Deuxième séance du jeudi 25 octobre 2018
- Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard
- 1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (suite)
- Rappel au règlement
- Troisième partie (suite)
- Après l’article 8 (amendements appelés par priorité - suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Après l’article 8 (amendements appelés par priorité - suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 8 (amendements appelés par priorité - suite)
- Amendement no 1241
- Après l’article 7 (suite)
- Article 9
- Amendement no 771
- Après l’article 9
- Suspension et reprise de la séance
- Article 10
- Mme Marie-Noëlle Battistel
- Amendement no 1270
- Rappel au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Article 10 (suite)
- Amendements nos 323 et 318 rectifié
- Après l’article 10
- Avant l’article 11
- Amendement no 223
- Article 11
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (suite)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (nos 1297, 1336, 1309).
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Pour revenir à ce que j’ai évoqué lors de la discussion générale et en réponse à un amendement à l’article 6, je vous informe que le Gouvernement va déposer ce soir plusieurs amendements. En dehors des propositions purement techniques, je voudrais vous parler de quatre dispositions. La première a trait à l’application du plan « ma santé 2022 » ; elle prévoit un démarrage rapide des négociations conventionnelles, de façon à ce que les dispositions relatives notamment aux communautés professionnelles territoriales de santé, CPTS, et aux assistants médicaux prennent corps sur le terrain le plus rapidement possible. (M. Thomas Mesnier applaudit.)
Le deuxième amendement concerne la pertinence des soins. Des démarches d’amélioration de la pertinence des soins et des pratiques professionnelles existent déjà, mais je souhaite encourager les établissements et les professionnels à s’y impliquer plus encore pour rendre les procédures autour de la pertinence plus efficaces.
Le troisième amendement est relatif aux arrêts de travail, qui – j’en ai parlé hier dans la discussion générale – émargent dans l’ONDAM de ville. Le Premier ministre avait diligenté une mission pour analyser les causes de l’évolution à la hausse des indemnités journalières et formuler des propositions susceptibles de rendre le dispositif de prise en charge plus pertinent. Les trois personnalités qualifiées qui ont mené cette mission ont rendu leurs conclusions provisoires vendredi dernier et le Gouvernement a fait, à ce stade, le choix d’en retenir deux, qui nécessitent une mesure législative. La première a pour objectif de faciliter le recours au mi-temps thérapeutique ; la deuxième, de rendre obligatoire la dématérialisation des avis d’arrêt de travail par les médecins.
Le dernier amendement a trait à la politique familiale. En réponse à Thomas Mesnier, j’avais indiqué que j’étais sensible à la situation des familles d’enfants qui devaient être hospitalisés un long moment, notamment du fait de leur prématurité. C’est aujourd’hui une réalité pour beaucoup de familles comme pour la médecine et il faut en tenir compte, notamment en accordant aux pères un congé paternité supplémentaire pendant la phase d’hospitalisation, qui leur permettrait de faire face plus facilement à ces circonstances compliquées.
Voilà les éléments dont je voulais vous faire part, dont nous aurons l’occasion de débattre dans le cadre de la quatrième partie de ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Dharréville
Il est étonnant d’apprendre, à l’occasion d’une annonce de Mme la ministre, que des dispositions d’importance seront présentées aujourd’hui par le Gouvernement. Je regrette que nous ayons à délibérer dans ces conditions, alors que la commission s’est déjà réunie. Vous imaginez le sens de mes reproches, que je m’abstiendrai d’énumérer. Je voudrais disposer du détail des amendements que vous allez déposer avant qu’on en aborde l’examen, pour pouvoir me prononcer en meilleure connaissance de cause. Il est dommage que la discussion doive se tenir sans respecter les normes – notamment le débat préalable en commission et la production d’études d’impact sur les mesures en question. (Mme Caroline Fiat et M. Thibault Bazin applaudissent.)
M. Boris Vallaud
Il a raison !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre
Il s’agit a priori d’amendements qui vont dans le sens de ce que souhaitent les députés, notamment en matière de congé paternité ; mais nous y reviendrons. Les amendements seront déposés dès cet après-midi pour que chacun puisse en prendre connaissance avant que nous en débattions.
Troisième partie (suite)
Mme la présidente
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la troisième partie du projet de loi, s’arrêtant aux amendements identiques, nos 296 et 420, portant article additionnel après l’article 8, examinés par priorité.
Après l’article 8 (amendements appelés par priorité - suite)
Mme la présidente
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement no 296.
Mme Isabelle Valentin
On parle beaucoup de désertification médicale dans l’ensemble de nos territoires, et nous y sommes tous sensibles, quelles que soient nos idées politiques. Cet amendement de Fabrice Brun vise à lutter contre les zones médicales sous-dotées en créant, en discussion avec les agences régionales de santé, des zones franches médicales prioritaires et en instaurant des exonérations fiscales en faveur des médecins généralistes et spécialistes. Pour assurer l’accès aux soins pour tous, nous devons nous montrer innovants. Cet amendement crée une incitation qui viendrait compléter d’autres mesures telles que les maisons médicales ou les centres de santé.
Je profite de l’occasion pour appeler votre attention sur le fait qu’à compter de janvier 2019, la Haute-Loire disposera d’un cabinet médical mobile, financé par le secteur privé, qui sillonnera le département pour aller dans les zones sous-dotées. C’est un exemple de solution innovante.
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 420.
Mme Brigitte Kuster
Dans la droite ligne de ce que vient de rappeler Isabelle Valentin, cet amendement déposé par mon collègue Stéphane Viry vise à lutter contre la désertification médicale en créant des zones franches médicales prioritaires dans les zones rurales touchées par ce fléau. Bien que certains collègues aient, ce matin, prétendu le contraire, les exonérations fiscales en faveur des médecins généralistes et spécialistes facilitent l’implantation de ces derniers. L’objectif du présent amendement est de garantir l’accès aux soins partout en France.
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales
Évitons de rouvrir le débat fourni que nous avons eu en fin de matinée ! Vous comprendrez que l’avis reste défavorable même après la pause déjeuner.
(Les amendements identiques nos 296 et 420, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 178.
M. Thibault Bazin
On change de sujet pour parler du chômage, qui touche particulièrement les jeunes : 23 % des moins de vingt-cinq ans cherchent à s’insérer sur le marché du travail. Or on constate que l’apprentissage représente une voie royale vers un emploi durable, puisque 50 % des apprentis signent un CDI dans les trois mois suivant la fin de leurs études. Cet amendement de Julien Dive vise à permettre aux TPE et aux PME de moins de onze salariés œuvrant dans l’artisanat de faciliter l’embauche en CDI de tout apprenti qu’elles auront préalablement formé au cours d’un contrat d’apprentissage, en les exonérant à 80 % des charges sociales et salariales rattachées à l’ancien apprenti devenu salarié durant l’année d’embauche en CDI. Cette exonération connaîtrait une diminution progressive de vingt points chaque année, l’entreprise atteignant le taux total de cotisations la quatrième année suivant la signature du CDI. Mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement pour l’emploi de nos jeunes !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Olivier Véran, rapporteur général
Nous en avons débattu en commission !
M. Thibault Bazin
J’ai assisté à plusieurs réunions de la commission, mais je crois que le sujet mérite au moins une phrase pour expliquer votre avis défavorable !
(L’amendement no 178 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Pietraszewski, pour soutenir l’amendement no 1326.
M. Laurent Pietraszewski
Mon nom n’est pas facile, je vous le concède. En polonais, le « sz » se chante « ch » et le « w » se prononce « f ». Il ne faut pas essayer de lire, c’est trop compliqué. On a beaucoup parlé des Polonais ; cela nous permet d’apprendre les phonèmes de nos voisins.
L’amendement no 1326 est important car il a pour but d’aligner le régime fiscal et social applicable dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective, RCC, sur celui des plans de sauvegarde de l’emploi, PSE, notamment pour la partie relative au congé mobilité. Jusqu’aux ordonnances de septembre 2017, celui-ci devait être adossé à un PSE dans le cadre d’un licenciement économique. Vous le savez, nous l’avons ouvert plus largement, notamment aux entreprises de plus de 300 salariés et aux entreprises de dimension européenne qui ont un établissement de 150 salariés en France. Le but est de disposer de solutions autres que des licenciements dans le cadre d’un plan de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences. Il est nécessaire d’aligner ces deux régimes, notamment en matière de forfait social et entre autres pour le congé mobilité.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Cet amendement présenté par Laurent Pietraszewski – j’espère que j’ai bien prononcé votre nom ! – fait suite aux travaux de notre collègue dans le cadre de la loi travail dont il était rapporteur. C’est en toute cohérence que la commission lui donne un avis favorable.
(L’amendement no 1326, accepté par le Gouvernement, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 928.
M. Pierre Dharréville
Les allégements généraux sur les bas salaires créent des effets pervers : ils maintiennent une masse croissante de travailleurs et de travailleuses autour du SMIC et ne permettent pas de faire monter notre économie en gamme. Leur seul intérêt est de nous aligner sur les coûts horaires du travail de nos voisins européens. Nous ne pouvons, nous ne devons plus continuer dans cette course au moins-disant social, qui ne crée que des perdants et empêche de répondre aux défis de la montée en qualification et en rémunération des travailleurs et des travailleuses. Il ne reste quasiment plus de cotisations patronales au niveau du SMIC : quelle est la prochaine étape ?
M. Fabien Di Filippo
Des cotisations négatives !
M. Pierre Dharréville
On peut s’interroger, c’est une spirale sans fin. Cette course en avant ne mène nulle part. Malgré tous ces dispositifs, l’industrie continue à détruire des emplois. Il est temps de réguler les dépenses en matière d’exonération de cotisations, dommageables pour les finances de la sécurité sociale. Pour que ces mesures profitent le plus possible aux assurés, cet amendement vise à limiter le bénéfice des allégements généraux de cotisations patronales aux seules entreprises qui s’engagent à augmenter leurs rémunérations pour éviter le phénomène de trappe à bas salaires. Le mécanisme proposé est simple : seules les entreprises d’au moins cinquante salariés dont plus de la moitié des salariés bénéficient de rémunérations au-dessus de 1,6 SMIC pourraient bénéficier des réductions de cotisations sur les bas salaires.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
En supprimant les allégements généraux sur les bas salaires pour les entreprises de plus de cinquante salariés où la majorité des salaires sont inférieurs à 1,6 SMIC, vous créeriez une trappe à délocalisations, qui pourrait devenir une arme de destruction massive d’emplois. Cela ne correspond pas du tout à l’objectif de votre amendement, mais c’est ce qui explique l’avis défavorable de la commission.
(L’amendement no 928, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 884 de M. Laurent Garcia est défendu.
(L’amendement no 884, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 418 et 1376.
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 418.
Mme Brigitte Kuster
Je me réjouis de la demande de scrutin public sur cet amendement de mon collègue Viry relatif à l’égalité salariale.
Rappelons-le : en France, les femmes gagnent en moyenne 24 % de moins que les hommes. Malgré les lois successives en faveur de l’égalité professionnelle, les écarts de salaire ont cessé de se réduire et les femmes sont largement majoritaires parmi les travailleurs précaires. Afin de remédier à cette situation, il est proposé de supprimer les exonérations de cotisations sociales patronales aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’égalité salariale.
Cette mesure forte permettrait de réaliser des avancées significatives. Il n’est pas admissible de continuer d’accorder des remises de cotisations aux employeurs qui n’établissent pas un plan destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l’amendement no 1376.
Mme Caroline Fiat
En déposant cet amendement, j’étais persuadée qu’il pourrait faire consensus ; comme je vois qu’un amendement identique est présenté par l’autre bord de l’hémicycle, je me dis que c’est effectivement une préoccupation transpartisane !
M. Pierre Vatin
C’est la droite insoumise ! (Sourires.)
Mme Caroline Fiat
Comme vient de l’expliquer ma collègue, il y a dans notre pays une inégalité persistante, une inégalité dont tout le monde a connaissance et qui pourtant demeure au fil des ans, une inégalité qui révolte lorsqu’on en parle mais qui, paradoxalement, semble être une habitude généralisée au sein des entreprises. Cette inégalité se traduit par une image choquante : on estime qu’en 2017, en raison des inégalités salariales, les femmes ont travaillé bénévolement du 3 novembre jusqu’à la fin de l’année.
L’inégalité salariale entre hommes et femmes est criante mais, en plus d’être moins bien payées, les femmes sont les premières victimes de la précarisation de l’emploi. Elles gagnent en moyenne 24 % de moins que les hommes. « C’est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c’est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète », écrivait Simone de Beauvoir. Tâchons de faire de cette émancipation une réalité.
Notre amendement vise à dissuader les entreprises d’échapper à leurs obligations en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Nous proposons de supprimer les exonérations de cotisations patronales pour celles qui ne les respecteraient pas.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
La lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise, et dans la société en général, est un engagement partagé sur tous les bancs – et cela est heureux. La majorité ne dira bien évidemment pas le contraire, puisqu’il s’agit de l’une des grandes priorités du quinquennat du Président de la République, Emmanuel Macron.
Quel est l’état du droit aujourd’hui ? Le droit prévoit qu’en cas de manquement aux règles de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise s’applique une pénalité pouvant atteindre 1 % de la masse salariale. C’est déjà important. Ce que vous proposez, par l’intermédiaire de cet amendement, c’est que la totalité des allégements généraux dont bénéficie l’entreprise soient supprimés en cas de manquement. Comme on dit, quand le marteau est trop lourd, il y a moins de chances qu’il tombe ! Les sanctions prévues semblent mal proportionnées ; celles qui sont applicables aujourd’hui nous paraissent suffisantes. La commission a donc émis un avis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre
Comme l’a indiqué le rapporteur général, l’égalité entre les femmes et les hommes est une priorité gouvernementale ; c’est la grande cause du quinquennat. Muriel Pénicaud et Marlène Schiappa travaillent ardemment sur le sujet. Pour atteindre cet objectif, elles n’ont pas suivi la voie proposée par ces amendements ; elles font d’autres choix stratégiques. Je les laisse travailler et nous proposer des solutions, qui seront mises en application par le Gouvernement le plus vite possible.
M. Fabien Di Filippo
Désolés d’avoir travaillé de notre côté !
Mme Agnès Buzyn, ministre
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat
Cela fait des mois que vous dites que c’est la priorité du Gouvernement. J’entends bien que Mme Pénicaud et Mme Schiappa sont en train de travailler sur le sujet, mais ce que je propose, madame la ministre, c’est que nous adoptions ces amendements, étant entendu que si les propositions de Mmes les ministres sont meilleures, on pourra toujours retirer la mesure du projet de loi. Cela fait trop longtemps que nous attendons. Je ne suis pas vieille, mais quand j’étais petite, j’entendais déjà ma maman se plaindre des inégalités entre les femmes et les hommes. Pourquoi attendre, toujours attendre ? C’est la priorité du quinquennat – et vous avez, en la matière, le soutien des oppositions.
M. Jean-Michel Jacques
Que c’est beau, l’union ! (Sourires.)
Mme Caroline Fiat
Il faut donc adopter ces amendements de bon sens !
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme Brigitte Kuster
J’abonderai dans le sens de ma collègue Fiat.
Votre réponse m’étonne, madame la ministre. Voilà dix-huit mois que l’on nous dit qu’il s’agit d’une priorité, dix-huit mois que le Gouvernement travaille sur ce thème. On a rappelé les chiffres : les femmes touchent à peu près un quart de moins que les hommes. Je ne sais pas comment vous pouvez nous dire que deux ministres vont réfléchir sur le sujet tout en soutenant qu’il s’agit d’une priorité pour le Président de la République. La situation actuelle est tout simplement inadmissible. Regardez ce qui se passe dans les autres pays européens et faites en sorte que la France soit au rendez-vous de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce serait le minimum.
Comme l’a dit ma collègue, il serait grand temps que vous envoyiez un signal et que vous ne reportiez pas systématiquement les mesures, comme vous le faites depuis ce matin sur n’importe quel sujet, en nous renvoyant à des discussions internes au Gouvernement, alors que cela fait maintenant dix-huit mois que vous avez pris vos fonctions.
Mme la présidente
Mes chers collègues, vu qu’il s’agit d’un scrutin public, je veux bien accorder un plus grand nombre de prises de parole, mais je ne pourrai pas le faire sur chaque amendement.
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
Les amendements visent à supprimer la réduction de charges « lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord ou de plan relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-1 et L. 2242-3 du code du travail » : il nous semble que c’est la moindre de choses ! Il convient de faire respecter, donc d’imposer cette obligation de discuter de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de s’accorder sur son application. Je soutiendrai par conséquent les amendements.
J’en profite pour exprimer mon total désaccord avec l’amendement no 1326, qui a été adopté précédemment. Dans la continuité des ordonnances, cet amendement tend en effet à favoriser les ruptures conventionnelles collectives, y compris au détriment des plans de sauvegarde de l’emploi. On imagine aisément les pressions que l’on pourra ainsi exercer, ainsi que le renoncement à certains outils de production et les suppressions d’emploi que cela provoquera. Je continuerai à être vent debout contre les mesures de ce type. Je tenais à le souligner à M. Pietraszewski.
Mme la présidente
La parole est à M. Belkhir Belhaddad.
M. Belkhir Belhaddad
Vous n’êtes pas sans savoir, chers collègues, que nous avons adopté l’été dernier, le 1er août pour être précis, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, laquelle dispose notamment que les entreprises auront trois ans pour se conformer à l’égalité salariale. Pour ce faire, un instrument commun de mesure sera mis en place. Les entreprises devront ensuite dédier une enveloppe au rattrapage salarial. Un contrôle sera effectué et des sanctions seront appliquées si cette obligation n’a pas été respectée au bout des trois ans prévus. Enfin, les salariés à temps partiel, qui sont à 80 % des femmes, disposeront des mêmes droits à la formation que les salariés à temps plein.
Nous sommes nombreux sur ces bancs à considérer que vous auriez mieux fait d’ajouter vos voix aux nôtres le 1er août dernier, plutôt que de présenter un énième amendement punitif – alors que, pour notre part, nous avons fait le choix de l’ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien Di Filippo
De l’inaction plutôt !
Mme la présidente
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.
Mme Michèle de Vaucouleurs
Je n’ai pas grand-chose à ajouter, si ce n’est que Mme la ministre Pénicaud a fait très récemment des annonces sur la question. Nous nous acheminons d’ici trois ans vers des sanctions financières élevées, de l’ordre de 1 % du chiffre d’affaires, si des mesures correctives n’étaient pas prises par les entreprises qui n’ont pas respecté l’engagement de travailler sur le sujet. Je pense que nous pouvons faire confiance à notre ministre pour remédier à cette situation.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 418 et 1376.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 24
Contre 53
(Les amendements identiques nos 418 et 1376 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 484.
M. Alain Ramadier
Il tend à exonérer de charges patronales les entreprises qui modifieraient le contrat de travail d’un salarié aidant familial pour que celui-ci puisse continuer à exercer une activité professionnelle et en même temps assurer les soins de la personne aidée.
Faire entrer la notion d’aidant dans les mœurs des entreprises est un enjeu de taille pour les années à venir, notamment pour tous les Français qui travaillent dans les PME et TPE. En effet, celles-ci ne disposent pas des fonds nécessaires pour « internaliser » un service de suivi et d’accompagnement de leurs salariés aidants, contrairement aux grands groupes au sein desquels on constate déjà l’existence de solutions d’accompagnement visant à informer et à conseiller le salarié aidant pour qu’il arrive à concilier vie privée et vie professionnelle.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
La commission a repoussé l’amendement. Certes, nous en partageons l’intention – favoriser l’inclusion des proches aidants dans le milieu professionnel et faire en sorte que leur parcours professionnel soit le moins perturbé possible par les situations difficiles auxquelles ils doivent, avec beaucoup de courage, faire face au quotidien – et la majorité veut travailler ardemment sur le sujet des aidants. Toutefois, l’amendement vise à réduire progressivement les cotisations sociales sur les salaires des proches aidants, qui verraient leur contrat de travail modifié. Or j’appelle votre attention sur le fait qu’il n’y a presque plus de cotisations sociales sur les bas salaires, et plus du tout au niveau du SMIC. Par conséquent, seuls seraient « accompagnés » les salariés dont les revenus sont largement supérieurs au SMIC. C’est en partie pour cette raison que la commission a donné un avis défavorable à l’amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre
Vous le savez, mesdames et messieurs les députés, nous menons depuis le 1er octobre dernier une grande consultation publique et de nombreux groupes de travail ont été réunis au sein du ministère en vue de présenter en 2019 un projet de loi sur le grand âge et l’autonomie. L’un des groupes de travail est bien évidemment consacré à la situation des aidants. Je vois actuellement émerger diverses propositions : une proposition de loi a notamment été déposée au Sénat sur le sujet, M. Dharréville en a déposé une autre. À chaque fois, ce sont de très bonnes idées qui sont proposées en vue de soutenir les aidants dans leurs missions auprès des personnes malades ou handicapées. Étant donné le calendrier retenu, je propose que la mesure contenue dans l’amendement fasse partie des nombreuses contributions que j’attends à l’occasion de la consultation sur le grand âge. Ce sera l’une des pistes de travail. En revanche, je ne souhaite prendre aujourd’hui aucune disposition spécifique sur les aidants, dès lors qu’une grande loi traitera de ce sujet, à l’issue d’une consultation nationale qui durera plusieurs mois.
Mme la présidente
La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton
Madame la ministre, je dois vous dire que je suis inquiet. L’hiver dernier, en commission des affaires sociales, la proposition de loi de Pierre Dharréville sur les aidants avait été rejetée par la majorité ; il s’agissait pourtant d’une très bonne proposition. En conclusion de l’examen du texte, vous nous aviez dit, madame la présidente de la commission, que nous retravaillerions sur le sujet avant le mois de juin dernier. Nous sommes aujourd’hui en octobre !
En outre, au mois de septembre 2017, nous avons lancé, toujours au sein de la commission des affaires sociales, d’abord une mission flash de Mme Iborra, puis une mission d’information de Mmes Iborra et Fiat, lesquelles ont fait des propositions extrêmement précises pour le grand âge et pour les EHPAD.
Et puis, voilà un mois, nous apprenons que vous lancez, madame la ministre, une consultation sur le sujet, assortie de la nomination d’un commissaire, que j’ai rencontré la semaine dernière. En commission des affaires sociales, vous nous avez dit que vous vous engagiez à nous présenter d’ici à la fin de l’année un projet de loi sur le grand âge. Or le commissaire qui a été nommé nous a indiqué que sa lettre de mission lui demandait de rendre ses conclusions en février ou mars prochain. Je ne sais pas très bien comment tout cela va se coordonner. Ce qui est certain, en revanche, c’est que nous attendons toujours et que, de rapport en rapport, de consultation en consultation, on ne cesse de repousser l’échéance.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Eh oui !
M. Gilles Lurton
Il serait grand temps d’avancer sur ce sujet car, dans les EHPAD, on attend.
Mme Marie-Noëlle Battistel
La situation se dégrade !
M. Fabien Di Filippo
Oui : il est temps de se réveiller !
M. Gilles Lurton
Les personnes âgées, les personnels soignants attendent. La situation devient très critique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier
Voilà quelqu’un qui connaît bien ses dossiers !
Mme la présidente
La parole est à Mme Monique Iborra.
Mme Monique Iborra
Je me suis déjà efforcée, monsieur Lurton, de vous rassurer à ce sujet.
M. Gilles Lurton
Je ne le suis pas !
Mme Monique Iborra
Je le sais bien, mais je vais essayer encore une fois ! Aucune majorité, vous le savez bien, n’est allée aussi loin que ce que nous proposons aujourd’hui.
M. Gilles Lurton
Je le sais.
Mme Monique Iborra
Vous êtes d’accord sur ce point, donc. Au regard de l’importance du sujet sur les plans sociétal, démographique et financier, donnez-nous un peu de temps pour concevoir un dispositif consistant !
M. Gilles Lurton
Cela fait dix ans qu’on attend !
Mme Monique Iborra
Quand un Président de la République s’engage sur un texte de loi, auquel vous contribuerez largement, à partir de la fin de 2019, soyez un peu patient, je vous en conjure. Faites-nous confiance :…
M. Fabien Di Filippo
Nous n’avons confiance que dans les actes !
Mme Monique Iborra
…faites confiance à Mme la ministre et à nous-mêmes, car nous aurons, tous ensemble, à négocier ce texte qui, lui, sera aussi complet que possible. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Mme la présidente
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer
Je serai bref. Le groupe UDI, Agir et indépendants soutient cet amendement, car on nous fait souvent le coup de la future grande loi que nous devrions attendre.
M. Boris Vallaud
Eh oui !
M. Francis Vercamer
Mais, entre les projets de loi sur la santé, sur la dépendance, sur la pauvreté, sur la justice et sur les retraites, tous programmés au premier semestre de 2019, on se demande bien ce qui sera effectivement voté. Ce programme, sans doute impossible à tenir, semble voué à justifier un nouveau délai pour les mesures destinées aux aidants.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Tout à fait !
M. Boris Vallaud
Il a raison !
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
Je vous sais gré, monsieur Lurton, de rappeler tous les travaux que nous avons engagés depuis dix-sept mois.
M. Gilles Lurton
Oui !
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
Vous le reconnaissez vous-même, le problème de la prise en charge du grand âge et de la dépendance est sur la table depuis dix ou quinze ans ; et vous nous demandez, bien sûr, de le régler en dix-sept mois, qui plus est dans un contexte contraint ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
À la suite de la proposition de loi de Pierre Dharréville, je me suis engagée, je vous le rappelle, à auditionner Mme Gillot, ce que nous avons fait en juin dernier alors qu’elle n’avait pas encore terminé son rapport. Le Gouvernement s’est également engagé à ouvrir le chantier de la dépendance, dont la réflexion sur les aidants sera bien entendu un volet.
Nous cheminons donc en suivant notre feuille de route, calmement et posément. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Gilles Lurton
Pour l’instant c’est vraiment calme, en effet !
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
On peut toujours s’agiter comme vous le faites aujourd’hui, monsieur Lurton, mais… (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Maxime Minot
Vu l’agitation ambiante, vous êtes mal placée pour parler de calme !
Mme la présidente
S’il vous plaît, mes chers collègues…
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
C’est la première fois que je m’exprime, mes chers collègues : permettez-moi donc de finir ma phrase… En commission des affaires sociales, monsieur Lurton, nous travaillons de manière posée ; nous avons ouvert de grands chantiers qui auront une traduction concrète. Mais vous ne pouvez pas nous demander de régler en dix-sept mois tout ce qui ne l’a pas été au cours des années précédentes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien Di Filippo
Dans quel groupe siégiez-vous sous la législature précédente ?
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
L’argument est un peu léger !
M. Fabien Di Filippo
C’est le vôtre qui l’est !
Mme la présidente
La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié
Je trouve un peu regrettable que l’on renvoie les mesures proposées à un futur texte plus large. La demande ici formulée est très précise : elle consiste à octroyer des exonérations de charges à toute entreprise qui permet à l’un de ses salariés de s’occuper d’une personne en situation de dépendance ou de handicap. Une telle mesure favoriserait l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, et je ne vois pas en quoi elle devrait attendre un cadre beaucoup plus large.
Mme la ministre a engagé une concertation sur le financement de la dépendance, j’entends bien et j’en remercie le Gouvernement, car nous attendons ce chantier depuis longtemps, tout comme les professionnels et les familles. Mais, en l’espèce, nous ne parlons que d’une mesure ponctuelle d’exonération de charges. Elle pourrait donc, me semble-t-il, recueillir un avis favorable ; en tout cas, le groupe Libertés et territoires la votera. (Mme Sylvia Pinel applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Notre groupe votera lui aussi cet amendement. Celui-ci n’empêche nullement de poursuivre le travail engagé, que nous saluons, et n’est en rien contradictoire avec lui. Il s’agit seulement d’agir dès à présent en attendant le futur texte de loi.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat
Notre groupe votera bien entendu cet amendement de bon sens, qui, je le rappelle, répond à une urgence.
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme Brigitte Kuster
Je ferai une remarque sur la forme, madame la présidente. Mme Iborra et Mme Bourguignon viennent de faire la leçon à M. Lurton. S’il existe, sur nos bancs, un homme posé et qui connaît ses dossiers, c’est bien lui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit aussi.) Sauf erreur de ma part, les deux élues qui nous donnent aujourd’hui des leçons appartenaient à la majorité sortante, autrement dit la majorité socialiste, laquelle n’avait rien fait sur le sujet au cours de la législature précédente. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.)
M. Maxime Minot
Il faut le rappeler !
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
C’est nul !
Mme Brigitte Kuster
S’il vous plaît, mes chères collègues, un peu d’humilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit aussi.)
(L’amendement no 484 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement no 419.
M. Jean-Pierre Door
Les micro-entrepreneurs qui passent des contrats avec des plateformes d’insertion sociale – spécialisées dans les solutions d’insertion par l’activité économique – ont généralement des revenus faibles et intermittents, lesquels ne leur permettent pas de bénéficier des prestations de retraite ou d’accident du travail, pour lesquelles ils cotisent néanmoins.
L’amendement tend donc à exonérer ces personnes de cotisations sociales en deçà d’un seuil de revenus fixé par décret. Si nous voulons ouvrir des voies d’insertion, nous devons aussi aider ces personnes.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
La commission a émis un avis défavorable, ou plutôt suggéré le retrait de cet amendement à son auteur initial, Aurélien Taché. Celui-ci l’avait d’ailleurs réécrit à la suite des échanges que nous avions eus en commission. L’avis reste donc le même.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre
Défavorable également.
Mme la présidente
Maintenez-vous votre amendement, monsieur Door ?
M. Jean-Pierre Door
Oui, madame la présidente.
(L’amendement no 419 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 295 et 421.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement no 295.
Mme Isabelle Valentin
Déposé à l’initiative de notre collègue Fabrice Brun, il vise à revenir au dispositif initial de l’article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Cette mesure d’exonération, qui a pour objet de préserver et de développer l’emploi dans des organismes d’intérêt général situés dans des bassins excentrés et ruraux, ne concerne que les organismes dont les effectifs sont inférieurs à 500 salariés.
La remise en cause de cette exonération a des conséquences néfastes pour les structures concernées, dont la situation financière est souvent fragile. Employeurs de proximité, ces organismes sont en effet confrontés à des difficultés de trésorerie, avec des répercussions particulièrement sensibles, en terme d’emplois, dans les organismes médicaux-sociaux, les services à la personne et les associations en charge du handicap.
Mme la présidente
L’amendement no 421 de M. Stéphane Viry est défendu.
(Les amendements identiques nos 295 et 421, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1382.
Mme Agnès Buzyn, ministre
Cet amendement vise à prolonger l’application des dispositions décidées après l’épisode Irma. Vous le savez, l’île de Saint-Martin a été durablement détruite par cet ouragan, et nous l’avons aidée à se reconstruire à travers des allégements et des exonérations de cotisations. Nous voyons aujourd’hui que cette reconstruction prend du temps.
Le Président de la République, que j’accompagnais lors de son déplacement dans l’île en septembre, s’est engagé vis-à-vis des professionnels à proroger ces mesures d’exonération jusqu’à juin 2019, afin de leur laisser un peu plus de temps pour les travaux de reconstruction.
Je souhaite vous préciser les montants en jeu. Pour les cotisations dues au titre de la part patronale du régime général, ils avoisinent 44 millions d’euros. Cette prolongation correspond à une demande des cotisants de Saint-Martin, mais aussi de Saint-Barthélemy.
Quant aux cotisations encaissées postérieurement à Irma, ce sont 14 millions d’euros pour Saint-Martin et 14 millions également pour Saint-Barthélemy qui pourraient aujourd’hui faire l’objet d’une annulation.
Cet amendement vise donc à accompagner durablement une île très durement touchée par l’ouragan.
(L’amendement no 1382, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l’amendement no 341.
M. Guillaume Chiche
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a fait du travail indépendant l’une des voies d’insertion par l’activité économique : elle concerne les personnes qui, faisant face à des difficultés sociales et professionnelles particulières, trouvent dans la création d’une activité indépendante accompagnée une voie d’insertion professionnelle, assortie de modalités spécifiques d’accompagnement.
Les micros-entrepreneurs qui concluent des contrats avec des plateformes d’insertion sociale ont généralement des revenus faibles et intermittents, lesquels ne leur permettent pas de bénéficier des prestations de retraite et d’accident du travail pour lesquels ils cotisent néanmoins. En dessous d’un seuil minimum de revenus, les cotisations ne déclenchent pas de prestations.
Le présent amendement vise donc à exonérer ces personnes de cotisations sociales, jusqu’à un seuil de revenus défini par décret. Les micro-entrepreneurs pourraient continuer à être protégés par la CMU en attendant de percevoir des revenus plus élevés.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Défavorable, même si je reconnais le travail de fond accompli par Aurélien Taché et d’autres députés de la majorité dans le cadre de la loi relative à l’avenir professionnel.
Le dispositif expérimental auquel vous faites référence, mon cher collègue, bénéficie du régime micro-social, déjà avantageux au regard du taux de cotisation, fixé à 20 % au lieu de 30 % en moyenne. Cet avantage paraît suffisant dans le cadre de l’expérimentation.
D’autre part, l’issue de l’expérimentation n’étant pas encore connue, la mesure que vous proposez ne fait l’objet d’aucune étude d’impact : nous ne pouvons donc pas savoir quel serait le montant des pertes de recettes pour les finances publiques.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre
Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente
Maintenez-vous l’amendement, monsieur Chiche ?
M. Guillaume Chiche
Oui, madame la présidente.
(L’amendement no 341 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Mesnier.
M. Thomas Mesnier
Je demande une suspension de séance, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Je suis saisie d’un amendement no 1392 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 1604.
Sur l’amendement no 1392, je suis saisie par les groupes Socialistes et apparentés et France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Janvier, pour soutenir l’amendement no 1392.
Mme Caroline Janvier
Il s’agit de tirer les conséquences du nombre insuffisant de travailleurs handicapés dans les entreprises. La stratégie du Gouvernement, qui à mon sens est tout à fait la bonne, consiste à cesser de prendre en charge les adultes et les handicapés dans les établissements spécialisés – instituts médico-éducatifs, établissements et services d’aide par le travail… –, afin de promouvoir l’inclusion scolaire et professionnelle. Il faut par conséquent, d’une part que l’éducation nationale adapte ses dispositifs – et Jean-Michel Blanquer s’y emploie –, d’autre part, que les entreprises jouent le jeu en respectant la loi qui oblige celles de plus de vingt salariés à avoir au moins 6 % de travailleurs handicapés parmi leurs effectifs.
Le présent amendement vise à ce que nous adoptions une démarche inverse à celle pratiquée depuis de nombreuses années, qui consiste à sanctionner les entreprises dont le nombre de travailleurs handicapés n’atteint pas ce taux de 6 %, les malus auxquels elles sont condamnées étant versés à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées – l’AGEFIPH. L’idée est ici d’inciter et de valoriser les entreprises qui vont au-delà de l’obligation de 6 % – je pense au groupe Casino qui emploie 12 % de travailleurs handicapés.
La mise en avant des entreprises « handi-accueillantes » doit faire prendre conscience aux autres que l’emploi de travailleurs handicapés est un levier de performance. On ne compte plus les externalités positives sur le climat social, sur la manière dont l’entreprise s’adapte pour accueillir ces travailleurs handicapés. Il faut donc changer le regard sur eux et en finir avec l’obligation légale de les accueillir, de même qu’avec la logique de la charité.
L’amendement propose à cette fin un allégement de cotisations patronales pour les salariés handicapés, pour les entreprises qui en emploieraient plus de 6 %. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir le sous-amendement no 1604.
Mme Blandine Brocard
Nous sommes tous convaincus qu’il faut aller vers une société plus inclusive. Puisqu’il s’agit de passer de la parole aux actes, ce sous-amendement vise à ce que les entreprises soient exonérées des cotisations qui s’appliquent à tous les travailleurs handicapés, à la seule condition que leur proportion dépasse le seuil de 6 % des effectifs.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
L’inclusion des personnes en situation de handicap en milieu professionnel est une question très importante. La réglementation en vigueur n’est pas fondée sur l’incitation mais bien sur l’obligation. Or le sujet est si fondamental que l’obligation doit prévaloir sur l’incitation.
Cette obligation porte sur un quota de 6 % minimum. S’il n’est pas atteint, des sanctions financières peuvent être prononcées. On se rend toutefois compte que cette règle est très loin d’être respectée et cela pour plusieurs raisons. Certaines sont inhérentes aux entreprises et d’autres liées aux difficultés pour certaines entreprises – fussent-elles volontaires – de recruter des personnes en situation de handicap.
En tout état de cause, l’amendement inverse la logique : on passerait d’une obligation faite aux entreprises d’embaucher des travailleurs handicapés à une incitation si elles en embauchaient plus de 6 %. La philosophie d’une telle disposition est évidemment intéressante et le travail de Mme Janvier est très important. Reste que plusieurs problèmes se posent.
Il faudrait que les personnes en situation de handicap employées gagnent moins d’1,8 SMIC pour que la mesure proposée soit « intéressante » pour l’entreprise. Il est en effet bien question d’exonérations de cotisations patronales et non de cotisations salariales. Le salarié qui gagne plus d’1,8 SMIC, lui, n’aurait rien à gagner de l’adoption de l’amendement.
M. Boris Vallaud
Que les entreprises embauchent !
M. Olivier Véran, rapporteur général
Oui, mais pour que la disposition s’applique il faudra embaucher à moins de 1,8 SMIC. Or que se passe-t-il pour les entreprises qui salarient des cadres, des techniciens supérieurs ou pour les entreprises qui pratiquent des salaires plus élevés, en tout cas équivalents à plus d’1,8 SMIC ?Ces entreprises-ci pourront faire valoir qu’elles sont défavorisées par rapport aux autres et cette rupture d’égalité peut présenter un risque d’inconstitutionnalité.
Cette disposition peut en outre inciter à ne pas augmenter les salaires des personnes en situation de handicap. Or personne de veut de cette externalité négative et encore moins les auteurs de l’amendement.
Aussi, plutôt qu’une carotte qui pourrait être attribuée aux entreprises, peut-être faudrait-il discuter du moyen de faire respecter les seuils prévus par les textes et sur lesquels personne n’entend revenir – il est même plutôt question de les augmenter dans certaines situations. Un comité interministériel sur le handicap s’est réuni ce matin. J’en ignore les conclusions mais peut-être des propositions ont-elles été formulées. Il ne s’agit donc pas du tout, de notre part, d’une fin de non-recevoir, mais voyez-y au contraire la marque de l’envie de continuer à travailler sur la question.
La majorité, je le soulignais ce matin, agit pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
M. Pierre Cordier
L’opposition aussi s’en préoccupe, il n’y a pas que la majorité !
M. Olivier Véran, rapporteur général
Et pour elle, la question du handicap, j’y insiste, est tout aussi fondamentale. Qu’on ne nous fasse donc pas par avance, sur certains bancs, de faux procès en avançant que la majorité balaie d’un revers de main la proposition qui nous est faite. Au contraire, la question est de savoir comment élaborer les solutions les plus pragmatiques et les plus efficaces pour que, demain, la société soit plus inclusive et que les personnes en situation de handicap trouvent plus facilement un emploi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
M. Boris Vallaud
C’est ça : « demain »…
M. Olivier Véran, rapporteur général
Je demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre
La présente proposition nous touche tous parce que nous souhaitons que les entreprises embauchent davantage de travailleurs handicapés. Il me semble toutefois, en y réfléchissant bien, que l’amendement va quelque peu à l’encontre de la philosophie du Gouvernement qui veut faire de la société inclusive sa signature et veut précisément que la norme – celle selon laquelle un certain nombre de personnes handicapées aient du travail dans les entreprises – soit généralisée. Or le dispositif envisagé va alléger les cotisations, donc redonner de l’argent, d’une certaine manière, à des entreprises qui, en fait, se contenteraient d’appliquer la loi. Cette idée me gêne un peu car elle me paraît aller à l’encontre de la normalisation du handicap dans la société.
C’est pourquoi je souhaite que nous trouvions collectivement un dispositif utile mais qui ne donne pas une prime à ceux qui ne pratiquent pas la politique volontariste souhaitée par le Gouvernement, celle devant aboutir à la création d’une société réellement inclusive donc non discriminante.
Je demande le retrait de l’amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
Maintenez-vous votre amendement, madame Janvier ?
Mme Caroline Janvier
Les interventions du rapporteur général et de la ministre ont mis le doigt sur plusieurs points auxquels je n’avais pas pensé. La disposition que je propose pourrait en effet desservir les salariés handicapés en créant une sorte de trappe à bas salaires. Il est vrai également qu’un risque d’inconstitutionnalité existe. J’accepte par conséquent de le retirer…
…mais à condition que le Gouvernement s’engage sans réserve en faveur d’une mesure très concrète. On peut songer à une incitation financière telle que l’augmentation du malus versé par les entreprises à l’AGEFIPH. En effet, le levier financier m’apparaît efficace vis-à-vis des entreprises.
Mme Valérie Rabault
Nous reprenons l’amendement !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics
Je remercie Mme Janvier de revenir sur l’emploi de personnes handicapées dans les entreprises privées – question qui se pose moins pour les employeurs publics, en particulier pour les employeurs territoriaux qui remplissent mieux leurs obligations en la matière que les entreprises privées, à l’exception des petites communes pour des raisons évidentes. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Je suis sûr, monsieur Lurton, monsieur Bazin, qu’en écoutant mon argumentation, vous pourriez même être convaincus. C’est possible mais à condition bien sûr que vous m’écoutiez sur ce sujet important.
M. Thibault Bazin
Voilà déjà un moment que nous faisons signe à la présidente : nous voulons nous exprimer.
M. Gérald Darmanin, ministre
J’entends bien, mais j’aimerais pouvoir le faire moi aussi, monsieur le député.
Mme la présidente
Je vous propose d’écouter le ministre et je donnerai la parole à un représentant de chaque groupe.
M. Gérald Darmanin, ministre
J’ai commencé mon intervention en remerciant Mme Janvier d’aborder le sujet et je lui sais gré de comprendre les effets éventuels de la mesure qu’elle propose. Avant d’y revenir, je tiens à répondre à son invitation de travailler avec elle et avec les députés qui le souhaitent, quelle que soit leur appartenance, et sous son égide, sur l’embauche des personnes handicapées.
M. Olivier Véran, rapporteur général
Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre
L’amendement, et je m’adresse plus particulièrement à Mme Rabault qui souhaite le reprendre, pose un triple problème, indépendamment de celui, de principe, évoqué par Mme la ministre, sur l’inclusion, sur la normalisation du handicap.
Le premier, qui ne vous semble peut-être pas évident, est d’ordre pratique. On ne distingue pas, au sein d’une entreprise, les rémunérations des personnes handicapées embauchées en vue de respecter l’obligation légale. Il faudrait donc que l’application de la mesure proposée soit différée d’un ou deux ans pour permettre aux entreprises – norme supplémentaire qu’on leur imposerait – de distinguer les personnes handicapées en fonction de leur rémunération puisque l’amendement distingue les allégements de charges patronales, et non salariales, sur les rémunérations allant jusqu’à 1,8 SMIC. Il faudra donc établir des fichiers, calculer les pourcentages d’obligation par rapport à ce fichier, ce qui signifie qu’on ne pourra pas appliquer la mesure à partir du 1er janvier. On demandera donc aux employeurs de distinguer les rémunérations. Or je crois que vous êtes sensibles, au moins de ce côté-ci de l’hémicycle (M. le ministre désigne les bancs de droite), au fait qu’on n’ajoute pas de normes supplémentaires aux entreprises. Bref, si le dispositif est envisageable, il n’est pas applicable dès le début de l’année prochaine.
Ensuite, l’amendement prévoit un allégement de charges patronales pour les personnes handicapées embauchées pour des salaires inférieurs à 1,8 SMIC, quand le nombre de ces personnes excède 6 % de la totalité des effectifs.
Examinons le cas de trois entreprises de cent salariés en faisant trois hypothèses.
L’entreprise A compte 10 % de personnes handicapées, ces personnels sont tous payés moins de 1,8 SMIC. Le dispositif proposé lui permettrait de bénéficier d’une exonération totale de charges patronales pour dix salariés.
L’entreprise B compte, elle aussi, 10 % de personnels handicapés, mais ils sont tous payés plus de deux fois le SMIC. Elle a parfaitement rempli ses obligations au regard des textes sur le handicap, elle va même au-delà, et elle paie bien les salariés en question. Seulement, à la différence de l’entreprise A, elle ne bénéficiera d’aucune exonération de charges patronales.
L’entreprise C a embauché la même proportion de personnels handicapés, mais la moitié d’entre eux sont payés moins de 1,8 SMIC, l’autre moitié est rémunérée au-delà de ce seuil. Aujourd’hui, on n’est pas capable de distinguer sa situation de celle de l’entreprise A.
Si le Conseil constitutionnel ne censurait pas une telle disposition – et ce serait sans doute parce qu’il n’aurait pas été saisi de cet éventuel article additionnel –, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité venant d’une entreprise qui aura embauché plus de 6 % de personnels handicapés et qui les paiera bien, il constaterait une rupture d’égalité manifeste. Des entreprises vertueuses devraient alors verser toutes les cotisations dont vous voulez les exonérer. Avouez que ce n’est pas tout à fait l’esprit de l’amendement présenté par Mme Janvier, ni celui du Gouvernement, pas davantage, à mon avis, que celui des députés qui souhaitent reprendre l’amendement ! Ce sujet mérite un minimum de concertation entre nous, particulièrement sous l’égide de votre commission des affaires sociales.
M. Pierre Dharréville
Quel plaidoyer contre les bas salaires !
M. Gérald Darmanin, ministre
Je me permets de revenir sur la situation actuelle. Mme Janvier a eu raison de dire que la méthode du bâton aujourd’hui en vigueur n’était pas efficace – je parle de l’amende que doivent régler les entreprises au sein desquelles le nombre de salariés handicapés n’atteint pas 6 % de l’effectif. Celle du pot de miel, c’est-à-dire l’exonération de charges, le sera-t-elle plus ? La véritable question n’est-elle pas plutôt celle des qualifications, ou le bâton n’est-il tout simplement pas assez gros ?
Madame Janvier, votre amendement mérite cette discussion, et cet engagement de la part du Gouvernement. Je propose – c’est un engagement que je prends devant vous avec Mme Buzyn – que, dans le cadre du projet de loi de finances, après une discussion avec M. le ministre de l’économie et des finances, chargé des entreprises, et avec la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, nous puissions revenir sur le sujet, peut-être en imaginant une aggravation des amendes. En effet, le plus important reste que les personnes handicapées, quel que soit leur salaire, soient embauchées par les entreprises et que ces dernières atteignent le seuil de 6 % retenu par le législateur.
Cet amendement important n’est donc pas refusé par le Gouvernement pour des raisons budgétaires, mais pour d’autres motifs. Premièrement, le dispositif proposé, qui introduit une norme supplémentaire pour les entreprises, n’est pas facile à mettre en place dès l’année prochaine – c’est le moins que l’on puisse dire. Deuxièmement, il allège les charges patronales et non les charges salariales, alors qu’il nous paraîtrait normal de ne pas particulièrement récompenser ceux qui respectent la loi, c’est une question de principe. Troisièmement, il « punit » ceux qui embauchent des personnes handicapées, et qui les paient bien. Autrement dit, il a des effets pervers puisqu’il crée une trappe à bas salaires. Quatrièmement, le Conseil constitutionnel censurera à coup sûr la disposition, ce qui obligera les plus vertueux à « rembourser ». Cinquièmement, il ne permet pas de poser la véritable question pertinente de la façon dont les personnes handicapées entrent dans l’entreprise, question qui doit nous amener à renforcer le dispositif de sanctions à l’encontre des entreprises qui ne respectent pas leur contrat en termes de solidarité nationale.
Madame Janvier, je vous remercie d’avoir posé une question qui permet d’obtenir un engagement très fort du Gouvernement. Il se traduira en particulier dans le cadre du PLF en cours d’examen, et non dans deux ou trois ans. Merci aussi d’avoir compris qu’il fallait retirer votre amendement, parce que, manifestement, il est préférable que le Parlement et le Gouvernement travaillent sur la question plutôt que de voter aujourd’hui une disposition qui ne servirait pas la cause que vous souhaitez défendre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la présidente
J’ai bien compris que l’amendement retiré était repris par les groupes Socialistes et apparentés, et Libertés et Territoires.
M. Francis Vercamer
Le groupe UDI, Agir et indépendants le reprend aussi !
Mme la présidente
Je le note.
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Nous pouvons nous accorder avec Mme Janvier sur l’idée que l’on peut viser le tout inclusif. Cependant, il s’agit bien d’un « idéal » qui n’est pas adapté à certaines personnes vivant un handicap. Pour certaines d’entre elles, les milieux protégés, les ESAT, restent les plus adaptés. Je vous parle de retours d’expériences de terrain qui nous viennent en particulier des familles et des professionnels.
Cet amendement nous paraît moins opportun que l’amendement no 1393 qui concerne les seuls personnels handicapés recrutés au-delà du seuil de 6 %. Il nous semble que cela fait parfaitement écho à l’argument de Mme la ministre.
Bien entendu, monsieur le ministre, le dispositif proposé doit être adapté et rendu opérationnel, comme vous le proposez. Nous préférons en tout cas un dispositif incitatif plutôt que punitif. Cela permettrait d’encourager les entreprises qui vont bien au-delà de l’obligation légale.
Par ailleurs, il pourrait être utile d’étudier une approche en termes de coût global, peut-être en créant une « mission flash » ? On voit bien le cadeau fait aux entreprises grâce à une exonération, mais on ne calcule pas l’économie concomitante de deniers publics, car les charges liées à l’accompagnement des personnes concernées baissent – en plus du fait que ces dernières se trouvent mieux en milieu professionnel. Nous préférons donc l’amendement no 1393 à l’amendement no 1392.
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud
Nous reprenons l’amendement no 1392 avec toutes ses imperfections, telles qu’elles ont été présentées, même si certaines appréciations nous paraissent discutables. Il a été déposé dans les délais qui nous étaient impartis, et le Gouvernement aurait eu le temps d’y travailler et de le sous-amender afin de corriger ses effets pervers qui ont été dénoncés.
Je note qu’il y a une bonne volonté. Nous pourrions réserver le vote sur cet amendement jusqu’à la fin de l’examen du PLFSS, ce qui donnerait au Gouvernement la possibilité d’améliorer le dispositif avec l’aide de l’administration, et de montrer la réalité de son engagement. Nous pouvons aussi voter l’amendement, car nous ne sommes qu’en première lecture, ce qui laisse du temps pour améliorer le dispositif, que ce soit au Sénat ou lorsque le texte nous reviendra.
J’ai entendu Mme Brocard dire qu’il fallait passer des mots aux actes. Nous vous invitons à le faire dès aujourd’hui nous donnant la possibilité de nous prononcer sur cet important sujet.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Ce que propose M. Boris Vallaud va dans le bon sens. Je pense que l’on ne peut pas balayer d’un revers de la main un tel amendement.
M. Christophe Blanchet
Ce n’est pas ce qui se passe !
M. Philippe Vigier
Permettez-moi tout de même de noter une concordance de dates : il y a eu, ce matin, l’annonce à la presse d’un plan sur le handicap, alors même que nous examinons le PLFSS. Que je sache, l’amendement que nous examinons a été déposé avant cette séance : vous auriez eu le temps d’y réfléchir !
Par rapport à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, pour moi, ce qui est important – et je connais quelques entreprises qui accueillent des handicapés –, c’est le principe d’adhésion. Il faut les encourager, les soutenir. Ce n’est pas facile ! Des patrons ont choisi d’avoir des personnels handicapés avec moins de productivité, avec beaucoup d’accompagnement social… (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Gérald Darmanin, ministre
Moins de productivité !
Mme Dominique David et M. Pacôme Rupin
Pourquoi, moins de productivité ?
M. Philippe Vigier
Comme les pénalités ne sont pas appliquées ou qu’elles le sont mal, on va beaucoup plus loin avec l’exonération proposée qu’avec ce qui a été pratiqué jusqu’à maintenant, vous ne pouvez pas le nier. Si vous en doutez, je serais très heureux que vous puissiez venir voir sur place ce qui se passe dans ces entreprises. Peut-être changerez-vous d’avis !
Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que l’on verra plus tard. Vous devez prendre l’engagement formel ce que ce travail se fera au cours de la navette, comme l’a proposé M. Vallaud. On ne peut pas en rester au statu quo.
Je constate aussi, monsieur le ministre, que vous avez utilisé l’argument de la censure du Conseil constitutionnel. Je suis étonné que l’on mette systématiquement en avant les hypothétiques décisions du Conseil constitutionnel avant même qu’il se prononce. On nous oppose cela régulièrement lors de l’examen des lois de finances, mais moi, je suis respectueux : le Conseil dira ce qu’il a à dire en temps voulu. Oui, le bénéfice des exonérations ne vaudra pas pour les salariés payés plus de 1,8 SMIC mais, en pratique, on sait que les salaires versés à ces salariés sont souvent inférieurs à ce seuil : on est vraiment dans le réel.
Quant à savoir qui relève du handicap, monsieur le ministre, je crois que les personnes concernées disposent d’une carte COTOREP et peuvent déclarer faire partie du public qui permet à l’entreprise qui les embauche de bénéficier d’exonérations. Ne disons pas le contraire, car, en pratique, cela se passe comme ça !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Monsieur Vigier, ce que vous avez dit me scandalise ! Vous avez dit que les entreprises qui embauchent les personnes handicapées étaient moins productives, qu’il y avait moins de productivité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Thibault Bazin
Vous caricaturez ce qui a été dit !
M. Gérald Darmanin, ministre
La discrimination positive ou la discrimination tout court, c’est totalement contraire à nos principes et à notre Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Philippe Vigier
Ne déformez pas mes propos !
M. Gérald Darmanin, ministre
Je vous ai écouté avec attention, nous lirons le compte rendu. Tout le monde vous a entendu. S’il s’agit d’un abus de langage de votre part, vous vous en expliquerez, chacun peut faire des erreurs.
C’est justement parce que nous n’avons pas cette conception que nous ne voulons pas d’une incitation. C’est justement parce que nous considérons que c’est la normalité d’être handicapé, comme de ne pas l’être, que nous ne voulons pas d’allégements sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
C’est vous, monsieur Vigier, qui avez fait de la politique tout à l’heure, mais c’est normal, vous êtes aussi là pour en faire, en faisant le lien entre les annonces du Gouvernement le matin, et celles de l’après-midi qui se contrediraient, mais il n’en est rien. Au rayon des contradictions, on peut d’ailleurs citer M. Vallaud qui a un petit problème de cohérence puisqu’il combat les exonérations de charges lorsqu’elles concernent à peu près tout le monde, mais qu’il les défend lorsqu’elles s’appliquent aux handicapés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Boris Vallaud
Mais ça n’a rien à voir !
M. Gérald Darmanin, ministre
Trop de politique tue la politique !
Monsieur Vigier, on ne prend pas la carte handicapé des personnels pour connaître le pourcentage fixé par la MDPH et fixer un salaire – au passage, les choses ont un peu changé, il n’y a plus de COTOREP. Parce que nous considérons que les entreprises qui emploient des salariés handicapés, n’ont pas moins de productivité, nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’alléger leurs charges. Nous pensons exactement le contraire de ce que vous avez dit : nous pensons qu’une personne handicapée a la même productivité, et qu’il est très important de la considérer de la même manière. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Pacôme Rupin
Bravo !
M. Philippe Vigier
Mensonges !
Mme la présidente
La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain Bruneel
L’idée de fond, c’est que chaque personne compte pour une. Il n’y a pas de question de handicap : chaque personne compte pour une.
Cela dit, permettez-moi de m’interroger sur la cohérence du Gouvernement sur ce sujet. Lorsque nous avons examiné le projet de loi ELAN, nous sommes passés de 100 % à 20 % de logements accessibles ! Lorsque nos collègues ont présenté une proposition de loi relative à l’inclusion des élèves en situation de handicap, elle a été mise de côté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier
C’est vrai !
M. Alain Bruneel
Quand on parle du handicap, il faut être cohérent. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Gilles Le Gendre
Nous sommes cohérents !
M. Pacôme Rupin
Nous sommes cohérents et nous avons des valeurs !
M. Alain Bruneel
Laissez-moi parler, vous me direz ensuite si vous n’êtes pas d’accord ! Moi, dans cet hémicycle, je n’interromps jamais personne !
Si on considère que chaque handicapé compte pour un, comme toute personne, il faut lui donner des droits : le droit à l’école, le droit au travail, le droit de vivre normalement, le droit au logement... (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) C’est incroyable : dès qu’ils ne sont pas d’accord, ils aboient !
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour un rappel au règlement.
M. Joël Aviragnet
Sur le fondement de l’article 58, alinéa 1er, du règlement.
Monsieur le ministre, vous donnez le sentiment de déformer les propos des députés ; ce n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) C’est en tout cas ce que j’ai entendu moi aussi dans vos propos. Soyez prudent ! C’est extrêmement désagréable. Je préférais l’intervention de Mme la ministre des solidarités et de la santé, qui était nettement plus nuancée.
Après l’article 8 (amendements appelés par priorité - suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
Je remercie Mme Caroline Janvier dont l’amendement nous donne l’occasion de réfléchir toujours plus à l’inclusion des personnes en situation de handicap.
J’entends dire : « La carotte ou le bâton. Comme on a essayé en vain le bâton, essayons la carotte. » Je rappelle que les chefs d’entreprise ne sont pas des chasseurs de primes. Ils recrutent une personne non pas pour obtenir des avantages fiscaux – y compris en l’espèce si la personne est en situation de handicap – mais parce qu’elle correspond à un travail qui doit être fait. Pour la société inclusive que nous voulons, nous sommes derrière la secrétaire d’État Sophie Cluzel pour que chacun puisse avoir un égal accès à l’emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.) Pourquoi est-ce aussi difficile d’inclure les personnes en situation de handicap ? Je ne parle pas des très grandes entreprises, qui d’ailleurs seraient très gagnantes si l’amendement était voté,…
M. Philippe Vigier
C’est vrai.
M. Sylvain Maillard
…ce qui pose un vrai problème. Alors que, pour une PME ou une TPE, il est déjà compliqué de trouver la compétence recherchée, et encore plus s’il s’agit d’une personne en situation de handicap.
Mais le plus important pour que l’inclusion fonctionne, c’est l’accompagnement. J’ai une petite expérience en ce domaine et je peux vous dire à quel point la difficulté de parvenir à un accompagnement satisfaisant est un problème sur lequel il faut travailler. Nous avons eu beaucoup de discussions là-dessus avec Sophie Cluzel, et elle en est pleinement consciente. Si des crédits sont disponibles, il faut d’abord aider l’entreprise à inclure ces personnes en l’accompagnant.
Il ne s’agit pas de savoir si la personne en situation de handicap serait plus ou moins productive que les autres : une fois dans l’emploi, elle va se battre deux fois plus pour son entreprise, elle sera deux fois plus fidèle et beaucoup plus investie dans son travail.
Mme la présidente
Veuillez conclure.
M. Sylvain Maillard
Par conséquent, je ne suis ni pour le miel, pour reprendre la métaphore de M. le ministre, ni pour le bâton…
Mme la présidente
Merci, monsieur Maillard.
M. Sylvain Maillard
…parce qu’utiliser celui-ci voudrait dire que si le chef d’entreprise n’emploie pas une personne en situation de handicap, c’est forcément parce qu’il ne veut pas faire d’effort, alors que les choses peuvent être plus compliquées. Il faut absolument être dans l’accompagnement car c’est ce qui fera la réussite de l’inclusion.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Door
Sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, madame la présidente. Alors que nous avons passé des heures sur les exonérations dans le monde agricole, notre groupe vous demande, sur ce sujet majeur qu’est le handicap, de lui accorder, après M. Bazin, une deuxième prise de parole au profit de M. Lurton, et vous la lui refusez. Que le débat demeure serein car c’est un sujet majeur : je ne doute pas que vous lui donnerez la parole comme il l’a demandé.
M. Alain Bruneel
Il a raison !
Un député du groupe LaREM
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme la présidente
Monsieur Door, je vous remercie de me rappeler le règlement, mais vous savez que va suivre un amendement similaire qui permettra de prendre encore la parole sur le même sujet. Si tous les groupes demandent à prendre la parole deux fois sur chaque amendement, vous savez très bien que le débat n’avancera pas (Exclamations sur les bancs du groupe SOC), d’autant plus que l’avis sera le même en l’occurrence.
M. Boris Vallaud
Ce n’est pas sûr !
Mme la présidente
Essayons déjà de donner la parole à un représentant de chaque groupe – vous savez que nous en avons désormais un de plus.
Après l’article 8 (amendements appelés par priorité - suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer
Le sujet est extrêmement important : la place du handicap dans notre société, notamment dans l’entreprise – mais la question se pose aussi pour l’école. Doit-on contraindre ou inciter ? Voilà la vraie question. Au groupe UDI-Agir, nous sommes plutôt pour l’incitation car nous estimons qu’il faut rendre les Français responsables, et donc arrêter de manier le bâton et de les sanctionner plutôt que de chercher à les faire adhérer à des politiques.
Cela étant, je ferai remarquer à M. le ministre de l’action et des comptes publics et à Mme la ministre des solidarités et de la santé que le moment où nous parlons n’est pas anodin puisque, ce matin, le Premier ministre a fait des annonces lors de la réunion du comité interministériel du handicap – omettant certes l’amendement de Mme Janvier alors qu’il est en circulation depuis la semaine dernière, mais tout le monde peut faire des erreurs. Il serait de bon ton, comme l’a demandé M. Vallaud, de reporter le vote en fin de débat, ce qui permettrait d’inclure la proposition de Mme Janvier dans le plan gouvernemental plutôt que de la rejeter d’emblée. Madame la ministre, monsieur le ministre, comment serait comprise dans la presse et dans l’opinion votre position contre ces amendements sur le handicap ? « Le Gouvernement et la majorité font des annonces et refusent derrière toute modification des dispositifs existants. » (M. Philippe Vigier applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Acceptez l’amendement, quitte à le modifier dans le cadre dans la navette. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
Mme Valérie Rabault
Voilà une proposition raisonnable !
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Mignola.
M. Patrick Mignola
Le groupe MODEM partage évidemment ce combat avec Mme janvier et Mme Brocard, comme nous tous, je crois. L’inclusion est un enjeu de société et, comme un grand nombre de collègues l’ont rappelé, c’est aussi un enjeu économique pour les entreprises. En effet, dans une entreprise qui manifeste une volonté d’inclure les travailleurs handicapés, l’ambiance n’est pas la même, les rapports entre salariés sont améliorés, de même que leur productivité et leurs compétences. Dans le droit de fil de ce que nous avons dit lors de l’examen du projet de loi PACTE il y a quelques semaines, je considère que les entreprises qui assument leur dimension sociétale n’en sont que bien meilleures.
Je me permettrai néanmoins de prolonger les propos du ministre à propos du risque de rupture d’égalité. Je rappelle que c’est une collègue de mon groupe, Mme Elimas, qui a proposé, il y a quelques mois seulement, de faire du taux de 6 % un taux plancher afin que les entreprises soient incitées à aller au-delà de leur stricte obligation d’emploi de travailleurs handicapés. Ce combat doit être un combat partagé et de long terme.
Il ne faudrait pas qu’une incitation financière ne bénéficie qu’aux entreprises les mieux armées en termes de ressources humaines, celles qui ont plus de facilités à s’organiser pour favoriser l’inclusion. Je crois donc qu’il faut se donner un peu de temps ; si la représentation nationale doit un jour décider d’un bonus en termes de charges pour les entreprises exemplaires, je dis, d’après mon expérience professionnelle et aussi familiale, qu’elle devra veiller à ce que les plus grandes ne soient pas les seules à en bénéficier, mais aussi les PME et les TPE.
Une autre rupture d’égalité à éviter est que ce bonus ne bénéficie qu’à certains secteurs d’activité, ceux dans lesquels il est plus facile d’inclure des personnes handicapées – les autres subissant le fait que l’on n’a pas fait suffisamment l’effort, au cours des décennies écoulées, de favoriser la formation professionnelle des personnes handicapées. Je rappelle que, là aussi, c’est seulement il y a quelques mois que nous avons voté des mesures, grâce à la ministre du travail Muriel Pénicaud, pour qu’obligation soit faite aux centres de formation de prévoir des dispositifs spécialement dédiés aux personnes handicapées.
Il ne s’agit pas de repousser l’amendement pour le plaisir. Mais je crois que notre collègue Janvier, en le retirant, a fait preuve de sagesse : son objectif et notre combat sont communs, mais c’est dans la durée et dans l’effort collectif que les résultats seront obtenus. L’enjeu est trop important et, pour faire plaisir à notre collègue Bruneel, je citerai Aragon :
« Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe MODEM.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat
Je voudrais savoir combien de personnes handicapées gagnent plus de 1,8 SMIC. Fort peu semble-t-il, c’est bien le problème, mais je n’ai pas de réponse. Cela étant, je pense que cet amendement soulève une question vraiment très importante. Pourquoi, en effet, ne pas reporter le vote sur l’amendement à la fin de l’examen du PLFSS afin de pouvoir bien l’étudier ? Si c’est ce seuil de 1,8 SMIC qui fait difficulté, pourquoi même ne pas le supprimer ?
Un vrai travail, transpartisan pour le coup, pourrait être mené. Il serait vraiment dommage de s’en passer.
Par ailleurs, monsieur Maillard, qu’elle soit positive ou négative, la discrimination reste la discrimination. Donc, faisons attention.
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
Je remercie Caroline Janvier pour avoir introduit ce débat dans l’hémicycle, mais je crois aussi qu’il faut le dépassionner. Je ne voudrais pas qu’une nouvelle fois, on fasse de ce sujet éminemment sensible une question politicienne.
M. Philippe Vigier
Très bien !
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
Chacun est d’accord ici sur les finalités à donner à ce genre de dispositif.
M. Guy Teissier
Il n’y a pas de problème !
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
Aussi, je propose, puisque certains collègues m’y incitent, qu’une mission travaille sur cette proposition, en étudie l’impact et examine toutes les questions qui ont été posées. Mais un tel travail mérite mieux qu’être réalisé nuitamment au coin d’une table. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.) Au contraire, nous devons y réfléchir dans des conditions correctes.
J’ajouterai, au cas où on me rétorquerait que cela nous fera perdre du temps, que nous avons la possibilité de mener à bien ce travail dans le cadre d’une mission « flash », plus rapide, et de manière transpartisane. (Mêmes mouvements.)
M. Bruno Millienne
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Janvier.
Mme Caroline Janvier
Je tiens à remercier tous les groupes d’avoir permis que le débat ait lieu et que cette question soit abordée de façon transpartisane. J’ai trouvé les réponses des ministres intéressantes : ils ont pointé le risque que l’amendement ait un effet inverse à l’objectif recherché, qui est de favoriser l’inclusion professionnelle. Mais il serait intéressant qu’on arrive à construire une proposition, que ce soit dans le cadre d’une mission flash, d’une proposition de loi ou d’un autre amendement en deuxième lecture. Je serai en tout cas tout à fait prête à travailler avec les autres groupes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Blandine Brocard.
Mme Blandine Brocard
Je vais bien sûr dans le même sens que Caroline Janvier. Je tiens vraiment à remercier Mme la ministre et M. le ministre pour avoir pris le débat au fond. Chacun de nous a pu s’exprimer. Nous sommes évidemment tous très favorables à une société inclusive et à ne pas nous contenter de quelques mesurettes. Je crois qu’on a aucun souci à se faire à ce sujet. En proposant à l’instant la création d’une mission flash, Mme la présidente Bourguignon nous invite à travailler ensemble, avec le Gouvernement, dans une même direction afin de parvenir à une véritable inclusion des personnes en situation de handicap. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Monsieur le ministre, on peut toujours dire les choses de façon un peu plus apaisée. Perdez cette singulière habitude de prendre une tonalité qui n’est pas à la hauteur des enjeux, surtout sur un tel sujet. Je vous le dis avec gravité parce que c’est une cause que je connais un peu. Un jour, je vous accueillerai dans les entreprises concernées – il y en a certainement chez vous – car vous ne connaissez pas tout et on apprend à tout âge. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Mon regard a changé lorsque des hommes et des femmes m’ont expliqué leur quotidien.
Vous avez dit qu’il y a le miel et le bâton. Pour ma part, je suis plutôt pour le miel – l’encouragement et le soutien – que pour le bâton. J’ai parlé de productivité parce que vous savez très bien ce qu’il en est pour certaines tâches manuelles. Beaucoup d’ESAT ont échoué parce qu’on leur demandait des gains de productivité toujours plus importants et fous. Je vois que vous froncez les sourcils, mais je vous dis la réalité clairement. Et c’est pourquoi l’accompagnement social effectué dans ces entreprises est si important : il est évidemment impossible de leur faire respecter tout à fait les mêmes règles de productivité que les autres.
Ayez l’œil attentif. Si notre collègue Janvier a déposé cet amendement, c’est parce qu’elle connaît, elle aussi, fort bien la question. Comme l’ont très bien dit la ministre et la présidente de la commission, nous sommes tous en faveur d’une politique audacieuse et ambitieuse ; cela mieux que des joutes oratoires. Cessez de considérer que tout argument que nous avançons est nécessairement fallacieux. Cessez de parler pour Conseil constitutionnel : il lui appartient de rendre sa décision. Enfin, cessez de ne voir le problème que sous l’angle de la trappe à bas salaires : je peux vous citer plusieurs entreprises où des handicapés font un boulot formidable, se sont intégrés et ont progressé, et c’est merveilleux : mais ils sont souvent assez mal payés. Nous devons y voir un encouragement à les soutenir plus encore. Je dis : oui à l’inclusion – et j’étais de ceux qui ont applaudi ce qu’a fait Jean-Michel Blanquer –, mais l’inclusion passe aussi par de telles mesures. Il ne s’agit pas uniquement d’aller chercher un peu d’argent mais aussi de sensibiliser l’entreprise et tout son personnel.
Mme la présidente
Veuillez conclure.
M. Philippe Vigier
Je termine, madame la présidente : une des missions essentielles d’un grand pays comme le nôtre est de faire que les handicapés soient des hommes et des femmes comme les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie Rabault
Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, déformer les paroles de mon collègue Boris Vallaud.
S’agissant des baisses de cotisations, vous vous apprêtez à faire en sorte que le budget de l’État ne compense plus celui de la sécurité sociale. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point ; c’est ce que nous avons dit, et pas autre chose.
Nous avons également dit que vous aviez, cette année, manqué une opportunité en opérant la bascule du CICE vers une baisse de cotisations : vous vous privez ainsi, au titre de la comptabilité maastrichtienne, de 20 milliards d’euros de marge de manœuvre.
C’est ce que nous avons dit : ne nous faites donc pas dire autre chose.
Quant à l’égalité et à l’inclusion, nous y sommes, en ce qui nous concerne, absolument favorables. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons saisi le Conseil constitutionnel sur le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit ELAN, par lequel vous baissez de 100 % à 20 % le nombre de logements accessibles à toutes et à tous.
M. Pierre Cordier
C’est vrai.
M. Philippe Vigier
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton
Je regrette que l’amendement no 1393 ait été retiré, parce qu’il me paraissait bien plus efficace que le premier, que je n’aurais pas voté.
Madame Janvier, en défendant votre amendement, vous avez affirmé partager la volonté du Gouvernement de diminuer les moyens des ESAT et des IME – je crois même avoir entendu le mot « supprimer » au profit de l’inclusion dans les entreprises.
Comme je l’ai dit plusieurs fois dans cet hémicycle, je partage entièrement cette volonté d’inclusion. Mais de grâce, ne diminuez pas les moyens des ESAT et des IME, dont nous aurons toujours besoin pour accueillir les personnes handicapées qui ne peuvent, ni ne souhaitent travailler en milieu ordinaire (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR) – et pour qui une telle inclusion serait même extrêmement néfaste.
Je peux vous l’assurer, étant moi-même administrateur d’ESAT : si, pour certains salariés, une inclusion en milieu professionnel ordinaire est tout à fait envisageable, d’autres verraient leur vie mise en péril en quittant le milieu un peu protégé dans lequel ils travaillent.
Je regrette donc que dans la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, on ait pris la décision de défalquer de leur taux d’emploi de personnes handicapées les marchés que les entreprises confiaient aux ESAT, parce que la vie de ces derniers en dépend. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC.)
Mme la présidente
Les trois groupes politiques qui ont repris l’amendement no 1392 reprennent-ils également le sous-amendement no 1604 ? (Assentiment.) Je vais donc le mettre aux voix.
(Le sous-amendement no 1604 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1392.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l’adoption 27
Contre 70
(L’amendement no 1392 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 1241.
M. Francis Vercamer
Notre groupe a voté en faveur de l’article 8 du projet de loi qui vise à transformer le CICE en baisse de charges pour les employeurs. Mais comme je l’ai dit ce matin, le diable se cache dans les détails.
Cet amendement aborde le cas des entreprises individuelles soumises à l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire des petits commerçants de quartier, ceux qui ont du mal à survivre face aux grandes surfaces. La transformation du CICE en baisse de charges aura bien évidemment pour conséquence de faire augmenter leur résultat, et on pourrait donc se dire que ces entreprises individuelles vont disposer d’un revenu supplémentaire. Mais dans la mesure où le calcul des charges sociales dépend également du revenu, l’effet des dispositions de l’article 8 risque d’être neutralisé, les entreprises perdant en impôt sur le revenu et en charges sociales supplémentaires ce qu’elles vont gagner du fait de la baisse de charges.
Par conséquent, tous ces petits commerçants, qui ont déjà du mal à vivre, à joindre les deux bouts et à lutter contre les grandes surfaces, verront également leur revenu amputé.
(L’amendement no 1241, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Après l’article 7 (suite)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l’amendement no 1362.
Mme Caroline Fiat
Alors que huit embauches sur dix font déjà l’objet d’un contrat court et précaire, le recours à l’intérim s’est considérablement développé.
S’il peut être un choix, l’intérim est souvent une contrainte pour les travailleurs, lorsqu’ils sont poussés à accepter le peu qui leur est proposé. Pour les entreprises, cependant, le recours à l’intérim est un formidable outil qui permet de moduler la taille des effectifs en minimisant les coûts, mais aussi les risques.
L’intérim est sans doute l’une des formes les plus abouties du modèle de flexibilisation des travailleurs. La sécurité qui leur est ainsi apportée est, quant à elle, toute relative.
Par cet amendement, nous souhaitons d’abord décourager l’embauche en intérim, afin de rendre au contrat à durée indéterminé sa valeur de contrat de droit commun et de permettre ainsi au plus grand nombre d’accéder à un emploi stable et pérenne.
Nous souhaitons également moduler le montant des cotisations patronales à la branche AT-MP en fonction du taux de recours à l’intérim. En effet, les salariés intérimaires sont deux fois plus exposés aux accidents du travail que les salariés en CDI.
C’est donc aussi pour renforcer la sécurité sanitaire des intérimaires et éviter que leur embauche ne constitue une aubaine sur le plan de la gestion des risques que nous demandons la prise en compte du taux d’intérim dans le calcul des cotisations AT-MP.
(L’amendement no 1362, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 1368.
M. Jean-Hugues Ratenon
Dans un rapport non diffusé daté du mois de mai 2016, l’Inspection générale des Affaires sociales, l’IGAS, rappelait que le passage aux 35 heures avait permis de créer 350 000 emplois sans nuire à la croissance du pays : les emplois ainsi créés étaient donc bien le fruit d’une décision politique, et pas seulement liés à un contexte économique.
Si le partage du temps de travail doit donc être un levier permettant l’accès du plus grand nombre à l’emploi, il répond également à la