XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019
Séance du mardi 12 février 2019
- Présidence de M. Sylvain Waserman
- 1. Pour une école de la confiance
- Discussion des articles (suite)
- Après l’article 1er(suite)
- Amendements nos 387 et 465
- Mme Anne-Christine Lang, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
- M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
- Amendements nos 574, 169, 18, 76, 127, 437, 530, 17, 67, 138, 491, 698, 129, 966, 504, 19, 65, 745, 20, 75, 130, 681, 195 et 307
- Rappel au règlement
- Après l’article premier (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Rappels au règlement
- Après l’article 1er(suite)
- Après l’article 1er(suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
2e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour une école de la confiance (nos 1481, 1629).
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 387, portant article additionnel après l’article 1er.
Je suis saisi de deux amendements, nos 387 et 465, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Barbara Bessot Ballot, pour soutenir l’amendement no 387. La sensibilisation aux enjeux environnementaux et écologiques est un axe essentiel pour mener une transition écologique juste, efficace et comprise par tous et sur tous les territoires. Il semble donc indispensable que tous les citoyens, dès leur plus jeune âge, se sentent acteurs de cette transition, par la sensibilisation et l’enseignement, mais également par la pratique – par exemple, par la mise en place d’un module d’enseignement sur la nutrition, avec une application pratique à la cantine. Dans ce contexte, l’amendement no 387 vise à responsabiliser tous les acteurs du système éducatif – enseignants, élèves, étudiants – à ces enjeux essentiels pour l’avenir de notre société. En d’autres termes, il s’agit ici de favoriser l’enseignement par le « faire ». La parole est à Mme Jennifer De Temmerman, pour soutenir l’amendement no 465. Je suis un peu étonnée que mon amendement no 465 soit en discussion commune avec celui que vient de présenter Mme Bessot Ballot – et que, du reste, je soutiens –, car le mien a une portée plus restreinte, qui en fait presque un lot de consolation : étant donné que l’éducation au développement durable est déjà mentionnée, même si ce n’est que dans trois phrases, dans le code de l’éducation, et que nous abaissons l’âge de la scolarisation obligatoire, l’amendement rédactionnel no 465 vise à ce que cette éducation soit dispensée dès le plus jeune âge, c’est-à-dire à partir de la maternelle. La parole est à Mme Anne-Christine Lang, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour donner l’avis de la commission. Je suis défavorable à l’amendement no 387 pour les raisons que j’ai précédemment exposées. Quant à l’amendement no 465, j’y suis défavorable parce que, l’école maternelle faisant partie de l’école primaire, il se trouve satisfait. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis. (Les amendements nos 387 et 465, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 574. Le service public de l’éducation doit garantir à tous un accès égal à une instruction gratuite et laïque. Ces dispositions fondamentales de notre école républicaine font l’objet d’une protection constitutionnelle, puisque le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. ».
Cette protection doit aujourd’hui s’étendre à la neutralité commerciale du service public de l’éducation et à la garantie de son indépendance vis-à-vis de toute entreprise économique. En effet, le service public de l’éducation est loin d’échapper à toute immixtion des intérêts lucratifs. En 2015, le ministère de l’éducation nationale a conclu un accord de partenariat avec l’entreprise Microsoft, par lequel il lui confiait notamment des missions d’accompagnement et de formation des acteurs du Plan numérique à l’école, lancé par François Hollande : autrement dit, l’État offrait au géant du numérique l’opportunité de former les enseignants et de promouvoir ses produits.
L’éducation des jeunes exige une neutralité de l’école par rapport aux intérêts économiques. Le code de l’éducation dispose en son article L. 141-6 que « le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique (…) ». Il nous semble impératif de renforcer ces dispositions et de les étendre à l’enseignement scolaire, ainsi qu’aux services du ministère de l’éducation nationale, afin d’interdire tout démarchage au sein des établissements scolaires et des services de restauration. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement est satisfait, puisque la neutralité commerciale de l’école est déjà garantie par le principe de neutralité du service public, qui exclut de fait tout démarchage dans son enceinte. S’il existe certaines formes de partenariat avec des entreprises privées ou publiques, les interventions de celles-ci au sein des établissements scolaires font l’objet depuis 2001 d’un code de bonne conduite. Je suis donc défavorable à cet amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Sabine Rubin. Monsieur le ministre, je veux tout d’abord appeler votre attention sur des incidents dont j’ai récemment été informée. Dans deux des lycées de ma circonscription, que j’évoquais en défendant la motion de rejet préalable déposée par mon groupe, des enseignants qui souhaitaient organiser sur leur lieu de travail, avec des parents d’élèves, un débat portant sur la réforme, ont été évacués par la force et avec brutalité, à la demande des proviseurs. À l’heure du Grand débat, quelle raison peut donc justifier que l’on interdise à des enseignants de débattre eux aussi de ce point sur leur lieu de travail ?
Pour ce qui est de l’amendement no 574, s’il existe effectivement un code de bonne conduite des entreprises souhaitant intervenir au sein des établissements scolaires, la disposition proposée a pour objet de renforcer les garanties existantes, ce qui ne semble pas superflu. Qu’il s’agisse d’une marque de la filière laitière ou de Microsoft, lorsqu’une entreprise conclut un partenariat avec un établissement scolaire, vous imaginez bien que ce n’est pas par philanthropie, mais pour faire la promotion de ses produits auprès enseignants comme auprès des enfants, lesquels sont forcément influencés par les marques commerciales qui pénètrent dans l’école. Au-delà des principes d’égalité et de confiance, dont on a beaucoup parlé à propos de l’école, n’oublions pas celui de neutralité. La parole est à Mme Muriel Ressiguier. Dès lors que l’on est favorable au principe de neutralité, il n’y a pas lieu d’être frileux à l’idée de le renforcer, car il y va du cerveau de jeunes enfants : comme l’a dit Mme Rubin, ce n’est pas par philanthropie ni par charité que les grandes marques interviennent au sein des établissements scolaires. L’opérateur Orange se vante parfois que 40 % des enfants de 7 ans connaissent sa marque et son logo. Face à ce vrai sujet de préoccupation, il faut des garanties encore plus fortes. (L’amendement no 574 n’est pas adopté.) Je suis saisi de quatre amendements, nos 169, 18, 76 et 127, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n os 18, 76 et 127 sont identiques.
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l’amendement n o 169. Il est nécessaire de sensibiliser les jeunes d’aujourd’hui à l’entrepreneuriat, car ils pourront être les entrepreneurs de demain. Cette démarche doit être inculquée dès le plus jeune âge, afin que les jeunes ne soient pas intimidés ou réticents, par faute de connaissance ou d’initiative, à créer ou pérenniser une activité économique. Cet enseignement serait bénéfique aux étudiants, afin de leur donner des bases dans un domaine aujourd’hui de plus en plus prégnant. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 18. ’une des missions de l’école consiste à aider les jeunes à construire un projet professionnel. Selon un récent sondage, 83 % des Français seraient favorables à l’enseignement de l’entrepreneuriat dès le collège – 26 % y sont tout à fait favorables, et 57 % plutôt favorables. Cet amendement de mon collègue Patrick Hetzel vise donc à affirmer que l’enseignement doit sensibiliser, dès le plus jeune âge, à l’esprit d’entreprise. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 76. L’amendement no 76 vise à s’assurer que les jeunes seront sensibilisés dès leur plus jeune âge à l’esprit d’entreprise. L’initiation des jeunes contribue en effet à développer leur créativité, leur esprit d’initiative, leur confiance en eux dans ce qu’ils entreprennent, et les incite à se comporter d’une manière socialement responsable. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 127. Les Français étant, par comparaison notamment avec ce qu’on observe dans d’autres pays, insuffisamment informés des phénomènes économiques, l’amendement no 127 a pour objet d’améliorer la connaissance qu’ont les jeunes de l’entreprise et de l’économie et de leur assurer une initiation à l’entrepreneuriat. Des expériences ont déjà été menées en matière de découverte du monde professionnel – je pense aux options DP3 et DP6 en classe de troisième – et, si elles ont été plutôt fructueuses, elles restent marginales et mériteraient d’être développées : tel est le sens de notre amendement. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ? Ils sont partiellement satisfaits, car il existe déjà des expériences consistant à créer des sortes de mini-entreprises, rassemblant les élèves autour d’un projet entrepreneurial. Je ne crois pas utile de généraliser ces expériences, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Xavier Breton. Je m’étonne de la réponse de Mme la rapporteure, puisque les expériences déjà mises en œuvre ont fait la preuve de leur efficacité, et que le seul regret qu’on puisse émettre à leur sujet est précisément que, dans les écoles qui en bénéficient, les élèves concernés par cette démarche de micro-entreprise et d’émulation sont trop peu nombreux. Il faudrait donc généraliser ces dispositifs. La parole est à Mme Sabine Rubin. Le rôle de l’école est de former et d’éduquer, mais cette éducation ne doit pas être entièrement tournée vers le monde de l’entreprise. Qui plus est, le partenariat des entreprises avec les écoles est déjà immense, et bien plus que vous ne l’imaginez – je pense en particulier au réseau « 100 000 entrepreneurs », qui intervient régulièrement dans les écoles. S’il s’agit d’un outil pédagogique intéressant mis à la disposition des professeurs, je ne vois pas la nécessité d’inscrire dans la loi que la pensée des jeunes doit être orientée selon le modèle entrepreneurial. La parole est à Mme Michèle Victory. Comme l’a fait remarquer Mme la rapporteure à la fin de la séance précédente, nous assistons à une inflation du nombre des propositions visant à sensibiliser les jeunes à toutes sortes de sujets. Or, le rythme des enfants et les horaires précis de la journée scolaire doivent être pris en compte. Nous devons veiller à ne pas trop charger la barque, tant pour les enseignants, qui ne peuvent pas tout faire, que pour les enfants, qui ont déjà bien des choses intéressantes à apprendre – à commencer par les fondamentaux.
La multiplication de ces propositions ne me paraît pas très raisonnable, d’autant que la plupart d’entre elles sont déjà prévues par le code de l’éducation, et que les établissements scolaires ont une grande latitude pour mettre en œuvre des expériences portant sur différents thèmes – je pense notamment à la nutrition. Dans l’intérêt même des enfants, nous ne devons pas céder à la tentation de rajouter sans cesse de nouveaux contenus à l’enseignement qui leur est dispensé, si intéressants que ces contenus puissent paraître, mais faire des choix – car c’est aussi en cela que consiste la liberté. (L’amendement no 169 n’est pas adopté.) (Les amendements identiques nos 18, 76 et 127 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l’amendement no 437. Cet amendement de mon collègue Emmanuel Maquet tend à faire reconnaître le rôle primordial de Wikipédia dans notre société et à officialiser son utilisation par l’éducation nationale pour former les élèves à sa consultation et les inciter à y contribuer dans le respect des règles qui lui sont propres. Quel est l’avis de la commission ? L’éducation n’a pas vocation à recommander une source d’information privilégiée. Elle doit au contraire développer l’esprit critique des élèves pour leur permettre d’analyser différentes sources d’information. Par ailleurs, l’article L. 312-15 du code de l’éducation prévoit que, dans le cadre de l’enseignement moral et civique, les élèves sont formés à développer cette attitude critique vis-à-vis des sources d’information. Tout ce qu’on peut lire sur internet n’est pas vrai, sur Wikipédia comme ailleurs.
De surcroît, Wikipédia est un site financé par une fondation de droit américain. Lui reconnaître indirectement un rôle d’utilité publique entraînerait d’importantes conséquences juridiques et fiscales. Ce n’est pas l’objectif que vous poursuivez. En tout état de cause, la mesure que vous proposez excède largement le cadre de ce texte. Avis défavorable. (L’amendement no 437, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 530. Alors que nous débattons, au travers de cet article, de l’évaluation du socle commun, cet amendement propose de faire explicitement référence à l’importance de transmettre à nos enfants les grandes dates et figures fondatrices de l’histoire de France et d’en évaluer la connaissance avant l’entrée au collège. C’est un fait, la République s’est consolidée dans notre pays grâce à la transmission de l’histoire de France, de repères clairs et précis qui font aujourd’hui défaut, mais qui permirent autrefois de développer un fort sentiment d’appartenance commune.
En mai 2017, à la suite de votre nomination, monsieur le ministre, vous aviez déclaré vouloir, à travers l’enseignement de l’histoire, « transmettre aux enfants l’amour de la France ». Cet amendement s’inscrit dans cette philosophie. Quel est l’avis de la commission ? Votre amendement est satisfait, car l’histoire de France est enseignée dans chacune des classes de notre système éducatif. Quant à la conscience d’une appartenance commune fondées sur des valeurs partagées, notamment celles de la République, elle est également inscrite à l’article L. 111-1 du code de l’éducation, qui prévoit explicitement que la première mission de l’école est « de faire partager aux élèves les valeurs de la République ». Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? L’amendement est satisfait car, depuis la déclaration à laquelle vous avez fait référence, de nombreuses décisions ont été prises, notamment celle de publier des repères annuels de progression à l’école primaire comme au collège afin d’expliciter clairement les acquisitions attendues et les repères chronologiques en histoire de France. S’agissant du lycée de la voie générale, la refonte des programmes en seconde et en première a abouti à un enseignement chronologique de l’histoire dans le bloc commun.
Par ailleurs, nous avons créé l’enseignement de spécialités – histoire, géographie, sciences politiques, géopolitique – qui, si elles sont thématiques, laissent une large place à l’histoire de France. De toute manière, ces décisions sont juridiquement du ressort du conseil supérieur des programmes. L’amendement est satisfait quant au fond. Pour ce qui est de la forme, avis défavorable. (L’amendement no 530 n’est pas adopté.) Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 17, 67, 138 et 491, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 17, 67 et 138 sont identiques.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 17. Cet amendement tend à ce que le Parlement définisse le socle commun de connaissances et de compétences dans le code de l’éducation, en remplaçant la dernière phrase du premier alinéa de l’article 122-1-1 du code de l’éducation par deux phrases ainsi rédigées : « Ce socle comprend : la maîtrise de la langue française ; la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ; une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ; la pratique d’au moins une langue vivante étrangère ; la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication. Ces connaissances et compétences sont précisées par décret, après avis du conseil supérieur des programmes ». La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 67. M. Hetzel l’a très bien expliqué : il nous semble important de préciser dans la loi le contenu du socle commun de compétences. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 138. Nous sommes animés de la même volonté de définir dans la loi ce socle commun et je pense que nous pouvons nous retrouver quant au contenu : la maîtrise de la langue française, celle des mathématiques, une culture humaniste et scientifique qui permettra à chaque enfant d’exercer librement sa citoyenneté, la pratique d’une langue vivante étrangère et, enfin, la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication. Je ne vois pas qui pourrait s’opposer à ces cinq objectifs autour desquels nous pourrions nous rassembler. D’une certaine manière, ce serait la commande que la nation passerait auprès du système éducatif, charge à lui ensuite de définir les moyens d’y parvenir. Jusqu’à présent, le mécanisme inverse a prévalu : aucun objectif n’est assigné à notre système éducatif, mais on l’embête au quotidien avec des inspections qui entravent la liberté pédagogique des enseignants. Nous préférons, quant à nous, fixer de grands objectifs et faire confiance aux enseignants, à la communauté éducative, pour les atteindre. La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l’amendement no 491. « Ma patrie, c’est la langue française ». Ces mots d’Albert Camus traduisent notre sentiment lorsque l’on évoque la beauté et l’importance de notre langue. La langue française, au-delà de son aspect symbolique, a été et doit rester un outil de cohésion. La vocation assimilationniste de notre école repose directement sur la maîtrise de notre langue. Hélas, dans de nombreux territoires, la langue française est particulièrement maltraitée. L’école remplit donc un rôle fondamental dans l’apprentissage et la maîtrise de notre langue depuis le plus jeune âge jusqu’au cycle universitaire.
La mention de la maîtrise de la langue française qui figurait explicitement dans les dispositions de la loi du 23 avril 2005 relatives au socle commun de connaissances a disparu. Cet amendement tend donc à rétablir cette mention. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ? Je ne partage pas votre avis, monsieur Breton, selon lequel nous ne fixerions aucun objectif aux enseignants. Le socle commun, qui comporte cinq domaines de formation, est très clairement défini dans le décret. Vous proposez de l’inscrire dans la loi, ce que je ne pense pas opportun, car son contenu et les objectifs assignés aux enseignants dans les différents domaines sont déjà clairement définis. Il me semble nécessaire, au contraire, de faire preuve de souplesse en nous laissant la possibilité, le cas échéant, de le compléter. L’évolution des savoirs est telle qu’il est possible que nous devions ajouter un nouveau domaine à ce socle d’ici cinq ou dix ans – je pense ainsi au code. Plutôt que de l’inscrire dans le marbre, nous devons en laisser la responsabilité au conseil supérieur des programmes, qui définit l’ensemble des programmes, de la maternelle au baccalauréat. Avis défavorable à ces amendements. La parole est à M. le ministre. Même avis. La parole est à M. Patrick Hetzel. Je ne comprends pas vos arguments, madame la rapporteure. Vous connaissez pourtant bien notre système éducatif ! Le contenu du socle commun figurait dans la loi Fillon, et n’était pas seulement prévu par décret. Ne dites donc pas que cette mention est impossible. Le législateur en a le pouvoir. Dans un souci de clarté à l’égard des parties prenantes de l’éducation nationale, il serait pertinent d’inscrire le contenu du socle commun dans la loi. Nous ne comprenons pas pourquoi vous le refusez. Du reste, les décrets ne sont que rarement modifiés. Nous pourrions très bien changer quelques dispositions du code de l’éducation si le Gouvernement l’estimait nécessaire. Nous maintenons donc ces amendements très légitimes. (Les amendements identiques nos 17, 67 et 138 ne sont pas adoptés.) (L’amendement no 491 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir l’amendement no 698. Cet amendement de notre groupe tend à garantir une place dans l’enseignement secondaire aux élèves de 16 ans révolus qui, pour une raison ou une autre, ne sont plus inscrits après leurs 16 ans. Certains d’entre eux peuvent avoir décroché pour différentes raisons – échec scolaire, problèmes familiaux, problèmes d’orientation, fragilité psychologique, phobie scolaire ou autres problèmes. Or, il est parfois difficile pour ces jeunes de retrouver un établissement, en particulier dans les zones où la démographie est forte, et ils se retrouvent trop souvent en situation de décrochage, faute de trouver une place dans un établissement. Les solutions de scolarisation à domicile proposées par certaines académies ne sont pas suffisantes.
Cet amendement tend donc à compléter l’article L. 131-1 du code de l’éducation par la phrase suivante : « Tout enfant doit pouvoir être accueilli, entre 16 et 18 ans, dans un établissement d’enseignement secondaire le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande, afin d’accéder à un diplôme ». Cette mesure se justifie dans un souci d’égalité des chances. Quel est l’avis de la commission ? Nous partageons cet objectif d’accompagner tous les jeunes jusqu’à 18 ans. Le Gouvernement a déposé après l’article 3 un amendement, auquel je serai favorable, qui tend à imposer une obligation de formation pour tous les jeunes jusqu’à leur majorité.
Par ailleurs, votre amendement est satisfait car le code de l’éducation prévoit que tout mineur non émancipé dispose du droit de poursuivre sa scolarité au-delà de l’âge de 16 ans : « tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d’une durée complémentaire de formation qualifiante […] qui peut consister en un droit de retour en formation initiale sous statut scolaire. » Cette disposition peut s’appliquer au-delà de l’âge de 18 ans du jeune. Par ailleurs, quand les personnes responsables d’un mineur non émancipé s’opposent à la poursuite de sa scolarité au-delà de l’âge de 16 ans, une mesure d’assistance éducative peut être ordonnée afin de garantir le droit de l’enfant à l’éducation. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Pour les mêmes raisons, avis défavorable, même si cet amendement concerne ce sujet très important qu’est la situation des jeunes de 16 à 18 ans. Je présenterai, après l’article 3, un amendement auquel je tiens tout particulièrement et qui permet de dépasser les ambitions de cet amendement pour ce qui est de la formation de ces jeunes. La parole est à M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, vous faites allusion à un amendement du Gouvernement qui sera examiné après l’article 3. On aura l’occasion d’y revenir, mais ce procédé est tout de même surprenant, car il s’agit d’un amendement substantiel. Que de telles dispositions arrivent par voie d’amendement, c’est une pratique assez choquante ! La moindre des choses eût été d’avoir cette discussion en commission. Que vous ne l’ayez pas fait est une marque de mépris envers la représentation nationale. Vous dites vouloir créer la confiance, mais en réalité vous faites tout pour créer la défiance. (M. Xavier Breton applaudit.) La parole est à M. le ministre. Monsieur le député, pour tout dire, je trouve assez inapproprié le ton que vous employez. D’abord, il n’y a là aucune surprise, la mesure dont nous parlons ayant été, comme vous le savez, préparée très longuement, y compris dans le cadre de la consultation parlementaire sur le plan pauvreté. Mais pas en commission, monsieur le ministre ! Si, je l’ai mentionnée en commission.
D’autre part, depuis le début de l’examen du projet de loi, je n’ai cessé de dire que celui-ci avait vocation à évoluer, notamment par suite des interactions entre le Gouvernement et l’ensemble des députés, de la majorité comme de l’opposition. Vous en avez eu plusieurs illustrations. Vous ne pouvez pas, d’un côté, vous réjouir de cette souplesse et, de l’autre, vous en offusquer ! Je pense qu’il faut avoir des réactions proportionnées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Annie Genevard. J’imagine que nous reviendrons sur le sujet à la faveur de l’amendement du Gouvernement.
Madame la rapporteure, vous parlez d’un droit à la formation mais, en réalité, on repousse la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. Non ! Si : là est l’enjeu, puisque tout établissement doit pouvoir accueillir un jeune jusqu’à ses 18 ans – c’est bien ce qui est proposé dans l’amendement dont vous demandez le retrait au profit de celui du Gouvernement, n’est-ce pas ? Ce n’est quand même pas rien, cette mesure !
De surcroît, vous en faites un droit opposable. Mais non ! Si, puisque vous avez dit qu’un jeune doit pouvoir obtenir une place dans un établissement secondaire, même contre l’avis de sa famille. C’est déjà le cas ! Il va falloir que vous nous donniez des explications, parce que la proposition que vous allez faire et qui s’inscrit dans le droit fil du présent amendement, modifiera en profondeur la durée de la scolarité obligatoire. Je rappelle qu’au cours du précédent quinquennat, on s’est beaucoup interrogé sur l’âge auquel un jeune peut commencer son apprentissage. Cela avait donné lieu à débat : fallait-il fixer la limite d’âge à 14 ans, 15 ans ou 16 ans ? Or vous, vous rallongez encore la durée de la scolarisation. Et cela sans étude d’impact ! Voilà qui mériterait d’être solidement argumenté ! La parole est à Mme la rapporteure. Madame Genevard, je voudrais apporter une précision, car je crains que nous ne nous soyons mal comprises. En effet, je ne faisais que citer l’article L. 122-2 du code de l’éducation, qui prévoit déjà que « tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d’une durée complémentaire de formation qualifiante [qui] peut consister en un droit au retour en formation initiale sous statut scolaire ». Il y est ensuite précisé : « Lorsque les personnes responsables d’un mineur non émancipé s’opposent à la poursuite de sa scolarité au-delà de l’âge de 16 ans, une mesure d’assistance éducative peut être ordonnée […] afin de garantir le droit de l’enfant à l’éducation ». Il s’agit de la rédaction actuelle du code de l’éducation, telle qu’elle est issue de la loi de 2013. Non, de 2016 ! Dans ce cas, pourquoi proposez-vous un amendement ? Je ne propose pas d’amendement ! Chers collègues, merci d’éviter le ping-pong verbal.
La parole est à M. Xavier Breton. Nous venons d’assister au premier épisode de la série : « Najat Vallaud-Belkacem en rêvait, Jean-Michel Blanquer le fait ». (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, SOC et GDR.) Voici un amendement socialiste qui tend à prolonger la scolarité de 16 à 18 ans. Et que répond le ministre ? « Ne vous inquiétez pas, je vais aller encore plus loin » ! On le voit bien : c’est une inspiration socialiste qui est à la base de ce texte (Mêmes mouvements) , … Ne reniez pas vos origines ! …avec l’instruction obligatoire à partir de 3 ans et l’amendement que vous allez nous présenter. Dont acte.
On peut regretter que cela soit fait subrepticement, par l’intermédiaire d’un amendement et sans aucune étude d’impact permettant d’évaluer le coût exact d’une telle mesure et ses conséquences sur l’organisation de notre système éducatif.
Il s’agit là, je le répète, de dispositions purement idéologiques. Cet échange nous en a donné la preuve. La suite au prochain épisode ! (L’amendement no 698 n’est pas adopté.) Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 129, 966, 504, 19 et 65, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 129 et 966 sont identiques.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 129. Il s’agit d’un amendement important, qui touche à un article non moins important du code de l’éducation, l’article L. 131-1-1, selon lequel « [l]e droit de l’enfant à l’instruction a pour objet de lui garantir […] l’éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique ». Rien que ça ! Ce sont là des notions essentielles.
Or, il n’est pas fait mention du rôle de la famille dans cette éducation. Nous proposons donc que, dans cet article crucial, qui exprime une certaine vision de l’éducation, il soit indiqué que, si le système éducatif peut prendre part à celle-ci, ce soit dans le respect de l’éducation transmise par la famille. Pour nous, en effet, les premiers éducateurs d’un enfant, ce sont ses parents.
Une certaine approche tend, à travers la notion de coéducation, à tout globaliser. Selon cette conception, l’État se trouverait à égalité avec les familles, ou devrait même les marginaliser en préemptant, à leur détriment, l’éducation de l’enfant. Ce que nous souhaitons, pour notre part, c’est que soit inscrit dans la loi que la famille est le premier éducateur des enfants et que, si l’éducation nationale contribue à cette éducation, ce qui est bien normal, cela doit se faire dans le respect de la famille.
Si vous refusez cela, les choses seront claires. Sera ainsi affirmée la volonté de tutelle de l’État sur les enfants, volonté qui se traduira par des dispositions visant à rendre l’instruction obligatoire dès 3 ans et au-delà de 16 ans, ainsi que par la tentative de marginaliser les familles et de mettre les enfants directement sous la coupe d’un État Léviathan, ce que nous ne souhaitons pas. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 966. Je souscris à tout ce que vient de dire mon collègue Breton.
L’objet du présent amendement est d’inscrire dans la loi le respect des choix éducatifs des parents ou des responsables légaux de l’enfant. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne va pas de soi – malheureusement. Les ministres qui se sont succédé n’ont guère rassuré les parents sur ce sujet. Vincent Peillon se référait sans complexe à l’idéologie révolutionnaire et Najat Vallaud-Belkacem lançait des plans de lutte contre les discriminations qui diffusaient, en réalité, des théories loin d’être neutres, notamment à l’égard des familles. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et SOC.) Votre mesure d’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans présente le même risque. En 1793, Le Peletier de Saint-Fargeau estimait déjà que « jusqu’à 6 ans l’enfant échappe à la vigilance du législateur, et que cette portion importante de la vie reste abandonnée aux préjugés subsistants et à la merci des vieilles erreurs ». Si le contexte a changé, vous continuez, monsieur le ministre, à affirmer que cette période de la vie ne peut pas être laissée au hasard.
Il me semble au contraire important de réaffirmer avec force que les parents ne doivent pas être dépossédés de leur mission d’éducation, à moins qu’ils ne démissionnent et qu’on ne les déresponsabilise complètement. Il est d’ailleurs inscrit à l’article 26, alinéa 3, de la Déclaration universelle des droits de l’homme que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Si l’instruction obligatoire est très largement assurée par les écoles, il est nécessaire que l’éducation qui en découle vienne en complément, et non en substitution.
La mesure que je propose serait par conséquent bénéfique au lien de confiance entre l’éducation nationale et les parents, lien qui est au centre de votre projet de loi. La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l’amendement no 504. Cet amendement s’inscrit dans la même ligne que les deux précédents.
Vous avez voulu, monsieur le ministre, donner à votre projet de loi le titre : « Pour une école de la confiance ». Le présent amendement s’inscrit dans cette perspective. Notre code de l’éducation doit souligner que l’éducation reçue à l’école – à laquelle les parents confient leur enfant – est à la fois complémentaire et respectueuse de celle qui est reçue dans le cadre familial.
Comme l’a rappelé ma collègue Ménard, l’article 26, alinéa 3, de la Déclaration universelle des droits de l’homme souligne que ce sont les parents qui sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Afin d’éviter une opposition entre les deux sources d’éducation pour les enfants – leur famille et leur école –, nous proposons de graver ce principe dans la loi. Ainsi, la confiance des parents envers l’école ne pourra que s’accroître. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n o 19. Nous avons déjà eu ce débat en commission, mais il est nécessaire, je crois, de l’avoir à nouveau dans l’hémicycle.
Le problème est simple : il y a, d’un côté, l’éducation et, de l’autre, l’instruction. Ce que nous souhaitons voir figurer dans le code de l’éducation, c’est que les premiers éducateurs des enfants sont les familles et que le rôle premier de l’État est d’instruire.
Vous avez, monsieur le ministre, fait référence à la notion de coéducation. Nous considérons quant à nous que les familles sont les premiers éducateurs et qu’il n’y a pas à parler de coéducation, le rôle principal de l’État étant d’instruire. C’est pourquoi nous sommes plusieurs à avoir déposé ces amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 65. Monsieur le ministre, il me semble important d’inscrire dans la loi que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, car le respect de la liberté d’opinion est d’ordre constitutionnel. Le droit de respirer aussi ! Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ? Ces amendements soulèvent la question des relations entre la famille et l’école. Certains de collègues siégeant à la droite de l’hémicycle s’inquiètent d’une éventuelle menace que l’école ferait peser sur les parents et sur les valeurs que ceux-ci transmettent à leurs enfants. Nous n’avons pas dit cela ! Le problème, c’est l’État ! De façon sous-jacente, ils s’inquiètent d’une prétendue volonté d’instaurer une rivalité entre la famille et l’école.
Je veux les rassurer : personne ne songe un seul instant à remettre en cause ou à contester l’éducation transmise par les parents, ni les valeurs transmises aux enfants dans le cadre de l’éducation familiale. Encore heureux ! Personne ne conteste non plus le fait que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, comme l’affirme la Déclaration universelle des droits de l’homme. Au contraire, sur bien des aspects, le projet de loi tend à renforcer la place des parents au sein de l’école et leur participation à la vie de celle-ci. Dans ce cas, écrivez-le ! On sait que, si l’on veut favoriser la réussite des enfants, il faut que s’instaure une relation de confiance entre les parents et l’école, afin que l’enfant soit entouré d’adultes bienveillants qui veillent ensemble à sa réussite.
Toutefois, l’école a aussi, ne vous en déplaise, ses propres missions, notamment celle de permettre aux enfants de découvrir le monde, de se confronter à l’altérité et de se forger sa propre opinion, ses propres convictions et ses propres valeurs. En effet, l’école est aussi intrinsèquement émancipatrice. Aller à l’école, ce n’est pas simplement s’instruire : c’est aussi, parfois, s’émanciper de sa famille, tracer son chemin et gagner sa liberté. Je pense en particulier à Malala et aux millions de petites filles privées d’école par leur famille à travers le monde : pour elles, l’école est nécessaire et émancipatrice.
Avis défavorable sur la totalité des amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Sur ce débat, que vous avez placé sous un angle philosophique et historique, nous pourrions passer plusieurs heures. Pour l’aborder dans des conditions saines, cependant, gardons-nous de caricaturer jamais la position de l’autre. Vous vous êtes employés à inscrire le texte dans je ne sais quelle filiation autoritaire, ou dans celle de Saint-Just, ce qui est évidemment absurde. Comme toujours, ce qui est excessif est dérisoire.
Je l’ai dit au commencement de nos débats : par « école de la confiance » il faut entendre, notamment, la confiance entre les parents et l’école. Personne ne nie le rôle primordial des parents, ne serait-ce que par une évidence chronologique. Loin de nous, donc, l’idée de contester en quoi que ce soit le rôle éducatif de la famille.
Vous vous êtes aussi fondés sur la distinction classique entre l’instruction et l’éducation. Le premier rôle de l’école est l’instruction, c’est exact, mais il n’y a pas lieu de l’opposer à l’éducation. Tout cela est même un peu paradoxal par rapport à nos discussions précédentes, où l’on vous a entendus plaider, de façon vibrante et avec des arguments auxquels je souscrivais en partie, pour l’apprentissage de La Marseillaise et des emblèmes nationaux. Cet apprentissage, vous souhaitez donc le confier à l’école. Dès lors, que faire, selon vous, si une famille est contre notre hymne et contre nos emblèmes ? L’école ne doit-elle pas, surtout en pareil cas, transmettre les valeurs qui sont celles de notre pays ?
Entre les familles et la communauté éducative, nous devons bien plutôt assurer une convergence, dans une optique de coéducation. Ce dernier mot, je l’assume pleinement : loin de nier le rôle de la famille, nous l’inscrivons dans cette nécessaire convergence, sans oublier le rôle émancipateur de l’école que rappelait Mme la rapporteure, car chaque trajectoire est particulière.
Nous avons à relever des défis sociétaux considérables, en particulier vis-à-vis des petites filles. Sur ce plan, l’instruction obligatoire dès l’âge de 3 ans fait partie des réponses que nous pouvons apporter. En général, vous êtes assez sensibles aux conflits sociétaux ; aussi je m’étonne, alors même que nous cherchons à y répondre – prolongeant en cela le débat que nous avions eu sur la loi Gatel –, de vous entendre invoquer des références assez anciennes, vous abritant ainsi derrière la théorie. Cela vous permet d’occulter le fait que c’est nous qui, en l’espèce, luttons contre les facteurs d’asservissement, en particulier des petites filles.
Je vous invite donc à réfléchir, non seulement aux tenants de vos raisonnements, mais aussi à leurs aboutissants pratiques. L’avis est évidemment défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à Mme Sabine Rubin. Je souscris mot pour mot à ce que viennent de dire M. le ministre et Mme la rapporteure. Sans blague ? J’ajoute, mes chers collègues, que les enfants s’influencent aussi entre eux : on se « co-éduque » en société, aucun de vos amendements ne permettra d’y échapper. Vous n’allez pas maintenir les enfants sous cloche !
Je veux aussi relever l’aberration que constituent ces amendements. Hier, leurs auteurs pointaient la difficulté de rendre effectives les notions d’« exemplarité » et de « confiance ». Mais comment vérifier que l’école respecte les valeurs de la famille, que vous voulez inscrire dans la loi ? Les enseignants devraient-ils demander aux enfants quelles sont leurs valeurs, et leur dire qu’ils les respecteront ? Cela n’a pas plus de sens que les propositions sur l’exemplarité, dont nous débattions hier soir. La parole est à M. Xavier Breton. Pour être théoriques, ces échanges n’en sont pas moins intéressants. À la question de savoir si les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, vous venez de nous faire, monsieur le ministre, la même réponse, mot pour mot, que Vincent Peillon il y a quelques années dans cet hémicycle, lors de l’examen du projet de loi dit de « refondation de l’école », termes aussi prétentieux que ceux d’« école de la confiance ». Oui, répondait M. Peillon, les parents sont les premiers éducateurs, au moins d’un point de vue chronologique.
Pour notre part, et c’est là toute la différence, nous estimons que l’affaire n’est pas seulement chronologique. Premiers éducateurs, les parents le sont, à nos yeux, de façon primordiale. Il peut arriver qu’ils ne soient pas en mesure d’assurer ce rôle éducatif, lequel est alors pris en charge, mais à titre seulement subsidiaire, par l’État.
Sur ce point, votre désaccord signe une vision collectiviste, socialiste de l’éducation. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Il y a encore de la marge ! (Sourires.) Ma deuxième remarque concerne le mot « émancipation ». Il s’agirait, selon Mme la rapporteure, de s’émanciper de la famille ; mais la famille, ce n’est pas une malédiction ! C’est même souvent une bénédiction ; c’est le lieu où l’on se retrouve, où l’on peut partager les joies comme les épreuves. Nous ne partageons pas votre vision négative de la famille et, au mot « émancipation », nous préférons celui d’« épanouissement ». Un enfant peut s’épanouir avec ce qui lui est donné ; et ce qui lui est donné, c’est sa famille.
De temps à autre, il est vrai, les familles ne sont pas à la hauteur ; mais c’est, là encore, une exception. Demandez-le à nos compatriotes : la famille est le lieu où, bien souvent, ils trouvent refuge et réconfort, lorsque survient un accident de la vie, lorsqu’ils se retrouvent au chômage ou font face à des maladies, à des épreuves.
C’est là notre différence de fond : vous voulez émanciper les enfants de leurs familles, quand nous voulons qu’ils s’y épanouissent. Deux visions de l’école s’opposent donc, et nous assumons la nôtre. La parole est à Mme Nadia Essayan. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, oui, mais pas toujours, malheureusement. Inscrire dans la loi que l’école doit respecter les valeurs reçues des parents risque de soulever de sérieuses difficultés d’application. Ne serait-ce que pour des raisons pragmatiques, nous gagnerions donc à faire l’impasse sur ces amendements. (Les amendements identiques nos 129 et 966 ne sont pas adoptés.) (Les amendements nos 504, 19 et 65, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Danièle Cazarian, pour soutenir l’amendement no 745. Je propose de compléter l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation par les mots : « dans le respect des exigences minimales de la vie en société », notion juridique consacrée par le Conseil constitutionnel en 2010 dans son arrêt relatif à la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, puis par la Cour européenne des droits de l’homme.
Cet amendement regroupe donc, en une expression unique, un corpus de textes et de principes relatifs au vivre ensemble, qu’il s’agisse de la lutte contre les violences faites aux femmes, contre le harcèlement, contre les discriminations ou contre les dérives sectaires et radicales.
Dans un contexte sociétal fragile, l’école républicaine doit réaffirmer avec force qu’elle est un lieu de transmission de la tolérance et des valeurs républicaines. Au moment où M. le ministre entend faire du respect d’autrui l’un des piliers de l’école républicaine, il me semble utile de compléter, dans le sens que je propose, l’article du code de l’éducation qui décline les objectifs du droit à l’instruction. Quel est l’avis de la commission ? Dans le code de l’éducation, le droit de l’enfant à l’instruction recouvre la garantie qui lui est donnée, à travers l’éducation reçue, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté. Vous proposez ici, ma chère collègue, de compléter cette disposition par la mention des « exigences minimales de la vie en société », qu’incluent déjà – et même dépassent, me semble-t-il –, les valeurs de la République et l’exercice de la citoyenneté. Aussi votre amendement me paraît-il satisfait : avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. (L’amendement no 745 n’est pas adopté.) Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 20, 75 et 130.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n o 20. Il s’agit de préciser que « l’éducation au numérique » – désormais indispensable – « inclut un volet prévention et gestion de l’image numérique ».
Notre collègue Berta, en commission, s’était exprimé sur ce sujet qui est l’une de ses spécialités universitaires. De fait, il apparaît essentiel que tout enseignement des technologies du numérique s’accompagne de leur mise en perspective, ce qui implique la prévention de leurs risques potentiels. Ce sujet, au demeurant, en rejoint d’autres dont nous avons précédemment débattu, comme le harcèlement sur les réseaux sociaux. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 75. Les risques liés à internet, importants, sont insuffisamment connus des enfants et des familles. Dès lors, l’enseignement du numérique doit absolument comprendre un volet prévention afin d’éduquer les enfants aux dangers d’internet et du numérique. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 130. Cet amendement, identique aux deux précédents, est en quelque sorte d’appel – puisque l’on m’objectera sans doute que des dispositions existent déjà sur le sujet.
Hier, en fin de matinée, j’étais devant une classe de CM2 qui, dans ma circonscription, participe au Parlement des enfants, dont le thème, cette année, est le bon usage du numérique. Les élèves de cette classe ont rencontré ceux des autres classes de la même école primaire, notamment en maternelle. Et les enfants de CM2 étaient effarés par l’utilisation que leurs camarades de maternelle font déjà du numérique : ils s’interrogeaient sur leur exposition aux écrans le soir ou sur le rôle des parents.
Nos débats de tout à l’heure sur la conception de l’éducation, qui traduisaient pourtant des convictions, ont pu être jugés théoriques – je l’entends bien – mais, sur l’usage du numérique, il y a une véritable urgence. De ce point de vue, le thème retenu pour le Parlement des enfants est d’un grand intérêt, car il incitera des classes, dans l’ensemble de nos circonscriptions, à réfléchir à la maîtrise de l’information et des médias. Ce thème se développe dans l’éducation, mais nous devons, je crois, aller plus loin, compte tenu de l’urgence que je signalais.
Encore une fois, lorsque l’on entend des enfants de CM2 s’inquiéter de l’usage des écrans qui est fait par leurs petits frères et leurs petites sœurs, cela peut nous interroger. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ? En commission, sur le même sujet, je vous avais rappelé que l’article L. 131-2, visé par ces amendements, ne concerne pas l’éducation au numérique proprement dite, mais le service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance, ce qui est sensiblement différent.
J’ajoute que ces amendements sont satisfaits par l’article L. 312-15, lequel dispose que, dans le cadre de l’enseignement moral et civique, « les élèves sont formés afin […] d’acquérir un comportement responsable dans l’utilisation des outils interactifs lors de leur usage des services de communication au public en ligne. Ils sont informés des moyens […] de maîtriser leur image publique, des dangers de l’exposition de soi et d’autrui, des droits d’opposition, de suppression, d’accès et de rectification prévus par la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que des missions de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ». Avis défavorable, donc. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même si certains points qui viennent d’être soulevés sortent du champ même de l’amendement, je tiens à rappeler que l’exposition des plus petits aux écrans est un vrai sujet. Sur ce phénomène de société, qui ne touche évidemment pas que la France, nous demeurons en alerte, y compris dans le cadre de la formation initiale et continue des professeurs, avec l’objectif de faire respecter certaines règles de non-exposition des enfants aux écrans.
D’une certaine manière, il s’agit d’un sujet de santé publique. Au reste, des témoignages de professeurs de maternelle convergent avec ce qui vient d’être décrit : ils soulignent à quel point, année après année, la concentration des enfants qui arrivent va déclinant. C’est aussi l’une des raisons qui peuvent justifier l’instruction obligatoire à partir de 3 ans et les messages sur la maternelle que nous allons délivrer.
Vous avez aussi évoqué, ce qui est peut-être plus au cœur de ces amendements, la protection de l’image et le droit à la vie privée, sujet qui appelle en effet une éducation dès le plus jeune âge. Mme la rapporteure vient de vous donner des éléments de réponse sur ce point. L’éducation nationale, déjà mobilisée sur la question, dispose de tous les outils juridiques à cette fin, mais il est évident que cette question doit devenir centrale.
Ici encore, nous retrouvons les deux mots-clés que sont la protection et l’ambition. Ces mots, nous les voyons traduits dans les évolutions du programme des élèves, d’abord au lycée, où le bloc commun de la classe de seconde comporte un enseignement des technologies et de l’informatique qui fait une place à l’éthique : cela est complémentaire de ce que l’on trouve, en cette matière, dans l’éducation morale et civique, qu’évoquait Mme la rapporteure. Nous les trouvons aussi dans l’enseignement de spécialité de numérique et sciences informatiques de première et de terminale.
Ainsi se déploie notre stratégie faite de protection et d’ambition. Il ne faut pas sous-estimer les problèmes qui ont été soulevés : ils sont très importants, et même centraux. Mais ils peuvent être résolus par les mesures qui existent déjà. Les amendements sont donc satisfaits, d’où mon avis défavorable. La parole est à Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, lorsque j’étais maire, nous étions très fiers, je m’en souviens, d’équiper nos écoles primaires en salles informatiques et en matériel approprié, car nous avions le sentiment de donner ainsi à nos élèves des outils supplémentaires destinés à la réussite scolaire. En revanche, lorsque l’on nous a demandé d’équiper aussi les écoles maternelles en ordinateurs, j’étais instinctivement très réticente, et j’ai résisté le plus longtemps possible avant de le faire, considérant que, chez un très jeune enfant, la plus-value éducative n’allait pas de soi. Puis est venu le moment où je n’ai plus pu résister, parce que les programmes scolaires prévoyaient cet équipement et qu’il nous fallait nous soumettre à l’obligation de fournir des écrans dès la maternelle.
Aujourd’hui, la donne a changé : vous l’avez dit, il s’agit désormais d’un problème de santé publique. Les exemples se multiplient d’enfants qui se désocialisent, mettent en péril leur santé et vivent un état d’addiction ; pour leurs familles, la difficulté à comprendre le phénomène et à le résoudre est immense.
Dans ce contexte, les amendements en discussion peuvent être considérés comme des amendements d’appel – vous les dites satisfaits – destinés à nous faire réfléchir à l’âge plancher auquel il conviendrait d’introduire l’informatique. Je vois de très jeunes enfants qui, hors de l’école, avec leurs parents, manipulent des tablettes avec une incroyable dextérité : ils savent très bien faire et il n’est pas nécessaire de les exposer trop précocement dans le cadre scolaire aux écrans, dont les atouts sont infiniment moindres pour eux que les risques. Il s’agit bien d’un appel : le sujet mérite en lui-même que nous y réfléchissions. Oui, c’est un beau sujet ! La parole est à Mme Nadia Essayan. Nous partageons les réserves qui viennent d’être exprimées. Nous préférons néanmoins soutenir l’amendement ultérieur de notre collègue Aude Luquet, qui va dans le même sens. (Les amendements identiques nos 20, 75 et 130 ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de trois amendements, nos 681, 195 et 307, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 195 et 307 sont identiques.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement no 681. Il vise à prévenir les risques et dérives inhérents aux réseaux sociaux.
D’après une étude approfondie de la CNIL – Commission nationale de l’informatique et des libertés – relative aux pratiques des enfants sur les réseaux sociaux, la grande majorité des adolescents naviguent seuls sur ces derniers en utilisant leur smartphone.
Visitant une classe de CM2, il y a un mois, dans le cadre du Parlement des enfants, je me suis aperçue que 80 % des élèves avaient un téléphone portable et une tablette, qu’ils utilisaient tous les jours pour aller sur les réseaux sociaux.
Or, si ces réseaux peuvent à certains égards être considérés comme représentant un progrès social, leur utilisation n’en est pas moins susceptible de conséquences néfastes. La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 195. Cet amendement déposé à l’initiative de Damien Abad va dans le même sens. Si le réseau social est un espace plutôt civilisé, les risques y sont démultipliés par la résonance propre à internet. De fait, 18 % des 8-17 ans y ont déjà été insultés et plus d’un tiers ont été choqués par certains contenus – spontanément, ils citent d’abord les contenus à caractère sexuel, puis les contenus violents, racistes et homophobes.
Seuls 10 % de ceux qui ont été choqués en ont parlé à leurs parents ; ils le font plus facilement quand le sujet des réseaux sociaux est abordé en famille. Les élèves ne se rendent pas toujours compte des conséquences de leurs actes. La plupart du temps, ils ne maîtrisent pas vraiment le fonctionnement des réseaux qui sont mis à leur disposition.
Voilà pourquoi l’enseignement du numérique doit absolument comprendre un volet consacré à la prévention des risques liés aux réseaux sociaux. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement identique no 307. Les réseaux sociaux sont très utilisés par les réseaux pédophiles ou par les harceleurs. Il est donc indispensable de sensibiliser les élèves aux dangers d’une trop grande exposition de leur vie privée sur ces réseaux. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ? Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Quel est l’avis du Gouvernement ? Tous les problèmes soulevés ici sont réels et très importants, il ne s’agit aucunement de le nier. Nous considérons toutefois que les amendements sont satisfaits. Je n’entrerai pas dans les détails, mais la sensibilisation aux réseaux sociaux et l’éducation aux médias, certes essentielles, sont déjà inscrites dans le code de l’éducation. Bravo ! C’est vrai ! (L’amendement no 681 n’est pas adopté.) Rappel au règlement, monsieur le président ! Il y a un problème : certains n’ont pas levé la main lors du vote !
La parole est à Mme Barbara Bessot Ballot, pour soutenir l’amendement no 387. La sensibilisation aux enjeux environnementaux et écologiques est un axe essentiel pour mener une transition écologique juste, efficace et comprise par tous et sur tous les territoires. Il semble donc indispensable que tous les citoyens, dès leur plus jeune âge, se sentent acteurs de cette transition, par la sensibilisation et l’enseignement, mais également par la pratique – par exemple, par la mise en place d’un module d’enseignement sur la nutrition, avec une application pratique à la cantine. Dans ce contexte, l’amendement no 387 vise à responsabiliser tous les acteurs du système éducatif – enseignants, élèves, étudiants – à ces enjeux essentiels pour l’avenir de notre société. En d’autres termes, il s’agit ici de favoriser l’enseignement par le « faire ». La parole est à Mme Jennifer De Temmerman, pour soutenir l’amendement no 465. Je suis un peu étonnée que mon amendement no 465 soit en discussion commune avec celui que vient de présenter Mme Bessot Ballot – et que, du reste, je soutiens –, car le mien a une portée plus restreinte, qui en fait presque un lot de consolation : étant donné que l’éducation au développement durable est déjà mentionnée, même si ce n’est que dans trois phrases, dans le code de l’éducation, et que nous abaissons l’âge de la scolarisation obligatoire, l’amendement rédactionnel no 465 vise à ce que cette éducation soit dispensée dès le plus jeune âge, c’est-à-dire à partir de la maternelle. La parole est à Mme Anne-Christine Lang, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour donner l’avis de la commission. Je suis défavorable à l’amendement no 387 pour les raisons que j’ai précédemment exposées. Quant à l’amendement no 465, j’y suis défavorable parce que, l’école maternelle faisant partie de l’école primaire, il se trouve satisfait. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis. (Les amendements nos 387 et 465, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 574. Le service public de l’éducation doit garantir à tous un accès égal à une instruction gratuite et laïque. Ces dispositions fondamentales de notre école républicaine font l’objet d’une protection constitutionnelle, puisque le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. ».
Cette protection doit aujourd’hui s’étendre à la neutralité commerciale du service public de l’éducation et à la garantie de son indépendance vis-à-vis de toute entreprise économique. En effet, le service public de l’éducation est loin d’échapper à toute immixtion des intérêts lucratifs. En 2015, le ministère de l’éducation nationale a conclu un accord de partenariat avec l’entreprise Microsoft, par lequel il lui confiait notamment des missions d’accompagnement et de formation des acteurs du Plan numérique à l’école, lancé par François Hollande : autrement dit, l’État offrait au géant du numérique l’opportunité de former les enseignants et de promouvoir ses produits.
L’éducation des jeunes exige une neutralité de l’école par rapport aux intérêts économiques. Le code de l’éducation dispose en son article L. 141-6 que « le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique (…) ». Il nous semble impératif de renforcer ces dispositions et de les étendre à l’enseignement scolaire, ainsi qu’aux services du ministère de l’éducation nationale, afin d’interdire tout démarchage au sein des établissements scolaires et des services de restauration. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement est satisfait, puisque la neutralité commerciale de l’école est déjà garantie par le principe de neutralité du service public, qui exclut de fait tout démarchage dans son enceinte. S’il existe certaines formes de partenariat avec des entreprises privées ou publiques, les interventions de celles-ci au sein des établissements scolaires font l’objet depuis 2001 d’un code de bonne conduite. Je suis donc défavorable à cet amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Sabine Rubin. Monsieur le ministre, je veux tout d’abord appeler votre attention sur des incidents dont j’ai récemment été informée. Dans deux des lycées de ma circonscription, que j’évoquais en défendant la motion de rejet préalable déposée par mon groupe, des enseignants qui souhaitaient organiser sur leur lieu de travail, avec des parents d’élèves, un débat portant sur la réforme, ont été évacués par la force et avec brutalité, à la demande des proviseurs. À l’heure du Grand débat, quelle raison peut donc justifier que l’on interdise à des enseignants de débattre eux aussi de ce point sur leur lieu de travail ?
Pour ce qui est de l’amendement no 574, s’il existe effectivement un code de bonne conduite des entreprises souhaitant intervenir au sein des établissements scolaires, la disposition proposée a pour objet de renforcer les garanties existantes, ce qui ne semble pas superflu. Qu’il s’agisse d’une marque de la filière laitière ou de Microsoft, lorsqu’une entreprise conclut un partenariat avec un établissement scolaire, vous imaginez bien que ce n’est pas par philanthropie, mais pour faire la promotion de ses produits auprès enseignants comme auprès des enfants, lesquels sont forcément influencés par les marques commerciales qui pénètrent dans l’école. Au-delà des principes d’égalité et de confiance, dont on a beaucoup parlé à propos de l’école, n’oublions pas celui de neutralité. La parole est à Mme Muriel Ressiguier. Dès lors que l’on est favorable au principe de neutralité, il n’y a pas lieu d’être frileux à l’idée de le renforcer, car il y va du cerveau de jeunes enfants : comme l’a dit Mme Rubin, ce n’est pas par philanthropie ni par charité que les grandes marques interviennent au sein des établissements scolaires. L’opérateur Orange se vante parfois que 40 % des enfants de 7 ans connaissent sa marque et son logo. Face à ce vrai sujet de préoccupation, il faut des garanties encore plus fortes. (L’amendement no 574 n’est pas adopté.) Je suis saisi de quatre amendements, nos 169, 18, 76 et 127, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n os 18, 76 et 127 sont identiques.
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l’amendement n o 169. Il est nécessaire de sensibiliser les jeunes d’aujourd’hui à l’entrepreneuriat, car ils pourront être les entrepreneurs de demain. Cette démarche doit être inculquée dès le plus jeune âge, afin que les jeunes ne soient pas intimidés ou réticents, par faute de connaissance ou d’initiative, à créer ou pérenniser une activité économique. Cet enseignement serait bénéfique aux étudiants, afin de leur donner des bases dans un domaine aujourd’hui de plus en plus prégnant. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 18. ’une des missions de l’école consiste à aider les jeunes à construire un projet professionnel. Selon un récent sondage, 83 % des Français seraient favorables à l’enseignement de l’entrepreneuriat dès le collège – 26 % y sont tout à fait favorables, et 57 % plutôt favorables. Cet amendement de mon collègue Patrick Hetzel vise donc à affirmer que l’enseignement doit sensibiliser, dès le plus jeune âge, à l’esprit d’entreprise. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 76. L’amendement no 76 vise à s’assurer que les jeunes seront sensibilisés dès leur plus jeune âge à l’esprit d’entreprise. L’initiation des jeunes contribue en effet à développer leur créativité, leur esprit d’initiative, leur confiance en eux dans ce qu’ils entreprennent, et les incite à se comporter d’une manière socialement responsable. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 127. Les Français étant, par comparaison notamment avec ce qu’on observe dans d’autres pays, insuffisamment informés des phénomènes économiques, l’amendement no 127 a pour objet d’améliorer la connaissance qu’ont les jeunes de l’entreprise et de l’économie et de leur assurer une initiation à l’entrepreneuriat. Des expériences ont déjà été menées en matière de découverte du monde professionnel – je pense aux options DP3 et DP6 en classe de troisième – et, si elles ont été plutôt fructueuses, elles restent marginales et mériteraient d’être développées : tel est le sens de notre amendement. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ? Ils sont partiellement satisfaits, car il existe déjà des expériences consistant à créer des sortes de mini-entreprises, rassemblant les élèves autour d’un projet entrepreneurial. Je ne crois pas utile de généraliser ces expériences, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Xavier Breton. Je m’étonne de la réponse de Mme la rapporteure, puisque les expériences déjà mises en œuvre ont fait la preuve de leur efficacité, et que le seul regret qu’on puisse émettre à leur sujet est précisément que, dans les écoles qui en bénéficient, les élèves concernés par cette démarche de micro-entreprise et d’émulation sont trop peu nombreux. Il faudrait donc généraliser ces dispositifs. La parole est à Mme Sabine Rubin. Le rôle de l’école est de former et d’éduquer, mais cette éducation ne doit pas être entièrement tournée vers le monde de l’entreprise. Qui plus est, le partenariat des entreprises avec les écoles est déjà immense, et bien plus que vous ne l’imaginez – je pense en particulier au réseau « 100 000 entrepreneurs », qui intervient régulièrement dans les écoles. S’il s’agit d’un outil pédagogique intéressant mis à la disposition des professeurs, je ne vois pas la nécessité d’inscrire dans la loi que la pensée des jeunes doit être orientée selon le modèle entrepreneurial. La parole est à Mme Michèle Victory. Comme l’a fait remarquer Mme la rapporteure à la fin de la séance précédente, nous assistons à une inflation du nombre des propositions visant à sensibiliser les jeunes à toutes sortes de sujets. Or, le rythme des enfants et les horaires précis de la journée scolaire doivent être pris en compte. Nous devons veiller à ne pas trop charger la barque, tant pour les enseignants, qui ne peuvent pas tout faire, que pour les enfants, qui ont déjà bien des choses intéressantes à apprendre – à commencer par les fondamentaux.
La multiplication de ces propositions ne me paraît pas très raisonnable, d’autant que la plupart d’entre elles sont déjà prévues par le code de l’éducation, et que les établissements scolaires ont une grande latitude pour mettre en œuvre des expériences portant sur différents thèmes – je pense notamment à la nutrition. Dans l’intérêt même des enfants, nous ne devons pas céder à la tentation de rajouter sans cesse de nouveaux contenus à l’enseignement qui leur est dispensé, si intéressants que ces contenus puissent paraître, mais faire des choix – car c’est aussi en cela que consiste la liberté. (L’amendement no 169 n’est pas adopté.) (Les amendements identiques nos 18, 76 et 127 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l’amendement no 437. Cet amendement de mon collègue Emmanuel Maquet tend à faire reconnaître le rôle primordial de Wikipédia dans notre société et à officialiser son utilisation par l’éducation nationale pour former les élèves à sa consultation et les inciter à y contribuer dans le respect des règles qui lui sont propres. Quel est l’avis de la commission ? L’éducation n’a pas vocation à recommander une source d’information privilégiée. Elle doit au contraire développer l’esprit critique des élèves pour leur permettre d’analyser différentes sources d’information. Par ailleurs, l’article L. 312-15 du code de l’éducation prévoit que, dans le cadre de l’enseignement moral et civique, les élèves sont formés à développer cette attitude critique vis-à-vis des sources d’information. Tout ce qu’on peut lire sur internet n’est pas vrai, sur Wikipédia comme ailleurs.
De surcroît, Wikipédia est un site financé par une fondation de droit américain. Lui reconnaître indirectement un rôle d’utilité publique entraînerait d’importantes conséquences juridiques et fiscales. Ce n’est pas l’objectif que vous poursuivez. En tout état de cause, la mesure que vous proposez excède largement le cadre de ce texte. Avis défavorable. (L’amendement no 437, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 530. Alors que nous débattons, au travers de cet article, de l’évaluation du socle commun, cet amendement propose de faire explicitement référence à l’importance de transmettre à nos enfants les grandes dates et figures fondatrices de l’histoire de France et d’en évaluer la connaissance avant l’entrée au collège. C’est un fait, la République s’est consolidée dans notre pays grâce à la transmission de l’histoire de France, de repères clairs et précis qui font aujourd’hui défaut, mais qui permirent autrefois de développer un fort sentiment d’appartenance commune.
En mai 2017, à la suite de votre nomination, monsieur le ministre, vous aviez déclaré vouloir, à travers l’enseignement de l’histoire, « transmettre aux enfants l’amour de la France ». Cet amendement s’inscrit dans cette philosophie. Quel est l’avis de la commission ? Votre amendement est satisfait, car l’histoire de France est enseignée dans chacune des classes de notre système éducatif. Quant à la conscience d’une appartenance commune fondées sur des valeurs partagées, notamment celles de la République, elle est également inscrite à l’article L. 111-1 du code de l’éducation, qui prévoit explicitement que la première mission de l’école est « de faire partager aux élèves les valeurs de la République ». Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? L’amendement est satisfait car, depuis la déclaration à laquelle vous avez fait référence, de nombreuses décisions ont été prises, notamment celle de publier des repères annuels de progression à l’école primaire comme au collège afin d’expliciter clairement les acquisitions attendues et les repères chronologiques en histoire de France. S’agissant du lycée de la voie générale, la refonte des programmes en seconde et en première a abouti à un enseignement chronologique de l’histoire dans le bloc commun.
Par ailleurs, nous avons créé l’enseignement de spécialités – histoire, géographie, sciences politiques, géopolitique – qui, si elles sont thématiques, laissent une large place à l’histoire de France. De toute manière, ces décisions sont juridiquement du ressort du conseil supérieur des programmes. L’amendement est satisfait quant au fond. Pour ce qui est de la forme, avis défavorable. (L’amendement no 530 n’est pas adopté.) Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 17, 67, 138 et 491, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 17, 67 et 138 sont identiques.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 17. Cet amendement tend à ce que le Parlement définisse le socle commun de connaissances et de compétences dans le code de l’éducation, en remplaçant la dernière phrase du premier alinéa de l’article 122-1-1 du code de l’éducation par deux phrases ainsi rédigées : « Ce socle comprend : la maîtrise de la langue française ; la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ; une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ; la pratique d’au moins une langue vivante étrangère ; la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication. Ces connaissances et compétences sont précisées par décret, après avis du conseil supérieur des programmes ». La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 67. M. Hetzel l’a très bien expliqué : il nous semble important de préciser dans la loi le contenu du socle commun de compétences. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 138. Nous sommes animés de la même volonté de définir dans la loi ce socle commun et je pense que nous pouvons nous retrouver quant au contenu : la maîtrise de la langue française, celle des mathématiques, une culture humaniste et scientifique qui permettra à chaque enfant d’exercer librement sa citoyenneté, la pratique d’une langue vivante étrangère et, enfin, la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication. Je ne vois pas qui pourrait s’opposer à ces cinq objectifs autour desquels nous pourrions nous rassembler. D’une certaine manière, ce serait la commande que la nation passerait auprès du système éducatif, charge à lui ensuite de définir les moyens d’y parvenir. Jusqu’à présent, le mécanisme inverse a prévalu : aucun objectif n’est assigné à notre système éducatif, mais on l’embête au quotidien avec des inspections qui entravent la liberté pédagogique des enseignants. Nous préférons, quant à nous, fixer de grands objectifs et faire confiance aux enseignants, à la communauté éducative, pour les atteindre. La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l’amendement no 491. « Ma patrie, c’est la langue française ». Ces mots d’Albert Camus traduisent notre sentiment lorsque l’on évoque la beauté et l’importance de notre langue. La langue française, au-delà de son aspect symbolique, a été et doit rester un outil de cohésion. La vocation assimilationniste de notre école repose directement sur la maîtrise de notre langue. Hélas, dans de nombreux territoires, la langue française est particulièrement maltraitée. L’école remplit donc un rôle fondamental dans l’apprentissage et la maîtrise de notre langue depuis le plus jeune âge jusqu’au cycle universitaire.
La mention de la maîtrise de la langue française qui figurait explicitement dans les dispositions de la loi du 23 avril 2005 relatives au socle commun de connaissances a disparu. Cet amendement tend donc à rétablir cette mention. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ? Je ne partage pas votre avis, monsieur Breton, selon lequel nous ne fixerions aucun objectif aux enseignants. Le socle commun, qui comporte cinq domaines de formation, est très clairement défini dans le décret. Vous proposez de l’inscrire dans la loi, ce que je ne pense pas opportun, car son contenu et les objectifs assignés aux enseignants dans les différents domaines sont déjà clairement définis. Il me semble nécessaire, au contraire, de faire preuve de souplesse en nous laissant la possibilité, le cas échéant, de le compléter. L’évolution des savoirs est telle qu’il est possible que nous devions ajouter un nouveau domaine à ce socle d’ici cinq ou dix ans – je pense ainsi au code. Plutôt que de l’inscrire dans le marbre, nous devons en laisser la responsabilité au conseil supérieur des programmes, qui définit l’ensemble des programmes, de la maternelle au baccalauréat. Avis défavorable à ces amendements. La parole est à M. le ministre. Même avis. La parole est à M. Patrick Hetzel. Je ne comprends pas vos arguments, madame la rapporteure. Vous connaissez pourtant bien notre système éducatif ! Le contenu du socle commun figurait dans la loi Fillon, et n’était pas seulement prévu par décret. Ne dites donc pas que cette mention est impossible. Le législateur en a le pouvoir. Dans un souci de clarté à l’égard des parties prenantes de l’éducation nationale, il serait pertinent d’inscrire le contenu du socle commun dans la loi. Nous ne comprenons pas pourquoi vous le refusez. Du reste, les décrets ne sont que rarement modifiés. Nous pourrions très bien changer quelques dispositions du code de l’éducation si le Gouvernement l’estimait nécessaire. Nous maintenons donc ces amendements très légitimes. (Les amendements identiques nos 17, 67 et 138 ne sont pas adoptés.) (L’amendement no 491 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir l’amendement no 698. Cet amendement de notre groupe tend à garantir une place dans l’enseignement secondaire aux élèves de 16 ans révolus qui, pour une raison ou une autre, ne sont plus inscrits après leurs 16 ans. Certains d’entre eux peuvent avoir décroché pour différentes raisons – échec scolaire, problèmes familiaux, problèmes d’orientation, fragilité psychologique, phobie scolaire ou autres problèmes. Or, il est parfois difficile pour ces jeunes de retrouver un établissement, en particulier dans les zones où la démographie est forte, et ils se retrouvent trop souvent en situation de décrochage, faute de trouver une place dans un établissement. Les solutions de scolarisation à domicile proposées par certaines académies ne sont pas suffisantes.
Cet amendement tend donc à compléter l’article L. 131-1 du code de l’éducation par la phrase suivante : « Tout enfant doit pouvoir être accueilli, entre 16 et 18 ans, dans un établissement d’enseignement secondaire le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande, afin d’accéder à un diplôme ». Cette mesure se justifie dans un souci d’égalité des chances. Quel est l’avis de la commission ? Nous partageons cet objectif d’accompagner tous les jeunes jusqu’à 18 ans. Le Gouvernement a déposé après l’article 3 un amendement, auquel je serai favorable, qui tend à imposer une obligation de formation pour tous les jeunes jusqu’à leur majorité.
Par ailleurs, votre amendement est satisfait car le code de l’éducation prévoit que tout mineur non émancipé dispose du droit de poursuivre sa scolarité au-delà de l’âge de 16 ans : « tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d’une durée complémentaire de formation qualifiante […] qui peut consister en un droit de retour en formation initiale sous statut scolaire. » Cette disposition peut s’appliquer au-delà de l’âge de 18 ans du jeune. Par ailleurs, quand les personnes responsables d’un mineur non émancipé s’opposent à la poursuite de sa scolarité au-delà de l’âge de 16 ans, une mesure d’assistance éducative peut être ordonnée afin de garantir le droit de l’enfant à l’éducation. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Pour les mêmes raisons, avis défavorable, même si cet amendement concerne ce sujet très important qu’est la situation des jeunes de 16 à 18 ans. Je présenterai, après l’article 3, un amendement auquel je tiens tout particulièrement et qui permet de dépasser les ambitions de cet amendement pour ce qui est de la formation de ces jeunes. La parole est à M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, vous faites allusion à un amendement du Gouvernement qui sera examiné après l’article 3. On aura l’occasion d’y revenir, mais ce procédé est tout de même surprenant, car il s’agit d’un amendement substantiel. Que de telles dispositions arrivent par voie d’amendement, c’est une pratique assez choquante ! La moindre des choses eût été d’avoir cette discussion en commission. Que vous ne l’ayez pas fait est une marque de mépris envers la représentation nationale. Vous dites vouloir créer la confiance, mais en réalité vous faites tout pour créer la défiance. (M. Xavier Breton applaudit.) La parole est à M. le ministre. Monsieur le député, pour tout dire, je trouve assez inapproprié le ton que vous employez. D’abord, il n’y a là aucune surprise, la mesure dont nous parlons ayant été, comme vous le savez, préparée très longuement, y compris dans le cadre de la consultation parlementaire sur le plan pauvreté. Mais pas en commission, monsieur le ministre ! Si, je l’ai mentionnée en commission.
D’autre part, depuis le début de l’examen du projet de loi, je n’ai cessé de dire que celui-ci avait vocation à évoluer, notamment par suite des interactions entre le Gouvernement et l’ensemble des députés, de la majorité comme de l’opposition. Vous en avez eu plusieurs illustrations. Vous ne pouvez pas, d’un côté, vous réjouir de cette souplesse et, de l’autre, vous en offusquer ! Je pense qu’il faut avoir des réactions proportionnées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Annie Genevard. J’imagine que nous reviendrons sur le sujet à la faveur de l’amendement du Gouvernement.
Madame la rapporteure, vous parlez d’un droit à la formation mais, en réalité, on repousse la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. Non ! Si : là est l’enjeu, puisque tout établissement doit pouvoir accueillir un jeune jusqu’à ses 18 ans – c’est bien ce qui est proposé dans l’amendement dont vous demandez le retrait au profit de celui du Gouvernement, n’est-ce pas ? Ce n’est quand même pas rien, cette mesure !
De surcroît, vous en faites un droit opposable. Mais non ! Si, puisque vous avez dit qu’un jeune doit pouvoir obtenir une place dans un établissement secondaire, même contre l’avis de sa famille. C’est déjà le cas ! Il va falloir que vous nous donniez des explications, parce que la proposition que vous allez faire et qui s’inscrit dans le droit fil du présent amendement, modifiera en profondeur la durée de la scolarité obligatoire. Je rappelle qu’au cours du précédent quinquennat, on s’est beaucoup interrogé sur l’âge auquel un jeune peut commencer son apprentissage. Cela avait donné lieu à débat : fallait-il fixer la limite d’âge à 14 ans, 15 ans ou 16 ans ? Or vous, vous rallongez encore la durée de la scolarisation. Et cela sans étude d’impact ! Voilà qui mériterait d’être solidement argumenté ! La parole est à Mme la rapporteure. Madame Genevard, je voudrais apporter une précision, car je crains que nous ne nous soyons mal comprises. En effet, je ne faisais que citer l’article L. 122-2 du code de l’éducation, qui prévoit déjà que « tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d’une durée complémentaire de formation qualifiante [qui] peut consister en un droit au retour en formation initiale sous statut scolaire ». Il y est ensuite précisé : « Lorsque les personnes responsables d’un mineur non émancipé s’opposent à la poursuite de sa scolarité au-delà de l’âge de 16 ans, une mesure d’assistance éducative peut être ordonnée […] afin de garantir le droit de l’enfant à l’éducation ». Il s’agit de la rédaction actuelle du code de l’éducation, telle qu’elle est issue de la loi de 2013. Non, de 2016 ! Dans ce cas, pourquoi proposez-vous un amendement ? Je ne propose pas d’amendement ! Chers collègues, merci d’éviter le ping-pong verbal.
La parole est à M. Xavier Breton. Nous venons d’assister au premier épisode de la série : « Najat Vallaud-Belkacem en rêvait, Jean-Michel Blanquer le fait ». (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, SOC et GDR.) Voici un amendement socialiste qui tend à prolonger la scolarité de 16 à 18 ans. Et que répond le ministre ? « Ne vous inquiétez pas, je vais aller encore plus loin » ! On le voit bien : c’est une inspiration socialiste qui est à la base de ce texte (Mêmes mouvements) , … Ne reniez pas vos origines ! …avec l’instruction obligatoire à partir de 3 ans et l’amendement que vous allez nous présenter. Dont acte.
On peut regretter que cela soit fait subrepticement, par l’intermédiaire d’un amendement et sans aucune étude d’impact permettant d’évaluer le coût exact d’une telle mesure et ses conséquences sur l’organisation de notre système éducatif.
Il s’agit là, je le répète, de dispositions purement idéologiques. Cet échange nous en a donné la preuve. La suite au prochain épisode ! (L’amendement no 698 n’est pas adopté.) Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 129, 966, 504, 19 et 65, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 129 et 966 sont identiques.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 129. Il s’agit d’un amendement important, qui touche à un article non moins important du code de l’éducation, l’article L. 131-1-1, selon lequel « [l]e droit de l’enfant à l’instruction a pour objet de lui garantir […] l’éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique ». Rien que ça ! Ce sont là des notions essentielles.
Or, il n’est pas fait mention du rôle de la famille dans cette éducation. Nous proposons donc que, dans cet article crucial, qui exprime une certaine vision de l’éducation, il soit indiqué que, si le système éducatif peut prendre part à celle-ci, ce soit dans le respect de l’éducation transmise par la famille. Pour nous, en effet, les premiers éducateurs d’un enfant, ce sont ses parents.
Une certaine approche tend, à travers la notion de coéducation, à tout globaliser. Selon cette conception, l’État se trouverait à égalité avec les familles, ou devrait même les marginaliser en préemptant, à leur détriment, l’éducation de l’enfant. Ce que nous souhaitons, pour notre part, c’est que soit inscrit dans la loi que la famille est le premier éducateur des enfants et que, si l’éducation nationale contribue à cette éducation, ce qui est bien normal, cela doit se faire dans le respect de la famille.
Si vous refusez cela, les choses seront claires. Sera ainsi affirmée la volonté de tutelle de l’État sur les enfants, volonté qui se traduira par des dispositions visant à rendre l’instruction obligatoire dès 3 ans et au-delà de 16 ans, ainsi que par la tentative de marginaliser les familles et de mettre les enfants directement sous la coupe d’un État Léviathan, ce que nous ne souhaitons pas. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 966. Je souscris à tout ce que vient de dire mon collègue Breton.
L’objet du présent amendement est d’inscrire dans la loi le respect des choix éducatifs des parents ou des responsables légaux de l’enfant. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne va pas de soi – malheureusement. Les ministres qui se sont succédé n’ont guère rassuré les parents sur ce sujet. Vincent Peillon se référait sans complexe à l’idéologie révolutionnaire et Najat Vallaud-Belkacem lançait des plans de lutte contre les discriminations qui diffusaient, en réalité, des théories loin d’être neutres, notamment à l’égard des familles. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et SOC.) Votre mesure d’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans présente le même risque. En 1793, Le Peletier de Saint-Fargeau estimait déjà que « jusqu’à 6 ans l’enfant échappe à la vigilance du législateur, et que cette portion importante de la vie reste abandonnée aux préjugés subsistants et à la merci des vieilles erreurs ». Si le contexte a changé, vous continuez, monsieur le ministre, à affirmer que cette période de la vie ne peut pas être laissée au hasard.
Il me semble au contraire important de réaffirmer avec force que les parents ne doivent pas être dépossédés de leur mission d’éducation, à moins qu’ils ne démissionnent et qu’on ne les déresponsabilise complètement. Il est d’ailleurs inscrit à l’article 26, alinéa 3, de la Déclaration universelle des droits de l’homme que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Si l’instruction obligatoire est très largement assurée par les écoles, il est nécessaire que l’éducation qui en découle vienne en complément, et non en substitution.
La mesure que je propose serait par conséquent bénéfique au lien de confiance entre l’éducation nationale et les parents, lien qui est au centre de votre projet de loi. La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l’amendement no 504. Cet amendement s’inscrit dans la même ligne que les deux précédents.
Vous avez voulu, monsieur le ministre, donner à votre projet de loi le titre : « Pour une école de la confiance ». Le présent amendement s’inscrit dans cette perspective. Notre code de l’éducation doit souligner que l’éducation reçue à l’école – à laquelle les parents confient leur enfant – est à la fois complémentaire et respectueuse de celle qui est reçue dans le cadre familial.
Comme l’a rappelé ma collègue Ménard, l’article 26, alinéa 3, de la Déclaration universelle des droits de l’homme souligne que ce sont les parents qui sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Afin d’éviter une opposition entre les deux sources d’éducation pour les enfants – leur famille et leur école –, nous proposons de graver ce principe dans la loi. Ainsi, la confiance des parents envers l’école ne pourra que s’accroître. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n o 19. Nous avons déjà eu ce débat en commission, mais il est nécessaire, je crois, de l’avoir à nouveau dans l’hémicycle.
Le problème est simple : il y a, d’un côté, l’éducation et, de l’autre, l’instruction. Ce que nous souhaitons voir figurer dans le code de l’éducation, c’est que les premiers éducateurs des enfants sont les familles et que le rôle premier de l’État est d’instruire.
Vous avez, monsieur le ministre, fait référence à la notion de coéducation. Nous considérons quant à nous que les familles sont les premiers éducateurs et qu’il n’y a pas à parler de coéducation, le rôle principal de l’État étant d’instruire. C’est pourquoi nous sommes plusieurs à avoir déposé ces amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 65. Monsieur le ministre, il me semble important d’inscrire dans la loi que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, car le respect de la liberté d’opinion est d’ordre constitutionnel. Le droit de respirer aussi ! Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ? Ces amendements soulèvent la question des relations entre la famille et l’école. Certains de collègues siégeant à la droite de l’hémicycle s’inquiètent d’une éventuelle menace que l’école ferait peser sur les parents et sur les valeurs que ceux-ci transmettent à leurs enfants. Nous n’avons pas dit cela ! Le problème, c’est l’État ! De façon sous-jacente, ils s’inquiètent d’une prétendue volonté d’instaurer une rivalité entre la famille et l’école.
Je veux les rassurer : personne ne songe un seul instant à remettre en cause ou à contester l’éducation transmise par les parents, ni les valeurs transmises aux enfants dans le cadre de l’éducation familiale. Encore heureux ! Personne ne conteste non plus le fait que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, comme l’affirme la Déclaration universelle des droits de l’homme. Au contraire, sur bien des aspects, le projet de loi tend à renforcer la place des parents au sein de l’école et leur participation à la vie de celle-ci. Dans ce cas, écrivez-le ! On sait que, si l’on veut favoriser la réussite des enfants, il faut que s’instaure une relation de confiance entre les parents et l’école, afin que l’enfant soit entouré d’adultes bienveillants qui veillent ensemble à sa réussite.
Toutefois, l’école a aussi, ne vous en déplaise, ses propres missions, notamment celle de permettre aux enfants de découvrir le monde, de se confronter à l’altérité et de se forger sa propre opinion, ses propres convictions et ses propres valeurs. En effet, l’école est aussi intrinsèquement émancipatrice. Aller à l’école, ce n’est pas simplement s’instruire : c’est aussi, parfois, s’émanciper de sa famille, tracer son chemin et gagner sa liberté. Je pense en particulier à Malala et aux millions de petites filles privées d’école par leur famille à travers le monde : pour elles, l’école est nécessaire et émancipatrice.
Avis défavorable sur la totalité des amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Sur ce débat, que vous avez placé sous un angle philosophique et historique, nous pourrions passer plusieurs heures. Pour l’aborder dans des conditions saines, cependant, gardons-nous de caricaturer jamais la position de l’autre. Vous vous êtes employés à inscrire le texte dans je ne sais quelle filiation autoritaire, ou dans celle de Saint-Just, ce qui est évidemment absurde. Comme toujours, ce qui est excessif est dérisoire.
Je l’ai dit au commencement de nos débats : par « école de la confiance » il faut entendre, notamment, la confiance entre les parents et l’école. Personne ne nie le rôle primordial des parents, ne serait-ce que par une évidence chronologique. Loin de nous, donc, l’idée de contester en quoi que ce soit le rôle éducatif de la famille.
Vous vous êtes aussi fondés sur la distinction classique entre l’instruction et l’éducation. Le premier rôle de l’école est l’instruction, c’est exact, mais il n’y a pas lieu de l’opposer à l’éducation. Tout cela est même un peu paradoxal par rapport à nos discussions précédentes, où l’on vous a entendus plaider, de façon vibrante et avec des arguments auxquels je souscrivais en partie, pour l’apprentissage de La Marseillaise et des emblèmes nationaux. Cet apprentissage, vous souhaitez donc le confier à l’école. Dès lors, que faire, selon vous, si une famille est contre notre hymne et contre nos emblèmes ? L’école ne doit-elle pas, surtout en pareil cas, transmettre les valeurs qui sont celles de notre pays ?
Entre les familles et la communauté éducative, nous devons bien plutôt assurer une convergence, dans une optique de coéducation. Ce dernier mot, je l’assume pleinement : loin de nier le rôle de la famille, nous l’inscrivons dans cette nécessaire convergence, sans oublier le rôle émancipateur de l’école que rappelait Mme la rapporteure, car chaque trajectoire est particulière.
Nous avons à relever des défis sociétaux considérables, en particulier vis-à-vis des petites filles. Sur ce plan, l’instruction obligatoire dès l’âge de 3 ans fait partie des réponses que nous pouvons apporter. En général, vous êtes assez sensibles aux conflits sociétaux ; aussi je m’étonne, alors même que nous cherchons à y répondre – prolongeant en cela le débat que nous avions eu sur la loi Gatel –, de vous entendre invoquer des références assez anciennes, vous abritant ainsi derrière la théorie. Cela vous permet d’occulter le fait que c’est nous qui, en l’espèce, luttons contre les facteurs d’asservissement, en particulier des petites filles.
Je vous invite donc à réfléchir, non seulement aux tenants de vos raisonnements, mais aussi à leurs aboutissants pratiques. L’avis est évidemment défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à Mme Sabine Rubin. Je souscris mot pour mot à ce que viennent de dire M. le ministre et Mme la rapporteure. Sans blague ? J’ajoute, mes chers collègues, que les enfants s’influencent aussi entre eux : on se « co-éduque » en société, aucun de vos amendements ne permettra d’y échapper. Vous n’allez pas maintenir les enfants sous cloche !
Je veux aussi relever l’aberration que constituent ces amendements. Hier, leurs auteurs pointaient la difficulté de rendre effectives les notions d’« exemplarité » et de « confiance ». Mais comment vérifier que l’école respecte les valeurs de la famille, que vous voulez inscrire dans la loi ? Les enseignants devraient-ils demander aux enfants quelles sont leurs valeurs, et leur dire qu’ils les respecteront ? Cela n’a pas plus de sens que les propositions sur l’exemplarité, dont nous débattions hier soir. La parole est à M. Xavier Breton. Pour être théoriques, ces échanges n’en sont pas moins intéressants. À la question de savoir si les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, vous venez de nous faire, monsieur le ministre, la même réponse, mot pour mot, que Vincent Peillon il y a quelques années dans cet hémicycle, lors de l’examen du projet de loi dit de « refondation de l’école », termes aussi prétentieux que ceux d’« école de la confiance ». Oui, répondait M. Peillon, les parents sont les premiers éducateurs, au moins d’un point de vue chronologique.
Pour notre part, et c’est là toute la différence, nous estimons que l’affaire n’est pas seulement chronologique. Premiers éducateurs, les parents le sont, à nos yeux, de façon primordiale. Il peut arriver qu’ils ne soient pas en mesure d’assurer ce rôle éducatif, lequel est alors pris en charge, mais à titre seulement subsidiaire, par l’État.
Sur ce point, votre désaccord signe une vision collectiviste, socialiste de l’éducation. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Il y a encore de la marge ! (Sourires.) Ma deuxième remarque concerne le mot « émancipation ». Il s’agirait, selon Mme la rapporteure, de s’émanciper de la famille ; mais la famille, ce n’est pas une malédiction ! C’est même souvent une bénédiction ; c’est le lieu où l’on se retrouve, où l’on peut partager les joies comme les épreuves. Nous ne partageons pas votre vision négative de la famille et, au mot « émancipation », nous préférons celui d’« épanouissement ». Un enfant peut s’épanouir avec ce qui lui est donné ; et ce qui lui est donné, c’est sa famille.
De temps à autre, il est vrai, les familles ne sont pas à la hauteur ; mais c’est, là encore, une exception. Demandez-le à nos compatriotes : la famille est le lieu où, bien souvent, ils trouvent refuge et réconfort, lorsque survient un accident de la vie, lorsqu’ils se retrouvent au chômage ou font face à des maladies, à des épreuves.
C’est là notre différence de fond : vous voulez émanciper les enfants de leurs familles, quand nous voulons qu’ils s’y épanouissent. Deux visions de l’école s’opposent donc, et nous assumons la nôtre. La parole est à Mme Nadia Essayan. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, oui, mais pas toujours, malheureusement. Inscrire dans la loi que l’école doit respecter les valeurs reçues des parents risque de soulever de sérieuses difficultés d’application. Ne serait-ce que pour des raisons pragmatiques, nous gagnerions donc à faire l’impasse sur ces amendements. (Les amendements identiques nos 129 et 966 ne sont pas adoptés.) (Les amendements nos 504, 19 et 65, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Danièle Cazarian, pour soutenir l’amendement no 745. Je propose de compléter l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation par les mots : « dans le respect des exigences minimales de la vie en société », notion juridique consacrée par le Conseil constitutionnel en 2010 dans son arrêt relatif à la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, puis par la Cour européenne des droits de l’homme.
Cet amendement regroupe donc, en une expression unique, un corpus de textes et de principes relatifs au vivre ensemble, qu’il s’agisse de la lutte contre les violences faites aux femmes, contre le harcèlement, contre les discriminations ou contre les dérives sectaires et radicales.
Dans un contexte sociétal fragile, l’école républicaine doit réaffirmer avec force qu’elle est un lieu de transmission de la tolérance et des valeurs républicaines. Au moment où M. le ministre entend faire du respect d’autrui l’un des piliers de l’école républicaine, il me semble utile de compléter, dans le sens que je propose, l’article du code de l’éducation qui décline les objectifs du droit à l’instruction. Quel est l’avis de la commission ? Dans le code de l’éducation, le droit de l’enfant à l’instruction recouvre la garantie qui lui est donnée, à travers l’éducation reçue, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté. Vous proposez ici, ma chère collègue, de compléter cette disposition par la mention des « exigences minimales de la vie en société », qu’incluent déjà – et même dépassent, me semble-t-il –, les valeurs de la République et l’exercice de la citoyenneté. Aussi votre amendement me paraît-il satisfait : avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. (L’amendement no 745 n’est pas adopté.) Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 20, 75 et 130.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n o 20. Il s’agit de préciser que « l’éducation au numérique » – désormais indispensable – « inclut un volet prévention et gestion de l’image numérique ».
Notre collègue Berta, en commission, s’était exprimé sur ce sujet qui est l’une de ses spécialités universitaires. De fait, il apparaît essentiel que tout enseignement des technologies du numérique s’accompagne de leur mise en perspective, ce qui implique la prévention de leurs risques potentiels. Ce sujet, au demeurant, en rejoint d’autres dont nous avons précédemment débattu, comme le harcèlement sur les réseaux sociaux. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 75. Les risques liés à internet, importants, sont insuffisamment connus des enfants et des familles. Dès lors, l’enseignement du numérique doit absolument comprendre un volet prévention afin d’éduquer les enfants aux dangers d’internet et du numérique. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 130. Cet amendement, identique aux deux précédents, est en quelque sorte d’appel – puisque l’on m’objectera sans doute que des dispositions existent déjà sur le sujet.
Hier, en fin de matinée, j’étais devant une classe de CM2 qui, dans ma circonscription, participe au Parlement des enfants, dont le thème, cette année, est le bon usage du numérique. Les élèves de cette classe ont rencontré ceux des autres classes de la même école primaire, notamment en maternelle. Et les enfants de CM2 étaient effarés par l’utilisation que leurs camarades de maternelle font déjà du numérique : ils s’interrogeaient sur leur exposition aux écrans le soir ou sur le rôle des parents.
Nos débats de tout à l’heure sur la conception de l’éducation, qui traduisaient pourtant des convictions, ont pu être jugés théoriques – je l’entends bien – mais, sur l’usage du numérique, il y a une véritable urgence. De ce point de vue, le thème retenu pour le Parlement des enfants est d’un grand intérêt, car il incitera des classes, dans l’ensemble de nos circonscriptions, à réfléchir à la maîtrise de l’information et des médias. Ce thème se développe dans l’éducation, mais nous devons, je crois, aller plus loin, compte tenu de l’urgence que je signalais.
Encore une fois, lorsque l’on entend des enfants de CM2 s’inquiéter de l’usage des écrans qui est fait par leurs petits frères et leurs petites sœurs, cela peut nous interroger. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ? En commission, sur le même sujet, je vous avais rappelé que l’article L. 131-2, visé par ces amendements, ne concerne pas l’éducation au numérique proprement dite, mais le service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance, ce qui est sensiblement différent.
J’ajoute que ces amendements sont satisfaits par l’article L. 312-15, lequel dispose que, dans le cadre de l’enseignement moral et civique, « les élèves sont formés afin […] d’acquérir un comportement responsable dans l’utilisation des outils interactifs lors de leur usage des services de communication au public en ligne. Ils sont informés des moyens […] de maîtriser leur image publique, des dangers de l’exposition de soi et d’autrui, des droits d’opposition, de suppression, d’accès et de rectification prévus par la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que des missions de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ». Avis défavorable, donc. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même si certains points qui viennent d’être soulevés sortent du champ même de l’amendement, je tiens à rappeler que l’exposition des plus petits aux écrans est un vrai sujet. Sur ce phénomène de société, qui ne touche évidemment pas que la France, nous demeurons en alerte, y compris dans le cadre de la formation initiale et continue des professeurs, avec l’objectif de faire respecter certaines règles de non-exposition des enfants aux écrans.
D’une certaine manière, il s’agit d’un sujet de santé publique. Au reste, des témoignages de professeurs de maternelle convergent avec ce qui vient d’être décrit : ils soulignent à quel point, année après année, la concentration des enfants qui arrivent va déclinant. C’est aussi l’une des raisons qui peuvent justifier l’instruction obligatoire à partir de 3 ans et les messages sur la maternelle que nous allons délivrer.
Vous avez aussi évoqué, ce qui est peut-être plus au cœur de ces amendements, la protection de l’image et le droit à la vie privée, sujet qui appelle en effet une éducation dès le plus jeune âge. Mme la rapporteure vient de vous donner des éléments de réponse sur ce point. L’éducation nationale, déjà mobilisée sur la question, dispose de tous les outils juridiques à cette fin, mais il est évident que cette question doit devenir centrale.
Ici encore, nous retrouvons les deux mots-clés que sont la protection et l’ambition. Ces mots, nous les voyons traduits dans les évolutions du programme des élèves, d’abord au lycée, où le bloc commun de la classe de seconde comporte un enseignement des technologies et de l’informatique qui fait une place à l’éthique : cela est complémentaire de ce que l’on trouve, en cette matière, dans l’éducation morale et civique, qu’évoquait Mme la rapporteure. Nous les trouvons aussi dans l’enseignement de spécialité de numérique et sciences informatiques de première et de terminale.
Ainsi se déploie notre stratégie faite de protection et d’ambition. Il ne faut pas sous-estimer les problèmes qui ont été soulevés : ils sont très importants, et même centraux. Mais ils peuvent être résolus par les mesures qui existent déjà. Les amendements sont donc satisfaits, d’où mon avis défavorable. La parole est à Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, lorsque j’étais maire, nous étions très fiers, je m’en souviens, d’équiper nos écoles primaires en salles informatiques et en matériel approprié, car nous avions le sentiment de donner ainsi à nos élèves des outils supplémentaires destinés à la réussite scolaire. En revanche, lorsque l’on nous a demandé d’équiper aussi les écoles maternelles en ordinateurs, j’étais instinctivement très réticente, et j’ai résisté le plus longtemps possible avant de le faire, considérant que, chez un très jeune enfant, la plus-value éducative n’allait pas de soi. Puis est venu le moment où je n’ai plus pu résister, parce que les programmes scolaires prévoyaient cet équipement et qu’il nous fallait nous soumettre à l’obligation de fournir des écrans dès la maternelle.
Aujourd’hui, la donne a changé : vous l’avez dit, il s’agit désormais d’un problème de santé publique. Les exemples se multiplient d’enfants qui se désocialisent, mettent en péril leur santé et vivent un état d’addiction ; pour leurs familles, la difficulté à comprendre le phénomène et à le résoudre est immense.
Dans ce contexte, les amendements en discussion peuvent être considérés comme des amendements d’appel – vous les dites satisfaits – destinés à nous faire réfléchir à l’âge plancher auquel il conviendrait d’introduire l’informatique. Je vois de très jeunes enfants qui, hors de l’école, avec leurs parents, manipulent des tablettes avec une incroyable dextérité : ils savent très bien faire et il n’est pas nécessaire de les exposer trop précocement dans le cadre scolaire aux écrans, dont les atouts sont infiniment moindres pour eux que les risques. Il s’agit bien d’un appel : le sujet mérite en lui-même que nous y réfléchissions. Oui, c’est un beau sujet ! La parole est à Mme Nadia Essayan. Nous partageons les réserves qui viennent d’être exprimées. Nous préférons néanmoins soutenir l’amendement ultérieur de notre collègue Aude Luquet, qui va dans le même sens. (Les amendements identiques nos 20, 75 et 130 ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de trois amendements, nos 681, 195 et 307, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 195 et 307 sont identiques.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement no 681. Il vise à prévenir les risques et dérives inhérents aux réseaux sociaux.
D’après une étude approfondie de la CNIL – Commission nationale de l’informatique et des libertés – relative aux pratiques des enfants sur les réseaux sociaux, la grande majorité des adolescents naviguent seuls sur ces derniers en utilisant leur smartphone.
Visitant une classe de CM2, il y a un mois, dans le cadre du Parlement des enfants, je me suis aperçue que 80 % des élèves avaient un téléphone portable et une tablette, qu’ils utilisaient tous les jours pour aller sur les réseaux sociaux.
Or, si ces réseaux peuvent à certains égards être considérés comme représentant un progrès social, leur utilisation n’en est pas moins susceptible de conséquences néfastes. La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 195. Cet amendement déposé à l’initiative de Damien Abad va dans le même sens. Si le réseau social est un espace plutôt civilisé, les risques y sont démultipliés par la résonance propre à internet. De fait, 18 % des 8-17 ans y ont déjà été insultés et plus d’un tiers ont été choqués par certains contenus – spontanément, ils citent d’abord les contenus à caractère sexuel, puis les contenus violents, racistes et homophobes.
Seuls 10 % de ceux qui ont été choqués en ont parlé à leurs parents ; ils le font plus facilement quand le sujet des réseaux sociaux est abordé en famille. Les élèves ne se rendent pas toujours compte des conséquences de leurs actes. La plupart du temps, ils ne maîtrisent pas vraiment le fonctionnement des réseaux qui sont mis à leur disposition.
Voilà pourquoi l’enseignement du numérique doit absolument comprendre un volet consacré à la prévention des risques liés aux réseaux sociaux. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement identique no 307. Les réseaux sociaux sont très utilisés par les réseaux pédophiles ou par les harceleurs. Il est donc indispensable de sensibiliser les élèves aux dangers d’une trop grande exposition de leur vie privée sur ces réseaux. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ? Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Quel est l’avis du Gouvernement ? Tous les problèmes soulevés ici sont réels et très importants, il ne s’agit aucunement de le nier. Nous considérons toutefois que les amendements sont satisfaits. Je n’entrerai pas dans les détails, mais la sensibilisation aux réseaux sociaux et l’éducation aux médias, certes essentielles, sont déjà inscrites dans le code de l’éducation. Bravo ! C’est vrai ! (L’amendement no 681 n’est pas adopté.) Rappel au règlement, monsieur le président ! Il y a un problème : certains n’ont pas levé la main lors du vote !
Vous avez la parole, monsieur Hetzel.
Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement. Je suis désolé, monsieur le président, mais, lors du vote, nous avons été bien plus nombreux à voter pour l’amendement qu’à voter contre.
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Si l’hémicycle est amorphe, tirez-en les conséquences : en toute objectivité, l’amendement que nous venons de voter devrait être adopté.
(Exclamations sur divers bancs.)
Il a raison !
Désolé, mais ce n’est pas du tout ce que j’ai vu, monsieur Hetzel – et je vous assure que je regarde ! Vous pourrez vérifier : je n’ai jamais les yeux baissés sur mes papiers pendant un vote.
Mettez les images ! Montrez-nous le replay !
(Les amendements identiques nos 195 et 307 ne sont pas adoptés.)
Ah, voilà ! Je vous ai réveillés !
Merci, monsieur Hetzel !
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 223.
L’article L. 131-2 du code de l’éducation instaure un service public de l’enseignement numérique et de l’enseignement à distance, qui prolonge l’offre d’enseignement proposée dans l’établissement et facilite la mise en œuvre d’une aide personnalisée aux élèves. Il met aussi à la disposition des enseignants des ressources pédagogiques, des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec la famille de ces derniers, ainsi que des contenus et services destinés à leur formation initiale et continue, et permet d’assurer l’instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés en établissement.
Le présent amendement vise à compléter cet article afin de donner la place qui leur revient aux élèves à besoins éducatifs particuliers, en améliorant l’aide personnalisée dans le cadre du service public de l’enseignement à distance et de l’enseignement numérique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) Il est bien, cet amendement ! Oui, mais il est sûrement satisfait ! Quel est l’avis de la commission ? L’amendement est satisfait : aux termes de l’article L. 131-2 du code de l’éducation, le service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance vise à « mettre à disposition des écoles et des établissements scolaires une offre diversifiée de services numériques permettant de prolonger l’offre des enseignements qui y sont dispensés », à « proposer aux enseignants une offre diversifiée de ressources pédagogiques, des contenus et des services contribuant à leur formation ainsi que des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec les familles », et enfin à « contribuer au développement de projets innovants et à des expérimentations pédagogiques favorisant les usages du numérique à l’école ». Avis défavorable. (L’amendement no 223, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 792 et 956.
La parole est à Mme Maud Petit, pour soutenir l’amendement no 792. Il vise à faire reconnaître clairement la mission de la médiation éducative, considérée comme l’un des outils qui contribuent à favoriser une scolarité réussie pour les enfants rencontrant des difficultés dans le système scolaire, ainsi que pour leurs familles.
L’absentéisme récurrent, l’échec scolaire et le décrochage scolaire sont des problèmes réels, que nous évoquons régulièrement au sein de cette assemblée. Par l’accompagnement des familles dans leurs démarches administratives, celui des parents dans l’exercice de leur rôle de parents d’élève et par l’appréhension des difficultés liées à la précarité du logement, la médiation éducative réduit la distance entre les familles et l’institution scolaire, ce qui est précisément le but du présent texte.
La mesure s’inscrirait par ailleurs dans la lignée de l’article 2 de la proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires, lequel encourage le recours à des mesures d’accompagnement à la parentalité : la médiation éducative est un outil parfaitement adapté à cette visée.
La pratique professionnelle de la médiation scolaire existe depuis plusieurs années en France, au sein d’associations ou de l’éducation nationale, mais les postes sont épars, en nombre insuffisant et tributaires des volontés locales au sein des académies. L’article que nous proposons d’introduire définira et encadrera les modalités d’intervention des médiateurs et prévoira la mise en œuvre de référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques. La parole est à Mme Fabienne Colboc, pour soutenir l’amendement n o 956. La médiation éducative fait en effet partie des moyens permettant de lutter contre la déscolarisation et la rupture de scolarité. Aujourd’hui encore, beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école parce qu’ils vivent dans une grande pauvreté qui ne permet pas la satisfaction de leurs besoins fondamentaux. Les parents confrontés à des conditions de vie aussi difficiles ne voient pas en l’école un lieu où peut se construire l’avenir de leurs enfants. Cette pauvreté entraîne un éloignement social et, par conséquent, les éloigne de l’école.
La médiation existe déjà dans certains établissements. Elle fait partie de la mission des enseignants chargés de la scolarisation des enfants de familles itinérantes ou de voyageurs. Elle s’exerce aussi bien à l’extérieur de l’école, par la rencontre avec les familles qui en sont éloignées – alors que la précarité des conditions de vie de ces familles est souvent inadaptée à l’accomplissement d’une scolarité, la médiation rapproche les enfants de l’école et leur redonne confiance –, qu’à l’intérieur, par un accompagnement des enfants permettant de vérifier leur assiduité et leur bonne intégration, et d’éviter les ruptures scolaires, car la stigmatisation et les difficultés de socialisation sont souvent des facteurs de déscolarisation.
La médiation doit, bien sûr, être complétée par d’autres politiques publiques telles que la lutte contre l’habitat indigne et les dispositifs d’aide sociale et d’accès à la santé.
La mission de médiation doit être valorisée au sein des établissements, pour accompagner les parents confrontés à des difficultés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives et pour que tous les enfants de la République aient accès dès l’âge de 3 ans à la socialisation, à la mixité sociale et à l’apprentissage des savoirs fondamentaux. Tel est le sens de cet amendement.
Plus largement, il fait écho aux dix-sept objectifs de développement durable axés sur l’être humain qu’a fixés l’Organisation des Nations unies dans le cadre de l’agenda 2030. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ? Vous l’avez dit, madame la députée, la médiation éducative est l’un des outils de la réussite scolaire par l’accompagnement des enfants et des familles les plus éloignés de l’école et les plus pauvres.
Vous souhaitez valoriser le rôle des personnes qui contribuent ainsi à réduire la distance entre l’école et ces familles, mais je ne suis pas sûre que ce soit en leur imposant des référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques que l’on facilitera leur travail et que l’on améliorera les relations entre la famille et l’école. Il ne me paraît pas véritablement souhaitable que l’on reconnaisse dans la loi cette mission bénévole. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je vous remercie, mesdames les députées, de ces amendements qui insistent sur l’élément très important qu’est la médiation éducative. Il n’est pas question de méconnaître cette importance, à laquelle nous devrons être très attentifs à l’avenir. Toutefois, comme l’a dit Mme la rapporteure, ce n’est pas par la présente loi que nous allons procéder aux évolutions par ailleurs indispensables. Mais il est évident que ces évolutions, notamment au titre du soutien à la parentalité, feront abondamment référence à cette dimension. Avis défavorable, donc. (Les amendements identiques nos 792 et 956 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Michel Larive, pour soutenir l’amendement no 333. Depuis 2007, une école a fermé chaque jour. Le présent texte ne freinera pas cette évolution. Nous considérons pourtant qu’il est du devoir de l’État de se fixer des objectifs ambitieux pour l’éducation, notamment pour que chacun ait les mêmes chances de réussite à l’école. Or parmi les inégalités que produit le système d’éducation actuel, il en est une qui concerne le temps de trajet pour se rendre dans son établissement scolaire : un temps long dans les transports en commun ou à bord d’un véhicule familial, c’est autant de temps en moins par rapport à un autre élève qui vit à proximité de l’école, et autant de fatigue accumulée.
Puisque nous devons assurer la continuité territoriale du service public de l’éducation, nous proposons que cet objectif soit fixé par la loi. Dans un département comme l’Ariège, le vote d’un tel amendement sera une chance. Les zones rurales sont en effet désertées par les services publics essentiels au point qu’on peine à attirer une population jeune, en âge d’avoir des enfants. Cette situation a créé, à cause d’un objectif purement comptable, un réel sentiment d’injustice dans les zones rurales de métropole et d’outre-mer.
Le présent amendement vise à réaliser un maillage territorial efficace et égalitaire du service public de l’éducation. Quel est l’avis de la commission ? L’article L. 113-1 du code de l’éducation dispose déjà que « tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l’âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande » ; quant à l’article L. 212-2, il pose le principe que « toute commune doit être pourvue au moins d’une école élémentaire publique », même si des regroupements sont possibles. Par ailleurs, les décisions d’affectation prennent en considération, bien entendu, le critère de proximité de l’école par rapport au domicile. Donc, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ne peux que vous répéter, monsieur le député, ce qui a été dit hier sur l’importance de l’école primaire rurale. Outre les arguments que vient d’exposer Mme la rapporteure, il faut faire preuve d’un grand pragmatisme sur ces questions. Or, l’esprit de votre amendement se retrouve dans les dispositions du code de l’éducation rappelées par la rapporteure, ainsi que dans les consignes données aujourd’hui même aux inspecteurs de l’éducation nationale. Nous maintenons des écoles – j’en ai encore visité tout récemment dans plusieurs parties de la France – qui comptent très peu d’élèves, précisément pour tenir compte de ce critère.
Rendre le code de l’éducation trop rigide en la matière pourrait se révéler contre-productif au regard de l’objectif poursuivi. Avis défavorable, même si cet avis n’est évidemment pas contradictoire avec l’extrême attention que nous devons prêter à la spécificité de chaque école rurale. Sur l’amendement no 630, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Julien Aubert. Je suis favorable à l’amendement. Le ministre soutient qu’il serait satisfait par le code de l’éducation, mais la réalité de la continuité du service public dans les zones rurales est un réel sujet de préoccupation. Sur les bancs du groupe Les Républicains, très nombreux sont les collègues qui vous ont interrogé, monsieur le ministre, sur le non-respect de la parole du président Macron quant à la fermeture des classes en milieu rural. Voilà qui doit être dur à entendre… Or, si l’on veut développer les zones rurales, on a besoin d’une vraie politique d’aménagement du territoire.
Ce que vous appelez rigidité, c’est en effet le coût qu’il faut supporter pour maintenir des services publics qui sont, par définition, non rentables, a fortiori dans des territoires dont la démographie n’atteint pas la jauge nécessaire. Cette rigidité budgétaire, c’est le service public. Nous ne parviendrons pas à maintenir des populations jeunes dans ces territoires si nous ne menons pas une politique qui contredise les évolutions démographiques. Pas terrible, cette argumentation ! Un peu démagogique. La parole est à M. Michel Larive. Madame la rapporteure, monsieur le ministre, je comprends bien les dispositions du code de l’éducation auxquelles vous vous êtes référés. L’article L. 212-2 dispose certes que toute commune doit être pourvue d’au moins une école élémentaire publique dans un rayon de trois kilomètres, mais ce n’est quasiment jamais le cas en Ariège où la distance minimale séparant les regroupements pédagogiques intercommunaux – RPI – est de cinq à dix kilomètres. Il y a donc, d’un côté les textes et, de l’autre, la situation effectivement constatée dans les départements ruraux, qui est celle que je vis et qui est très éloignée de celle que vous évoquez. (Murmures sur divers bancs.) C’est démagogique. (L’amendement no 333 n’est pas adopté.) Mes chers collègues, je vous demande, par respect de l’orateur qui s’exprime, de tenir vos conversations particulières en chuchotant.
La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour soutenir l’amendement no 630. Très bien, monsieur le président. On se croirait à l’école… C’est de circonstance. (Sourires.) Lors de son discours devant le Sénat à l’occasion de la conférence nationale des territoires, le 18 juillet 2017, le Président de la République avait déclaré que « les territoires, en particulier les plus ruraux, ne peuvent plus être la variable d’ajustement de l’économie », ajoutant qu’« il n’y aura plus de fermetures de classes dans les écoles primaires ». Vingt mois plus tard, force est de constater que cette promesse n’a pas été tenue : environ 300 classes en milieu rural ont ainsi été fermées à la rentrée 2018. Pour la rentrée 2019, de nombreuses fermetures sont également attendues. Elles sont très préjudiciables à la qualité et à la dynamique de l’enseignement dans les zones rurales.
Le présent amendement vise donc à faire en sorte que chaque famille dispose d’une école à une distance raisonnable de son domicile, déterminée par décret en Conseil d’État. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ai peur de lasser l’auditoire, madame la députée, mais c’est vous qui m’y poussez. Je décline par conséquent toute responsabilité. Je n’ai pas de chance avec vous ! J’ai encore répondu aujourd’hui à deux questions au Gouvernement sur le sujet. Je peux renouveler avec chaque député l’exercice auquel je me suis livré avec M. Juanico cet après-midi : je vais comparer le nombre de fermetures de classes en milieu rural sous les quinquennats dont vous avez soutenu les gouvernements avec le nombre de fermetures intervenues lors des trois dernières rentrées et, à chaque fois, ce ne sera pas à votre avantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Mais qu’en est-il de l’engagement du Président de la République ? En ce qui concerne l’engagement du Président de la République, tout le monde doit faire preuve d’honnêteté intellectuelle. Vous répétez sans arrêt une phrase que vous détachez de son contexte. Or, lorsque le Président de la République l’a prononcée, en juillet 2017, elle ne concernait que la rentrée 2017. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Bien entendu, il n’a jamais dit qu’il n’y aurait pas de fermetures de classes au cours des années suivantes. (Protestations sur les bancs des groupes LR et SOC.) C’est trop facile ! Reprenez le discours et vous le verrez très bien – c’est, je le répète, une question d’honnêteté intellectuelle. Personne – ni lui, ni vous, ni moi non plus – ne peut prétendre qu’on ne fermera jamais de classes dans le futur : lorsqu’il n’y a aucun élève, on ferme une classe ! Je vous invite donc à nouveau à faire preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle sur ces questions. Il n’y a jamais eu si peu de fermetures de classes en milieu rural. Jamais. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Au demeurant, et je le répéterai autant de fois que nécessaire, il y a bien un problème démographique en France. Prenons-le à bras le corps et ne nous trompons ni de diagnostic ni de pronostic. Il faut assurément favoriser une revitalisation démographique dans la France rurale. Au-delà du domaine de l’éducation, le Gouvernement a commencé de définir des stratégies en la matière. Ce n’est pas en fermant des classes qu’on fera revenir des gens ! Monsieur le député, je ferai pour votre département l’exercice que je viens d’évoquer : là encore, croyez-moi, ce ne sera pas à votre avantage. La parole est à Mme Annie Genevard. Hier, monsieur le ministre, vous avez prononcé un vibrant éloge de l’école rurale et, en réponse à M. Larive, vous avez expliqué que vous n’étiez pas le chantre du regroupement à tout prix – nous en avons déjà discuté. Je constate néanmoins, sur le terrain, que les personnels placés sous votre autorité, les directeurs académiques, adoptent encore cette logique du regroupement et donc, puisque c’en est le corollaire, de la fermeture des classes, au détriment de la proximité.
S’il est vrai que nous y réfléchissons depuis longtemps, il se trouve qu’on n’a jamais pris en considération le confort de l’enfant. Or, la proximité induit un confort supplémentaire pour l’enfant, sans qu’il en soit pénalisé pédagogiquement. Les études de la DEPP – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance – sont en effet très claires : avec des enseignants bien formés, les classes à niveaux multiples réussissent très bien, les cohortes qu’on peut suivre tout au long d’une scolarité démontrant que les résultats sont non seulement très satisfaisants, mais parfois même meilleurs que pour les autres types de classes.
L’amendement de notre collègue, que les députés du groupe LR voteront, a le mérite de poser le principe de la proximité, au moins aussi recevable que celui du regroupement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Nadia Essayan. Très peu de mouvements sociaux sont liés aux fermetures de classes, parce que la gestion de ces équilibres, dans les zones rurales, et même dans les villes moyennes, se fait avec une grande attention à l’égard des parents, des enfants et des communes. Ils ne le savent pas encore, il leur faut encore quelques semaines. Certains regroupements permettent qu’il n’y ait pas de fermeture. Les députés du groupe MODEM et apparentés ne soutiendront donc pas cet amendement. La parole est à M. Loïc Prud’homme. Pardonnez-moi de ne pas vous croire sur parole, monsieur le ministre, quand vous répondez à notre collègue que vous pouvez prouver, département par département, que vous avez ouvert plus de classes que vos prédécesseurs. Je dis : chiche ! Publiez donc des tableaux pour les trois dernières années et voyons ce qu’il en est. (M. le ministre acquiesce.) Voilà qui nous permettra de mener un débat éclairé et vous évitera de répéter indéfiniment les mêmes explications – ce qui semble vous contrarier.
Je souhaite néanmoins revenir sur la question de la proximité, que vous liez à celle de la démographie. C’est la question de l’antériorité de la poule ou de l’œuf : est-ce à cause d’une démographie baissière que vous fermez des classes, ou n’est-ce pas plutôt à cause de votre logique de fermeture de classes que vous videz les zones rurales d’une population qui n’y trouve plus de services publics au premier rang desquels l’un des plus essentiels : celui de l’éducation ? La parole est à M. le ministre. Je reprends la parole car le sujet m’apparaît comme très important. Ce que vous venez de dire, monsieur le député, c’est ce que je dis moi-même : notre stratégie est de contribuer au rebond démographique. Je pourrais vous citer plusieurs lieux de France où nous ouvrons des classes en milieu rural, afin d’y enclencher le cercle vertueux de l’attractivité des écoles. Nous devons donc mener des stratégies locales, qui ont pour principal outil – lequel, je l’espère, s’étoffera dans l’avenir – les contrats départementaux ruraux que nous concluons département par département – une soixantaine au total – et qui permettent de mener des stratégies pluriannuelles. J’ai demandé aux DASEN – directeurs académiques des services de l’éducation nationale – et aux recteurs de privilégier de plus en plus, avec les élus locaux, une approche qualitative en vue d’enclencher, sur une base pluriannuelle, le cercle vertueux que vous évoquez. Je ne disais rien d’autre en déclarant que soutenir l’école en milieu rural peut être l’occasion d’y faire venir les familles.
En d’autres termes, l’objectif n’est pas d’être sur la défensive en se limitant à définir des seuils de plus en plus bienveillants qui n’empêcheront pas, au bout du compte, des fermetures de classes, mais d’adopter une stratégie offensive qui permette de créer des écoles attractives.
Madame Genevard, nous n’avons pas à défendre une position dogmatique, une doctrine qui ferait prévaloir les RPI sur les écoles à classe unique. Tout dépend de chaque cas.
Nous souhaitons que des consensus locaux se dégagent autour de la formule la plus adaptée. Dans un village éloigné des autres villages, il faut, dans la plupart des cas, maintenir l’école et le fait qu’il s’agisse d’une école à classe unique n’est pas nécessairement un problème pédagogique car, comme vous l’avez très bien dit, il peut parfaitement s’agir d’une très belle réussite. Voilà le pragmatisme que nous devons adopter.
Tel est, et vous pouvez en cela vous référer à mon discours, le message très clair que nous adressons, au quotidien, à l’éducation nationale – aux recteurs et aux DASEN. Il se traduit, dans certains cas, par des regroupements pédagogiques – je me trouvais avec le Président de la République dans l’un d’entre eux lors de la plus récente étape du Grand débat – et, dans d’autre cas, par la préservation d’écoles à classe unique, comme j’en ai vu récemment dans la Drôme.
Il ne doit pas y avoir de dogme en la matière mais, au contraire, un très grand pragmatisme. Nous ne devons donc pas nous fixer des critères trop rigides qui pourraient gêner, à terme, des appréciations locales et consensuelles permettant d’apporter les meilleures solutions aux élèves.
Cette stratégie pour l’école primaire rurale nous amène à émettre un avis défavorable. Dommage ! C’est un bon amendement ! Aucun membre du groupe Libertés et Territoires ne s’étant exprimé ce soir, la parole est à M. Bertrand Pancher. Monsieur Di Filippo, je vous précise de nouveau que, sur le même amendement, je ne donne pas deux fois la parole aux membres d’un même groupe. Sinon, nous ne nous en sortirons pas ! Je n’ai jamais le droit de parler ! (Sourires.) Il n’est pas inintéressant de poser la question de la proximité des écoles, en particulier en milieu rural. Cela dit, il faut bien constater que l’on y trouve un ratio d’enseignant par élève plus élevé qu’ailleurs. Si, dans le département de la Meuse, où je suis élu, on devait ramener ce ratio au niveau de la moyenne nationale, nous perdrions plus de 250 enseignants.
Ce territoire enregistrera une réduction de quatre cent trente élèves à la rentrée prochaine mais, alors que cette évolution devrait provoquer la suppression de vingt-quatre postes d’enseignants, on n’en supprimera que huit ou neuf. Certes, il faut tenir compte de la nécessité de préserver la proximité des écoles, mais il est impossible de la maintenir partout. Je mets aux voix l’amendement no 630. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 158
Nombre de suffrages exprimés 146
Majorité absolue 74
Pour l’adoption 46
Contre 100 (L’amendement no 630 n’est pas adopté.) Je suis saisi de six amendements, nos 877, 971, 22, 133, 506 et 788, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 22 et 133 sont identiques.
La parole est à Mme Sereine Mauborgne, pour soutenir l’amendement no 877. Il vise à insérer à l’article L. 312-15 du code de l’éducation, relatif à l’enseignement moral et civique, un module dédié à la sensibilisation, à la prévention et à la gestion des risques liés aux usages numériques. Cet amendement a été rédigé avec le cybercercle dont plusieurs de nos collègues sont membres.
De plus en plus jeunes, les enfants naviguent sur internet, fréquentent les réseaux sociaux et utilisent un smartphone. Dans l’espace numérique, l’enfant peut, sans en avoir conscience ni connaissance, s’exposer à des risques dont il ne mesure ni l’existence, ni les enjeux, ni les conséquences. Il convient donc de sensibiliser le plus en amont possible les enfants aux risques liés au numérique, et de les former de manière ludique aux bonnes pratiques et aux bons usages. L’école de la République présente le cadre privilégié pour répondre à cet objectif vers lequel convergent de nombreux collègues.
Les réponses apportées jusqu’à présent, si elles ont le mérite d’exister et si elles présentent chacune leur intérêt, semblent insuffisantes pour appréhender globalement le problème posé. Les modules d’éducation numérique, très centrés sur le codage et la logique informatique métier, ou l’intégration transversale dans le socle commun de l’éducation aux médias et à l’information pour réaliser un programme agile, ne concernent les élèves qu’à partir de la classe de cinquième.
De fait, aujourd’hui, à partir de la fin du primaire, il n’existe pas, au niveau national, de module obligatoire de formation et de prévention en matière de gestion des risques liés au numérique. Pourtant, le besoin existe : j’en veux pour preuve les actions de sensibilisation menées dans certaines écoles par des bénévoles extérieurs issus, par exemple, des services spécialisés de la gendarmerie ou de la police nationale, de la réserve citoyenne cyber, ou encore des associations. Ces actions restent toutefois le fruit d’initiatives isolées de chefs d’établissement, eux-mêmes professeurs des écoles ou enseignants, convaincus à titre personnel de l’intérêt fondamental de cette démarche. Afin de toucher l’ensemble des élèves, cette dernière doit être généralisée et obligatoire. C’est l’objectif poursuivi par l’amendement. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 971. Entre la télévision, l’ordinateur, la tablette, le téléphone et nous passons un nombre d’heures monstrueux les yeux rivés sur les écrans de toute sorte qui envahissent notre quotidien. Les chiffres sont inquiétants, puisque les adultes passent en moyenne plus de cinq heures par jour devant ces écrans, contre trois heures et dix minutes voilà dix ans, soit une augmentation de deux heures.
Nos mauvaises habitudes n’épargnent évidemment pas nos enfants. Que ce soit pour les occuper ou pour des motifs scolaires, toutes les raisons sont bonnes pour mettre le plus tôt possible des écrans entre leurs mains, sans tenir compte des résultats de nombreuses études qui dénoncent les troubles inquiétants pour leur développement : retard du langage, troubles du sommeil et de l’attention, comportements agressifs, problèmes scolaires, obésité, et j’en passe. Rien ne leur est épargné.
Il est d’ailleurs éclairant – je n’ose pas dire : « amusant » – de constater que les dirigeants d’Apple, de Google ou de Twitter limitent l’usage des nouvelles technologies par leurs propres enfants, car ils estiment qu’elles pourraient nuire à leur développement. En 2010, Steve Jobs avait déclaré : « À la maison, nous limitons l’utilisation des gadgets technologiques. » Chez Evan Williams, l’un des cofondateurs de Twitter, les enfants ont accès à des livres, et non pas à des iPad. Si ces grands ayatollahs du tout-numérique pour tous sont extrêmement prudents à l’égard de ces technologies dont ils sont les créateurs, nous devrions peut-être y réfléchir à deux fois avant de nous lancer dans le numérique à l’école !
J’ai bien compris que vous ne proposiez qu’une initiation mais, comme pour toute activité susceptible de provoquer des addictions, il convient de faire de la prévention et de la sensibilisation afin d’éviter que ce qui devait être une compétence pour nos enfants ne se retourne un jour contre eux. (M. Ludovic Pajot applaudit.) La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 22. Il faut absolument pouvoir sensibiliser les élèves aux risques d’un usage non raisonné des outils numériques. L’amendement vise donc à préciser en ce sens l’article L. 312-9 du code de l’éducation, afin d’éviter la moindre ambiguïté sur le sujet. Cette préoccupation est devenue majeure au fil des dix dernières années et plusieurs orateurs ont insisté sur le fait que les enfants étaient concernés de plus en plus tôt. Il est donc nécessaire d’agir. L’un des leviers dont nous disposons à cet effet consiste à inscrire cette sensibilisation parmi les missions prévues par le code de l’éducation. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 133. On connaît les risques liés à un usage irraisonné du numérique en termes de manque de sommeil, de perte de vigilance, de défaut de concentration ou d’addiction. Une sensibilisation est donc nécessaire en la matière, que nous appelons tous de nos vœux, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons dans cette assemblée. La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l’amendement no 506. Du fait de la place incontournable qu’occupent dans notre société les outils numériques, il paraît tout à fait nécessaire que la technologie et l’informatique soient enseignées dès le plus jeune âge dans nos écoles. Il nous semble cependant indispensable d’intégrer à cet enseignement un volet de sensibilisation aux risques que représentent le numérique et ses outils pour la santé.
Des études, de plus en plus nombreuses, soulignent les effets délétères des écrans sur la santé de nos jeunes enfants : troubles du comportement, addictions, nervosité… À la suite de la proposition de loi contre l’exposition précoce des enfants aux écrans, adoptée au mois de novembre dernier par nos collègues sénateurs, cet amendement tend à préciser, à l’article L. 312-9 du code de l’éducation, que la formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques « inclut une sensibilisation aux risques sanitaires d’un usage des outils numériques ».
Le présent amendement vise à compléter cet article afin de donner la place qui leur revient aux élèves à besoins éducatifs particuliers, en améliorant l’aide personnalisée dans le cadre du service public de l’enseignement à distance et de l’enseignement numérique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) Il est bien, cet amendement ! Oui, mais il est sûrement satisfait ! Quel est l’avis de la commission ? L’amendement est satisfait : aux termes de l’article L. 131-2 du code de l’éducation, le service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance vise à « mettre à disposition des écoles et des établissements scolaires une offre diversifiée de services numériques permettant de prolonger l’offre des enseignements qui y sont dispensés », à « proposer aux enseignants une offre diversifiée de ressources pédagogiques, des contenus et des services contribuant à leur formation ainsi que des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec les familles », et enfin à « contribuer au développement de projets innovants et à des expérimentations pédagogiques favorisant les usages du numérique à l’école ». Avis défavorable. (L’amendement no 223, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 792 et 956.
La parole est à Mme Maud Petit, pour soutenir l’amendement no 792. Il vise à faire reconnaître clairement la mission de la médiation éducative, considérée comme l’un des outils qui contribuent à favoriser une scolarité réussie pour les enfants rencontrant des difficultés dans le système scolaire, ainsi que pour leurs familles.
L’absentéisme récurrent, l’échec scolaire et le décrochage scolaire sont des problèmes réels, que nous évoquons régulièrement au sein de cette assemblée. Par l’accompagnement des familles dans leurs démarches administratives, celui des parents dans l’exercice de leur rôle de parents d’élève et par l’appréhension des difficultés liées à la précarité du logement, la médiation éducative réduit la distance entre les familles et l’institution scolaire, ce qui est précisément le but du présent texte.
La mesure s’inscrirait par ailleurs dans la lignée de l’article 2 de la proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires, lequel encourage le recours à des mesures d’accompagnement à la parentalité : la médiation éducative est un outil parfaitement adapté à cette visée.
La pratique professionnelle de la médiation scolaire existe depuis plusieurs années en France, au sein d’associations ou de l’éducation nationale, mais les postes sont épars, en nombre insuffisant et tributaires des volontés locales au sein des académies. L’article que nous proposons d’introduire définira et encadrera les modalités d’intervention des médiateurs et prévoira la mise en œuvre de référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques. La parole est à Mme Fabienne Colboc, pour soutenir l’amendement n o 956. La médiation éducative fait en effet partie des moyens permettant de lutter contre la déscolarisation et la rupture de scolarité. Aujourd’hui encore, beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école parce qu’ils vivent dans une grande pauvreté qui ne permet pas la satisfaction de leurs besoins fondamentaux. Les parents confrontés à des conditions de vie aussi difficiles ne voient pas en l’école un lieu où peut se construire l’avenir de leurs enfants. Cette pauvreté entraîne un éloignement social et, par conséquent, les éloigne de l’école.
La médiation existe déjà dans certains établissements. Elle fait partie de la mission des enseignants chargés de la scolarisation des enfants de familles itinérantes ou de voyageurs. Elle s’exerce aussi bien à l’extérieur de l’école, par la rencontre avec les familles qui en sont éloignées – alors que la précarité des conditions de vie de ces familles est souvent inadaptée à l’accomplissement d’une scolarité, la médiation rapproche les enfants de l’école et leur redonne confiance –, qu’à l’intérieur, par un accompagnement des enfants permettant de vérifier leur assiduité et leur bonne intégration, et d’éviter les ruptures scolaires, car la stigmatisation et les difficultés de socialisation sont souvent des facteurs de déscolarisation.
La médiation doit, bien sûr, être complétée par d’autres politiques publiques telles que la lutte contre l’habitat indigne et les dispositifs d’aide sociale et d’accès à la santé.
La mission de médiation doit être valorisée au sein des établissements, pour accompagner les parents confrontés à des difficultés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives et pour que tous les enfants de la République aient accès dès l’âge de 3 ans à la socialisation, à la mixité sociale et à l’apprentissage des savoirs fondamentaux. Tel est le sens de cet amendement.
Plus largement, il fait écho aux dix-sept objectifs de développement durable axés sur l’être humain qu’a fixés l’Organisation des Nations unies dans le cadre de l’agenda 2030. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ? Vous l’avez dit, madame la députée, la médiation éducative est l’un des outils de la réussite scolaire par l’accompagnement des enfants et des familles les plus éloignés de l’école et les plus pauvres.
Vous souhaitez valoriser le rôle des personnes qui contribuent ainsi à réduire la distance entre l’école et ces familles, mais je ne suis pas sûre que ce soit en leur imposant des référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques que l’on facilitera leur travail et que l’on améliorera les relations entre la famille et l’école. Il ne me paraît pas véritablement souhaitable que l’on reconnaisse dans la loi cette mission bénévole. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je vous remercie, mesdames les députées, de ces amendements qui insistent sur l’élément très important qu’est la médiation éducative. Il n’est pas question de méconnaître cette importance, à laquelle nous devrons être très attentifs à l’avenir. Toutefois, comme l’a dit Mme la rapporteure, ce n’est pas par la présente loi que nous allons procéder aux évolutions par ailleurs indispensables. Mais il est évident que ces évolutions, notamment au titre du soutien à la parentalité, feront abondamment référence à cette dimension. Avis défavorable, donc. (Les amendements identiques nos 792 et 956 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Michel Larive, pour soutenir l’amendement no 333. Depuis 2007, une école a fermé chaque jour. Le présent texte ne freinera pas cette évolution. Nous considérons pourtant qu’il est du devoir de l’État de se fixer des objectifs ambitieux pour l’éducation, notamment pour que chacun ait les mêmes chances de réussite à l’école. Or parmi les inégalités que produit le système d’éducation actuel, il en est une qui concerne le temps de trajet pour se rendre dans son établissement scolaire : un temps long dans les transports en commun ou à bord d’un véhicule familial, c’est autant de temps en moins par rapport à un autre élève qui vit à proximité de l’école, et autant de fatigue accumulée.
Puisque nous devons assurer la continuité territoriale du service public de l’éducation, nous proposons que cet objectif soit fixé par la loi. Dans un département comme l’Ariège, le vote d’un tel amendement sera une chance. Les zones rurales sont en effet désertées par les services publics essentiels au point qu’on peine à attirer une population jeune, en âge d’avoir des enfants. Cette situation a créé, à cause d’un objectif purement comptable, un réel sentiment d’injustice dans les zones rurales de métropole et d’outre-mer.
Le présent amendement vise à réaliser un maillage territorial efficace et égalitaire du service public de l’éducation. Quel est l’avis de la commission ? L’article L. 113-1 du code de l’éducation dispose déjà que « tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l’âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande » ; quant à l’article L. 212-2, il pose le principe que « toute commune doit être pourvue au moins d’une école élémentaire publique », même si des regroupements sont possibles. Par ailleurs, les décisions d’affectation prennent en considération, bien entendu, le critère de proximité de l’école par rapport au domicile. Donc, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ne peux que vous répéter, monsieur le député, ce qui a été dit hier sur l’importance de l’école primaire rurale. Outre les arguments que vient d’exposer Mme la rapporteure, il faut faire preuve d’un grand pragmatisme sur ces questions. Or, l’esprit de votre amendement se retrouve dans les dispositions du code de l’éducation rappelées par la rapporteure, ainsi que dans les consignes données aujourd’hui même aux inspecteurs de l’éducation nationale. Nous maintenons des écoles – j’en ai encore visité tout récemment dans plusieurs parties de la France – qui comptent très peu d’élèves, précisément pour tenir compte de ce critère.
Rendre le code de l’éducation trop rigide en la matière pourrait se révéler contre-productif au regard de l’objectif poursuivi. Avis défavorable, même si cet avis n’est évidemment pas contradictoire avec l’extrême attention que nous devons prêter à la spécificité de chaque école rurale. Sur l’amendement no 630, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Julien Aubert. Je suis favorable à l’amendement. Le ministre soutient qu’il serait satisfait par le code de l’éducation, mais la réalité de la continuité du service public dans les zones rurales est un réel sujet de préoccupation. Sur les bancs du groupe Les Républicains, très nombreux sont les collègues qui vous ont interrogé, monsieur le ministre, sur le non-respect de la parole du président Macron quant à la fermeture des classes en milieu rural. Voilà qui doit être dur à entendre… Or, si l’on veut développer les zones rurales, on a besoin d’une vraie politique d’aménagement du territoire.
Ce que vous appelez rigidité, c’est en effet le coût qu’il faut supporter pour maintenir des services publics qui sont, par définition, non rentables, a fortiori dans des territoires dont la démographie n’atteint pas la jauge nécessaire. Cette rigidité budgétaire, c’est le service public. Nous ne parviendrons pas à maintenir des populations jeunes dans ces territoires si nous ne menons pas une politique qui contredise les évolutions démographiques. Pas terrible, cette argumentation ! Un peu démagogique. La parole est à M. Michel Larive. Madame la rapporteure, monsieur le ministre, je comprends bien les dispositions du code de l’éducation auxquelles vous vous êtes référés. L’article L. 212-2 dispose certes que toute commune doit être pourvue d’au moins une école élémentaire publique dans un rayon de trois kilomètres, mais ce n’est quasiment jamais le cas en Ariège où la distance minimale séparant les regroupements pédagogiques intercommunaux – RPI – est de cinq à dix kilomètres. Il y a donc, d’un côté les textes et, de l’autre, la situation effectivement constatée dans les départements ruraux, qui est celle que je vis et qui est très éloignée de celle que vous évoquez. (Murmures sur divers bancs.) C’est démagogique. (L’amendement no 333 n’est pas adopté.) Mes chers collègues, je vous demande, par respect de l’orateur qui s’exprime, de tenir vos conversations particulières en chuchotant.
La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour soutenir l’amendement no 630. Très bien, monsieur le président. On se croirait à l’école… C’est de circonstance. (Sourires.) Lors de son discours devant le Sénat à l’occasion de la conférence nationale des territoires, le 18 juillet 2017, le Président de la République avait déclaré que « les territoires, en particulier les plus ruraux, ne peuvent plus être la variable d’ajustement de l’économie », ajoutant qu’« il n’y aura plus de fermetures de classes dans les écoles primaires ». Vingt mois plus tard, force est de constater que cette promesse n’a pas été tenue : environ 300 classes en milieu rural ont ainsi été fermées à la rentrée 2018. Pour la rentrée 2019, de nombreuses fermetures sont également attendues. Elles sont très préjudiciables à la qualité et à la dynamique de l’enseignement dans les zones rurales.
Le présent amendement vise donc à faire en sorte que chaque famille dispose d’une école à une distance raisonnable de son domicile, déterminée par décret en Conseil d’État. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ai peur de lasser l’auditoire, madame la députée, mais c’est vous qui m’y poussez. Je décline par conséquent toute responsabilité. Je n’ai pas de chance avec vous ! J’ai encore répondu aujourd’hui à deux questions au Gouvernement sur le sujet. Je peux renouveler avec chaque député l’exercice auquel je me suis livré avec M. Juanico cet après-midi : je vais comparer le nombre de fermetures de classes en milieu rural sous les quinquennats dont vous avez soutenu les gouvernements avec le nombre de fermetures intervenues lors des trois dernières rentrées et, à chaque fois, ce ne sera pas à votre avantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Mais qu’en est-il de l’engagement du Président de la République ? En ce qui concerne l’engagement du Président de la République, tout le monde doit faire preuve d’honnêteté intellectuelle. Vous répétez sans arrêt une phrase que vous détachez de son contexte. Or, lorsque le Président de la République l’a prononcée, en juillet 2017, elle ne concernait que la rentrée 2017. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Bien entendu, il n’a jamais dit qu’il n’y aurait pas de fermetures de classes au cours des années suivantes. (Protestations sur les bancs des groupes LR et SOC.) C’est trop facile ! Reprenez le discours et vous le verrez très bien – c’est, je le répète, une question d’honnêteté intellectuelle. Personne – ni lui, ni vous, ni moi non plus – ne peut prétendre qu’on ne fermera jamais de classes dans le futur : lorsqu’il n’y a aucun élève, on ferme une classe ! Je vous invite donc à nouveau à faire preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle sur ces questions. Il n’y a jamais eu si peu de fermetures de classes en milieu rural. Jamais. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Au demeurant, et je le répéterai autant de fois que nécessaire, il y a bien un problème démographique en France. Prenons-le à bras le corps et ne nous trompons ni de diagnostic ni de pronostic. Il faut assurément favoriser une revitalisation démographique dans la France rurale. Au-delà du domaine de l’éducation, le Gouvernement a commencé de définir des stratégies en la matière. Ce n’est pas en fermant des classes qu’on fera revenir des gens ! Monsieur le député, je ferai pour votre département l’exercice que je viens d’évoquer : là encore, croyez-moi, ce ne sera pas à votre avantage. La parole est à Mme Annie Genevard. Hier, monsieur le ministre, vous avez prononcé un vibrant éloge de l’école rurale et, en réponse à M. Larive, vous avez expliqué que vous n’étiez pas le chantre du regroupement à tout prix – nous en avons déjà discuté. Je constate néanmoins, sur le terrain, que les personnels placés sous votre autorité, les directeurs académiques, adoptent encore cette logique du regroupement et donc, puisque c’en est le corollaire, de la fermeture des classes, au détriment de la proximité.
S’il est vrai que nous y réfléchissons depuis longtemps, il se trouve qu’on n’a jamais pris en considération le confort de l’enfant. Or, la proximité induit un confort supplémentaire pour l’enfant, sans qu’il en soit pénalisé pédagogiquement. Les études de la DEPP – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance – sont en effet très claires : avec des enseignants bien formés, les classes à niveaux multiples réussissent très bien, les cohortes qu’on peut suivre tout au long d’une scolarité démontrant que les résultats sont non seulement très satisfaisants, mais parfois même meilleurs que pour les autres types de classes.
L’amendement de notre collègue, que les députés du groupe LR voteront, a le mérite de poser le principe de la proximité, au moins aussi recevable que celui du regroupement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Nadia Essayan. Très peu de mouvements sociaux sont liés aux fermetures de classes, parce que la gestion de ces équilibres, dans les zones rurales, et même dans les villes moyennes, se fait avec une grande attention à l’égard des parents, des enfants et des communes. Ils ne le savent pas encore, il leur faut encore quelques semaines. Certains regroupements permettent qu’il n’y ait pas de fermeture. Les députés du groupe MODEM et apparentés ne soutiendront donc pas cet amendement. La parole est à M. Loïc Prud’homme. Pardonnez-moi de ne pas vous croire sur parole, monsieur le ministre, quand vous répondez à notre collègue que vous pouvez prouver, département par département, que vous avez ouvert plus de classes que vos prédécesseurs. Je dis : chiche ! Publiez donc des tableaux pour les trois dernières années et voyons ce qu’il en est. (M. le ministre acquiesce.) Voilà qui nous permettra de mener un débat éclairé et vous évitera de répéter indéfiniment les mêmes explications – ce qui semble vous contrarier.
Je souhaite néanmoins revenir sur la question de la proximité, que vous liez à celle de la démographie. C’est la question de l’antériorité de la poule ou de l’œuf : est-ce à cause d’une démographie baissière que vous fermez des classes, ou n’est-ce pas plutôt à cause de votre logique de fermeture de classes que vous videz les zones rurales d’une population qui n’y trouve plus de services publics au premier rang desquels l’un des plus essentiels : celui de l’éducation ? La parole est à M. le ministre. Je reprends la parole car le sujet m’apparaît comme très important. Ce que vous venez de dire, monsieur le député, c’est ce que je dis moi-même : notre stratégie est de contribuer au rebond démographique. Je pourrais vous citer plusieurs lieux de France où nous ouvrons des classes en milieu rural, afin d’y enclencher le cercle vertueux de l’attractivité des écoles. Nous devons donc mener des stratégies locales, qui ont pour principal outil – lequel, je l’espère, s’étoffera dans l’avenir – les contrats départementaux ruraux que nous concluons département par département – une soixantaine au total – et qui permettent de mener des stratégies pluriannuelles. J’ai demandé aux DASEN – directeurs académiques des services de l’éducation nationale – et aux recteurs de privilégier de plus en plus, avec les élus locaux, une approche qualitative en vue d’enclencher, sur une base pluriannuelle, le cercle vertueux que vous évoquez. Je ne disais rien d’autre en déclarant que soutenir l’école en milieu rural peut être l’occasion d’y faire venir les familles.
En d’autres termes, l’objectif n’est pas d’être sur la défensive en se limitant à définir des seuils de plus en plus bienveillants qui n’empêcheront pas, au bout du compte, des fermetures de classes, mais d’adopter une stratégie offensive qui permette de créer des écoles attractives.
Madame Genevard, nous n’avons pas à défendre une position dogmatique, une doctrine qui ferait prévaloir les RPI sur les écoles à classe unique. Tout dépend de chaque cas.
Nous souhaitons que des consensus locaux se dégagent autour de la formule la plus adaptée. Dans un village éloigné des autres villages, il faut, dans la plupart des cas, maintenir l’école et le fait qu’il s’agisse d’une école à classe unique n’est pas nécessairement un problème pédagogique car, comme vous l’avez très bien dit, il peut parfaitement s’agir d’une très belle réussite. Voilà le pragmatisme que nous devons adopter.
Tel est, et vous pouvez en cela vous référer à mon discours, le message très clair que nous adressons, au quotidien, à l’éducation nationale – aux recteurs et aux DASEN. Il se traduit, dans certains cas, par des regroupements pédagogiques – je me trouvais avec le Président de la République dans l’un d’entre eux lors de la plus récente étape du Grand débat – et, dans d’autre cas, par la préservation d’écoles à classe unique, comme j’en ai vu récemment dans la Drôme.
Il ne doit pas y avoir de dogme en la matière mais, au contraire, un très grand pragmatisme. Nous ne devons donc pas nous fixer des critères trop rigides qui pourraient gêner, à terme, des appréciations locales et consensuelles permettant d’apporter les meilleures solutions aux élèves.
Cette stratégie pour l’école primaire rurale nous amène à émettre un avis défavorable. Dommage ! C’est un bon amendement ! Aucun membre du groupe Libertés et Territoires ne s’étant exprimé ce soir, la parole est à M. Bertrand Pancher. Monsieur Di Filippo, je vous précise de nouveau que, sur le même amendement, je ne donne pas deux fois la parole aux membres d’un même groupe. Sinon, nous ne nous en sortirons pas ! Je n’ai jamais le droit de parler ! (Sourires.) Il n’est pas inintéressant de poser la question de la proximité des écoles, en particulier en milieu rural. Cela dit, il faut bien constater que l’on y trouve un ratio d’enseignant par élève plus élevé qu’ailleurs. Si, dans le département de la Meuse, où je suis élu, on devait ramener ce ratio au niveau de la moyenne nationale, nous perdrions plus de 250 enseignants.
Ce territoire enregistrera une réduction de quatre cent trente élèves à la rentrée prochaine mais, alors que cette évolution devrait provoquer la suppression de vingt-quatre postes d’enseignants, on n’en supprimera que huit ou neuf. Certes, il faut tenir compte de la nécessité de préserver la proximité des écoles, mais il est impossible de la maintenir partout. Je mets aux voix l’amendement no 630. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 158
Nombre de suffrages exprimés 146
Majorité absolue 74
Pour l’adoption 46
Contre 100 (L’amendement no 630 n’est pas adopté.) Je suis saisi de six amendements, nos 877, 971, 22, 133, 506 et 788, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 22 et 133 sont identiques.
La parole est à Mme Sereine Mauborgne, pour soutenir l’amendement no 877. Il vise à insérer à l’article L. 312-15 du code de l’éducation, relatif à l’enseignement moral et civique, un module dédié à la sensibilisation, à la prévention et à la gestion des risques liés aux usages numériques. Cet amendement a été rédigé avec le cybercercle dont plusieurs de nos collègues sont membres.
De plus en plus jeunes, les enfants naviguent sur internet, fréquentent les réseaux sociaux et utilisent un smartphone. Dans l’espace numérique, l’enfant peut, sans en avoir conscience ni connaissance, s’exposer à des risques dont il ne mesure ni l’existence, ni les enjeux, ni les conséquences. Il convient donc de sensibiliser le plus en amont possible les enfants aux risques liés au numérique, et de les former de manière ludique aux bonnes pratiques et aux bons usages. L’école de la République présente le cadre privilégié pour répondre à cet objectif vers lequel convergent de nombreux collègues.
Les réponses apportées jusqu’à présent, si elles ont le mérite d’exister et si elles présentent chacune leur intérêt, semblent insuffisantes pour appréhender globalement le problème posé. Les modules d’éducation numérique, très centrés sur le codage et la logique informatique métier, ou l’intégration transversale dans le socle commun de l’éducation aux médias et à l’information pour réaliser un programme agile, ne concernent les élèves qu’à partir de la classe de cinquième.
De fait, aujourd’hui, à partir de la fin du primaire, il n’existe pas, au niveau national, de module obligatoire de formation et de prévention en matière de gestion des risques liés au numérique. Pourtant, le besoin existe : j’en veux pour preuve les actions de sensibilisation menées dans certaines écoles par des bénévoles extérieurs issus, par exemple, des services spécialisés de la gendarmerie ou de la police nationale, de la réserve citoyenne cyber, ou encore des associations. Ces actions restent toutefois le fruit d’initiatives isolées de chefs d’établissement, eux-mêmes professeurs des écoles ou enseignants, convaincus à titre personnel de l’intérêt fondamental de cette démarche. Afin de toucher l’ensemble des élèves, cette dernière doit être généralisée et obligatoire. C’est l’objectif poursuivi par l’amendement. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 971. Entre la télévision, l’ordinateur, la tablette, le téléphone et nous passons un nombre d’heures monstrueux les yeux rivés sur les écrans de toute sorte qui envahissent notre quotidien. Les chiffres sont inquiétants, puisque les adultes passent en moyenne plus de cinq heures par jour devant ces écrans, contre trois heures et dix minutes voilà dix ans, soit une augmentation de deux heures.
Nos mauvaises habitudes n’épargnent évidemment pas nos enfants. Que ce soit pour les occuper ou pour des motifs scolaires, toutes les raisons sont bonnes pour mettre le plus tôt possible des écrans entre leurs mains, sans tenir compte des résultats de nombreuses études qui dénoncent les troubles inquiétants pour leur développement : retard du langage, troubles du sommeil et de l’attention, comportements agressifs, problèmes scolaires, obésité, et j’en passe. Rien ne leur est épargné.
Il est d’ailleurs éclairant – je n’ose pas dire : « amusant » – de constater que les dirigeants d’Apple, de Google ou de Twitter limitent l’usage des nouvelles technologies par leurs propres enfants, car ils estiment qu’elles pourraient nuire à leur développement. En 2010, Steve Jobs avait déclaré : « À la maison, nous limitons l’utilisation des gadgets technologiques. » Chez Evan Williams, l’un des cofondateurs de Twitter, les enfants ont accès à des livres, et non pas à des iPad. Si ces grands ayatollahs du tout-numérique pour tous sont extrêmement prudents à l’égard de ces technologies dont ils sont les créateurs, nous devrions peut-être y réfléchir à deux fois avant de nous lancer dans le numérique à l’école !
J’ai bien compris que vous ne proposiez qu’une initiation mais, comme pour toute activité susceptible de provoquer des addictions, il convient de faire de la prévention et de la sensibilisation afin d’éviter que ce qui devait être une compétence pour nos enfants ne se retourne un jour contre eux. (M. Ludovic Pajot applaudit.) La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 22. Il faut absolument pouvoir sensibiliser les élèves aux risques d’un usage non raisonné des outils numériques. L’amendement vise donc à préciser en ce sens l’article L. 312-9 du code de l’éducation, afin d’éviter la moindre ambiguïté sur le sujet. Cette préoccupation est devenue majeure au fil des dix dernières années et plusieurs orateurs ont insisté sur le fait que les enfants étaient concernés de plus en plus tôt. Il est donc nécessaire d’agir. L’un des leviers dont nous disposons à cet effet consiste à inscrire cette sensibilisation parmi les missions prévues par le code de l’éducation. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 133. On connaît les risques liés à un usage irraisonné du numérique en termes de manque de sommeil, de perte de vigilance, de défaut de concentration ou d’addiction. Une sensibilisation est donc nécessaire en la matière, que nous appelons tous de nos vœux, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons dans cette assemblée. La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l’amendement no 506. Du fait de la place incontournable qu’occupent dans notre société les outils numériques, il paraît tout à fait nécessaire que la technologie et l’informatique soient enseignées dès le plus jeune âge dans nos écoles. Il nous semble cependant indispensable d’intégrer à cet enseignement un volet de sensibilisation aux risques que représentent le numérique et ses outils pour la santé.
Des études, de plus en plus nombreuses, soulignent les effets délétères des écrans sur la santé de nos jeunes enfants : troubles du comportement, addictions, nervosité… À la suite de la proposition de loi contre l’exposition précoce des enfants aux écrans, adoptée au mois de novembre dernier par nos collègues sénateurs, cet amendement tend à préciser, à l’article L. 312-9 du code de l’éducation, que la formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques « inclut une sensibilisation aux risques sanitaires d’un usage des outils numériques ».