cause est possible sur demande des parties devant le TGI, mais encore elle est rendue obligatoire sauf exception, pour les contentieux, en dessous d’un seuil fixé par décret pour les procédures dématérialisées.
Cela signifie la mort du caractère public des audiences pour les contentieux relevant des tribunaux d’instance, donc la fin de la justice d’instance. En outre, parce que cette disposition s’appliquerait pour des procédures dématérialisées, elle distendrait encore davantage le lien entre les citoyens et le service public.
Ensuite, malgré les dénégations faites ici, le principe de l’absence d’audience en dessous d’un seuil défini par décret menace le droit à une audience publique pour les parties. En effet, si une partie est d’accord pour une procédure dématérialisée, elle pourra ensuite se voir refuser une audience.
Enfin, le droit à une justice publique n’est plus pris en compte. La logique de désagrégation de l’entité politique démocratique au profit des seuls choix des justiciables que défend le Gouvernement nie la solidarité et le caractère collectif de la justice. Celle-ci doit rester publique et accessible à tous. Elle doit non seulement être rendue mais il convient également de montrer qu’elle l’a été.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l’amendement no 782. Je tiens à rectifier une affirmation de M. Terlier qui m’a fait voir rouge : il n’existe, devant aucune juridiction française, de « petits dossiers ». Oser dire une telle chose, c’est faire preuve d’un mépris absolu à l’égard de ceux qui vivent ces situations au quotidien. Mépris de classe ! Ce n’est pas ce que je voulais dire, et vous le savez ! C’est absolument critiquable. Que les enjeux financiers soient gros ou tout petits, les affaires doivent être traitées de la même manière car, bien souvent, le tout petit enjeu financier est un enjeu humain exceptionnel. Celui qui engage une procédure a besoin des quatre cents euros qu’il y réclame.
Revenons à l’amendement de suppression. Il faut l’avoir vécu, mais je vous assure qu’il est indispensable de maintenir l’oralité des débats. Nous ne pouvons pas raisonnablement dans cet hémicycle soutenir l’idée que l’oralité est inutile. Chacun doit pouvoir s’exprimer. Pourquoi ? Parce que dans ces affaires à petits enjeux,…
Il n’y a pas de petits enjeux ! …ces litiges dont le montant est inférieur à un certain seuil, les gens ne seront pas tous capables de se défendre par écrit, d’exprimer clairement leurs problèmes et leurs besoins. Il est parfois nécessaire de les laisser s’exprimer, rencontrer le juge, lui parler, pleurer devant lui et lui faire comprendre leurs difficultés.
L’oralité est intrinsèquement liée à notre système judiciaire. Vous ne pouvez pas la supprimer. Nous sommes tous agacés de voir nos enfants ne plus se parler et échanger par SMS. S’agissant de la justice à tout le moins, il faut que l’oralité puisse perdurer.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l’amendement no 1329. Nous proposons également la suppression de l’article 13 qui prévoit une procédure sans audience devant le tribunal de grande instance, d’une part, et une procédure dématérialisée de règlement des litiges dont le montant est inférieur à un certain seuil, d’autre part.
Selon les termes de l’article 13, la procédure sans audience est une faculté soumise à l’accord des parties. Elle est exclusivement écrite et peut concerner tous les litiges portés devant le tribunal de grande instance, hormis ceux qui peuvent faire l’objet d’une procédure dématérialisée, lesquels organisent différemment l’absence d’audience. Le groupe de travail sur la procédure civile souhaitait renouveler l’articulation de l’écrit et de l’oral.
La commission des lois a rétabli la possibilité pour le tribunal, dans le cadre du règlement par voie dématérialisée des petits litiges, de refuser de tenir une audience, à la demande de l’une des parties, au motif que celle-ci ne serait pas nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure.
L’article 13 permet la dématérialisation des procédures pour des petits litiges. Revenant au texte initial, la commission des lois a étendu cette possibilité aux ordonnances portant injonction de payer. Cette procédure suscite des interrogations : jusqu’à quel montant parle-t-on de petits litiges ? 5 000, 10 000 euros, moins, plus ? Comment le consentement des parties à la dématérialisation sera-t-il recueilli ? La dématérialisation pose également des questions en matière d’égalité d’accès à l’outil numérique, d’une part, et de maîtrise de l’écrit, d’autre part. L’expérience des cartes grises a été rappelée par Sébastien Jumel.
Vous instaurez une justice de classe : l’épicerie fine pour les riches et le supermarché pour les autres.
Quel est l’avis de la commission ? Je suis assez… Estomaquée ! …exactement ! Depuis un moment, chacun parle de ses fantasmes mais pas de ce qui figure dans l’article 13. J’ai beau lire l’article 13, je ne retrouve pas tout ce que j’ai entendu. Ce n’est pas la première fois ! Selon vos dires, nous supprimerions l’oralité, nous imposerions la dématérialisation, nous mettrions à mal la publicité des débats. Oui ! Je le dis avec la plus grande humilité, j’invite chacun à passer une journée au TGI pour voir ce qu’il s’y passe. Les dépôts de dossiers, sans plaidoirie, sont fréquents ; la publicité des débats n’est pas le quotidien des audiences parce que d’une part, en en cas de dépôt de dossiers, il n’y a pas de débat, d’autre part, il existe de très nombreuses exceptions à ce principe.
J’ai entendu votre préoccupation que la justice soit rendue publiquement et que les décisions soient publiques. C’est l’objet de l’article 19 sur l’open data des décisions judiciaires.
Précisément pas celles-là ! Ensuite, la dématérialisation serait, dites-vous, imposée aux parties. Je vous invite à revenir à la lettre de l’article 13. La dématérialisation n’est pas seulement soumise à l’accord des parties, elle est à l’initiative de celles-ci. Si les parties souhaitent que leur affaire soit jugée sans audience, il n’y a pas d’audience. Rien n’est imposé à qui que ce soit.
J’émets donc un avis défavorable à ces amendements qui me paraissent bien excessifs.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) J’ai bien noté tous ceux qui ont demandé la parole. Vous ne nous voyez jamais, monsieur le président ! Faites-vous connaître, cher collègue. Vous n’êtes pas nouveau dans cet hémicycle.