XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019
Séance du mardi 30 octobre 2018
- Présidence de M. Maurice Leroy
- 1. Projet de loi de finances pour 2019
- Seconde partie (suite)
- Outre-mer (suite)
- Mission « Outre-mer » (état B) (suite)
- Rappel au règlement
- Mission « Outre-mer » (état B) (suite)
- Après l’article 77
- Suspension et reprise de la séance
- Conseil et contrôle de l’État
- M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Mme Lise Magnier, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Mme Monique Limon, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques
- M. Philippe Vigier
- Mme Olivia Gregoire
- Mme Marie-Christine Dalloz
- Mme Sarah El Haïry
- Mme Marie-Noëlle Battistel
- M. Michel Zumkeller
- Mme Sabine Rubin
- M. Sébastien Jumel
- M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement
- Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances
- Mission « Conseil et contrôle de l’État » (état B)
- Mission « Pouvoirs publics » (état B)
- Après l’article 77
- Amendement no 397
- Mission « Direction de l’action du Gouvernement » (état B)
- Mission « Investissements d’avenir » (état B)
- Budget annexe « Publications officielles et information administrative » (état C)
- Seconde partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
2e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (nos 1255, 1302).
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des crédits relatifs à l’outre-mer (no 1302, annexe 31 ; no 1288, tome XIII ; no 1307, tome VI), s’arrêtant à l’amendement no 495.
Sur l’amendement no 495, je rappelle que j’ai été saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est de nouveau annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement. Monsieur le président, madame la ministre des outre-mer, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, voici encore un cas particulier en lien avec le problème de la cherté de la vie outre-mer. Je veux parler des difficultés que connaissent les personnes à mobilité réduite ou les handicapés moteurs pour acquérir des véhicules adaptés ou des fauteuils roulants électriques.
Cet amendement est la traduction de deux appels à la solidarité lancés sur les réseaux sociaux par des personnes habitant à Bras-Panon, la petite ville de 12 000 habitants où je réside. Alain souhaite trouver un peu de liberté en s’achetant un véhicule adapté, puisqu’il a le permis de conduire. Quant à la maman d’Anna, elle a lancé il y a une semaine une opération de fabrication et de vente de confiture de papaye pour acheter un fauteuil électrique coûtant 5 000 euros.
Combien de cas encore comme cela ? Au niveau de vie relativement bas qu’on constate dans la population ultramarine en général et chez les personnes handicapées en particulier, il faut ajouter le coût exorbitant des véhicules adaptés et des fauteuils roulants. La question des véhicules adaptés, que nous préférons écologiques, rejoint mon propos de tout à l’heure sur la désorganisation totale de nos transports en commun. Souvent peu nombreux et bondés, ils sont parfois inadaptés à l’accueil de passagers en fauteuil roulant. C’est un vrai problème sur nos territoires. La question des déplacements de courte distance se pose également. Par exemple, les caractéristiques physiques de l’île de La Réunion font que nos villes connaissent de grands dénivelés, qui peuvent constituer un obstacle physique important pour les personnes non dotées d’un fauteuil roulant électrique.
Nous proposons donc la création d’un fonds spécial d’aide à l’acquisition de ce genre de matériel afin que nos sociétés soient plus inclusives. La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement. Là encore, monsieur Ratenon, vous évoquez une problématique importante pour nos territoires ultramarins : le manque d’équipements destinés aux personnes à mobilité réduite. Cependant, cette question doit être traitée dans le cadre de deux autres missions : la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Ce n’est pas à la mission « Outre-mer » de porter les crédits relatifs à cette problématique. La commission des finances n’a pas examiné votre amendement ; à titre personnel, je lui donne un avis défavorable. La parole est à Mme la ministre des outre-mer, pour donner l’avis du Gouvernement. Vous avez raison, monsieur Ratenon, nos territoires d’outre-mer souffrent de retards en matière de prise en charge du handicap.
Le Gouvernement a pris un certain nombre d’engagements forts, portés par ma collègue Sophie Cluzel, tous applicables dans les territoires d’outre-mer. Ils permettent de faire un pas énorme dans le soutien aux personnes handicapées. Je vais vous en rappeler quelques-uns : l’amélioration de l’accueil dans les structures collectives, avec un bonus pour le financement des crèches qui accueillent des enfants en situation de handicap ; l’attribution à vie des principaux droits comme l’allocation aux adultes handicapés – AAH – et la carte mobilité inclusion ; le renforcement de l’accès aux soins et aux prestations, avec un meilleur remboursement des prestations liées au handicap par l’assurance maladie ; la facilitation de la mobilité, avec la réduction des frais supportés par les accompagnants dans les transports publics, ce qui répond en partie au problème que vous avez soulevé ; la poursuite de la sensibilisation du public, avec la formation, d’ici à la fin de l’année, des ambassadeurs de l’accessibilité, qui seront des jeunes en service civique. Toutes ces mesures seront effectivement mises en place dans les territoires d’outre-mer. Elles s’ajoutent aux outils dont disposent les collectivités locales.
Laissons à ces mesures le temps d’être appliquées dans nos territoires avant d’envisager des mesures spécifiques aux outre-mer. Avis défavorable. La parole est à M. Serge Letchimy. Madame la ministre, vous avez utilisé en commission une formule très intéressante – je suppose que vous l’avez reprise, car je l’entends depuis très longtemps. Vous nous avez appelé à sortir d’une logique de guichet pour passer à une logique de projets, et votre réponse est extrêmement claire. Mais je pense qu’il y a un problème auquel la République devrait réfléchir, qui concerne le périmètre du ministère des outre-mer, son rôle et sa fonction dans cette perspective.
Comment se placer dans ce cadre de projets sans avoir la main sur ce qui va avec ? Je ne dis pas qu’il faut doter le ministère des outre-mer de toutes les compétences régaliennes. Cependant, comme l’a expliqué M. Ratenon, nous sommes confrontés tant au vieillissement de la population qu’à la multiplication des handicaps, notamment chez les personnes âgées. Madame la ministre, si la décision est prise dans les autres ministères, si vous n’avez pas un pouvoir suffisamment important pour imposer votre projet sur la mobilité des personnes en situation de handicap et en maîtriser la mise en œuvre, alors vous patinez !
Vous êtes prisonnière d’un carcan : le budget de l’outre-mer s’élève à 24 milliards d’euros, mais vous n’en maîtrisez que 10 %, soit 2 milliards d’euros. Les 22 milliards restants sont éparpillés dans les budgets des autres ministères ; ils ne sont pas sous votre responsabilité. Tout est alors question de négociation : si vous avez du poids politique, vous pouvez vous imposer, mais si vous n’en avez pas, les autres ministres font leurs affaires !
Il y a là une grande incohérence. Je dis cela pour l’avenir, à l’attention de ceux qui veulent changer les choses et passer de la logique de guichet à celle de projets. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon. Depuis tout à l’heure, je présente un certain nombre d’amendements, mais tant M. le rapporteur, président de la délégation aux outre-mer, que Mme la ministre me répondent à chaque fois : « Vous soulevez un vrai problème mais nous repoussons votre amendement. » Non, nous apportons des réponses ! C’est extrêmement grave.
Sur cet amendement, madame la ministre, vous dites qu’un certain nombre de solutions existent et que tout va bien. Depuis tout à l’heure, tout va bien dans les outre-mer ! Mais depuis plusieurs jours, une mère de famille a entrepris de fabriquer et de vendre, avec la solidarité de quelques amis, des pots de confiture afin d’essayer de récolter 5 000 euros pour acheter un fauteuil roulant électrique. Vous dites qu’il n’y a pas de problème, mais cette dame a déposé à plusieurs reprises un dossier à la maison départementale des personnes handicapées – MDPH – de La Réunion. Elle a sollicité les collectivités mais n’a pas obtenu de réponse. Depuis qu’elle a commencé sa collecte de fonds, beaucoup d’institutions l’ont contactée mais personne n’a trouvé de solution. Vous dites que tout va bien, mais on refuse à cette dame le financement d’un fauteuil roulant au motif que son enfant de vingt-six ans, qui ne peut pas se servir de ses bras, serait incapable d’utiliser la manette. Or la maman demande un fauteuil roulant avec les commandes derrière, pour être soulagée elle-même. Invariablement, vous dites que tout va bien. Ce n’est pas normal !
Il en est de même pour Alain, le jeune homme qui a lancé une collecte de fonds sur le site Leetchi.com. À l’âge de vingt ans, il s’est retrouvé dans un fauteuil roulant à la suite d’un accident de plongée. Il a alors quitté La Réunion pour venir ici, dans l’hexagone, passer son permis à ses frais – il a d’ailleurs payé beaucoup plus cher que les autres ! De retour à La Réunion, il n’a pas les moyens de s’acheter un véhicule. Or, pour lui, avoir un véhicule pour se déplacer, c’est retrouver un peu de liberté et pouvoir soulager sa famille. Et vous dites à ces personnes que tout va bien et que toutes les mesures sont prises ! (Mme Danièle Obono applaudit.) La parole est à M. Sébastien Jumel. J’aborde ce débat avec beaucoup d’humilité : je veux simplement vous apporter un témoignage. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du débat budgétaire, nous avons démontré que le droit commun en matière de prise en charge des personnes en situation de handicap n’était pas à la hauteur des besoins. Nous avons dénoncé cette situation avec force – François Ruffin a évoqué la scolarisation des enfants en situation de handicap – et avons notamment souligné les difficultés sociétales auxquelles nous sommes confrontés, liées au vieillissement des personnes en situation de handicap et à notre incapacité à leur offrir des structures adaptées. Ces personnes vivent plus longtemps qu’avant, ce qui est une bonne chose, et l’insuffisance des moyens qui leur sont consacrés saute aux yeux.
Dans les départements d’outre-mer, la situation est encore plus grave, tant en termes de moyens mis en œuvre que de cumul des critères d’exclusion et donc d’accès à ces droits fondamentaux. Mes collègues ont raison de poser cette question fondamentale : madame la ministre, dans les discussions que vous avez ou que vous subissez avec vos collègues des autres ministères, comment pouvez-vous obtenir des crédits exorbitants du droit commun, prenant en compte des situations extraordinaires, atypiques en termes de situations sociales et d’inégalités ? En droit français, dans des situations différentes, des traitements différents peuvent être appliqués afin de tendre vers l’égalité. Or le mépris perçu par les outre-mer réside justement dans votre incapacité à prendre en compte, notamment dans le cadre de ce budget, leur situation spécifique et leurs besoins exorbitants du droit commun. C’est particulièrement vrai en matière de handicap. Les témoignages que nous venons d’entendre nous tordent le ventre ! Très bien ! Je mets aux voix l’amendement no 495. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 21
Contre 49 (L’amendement no 495 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 497. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Dans cet amendement, monsieur Ratenon, vous proposez de récupérer des crédits pour financer des activités liées à la continuité territoriale.
Outre que 40 millions d’euros sont déjà consacrés chaque année à la continuité territoriale, vous proposez de récupérer des fonds liés à l’accès des petites entreprises au financement, alors que c’est un élément important pour le développement économique des outre-mer. Pour cette raison, même si la commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement, j’exprime un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Un mot sur cet amendement, mais aussi sur tous les autres, dont nous débattons depuis quelques heures, et sur ceux qui sont encore à venir. Le réflexe outre-mer consiste précisément à ce que tous les ministres prennent aujourd’hui en compte les spécificités des territoires d’outre-mer. Il n’y a pas de mépris, et surtout pas de ma part. Je ne supporte pas ce mot ! Ne dites pas qu’il y a du mépris envers les territoires d’outre-mer : ce n’est pas vrai, ni dans ce gouvernement, ni dans la plupart des autres, qui ont soutenu de nombreuses démarches dans ces territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Quand on en arrive là dans les débats,... Ce n’est pas personnel, madame la ministre, c’est un ressenti ! …c’est lorsqu’on ne parvient pas à porter ensemble des projets. L’important, c’est que le débat nous conduit à dire, comme je l’ai déjà dit, que le Livre bleu est le projet de tous les ministères, le projet de ce gouvernement, et non pas seulement le Livre bleu du ministère des outre-mer : chaque ministère y a inscrit ses engagements pour répondre aux besoins des territoires d’outre-mer, qui sont vraiment pris en compte.
En même temps, il est vrai qu’il existe dans les outre-mer des besoins que le budget 2019 n’épuisera pas, ni même, malheureusement, ceux de 2020 et 2021. J’ai sans doute été la première ici à déclarer que la situation de Mayotte était un échec collectif, et je peux, du reste, le faire pour plusieurs sujets, sur plusieurs territoires d’outre-mer. Il est donc vrai que je ne parviendrai pas répondre, même avec le soutien de tous les autres ministères, aussi vite qu’on le voudrait, et j’en suis la première frustrée. Avançons avec toutes les nouvelles mesures instaurées et regardons comment aller plus vite, tous ensemble. C’est véritablement ce que je souhaite faire avec tout le monde. La parole est à M. Serge Letchimy. Nous abordons là un sujet central et je me permets d’intervenir encore, car c’est, pour moi, fondamental. Madame la ministre, si vous maintenez L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité – LADOM – dans un seul sens, vous tuez certains pays d’outre-mer. Je ne vous accuse certes pas de tuer quoi que ce soit, mais vous expurgerez démographiquement ces pays, phénomène qui a commencé avec le BUMIDOM – Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer – qui, dans les années 1960, a fait venir en métropole des milliers de personnes pour dégonfler démographiquement différents pays considérés comme étant, selon la philosophie de l’époque, en surpopulation. Si vous maintenez LADOM uniquement en direction de Paris depuis Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Cayenne ou Saint-Denis, vous dévitaliserez démographiquement ces pays, car vous aurez installé un réflexe assez mécanique, qui consiste à penser que la seule solution est de quitter le pays – et même pas pour se rendre à proximité, comme, depuis la Martinique, pour aller à Trinidad, au Canada ou au Mexique, mais à Paris.
Qui plus est, malgré les mesures que nous avons fait adopter dans le cadre de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, il n’existe pas de LADOM retour : les deuxième, troisième et quatrième générations d’Antillais nés ici de père et de mère venus dans les années 1960 pour travailler à La Poste ou dans les hôpitaux ne peuvent pas bénéficier de la dynamique de retour.
En dix ans, la Martinique a perdu 30 000 personnes, soit 3 000 personnes par an : ce sont une fécondité et des cerveaux exportés. Si vous continuez ainsi, vous allez détruire ces pays – en vingt ans, 60 000 personnes quitteront la Martinique. Or, 40 % des gens ont plus de soixante ans, et vous imaginez bien que ce n’est pas à soixante-dix ans qu’on fait des enfants.
Je vous en supplie, mettez en place une dynamique démographique locale qui puisse permettre de relancer la démographie locale. Plus particulièrement, instaurez LADOM retour. Nous avons fait partir ces gens voilà trente ans. Faites-les revenir. La parole est à Mme Ericka Bareigts. Madame la ministre, vous avez déclaré que Mayotte était un échec collectif. La réalité à Mayotte est très compliquée et il faut garder de l’humilité face à la difficulté de la tâche. En 2011, lorsque Mayotte est devenue officiellement département français, aucune préparation n’avait été faite en vue de cette bascule vers une départementalisation réelle, ou du moins vers cette création de droits. Ce n’est, en réalité, qu’à partir de 2012 que le travail a commencé.
La loi sur l’égalité réelle a permis une accélération du rattrapage en matière de droits, et en particulier de droits sociaux. Cela ne règle pas tout le problème, mais c’est une pierre de l’édifice. On ne peut pas dire que seule la responsabilité est collective ; la construction l’est aussi et chacun apporte sa pierre, dans la mesure des responsabilités qui le lui permettent. C’est un premier point.
Deuxième point, tous les débats évoqués aujourd’hui l’ont, en fait, déjà été dans le cadre de la loi sur l’égalité réelle. Il y a deux sujets : le rattrapage de tous les retards historiques en termes de droits fondamentaux de la République et une nouvelle impulsion provenant des plans de convergence – mais pas des plans de convergence à 23 millions d’euros ! Ces plans doivent prévoir une arrivée d’argent frais qui nous permette de structurer nos territoires et de les propulser dans la nouvelle vision que nous avons de notre ancrage océanique. C’est là toute la question que soulèvent M. Ratenon et d’autres collègues.
On en revient donc à l’idée qu’il faut définir ces plans de convergence et les inscrire dans une coconstruction avec les territoires, comme l’ont voulu les députés et les sénateurs, afin que nous ayons les moyens d’une construction nouvelle et entièrement rénovée de notre propre développement dans nos espaces, qui sont complètement océaniques, et non pas exclusivement tournés vers l’Hexagone. La parole est à Mme la ministre. Deux réponses. Pour ce qui concerne, d’abord, les problèmes démographiques que connaissent la Martinique et d’autres territoires, se pose certes la question de la mobilité, mais aussi – soyons très clairs ! – celle de l’attractivité. Quand je demande à des Martiniquais pourquoi ils ne rentrent pas en Martinique, ils répondent que c’est parce que les territoires ne le leur permettent pas. La question est d’abord celle du développement économique, des emplois, des écoles et de l’attractivité globale du territoire. C’est ce que nous commençons à mettre en place, et que d’autres peut-être imaginaient auparavant, souhaitant y arriver par les contrats de convergence et de transformation que nous allons signer.
Madame la députée, vous connaissiez vos contraintes quand vous avez fait la loi sur l’égalité réelle – nous avons participé au même Gouvernement et je me souviens de certains messages. Le montant prévu pour les contrats de convergence n’est pas de 23 millions d’euros, comme vous l’avez dit, mais de 2,1 milliards d’euros. Si vous citez des chiffres, il faut utiliser les bons : ces 23 millions sont le montant supplémentaire engagé cette année et il me semble que nous sommes au rendez-vous des contraintes budgétaires que rencontre ce gouvernement et que vous avez connues à une autre époque.
Il convient d’être efficace avec chaque euro investi et de faire en sorte que nos jeunes rentrent dans nos territoires d’outre-mer. Je rencontre sur mon territoire le même problème que vous et nous devons travailler tous ensemble sur ces questions.
Quant à la mobilité régionale, c’est la première fois que LADOM intervient en ce sens et qu’il est possible de rester dans son bassin, sans doute pour permettre de revenir plus facilement dans son territoire d’outre-mer. Vous savez très bien que, lorsque les jeunes ont passé une, deux, trois ou quatre années en métropole, ils y ont fait leur vie et que le retour est compliqué – souvent, d’ailleurs, il faut alors deux emplois pour qu’ils puissent revenir. Nous devons travailler sur cette question.
Le rapport d’Olivier Serva sur la fonction publique – tout le monde n’est pas fonctionnaire, mais il y en a – formule diverses propositions visant à permettre aux fonctionnaires de rentrer chez eux ou aux jeunes d’avoir directement accès à la fonction publique par des concours locaux. Certaines de ces propositions seront reprises.
Nous travaillons à l’attractivité des territoires, au développement de l’emploi et au développement économique du territoire, à son rayonnement dans le bassin et à notre capacité à réfléchir autrement qu’en regardant la métropole lorsqu’on se trouve dans un territoire d’outre-mer. Vous avez entièrement raison et je suis persuadée que c’est comme cela que nous gagnerons, petit à petit et tous ensemble.
Pour ce qui est du volet social et des différents accompagnements, je vous prie, là aussi, de ne pas me faire le procès. Vous citez quelques exemples, mais je pourrais en citer d’autres. Je connais bien les difficultés ultramarines et, même si on n’en fait jamais assez pour les gens qui sont en difficulté, les réponses formulées ici, plus globalement, pour l’ensemble de la métropole, sont des pas qui n’avaient jamais été franchis. (L’amendement no 497 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 401. Cet amendement tend à récupérer, sur l’action 09 du programme 123, 15,1 millions d’euros qui servent à appuyer des intérêts bancaires. Cette somme représente la hausse du budget de cette action entre 2007 et 2018.
Nous proposons de répartir cet argent entre trois actions qui ont connu des baisses de budget entre 2007 et 2018 : les actions « Logement », « Collectivités territoriales » et « Sanitaire, sociale, culture, jeunesse et sports ». Cette année, le Gouvernement a beaucoup dit que ces budgets seraient en hausse, ce qui, de notre point de vue et d’après nos calculs, n’est que partiellement vrai, car ces augmentations concédées cette année ne compensent pas les baisses subies l’année dernière. Il manque ainsi 500 000 euros pour le budget de l’action « Sanitaire, sociale, culture, jeunesse et sports » et celui de l’action « Collectivités territoriales » accuse un recul de 39 millions d’euros. Quant à celui de l’action « Logement », il est en baisse de 8,4 millions d’euros.
Cet amendement d’appel vise à mettre à nu une situation et à appeler l’attention sur les faux-semblants d’augmentation du budget, qui ne prennent pas en compte l’inflation ni la démographie des territoires bénéficiaires de ces budgets, et qui équivalent donc à un statu quo , voire à un recul sur certains postes qui nous semblent essentiels. Quel est l’avis de la commission ? Madame Obono, vous soulevez des problèmes importants, notamment à propos des aspects sociaux, sportifs et culturels notamment. Cependant, vous proposez de récupérer des millions sur l’appui au financement des entreprises, qui est également un élément très important du développement économique de nos territoires. Même si la commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement, j’émets, à titre personnel, un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, votre amendement supprime des crédits du fonds vert, dont je soulignais tout à l’heure l’utilité. Je m’étonne surtout de la raison que vous invoquez : selon vous, ce ne serait pas du vrai argent et ce ne seraient pas de vrais projets. Or, ce sont, au total, 36 millions d’euros de bonification. L’Agence française de développement – AFD – accorde 325 millions d’euros de prêts et finance ainsi 1,3 milliard d’euros de vrai argent pour de vrais projets, qui sont précisément ceux dont vous considérez qu’ils doivent être financés. Ils le sont donc.
En matière de continuité territoriale, les crédits sont préservés, comme je l’ai déjà dit. Ce sont ainsi plus de 2 millions d’euros supplémentaires qui sont destinés à moderniser LADOM. Le fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif – FEBECS – est à nouveau doublé : on est bien, là encore, au rendez-vous des besoins. Quant à la ligne budgétaire unique – LBU –, elle ne diminue pas et le produit des cessions des sociétés immobilières d’outre-mer – SIDOM – sera versé, comme je l’ai dit tout à l’heure, en loi de finances rectificatives. Enfin, le Gouvernement vient d’annoncer 17 millions d’euros supplémentaires pour agir dans le domaine de l’accession à la propriété et de l’aide à la rénovation : cet amendement sera, lui aussi, porté. Vous dites, enfin, que l’action « Conduite des politiques publiques » accuse une baisse de 18 % : c’est normal, car il s’agit de la ligne budgétaire qui finançait les assises des outre-mer ; celles-ci étant terminées, nous n’avons pas renouvelé ce budget.
Il faut nous dire des choses vraies pour pouvoir, le cas échéant, mettre en place de nouveaux projets, mais il ne faut pas réduire à néant des efforts engagés depuis de très nombreuses années, notamment pour ce qui concerne le fonds vert, dont nous avons tous besoin. (L’amendement no 401 n’est pas adopté.) La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement no 416. Madame la ministre, notre majorité a l’occasion de montrer que son cœur est à gauche. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.) Quelquefois ! Il y a du pain sur la planche ! Ça va faire plaisir au Président : le cœur à gauche et le portefeuille à droite ! L’article 199 undecies C prévoit une réduction d’impôts dans les départements d’outre-mer et il est ici proposé de mettre fin à la défiscalisation pour passer au crédit d’impôt pour le logement social collectif.
Se pose cependant un problème, dont je sais que vous êtes consciente, madame la ministre : dans les habitations individuelles de logement social, des centaines de familles, notamment en Martinique et en Guadeloupe, sont dans l’attente et dans l’inquiétude. Je vous le confirme – vous pouvez me faire confiance : je les ai rencontrées et je vois encore ces personnes qui se trouvent dans l’indigence la plus extrême et n’ont pas les moyens de rénover leur habitation individuelle sociale.
Nonobstant les problèmes, juridiquement justes, d’abus de droit et de transfert de défiscalisation en crédit d’impôt, notre majorité doit apporter une réponse à ces personnes en difficulté. Tel est l’objet de mon amendement – que je trouve tellement bien que j’émets un avis favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Vous avez raison, monsieur le rapporteur spécial, outre-mer, les besoins en réhabilitation sont énormes. Mais ce n’est pas parce que je vais vous demander de retirer votre amendement que je ne suis pas une femme de gauche. Soyez courageux, maintenez-le ! Je crois qu’en la matière, je n’ai de preuve à fournir à personne dans cet hémicycle.
Dans les territoires d’outre-mer, 13 % des logements sont insalubres. C’est beaucoup trop et, bien sûr, il faut agir. L’année dernière, j’ai soutenu un amendement visant à nous donner une année supplémentaire pour évaluer l’outil que constitue l’article 199 undecies C du code général des impôts. Aujourd’hui, la couleur politique me semble avoir peu à faire dans le constat que ce dispositif est douteux et que les projets concernés peuvent être attaqués juridiquement. Je ne défendrai donc pas cet outil.
En revanche, nous devons en trouver d’autres pour répondre aux problèmes rencontrés. Le rétablissement des aides personnalisées au logement destinées à l’accession – l’APL accession – pendant une année, et le nouveau dispositif que nous construirons en 2019 doivent y contribuer. Je veux que nous puissions travailler ensemble sur cette double réponse qu’il est nécessaire de mettre en place pour les territoires d’outre-mer.
En conséquence, monsieur le rapporteur spécial, je vous demande de retirer votre amendement. Je rappelle que le dispositif que vous défendez concerne huit opérations, toutes mises en œuvre par le même opérateur ; je ne suis pas sûre que ce soit cela que vous souhaitiez favoriser ! La parole est à M. Olivier Serva. Les arguments de Mme la ministre m’ont convaincu : je retire mon amendement. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et LT.) Quel courage ! C’est une transplantation cardiaque : il s’arrache le cœur de gauche pour le mettre à droite ! (Sourires.) Je signale que la ministre a indiqué qu’avant la fin du mois de décembre, une analyse précise des divers éléments permettrait de construire un outil alternatif en faveur des plus indigents. Je reprends l’amendement, monsieur le président ! Je souhaite dire que… Monsieur Letchimy, vous reprenez l’amendement, mais cela ne donne pas lieu à un débat : nous passons directement au vote. Si vous en doutez, demandez à M. David Habib, qui se trouve juste derrière vous et qui a déjà présidé des débats. Je ne peux pas faire autrement à la place qui est la mienne. (L’amendement no 416 n’est pas adopté.) La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement no 417. Madame la ministre, je sais que la question des délais de paiement des collectivités territoriales en outre-mer constitue un sujet de forte préoccupation pour vous. Cela concerne les commerçants, les artisans, les entreprises du BTP qui servent finalement de banquiers dans un monde où ces derniers n’accordent que difficilement des financements.
L’amendement vise à créer un fonds qui permettrait au moins d’apurer le stock des créances que les entreprises locales détiennent sur les collectivités, car, derrière ces dettes, il y a des enjeux en termes d’emploi, de sécurité juridique et économique. Les entreprises qui ne sont pas payées ont tendance à ne pas payer leurs charges sociales, à ne pas déclarer leurs employés et à ne pas embaucher en bonne et due forme. Avis favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur le député, je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous faisons vraiment le même constat. Ça commence bien ! Cela dit, la réponse du Gouvernement se fera en deux temps, parce que je ne peux pas aller plus rapidement. Le premier temps, ce sera, en 2019, 10 millions d’euros consacrés à supprimer la garantie demandée aux entreprises qui cèdent leurs créances aux banques publiques d’investissement. Cette mesure permettra de réinjecter 25 millions d’euros de trésorerie dans l’économie réelle.
Vous proposez de mettre en place un mécanisme de responsabilisation des gestionnaires publics qui correspond à un second temps de notre action. Vous comprenez que je ne peux pas prendre ce type de décision seule, en tant que ministre des outre-mer. Il faut mener sur ce sujet un travail complet. Dans le cadre de la conférence nationale des territoires, organisée par le Premier ministre, qui se réunit régulièrement, un groupe spécifique se consacrera à la mise en place d’un dispositif de responsabilisation des collectivités. Nous aurons aussi un débat sur ce sujet à l’occasion du rassemblement des maires à Paris, car nous devons avancer avec les collectivités. Nous effectuerons un travail spécifique similaire lors de la venue des présidents de région. Monsieur le rapporteur spécial et président de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée, je vous propose d’être associé à cette démarche.
Aujourd’hui, nous en sommes déjà à une première étape, que je vous ai décrite ; faites-moi confiance, nous irons vers la seconde ! Je vous demande, en conséquence, de retirer votre amendement. Ne lâchez rien ! La parole est à M. le rapporteur spécial. J’ai entendu les explications convaincantes de la ministre, et je retire l’amendement. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes GDR, FI, LR et LT.) Je le reprends ! (L’amendement no 417 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 488. Il est défendu. (L’amendement no 488, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l’amendement no 522. Monsieur le rapporteur spécial, je suis à gauche, j’y reste, et je considère qu’il est des actions de gauche qu’il faut mener clairement. Lorsque l’on est à gauche, on n’est pas entre les deux. On est clairement à gauche ou clairement à droite. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe LaREM.) Et le centre ? C’est une question de philosophie et de fidélité à une vision des choses. Le balancier entre la gauche et la droite, à un moment donné, il s’arrête, qu’on le veuille ou non ! (Mêmes mouvements.)
Madame la ministre, je veux vraiment vous aider. Je pense sincèrement que les pouvoirs et l’organisation du ministère des outre-mer devraient être reconfigurés au sein du Gouvernement et de la République. Vous menez des politiques segmentées et, que vous le vouliez ou non, les pays d’outre-mer, éloignés qu’ils sont de 8 000, 12 000 ou 24 000 kilomètres, ne constituent pas des territoires qui puissent à la fois bénéficier directement des politiques d’État et mettre en place des politiques tenant compte des différences et des particularités. Il s’agit d’un double enjeu que l’on ne peut pas maîtriser.
Je ne vous demande pas d’être ministre de l’éducation lorsque nous parlons d’éducation, mais une cohérence globale est nécessaire pour accompagner ces pays – et je ne parle pas d’une mise sous tutelle mentale – vers une émancipation économique, sociale et culturelle. Ce qui manque, c’est le socle de la culture et du développement. Sans cela, vous continuerez à panser les bobos et les plaies du passé. Ce qu’il faut, c’est instaurer dans ces pays des mécanismes autonomes de développement économique.
Aujourd’hui, l’un des grands enjeux dans nombre de ces pays est l’illettrisme, qui concerne 50 % de la population à Mayotte et 19,5 % à la Martinique. C’est inacceptable ! Il faut mener une politique globale, qui ne peut être uniquement budgétaire. Je soutiens un amendement d’appel en espérant que vous ne raisonnerez pas dans une logique de guichet, mais dans une logique de projet. Quel est l’avis de la commission ? Cher collègue, vous avez raison : à Mayotte, en Martinique et dans les outre-mer, on rencontre bien plus qu’ailleurs de véritables problèmes d’illettrisme. Il s’agit souvent d’un tabou qui constitue un frein à l’emploi.
Cependant, ce que vous proposez va au-delà de la mission « Outre-mer » et concerne également le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industrie culturelles ».
Je vous signale, même si cela est insuffisant, que l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme a mis en place un plan pluriannuel. Ça ne sert à rien ! Il commence lentement à produire ses effets. Le service militaire adapté, le SMA, constitue également une véritable réussite pour lutter contre l’illettrisme.
La commission des finances ne s’étant pas prononcée sur l’amendement, c’est à titre personnel que j’émets un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Letchimy, nous avons toujours débattu dans cet hémicycle sur le ministère des outre-mer, qu’il ait été un plein ministère, un secrétariat d’État dépendant du ministère de l’intérieur ou qu’il puisse être, comme certains le verraient bien, placé auprès du Premier ministre. Pour ma part, vous le savez, je reste persuadée qu’à côté du droit commun, il y a tout ce que nous pouvons appeler la « différenciation ». C’est cela que j’ai envie de porter.
Or cela nécessite de pousser beaucoup plus loin, jusqu’à la question, dont nous débattons souvent ensemble, du statut des territoires d’outre-mer, de leur évolution vers plus de liberté et de démocratie économique. Sur l’ensemble des sujets, il s’agit que les territoires prennent encore plus de responsabilités que celles qui sont aujourd’hui les leurs. Seulement, il n’y a pas de demande en la matière ! Moi, je le demande ! À part la vôtre, monsieur le député, il n’y a pas de demande. J’ai toujours dit qu’en tant que ministre des outre-mer, il ne m’appartenait pas de porter un tel débat sans que les territoires aient demandé à penser une évolution statutaire ou une relation différente à la France, selon l’espace concerné.
S’agissant du sujet soulevé par votre amendement, je ne rappellerai pas l’ensemble des dispositifs mis en place par le ministère de l’éducation. Afin de disposer d’une analyse plus fine de la situation, j’ai demandé à chaque préfet de travailler avec les recteurs et les directeurs des affaires culturelles de chaque territoire pour désigner un délégué régional illettrisme et livre, lecture. Je souhaite animer cette équipe à partir du ministère des outre-mer pour apporter, avec le ministère de l’éducation, des réponses plus spécifiques aux besoins des outre-mer. Je suis donc défavorable à l’amendement. La parole est à M. Serge Letchimy. Madame la ministre, votre réponse est très intéressante en ce que vous avez répondu très favorablement à une partie de l’amendement que j’ai défendu au nom de Mme Josette Manin. Elle a fait deux propositions, dont l’une concerne la répartition des crédits de la mission, et l’autre vise à la mise en place, pays par pays, d’un délégué régional chargé de la lutte contre l’illettrisme.
Si je comprends bien votre réponse, vous pourriez sous-amender l’amendement afin d’en accepter la seconde partie avec laquelle vous venez d’expliquer que vous êtes d’accord. Je ne voudrais pas que vous puissiez être en désaccord avec vous-même : donnez votre accord immédiatement et sous-amendez ! (Sourires.) C’est bien essayé, monsieur Letchimy. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ? Monsieur le député, pour être en accord avec moi-même, je vous demande de retirer l’amendement dont une moitié est déjà satisfaite. Les mesures que j’annonce n’étant pas de nature législative, vous comprendrez que je ne présente pas de sous-amendement. Il reste qu’une partie de ce que vous évoquiez est déjà acquise. Monsieur Letchimy, entendez-vous l’appel de la ministre ? Puisque la parole de la ministre, vaut un engagement écrit, comme tout ce qui se dit ici, je prends acte de sa décision de mettre en place des délégués, territoire par territoire. Je retire l’amendement. (L’amendement no 522 est retiré.) Vous voyez que cela peut arriver, même à gauche !
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 399. Cet amendement d’appel insiste sur la nécessité d’un plan global pour les outre-mer afin de garantir le droit inconditionnel des populations à disposer d’un d’accès à l’eau.
Le droit d’accéder à l’eau potable est un droit reconnu dans de nombreux pays et par des organisations internationales dont la France est membre. Une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU a, en particulier, reconnu, en 2010, « l’importance que revêt l’accès équitable à une eau potable salubre et propre et à des services d’assainissement, qui fait partie intégrante de la réalisation de tous les droits de l’homme ». L’accès à l’eau potable est ainsi un « droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’Homme ». Ce droit à valeur constitutionnelle, qui a été reconnu de plusieurs façons en droit interne, n’est pourtant pas appliqué sur l’ensemble de nos territoires, et, en la matière, la situation des outre-mer reste particulièrement préoccupante.
Premièrement, on note un manque important d’informations sur la collecte, l’assainissement et la distribution de l’eau : les informations sont parcellaires ou inexistantes du fait d’un manque visible de coordination et de communication entre les territoires concernés.
Deuxièmement, lorsque les informations existent, elles révèlent de très fortes disparités avec la situation dans l’Hexagone. Ainsi, alors que le prix moyen du mètre cube d’eau était en 2013 de 2,03 euros au niveau national, il varie de 2,22 euros à Saint-Pierre-et-Miquelon à 5,28 euros en Martinique. Au regard du taux de pauvreté plus élevé en outre-mer, le poids sur le budget des ménages des dépenses liées à l’eau courante est clairement disproportionné et inégalitaire – 0,8 % dans l’hexagone contre 1,65 % pour la Martinique par exemple.
Mais pour qu’elle arrive jusqu’aux ménages, encore faut-il pouvoir acheminer cette eau. Et, là encore, l’écart est flagrant : alors que le rendement des réseaux est de 79,9 % en France hexagonale, il est seulement de 53 % en outre-mer. De plus, une partie très importante de la population n’a tout simplement pas accès à l’eau. Ainsi, à Mayotte et en Guyane, on estime que près de 20 % de la population ne dispose pas d’eau potable à proximité du domicile.
Par ailleurs, il est à noter que la qualité même de l’eau est très loin de celle de l’eau distribuée sur le territoire hexagonal : à La Réunion, 52 % des habitants sont alimentés par des réseaux dont la sécurité sanitaire est insuffisante, et des parasites seraient présents dans l’eau pour 5 % des abonnés.
Cet amendement vise donc à prélever un euro sur l’action 04 « Financement de l’économie » du programme « Emploi outre-mer », pour abonder un nouveau programme dénommé« Plan global pour le droit d’accès à l’eau des outre-mer ». Quel est l’avis de la commission ? Madame Obono, je partage tout à fait votre analyse. Vous avez raison, l’accès à l’eau est un droit constitutionnel et fondamental. Et dans les outre-mer, je pense à Mayotte mais aussi à mon territoire, la Guadeloupe, c’est une vraie difficulté. Nous avons mis en place en Guadeloupe, avec les collectivités territoriales et un peu l’État, un plan pour arrêter les tours d’eau d’ici à 2022. Cela dit, nous avons dorénavant un fonds exceptionnel d’investissement dont une partie conséquente sera forcément consacrée à l’accès à l’eau dans ces territoires reculés. Notons aussi la fréquente faillite de la sphère communale ou intercommunale en ce domaine.
Je retiens que l’enjeu que vous mettez en avant reste entier et, comme je comprends la démarche symbolique d’un euro, j’émets un avis de sagesse. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, le plan que vous sollicitez existe déjà sous la dénomination d’Eau DOM. Ce plan a été lancé en juin 2016 et se décline au travers de contrats de progrès. Il s’agit, en effet, de permettre aux collectivités de répondre aux besoins considérables en matière d’investissement. Reconnaissons, toutefois, et M. le rapporteur spécial l’a dit, que les causes de cette situation sont connues et que cette compétence ne relève pas de l’État, même si celui-ci doit être aux côtés des collectivités en la matière.
Sur la période 2019-2022, près de 80 millions d’euros sont prévus au titre de l’Agence française pour la biodiversité, et le triplement des crédits en provenance du Fonds européen d’intégration, dits « crédits FEI », permettra également d’apporter une partie de la réponse, de même que l’augmentation des moyens dédiés aux contrats de convergence. En outre, la reconduction du fonds vert permettra aussi des financements pour les projets en matière d’eau et d’assainissement, car il s’agit bien d’une adaptation.
Madame la députée, vous le voyez, ce n’est pas un euro que prévoit le Gouvernement pour résoudre cette problématique, mais bien des millions, mis à la disposition des collectivités pour répondre aux énormes besoins des territoires d’outre-mer. Chacun a ses responsabilités et, en la matière, les fuites d’eau ne sont pas qu’aux robinets… Avis défavorable. (L’amendement no 399 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 486. Défendu ! Quel est l’avis de la commission ? La commission ne s’est pas prononcée, mais j’émets un avis défavorable à titre personnel. (L’amendement no 486, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 503. Il s’agit, là encore, d’un amendement d’appel à un euro symbolique. Notre groupe veut que soient enfin garantis la construction et l’entretien d’infrastructures sanitaires à la hauteur des besoins des populations.
Cet amendement est la traduction de sollicitations de citoyens et de citoyennes. Il s’appuie notamment sur le rapport de la Cour des comptes de 2014 consacré à la santé en outre-mer, dans lequel celle-ci indiquait que « malgré leurs spécificités géographiques, humaines et organisationnelles, les départements et collectivités d’outre-mer ont en commun d’être confrontés à des problématiques sanitaires d’une nature et d’une ampleur souvent particulières ». Il nous a été ainsi signalé, par divers acteurs du secteur, le manque de moyens des hôpitaux publics, notamment en Martinique, illustré par la fermeture du service d’hématologie du CHU de l’île, et à La Réunion, où l’hôpital de Saint-Pierre a connu une grève très importante du personnel, tandis que les difficultés sont manifestes pour les dialysés à l’établissement de l’AURAR – Association pour l’utilisation du rein artificiel à La Réunion. Rappelons aussi le manque de moyens immobiliers et humains du centre hospitalier de Mayotte et, bien évidemment, le manque de moyens pour lutter au mieux contre l’empoisonnement au chlordécone en Guadeloupe, sujet sur lequel j’ai déjà, comme d’autres collègues, interpellé le Gouvernement.
Cet amendement propose donc de prélever un euro sur l’action 04 « Financement de l’économie » du programme « Emploi outre-mer », pour abonder un nouveau programme : « Fonds d’urgence d’investissement dans les infrastructures sanitaires ». Sur les crédits de la mission « Outre-mer », je suis saisi par le groupe La France insoumise et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 503 ? Madame Obono, comme pour l’eau, vous avez tout à fait raison, les problématiques de santé, d’accès aux soins et de risques de perte de chance dans nos territoires ultramarins sont réelles. Je suis bien placé pour le savoir : nous avons en Guadeloupe le seul hôpital de France qui ait brûlé. Je suis sensible à votre argumentation, en particulier sur le chlordécone, cette molécule terrible au sujet de laquelle toutes les responsabilités doivent être reconnues.
Malgré tout, il y a des efforts évidents dans les territoires, y compris en Guadeloupe où un nouveau CHU sera construit pour 580 millions d’euros. Il est vrai qu’il s’agit de réduire le chemin qui reste à parcourir. La commission ne s’est pas prononcée sur votre amendement, mais j’émets à titre personnel un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Oui, l’État est conscient des difficultés que connaissent les territoires ultramarins en matière de santé, notamment en ce qui concerne les CHU, que ce soit en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte ou à La réunion. Sur la période 2017-2018, 1 milliard d’euros a été consacré à répondre à ces problèmes dans les territoires d’outre-mer.
Au-delà de ce montant, le Gouvernement a été au rendez-vous lors de l’incendie qu’a évoqué le rapporteur spécial. Je rappelle aussi la décision, antérieure à mon arrivée au ministère, de prise en charge à 100 % par l’État de la construction d’un nouvel hôpital en Guadeloupe. Il faut également noter l’intervention en Martinique à travers le fonds de roulement pour l’hôpital, mais aussi pour la rénovation de bâtiments, ainsi que la mise sous tutelle, en quelque sorte, pendant quelques mois, le temps qu’une équipe ad hoc pense une nouvelle politique pour l’établissement – la question se posera d’ailleurs avec les élus de Guyane dans quelques jours.
Je souligne que la ministre de la santé a mis en place un groupe de travail pour mieux prendre en compte les difficultés des territoires d’outre-mer. Elle s’est rendue dans la plupart d’entre eux, et continuera à les visiter régulièrement.
Je conclurai en notant qu’à Mayotte, plus de 200 000 euros ont été débloqués en urgence pour répondre aux différents besoins. Avis défavorable. Et à La Réunion, c’est zéro ! La parole est à Mme Ericka Bareigts. Les débats sont fort intéressants, balayant les différents problèmes sociaux et économiques que soulève cet amendement sur l’eau défendu par notre collègue. Toutefois, nous, députés socialistes, avons ouvert la discussion sur cette mission en regrettant de ne pas avoir pu disposer bien en amont du DPT, le document de politique transversale, qui n’a été mis en consultation qu’à l’ouverture de la discussion.
Madame la ministre, vous nous avez renvoyés, à juste titre, à l’ensemble des ministères qui devaient, dans un « réflexe outre-mer », se mobiliser sur tous les thèmes que nous avons abordés et abonder les budgets pour nous soutenir, tant en matière de santé qu’en matière de transports, etc. Or, en feuilletant le DPT, nous constatons aux pages 393 et suivantes qu’il y a une baisse des crédits de l’État, tous domaines confondus : moins 500 millions pour La Réunion, moins 240 millions pour la Guadeloupe, moins 210 millions pour la Martinique, moins 18 millions pour la Guyane. C’est du délire ! Je n’ai pas le chiffre pour Mayotte, mais le constat est là. À titre d’exemple, alors que je viens d’évoquer le réflexe outre-mer, qu’il y a énormément de problèmes et que nous sommes tous mobilisés comme le Gouvernement, nous constatons le recul sur ces lignes budgétaires. (M. Jean-Hugues Ratenon applaudit.) La parole est à M. Gabriel Serville. Je suis profondément déçu de découvrir à l’instant ces chiffres, et je rejoins Ericka Bareigts quand elle dénonce le fait que nous n’ayons pas eu le DPT plus tôt – j’ai sacrifié mon dessert pour pouvoir l’analyser très rapidement ! Je me suis rendu compte que la dotation pour la Guyane était en diminution de 18 millions d’euros, comme la collègue vient de le dire.
Je ne vais pas faire le florilège de tout ce que j’y ai constaté, mais j’ai noté que des programmes ont subi une véritable saignée : le programme 138 « Emploi outre-mer » baisse de 79 %, le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » de 61 % sur trois ans, le programme « Administration pénitentiaire » de 35 % sur trois ans également, les crédits alloués à la culture baissent de 39 % en un an.
Madame la ministre, vous disiez tout à l’heure qu’il faut utiliser les bons chiffres : hélas ! nous nous rendons compte qu’au moment où je vous parle, nous ne savons pas lesquels sont réellement les bons. Si l’on veut vraiment travailler à l’amélioration de l’attractivité du territoire, il y a des lignes de force sur lesquelles on ne peut être fébriles. Or quand je vois les diminutions drastiques opérées sur certains programmes tels que l’emploi outre-mer, je me dis qu’on a tout fait sauf ce qu’il aurait fallu pour permettre à nos territoires de progresser. Je regrette fondamentalement que les choses se passent ainsi au cours d’un débat qui en réalité n’en est pas un.
Le scrutin est de nouveau annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement. Monsieur le président, madame la ministre des outre-mer, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, voici encore un cas particulier en lien avec le problème de la cherté de la vie outre-mer. Je veux parler des difficultés que connaissent les personnes à mobilité réduite ou les handicapés moteurs pour acquérir des véhicules adaptés ou des fauteuils roulants électriques.
Cet amendement est la traduction de deux appels à la solidarité lancés sur les réseaux sociaux par des personnes habitant à Bras-Panon, la petite ville de 12 000 habitants où je réside. Alain souhaite trouver un peu de liberté en s’achetant un véhicule adapté, puisqu’il a le permis de conduire. Quant à la maman d’Anna, elle a lancé il y a une semaine une opération de fabrication et de vente de confiture de papaye pour acheter un fauteuil électrique coûtant 5 000 euros.
Combien de cas encore comme cela ? Au niveau de vie relativement bas qu’on constate dans la population ultramarine en général et chez les personnes handicapées en particulier, il faut ajouter le coût exorbitant des véhicules adaptés et des fauteuils roulants. La question des véhicules adaptés, que nous préférons écologiques, rejoint mon propos de tout à l’heure sur la désorganisation totale de nos transports en commun. Souvent peu nombreux et bondés, ils sont parfois inadaptés à l’accueil de passagers en fauteuil roulant. C’est un vrai problème sur nos territoires. La question des déplacements de courte distance se pose également. Par exemple, les caractéristiques physiques de l’île de La Réunion font que nos villes connaissent de grands dénivelés, qui peuvent constituer un obstacle physique important pour les personnes non dotées d’un fauteuil roulant électrique.
Nous proposons donc la création d’un fonds spécial d’aide à l’acquisition de ce genre de matériel afin que nos sociétés soient plus inclusives. La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement. Là encore, monsieur Ratenon, vous évoquez une problématique importante pour nos territoires ultramarins : le manque d’équipements destinés aux personnes à mobilité réduite. Cependant, cette question doit être traitée dans le cadre de deux autres missions : la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Ce n’est pas à la mission « Outre-mer » de porter les crédits relatifs à cette problématique. La commission des finances n’a pas examiné votre amendement ; à titre personnel, je lui donne un avis défavorable. La parole est à Mme la ministre des outre-mer, pour donner l’avis du Gouvernement. Vous avez raison, monsieur Ratenon, nos territoires d’outre-mer souffrent de retards en matière de prise en charge du handicap.
Le Gouvernement a pris un certain nombre d’engagements forts, portés par ma collègue Sophie Cluzel, tous applicables dans les territoires d’outre-mer. Ils permettent de faire un pas énorme dans le soutien aux personnes handicapées. Je vais vous en rappeler quelques-uns : l’amélioration de l’accueil dans les structures collectives, avec un bonus pour le financement des crèches qui accueillent des enfants en situation de handicap ; l’attribution à vie des principaux droits comme l’allocation aux adultes handicapés – AAH – et la carte mobilité inclusion ; le renforcement de l’accès aux soins et aux prestations, avec un meilleur remboursement des prestations liées au handicap par l’assurance maladie ; la facilitation de la mobilité, avec la réduction des frais supportés par les accompagnants dans les transports publics, ce qui répond en partie au problème que vous avez soulevé ; la poursuite de la sensibilisation du public, avec la formation, d’ici à la fin de l’année, des ambassadeurs de l’accessibilité, qui seront des jeunes en service civique. Toutes ces mesures seront effectivement mises en place dans les territoires d’outre-mer. Elles s’ajoutent aux outils dont disposent les collectivités locales.
Laissons à ces mesures le temps d’être appliquées dans nos territoires avant d’envisager des mesures spécifiques aux outre-mer. Avis défavorable. La parole est à M. Serge Letchimy. Madame la ministre, vous avez utilisé en commission une formule très intéressante – je suppose que vous l’avez reprise, car je l’entends depuis très longtemps. Vous nous avez appelé à sortir d’une logique de guichet pour passer à une logique de projets, et votre réponse est extrêmement claire. Mais je pense qu’il y a un problème auquel la République devrait réfléchir, qui concerne le périmètre du ministère des outre-mer, son rôle et sa fonction dans cette perspective.
Comment se placer dans ce cadre de projets sans avoir la main sur ce qui va avec ? Je ne dis pas qu’il faut doter le ministère des outre-mer de toutes les compétences régaliennes. Cependant, comme l’a expliqué M. Ratenon, nous sommes confrontés tant au vieillissement de la population qu’à la multiplication des handicaps, notamment chez les personnes âgées. Madame la ministre, si la décision est prise dans les autres ministères, si vous n’avez pas un pouvoir suffisamment important pour imposer votre projet sur la mobilité des personnes en situation de handicap et en maîtriser la mise en œuvre, alors vous patinez !
Vous êtes prisonnière d’un carcan : le budget de l’outre-mer s’élève à 24 milliards d’euros, mais vous n’en maîtrisez que 10 %, soit 2 milliards d’euros. Les 22 milliards restants sont éparpillés dans les budgets des autres ministères ; ils ne sont pas sous votre responsabilité. Tout est alors question de négociation : si vous avez du poids politique, vous pouvez vous imposer, mais si vous n’en avez pas, les autres ministres font leurs affaires !
Il y a là une grande incohérence. Je dis cela pour l’avenir, à l’attention de ceux qui veulent changer les choses et passer de la logique de guichet à celle de projets. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon. Depuis tout à l’heure, je présente un certain nombre d’amendements, mais tant M. le rapporteur, président de la délégation aux outre-mer, que Mme la ministre me répondent à chaque fois : « Vous soulevez un vrai problème mais nous repoussons votre amendement. » Non, nous apportons des réponses ! C’est extrêmement grave.
Sur cet amendement, madame la ministre, vous dites qu’un certain nombre de solutions existent et que tout va bien. Depuis tout à l’heure, tout va bien dans les outre-mer ! Mais depuis plusieurs jours, une mère de famille a entrepris de fabriquer et de vendre, avec la solidarité de quelques amis, des pots de confiture afin d’essayer de récolter 5 000 euros pour acheter un fauteuil roulant électrique. Vous dites qu’il n’y a pas de problème, mais cette dame a déposé à plusieurs reprises un dossier à la maison départementale des personnes handicapées – MDPH – de La Réunion. Elle a sollicité les collectivités mais n’a pas obtenu de réponse. Depuis qu’elle a commencé sa collecte de fonds, beaucoup d’institutions l’ont contactée mais personne n’a trouvé de solution. Vous dites que tout va bien, mais on refuse à cette dame le financement d’un fauteuil roulant au motif que son enfant de vingt-six ans, qui ne peut pas se servir de ses bras, serait incapable d’utiliser la manette. Or la maman demande un fauteuil roulant avec les commandes derrière, pour être soulagée elle-même. Invariablement, vous dites que tout va bien. Ce n’est pas normal !
Il en est de même pour Alain, le jeune homme qui a lancé une collecte de fonds sur le site Leetchi.com. À l’âge de vingt ans, il s’est retrouvé dans un fauteuil roulant à la suite d’un accident de plongée. Il a alors quitté La Réunion pour venir ici, dans l’hexagone, passer son permis à ses frais – il a d’ailleurs payé beaucoup plus cher que les autres ! De retour à La Réunion, il n’a pas les moyens de s’acheter un véhicule. Or, pour lui, avoir un véhicule pour se déplacer, c’est retrouver un peu de liberté et pouvoir soulager sa famille. Et vous dites à ces personnes que tout va bien et que toutes les mesures sont prises ! (Mme Danièle Obono applaudit.) La parole est à M. Sébastien Jumel. J’aborde ce débat avec beaucoup d’humilité : je veux simplement vous apporter un témoignage. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du débat budgétaire, nous avons démontré que le droit commun en matière de prise en charge des personnes en situation de handicap n’était pas à la hauteur des besoins. Nous avons dénoncé cette situation avec force – François Ruffin a évoqué la scolarisation des enfants en situation de handicap – et avons notamment souligné les difficultés sociétales auxquelles nous sommes confrontés, liées au vieillissement des personnes en situation de handicap et à notre incapacité à leur offrir des structures adaptées. Ces personnes vivent plus longtemps qu’avant, ce qui est une bonne chose, et l’insuffisance des moyens qui leur sont consacrés saute aux yeux.
Dans les départements d’outre-mer, la situation est encore plus grave, tant en termes de moyens mis en œuvre que de cumul des critères d’exclusion et donc d’accès à ces droits fondamentaux. Mes collègues ont raison de poser cette question fondamentale : madame la ministre, dans les discussions que vous avez ou que vous subissez avec vos collègues des autres ministères, comment pouvez-vous obtenir des crédits exorbitants du droit commun, prenant en compte des situations extraordinaires, atypiques en termes de situations sociales et d’inégalités ? En droit français, dans des situations différentes, des traitements différents peuvent être appliqués afin de tendre vers l’égalité. Or le mépris perçu par les outre-mer réside justement dans votre incapacité à prendre en compte, notamment dans le cadre de ce budget, leur situation spécifique et leurs besoins exorbitants du droit commun. C’est particulièrement vrai en matière de handicap. Les témoignages que nous venons d’entendre nous tordent le ventre ! Très bien ! Je mets aux voix l’amendement no 495. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 21
Contre 49 (L’amendement no 495 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 497. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Dans cet amendement, monsieur Ratenon, vous proposez de récupérer des crédits pour financer des activités liées à la continuité territoriale.
Outre que 40 millions d’euros sont déjà consacrés chaque année à la continuité territoriale, vous proposez de récupérer des fonds liés à l’accès des petites entreprises au financement, alors que c’est un élément important pour le développement économique des outre-mer. Pour cette raison, même si la commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement, j’exprime un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Un mot sur cet amendement, mais aussi sur tous les autres, dont nous débattons depuis quelques heures, et sur ceux qui sont encore à venir. Le réflexe outre-mer consiste précisément à ce que tous les ministres prennent aujourd’hui en compte les spécificités des territoires d’outre-mer. Il n’y a pas de mépris, et surtout pas de ma part. Je ne supporte pas ce mot ! Ne dites pas qu’il y a du mépris envers les territoires d’outre-mer : ce n’est pas vrai, ni dans ce gouvernement, ni dans la plupart des autres, qui ont soutenu de nombreuses démarches dans ces territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Quand on en arrive là dans les débats,... Ce n’est pas personnel, madame la ministre, c’est un ressenti ! …c’est lorsqu’on ne parvient pas à porter ensemble des projets. L’important, c’est que le débat nous conduit à dire, comme je l’ai déjà dit, que le Livre bleu est le projet de tous les ministères, le projet de ce gouvernement, et non pas seulement le Livre bleu du ministère des outre-mer : chaque ministère y a inscrit ses engagements pour répondre aux besoins des territoires d’outre-mer, qui sont vraiment pris en compte.
En même temps, il est vrai qu’il existe dans les outre-mer des besoins que le budget 2019 n’épuisera pas, ni même, malheureusement, ceux de 2020 et 2021. J’ai sans doute été la première ici à déclarer que la situation de Mayotte était un échec collectif, et je peux, du reste, le faire pour plusieurs sujets, sur plusieurs territoires d’outre-mer. Il est donc vrai que je ne parviendrai pas répondre, même avec le soutien de tous les autres ministères, aussi vite qu’on le voudrait, et j’en suis la première frustrée. Avançons avec toutes les nouvelles mesures instaurées et regardons comment aller plus vite, tous ensemble. C’est véritablement ce que je souhaite faire avec tout le monde. La parole est à M. Serge Letchimy. Nous abordons là un sujet central et je me permets d’intervenir encore, car c’est, pour moi, fondamental. Madame la ministre, si vous maintenez L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité – LADOM – dans un seul sens, vous tuez certains pays d’outre-mer. Je ne vous accuse certes pas de tuer quoi que ce soit, mais vous expurgerez démographiquement ces pays, phénomène qui a commencé avec le BUMIDOM – Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer – qui, dans les années 1960, a fait venir en métropole des milliers de personnes pour dégonfler démographiquement différents pays considérés comme étant, selon la philosophie de l’époque, en surpopulation. Si vous maintenez LADOM uniquement en direction de Paris depuis Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Cayenne ou Saint-Denis, vous dévitaliserez démographiquement ces pays, car vous aurez installé un réflexe assez mécanique, qui consiste à penser que la seule solution est de quitter le pays – et même pas pour se rendre à proximité, comme, depuis la Martinique, pour aller à Trinidad, au Canada ou au Mexique, mais à Paris.
Qui plus est, malgré les mesures que nous avons fait adopter dans le cadre de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, il n’existe pas de LADOM retour : les deuxième, troisième et quatrième générations d’Antillais nés ici de père et de mère venus dans les années 1960 pour travailler à La Poste ou dans les hôpitaux ne peuvent pas bénéficier de la dynamique de retour.
En dix ans, la Martinique a perdu 30 000 personnes, soit 3 000 personnes par an : ce sont une fécondité et des cerveaux exportés. Si vous continuez ainsi, vous allez détruire ces pays – en vingt ans, 60 000 personnes quitteront la Martinique. Or, 40 % des gens ont plus de soixante ans, et vous imaginez bien que ce n’est pas à soixante-dix ans qu’on fait des enfants.
Je vous en supplie, mettez en place une dynamique démographique locale qui puisse permettre de relancer la démographie locale. Plus particulièrement, instaurez LADOM retour. Nous avons fait partir ces gens voilà trente ans. Faites-les revenir. La parole est à Mme Ericka Bareigts. Madame la ministre, vous avez déclaré que Mayotte était un échec collectif. La réalité à Mayotte est très compliquée et il faut garder de l’humilité face à la difficulté de la tâche. En 2011, lorsque Mayotte est devenue officiellement département français, aucune préparation n’avait été faite en vue de cette bascule vers une départementalisation réelle, ou du moins vers cette création de droits. Ce n’est, en réalité, qu’à partir de 2012 que le travail a commencé.
La loi sur l’égalité réelle a permis une accélération du rattrapage en matière de droits, et en particulier de droits sociaux. Cela ne règle pas tout le problème, mais c’est une pierre de l’édifice. On ne peut pas dire que seule la responsabilité est collective ; la construction l’est aussi et chacun apporte sa pierre, dans la mesure des responsabilités qui le lui permettent. C’est un premier point.
Deuxième point, tous les débats évoqués aujourd’hui l’ont, en fait, déjà été dans le cadre de la loi sur l’égalité réelle. Il y a deux sujets : le rattrapage de tous les retards historiques en termes de droits fondamentaux de la République et une nouvelle impulsion provenant des plans de convergence – mais pas des plans de convergence à 23 millions d’euros ! Ces plans doivent prévoir une arrivée d’argent frais qui nous permette de structurer nos territoires et de les propulser dans la nouvelle vision que nous avons de notre ancrage océanique. C’est là toute la question que soulèvent M. Ratenon et d’autres collègues.
On en revient donc à l’idée qu’il faut définir ces plans de convergence et les inscrire dans une coconstruction avec les territoires, comme l’ont voulu les députés et les sénateurs, afin que nous ayons les moyens d’une construction nouvelle et entièrement rénovée de notre propre développement dans nos espaces, qui sont complètement océaniques, et non pas exclusivement tournés vers l’Hexagone. La parole est à Mme la ministre. Deux réponses. Pour ce qui concerne, d’abord, les problèmes démographiques que connaissent la Martinique et d’autres territoires, se pose certes la question de la mobilité, mais aussi – soyons très clairs ! – celle de l’attractivité. Quand je demande à des Martiniquais pourquoi ils ne rentrent pas en Martinique, ils répondent que c’est parce que les territoires ne le leur permettent pas. La question est d’abord celle du développement économique, des emplois, des écoles et de l’attractivité globale du territoire. C’est ce que nous commençons à mettre en place, et que d’autres peut-être imaginaient auparavant, souhaitant y arriver par les contrats de convergence et de transformation que nous allons signer.
Madame la députée, vous connaissiez vos contraintes quand vous avez fait la loi sur l’égalité réelle – nous avons participé au même Gouvernement et je me souviens de certains messages. Le montant prévu pour les contrats de convergence n’est pas de 23 millions d’euros, comme vous l’avez dit, mais de 2,1 milliards d’euros. Si vous citez des chiffres, il faut utiliser les bons : ces 23 millions sont le montant supplémentaire engagé cette année et il me semble que nous sommes au rendez-vous des contraintes budgétaires que rencontre ce gouvernement et que vous avez connues à une autre époque.
Il convient d’être efficace avec chaque euro investi et de faire en sorte que nos jeunes rentrent dans nos territoires d’outre-mer. Je rencontre sur mon territoire le même problème que vous et nous devons travailler tous ensemble sur ces questions.
Quant à la mobilité régionale, c’est la première fois que LADOM intervient en ce sens et qu’il est possible de rester dans son bassin, sans doute pour permettre de revenir plus facilement dans son territoire d’outre-mer. Vous savez très bien que, lorsque les jeunes ont passé une, deux, trois ou quatre années en métropole, ils y ont fait leur vie et que le retour est compliqué – souvent, d’ailleurs, il faut alors deux emplois pour qu’ils puissent revenir. Nous devons travailler sur cette question.
Le rapport d’Olivier Serva sur la fonction publique – tout le monde n’est pas fonctionnaire, mais il y en a – formule diverses propositions visant à permettre aux fonctionnaires de rentrer chez eux ou aux jeunes d’avoir directement accès à la fonction publique par des concours locaux. Certaines de ces propositions seront reprises.
Nous travaillons à l’attractivité des territoires, au développement de l’emploi et au développement économique du territoire, à son rayonnement dans le bassin et à notre capacité à réfléchir autrement qu’en regardant la métropole lorsqu’on se trouve dans un territoire d’outre-mer. Vous avez entièrement raison et je suis persuadée que c’est comme cela que nous gagnerons, petit à petit et tous ensemble.
Pour ce qui est du volet social et des différents accompagnements, je vous prie, là aussi, de ne pas me faire le procès. Vous citez quelques exemples, mais je pourrais en citer d’autres. Je connais bien les difficultés ultramarines et, même si on n’en fait jamais assez pour les gens qui sont en difficulté, les réponses formulées ici, plus globalement, pour l’ensemble de la métropole, sont des pas qui n’avaient jamais été franchis. (L’amendement no 497 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 401. Cet amendement tend à récupérer, sur l’action 09 du programme 123, 15,1 millions d’euros qui servent à appuyer des intérêts bancaires. Cette somme représente la hausse du budget de cette action entre 2007 et 2018.
Nous proposons de répartir cet argent entre trois actions qui ont connu des baisses de budget entre 2007 et 2018 : les actions « Logement », « Collectivités territoriales » et « Sanitaire, sociale, culture, jeunesse et sports ». Cette année, le Gouvernement a beaucoup dit que ces budgets seraient en hausse, ce qui, de notre point de vue et d’après nos calculs, n’est que partiellement vrai, car ces augmentations concédées cette année ne compensent pas les baisses subies l’année dernière. Il manque ainsi 500 000 euros pour le budget de l’action « Sanitaire, sociale, culture, jeunesse et sports » et celui de l’action « Collectivités territoriales » accuse un recul de 39 millions d’euros. Quant à celui de l’action « Logement », il est en baisse de 8,4 millions d’euros.
Cet amendement d’appel vise à mettre à nu une situation et à appeler l’attention sur les faux-semblants d’augmentation du budget, qui ne prennent pas en compte l’inflation ni la démographie des territoires bénéficiaires de ces budgets, et qui équivalent donc à un statu quo , voire à un recul sur certains postes qui nous semblent essentiels. Quel est l’avis de la commission ? Madame Obono, vous soulevez des problèmes importants, notamment à propos des aspects sociaux, sportifs et culturels notamment. Cependant, vous proposez de récupérer des millions sur l’appui au financement des entreprises, qui est également un élément très important du développement économique de nos territoires. Même si la commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement, j’émets, à titre personnel, un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, votre amendement supprime des crédits du fonds vert, dont je soulignais tout à l’heure l’utilité. Je m’étonne surtout de la raison que vous invoquez : selon vous, ce ne serait pas du vrai argent et ce ne seraient pas de vrais projets. Or, ce sont, au total, 36 millions d’euros de bonification. L’Agence française de développement – AFD – accorde 325 millions d’euros de prêts et finance ainsi 1,3 milliard d’euros de vrai argent pour de vrais projets, qui sont précisément ceux dont vous considérez qu’ils doivent être financés. Ils le sont donc.
En matière de continuité territoriale, les crédits sont préservés, comme je l’ai déjà dit. Ce sont ainsi plus de 2 millions d’euros supplémentaires qui sont destinés à moderniser LADOM. Le fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif – FEBECS – est à nouveau doublé : on est bien, là encore, au rendez-vous des besoins. Quant à la ligne budgétaire unique – LBU –, elle ne diminue pas et le produit des cessions des sociétés immobilières d’outre-mer – SIDOM – sera versé, comme je l’ai dit tout à l’heure, en loi de finances rectificatives. Enfin, le Gouvernement vient d’annoncer 17 millions d’euros supplémentaires pour agir dans le domaine de l’accession à la propriété et de l’aide à la rénovation : cet amendement sera, lui aussi, porté. Vous dites, enfin, que l’action « Conduite des politiques publiques » accuse une baisse de 18 % : c’est normal, car il s’agit de la ligne budgétaire qui finançait les assises des outre-mer ; celles-ci étant terminées, nous n’avons pas renouvelé ce budget.
Il faut nous dire des choses vraies pour pouvoir, le cas échéant, mettre en place de nouveaux projets, mais il ne faut pas réduire à néant des efforts engagés depuis de très nombreuses années, notamment pour ce qui concerne le fonds vert, dont nous avons tous besoin. (L’amendement no 401 n’est pas adopté.) La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement no 416. Madame la ministre, notre majorité a l’occasion de montrer que son cœur est à gauche. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.) Quelquefois ! Il y a du pain sur la planche ! Ça va faire plaisir au Président : le cœur à gauche et le portefeuille à droite ! L’article 199 undecies C prévoit une réduction d’impôts dans les départements d’outre-mer et il est ici proposé de mettre fin à la défiscalisation pour passer au crédit d’impôt pour le logement social collectif.
Se pose cependant un problème, dont je sais que vous êtes consciente, madame la ministre : dans les habitations individuelles de logement social, des centaines de familles, notamment en Martinique et en Guadeloupe, sont dans l’attente et dans l’inquiétude. Je vous le confirme – vous pouvez me faire confiance : je les ai rencontrées et je vois encore ces personnes qui se trouvent dans l’indigence la plus extrême et n’ont pas les moyens de rénover leur habitation individuelle sociale.
Nonobstant les problèmes, juridiquement justes, d’abus de droit et de transfert de défiscalisation en crédit d’impôt, notre majorité doit apporter une réponse à ces personnes en difficulté. Tel est l’objet de mon amendement – que je trouve tellement bien que j’émets un avis favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Vous avez raison, monsieur le rapporteur spécial, outre-mer, les besoins en réhabilitation sont énormes. Mais ce n’est pas parce que je vais vous demander de retirer votre amendement que je ne suis pas une femme de gauche. Soyez courageux, maintenez-le ! Je crois qu’en la matière, je n’ai de preuve à fournir à personne dans cet hémicycle.
Dans les territoires d’outre-mer, 13 % des logements sont insalubres. C’est beaucoup trop et, bien sûr, il faut agir. L’année dernière, j’ai soutenu un amendement visant à nous donner une année supplémentaire pour évaluer l’outil que constitue l’article 199 undecies C du code général des impôts. Aujourd’hui, la couleur politique me semble avoir peu à faire dans le constat que ce dispositif est douteux et que les projets concernés peuvent être attaqués juridiquement. Je ne défendrai donc pas cet outil.
En revanche, nous devons en trouver d’autres pour répondre aux problèmes rencontrés. Le rétablissement des aides personnalisées au logement destinées à l’accession – l’APL accession – pendant une année, et le nouveau dispositif que nous construirons en 2019 doivent y contribuer. Je veux que nous puissions travailler ensemble sur cette double réponse qu’il est nécessaire de mettre en place pour les territoires d’outre-mer.
En conséquence, monsieur le rapporteur spécial, je vous demande de retirer votre amendement. Je rappelle que le dispositif que vous défendez concerne huit opérations, toutes mises en œuvre par le même opérateur ; je ne suis pas sûre que ce soit cela que vous souhaitiez favoriser ! La parole est à M. Olivier Serva. Les arguments de Mme la ministre m’ont convaincu : je retire mon amendement. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et LT.) Quel courage ! C’est une transplantation cardiaque : il s’arrache le cœur de gauche pour le mettre à droite ! (Sourires.) Je signale que la ministre a indiqué qu’avant la fin du mois de décembre, une analyse précise des divers éléments permettrait de construire un outil alternatif en faveur des plus indigents. Je reprends l’amendement, monsieur le président ! Je souhaite dire que… Monsieur Letchimy, vous reprenez l’amendement, mais cela ne donne pas lieu à un débat : nous passons directement au vote. Si vous en doutez, demandez à M. David Habib, qui se trouve juste derrière vous et qui a déjà présidé des débats. Je ne peux pas faire autrement à la place qui est la mienne. (L’amendement no 416 n’est pas adopté.) La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement no 417. Madame la ministre, je sais que la question des délais de paiement des collectivités territoriales en outre-mer constitue un sujet de forte préoccupation pour vous. Cela concerne les commerçants, les artisans, les entreprises du BTP qui servent finalement de banquiers dans un monde où ces derniers n’accordent que difficilement des financements.
L’amendement vise à créer un fonds qui permettrait au moins d’apurer le stock des créances que les entreprises locales détiennent sur les collectivités, car, derrière ces dettes, il y a des enjeux en termes d’emploi, de sécurité juridique et économique. Les entreprises qui ne sont pas payées ont tendance à ne pas payer leurs charges sociales, à ne pas déclarer leurs employés et à ne pas embaucher en bonne et due forme. Avis favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur le député, je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous faisons vraiment le même constat. Ça commence bien ! Cela dit, la réponse du Gouvernement se fera en deux temps, parce que je ne peux pas aller plus rapidement. Le premier temps, ce sera, en 2019, 10 millions d’euros consacrés à supprimer la garantie demandée aux entreprises qui cèdent leurs créances aux banques publiques d’investissement. Cette mesure permettra de réinjecter 25 millions d’euros de trésorerie dans l’économie réelle.
Vous proposez de mettre en place un mécanisme de responsabilisation des gestionnaires publics qui correspond à un second temps de notre action. Vous comprenez que je ne peux pas prendre ce type de décision seule, en tant que ministre des outre-mer. Il faut mener sur ce sujet un travail complet. Dans le cadre de la conférence nationale des territoires, organisée par le Premier ministre, qui se réunit régulièrement, un groupe spécifique se consacrera à la mise en place d’un dispositif de responsabilisation des collectivités. Nous aurons aussi un débat sur ce sujet à l’occasion du rassemblement des maires à Paris, car nous devons avancer avec les collectivités. Nous effectuerons un travail spécifique similaire lors de la venue des présidents de région. Monsieur le rapporteur spécial et président de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée, je vous propose d’être associé à cette démarche.
Aujourd’hui, nous en sommes déjà à une première étape, que je vous ai décrite ; faites-moi confiance, nous irons vers la seconde ! Je vous demande, en conséquence, de retirer votre amendement. Ne lâchez rien ! La parole est à M. le rapporteur spécial. J’ai entendu les explications convaincantes de la ministre, et je retire l’amendement. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes GDR, FI, LR et LT.) Je le reprends ! (L’amendement no 417 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 488. Il est défendu. (L’amendement no 488, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l’amendement no 522. Monsieur le rapporteur spécial, je suis à gauche, j’y reste, et je considère qu’il est des actions de gauche qu’il faut mener clairement. Lorsque l’on est à gauche, on n’est pas entre les deux. On est clairement à gauche ou clairement à droite. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe LaREM.) Et le centre ? C’est une question de philosophie et de fidélité à une vision des choses. Le balancier entre la gauche et la droite, à un moment donné, il s’arrête, qu’on le veuille ou non ! (Mêmes mouvements.)
Madame la ministre, je veux vraiment vous aider. Je pense sincèrement que les pouvoirs et l’organisation du ministère des outre-mer devraient être reconfigurés au sein du Gouvernement et de la République. Vous menez des politiques segmentées et, que vous le vouliez ou non, les pays d’outre-mer, éloignés qu’ils sont de 8 000, 12 000 ou 24 000 kilomètres, ne constituent pas des territoires qui puissent à la fois bénéficier directement des politiques d’État et mettre en place des politiques tenant compte des différences et des particularités. Il s’agit d’un double enjeu que l’on ne peut pas maîtriser.
Je ne vous demande pas d’être ministre de l’éducation lorsque nous parlons d’éducation, mais une cohérence globale est nécessaire pour accompagner ces pays – et je ne parle pas d’une mise sous tutelle mentale – vers une émancipation économique, sociale et culturelle. Ce qui manque, c’est le socle de la culture et du développement. Sans cela, vous continuerez à panser les bobos et les plaies du passé. Ce qu’il faut, c’est instaurer dans ces pays des mécanismes autonomes de développement économique.
Aujourd’hui, l’un des grands enjeux dans nombre de ces pays est l’illettrisme, qui concerne 50 % de la population à Mayotte et 19,5 % à la Martinique. C’est inacceptable ! Il faut mener une politique globale, qui ne peut être uniquement budgétaire. Je soutiens un amendement d’appel en espérant que vous ne raisonnerez pas dans une logique de guichet, mais dans une logique de projet. Quel est l’avis de la commission ? Cher collègue, vous avez raison : à Mayotte, en Martinique et dans les outre-mer, on rencontre bien plus qu’ailleurs de véritables problèmes d’illettrisme. Il s’agit souvent d’un tabou qui constitue un frein à l’emploi.
Cependant, ce que vous proposez va au-delà de la mission « Outre-mer » et concerne également le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industrie culturelles ».
Je vous signale, même si cela est insuffisant, que l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme a mis en place un plan pluriannuel. Ça ne sert à rien ! Il commence lentement à produire ses effets. Le service militaire adapté, le SMA, constitue également une véritable réussite pour lutter contre l’illettrisme.
La commission des finances ne s’étant pas prononcée sur l’amendement, c’est à titre personnel que j’émets un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Letchimy, nous avons toujours débattu dans cet hémicycle sur le ministère des outre-mer, qu’il ait été un plein ministère, un secrétariat d’État dépendant du ministère de l’intérieur ou qu’il puisse être, comme certains le verraient bien, placé auprès du Premier ministre. Pour ma part, vous le savez, je reste persuadée qu’à côté du droit commun, il y a tout ce que nous pouvons appeler la « différenciation ». C’est cela que j’ai envie de porter.
Or cela nécessite de pousser beaucoup plus loin, jusqu’à la question, dont nous débattons souvent ensemble, du statut des territoires d’outre-mer, de leur évolution vers plus de liberté et de démocratie économique. Sur l’ensemble des sujets, il s’agit que les territoires prennent encore plus de responsabilités que celles qui sont aujourd’hui les leurs. Seulement, il n’y a pas de demande en la matière ! Moi, je le demande ! À part la vôtre, monsieur le député, il n’y a pas de demande. J’ai toujours dit qu’en tant que ministre des outre-mer, il ne m’appartenait pas de porter un tel débat sans que les territoires aient demandé à penser une évolution statutaire ou une relation différente à la France, selon l’espace concerné.
S’agissant du sujet soulevé par votre amendement, je ne rappellerai pas l’ensemble des dispositifs mis en place par le ministère de l’éducation. Afin de disposer d’une analyse plus fine de la situation, j’ai demandé à chaque préfet de travailler avec les recteurs et les directeurs des affaires culturelles de chaque territoire pour désigner un délégué régional illettrisme et livre, lecture. Je souhaite animer cette équipe à partir du ministère des outre-mer pour apporter, avec le ministère de l’éducation, des réponses plus spécifiques aux besoins des outre-mer. Je suis donc défavorable à l’amendement. La parole est à M. Serge Letchimy. Madame la ministre, votre réponse est très intéressante en ce que vous avez répondu très favorablement à une partie de l’amendement que j’ai défendu au nom de Mme Josette Manin. Elle a fait deux propositions, dont l’une concerne la répartition des crédits de la mission, et l’autre vise à la mise en place, pays par pays, d’un délégué régional chargé de la lutte contre l’illettrisme.
Si je comprends bien votre réponse, vous pourriez sous-amender l’amendement afin d’en accepter la seconde partie avec laquelle vous venez d’expliquer que vous êtes d’accord. Je ne voudrais pas que vous puissiez être en désaccord avec vous-même : donnez votre accord immédiatement et sous-amendez ! (Sourires.) C’est bien essayé, monsieur Letchimy. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ? Monsieur le député, pour être en accord avec moi-même, je vous demande de retirer l’amendement dont une moitié est déjà satisfaite. Les mesures que j’annonce n’étant pas de nature législative, vous comprendrez que je ne présente pas de sous-amendement. Il reste qu’une partie de ce que vous évoquiez est déjà acquise. Monsieur Letchimy, entendez-vous l’appel de la ministre ? Puisque la parole de la ministre, vaut un engagement écrit, comme tout ce qui se dit ici, je prends acte de sa décision de mettre en place des délégués, territoire par territoire. Je retire l’amendement. (L’amendement no 522 est retiré.) Vous voyez que cela peut arriver, même à gauche !
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 399. Cet amendement d’appel insiste sur la nécessité d’un plan global pour les outre-mer afin de garantir le droit inconditionnel des populations à disposer d’un d’accès à l’eau.
Le droit d’accéder à l’eau potable est un droit reconnu dans de nombreux pays et par des organisations internationales dont la France est membre. Une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU a, en particulier, reconnu, en 2010, « l’importance que revêt l’accès équitable à une eau potable salubre et propre et à des services d’assainissement, qui fait partie intégrante de la réalisation de tous les droits de l’homme ». L’accès à l’eau potable est ainsi un « droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’Homme ». Ce droit à valeur constitutionnelle, qui a été reconnu de plusieurs façons en droit interne, n’est pourtant pas appliqué sur l’ensemble de nos territoires, et, en la matière, la situation des outre-mer reste particulièrement préoccupante.
Premièrement, on note un manque important d’informations sur la collecte, l’assainissement et la distribution de l’eau : les informations sont parcellaires ou inexistantes du fait d’un manque visible de coordination et de communication entre les territoires concernés.
Deuxièmement, lorsque les informations existent, elles révèlent de très fortes disparités avec la situation dans l’Hexagone. Ainsi, alors que le prix moyen du mètre cube d’eau était en 2013 de 2,03 euros au niveau national, il varie de 2,22 euros à Saint-Pierre-et-Miquelon à 5,28 euros en Martinique. Au regard du taux de pauvreté plus élevé en outre-mer, le poids sur le budget des ménages des dépenses liées à l’eau courante est clairement disproportionné et inégalitaire – 0,8 % dans l’hexagone contre 1,65 % pour la Martinique par exemple.
Mais pour qu’elle arrive jusqu’aux ménages, encore faut-il pouvoir acheminer cette eau. Et, là encore, l’écart est flagrant : alors que le rendement des réseaux est de 79,9 % en France hexagonale, il est seulement de 53 % en outre-mer. De plus, une partie très importante de la population n’a tout simplement pas accès à l’eau. Ainsi, à Mayotte et en Guyane, on estime que près de 20 % de la population ne dispose pas d’eau potable à proximité du domicile.
Par ailleurs, il est à noter que la qualité même de l’eau est très loin de celle de l’eau distribuée sur le territoire hexagonal : à La Réunion, 52 % des habitants sont alimentés par des réseaux dont la sécurité sanitaire est insuffisante, et des parasites seraient présents dans l’eau pour 5 % des abonnés.
Cet amendement vise donc à prélever un euro sur l’action 04 « Financement de l’économie » du programme « Emploi outre-mer », pour abonder un nouveau programme dénommé« Plan global pour le droit d’accès à l’eau des outre-mer ». Quel est l’avis de la commission ? Madame Obono, je partage tout à fait votre analyse. Vous avez raison, l’accès à l’eau est un droit constitutionnel et fondamental. Et dans les outre-mer, je pense à Mayotte mais aussi à mon territoire, la Guadeloupe, c’est une vraie difficulté. Nous avons mis en place en Guadeloupe, avec les collectivités territoriales et un peu l’État, un plan pour arrêter les tours d’eau d’ici à 2022. Cela dit, nous avons dorénavant un fonds exceptionnel d’investissement dont une partie conséquente sera forcément consacrée à l’accès à l’eau dans ces territoires reculés. Notons aussi la fréquente faillite de la sphère communale ou intercommunale en ce domaine.
Je retiens que l’enjeu que vous mettez en avant reste entier et, comme je comprends la démarche symbolique d’un euro, j’émets un avis de sagesse. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, le plan que vous sollicitez existe déjà sous la dénomination d’Eau DOM. Ce plan a été lancé en juin 2016 et se décline au travers de contrats de progrès. Il s’agit, en effet, de permettre aux collectivités de répondre aux besoins considérables en matière d’investissement. Reconnaissons, toutefois, et M. le rapporteur spécial l’a dit, que les causes de cette situation sont connues et que cette compétence ne relève pas de l’État, même si celui-ci doit être aux côtés des collectivités en la matière.
Sur la période 2019-2022, près de 80 millions d’euros sont prévus au titre de l’Agence française pour la biodiversité, et le triplement des crédits en provenance du Fonds européen d’intégration, dits « crédits FEI », permettra également d’apporter une partie de la réponse, de même que l’augmentation des moyens dédiés aux contrats de convergence. En outre, la reconduction du fonds vert permettra aussi des financements pour les projets en matière d’eau et d’assainissement, car il s’agit bien d’une adaptation.
Madame la députée, vous le voyez, ce n’est pas un euro que prévoit le Gouvernement pour résoudre cette problématique, mais bien des millions, mis à la disposition des collectivités pour répondre aux énormes besoins des territoires d’outre-mer. Chacun a ses responsabilités et, en la matière, les fuites d’eau ne sont pas qu’aux robinets… Avis défavorable. (L’amendement no 399 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 486. Défendu ! Quel est l’avis de la commission ? La commission ne s’est pas prononcée, mais j’émets un avis défavorable à titre personnel. (L’amendement no 486, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 503. Il s’agit, là encore, d’un amendement d’appel à un euro symbolique. Notre groupe veut que soient enfin garantis la construction et l’entretien d’infrastructures sanitaires à la hauteur des besoins des populations.
Cet amendement est la traduction de sollicitations de citoyens et de citoyennes. Il s’appuie notamment sur le rapport de la Cour des comptes de 2014 consacré à la santé en outre-mer, dans lequel celle-ci indiquait que « malgré leurs spécificités géographiques, humaines et organisationnelles, les départements et collectivités d’outre-mer ont en commun d’être confrontés à des problématiques sanitaires d’une nature et d’une ampleur souvent particulières ». Il nous a été ainsi signalé, par divers acteurs du secteur, le manque de moyens des hôpitaux publics, notamment en Martinique, illustré par la fermeture du service d’hématologie du CHU de l’île, et à La Réunion, où l’hôpital de Saint-Pierre a connu une grève très importante du personnel, tandis que les difficultés sont manifestes pour les dialysés à l’établissement de l’AURAR – Association pour l’utilisation du rein artificiel à La Réunion. Rappelons aussi le manque de moyens immobiliers et humains du centre hospitalier de Mayotte et, bien évidemment, le manque de moyens pour lutter au mieux contre l’empoisonnement au chlordécone en Guadeloupe, sujet sur lequel j’ai déjà, comme d’autres collègues, interpellé le Gouvernement.
Cet amendement propose donc de prélever un euro sur l’action 04 « Financement de l’économie » du programme « Emploi outre-mer », pour abonder un nouveau programme : « Fonds d’urgence d’investissement dans les infrastructures sanitaires ». Sur les crédits de la mission « Outre-mer », je suis saisi par le groupe La France insoumise et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 503 ? Madame Obono, comme pour l’eau, vous avez tout à fait raison, les problématiques de santé, d’accès aux soins et de risques de perte de chance dans nos territoires ultramarins sont réelles. Je suis bien placé pour le savoir : nous avons en Guadeloupe le seul hôpital de France qui ait brûlé. Je suis sensible à votre argumentation, en particulier sur le chlordécone, cette molécule terrible au sujet de laquelle toutes les responsabilités doivent être reconnues.
Malgré tout, il y a des efforts évidents dans les territoires, y compris en Guadeloupe où un nouveau CHU sera construit pour 580 millions d’euros. Il est vrai qu’il s’agit de réduire le chemin qui reste à parcourir. La commission ne s’est pas prononcée sur votre amendement, mais j’émets à titre personnel un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Oui, l’État est conscient des difficultés que connaissent les territoires ultramarins en matière de santé, notamment en ce qui concerne les CHU, que ce soit en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte ou à La réunion. Sur la période 2017-2018, 1 milliard d’euros a été consacré à répondre à ces problèmes dans les territoires d’outre-mer.
Au-delà de ce montant, le Gouvernement a été au rendez-vous lors de l’incendie qu’a évoqué le rapporteur spécial. Je rappelle aussi la décision, antérieure à mon arrivée au ministère, de prise en charge à 100 % par l’État de la construction d’un nouvel hôpital en Guadeloupe. Il faut également noter l’intervention en Martinique à travers le fonds de roulement pour l’hôpital, mais aussi pour la rénovation de bâtiments, ainsi que la mise sous tutelle, en quelque sorte, pendant quelques mois, le temps qu’une équipe ad hoc pense une nouvelle politique pour l’établissement – la question se posera d’ailleurs avec les élus de Guyane dans quelques jours.
Je souligne que la ministre de la santé a mis en place un groupe de travail pour mieux prendre en compte les difficultés des territoires d’outre-mer. Elle s’est rendue dans la plupart d’entre eux, et continuera à les visiter régulièrement.
Je conclurai en notant qu’à Mayotte, plus de 200 000 euros ont été débloqués en urgence pour répondre aux différents besoins. Avis défavorable. Et à La Réunion, c’est zéro ! La parole est à Mme Ericka Bareigts. Les débats sont fort intéressants, balayant les différents problèmes sociaux et économiques que soulève cet amendement sur l’eau défendu par notre collègue. Toutefois, nous, députés socialistes, avons ouvert la discussion sur cette mission en regrettant de ne pas avoir pu disposer bien en amont du DPT, le document de politique transversale, qui n’a été mis en consultation qu’à l’ouverture de la discussion.
Madame la ministre, vous nous avez renvoyés, à juste titre, à l’ensemble des ministères qui devaient, dans un « réflexe outre-mer », se mobiliser sur tous les thèmes que nous avons abordés et abonder les budgets pour nous soutenir, tant en matière de santé qu’en matière de transports, etc. Or, en feuilletant le DPT, nous constatons aux pages 393 et suivantes qu’il y a une baisse des crédits de l’État, tous domaines confondus : moins 500 millions pour La Réunion, moins 240 millions pour la Guadeloupe, moins 210 millions pour la Martinique, moins 18 millions pour la Guyane. C’est du délire ! Je n’ai pas le chiffre pour Mayotte, mais le constat est là. À titre d’exemple, alors que je viens d’évoquer le réflexe outre-mer, qu’il y a énormément de problèmes et que nous sommes tous mobilisés comme le Gouvernement, nous constatons le recul sur ces lignes budgétaires. (M. Jean-Hugues Ratenon applaudit.) La parole est à M. Gabriel Serville. Je suis profondément déçu de découvrir à l’instant ces chiffres, et je rejoins Ericka Bareigts quand elle dénonce le fait que nous n’ayons pas eu le DPT plus tôt – j’ai sacrifié mon dessert pour pouvoir l’analyser très rapidement ! Je me suis rendu compte que la dotation pour la Guyane était en diminution de 18 millions d’euros, comme la collègue vient de le dire.
Je ne vais pas faire le florilège de tout ce que j’y ai constaté, mais j’ai noté que des programmes ont subi une véritable saignée : le programme 138 « Emploi outre-mer » baisse de 79 %, le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » de 61 % sur trois ans, le programme « Administration pénitentiaire » de 35 % sur trois ans également, les crédits alloués à la culture baissent de 39 % en un an.
Madame la ministre, vous disiez tout à l’heure qu’il faut utiliser les bons chiffres : hélas ! nous nous rendons compte qu’au moment où je vous parle, nous ne savons pas lesquels sont réellement les bons. Si l’on veut vraiment travailler à l’amélioration de l’attractivité du territoire, il y a des lignes de force sur lesquelles on ne peut être fébriles. Or quand je vois les diminutions drastiques opérées sur certains programmes tels que l’emploi outre-mer, je me dis qu’on a tout fait sauf ce qu’il aurait fallu pour permettre à nos territoires de progresser. Je regrette fondamentalement que les choses se passent ainsi au cours d’un débat qui en réalité n’en est pas un.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au règlement.
Au titre de l’article 58, alinéa 1, monsieur le président. J’ai fait, cet après-midi, au nom de mon groupe, un rappel au règlement pour regretter de ne pas disposer du document de politique transversale censé permettre aux députés d’avoir un consentement éclairé au moment de voter la mission. Le président de l’Assemblée m’a dit que j’étais hors sujet et que je ne devrais pas m’inquiéter. Or on découvre à présent, en examinant ce fameux document, un enfumage d’un milliard. C’est-à-dire qu’il y a un milliard d’impasses sur le budget des outre-mer !
Entre le moment où l’on a examiné les crédits de la mission « Outre-mer » et celui où l’on a eu accès au document de politique transversale, un milliard s’est évaporé dans la nature. Si ce n’est pas de l’enfumage du Parlement et si cela ne mérite pas un éclairage précis des parlementaires que nous sommes, je ne sais pas ce que c’est. Tout à l’heure, la ministre a refusé d’entendre parler de mépris, mais il y a bien apparemment mépris eu égard à la manière dont nous sommes informés de l’affectation concrète des crédits.
Entre le moment où l’on a examiné les crédits de la mission « Outre-mer » et celui où l’on a eu accès au document de politique transversale, un milliard s’est évaporé dans la nature. Si ce n’est pas de l’enfumage du Parlement et si cela ne mérite pas un éclairage précis des parlementaires que nous sommes, je ne sais pas ce que c’est. Tout à l’heure, la ministre a refusé d’entendre parler de mépris, mais il y a bien apparemment mépris eu égard à la manière dont nous sommes informés de l’affectation concrète des crédits.
(L’amendement no 503 n’est pas adopté.)
Je mets aux voix les crédits de la mission « Outre-mer ».
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 108
Nombre de suffrages exprimés 103
Majorité absolue 52
Pour l’adoption 75
Contre 28 (Les crédits de la mission « Outre-mer » sont adoptés.)
Nombre de votants 108
Nombre de suffrages exprimés 103
Majorité absolue 52
Pour l’adoption 75
Contre 28 (Les crédits de la mission « Outre-mer » sont adoptés.)
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 504.
Il concerne les effets négatifs de l’extraction illégale d’or en Guyane sur l’environnement et la société.
Du point de vue de l’environnement, c’est l’utilisation du mercure, utilisé pour séparer l’or du minerai, qui pose problème. L’organisation non gouvernementale WWF estime ainsi que 1,3 kilogramme de mercure est utilisé pour extraire un kilogramme d’or. Son usage est interdit depuis 2006, mais les personnes pratiquant l’orpaillage clandestin l’utilisent encore massivement. Toujours selon WWF, 157 000 hectares de forêt ont été détruits du fait de cette pratique, et 72 % de cette dégradation est apparue depuis 2008.
C’est également un désastre social, qui voit les plus pauvres habitants du Suriname ou du Brésil s’opposer aux précaires de Guyane pour extraire un or allant surtout enrichir les plus puissants du monde entier.
Si des réponses institutionnelles ont été apportées, elles ne constituent pas des réponses satisfaisantes, face à l’ampleur du phénomène et des dégâts écologiques et humains causés par l’orpaillage clandestin.
Cet amendement vise à ce que soit dressé un bilan des politiques de lutte contre l’orpaillage clandestin dans le cadre d’un rapport que le Gouvernement remettrait au Parlement, portant sur le coût pour les finances publiques, ainsi que les conséquences sociales, économiques, environnementales et budgétaires de la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane, et des moyens supplémentaires nécessaires à mobiliser.
Nous avons, suite au débat en commission, retravaillé cet amendement, afin de prendre en compte les discussions ainsi que les remarques du rapporteur. Nous espérons donc qu’ainsi retravaillé, il sera adopté. Quel est l’avis de la commission ? Chère collègue Obono, effectivement, la lutte contre l’orpaillage illégal constitue une vraie problématique guyanaise. D’ores et déjà, un certain nombre de moyens, issus notamment de l’armée, ont été mis à disposition de l’opération Harpie visant à lutter contre ce phénomène. Plus de 800 sites ont été détruits entre 2016 et 2017, mais il est vrai qu’il s’agit d’un travail titanesque qui doit être régulièrement remis sur le métier.
L’une des clés de la lutte contre l’orpaillage clandestin est la coopération transfrontalière. Vous avez raison, chère collègue, il faut être extrêmement vigilant sur ce point. S’il me semble que nous partageons le constat, qui est bien connu, je ne crois pas qu’un rapport supplémentaire puisse nous éclairer davantage sur la situation.
C’est ainsi que la commission a émis, concernant cet amendement, un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Gabriel Serville. Collègues, je me sens véritablement en colère, mais je vais essayer de contenir ma colère. Je ne vois pas ce qu’il peut en coûter au Gouvernement de donner un avis favorable à une telle proposition, qui ne mange pas de pain. En tout cas, un tel rapport coûterait moins cher que les opérations Harpie que l’on ne cesse de déployer, depuis des années et même des décennies, dans la forêt guyanaise, sachant pertinemment qu’elles sont totalement inefficientes. Pour un site détruit, trois se montent dans les vingt-quatre heures qui suivent !
Nous avons déjà relevé que les 200 manifestants à Notre-Dame-des-Landes ont été évacués par 2 500 gendarmes, alors même qu’ils ne demandaient rien d’autre que de vivre dans un espace de paix, et qu’en Guyane, a contrario, entre 8 000 et 10 000 orpailleurs illégaux ont été identifiés, et qui, eux, sont en train de creuser le territoire et de piller les ressources nationales. À ceux-là, c’est une opération Harpie, avec environ 250 à 300 gendarmes et 300 militaires, que l’on envoie. Or, collègues, cela fait des lustres que l’on sait pertinemment cette guerre que nous conduisons contre ces orpailleurs illégaux n’en est pas une, et à la date d’aujourd’hui, strictement rien n’a changé.
Des tonnes et des tonnes d’or sont extraites du sol guyanais, du mercure est déversé, polluant nos eaux et empoisonnant les populations au méthylmercure, une substance qui induit des comportements suicidaires. Ce qui se passe là-bas est un scandale ! Collègues, il faut que vous compreniez que cette situation ne peut plus durer.
Nous avons connu le scandale des essais nucléaires dans le Pacifique, puis celui du chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, et aujourd’hui, nous sommes incapables de mettre un terme au déversement de mercure par des orpailleurs clandestins. Au contraire, même, le Gouvernement va certainement donner prochainement un avis favorable à la compagnie minière Montagne d’Or qui, en plus du mercure, va déverser du cyanure sur un territoire classé parmi les trois territoires au monde les mieux alimentés en eau douce disponible par habitant !
Je crois véritablement qu’il faut arrêter de jeter l’argent des contribuables par la fenêtre, parce que c’est exactement ce que nous faisons avec ces opérations Harpie. Donnons-nous les moyens, comme nos collègues l’ont suggéré, de mettre à plat ce problème afin que la représentation nationale ait la capacité de tirer les conclusions qui s’imposent et d’apporter les vraies réponses que la Guyane, comme le monde entier, attendent.
La Guyane, joyau au sein du bassin amazonien, est aujourd’hui menacée par la nouvelle théorie de protection de l’environnement de son voisin brésilien, se résumant à mettre des bulldozers partout dans la forêt amazonienne. Chers collègues, il faut que nous nous donnions les moyens de protéger ce joyau national. Je demande donc que nous prenions nos responsabilités en votant en faveur de cet amendement proposé par nos collègues du groupe La France insoumise. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.) La parole est à Mme Danièle Obono. Je réagis au refus de cet amendement, qui est incompréhensible.
Autant les précédents amendements étaient, comme nous l’avons clairement annoncé, des amendements d’appel qui avaient vocation à mettre l’accent sur des problématiques budgétaires que nous pensions devoir être débattues, ou au moins entendues, à l’Assemblée nationale, autant il nous semblait, madame la ministre, monsieur le rapporteur, qu’il y avait, s’agissant de celui-ci, un accord. C’est, en tout cas, ainsi que nous l’avions entendu, au moment de sa discussion en commission. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous l’avons retravaillé afin d’intégrer les demandes formulées notamment par M. le rapporteur.
Ce refus de rapport est donc, compte tenu de la situation que nous connaissons, incompréhensible. Vous avez parlé des opérations militaires Harpie, mais tout le monde sait et dit qu’elles sont aujourd’hui insuffisantes. Sur le terrain, le constat des personnels du parc amazonien de Guyane est clair : ils passent aujourd’hui un temps fou à essayer d’intervenir, en lien avec les militaires, mais c’est un échec total.
Or cette situation a des conséquences, non seulement sur la nature, sur les personnes, mais également sur les communautés qui vivent en Amazonie et dont les vies sont complètement déstructurées. Les empoisonnements décrits par notre collègue sont une réalité. Or, monsieur le rapporteur, vous nous parlez des prochaines coopérations que nous mettrons en place avec un Brésil désormais dirigé par un anti-écologiste convaincu,… Élu par le peuple ! … pour qui la seule politique de préservation de l’environnement consistera à détruire encore plus cette forêt. Si le Parti des travailleurs n’avait pas tapé dans la caisse, les choses se seraient peut-être passées différemment. Corrompus ! Je trouve problématique et grave que la seule réponse qui soit apportée à notre demande de rapport dressant un état des lieux afin de répondre aux interrogations des populations et de se donner les moyens véritables de répondre à un problème dont la gravité va s’accentuer dans les prochaines années et avoir des répercussions écologiques pas simplement pour la Guyane, mais pour toute la région, soit un avis défavorable qui n’est absolument pas argumenté. C’est particulièrement lamentable. La parole est à Mme la ministre. Il me semble l’on peut s’exprimer, y compris sur des sujets aussi délicats que celui-ci, sans s’énerver.
J’ai refusé ce rapport pour une raison simple : l’opération Harpie 2, qui s’est appuyée sur de nouveaux moyens, a démarré en 2017 et a déjà obtenu des résultats. Cela ne suffit pas, et vous le savez ! Madame la députée, avant ma nomination au Gouvernement, je siégeais dans cette assemblée depuis 2007. Je sais donc très bien ce que nous avons fait et ce que l’ensemble des parlementaires de la Guyane a fait sur ce sujet. Je sais également ce que les gouvernements qui se sont succédé ont pu faire. Harpie 2 constitue une nouvelle réponse ; Harpie 2 ça marche. Ce n’est pas vrai, ça ne marche pas ! Madame la députée, vous n’êtes pas sur le territoire pour le voir. Cela ne m’empêche pas d’avoir un avis ! Le 11 septembre dernier, dans le cadre de Harpie 2, une énorme opération a été lancée, qui a marché.
La lutte contre l’orpaillage passe également par l’organisation de cette filière. Avec Nicolas Hulot, nous avons demandé un rapport sur l’ensemble de cette filière. Nous l’attendons dans les mois qui viennent. Si j’ai dit cette année non au rapport, c’est tout simplement… Il n’est plus là, Nicolas Hulot ! La continuité de l’État, comme celle du Gouvernement, existe !
J’ai dit non au rapport cette année parce qu’il ne m’est pas possible de vous fournir aujourd’hui les résultats détaillés de l’opération Harpie 2. Prenons rendez-vous l’année prochaine : je serai à vos côtés. (L’amendement no 504 n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 403, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir cet amendement, qui fait l’objet de deux sous-amendements. Il s’agit de demander un rapport qui nous permettrait de disposer d’éléments clairs permettant de distinguer, d’une part, ce qui peut relever, pour certaines entreprises ou catégories d’entreprises, d’un effet d’aubaine par rapport aux aides économiques versées au titre de la mission « Outre-Mer » et, d’autre part, ce qui peut relever d’un réel soutien à l’autonomie des collectivités d’outre-mer et d’une incitation financière à l’emploi.
Compte tenu de la situation actuelle, du plaidoyer de Mme la ministre en faveur de l’attractivité économique, du retard pris et des problématiques liées, sur ces territoires, aux effets d’aubaine de nature économique, il nous semble qu’un rapport sur la question ne serait pas superflu, si l’on veut véritablement se donner les moyens d’un développement économique endogène en lien avec la transition écologique.
Je réponds, madame la ministre, à votre précédente intervention. Je ne suis pas élue de la Guyane, mais je m’y suis rendue. J’ai été très heureuse d’y rencontrer des citoyens et des professionnels comme les membres du Centre national de préservation de la forêt amazonienne. Je suis aussi élue de la République et il me semble qu’il est de ma responsabilité de défendre l’intérêt de nos concitoyens et de nos concitoyennes de Guyane, parce qu’il y va de notre intérêt commun.
Si nous faisons ces demandes de rapports, c’est parce que nous pensons qu’il serait utile de se pencher plus précisément sur des problèmes qui ne sont toujours pas réglés. Or le retard pris s’agissant des outre-mer est, comme cela a été dit, endémique et systématique. Madame la ministre, vous avez peut-être siégé sur les bancs de cette assemblée pendant dix, vingt ou trente ans, mais cela fait dix, vingt ou trente ans que ces problèmes sont dénoncés et qu’aucune solution ne leur est apportée. C’est pour cette raison que nous insistons sur ce rapport, comme nous avons insisté sur le précédent. Je ne crois pas que ce soit être à la hauteur des attentes et des exigences tout à fait légitimes de nos concitoyens et de nos concitoyennes que de les rejeter d’un revers de main. Caricature ! C’est vous la caricature ! Les sous-amendements à l’amendement no 403, nos 737 et 743, peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur spécial, pour les soutenir. Chère collègue Danièle Obono, vous abordez avec ce rapport une problématique tout à fait pertinente puisqu’une réforme des aides d’exonérations sociales importante est en cours. Votre demande est donc tout à fait justifiée.
Cependant, je préférerais que nous puissions repousser un peu la date de sa remise, précisément parce que nous sommes en pleine refonte des exonérations sociales. Vous souhaitez que le rapport soit remis dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente ; je propose un sous-amendement indiquant que le rapport soit remis avant le 31 décembre 2020. 2020 ? Cela fait vingt-six mois ! C’est loin ! On ne sera peut-être plus là ! (Sourires.) Cela nous laissera le temps nécessaire au recul et à une analyse tout à fait pertinente des mesures relatives à l’emploi, aux entreprises et à la création d’entreprise.
Le second sous-amendement propose d’exclure du rapport les dispositifs d’appui au financement bancaire, qui sont spécifiques.
Sous réserve de l’adoption de ces deux sous-amendements, je suis favorable à l’amendement no 403. Quel est l’avis du Gouvernement ? Dans le cadre d’échanges sur le bilan avec les entreprises, celles-ci nous ont conseillé, à partir du moment où les nouveaux dispositifs étaient mis en place au 1er janvier 2019, de retenir un délai correspondant à deux cycles, précisément celui que proposent les sous-amendements du rapporteur. Par conséquent, sous réserve de l’adoption de ces deux sous-amendements, j’émets un avis favorable à l’amendement no 403.
Permettez-moi, monsieur le président, de revenir brièvement sur la question du document de politique transversale, dont on a beaucoup parlé.
D’abord, je voudrais signaler qu’il n’y a pas que le document relatif aux outre-mer qui a été publié avec retard. Ensuite, si quelques orateurs ont énervé l’ensemble de l’hémicycle en faisant des déclarations que je juge, pour certaines, exagérées, je confirme que le milliard d’euros dont il est question correspond bien au périmètre des exonérations de charges. Disons les choses clairement : c’est la même chose que pour le CICE, dont vous n’avez jamais vu apparaître le montant dans le document de politique transversale.
Prenons donc un peu de temps. Si vous voulez, dans les jours qui viennent, faire le point sur ce document et discuter d’éventuelles mesures que vous y auriez repérées, je suis à votre disposition. Nous n’avons eu le document qu’en séance, madame la ministre : ce n’est tout de même pas normal ! Vous avez raison de dire que c’est trop tard, monsieur Jumel. Je le reconnais sans discuter. On repousse donc le vote à la semaine prochaine ? Toutefois, je le répète, il n’y a pas que pour les outre-mer que le document de politique transversale est publié avec retard.
Il reste que vous avez raison de dire que cela fait particulièrement problème, puisque le document est paru alors que nous avions déjà commencé le débat. Du coup, tout le monde s’est précipité pour le consulter et certains se sont énervés. Je préférerais que nous prenions un peu de temps pour en discuter avec ceux qui le souhaiteraient, de manière que nous puissions apporter une réponse si le montant de 1 milliard ne correspondait pas aux exonérations de charges. Néanmoins, l’analyse que j’en fais, en accord avec les membres de mon cabinet et avec les services du ministère, c’est que cette somme correspond exactement au montant des exonérations. La parole est à M. Serge Letchimy. Madame la ministre, nous ne demandons qu’à comprendre, vous le savez, mais cela fait tout de même 1 milliard à retrancher des 18 milliards d’euros. Non ! C’est juste qu’ils ne sont pas répartis ! Vous les répartirez comme vous le voudrez, peu importe : cela fait 1 milliard en moins, et non en plus. Entre moins et plus, il y a une différence !
Il s’agit d’une somme qui est tout de même très importante. Je comprends donc les interventions de Jean-Philippe Nilor et d’Ericka Bareigts. Dès le départ, on vous a dit que le budget des outre-mer n’augmentait pas, mais qu’il était stable. D’ailleurs, je vous félicite d’avoir tenu le coup et de ne pas avoir laissé sabrer votre budget. Le budget n’est pas en diminution, mais ce que vous présentez comme une augmentation de 470 millions d’euros correspond en réalité à ce que vous avez reporté ou recyclé. C’est votre choix ; ce n’aurait pas été le mien.
De surcroît, nous ne prenons connaissance du document de politique transversale qu’en cours de séance. Vous dites que ce n’est pas spécifique aux outre-mer, mais c’est grave ! La majorité devrait comprendre qu’aujourd’hui, nous avons voté en aveugle. Mais non ! Vous aviez des éléments du budget. Si, c’est un vote à l’aveuglette, car si nous avions disposé de chiffres précis, nous aurions pu noter qu’il y avait 1 milliard d’euros en moins.
Je vous demande donc de vérifier ce point. Vous me connaissez, je n’ai pas envie d’en faire toute une histoire, mais comment rendrons-nous compte de cela aux populations ? Qu’allons-nous leur dire ? Que vous avez gagné la bataille et que vous avez réussi à maintenir le budget des outre-mer ? Non, car cela n’est vrai que pour le périmètre du ministère de la rue Oudinot, et non pour la totalité des crédits en faveur des outre-mer, qui, eux, diminuent de 1 milliard. Nous avons donc été amputés de 1 milliard d’euros. Eh oui ! Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! La parole est à M. Jean-Philippe Nilor. Madame la ministre, vous dites qu’il n’y a pas que pour les outre-mer que le document de politique transversale n’a pas été remis aux élus ; c’est vrai, mais la différence, c’est que la mission « Outre-mer » est la première à être étudiée. Pour les autres missions, nos collègues disposeront d’un peu de temps pour se déterminer en connaissance de cause, tandis que nous, comme nous sommes les pionniers, nous sommes la seule mission pour laquelle l’examen aura commencé sans que nous disposions d’aucun document. Cela, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Voilà encore un régime d’exception pour les outre-mer – mais, comme je le signalais, les régimes d’exception ne sont pas toujours favorables ; bien au contraire, quand il s’agit de nous, ils sont souvent défavorables. C’est vrai que c’est enquiquinant, cette histoire ! La parole est à M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je voudrais signaler que ce débat, je l’ai évoqué, modestement, en page 18 de mon rapport pour avis – et tout cela est détaillé dans le document de politique transversale, dont chacun convient, à commencer par la ministre, que l’envoi plus que tardif est préjudiciable.
Comme je l’ai indiqué lors de ma présentation, l’action budgétaire de l’État en faveur des outre-mer, telle qu’elle apparaît au travers des différentes missions, s’élève bien à 18,5 milliards d’euros, et même à 24 milliards d’euros si l’on y ajoute l’aide fiscale. Ce que l’on constate dans le tableau que vous trouverez dans mon rapport et dans le document de politique transversale – et c’est pourquoi cela a suscité des questionnements dans les territoires –, c’est que les sommes non réparties entre collectivités bénéficiaires sont passées de 180 millions d’euros, pour un effort budgétaire global de 17,5 milliards d’euros, en 2018, à 1,7 milliard d’euros, pour un effort budgétaire global de 18,5 milliards d’euros, en 2019. D’où cette somme de 1 milliard : il s’agit non pas d’une disparition, mais d’une affectation prospective à laquelle le ministère devra procéder, en liaison avec les différents territoires.
Pour résumer : non, le milliard n’a pas disparu, l’enveloppe reste la même ; en revanche, l’incertitude quant à la répartition des sommes porte, non plus sur 180 millions, mais sur 1,7 milliard d’euros. C’est comme pour le CICE. C’est comme pour le CICE, dont le montant n’était jamais réparti. Non ! C’est pire ! (Les sous-amendements nos 737 et 743, successivement mis aux voix, sont adoptés.) Je mets aux voix l’amendement no 403, tel qu’il a été sous-amendé. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 96
Contre 2 (L’amendement no 403, sous-amendé, est adopté.) Nous avons terminé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ». La séance est suspendue. (La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.) La séance est reprise.
Du point de vue de l’environnement, c’est l’utilisation du mercure, utilisé pour séparer l’or du minerai, qui pose problème. L’organisation non gouvernementale WWF estime ainsi que 1,3 kilogramme de mercure est utilisé pour extraire un kilogramme d’or. Son usage est interdit depuis 2006, mais les personnes pratiquant l’orpaillage clandestin l’utilisent encore massivement. Toujours selon WWF, 157 000 hectares de forêt ont été détruits du fait de cette pratique, et 72 % de cette dégradation est apparue depuis 2008.
C’est également un désastre social, qui voit les plus pauvres habitants du Suriname ou du Brésil s’opposer aux précaires de Guyane pour extraire un or allant surtout enrichir les plus puissants du monde entier.
Si des réponses institutionnelles ont été apportées, elles ne constituent pas des réponses satisfaisantes, face à l’ampleur du phénomène et des dégâts écologiques et humains causés par l’orpaillage clandestin.
Cet amendement vise à ce que soit dressé un bilan des politiques de lutte contre l’orpaillage clandestin dans le cadre d’un rapport que le Gouvernement remettrait au Parlement, portant sur le coût pour les finances publiques, ainsi que les conséquences sociales, économiques, environnementales et budgétaires de la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane, et des moyens supplémentaires nécessaires à mobiliser.
Nous avons, suite au débat en commission, retravaillé cet amendement, afin de prendre en compte les discussions ainsi que les remarques du rapporteur. Nous espérons donc qu’ainsi retravaillé, il sera adopté. Quel est l’avis de la commission ? Chère collègue Obono, effectivement, la lutte contre l’orpaillage illégal constitue une vraie problématique guyanaise. D’ores et déjà, un certain nombre de moyens, issus notamment de l’armée, ont été mis à disposition de l’opération Harpie visant à lutter contre ce phénomène. Plus de 800 sites ont été détruits entre 2016 et 2017, mais il est vrai qu’il s’agit d’un travail titanesque qui doit être régulièrement remis sur le métier.
L’une des clés de la lutte contre l’orpaillage clandestin est la coopération transfrontalière. Vous avez raison, chère collègue, il faut être extrêmement vigilant sur ce point. S’il me semble que nous partageons le constat, qui est bien connu, je ne crois pas qu’un rapport supplémentaire puisse nous éclairer davantage sur la situation.
C’est ainsi que la commission a émis, concernant cet amendement, un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Gabriel Serville. Collègues, je me sens véritablement en colère, mais je vais essayer de contenir ma colère. Je ne vois pas ce qu’il peut en coûter au Gouvernement de donner un avis favorable à une telle proposition, qui ne mange pas de pain. En tout cas, un tel rapport coûterait moins cher que les opérations Harpie que l’on ne cesse de déployer, depuis des années et même des décennies, dans la forêt guyanaise, sachant pertinemment qu’elles sont totalement inefficientes. Pour un site détruit, trois se montent dans les vingt-quatre heures qui suivent !
Nous avons déjà relevé que les 200 manifestants à Notre-Dame-des-Landes ont été évacués par 2 500 gendarmes, alors même qu’ils ne demandaient rien d’autre que de vivre dans un espace de paix, et qu’en Guyane, a contrario, entre 8 000 et 10 000 orpailleurs illégaux ont été identifiés, et qui, eux, sont en train de creuser le territoire et de piller les ressources nationales. À ceux-là, c’est une opération Harpie, avec environ 250 à 300 gendarmes et 300 militaires, que l’on envoie. Or, collègues, cela fait des lustres que l’on sait pertinemment cette guerre que nous conduisons contre ces orpailleurs illégaux n’en est pas une, et à la date d’aujourd’hui, strictement rien n’a changé.
Des tonnes et des tonnes d’or sont extraites du sol guyanais, du mercure est déversé, polluant nos eaux et empoisonnant les populations au méthylmercure, une substance qui induit des comportements suicidaires. Ce qui se passe là-bas est un scandale ! Collègues, il faut que vous compreniez que cette situation ne peut plus durer.
Nous avons connu le scandale des essais nucléaires dans le Pacifique, puis celui du chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, et aujourd’hui, nous sommes incapables de mettre un terme au déversement de mercure par des orpailleurs clandestins. Au contraire, même, le Gouvernement va certainement donner prochainement un avis favorable à la compagnie minière Montagne d’Or qui, en plus du mercure, va déverser du cyanure sur un territoire classé parmi les trois territoires au monde les mieux alimentés en eau douce disponible par habitant !
Je crois véritablement qu’il faut arrêter de jeter l’argent des contribuables par la fenêtre, parce que c’est exactement ce que nous faisons avec ces opérations Harpie. Donnons-nous les moyens, comme nos collègues l’ont suggéré, de mettre à plat ce problème afin que la représentation nationale ait la capacité de tirer les conclusions qui s’imposent et d’apporter les vraies réponses que la Guyane, comme le monde entier, attendent.
La Guyane, joyau au sein du bassin amazonien, est aujourd’hui menacée par la nouvelle théorie de protection de l’environnement de son voisin brésilien, se résumant à mettre des bulldozers partout dans la forêt amazonienne. Chers collègues, il faut que nous nous donnions les moyens de protéger ce joyau national. Je demande donc que nous prenions nos responsabilités en votant en faveur de cet amendement proposé par nos collègues du groupe La France insoumise. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.) La parole est à Mme Danièle Obono. Je réagis au refus de cet amendement, qui est incompréhensible.
Autant les précédents amendements étaient, comme nous l’avons clairement annoncé, des amendements d’appel qui avaient vocation à mettre l’accent sur des problématiques budgétaires que nous pensions devoir être débattues, ou au moins entendues, à l’Assemblée nationale, autant il nous semblait, madame la ministre, monsieur le rapporteur, qu’il y avait, s’agissant de celui-ci, un accord. C’est, en tout cas, ainsi que nous l’avions entendu, au moment de sa discussion en commission. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous l’avons retravaillé afin d’intégrer les demandes formulées notamment par M. le rapporteur.
Ce refus de rapport est donc, compte tenu de la situation que nous connaissons, incompréhensible. Vous avez parlé des opérations militaires Harpie, mais tout le monde sait et dit qu’elles sont aujourd’hui insuffisantes. Sur le terrain, le constat des personnels du parc amazonien de Guyane est clair : ils passent aujourd’hui un temps fou à essayer d’intervenir, en lien avec les militaires, mais c’est un échec total.
Or cette situation a des conséquences, non seulement sur la nature, sur les personnes, mais également sur les communautés qui vivent en Amazonie et dont les vies sont complètement déstructurées. Les empoisonnements décrits par notre collègue sont une réalité. Or, monsieur le rapporteur, vous nous parlez des prochaines coopérations que nous mettrons en place avec un Brésil désormais dirigé par un anti-écologiste convaincu,… Élu par le peuple ! … pour qui la seule politique de préservation de l’environnement consistera à détruire encore plus cette forêt. Si le Parti des travailleurs n’avait pas tapé dans la caisse, les choses se seraient peut-être passées différemment. Corrompus ! Je trouve problématique et grave que la seule réponse qui soit apportée à notre demande de rapport dressant un état des lieux afin de répondre aux interrogations des populations et de se donner les moyens véritables de répondre à un problème dont la gravité va s’accentuer dans les prochaines années et avoir des répercussions écologiques pas simplement pour la Guyane, mais pour toute la région, soit un avis défavorable qui n’est absolument pas argumenté. C’est particulièrement lamentable. La parole est à Mme la ministre. Il me semble l’on peut s’exprimer, y compris sur des sujets aussi délicats que celui-ci, sans s’énerver.
J’ai refusé ce rapport pour une raison simple : l’opération Harpie 2, qui s’est appuyée sur de nouveaux moyens, a démarré en 2017 et a déjà obtenu des résultats. Cela ne suffit pas, et vous le savez ! Madame la députée, avant ma nomination au Gouvernement, je siégeais dans cette assemblée depuis 2007. Je sais donc très bien ce que nous avons fait et ce que l’ensemble des parlementaires de la Guyane a fait sur ce sujet. Je sais également ce que les gouvernements qui se sont succédé ont pu faire. Harpie 2 constitue une nouvelle réponse ; Harpie 2 ça marche. Ce n’est pas vrai, ça ne marche pas ! Madame la députée, vous n’êtes pas sur le territoire pour le voir. Cela ne m’empêche pas d’avoir un avis ! Le 11 septembre dernier, dans le cadre de Harpie 2, une énorme opération a été lancée, qui a marché.
La lutte contre l’orpaillage passe également par l’organisation de cette filière. Avec Nicolas Hulot, nous avons demandé un rapport sur l’ensemble de cette filière. Nous l’attendons dans les mois qui viennent. Si j’ai dit cette année non au rapport, c’est tout simplement… Il n’est plus là, Nicolas Hulot ! La continuité de l’État, comme celle du Gouvernement, existe !
J’ai dit non au rapport cette année parce qu’il ne m’est pas possible de vous fournir aujourd’hui les résultats détaillés de l’opération Harpie 2. Prenons rendez-vous l’année prochaine : je serai à vos côtés. (L’amendement no 504 n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 403, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir cet amendement, qui fait l’objet de deux sous-amendements. Il s’agit de demander un rapport qui nous permettrait de disposer d’éléments clairs permettant de distinguer, d’une part, ce qui peut relever, pour certaines entreprises ou catégories d’entreprises, d’un effet d’aubaine par rapport aux aides économiques versées au titre de la mission « Outre-Mer » et, d’autre part, ce qui peut relever d’un réel soutien à l’autonomie des collectivités d’outre-mer et d’une incitation financière à l’emploi.
Compte tenu de la situation actuelle, du plaidoyer de Mme la ministre en faveur de l’attractivité économique, du retard pris et des problématiques liées, sur ces territoires, aux effets d’aubaine de nature économique, il nous semble qu’un rapport sur la question ne serait pas superflu, si l’on veut véritablement se donner les moyens d’un développement économique endogène en lien avec la transition écologique.
Je réponds, madame la ministre, à votre précédente intervention. Je ne suis pas élue de la Guyane, mais je m’y suis rendue. J’ai été très heureuse d’y rencontrer des citoyens et des professionnels comme les membres du Centre national de préservation de la forêt amazonienne. Je suis aussi élue de la République et il me semble qu’il est de ma responsabilité de défendre l’intérêt de nos concitoyens et de nos concitoyennes de Guyane, parce qu’il y va de notre intérêt commun.
Si nous faisons ces demandes de rapports, c’est parce que nous pensons qu’il serait utile de se pencher plus précisément sur des problèmes qui ne sont toujours pas réglés. Or le retard pris s’agissant des outre-mer est, comme cela a été dit, endémique et systématique. Madame la ministre, vous avez peut-être siégé sur les bancs de cette assemblée pendant dix, vingt ou trente ans, mais cela fait dix, vingt ou trente ans que ces problèmes sont dénoncés et qu’aucune solution ne leur est apportée. C’est pour cette raison que nous insistons sur ce rapport, comme nous avons insisté sur le précédent. Je ne crois pas que ce soit être à la hauteur des attentes et des exigences tout à fait légitimes de nos concitoyens et de nos concitoyennes que de les rejeter d’un revers de main. Caricature ! C’est vous la caricature ! Les sous-amendements à l’amendement no 403, nos 737 et 743, peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur spécial, pour les soutenir. Chère collègue Danièle Obono, vous abordez avec ce rapport une problématique tout à fait pertinente puisqu’une réforme des aides d’exonérations sociales importante est en cours. Votre demande est donc tout à fait justifiée.
Cependant, je préférerais que nous puissions repousser un peu la date de sa remise, précisément parce que nous sommes en pleine refonte des exonérations sociales. Vous souhaitez que le rapport soit remis dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente ; je propose un sous-amendement indiquant que le rapport soit remis avant le 31 décembre 2020. 2020 ? Cela fait vingt-six mois ! C’est loin ! On ne sera peut-être plus là ! (Sourires.) Cela nous laissera le temps nécessaire au recul et à une analyse tout à fait pertinente des mesures relatives à l’emploi, aux entreprises et à la création d’entreprise.
Le second sous-amendement propose d’exclure du rapport les dispositifs d’appui au financement bancaire, qui sont spécifiques.
Sous réserve de l’adoption de ces deux sous-amendements, je suis favorable à l’amendement no 403. Quel est l’avis du Gouvernement ? Dans le cadre d’échanges sur le bilan avec les entreprises, celles-ci nous ont conseillé, à partir du moment où les nouveaux dispositifs étaient mis en place au 1er janvier 2019, de retenir un délai correspondant à deux cycles, précisément celui que proposent les sous-amendements du rapporteur. Par conséquent, sous réserve de l’adoption de ces deux sous-amendements, j’émets un avis favorable à l’amendement no 403.
Permettez-moi, monsieur le président, de revenir brièvement sur la question du document de politique transversale, dont on a beaucoup parlé.
D’abord, je voudrais signaler qu’il n’y a pas que le document relatif aux outre-mer qui a été publié avec retard. Ensuite, si quelques orateurs ont énervé l’ensemble de l’hémicycle en faisant des déclarations que je juge, pour certaines, exagérées, je confirme que le milliard d’euros dont il est question correspond bien au périmètre des exonérations de charges. Disons les choses clairement : c’est la même chose que pour le CICE, dont vous n’avez jamais vu apparaître le montant dans le document de politique transversale.
Prenons donc un peu de temps. Si vous voulez, dans les jours qui viennent, faire le point sur ce document et discuter d’éventuelles mesures que vous y auriez repérées, je suis à votre disposition. Nous n’avons eu le document qu’en séance, madame la ministre : ce n’est tout de même pas normal ! Vous avez raison de dire que c’est trop tard, monsieur Jumel. Je le reconnais sans discuter. On repousse donc le vote à la semaine prochaine ? Toutefois, je le répète, il n’y a pas que pour les outre-mer que le document de politique transversale est publié avec retard.
Il reste que vous avez raison de dire que cela fait particulièrement problème, puisque le document est paru alors que nous avions déjà commencé le débat. Du coup, tout le monde s’est précipité pour le consulter et certains se sont énervés. Je préférerais que nous prenions un peu de temps pour en discuter avec ceux qui le souhaiteraient, de manière que nous puissions apporter une réponse si le montant de 1 milliard ne correspondait pas aux exonérations de charges. Néanmoins, l’analyse que j’en fais, en accord avec les membres de mon cabinet et avec les services du ministère, c’est que cette somme correspond exactement au montant des exonérations. La parole est à M. Serge Letchimy. Madame la ministre, nous ne demandons qu’à comprendre, vous le savez, mais cela fait tout de même 1 milliard à retrancher des 18 milliards d’euros. Non ! C’est juste qu’ils ne sont pas répartis ! Vous les répartirez comme vous le voudrez, peu importe : cela fait 1 milliard en moins, et non en plus. Entre moins et plus, il y a une différence !
Il s’agit d’une somme qui est tout de même très importante. Je comprends donc les interventions de Jean-Philippe Nilor et d’Ericka Bareigts. Dès le départ, on vous a dit que le budget des outre-mer n’augmentait pas, mais qu’il était stable. D’ailleurs, je vous félicite d’avoir tenu le coup et de ne pas avoir laissé sabrer votre budget. Le budget n’est pas en diminution, mais ce que vous présentez comme une augmentation de 470 millions d’euros correspond en réalité à ce que vous avez reporté ou recyclé. C’est votre choix ; ce n’aurait pas été le mien.
De surcroît, nous ne prenons connaissance du document de politique transversale qu’en cours de séance. Vous dites que ce n’est pas spécifique aux outre-mer, mais c’est grave ! La majorité devrait comprendre qu’aujourd’hui, nous avons voté en aveugle. Mais non ! Vous aviez des éléments du budget. Si, c’est un vote à l’aveuglette, car si nous avions disposé de chiffres précis, nous aurions pu noter qu’il y avait 1 milliard d’euros en moins.
Je vous demande donc de vérifier ce point. Vous me connaissez, je n’ai pas envie d’en faire toute une histoire, mais comment rendrons-nous compte de cela aux populations ? Qu’allons-nous leur dire ? Que vous avez gagné la bataille et que vous avez réussi à maintenir le budget des outre-mer ? Non, car cela n’est vrai que pour le périmètre du ministère de la rue Oudinot, et non pour la totalité des crédits en faveur des outre-mer, qui, eux, diminuent de 1 milliard. Nous avons donc été amputés de 1 milliard d’euros. Eh oui ! Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! La parole est à M. Jean-Philippe Nilor. Madame la ministre, vous dites qu’il n’y a pas que pour les outre-mer que le document de politique transversale n’a pas été remis aux élus ; c’est vrai, mais la différence, c’est que la mission « Outre-mer » est la première à être étudiée. Pour les autres missions, nos collègues disposeront d’un peu de temps pour se déterminer en connaissance de cause, tandis que nous, comme nous sommes les pionniers, nous sommes la seule mission pour laquelle l’examen aura commencé sans que nous disposions d’aucun document. Cela, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Voilà encore un régime d’exception pour les outre-mer – mais, comme je le signalais, les régimes d’exception ne sont pas toujours favorables ; bien au contraire, quand il s’agit de nous, ils sont souvent défavorables. C’est vrai que c’est enquiquinant, cette histoire ! La parole est à M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je voudrais signaler que ce débat, je l’ai évoqué, modestement, en page 18 de mon rapport pour avis – et tout cela est détaillé dans le document de politique transversale, dont chacun convient, à commencer par la ministre, que l’envoi plus que tardif est préjudiciable.
Comme je l’ai indiqué lors de ma présentation, l’action budgétaire de l’État en faveur des outre-mer, telle qu’elle apparaît au travers des différentes missions, s’élève bien à 18,5 milliards d’euros, et même à 24 milliards d’euros si l’on y ajoute l’aide fiscale. Ce que l’on constate dans le tableau que vous trouverez dans mon rapport et dans le document de politique transversale – et c’est pourquoi cela a suscité des questionnements dans les territoires –, c’est que les sommes non réparties entre collectivités bénéficiaires sont passées de 180 millions d’euros, pour un effort budgétaire global de 17,5 milliards d’euros, en 2018, à 1,7 milliard d’euros, pour un effort budgétaire global de 18,5 milliards d’euros, en 2019. D’où cette somme de 1 milliard : il s’agit non pas d’une disparition, mais d’une affectation prospective à laquelle le ministère devra procéder, en liaison avec les différents territoires.
Pour résumer : non, le milliard n’a pas disparu, l’enveloppe reste la même ; en revanche, l’incertitude quant à la répartition des sommes porte, non plus sur 180 millions, mais sur 1,7 milliard d’euros. C’est comme pour le CICE. C’est comme pour le CICE, dont le montant n’était jamais réparti. Non ! C’est pire ! (Les sous-amendements nos 737 et 743, successivement mis aux voix, sont adoptés.) Je mets aux voix l’amendement no 403, tel qu’il a été sous-amendé. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 96
Contre 2 (L’amendement no 403, sous-amendé, est adopté.) Nous avons terminé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ». La séance est suspendue. (La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.) La séance est reprise.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs au conseil et au contrôle de l’État, aux pouvoirs publics, à la direction de l’action du Gouvernement, aux investissements d’avenir et au budget annexe relatif aux publications officielles et à l’information administrative (no 1302, annexes 10, 32 et 15 ; no 1288, tome XII).
La parole est à M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, mesdames les rapporteures spéciales de la commission des finances, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 renforce les moyens alloués à la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Si nous la votons, cette mission se verra octroyer, l’an prochain, des ressources portées à des niveaux inédits. Il est en effet proposé de lui consacrer 756,25 millions d’euros en autorisations d’engagement – AE – et 680,56 millions en crédits de paiement – CP –, soit une hausse, respectivement, de 11,23 % et de 2,43 % par rapport à 2018.
Si je me félicite de la progression globale des crédits et des emplois de cette mission, je n’ignore pas les contraintes spécifiques auxquelles se trouvent confrontés les responsables de programmes. Ces contraintes soulèvent, de mon point de vue, la question de l’adéquation des moyens budgétaires dédiés aux programmes au regard des missions croissantes que le législateur leur assigne.
Aussi, je ne m’attarderai pas sur le Haut Conseil des finances publiques, qui, selon moi, devrait être rattaché au programme 164, relatif aux juridictions financières. Tout à fait ! S’agissant du programme 165, relatif aux juridictions administratives, je veux souligner le nouvel effort, très substantiel, consenti, notamment, en faveur de la Cour nationale du droit d’asile – CNDA. Pour ce programme, en effet, le projet de loi prévoit une hausse de 15 % en autorisations d’engagement et de 3,4 % en crédits de paiement, lesquels atteignent ainsi le montant exceptionnel de 420,05 millions d’euros.
Les équivalents temps plein travaillés connaissent également une progression très significative, avec 132 emplois créés, dont 122 viendront renforcer la CNDA et 10 les tribunaux administratifs. Le projet de loi de finances comporte, par ailleurs, une hausse des crédits d’investissement nécessaire à l’engagement de l’opération de relogement de la Cour.
Je veux tout particulièrement souligner l’adéquation des moyens budgétaires à notre ambition politique. D’une part, ces moyens permettront à la CNDA de confirmer les résultats obtenus – et attendus – quant à la réduction des délais de jugement, et ce malgré une hausse significative des recours ; d’autre part, ils lui donneront des ressources budgétaires en rapport avec les exigences découlant de la loi « asile et immigration », à commencer par la réduction de la durée de traitement des demandes d’asile.
Par ailleurs, on notera avec intérêt l’investissement confirmé des juridictions administratives dans le développement des outils numériques. La programmation pour 2019 devrait ainsi accompagner le déploiement de l’application Télérecours citoyens, laquelle marque une nouvelle étape dans la dématérialisation des procédures pour les justiciables, conformément au vœu du législateur.
En ce qui concerne le programme 164, le projet de loi marque en réalité une certaine consolidation des ressources allouées aux juridictions financières. Les autorisations d’engagement demandées, 232 millions d’euros, progressent de 5,94 %. L’évolution de leur montant résulte de deux facteurs : d’abord, une croissance modérée des dépenses attendues de personnel ; ensuite, une relance nette des dépenses immobilières et de celles liées à l’approfondissement des grands projets informatiques. On notera, en revanche, que la revalorisation des crédits de paiement se limite à 1 % et que le plafond d’emplois demeure stable, à 1 840 équivalents temps plein travaillés.
En eux-mêmes, ces chiffres attestent une gestion vertueuse, pour ne pas dire rigoureuse. Toutefois, cette programmation budgétaire pose la question de l’adéquation des moyens aux missions des juridictions financières. En effet, elle ne répond pas complètement, de mon point de vue, à la question des marges de manœuvre qui leur sont laissées, tant pour la conduite de leur réforme – notamment le vaste chantier de la dématérialisation – que pour l’exercice des missions croissantes que leur confie le législateur. Je pense, par exemple, à la certification des comptes des collectivités territoriales et aux contrôles facultatifs des comptes des établissements et services sociaux, qui aujourd’hui connaissent des développements décisifs.
Aussi, les moyens alloués à la Cour des comptes peuvent, à mes yeux, s’apparenter à un plancher, à un socle, qu’il faudra soit relever, si le législateur assigne de nouvelles missions à la Cour, soit maintenir, à moins de considérer qu’existeraient à la Cour des comptes des gains de productivité insoupçonnés, ce que je ne crois pas.
De même, le programme 126 se voit doté de 40,23 millions d’euros, avec un maintien du plafond d’emplois. Les ressources du CESE – Conseil économique, social et environnemental – sont stabilisées ; or, par la future la réforme constitutionnelle, le législateur lui confiera de nouvelles prérogatives. Pas sûr ! J’espère donc que les moyens alloués à cette institution seront ajustés en conséquence.
Malgré ces réserves, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à Mme Lise Magnier, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure spéciale, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, en préambule, je tiens à constater l’effort de maîtrise des dépenses réalisé par les différents pouvoirs publics concernés, puisque les enveloppes sollicitées pour 2019 sont identiques à ce qu’elles étaient en 2018, hormis pour la chaîne Public Sénat, dont la dotation diminue de 2,2 %, conformément à son contrat d’objectifs.
Rappelons que les dotations demandées par l’Assemblée nationale et le Sénat sont inchangées depuis 2012, à hauteur, respectivement, de 517,9 millions et de 323,6 millions d’euros. Pour autant, il est à noter que les budgets, eux, ne sont pas constants. Celui de la Présidence de la République augmente ainsi de 2,580 millions d’euros, hausse financée par le prélèvement sur les disponibilités, et celui du Sénat, de 2,813 millions. Le budget de LCP-AN, La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale, augmente de 273 063 euros, et les budgets de l’Assemblée nationale, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de la République et de Public Sénat demeurent constants par rapport à 2018.
Après ces propos liminaires, il me semble nécessaire de vous faire part des engagements pris en faveur d’une transformation des administrations concernées. La recherche d’efficience et de modernisation du fonctionnement de nos administrations est nécessaire et elle impose la restructuration de leurs dépenses, même à budget constant.
Ainsi, les crédits de personnel ou de l’administration de la Présidence de la République connaîtront une hausse sensible de 3,47 %, mais celle-ci est nécessaire à la réorganisation des services consécutive à l’audit réalisé pour améliorer les conditions de travail et l’efficience.
À l’Assemblée nationale, les crédits pour charges parlementaires augmentent de 6 millions d’euros, principalement sous l’effet du déséquilibre accru de la caisse de retraite des députés après la normalisation du régime de pensions, mais aussi de la mise en place de l’AFM – avance de frais de mandat – ou de l’augmentation du crédit collaborateur.
Les charges de personnel devraient, en revanche, connaître une baisse de 5 millions d’euros. La volonté de recourir à davantage de contractuels pour remplir certaines fonctions trouve sa traduction dans le budget pour 2019, puisque la baisse de la masse salariale des personnels statutaires est estimée à près de 10 %, tandis que les charges relatives au personnel contractuel augmenteraient de 23,55 %.
Le Conseil constitutionnel connaît également une augmentation sensible de ses dépenses de personnel, à hauteur de 4,02 %, du fait d’une professionnalisation et d’un renforcement des effectifs, mais aussi d’un plan de transformation et de la création d’un service de communication pour mieux faire connaître cette institution, qui souhaite s’ouvrir davantage au grand public.
En outre, l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel et la Présidence de la République se sont engagés à poursuivre une stratégie de performance de l’achat public afin de rationaliser leurs dépenses. Mais la bonne gestion budgétaire passe aussi par la définition d’une stratégie pluriannuelle. Tant sur les programmes immobiliers qu’en matière de pilotage des ressources humaines, la définition de programmes pluriannuels permet de définir les besoins au plus juste. La Présidence de la République consacrera 5,065 millions en autorisations d’engagement et 4,695 millions en crédits de paiement à la réalisation de nécessaires travaux immobiliers ainsi qu’à la poursuite de son plan de transformation numérique. En parallèle, un schéma immobilier sur six ans est en cours de réalisation pour atteindre des conditions de travail plus acceptables et fluidifier les échanges entre les services. Toutefois, le financement de ce plan, estimé à 55 millions d’euros, se fera hors dotation de la Présidence de la République.
De la même façon, le Conseil constitutionnel a établi un plan triennal de travaux et d’aménagement, notamment pour des travaux de performance énergétique. Surtout, il s’est engagé dans une véritable transformation numérique qui a nécessité un effort budgétaire conséquent en 2018, poursuivi, dans une moindre mesure, en 2019.
En 2019, l’Assemblée nationale poursuivra la trajectoire de financement de l’hôtel de Broglie, un audit étant également prévu sur l’ensemble de ses mètres carrés, afin de les affecter et de les utiliser au mieux. Cette approche rationnelle doit effectivement être privilégiée à une approche en coupe ou en silo, trop souvent observée dans les grandes administrations. Si je suis convaincue de la nécessité de mener à bien ces réformes et ces aménagements, j’invite vivement les pouvoirs publics à mettre en place les outils de suivi, d’analyse et de pilotage qui permettront de vérifier qu’elles assurent effectivement des gains d’efficience et des économies de fonctionnement.
Je terminerai par un rapide focus sur La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale, dont le contrat d’objectifs est en cours d’élaboration. Le développement de l’activité de la chaîne parlementaire nécessite aussi la conclusion de nouveaux partenariats avec d’autres médias, avec l’INA – Institut national de l’audiovisuel –, et certainement un rapprochement des moyens avec Public Sénat comme avec la direction de la communication de l’Assemblée nationale. Il me semble impératif que l’Assemblée nationale participe pleinement au développement de la chaîne parlementaire, d’abord par la mise à disposition de locaux adaptés au déploiement de l’activité, ensuite par une meilleure transmission de l’agenda des événements qu’elle organise.
C’est ensemble que nous réussirons à valoriser davantage le travail parlementaire, le rôle des élus et, ainsi, à répondre à la crise de la démocratie participative que nous traversons, qui pourrait avoir des conséquences majeures lors des prochaines échéances électorales.
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à voter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Philippe Vigier applaudit également.) La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure spéciale, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, je commencerai par quelques mots sur le budget annexe « Publications officielles et informations administratives », qui retrace les activités de la DILA, la direction de l’information légale et administrative. En charge de ce rapport spécial depuis sept ans, j’ai pu observer la mutation considérable de la DILA, qui a totalement pris le virage numérique. Cette transformation ne s’est pas faite sans douleur compte tenu des plans de départs anticipés, qui ont atteint soixante-huit ETP – équivalents temps plein – en 2017 et sont prévus à trente-huit en 2019. Malgré la diminution des recettes du budget annexe, il est toujours exécuté en excédent, à hauteur de 11 millions d’euros en 2019. Je suis donc pleinement favorable à son adoption.
J’en viens à la mission « Investissements d’avenir », dont les crédits s’élèvent à un peu plus de 1 milliard d’euros en 2019. Nous sommes donc loin du rythme de décaissement initialement annoncé de 2 milliards d’euros par an ; si bien que, d’après les échéanciers qui m’ont été transmis, les 10 milliards d’euros déjà engagés sur le PIA 3 – le troisième programme d’investissements d’avenir –, en AE uniquement, ne seront pas tous inscrits en CP sur l’ensemble du quinquennat. Il manquerait 2,68 milliards d’euros. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, n’était-il pas prévu de mettre en œuvre le PIA 3 sur la durée de la législature ?
Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact des crédits que nous votons dans le PIA 3, car leur mise en œuvre prend du temps. Chacune des actions fait l’objet d’une convention entre le secrétariat général pour l’investissement – SGPI – et un opérateur ; puis vient le temps des appels à projets et de la sélection des lauréats, avant la contractualisation entre l’opérateur et le lauréat et, enfin, le décaissement des crédits. L’addition de tous ces délais fait que les crédits des deux premiers PIA sont encore en phase de décaissement. Depuis 2010, sur les 57 milliards d’euros des trois programmes d’investissements d’avenir, seuls 20 milliards sont décaissés. C’est vrai ! Ce décalage entre le vote et le décaissement des crédits rend complexe le suivi des investissements.
Le secrétariat général pour l’investissement et les opérateurs ne distinguent pas toujours les enveloppes des différents PIA, d’autant que de nombreuses actions du PIA 3 financent finalement des dispositifs engagés lors d’exercices précédents. À cela s’ajoutent les substitutions budgétaires, lorsque les enveloppes des PIA permettent de financer discrètement les dernières annonces de tel ou tel ministre ou du Président de la République. Eh oui ! Plus de huit ans se sont écoulés depuis les premières dépenses d’investissements d’avenir et nous ne disposons pas encore d’évaluation globale des effets des PIA, qu’il s’agisse de retours financiers ou socio-économiques. Monsieur le ministre, quand pourrons-nous avoir une vision claire des retombées des PIA ?
Enfin, s’agissant de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », j’ai souhaité cette année me concentrer sur les dépenses du Premier ministre et de son cabinet. Alors que tous les ministres se voient imposer une réduction drastique de leur cabinet, les effectifs de celui du Premier ministre s’élèvent à 496 ETP, soit 69 membres de cabinet et 427 personnes chargées des fonctions support. Les dépenses de personnel au titre du programme 129 s’élèvent à 19 millions d’euros, alors qu’elles ne comprennent que la moitié des effectifs,… Et avant, ces dépenses s’élevaient à combien ? …les autres personnels étant mis à disposition par différents ministères. Ils sont répartis dans cinq hôtels particuliers du 7e arrondissement de Paris dont les dépenses hors loyers atteignent 4,4 millions d’euros par an. Eh oui ! Et moi qui croyais que la nouvelle majorité avait mis fin à tout cela ! À cela s’ajoutent des frais de représentation de 70 000 euros, des frais de déplacements de 4,1 millions d’euros,… Le « nouveau monde » nous coûte cher ! …dont 3 millions pour les vols de l’escadron de transport, d’entraînement et de calibration, l’ETEC. Mais, c’est pire qu’avant ! Les dépenses d’intendance sont de 2,3 millions d’euros qui ne comprennent que les produits alimentaires, les prestations hôtelières et les vêtements. La seule tournée en Nouvelle-Calédonie de novembre 2017 a coûté 816 744 euros. C’est un scandale ! Honteux ! Tout cela représente des sommes non négligeables. Je déplore avant tout le manque de transparence sur ces dépenses. Tout à fait ! C’est ce manque de transparence qui crée la suspicion et alimente des scandales hautement préjudiciables à la confiance entre les citoyens et la classe politique. Voilà qui est dit ! Monsieur le ministre, vous engagez-vous à améliorer la transparence sur les dépenses du Premier ministre ?
Je conclurai en évoquant un point qui ne concerne pas que cette mission, mais l’ensemble du budget qui nous est présenté : celui de la non-comptabilisation des loyers budgétaires. D’après mes informations, cette mesure est sortie cet été de nulle part, prenant de court les responsables de programmes. Ainsi, en ce qui concerne la mission « Direction de l’action du Gouvernement », les crédits semblent diminuer de 150 millions d’euros, mais c’est la somme des loyers budgétaires. Subtil, ça… À l’échelle de la mission, cette astuce de présentation est impressionnante. À l’échelle du budget de l’État, c’est 1 milliard d’euros de crédits qui disparaît artificiellement – une belle manière de réduire la dépense publique sans effort !
Pour le principe, je suis donc défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Monique Limon, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteures spéciales, chers collègues, « il faut réapprendre à voir large et loin : ceux qui se laissent écraser par la tyrannie du court terme sont condamnés à toujours réagir au lieu d’agir, à toujours saupoudrer au lieu de choisir, bref à toujours subir ». Je reprends ici les mots de M. Juppé et M. Rocard, qui furent à l’origine, au cœur de la crise de 2008, du premier programme d’investissements d’avenir dont nous étudions actuellement la troisième version, le PIA 3.
J’interviens ici, au nom de la commission des affaires économiques, comme rapporteure pour avis de la mission relative aux investissements d’avenir, et plus particulièrement sur les programmes 422 et 423 qui concernent la valorisation de la recherche et la modernisation des entreprises.
Tout d’abord, en termes strictement budgétaires, il faut retenir que le rythme de décaissement des crédits du programme d’investissements d’avenir suit la trajectoire pluriannuelle prévue depuis l’année dernière. En 2019, un peu plus de 1 milliard d’euros devrait donc être payé aux opérateurs comme l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, ou Bpifrance, conformément à la feuille de route établie par le SGPI. Même si nous ne maîtrisons pas le calendrier réel de décaissement des crédits par les opérateurs, je rappelle que les crédits de paiement du PIA 3 sont désormais votés annuellement, ce qui permet un contrôle parlementaire bienvenu.
Comme il est d’usage, j’ai souhaité conférer une approche thématique à mon rapport, choisissant les actions agricoles et environnementales du PIA. Nous faisons face à ce que je considère comme un défi de société fondamental : la transition de notre pays vers un modèle d’agriculture et d’alimentation durables. Ce choix d’évaluation du PIA répond à une double motivation de ma part.
Tout d’abord, l’existence d’une demande sociale dynamique et construite autour d’enjeux forts : le moindre recours aux produits phytosanitaires, l’amélioration du bien-être animal, l’amélioration de la qualité de l’alimentation, la transition vers un modèle agricole plus soutenable écologiquement mais toutefois performant. L’innovation est souvent la clé de ces transitions.
Ensuite, il était primordial à mes yeux de montrer qu’à la parole succédaient des actes, après l’adoption par le Parlement, le 2 octobre dernier, du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi EGALIM ». Il convient de veiller à ce que les ambitions qu’elle affiche soient complétées par les leviers financiers à même de garantir son succès. C’est à ce niveau qu’intervient le PIA.
En effet, même si les approches sont hétérogènes et souvent complexes, les réalisations du PIA en matière de développement durable sont toutefois tangibles. Et ce processus continue de suivre son cours. Prenons un exemple auquel seront sensibles ceux qui ont suivi les débats sur le projet de loi EGALIM : le PIA soutient la R&D d’une entreprise française, TRONICO, afin de développer une technique non intrusive de détection du sexe des poussins in ovo – dans l’œuf –, afin d’éviter le broyage de nombreux poussins ou de canetons après la naissance.
En outre, le PIA valorise nos territoires. Je me félicite, à ce titre, du lancement des « Territoires d’innovation-Grande ambition » par la Caisse des dépôts et consignations, action qui mobilisera 450 millions d’euros dans le cadre du PIA 3. L’appropriation du PIA par les acteurs locaux va donc dans le bon sens et doit être encouragée. Bien d’autres exemples pourraient être cités, mais l’important est de retenir que le PIA donne la chance de mûrir et de concrétiser les solutions écologiques de demain, que ce soit par une intervention directe, en prêts ou en subventions, ou par un meilleur financement des entreprises, grâce aux interventions du PIA en fonds propres.
Néanmoins, le tableau n’est pas entièrement satisfaisant. Il faut bien admettre que le critère d’éco-conditionnalité qui devait présider à la sélection des projets n’est pas pris en compte à sa juste valeur. La mission d’évaluation et de contrôle sur le PIA et la transition énergétique, créée en 2016 par l’Assemblée, avait fait état de seulement 17 % de crédits affectés effectivement au développement durable. Il semble donc opportun de lancer une réflexion sur les objectifs officiels de 60 % de projets soutenant la transition écologique.
Le bilan en matière d’agro-écologie demeure en particulier assez mitigé, si bien que certains acteurs ont pu nous parler d’un « trou dans la raquette » du PIA. Pour y remédier, repenser en partie ses outils semble nécessaire. De fait, les critères très exigeants de sélectivité des projets sur le plan économique ou financier peuvent constituer une barrière au fléchage du PIA vers les sujets phytosanitaires ou vers le recours au biocontrôle. Le cas du marché des alternatives au chlordécone, dont les ravages aux Antilles ont été reconnus par le Président de la République, illustre bien mon propos. Ce marché de niche offre trop peu de débouchés en termes de géographie et de produits, ce qui semble l’exclure de la logique de co-investissement en consortium, qui est le standard du PIA. Aussi la quête de l’excellence économique ne doit-elle pas être un obstacle au financement de projets d’intérêt général répondant clairement à une demande sociale ou à des enjeux de santé publique.
Ces dernières remarques me conduisent à conclure par des propositions concrètes pour accroître l’efficacité du PIA dans les secteurs environnementaux et agricoles. La première proposition consiste à profiter du mouvement de rapprochement des instituts de transition énergétique et des instituts de recherche technologique afin de créer un organisme innovant concentré sur le secteur agricole et agroalimentaire. La deuxième vise à rendre la clause d’éco-conditionnalité plus ferme dans les appels à projets du PIA afin d’assurer son effectivité dans la sélection, tout en la concentrant sur les projets pour lesquels elle est pertinente. Enfin, troisième proposition, il s’agit de profiter de l’évaluation des dix ans du PIA pour examiner l’opportunité d’intégrer un critère de « valeur ajoutée sociale » au choix des projets, sans dénaturer pour autant leur contenu en innovation.
Espérant que mes dernières propositions trouveront un écho favorable parmi vous puisque leur application doit donner un nouveau souffle au PIA, je vous remercie, chers collègues, pour votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Nous en venons aux interventions des porte-paroles des groupes.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Libertés et territoires. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteures spéciales, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, j’ai eu l’honneur, pendant cinq ans, d’être rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l’État » et en particulier sur le Conseil d’État, la Cour des comptes, le Haut Conseil des finances publiques et le Conseil économique, social et environnemental. Dans les conclusions du rapport de M. Labaronne, j’ai retrouvé le souhait, que j’avais exprimé, de fusionner le Haut Conseil et la Cour. Je n’ai pu y parvenir en cinq ans mais peut-être l’actuel rapporteur spécial rencontrera-il un plus grand succès que moi. Votre prédécesseur non plus, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, n’y est pas arrivé. L’heure est à l’efficience.
J’émets un autre souhait, complémentaire, puisqu’une réforme constitutionnelle est à l’ordre du jour : que la saisine de la Cour des comptes et celle du Conseil d’État puissent être le fait des parlementaires. Je nourris quelques espoirs pour cette réforme attendue, reportée et finalement, si j’ai bien compris, reprogrammée pour le début 2019.
Je concentrerai mon propos sur le travail de Lise Magnier concernant l’Élysée, le Sénat, l’Assemblée et les chaînes parlementaires puisque, l’année précédente, j’étais le rapporteur de la même mission.
Chers collègues, une loi organique importante a été promulguée le 15 septembre 2017 : celle pour la confiance dans la vie politique. La confiance suppose qu’une même exigence s’applique à tous les organes délibérants que sont l’Assemblée, le Sénat, le Conseil constitutionnel – le gardien du temple – et, naturellement, l’Élysée. Cette exigence est d’autant plus forte pour les parlementaires qui, ne serait-ce que parce qu’ils votent la loi, doivent s’appliquer à eux-mêmes les règles de transparence, d’efficience – surtout à l’heure où nous demandons à nos compatriotes des efforts, dont il me paraît essentiel qu’ils soient partagés par les institutions que je viens de citer.
En ce qui concerne l’Assemblée nationale, des progrès restent à faire. À périmètre constant de l’enveloppe depuis 2012, Lise Magnier l’a bien montré, il faut aller puiser dans les réserves pour équilibrer le budget. Des économies peuvent être réalisées sur des contrats, sur des sous-traitances. Cela ne signifie pas qu’il faille, comme le prédécesseur de Richard Ferrand à la présidence de l’Assemblée en avait lancé la réflexion, externaliser de nombreuses tâches. Au contraire, je pense qu’il faut des fonctionnaires dont la neutralité est assurée,… Très bien ! …dont la compétence est assurée,… Cela s’appelle le statut de la fonction publique ! …et qui pourront à tout moment être présents pour nous accompagner. C’est une exigence absolue. C’est bien pourquoi il faut préserver le statut des fonctionnaires. Il est tant d’autres domaines, que j’avais signalés dans mon rapport et que Lise Magnier a très bien repris, dans lesquels nous pourrions réaliser de vraies économies d’échelle et qui nous permettraient d’avoir une assemblée moderne et encore plus exemplaire qu’elle n’est.
J’en viens au contrôle lui-même. Il faudra avoir le courage, comme c’était le cas à une époque, de décider que le budget de l’Assemblée est voté par les députés. Ça, ce serait un gage de transparence : chacun connaîtrait les engagements pris et l’utilisation des fonds, et le contrôle s’en trouverait favorisé par cette sorte de dualité qui existe entre le député membre de la commission des finances mandaté au titre de la LOLF – loi organique relative aux lois de finances – et la commission d’apurement des comptes présidée par notre collègue Marie-Christine Dalloz. La vraie efficacité résiderait dans le fait que les uns et les autres travaillent davantage ensemble, la Cour des comptes certifiant nos comptes. Nicolas Sarkozy avait demandé cette pratique pour l’Élysée ; nous devons l’instaurer à l’Assemblée en gage de confiance vis-à-vis de nos compatriotes, parce qu’il y a toujours une petite ombre qui plane au-dessus des grandes institutions comme le Parlement ou le Conseil constitutionnel.
J’y insiste parce que, chers collègues, il y a va de la crédibilité du travail parlementaire. Une fois de plus, alors que nous allons examiner une réforme constitutionnelle, cette exigence du contrôle s’impose à nous tous comme elle s’impose pour chacune des missions que nous passons en revue dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
Je souhaite que nous allions plus loin parce qu’il y a vraiment des économies d’échelle à faire. J’en avais d’ailleurs proposé pour Public Sénat et LCP-AN, consistant en une mutualisation de matériels et pas du tout en diminution du temps d’antenne ou des effectifs des journalistes, bien au contraire. Il s’agit d’être toujours plus informé mais avec plus d’efficacité.
Pour terminer, si nous voulons continuer d’avancer sur le chemin de l’exigence et de la confiance, nous devons aller plus loin dans ces missions de contrôle, étant bien entendu que contrôler ne signifie pas qu’on doive dévoiler ce qu’il n’y a pas à dévoiler, même si rien n’est à cacher. Tout ce qui se passe ici doit être l’objet du meilleur contrôle. Je suis convaincu que le nouveau président de l’Assemblée, Richard Ferrand, aura à cœur de faire évoluer encore notre belle institution. La parole est à Mme Olivia Gregoire, pour le groupe La République en marche. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui, au nom du groupe La République en marche, sur les missions « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics », « Direction de l’action du Gouvernement » et « Investissements d’avenir », une lourde tâche, heureusement facilitée par la grande qualité des rapports spéciaux rédigés par nos collègues, qu’il faut saluer. Les sujets abordés sont, pour la plupart, techniques, qui renvoient à des dispositifs ou à l’action d’acteurs indispensables au bon fonctionnement de notre économie et de nos institutions.
La mission « Direction de l’action du Gouvernement » regroupe ainsi de nombreux opérateurs dans un souci évident d’optimisation de la gestion publique. Cela permet aux parlementaires, année après année, d’obtenir une vision fidèle et instructive du travail de ces acteurs, tout en prenant connaissance des priorités identifiées par le Gouvernement. À ce titre, nous saluons cette année la création de quinze ETP au sein de la CNIL – Commission nationale de l’informatique et des libertés –, qui permettra à celle-ci de poursuivre ses missions historiques et d’en prendre de nouvelles en charge, en lien avec l’exécution du RGPD – règlement général sur la protection des données.
Sur la mission « Conseil et contrôle de l’État », brillamment présentée par notre collègue Daniel Labaronne, nous rappellerons simplement l’importance de continuer à faire correspondre les moyens accordés aux acteurs aux charges, nouvelles ou anciennes, qui leur sont confiées. La Cour des comptes s’engage, par exemple, aujourd’hui dans la certification des comptes de certaines collectivités locales ou d’établissements médico-sociaux ; le Conseil d’État, de son côté, remplit des tâches et rédige des rapports toujours plus nombreux. Notre attention en tant que parlementaires doit être de permettre à ces acteurs de remplir correctement leurs missions, en bonne cohérence. Nous saluons donc ici la sincérité des budgets étudiés ainsi que l’augmentation des crédits et ETP accordés aux juridictions administratives, notamment à la CNDA.
Concernant la mission « Pouvoirs publics », notre groupe souligne la quasi-stabilité des crédits proposés par rapport à ceux accordés l’an passé : c’est bien là le signe d’instances attachées à maîtriser leurs dépenses. Je pense en particulier à la présidence de la République ou encore à La Chaîne parlementaire et à Public Sénat. En ce qui concerne l’Assemblée nationale et le Sénat, une réflexion devra probablement être menée, à terme, pour moderniser, rationaliser et mieux évaluer leur financement, comme le disaient justement Lise Magnier et Philippe Vigier à l’instant.
Je m’arrêterai plus longuement sur la mission « Investissements d’avenir », qui fait écho au programme 134 « Développement des entreprises et régulations », dont je suis la co-rapporteure spéciale avec mon collège Xavier Roseren. Le PIA, aujourd’hui en phase 3, est devenu l’une des composantes du grand plan d’investissement, dit GPI, qui, avec un fonds de 57 milliards d’euros, prévoit, sur le quinquennat, d’accélérer la transition écologique ; d’édifier une société de compétences, en lien avec ce qui a été fait cette année dans la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel ; d’ancrer notre compétitivité sur l’innovation autour d’initiatives comme celles dévoilées très récemment par Mounir Mahjoubi pour numériser nos TPE et PME ; de construire l’État de l’âge numérique afin de transformer et de moderniser son action. L’intégration du PIA au GPI a montré la volonté du Gouvernement d’investir plus efficacement, en adoptant une démarche globale, lisible, crédible et en rompant avec des pratiques depuis trop longtemps diffuses et éparses.
Ce ne sont pas tant les véhicules retenus qui importent que les résultats obtenus. En ce sens, le contrôle parlementaire ne peut réellement s’accomplir qu’en bénéficiant d’une vision synoptique. Notre collègue Amélie de Montchalin, rapporteure spéciale sur le programme « Recherche et enseignement supérieur », le soulignait déjà l’an dernier avec précision : « l’éparpillement [...] des circuits divers de financement de la recherche ne facilite pas la lisibilité, le contrôle et l’efficacité de la dépense publique en matière de recherche et d’innovation ». Nous ne pouvons, de nouveau, que partager ce constat.
J’appelle ainsi l’attention de l’ensemble des groupes sur la nécessité de mieux estimer l’efficacité des dispositifs mis en œuvre. L’année 2019 sera celle de l’évaluation ex-post, socio-économique du PIA 1. Celle-ci viendra compléter le rapport d’étape publié début 2016 par le comité d’experts indépendants constitué par France Stratégie, lequel pointait des progrès à réaliser en matière d’évaluation. L’enjeu pour les prochaines années se situe donc là, avec une représentation nationale mieux informée et mieux éclairée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais dire en introduction que, sur les missions « Investissements d’avenir » et « Direction de l’action du Gouvernement », en particulier – mais il doit y en avoir d’autres –, nous n’avons pas obtenu les documents dits « jaunes budgétaires ». Monsieur le ministre, je vous rappelle que la LOLF impose, dans son article 39, que « chaque annexe générale destinée à l’information et au contrôle du Parlement est déposée sur le bureau des assemblées et distribuée au moins cinq jours francs avant l’examen, par l’Assemblée nationale en première lecture, des recettes ou des crédits auxquels elle se rapporte ». Or, pour un certain nombre de missions, nous n’avons pas reçu ce document – et nous sommes plus près des cinq jours après l’examen ! Je souhaite donc juste nous rappeler au bon souvenir de l’ensemble de votre administration.
Concernant la mission « Conseil et contrôle de l’État », je n’ai pas de remarque particulière sur son périmètre.
Sur la mission « Pouvoirs publics », plusieurs éléments. Tout d’abord, s’agissant des crédits alloués au budget du Président de la République, une affaire estivale nous a rappelé à quel point il était difficile de retracer ceux qui sont alloués aux personnels de son cabinet. Nous aurions intérêt à faire la lumière sur l’ensemble des avantages qui leur sont consentis. Qu’il s’agisse des appartements ou des véhicules mis à disposition, il y a eu suffisamment de polémiques dans le courant de l’été pour justifier que l’on obtienne la transparence et que l’on mette fin à l’opacité sur ces avantages annexes.
Le déficit du budget de l’Assemblée nationale s’élevait, en 2017, à 26 888 913 euros. Le prélèvement sur les disponibilités de l’Assemblée nationale de 2018 – ce n’est pas la même chose, me direz-vous, mais quand même, il y a un lien – s’élève à 49 707 404 euros. Le « bleu » nous dit quelque chose de très intéressant : pour l’année 2019, le déficit comptable de l’Assemblée nationale sera « significatif ». Je ne sais pas si, comme moi, vous faites un peu de projections mais il est difficile de savoir à quel niveau un « déficit significatif » se situe. Que l’on ne nous dise pas, comme Mme la rapporteure l’a souligné, que cela provient des investissements réalisés : l’acquisition de l’Hôtel de Broglie ou les travaux réalisés ici, à l’Assemblée nationale, ne justifient absolument pas le niveau du déficit actuel. Des mesures ont été prises ; il faut être attentif et vigilant. Le budget de l’Assemblée nationale ne peut pas durablement être clôturé avec un déficit de cette sorte.
Philippe Vigier a rappelé tout à l’heure qu’il existait une convention avec la Cour des comptes, mais celle-ci n’est absolument pas autorisée à juger de l’opportunité des dépenses. Seuls le collège des questeurs et le bureau de l’Assemblée nationale le peuvent. La Cour des comptes procède par sondages pour vérifier la véracité des écritures qui ont été passées, mais sa mission n’est pas de juger en opportunité. En revanche, il serait intéressant que l’on puisse procéder, dans cette maison, à une comptabilité analytique. C’est une carence terrible que de ne pas disposer d’une telle comptabilité.
Enfin, concernant la mission « Direction de l’action du Gouvernement », que je connais depuis quelques années, j’ai trouvé quelque chose de très intéressant. Jusqu’à maintenant, dans tous les gouvernements qui se sont succédé, quelles que soient la tendance politique et la majorité, le porte-parole du Gouvernement avait toujours une mission de base. On a connu M. Le Foll, ministre de l’agriculture et porte-parole, ou encore M. Castaner, ministre des relations avec le Parlement et porte-parole. Aujourd’hui, le porte-parole n’est que porte-parole : son décret d’attribution ne fait mention que du porte-parolat et ses crédits sont rattachés au budget du Premier ministre. Cela doit vouloir dire quelque chose mais, très honnêtement, c’est assez novateur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l’État » voit ses crédits augmenter de plus de 2 %, principalement sous l’effet de la progression des crédits du programme 165. Cette augmentation est en grande partie justifiée par la nécessité de créer des emplois affectés spécifiquement à la Cour nationale du droit d’asile, comme l’a souligné notre collègue Daniel Labaronne dans son rapport.
Cette augmentation permet d’espérer une réduction des délais de jugement, plus que nécessaire dans ces situations, et pourrait également contribuer à atteindre l’objectif gouvernemental de réduction à moins de six mois des délais de traitement des demandes d’asile. De plus, dans un contexte où les contentieux ont fortement progressé – plus 30 % environ entre 2016 et 2017 –, il s’agit d’une augmentation bienvenue. Accorder des moyens humains pour répondre à une demande qui ne cesse de s’accroître est donc bien conforme aux engagements pris lors des débats sur le projet de loi asile au printemps dernier.
La mission « Direction de l’action du Gouvernement » est également la preuve que nous pouvons répondre aux objectifs fixés par le Président de la République d’une administration transparente et plus efficace. Le sujet a été évoqué par notre collègue Marie-Christine Dalloz, mais nous avons une interprétation un peu différente : nous saluons la décision du Gouvernement de mettre fin à la pratique des fameux loyers budgétaires. Si elle a permis de sensibiliser les ministères aux enjeux budgétaires de leur emprise immobilière, cette pratique n’était toutefois plus vraiment pertinente. De plus, elle était source de complexité en raison des flux financiers observés en comptabilité budgétaire mais neutralisés en comptabilité nationale. Sur cette même mission, nous soutenons plutôt la revue des missions des administrations déconcentrées de l’État, lancée à l’initiative du Premier ministre, afin de supprimer les fameux doublons entre les missions assurées par les services de l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs et d’optimiser ainsi les moyens de fonctionnement.
Troisième point, qui nous paraît important, la mission « Investissements d’avenir ». Nous ne pouvons que demander au Gouvernement de suivre les recommandations formulées par la Cour des comptes quant à la décomposition des crédits de paiement, y compris au-delà de 2021, ainsi que la mise en place d’un dispositif de contrôle interne budgétaire formalisé, et surtout permanent, sur le périmètre de cette mission. Cela renforcera évidemment la crédibilité de l’action publique mais permettra surtout plus de transparence. Pour reprendre les propos de notre collègue Vigier, il est effectivement nécessaire de dissiper certaines ombres – et en l’occurrence, il y en a !
En écho aux propos de ma collègue Lise Magnier, l’équilibre des budgets de la mission « Pouvoirs publics » repose, en partie, sur des prélèvements sur des réserves. Notre groupe s’interroge profondément sur la pérennité de cette gestion : que se passera-t-il lorsque les réserves seront épuisées ? C’est pour cela que nous saluons les travaux de modernisation mis en œuvre dans un certain nombre de nos institutions, pour gagner à la fois en efficience, en qualité de condition de travail et en performance.
Au-delà de ces missions et en élargissant un peu le cadre budgétaire pour 2019, je souhaite, au nom de mon groupe, insister sur le fait que, pour cette mission relative au contrôle de l’action de l’État, la mère des réformes est la réforme institutionnelle. Le président Coty, qui a vécu le passage de la IVe à la Ve République, disait qu’un régime « ne sait se défendre que s’il sait se réformer ». Il est temps aujourd’hui de réformer, et c’est pourquoi nous nous félicitons de la confirmation, par le ministre chargé des relations avec le Parlement, de l’inscription de la réforme constitutionnelle à notre ordre du jour dès le début de l’année 2019.
Une démocratie qui fonctionne doit se fonder sur un équilibre entre un parlement fort et un gouvernement fort, le second pouvant s’appuyer sur le premier. Elle doit se fonder, au-delà, sur un véritable contrôle de l’action de l’exécutif par le Parlement, celui-ci ne devant pas se borner à « contrôler l’action législative du Gouvernement », selon la formule d’un de vos prédécesseurs au perchoir, monsieur le président – Philippe Séguin. C’est ainsi, également, que nos concitoyens retrouveront confiance dans leurs institutions. Notre démocratie en sera renforcée. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.) Merci, madame la députée, d’avoir ainsi rendu hommage au grand président qu’était Philippe Séguin.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour le groupe Socialistes et apparentés. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, les missions relatives au conseil et au contrôle de l’État, aux pouvoirs publics et à la direction de l’action du Gouvernement recouvrent des sujets importants sur lesquels les citoyens et les élus que nous sommes exercent une vigilance particulière. À l’heure où l’on parle de maîtrise de la dépense publique, de réforme de l’État et d’exemplarité, vous comprendrez que je m’attarde quelques minutes sur ces questions.
Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » semblent de prime abord marqués par la stabilité, à l’exception du budget de l’Élysée qui continue d’augmenter comme il le fait depuis le début du quinquennat, passant de 103 millions en 2018 à 106 en 2019. Dans ce domaine, chacun s’accorde à reconnaître que de nombreux progrès avaient été accomplis, notamment grâce au règlement du 29 novembre 2016 reprenant les normes applicables à la gestion budgétaire et comptable publique, qui s’est traduit, comme vous le savez, par une réduction considérable du budget de l’Élysée, passé de 109 millions d’euros en 2012 à l’objectif fixé de 100 millions en 2017.
On constate sur ce point une rupture nette avec les efforts accomplis jusqu’à présent. J’appelle en particulier votre attention sur les dépenses de personnel de la Présidence de la République, qui représentent plus des deux tiers du budget global et qui augmentent de plus de 2,5 millions d’euros. Il aurait peut-être été souhaitable, à la suite des événements que nous avons connus cet été, d’avoir plus de précisions sur le personnel au service de l’Élysée, comme l’a d’ailleurs relevé notre collègue Dalloz.
Le groupe Socialistes et apparentés présentera donc un amendement visant à réduire ce budget afin de financer les missions de la Chaîne parlementaire, dont l’objectif est de rapprocher le Parlement des citoyens.
Le budget dédié aux assemblées parlementaires pose également question. Pour apprécier convenablement la stabilité du budget de l’Assemblée nationale, qui nous est présenté avec une très légère baisse de 0,07 %, il est nécessaire de le mettre en perspective avec les budgets précédents, grevés par les dépenses exceptionnelles – estimées à environ 35 millions d’euros – liées au renouvellement de l’Assemblée, qui avaient, de fait, engendré une augmentation de 13 millions d’euros, soit de 2,5 %, par rapport au PLF 2016, et de près de 26 millions par rapport au budget 2015. On peut donc se demander si le « bleu » budgétaire ne sous-évalue pas les besoins.
En tout cas, il est regrettable de ne pas avoir de précisions quant au coût des missions d’évaluation des politiques publiques, qu’elles soient menées par les commissions permanentes ou par le comité d’évaluation et de contrôle. À cet égard, le budget alloué ce dernier mériterait d’être précisé afin que nous puissions le comparer avec celui d’autres institutions étrangères.
Si le CEC produit déjà des travaux de qualité, sa mission est suffisamment essentielle pour mériter une augmentation sensible des crédits qui lui sont consacrés. Or ce n’est pas le cas : les fonds alloués aux études ne dépassent guère les 100 000 euros. Pour y remédier, le groupe Socialistes et apparentés proposera de prélever sur le budget de l’Élysée les crédits nécessaires pour renforcer les moyens d’évaluation du Parlement, afin que ce dernier puisse effectuer les missions de contrôle que lui confère la Constitution et auxquelles nous sommes très attachés.
J’en viens à la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». S’agissant de la coordination du travail gouvernemental, on peut noter deux particularités. La première touche les services de l’information du Gouvernement, dont les crédits ont atteint 19,8 millions d’euros en 2018 avant de redescendre à 13,3 millions dans ce PLF, ce qui pose la question du fléchage des dépenses. La seconde particularité concerne l’augmentation de 40 % du budget des « études et recherches » de France stratégie ; la question se pose du moyen de garantir la neutralité des évaluations menées par cette institution et d’organiser les éventuels appels d’offre.
S’agissant du Défenseur des droits, dont le nombre de saisines a bondi de plus de 17,3 % en l’espace de seulement deux ans, on peut légitimement se demander si les moyens sont à la hauteur des missions qu’il exerce. En effet, la majorité des emplois créés par le PLF 2019 au sein du programme « Protection des droits et libertés » bénéficierait à la CNIL.
La mission « Conseil et contrôle de l’État » nous interpelle également par bien des aspects, mais compte tenu du temps qui m’est imparti, je m’attarderai seulement sur la Cour nationale du droit d’asile. L’augmentation conséquente des affaires traitées par la CNDA nécessite plus que les 122 équivalents temps plein supplémentaires que vous nous proposez. Entre 2010 et 2017, leur nombre a en effet doublé. Par ailleurs, la réforme « Asile et immigration » que vous avez votée cette année impose à la CNDA de diminuer drastiquement les délais de jugement à cinq mois en collégiale et à cinq semaines en juge unique, ce qui nécessite, là aussi, des moyens supplémentaires. Étant donné la gravité de la situation, chers collègues, de simples mots et les quelques moyens supplémentaires envisagés ne suffiront malheureusement pas pour traiter chacun avec dignité.
Vous comprendrez, chers collègues, l’approche de notre groupe sur ces missions importantes. Il ne s’agit pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux ; de favoriser l’action du Parlement et de lui permettre d’assurer ses missions de contrôle et d’évaluation indispensables à la démocratie ; de maîtriser les dépenses de l’Élysée, comme chacun s’y était engagé. Il s’agit enfin de nous donner les moyens de répondre à l’objectif de raccourcir les délais d’attente des demandeurs d’asile.
Sans moyens à la mesure de tous ces sujets, nous ne pourrons que constater que la volonté affichée ne suffit pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur les crédits des missions « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics », « Direction de l’action du Gouvernement » et « Investissements d’avenir » pour l’année 2019.
Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » restent au même niveau qu’en 2018. Les dotations de l’État poursuivent ainsi la trajectoire « zéro augmentation en volume », ce qui est à saluer. Le budget des deux assemblées est stabilisé depuis cinq ans : 517 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et 323 millions pour le Sénat, soit près de 84 % des crédits de la mission.
Toutefois, il faut rappeler que l’équilibre de ces budgets n’est permis que par des prélèvements sur les réserves. Une telle situation nous amène à nous poser la question de la rationalisation des dépenses et de la réorganisation des services. Non seulement les réserves ne sont pas inépuisables, mais il est surtout indispensable, à un moment où des efforts sont demandés à nos concitoyens, que nous puissions montrer l’exemple avec la gestion quotidienne de nos assemblées.
La diminution du nombre de parlementaires, si elle est mise en œuvre, n’aura pas d’impact dans la mesure où le Gouvernement a promis que les économies dégagées serviraient à améliorer la qualité du travail du Parlement et – espérons-le – à créer un office parlementaire du budget chargé d’assister les parlementaires des deux chambres dans leur travail.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur la vision du Gouvernement concernant le niveau de la dotation de l’État et la dynamique de l’évolution des charges des assemblées parlementaires, laquelle nous paraît difficilement compatible avec l’exigence d’un budget équilibré ?
Nous saluons la hausse de crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », qui va permettre notamment la diminution des délais de traitement du contentieux relatif à la Cour nationale du droit d’asile par la création d’emplois et de chambres de jugement. Néanmoins, nous nous interrogeons sur la baisse d’environ 8 % de la dotation du programme 340, relatif au Haut Conseil des finances publiques.
Concernant la diminution du nombre des membres du CESE que certains d’entre nous appellent de leurs vœux, elle doit s’accompagner d’une redéfinition des missions et d’une valorisation des travaux de ce conseil.
Monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il à terme fondre les crédits du programme 340 dans le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » ? Qu’en est-il de la montée en gamme du Haut Conseil, qui doit lui permettre de rendre un avis plus détaillé sur l’évolution des dépenses du budget de l’État ?
Je ferai quelques remarques sur la mission « Investissements d’avenir ». On peut tout d’abord s’interroger sur le choix d’un décaissement progressif des crédits de paiement de la mission, qui créé un effet « d’attente » sur la mise en œuvre de certaines actions du PIA 3 et alourdit la contrainte de gestion des opérateurs.
Néanmoins, l’utilité de la mission n’est plus à démontrer. Il nous parait primordial, au travers de la mission « Investissements d’avenir » que l’État conserve son rôle d’État stratège. Il doit investir dans les domaines d’avenir, mais aussi rattraper les retards et accompagner les territoires qui en ont le plus besoin. Cette aspiration de l’État stratège doit également se matérialiser dans la politique du logement, la fiscalité ou encore la politique industrielle.
Enfin, l’augmentation des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » résulte principalement de la hausse des effectifs et, plus marginalement, du dynamisme de certaines dépenses de fonctionnement, notamment des loyers et des charges immobilières des directions départementales interministérielles, DDI. Vous connaissez la philosophie de notre groupe : le financement des priorités aurait dû être intégralement assuré par des économies.
Dans la même logique que s’agissant des assemblées parlementaires, il est indispensable que nos concitoyens puissent constater que les services liés au Premier ministre sont gérés dans la plus grande transparence et avec la plus grande rigueur possible.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les raisons qui ont conduit à la suppression des loyers budgétaires du périmètre de la mission, dont ils représentaient 9 % en 2018 ?
Tout en restant très attentifs aux réponses que vous apporterez à nos interrogations, les membres du groupe UDI-Agir et Indépendants voteront les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir. – Mme Cendra Motin applaudit également.) Excellent ! La parole est à Mme Sabine Rubin, pour le groupe La France insoumise. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en guise de propos liminaire à cette discussion budgétaire, je souhaite rappeler que toutes les données budgétaires présentées par le Gouvernement sont tronquées, puisqu’elles ne prennent en compte ni l’inflation – 1,3 % –, ni l’augmentation de la population –
La parole est à M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, mesdames les rapporteures spéciales de la commission des finances, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 renforce les moyens alloués à la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Si nous la votons, cette mission se verra octroyer, l’an prochain, des ressources portées à des niveaux inédits. Il est en effet proposé de lui consacrer 756,25 millions d’euros en autorisations d’engagement – AE – et 680,56 millions en crédits de paiement – CP –, soit une hausse, respectivement, de 11,23 % et de 2,43 % par rapport à 2018.
Si je me félicite de la progression globale des crédits et des emplois de cette mission, je n’ignore pas les contraintes spécifiques auxquelles se trouvent confrontés les responsables de programmes. Ces contraintes soulèvent, de mon point de vue, la question de l’adéquation des moyens budgétaires dédiés aux programmes au regard des missions croissantes que le législateur leur assigne.
Aussi, je ne m’attarderai pas sur le Haut Conseil des finances publiques, qui, selon moi, devrait être rattaché au programme 164, relatif aux juridictions financières. Tout à fait ! S’agissant du programme 165, relatif aux juridictions administratives, je veux souligner le nouvel effort, très substantiel, consenti, notamment, en faveur de la Cour nationale du droit d’asile – CNDA. Pour ce programme, en effet, le projet de loi prévoit une hausse de 15 % en autorisations d’engagement et de 3,4 % en crédits de paiement, lesquels atteignent ainsi le montant exceptionnel de 420,05 millions d’euros.
Les équivalents temps plein travaillés connaissent également une progression très significative, avec 132 emplois créés, dont 122 viendront renforcer la CNDA et 10 les tribunaux administratifs. Le projet de loi de finances comporte, par ailleurs, une hausse des crédits d’investissement nécessaire à l’engagement de l’opération de relogement de la Cour.
Je veux tout particulièrement souligner l’adéquation des moyens budgétaires à notre ambition politique. D’une part, ces moyens permettront à la CNDA de confirmer les résultats obtenus – et attendus – quant à la réduction des délais de jugement, et ce malgré une hausse significative des recours ; d’autre part, ils lui donneront des ressources budgétaires en rapport avec les exigences découlant de la loi « asile et immigration », à commencer par la réduction de la durée de traitement des demandes d’asile.
Par ailleurs, on notera avec intérêt l’investissement confirmé des juridictions administratives dans le développement des outils numériques. La programmation pour 2019 devrait ainsi accompagner le déploiement de l’application Télérecours citoyens, laquelle marque une nouvelle étape dans la dématérialisation des procédures pour les justiciables, conformément au vœu du législateur.
En ce qui concerne le programme 164, le projet de loi marque en réalité une certaine consolidation des ressources allouées aux juridictions financières. Les autorisations d’engagement demandées, 232 millions d’euros, progressent de 5,94 %. L’évolution de leur montant résulte de deux facteurs : d’abord, une croissance modérée des dépenses attendues de personnel ; ensuite, une relance nette des dépenses immobilières et de celles liées à l’approfondissement des grands projets informatiques. On notera, en revanche, que la revalorisation des crédits de paiement se limite à 1 % et que le plafond d’emplois demeure stable, à 1 840 équivalents temps plein travaillés.
En eux-mêmes, ces chiffres attestent une gestion vertueuse, pour ne pas dire rigoureuse. Toutefois, cette programmation budgétaire pose la question de l’adéquation des moyens aux missions des juridictions financières. En effet, elle ne répond pas complètement, de mon point de vue, à la question des marges de manœuvre qui leur sont laissées, tant pour la conduite de leur réforme – notamment le vaste chantier de la dématérialisation – que pour l’exercice des missions croissantes que leur confie le législateur. Je pense, par exemple, à la certification des comptes des collectivités territoriales et aux contrôles facultatifs des comptes des établissements et services sociaux, qui aujourd’hui connaissent des développements décisifs.
Aussi, les moyens alloués à la Cour des comptes peuvent, à mes yeux, s’apparenter à un plancher, à un socle, qu’il faudra soit relever, si le législateur assigne de nouvelles missions à la Cour, soit maintenir, à moins de considérer qu’existeraient à la Cour des comptes des gains de productivité insoupçonnés, ce que je ne crois pas.
De même, le programme 126 se voit doté de 40,23 millions d’euros, avec un maintien du plafond d’emplois. Les ressources du CESE – Conseil économique, social et environnemental – sont stabilisées ; or, par la future la réforme constitutionnelle, le législateur lui confiera de nouvelles prérogatives. Pas sûr ! J’espère donc que les moyens alloués à cette institution seront ajustés en conséquence.
Malgré ces réserves, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à Mme Lise Magnier, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure spéciale, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, en préambule, je tiens à constater l’effort de maîtrise des dépenses réalisé par les différents pouvoirs publics concernés, puisque les enveloppes sollicitées pour 2019 sont identiques à ce qu’elles étaient en 2018, hormis pour la chaîne Public Sénat, dont la dotation diminue de 2,2 %, conformément à son contrat d’objectifs.
Rappelons que les dotations demandées par l’Assemblée nationale et le Sénat sont inchangées depuis 2012, à hauteur, respectivement, de 517,9 millions et de 323,6 millions d’euros. Pour autant, il est à noter que les budgets, eux, ne sont pas constants. Celui de la Présidence de la République augmente ainsi de 2,580 millions d’euros, hausse financée par le prélèvement sur les disponibilités, et celui du Sénat, de 2,813 millions. Le budget de LCP-AN, La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale, augmente de 273 063 euros, et les budgets de l’Assemblée nationale, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de la République et de Public Sénat demeurent constants par rapport à 2018.
Après ces propos liminaires, il me semble nécessaire de vous faire part des engagements pris en faveur d’une transformation des administrations concernées. La recherche d’efficience et de modernisation du fonctionnement de nos administrations est nécessaire et elle impose la restructuration de leurs dépenses, même à budget constant.
Ainsi, les crédits de personnel ou de l’administration de la Présidence de la République connaîtront une hausse sensible de 3,47 %, mais celle-ci est nécessaire à la réorganisation des services consécutive à l’audit réalisé pour améliorer les conditions de travail et l’efficience.
À l’Assemblée nationale, les crédits pour charges parlementaires augmentent de 6 millions d’euros, principalement sous l’effet du déséquilibre accru de la caisse de retraite des députés après la normalisation du régime de pensions, mais aussi de la mise en place de l’AFM – avance de frais de mandat – ou de l’augmentation du crédit collaborateur.
Les charges de personnel devraient, en revanche, connaître une baisse de 5 millions d’euros. La volonté de recourir à davantage de contractuels pour remplir certaines fonctions trouve sa traduction dans le budget pour 2019, puisque la baisse de la masse salariale des personnels statutaires est estimée à près de 10 %, tandis que les charges relatives au personnel contractuel augmenteraient de 23,55 %.
Le Conseil constitutionnel connaît également une augmentation sensible de ses dépenses de personnel, à hauteur de 4,02 %, du fait d’une professionnalisation et d’un renforcement des effectifs, mais aussi d’un plan de transformation et de la création d’un service de communication pour mieux faire connaître cette institution, qui souhaite s’ouvrir davantage au grand public.
En outre, l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel et la Présidence de la République se sont engagés à poursuivre une stratégie de performance de l’achat public afin de rationaliser leurs dépenses. Mais la bonne gestion budgétaire passe aussi par la définition d’une stratégie pluriannuelle. Tant sur les programmes immobiliers qu’en matière de pilotage des ressources humaines, la définition de programmes pluriannuels permet de définir les besoins au plus juste. La Présidence de la République consacrera 5,065 millions en autorisations d’engagement et 4,695 millions en crédits de paiement à la réalisation de nécessaires travaux immobiliers ainsi qu’à la poursuite de son plan de transformation numérique. En parallèle, un schéma immobilier sur six ans est en cours de réalisation pour atteindre des conditions de travail plus acceptables et fluidifier les échanges entre les services. Toutefois, le financement de ce plan, estimé à 55 millions d’euros, se fera hors dotation de la Présidence de la République.
De la même façon, le Conseil constitutionnel a établi un plan triennal de travaux et d’aménagement, notamment pour des travaux de performance énergétique. Surtout, il s’est engagé dans une véritable transformation numérique qui a nécessité un effort budgétaire conséquent en 2018, poursuivi, dans une moindre mesure, en 2019.
En 2019, l’Assemblée nationale poursuivra la trajectoire de financement de l’hôtel de Broglie, un audit étant également prévu sur l’ensemble de ses mètres carrés, afin de les affecter et de les utiliser au mieux. Cette approche rationnelle doit effectivement être privilégiée à une approche en coupe ou en silo, trop souvent observée dans les grandes administrations. Si je suis convaincue de la nécessité de mener à bien ces réformes et ces aménagements, j’invite vivement les pouvoirs publics à mettre en place les outils de suivi, d’analyse et de pilotage qui permettront de vérifier qu’elles assurent effectivement des gains d’efficience et des économies de fonctionnement.
Je terminerai par un rapide focus sur La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale, dont le contrat d’objectifs est en cours d’élaboration. Le développement de l’activité de la chaîne parlementaire nécessite aussi la conclusion de nouveaux partenariats avec d’autres médias, avec l’INA – Institut national de l’audiovisuel –, et certainement un rapprochement des moyens avec Public Sénat comme avec la direction de la communication de l’Assemblée nationale. Il me semble impératif que l’Assemblée nationale participe pleinement au développement de la chaîne parlementaire, d’abord par la mise à disposition de locaux adaptés au déploiement de l’activité, ensuite par une meilleure transmission de l’agenda des événements qu’elle organise.
C’est ensemble que nous réussirons à valoriser davantage le travail parlementaire, le rôle des élus et, ainsi, à répondre à la crise de la démocratie participative que nous traversons, qui pourrait avoir des conséquences majeures lors des prochaines échéances électorales.
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à voter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Philippe Vigier applaudit également.) La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure spéciale, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, je commencerai par quelques mots sur le budget annexe « Publications officielles et informations administratives », qui retrace les activités de la DILA, la direction de l’information légale et administrative. En charge de ce rapport spécial depuis sept ans, j’ai pu observer la mutation considérable de la DILA, qui a totalement pris le virage numérique. Cette transformation ne s’est pas faite sans douleur compte tenu des plans de départs anticipés, qui ont atteint soixante-huit ETP – équivalents temps plein – en 2017 et sont prévus à trente-huit en 2019. Malgré la diminution des recettes du budget annexe, il est toujours exécuté en excédent, à hauteur de 11 millions d’euros en 2019. Je suis donc pleinement favorable à son adoption.
J’en viens à la mission « Investissements d’avenir », dont les crédits s’élèvent à un peu plus de 1 milliard d’euros en 2019. Nous sommes donc loin du rythme de décaissement initialement annoncé de 2 milliards d’euros par an ; si bien que, d’après les échéanciers qui m’ont été transmis, les 10 milliards d’euros déjà engagés sur le PIA 3 – le troisième programme d’investissements d’avenir –, en AE uniquement, ne seront pas tous inscrits en CP sur l’ensemble du quinquennat. Il manquerait 2,68 milliards d’euros. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, n’était-il pas prévu de mettre en œuvre le PIA 3 sur la durée de la législature ?
Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact des crédits que nous votons dans le PIA 3, car leur mise en œuvre prend du temps. Chacune des actions fait l’objet d’une convention entre le secrétariat général pour l’investissement – SGPI – et un opérateur ; puis vient le temps des appels à projets et de la sélection des lauréats, avant la contractualisation entre l’opérateur et le lauréat et, enfin, le décaissement des crédits. L’addition de tous ces délais fait que les crédits des deux premiers PIA sont encore en phase de décaissement. Depuis 2010, sur les 57 milliards d’euros des trois programmes d’investissements d’avenir, seuls 20 milliards sont décaissés. C’est vrai ! Ce décalage entre le vote et le décaissement des crédits rend complexe le suivi des investissements.
Le secrétariat général pour l’investissement et les opérateurs ne distinguent pas toujours les enveloppes des différents PIA, d’autant que de nombreuses actions du PIA 3 financent finalement des dispositifs engagés lors d’exercices précédents. À cela s’ajoutent les substitutions budgétaires, lorsque les enveloppes des PIA permettent de financer discrètement les dernières annonces de tel ou tel ministre ou du Président de la République. Eh oui ! Plus de huit ans se sont écoulés depuis les premières dépenses d’investissements d’avenir et nous ne disposons pas encore d’évaluation globale des effets des PIA, qu’il s’agisse de retours financiers ou socio-économiques. Monsieur le ministre, quand pourrons-nous avoir une vision claire des retombées des PIA ?
Enfin, s’agissant de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », j’ai souhaité cette année me concentrer sur les dépenses du Premier ministre et de son cabinet. Alors que tous les ministres se voient imposer une réduction drastique de leur cabinet, les effectifs de celui du Premier ministre s’élèvent à 496 ETP, soit 69 membres de cabinet et 427 personnes chargées des fonctions support. Les dépenses de personnel au titre du programme 129 s’élèvent à 19 millions d’euros, alors qu’elles ne comprennent que la moitié des effectifs,… Et avant, ces dépenses s’élevaient à combien ? …les autres personnels étant mis à disposition par différents ministères. Ils sont répartis dans cinq hôtels particuliers du 7e arrondissement de Paris dont les dépenses hors loyers atteignent 4,4 millions d’euros par an. Eh oui ! Et moi qui croyais que la nouvelle majorité avait mis fin à tout cela ! À cela s’ajoutent des frais de représentation de 70 000 euros, des frais de déplacements de 4,1 millions d’euros,… Le « nouveau monde » nous coûte cher ! …dont 3 millions pour les vols de l’escadron de transport, d’entraînement et de calibration, l’ETEC. Mais, c’est pire qu’avant ! Les dépenses d’intendance sont de 2,3 millions d’euros qui ne comprennent que les produits alimentaires, les prestations hôtelières et les vêtements. La seule tournée en Nouvelle-Calédonie de novembre 2017 a coûté 816 744 euros. C’est un scandale ! Honteux ! Tout cela représente des sommes non négligeables. Je déplore avant tout le manque de transparence sur ces dépenses. Tout à fait ! C’est ce manque de transparence qui crée la suspicion et alimente des scandales hautement préjudiciables à la confiance entre les citoyens et la classe politique. Voilà qui est dit ! Monsieur le ministre, vous engagez-vous à améliorer la transparence sur les dépenses du Premier ministre ?
Je conclurai en évoquant un point qui ne concerne pas que cette mission, mais l’ensemble du budget qui nous est présenté : celui de la non-comptabilisation des loyers budgétaires. D’après mes informations, cette mesure est sortie cet été de nulle part, prenant de court les responsables de programmes. Ainsi, en ce qui concerne la mission « Direction de l’action du Gouvernement », les crédits semblent diminuer de 150 millions d’euros, mais c’est la somme des loyers budgétaires. Subtil, ça… À l’échelle de la mission, cette astuce de présentation est impressionnante. À l’échelle du budget de l’État, c’est 1 milliard d’euros de crédits qui disparaît artificiellement – une belle manière de réduire la dépense publique sans effort !
Pour le principe, je suis donc défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Monique Limon, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteures spéciales, chers collègues, « il faut réapprendre à voir large et loin : ceux qui se laissent écraser par la tyrannie du court terme sont condamnés à toujours réagir au lieu d’agir, à toujours saupoudrer au lieu de choisir, bref à toujours subir ». Je reprends ici les mots de M. Juppé et M. Rocard, qui furent à l’origine, au cœur de la crise de 2008, du premier programme d’investissements d’avenir dont nous étudions actuellement la troisième version, le PIA 3.
J’interviens ici, au nom de la commission des affaires économiques, comme rapporteure pour avis de la mission relative aux investissements d’avenir, et plus particulièrement sur les programmes 422 et 423 qui concernent la valorisation de la recherche et la modernisation des entreprises.
Tout d’abord, en termes strictement budgétaires, il faut retenir que le rythme de décaissement des crédits du programme d’investissements d’avenir suit la trajectoire pluriannuelle prévue depuis l’année dernière. En 2019, un peu plus de 1 milliard d’euros devrait donc être payé aux opérateurs comme l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, ou Bpifrance, conformément à la feuille de route établie par le SGPI. Même si nous ne maîtrisons pas le calendrier réel de décaissement des crédits par les opérateurs, je rappelle que les crédits de paiement du PIA 3 sont désormais votés annuellement, ce qui permet un contrôle parlementaire bienvenu.
Comme il est d’usage, j’ai souhaité conférer une approche thématique à mon rapport, choisissant les actions agricoles et environnementales du PIA. Nous faisons face à ce que je considère comme un défi de société fondamental : la transition de notre pays vers un modèle d’agriculture et d’alimentation durables. Ce choix d’évaluation du PIA répond à une double motivation de ma part.
Tout d’abord, l’existence d’une demande sociale dynamique et construite autour d’enjeux forts : le moindre recours aux produits phytosanitaires, l’amélioration du bien-être animal, l’amélioration de la qualité de l’alimentation, la transition vers un modèle agricole plus soutenable écologiquement mais toutefois performant. L’innovation est souvent la clé de ces transitions.
Ensuite, il était primordial à mes yeux de montrer qu’à la parole succédaient des actes, après l’adoption par le Parlement, le 2 octobre dernier, du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi EGALIM ». Il convient de veiller à ce que les ambitions qu’elle affiche soient complétées par les leviers financiers à même de garantir son succès. C’est à ce niveau qu’intervient le PIA.
En effet, même si les approches sont hétérogènes et souvent complexes, les réalisations du PIA en matière de développement durable sont toutefois tangibles. Et ce processus continue de suivre son cours. Prenons un exemple auquel seront sensibles ceux qui ont suivi les débats sur le projet de loi EGALIM : le PIA soutient la R&D d’une entreprise française, TRONICO, afin de développer une technique non intrusive de détection du sexe des poussins in ovo – dans l’œuf –, afin d’éviter le broyage de nombreux poussins ou de canetons après la naissance.
En outre, le PIA valorise nos territoires. Je me félicite, à ce titre, du lancement des « Territoires d’innovation-Grande ambition » par la Caisse des dépôts et consignations, action qui mobilisera 450 millions d’euros dans le cadre du PIA 3. L’appropriation du PIA par les acteurs locaux va donc dans le bon sens et doit être encouragée. Bien d’autres exemples pourraient être cités, mais l’important est de retenir que le PIA donne la chance de mûrir et de concrétiser les solutions écologiques de demain, que ce soit par une intervention directe, en prêts ou en subventions, ou par un meilleur financement des entreprises, grâce aux interventions du PIA en fonds propres.
Néanmoins, le tableau n’est pas entièrement satisfaisant. Il faut bien admettre que le critère d’éco-conditionnalité qui devait présider à la sélection des projets n’est pas pris en compte à sa juste valeur. La mission d’évaluation et de contrôle sur le PIA et la transition énergétique, créée en 2016 par l’Assemblée, avait fait état de seulement 17 % de crédits affectés effectivement au développement durable. Il semble donc opportun de lancer une réflexion sur les objectifs officiels de 60 % de projets soutenant la transition écologique.
Le bilan en matière d’agro-écologie demeure en particulier assez mitigé, si bien que certains acteurs ont pu nous parler d’un « trou dans la raquette » du PIA. Pour y remédier, repenser en partie ses outils semble nécessaire. De fait, les critères très exigeants de sélectivité des projets sur le plan économique ou financier peuvent constituer une barrière au fléchage du PIA vers les sujets phytosanitaires ou vers le recours au biocontrôle. Le cas du marché des alternatives au chlordécone, dont les ravages aux Antilles ont été reconnus par le Président de la République, illustre bien mon propos. Ce marché de niche offre trop peu de débouchés en termes de géographie et de produits, ce qui semble l’exclure de la logique de co-investissement en consortium, qui est le standard du PIA. Aussi la quête de l’excellence économique ne doit-elle pas être un obstacle au financement de projets d’intérêt général répondant clairement à une demande sociale ou à des enjeux de santé publique.
Ces dernières remarques me conduisent à conclure par des propositions concrètes pour accroître l’efficacité du PIA dans les secteurs environnementaux et agricoles. La première proposition consiste à profiter du mouvement de rapprochement des instituts de transition énergétique et des instituts de recherche technologique afin de créer un organisme innovant concentré sur le secteur agricole et agroalimentaire. La deuxième vise à rendre la clause d’éco-conditionnalité plus ferme dans les appels à projets du PIA afin d’assurer son effectivité dans la sélection, tout en la concentrant sur les projets pour lesquels elle est pertinente. Enfin, troisième proposition, il s’agit de profiter de l’évaluation des dix ans du PIA pour examiner l’opportunité d’intégrer un critère de « valeur ajoutée sociale » au choix des projets, sans dénaturer pour autant leur contenu en innovation.
Espérant que mes dernières propositions trouveront un écho favorable parmi vous puisque leur application doit donner un nouveau souffle au PIA, je vous remercie, chers collègues, pour votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Nous en venons aux interventions des porte-paroles des groupes.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Libertés et territoires. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteures spéciales, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, j’ai eu l’honneur, pendant cinq ans, d’être rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l’État » et en particulier sur le Conseil d’État, la Cour des comptes, le Haut Conseil des finances publiques et le Conseil économique, social et environnemental. Dans les conclusions du rapport de M. Labaronne, j’ai retrouvé le souhait, que j’avais exprimé, de fusionner le Haut Conseil et la Cour. Je n’ai pu y parvenir en cinq ans mais peut-être l’actuel rapporteur spécial rencontrera-il un plus grand succès que moi. Votre prédécesseur non plus, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, n’y est pas arrivé. L’heure est à l’efficience.
J’émets un autre souhait, complémentaire, puisqu’une réforme constitutionnelle est à l’ordre du jour : que la saisine de la Cour des comptes et celle du Conseil d’État puissent être le fait des parlementaires. Je nourris quelques espoirs pour cette réforme attendue, reportée et finalement, si j’ai bien compris, reprogrammée pour le début 2019.
Je concentrerai mon propos sur le travail de Lise Magnier concernant l’Élysée, le Sénat, l’Assemblée et les chaînes parlementaires puisque, l’année précédente, j’étais le rapporteur de la même mission.
Chers collègues, une loi organique importante a été promulguée le 15 septembre 2017 : celle pour la confiance dans la vie politique. La confiance suppose qu’une même exigence s’applique à tous les organes délibérants que sont l’Assemblée, le Sénat, le Conseil constitutionnel – le gardien du temple – et, naturellement, l’Élysée. Cette exigence est d’autant plus forte pour les parlementaires qui, ne serait-ce que parce qu’ils votent la loi, doivent s’appliquer à eux-mêmes les règles de transparence, d’efficience – surtout à l’heure où nous demandons à nos compatriotes des efforts, dont il me paraît essentiel qu’ils soient partagés par les institutions que je viens de citer.
En ce qui concerne l’Assemblée nationale, des progrès restent à faire. À périmètre constant de l’enveloppe depuis 2012, Lise Magnier l’a bien montré, il faut aller puiser dans les réserves pour équilibrer le budget. Des économies peuvent être réalisées sur des contrats, sur des sous-traitances. Cela ne signifie pas qu’il faille, comme le prédécesseur de Richard Ferrand à la présidence de l’Assemblée en avait lancé la réflexion, externaliser de nombreuses tâches. Au contraire, je pense qu’il faut des fonctionnaires dont la neutralité est assurée,… Très bien ! …dont la compétence est assurée,… Cela s’appelle le statut de la fonction publique ! …et qui pourront à tout moment être présents pour nous accompagner. C’est une exigence absolue. C’est bien pourquoi il faut préserver le statut des fonctionnaires. Il est tant d’autres domaines, que j’avais signalés dans mon rapport et que Lise Magnier a très bien repris, dans lesquels nous pourrions réaliser de vraies économies d’échelle et qui nous permettraient d’avoir une assemblée moderne et encore plus exemplaire qu’elle n’est.
J’en viens au contrôle lui-même. Il faudra avoir le courage, comme c’était le cas à une époque, de décider que le budget de l’Assemblée est voté par les députés. Ça, ce serait un gage de transparence : chacun connaîtrait les engagements pris et l’utilisation des fonds, et le contrôle s’en trouverait favorisé par cette sorte de dualité qui existe entre le député membre de la commission des finances mandaté au titre de la LOLF – loi organique relative aux lois de finances – et la commission d’apurement des comptes présidée par notre collègue Marie-Christine Dalloz. La vraie efficacité résiderait dans le fait que les uns et les autres travaillent davantage ensemble, la Cour des comptes certifiant nos comptes. Nicolas Sarkozy avait demandé cette pratique pour l’Élysée ; nous devons l’instaurer à l’Assemblée en gage de confiance vis-à-vis de nos compatriotes, parce qu’il y a toujours une petite ombre qui plane au-dessus des grandes institutions comme le Parlement ou le Conseil constitutionnel.
J’y insiste parce que, chers collègues, il y a va de la crédibilité du travail parlementaire. Une fois de plus, alors que nous allons examiner une réforme constitutionnelle, cette exigence du contrôle s’impose à nous tous comme elle s’impose pour chacune des missions que nous passons en revue dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
Je souhaite que nous allions plus loin parce qu’il y a vraiment des économies d’échelle à faire. J’en avais d’ailleurs proposé pour Public Sénat et LCP-AN, consistant en une mutualisation de matériels et pas du tout en diminution du temps d’antenne ou des effectifs des journalistes, bien au contraire. Il s’agit d’être toujours plus informé mais avec plus d’efficacité.
Pour terminer, si nous voulons continuer d’avancer sur le chemin de l’exigence et de la confiance, nous devons aller plus loin dans ces missions de contrôle, étant bien entendu que contrôler ne signifie pas qu’on doive dévoiler ce qu’il n’y a pas à dévoiler, même si rien n’est à cacher. Tout ce qui se passe ici doit être l’objet du meilleur contrôle. Je suis convaincu que le nouveau président de l’Assemblée, Richard Ferrand, aura à cœur de faire évoluer encore notre belle institution. La parole est à Mme Olivia Gregoire, pour le groupe La République en marche. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui, au nom du groupe La République en marche, sur les missions « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics », « Direction de l’action du Gouvernement » et « Investissements d’avenir », une lourde tâche, heureusement facilitée par la grande qualité des rapports spéciaux rédigés par nos collègues, qu’il faut saluer. Les sujets abordés sont, pour la plupart, techniques, qui renvoient à des dispositifs ou à l’action d’acteurs indispensables au bon fonctionnement de notre économie et de nos institutions.
La mission « Direction de l’action du Gouvernement » regroupe ainsi de nombreux opérateurs dans un souci évident d’optimisation de la gestion publique. Cela permet aux parlementaires, année après année, d’obtenir une vision fidèle et instructive du travail de ces acteurs, tout en prenant connaissance des priorités identifiées par le Gouvernement. À ce titre, nous saluons cette année la création de quinze ETP au sein de la CNIL – Commission nationale de l’informatique et des libertés –, qui permettra à celle-ci de poursuivre ses missions historiques et d’en prendre de nouvelles en charge, en lien avec l’exécution du RGPD – règlement général sur la protection des données.
Sur la mission « Conseil et contrôle de l’État », brillamment présentée par notre collègue Daniel Labaronne, nous rappellerons simplement l’importance de continuer à faire correspondre les moyens accordés aux acteurs aux charges, nouvelles ou anciennes, qui leur sont confiées. La Cour des comptes s’engage, par exemple, aujourd’hui dans la certification des comptes de certaines collectivités locales ou d’établissements médico-sociaux ; le Conseil d’État, de son côté, remplit des tâches et rédige des rapports toujours plus nombreux. Notre attention en tant que parlementaires doit être de permettre à ces acteurs de remplir correctement leurs missions, en bonne cohérence. Nous saluons donc ici la sincérité des budgets étudiés ainsi que l’augmentation des crédits et ETP accordés aux juridictions administratives, notamment à la CNDA.
Concernant la mission « Pouvoirs publics », notre groupe souligne la quasi-stabilité des crédits proposés par rapport à ceux accordés l’an passé : c’est bien là le signe d’instances attachées à maîtriser leurs dépenses. Je pense en particulier à la présidence de la République ou encore à La Chaîne parlementaire et à Public Sénat. En ce qui concerne l’Assemblée nationale et le Sénat, une réflexion devra probablement être menée, à terme, pour moderniser, rationaliser et mieux évaluer leur financement, comme le disaient justement Lise Magnier et Philippe Vigier à l’instant.
Je m’arrêterai plus longuement sur la mission « Investissements d’avenir », qui fait écho au programme 134 « Développement des entreprises et régulations », dont je suis la co-rapporteure spéciale avec mon collège Xavier Roseren. Le PIA, aujourd’hui en phase 3, est devenu l’une des composantes du grand plan d’investissement, dit GPI, qui, avec un fonds de 57 milliards d’euros, prévoit, sur le quinquennat, d’accélérer la transition écologique ; d’édifier une société de compétences, en lien avec ce qui a été fait cette année dans la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel ; d’ancrer notre compétitivité sur l’innovation autour d’initiatives comme celles dévoilées très récemment par Mounir Mahjoubi pour numériser nos TPE et PME ; de construire l’État de l’âge numérique afin de transformer et de moderniser son action. L’intégration du PIA au GPI a montré la volonté du Gouvernement d’investir plus efficacement, en adoptant une démarche globale, lisible, crédible et en rompant avec des pratiques depuis trop longtemps diffuses et éparses.
Ce ne sont pas tant les véhicules retenus qui importent que les résultats obtenus. En ce sens, le contrôle parlementaire ne peut réellement s’accomplir qu’en bénéficiant d’une vision synoptique. Notre collègue Amélie de Montchalin, rapporteure spéciale sur le programme « Recherche et enseignement supérieur », le soulignait déjà l’an dernier avec précision : « l’éparpillement [...] des circuits divers de financement de la recherche ne facilite pas la lisibilité, le contrôle et l’efficacité de la dépense publique en matière de recherche et d’innovation ». Nous ne pouvons, de nouveau, que partager ce constat.
J’appelle ainsi l’attention de l’ensemble des groupes sur la nécessité de mieux estimer l’efficacité des dispositifs mis en œuvre. L’année 2019 sera celle de l’évaluation ex-post, socio-économique du PIA 1. Celle-ci viendra compléter le rapport d’étape publié début 2016 par le comité d’experts indépendants constitué par France Stratégie, lequel pointait des progrès à réaliser en matière d’évaluation. L’enjeu pour les prochaines années se situe donc là, avec une représentation nationale mieux informée et mieux éclairée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais dire en introduction que, sur les missions « Investissements d’avenir » et « Direction de l’action du Gouvernement », en particulier – mais il doit y en avoir d’autres –, nous n’avons pas obtenu les documents dits « jaunes budgétaires ». Monsieur le ministre, je vous rappelle que la LOLF impose, dans son article 39, que « chaque annexe générale destinée à l’information et au contrôle du Parlement est déposée sur le bureau des assemblées et distribuée au moins cinq jours francs avant l’examen, par l’Assemblée nationale en première lecture, des recettes ou des crédits auxquels elle se rapporte ». Or, pour un certain nombre de missions, nous n’avons pas reçu ce document – et nous sommes plus près des cinq jours après l’examen ! Je souhaite donc juste nous rappeler au bon souvenir de l’ensemble de votre administration.
Concernant la mission « Conseil et contrôle de l’État », je n’ai pas de remarque particulière sur son périmètre.
Sur la mission « Pouvoirs publics », plusieurs éléments. Tout d’abord, s’agissant des crédits alloués au budget du Président de la République, une affaire estivale nous a rappelé à quel point il était difficile de retracer ceux qui sont alloués aux personnels de son cabinet. Nous aurions intérêt à faire la lumière sur l’ensemble des avantages qui leur sont consentis. Qu’il s’agisse des appartements ou des véhicules mis à disposition, il y a eu suffisamment de polémiques dans le courant de l’été pour justifier que l’on obtienne la transparence et que l’on mette fin à l’opacité sur ces avantages annexes.
Le déficit du budget de l’Assemblée nationale s’élevait, en 2017, à 26 888 913 euros. Le prélèvement sur les disponibilités de l’Assemblée nationale de 2018 – ce n’est pas la même chose, me direz-vous, mais quand même, il y a un lien – s’élève à 49 707 404 euros. Le « bleu » nous dit quelque chose de très intéressant : pour l’année 2019, le déficit comptable de l’Assemblée nationale sera « significatif ». Je ne sais pas si, comme moi, vous faites un peu de projections mais il est difficile de savoir à quel niveau un « déficit significatif » se situe. Que l’on ne nous dise pas, comme Mme la rapporteure l’a souligné, que cela provient des investissements réalisés : l’acquisition de l’Hôtel de Broglie ou les travaux réalisés ici, à l’Assemblée nationale, ne justifient absolument pas le niveau du déficit actuel. Des mesures ont été prises ; il faut être attentif et vigilant. Le budget de l’Assemblée nationale ne peut pas durablement être clôturé avec un déficit de cette sorte.
Philippe Vigier a rappelé tout à l’heure qu’il existait une convention avec la Cour des comptes, mais celle-ci n’est absolument pas autorisée à juger de l’opportunité des dépenses. Seuls le collège des questeurs et le bureau de l’Assemblée nationale le peuvent. La Cour des comptes procède par sondages pour vérifier la véracité des écritures qui ont été passées, mais sa mission n’est pas de juger en opportunité. En revanche, il serait intéressant que l’on puisse procéder, dans cette maison, à une comptabilité analytique. C’est une carence terrible que de ne pas disposer d’une telle comptabilité.
Enfin, concernant la mission « Direction de l’action du Gouvernement », que je connais depuis quelques années, j’ai trouvé quelque chose de très intéressant. Jusqu’à maintenant, dans tous les gouvernements qui se sont succédé, quelles que soient la tendance politique et la majorité, le porte-parole du Gouvernement avait toujours une mission de base. On a connu M. Le Foll, ministre de l’agriculture et porte-parole, ou encore M. Castaner, ministre des relations avec le Parlement et porte-parole. Aujourd’hui, le porte-parole n’est que porte-parole : son décret d’attribution ne fait mention que du porte-parolat et ses crédits sont rattachés au budget du Premier ministre. Cela doit vouloir dire quelque chose mais, très honnêtement, c’est assez novateur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l’État » voit ses crédits augmenter de plus de 2 %, principalement sous l’effet de la progression des crédits du programme 165. Cette augmentation est en grande partie justifiée par la nécessité de créer des emplois affectés spécifiquement à la Cour nationale du droit d’asile, comme l’a souligné notre collègue Daniel Labaronne dans son rapport.
Cette augmentation permet d’espérer une réduction des délais de jugement, plus que nécessaire dans ces situations, et pourrait également contribuer à atteindre l’objectif gouvernemental de réduction à moins de six mois des délais de traitement des demandes d’asile. De plus, dans un contexte où les contentieux ont fortement progressé – plus 30 % environ entre 2016 et 2017 –, il s’agit d’une augmentation bienvenue. Accorder des moyens humains pour répondre à une demande qui ne cesse de s’accroître est donc bien conforme aux engagements pris lors des débats sur le projet de loi asile au printemps dernier.
La mission « Direction de l’action du Gouvernement » est également la preuve que nous pouvons répondre aux objectifs fixés par le Président de la République d’une administration transparente et plus efficace. Le sujet a été évoqué par notre collègue Marie-Christine Dalloz, mais nous avons une interprétation un peu différente : nous saluons la décision du Gouvernement de mettre fin à la pratique des fameux loyers budgétaires. Si elle a permis de sensibiliser les ministères aux enjeux budgétaires de leur emprise immobilière, cette pratique n’était toutefois plus vraiment pertinente. De plus, elle était source de complexité en raison des flux financiers observés en comptabilité budgétaire mais neutralisés en comptabilité nationale. Sur cette même mission, nous soutenons plutôt la revue des missions des administrations déconcentrées de l’État, lancée à l’initiative du Premier ministre, afin de supprimer les fameux doublons entre les missions assurées par les services de l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs et d’optimiser ainsi les moyens de fonctionnement.
Troisième point, qui nous paraît important, la mission « Investissements d’avenir ». Nous ne pouvons que demander au Gouvernement de suivre les recommandations formulées par la Cour des comptes quant à la décomposition des crédits de paiement, y compris au-delà de 2021, ainsi que la mise en place d’un dispositif de contrôle interne budgétaire formalisé, et surtout permanent, sur le périmètre de cette mission. Cela renforcera évidemment la crédibilité de l’action publique mais permettra surtout plus de transparence. Pour reprendre les propos de notre collègue Vigier, il est effectivement nécessaire de dissiper certaines ombres – et en l’occurrence, il y en a !
En écho aux propos de ma collègue Lise Magnier, l’équilibre des budgets de la mission « Pouvoirs publics » repose, en partie, sur des prélèvements sur des réserves. Notre groupe s’interroge profondément sur la pérennité de cette gestion : que se passera-t-il lorsque les réserves seront épuisées ? C’est pour cela que nous saluons les travaux de modernisation mis en œuvre dans un certain nombre de nos institutions, pour gagner à la fois en efficience, en qualité de condition de travail et en performance.
Au-delà de ces missions et en élargissant un peu le cadre budgétaire pour 2019, je souhaite, au nom de mon groupe, insister sur le fait que, pour cette mission relative au contrôle de l’action de l’État, la mère des réformes est la réforme institutionnelle. Le président Coty, qui a vécu le passage de la IVe à la Ve République, disait qu’un régime « ne sait se défendre que s’il sait se réformer ». Il est temps aujourd’hui de réformer, et c’est pourquoi nous nous félicitons de la confirmation, par le ministre chargé des relations avec le Parlement, de l’inscription de la réforme constitutionnelle à notre ordre du jour dès le début de l’année 2019.
Une démocratie qui fonctionne doit se fonder sur un équilibre entre un parlement fort et un gouvernement fort, le second pouvant s’appuyer sur le premier. Elle doit se fonder, au-delà, sur un véritable contrôle de l’action de l’exécutif par le Parlement, celui-ci ne devant pas se borner à « contrôler l’action législative du Gouvernement », selon la formule d’un de vos prédécesseurs au perchoir, monsieur le président – Philippe Séguin. C’est ainsi, également, que nos concitoyens retrouveront confiance dans leurs institutions. Notre démocratie en sera renforcée. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.) Merci, madame la députée, d’avoir ainsi rendu hommage au grand président qu’était Philippe Séguin.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour le groupe Socialistes et apparentés. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, les missions relatives au conseil et au contrôle de l’État, aux pouvoirs publics et à la direction de l’action du Gouvernement recouvrent des sujets importants sur lesquels les citoyens et les élus que nous sommes exercent une vigilance particulière. À l’heure où l’on parle de maîtrise de la dépense publique, de réforme de l’État et d’exemplarité, vous comprendrez que je m’attarde quelques minutes sur ces questions.
Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » semblent de prime abord marqués par la stabilité, à l’exception du budget de l’Élysée qui continue d’augmenter comme il le fait depuis le début du quinquennat, passant de 103 millions en 2018 à 106 en 2019. Dans ce domaine, chacun s’accorde à reconnaître que de nombreux progrès avaient été accomplis, notamment grâce au règlement du 29 novembre 2016 reprenant les normes applicables à la gestion budgétaire et comptable publique, qui s’est traduit, comme vous le savez, par une réduction considérable du budget de l’Élysée, passé de 109 millions d’euros en 2012 à l’objectif fixé de 100 millions en 2017.
On constate sur ce point une rupture nette avec les efforts accomplis jusqu’à présent. J’appelle en particulier votre attention sur les dépenses de personnel de la Présidence de la République, qui représentent plus des deux tiers du budget global et qui augmentent de plus de 2,5 millions d’euros. Il aurait peut-être été souhaitable, à la suite des événements que nous avons connus cet été, d’avoir plus de précisions sur le personnel au service de l’Élysée, comme l’a d’ailleurs relevé notre collègue Dalloz.
Le groupe Socialistes et apparentés présentera donc un amendement visant à réduire ce budget afin de financer les missions de la Chaîne parlementaire, dont l’objectif est de rapprocher le Parlement des citoyens.
Le budget dédié aux assemblées parlementaires pose également question. Pour apprécier convenablement la stabilité du budget de l’Assemblée nationale, qui nous est présenté avec une très légère baisse de 0,07 %, il est nécessaire de le mettre en perspective avec les budgets précédents, grevés par les dépenses exceptionnelles – estimées à environ 35 millions d’euros – liées au renouvellement de l’Assemblée, qui avaient, de fait, engendré une augmentation de 13 millions d’euros, soit de 2,5 %, par rapport au PLF 2016, et de près de 26 millions par rapport au budget 2015. On peut donc se demander si le « bleu » budgétaire ne sous-évalue pas les besoins.
En tout cas, il est regrettable de ne pas avoir de précisions quant au coût des missions d’évaluation des politiques publiques, qu’elles soient menées par les commissions permanentes ou par le comité d’évaluation et de contrôle. À cet égard, le budget alloué ce dernier mériterait d’être précisé afin que nous puissions le comparer avec celui d’autres institutions étrangères.
Si le CEC produit déjà des travaux de qualité, sa mission est suffisamment essentielle pour mériter une augmentation sensible des crédits qui lui sont consacrés. Or ce n’est pas le cas : les fonds alloués aux études ne dépassent guère les 100 000 euros. Pour y remédier, le groupe Socialistes et apparentés proposera de prélever sur le budget de l’Élysée les crédits nécessaires pour renforcer les moyens d’évaluation du Parlement, afin que ce dernier puisse effectuer les missions de contrôle que lui confère la Constitution et auxquelles nous sommes très attachés.
J’en viens à la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». S’agissant de la coordination du travail gouvernemental, on peut noter deux particularités. La première touche les services de l’information du Gouvernement, dont les crédits ont atteint 19,8 millions d’euros en 2018 avant de redescendre à 13,3 millions dans ce PLF, ce qui pose la question du fléchage des dépenses. La seconde particularité concerne l’augmentation de 40 % du budget des « études et recherches » de France stratégie ; la question se pose du moyen de garantir la neutralité des évaluations menées par cette institution et d’organiser les éventuels appels d’offre.
S’agissant du Défenseur des droits, dont le nombre de saisines a bondi de plus de 17,3 % en l’espace de seulement deux ans, on peut légitimement se demander si les moyens sont à la hauteur des missions qu’il exerce. En effet, la majorité des emplois créés par le PLF 2019 au sein du programme « Protection des droits et libertés » bénéficierait à la CNIL.
La mission « Conseil et contrôle de l’État » nous interpelle également par bien des aspects, mais compte tenu du temps qui m’est imparti, je m’attarderai seulement sur la Cour nationale du droit d’asile. L’augmentation conséquente des affaires traitées par la CNDA nécessite plus que les 122 équivalents temps plein supplémentaires que vous nous proposez. Entre 2010 et 2017, leur nombre a en effet doublé. Par ailleurs, la réforme « Asile et immigration » que vous avez votée cette année impose à la CNDA de diminuer drastiquement les délais de jugement à cinq mois en collégiale et à cinq semaines en juge unique, ce qui nécessite, là aussi, des moyens supplémentaires. Étant donné la gravité de la situation, chers collègues, de simples mots et les quelques moyens supplémentaires envisagés ne suffiront malheureusement pas pour traiter chacun avec dignité.
Vous comprendrez, chers collègues, l’approche de notre groupe sur ces missions importantes. Il ne s’agit pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux ; de favoriser l’action du Parlement et de lui permettre d’assurer ses missions de contrôle et d’évaluation indispensables à la démocratie ; de maîtriser les dépenses de l’Élysée, comme chacun s’y était engagé. Il s’agit enfin de nous donner les moyens de répondre à l’objectif de raccourcir les délais d’attente des demandeurs d’asile.
Sans moyens à la mesure de tous ces sujets, nous ne pourrons que constater que la volonté affichée ne suffit pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur les crédits des missions « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics », « Direction de l’action du Gouvernement » et « Investissements d’avenir » pour l’année 2019.
Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » restent au même niveau qu’en 2018. Les dotations de l’État poursuivent ainsi la trajectoire « zéro augmentation en volume », ce qui est à saluer. Le budget des deux assemblées est stabilisé depuis cinq ans : 517 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et 323 millions pour le Sénat, soit près de 84 % des crédits de la mission.
Toutefois, il faut rappeler que l’équilibre de ces budgets n’est permis que par des prélèvements sur les réserves. Une telle situation nous amène à nous poser la question de la rationalisation des dépenses et de la réorganisation des services. Non seulement les réserves ne sont pas inépuisables, mais il est surtout indispensable, à un moment où des efforts sont demandés à nos concitoyens, que nous puissions montrer l’exemple avec la gestion quotidienne de nos assemblées.
La diminution du nombre de parlementaires, si elle est mise en œuvre, n’aura pas d’impact dans la mesure où le Gouvernement a promis que les économies dégagées serviraient à améliorer la qualité du travail du Parlement et – espérons-le – à créer un office parlementaire du budget chargé d’assister les parlementaires des deux chambres dans leur travail.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur la vision du Gouvernement concernant le niveau de la dotation de l’État et la dynamique de l’évolution des charges des assemblées parlementaires, laquelle nous paraît difficilement compatible avec l’exigence d’un budget équilibré ?
Nous saluons la hausse de crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », qui va permettre notamment la diminution des délais de traitement du contentieux relatif à la Cour nationale du droit d’asile par la création d’emplois et de chambres de jugement. Néanmoins, nous nous interrogeons sur la baisse d’environ 8 % de la dotation du programme 340, relatif au Haut Conseil des finances publiques.
Concernant la diminution du nombre des membres du CESE que certains d’entre nous appellent de leurs vœux, elle doit s’accompagner d’une redéfinition des missions et d’une valorisation des travaux de ce conseil.
Monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il à terme fondre les crédits du programme 340 dans le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » ? Qu’en est-il de la montée en gamme du Haut Conseil, qui doit lui permettre de rendre un avis plus détaillé sur l’évolution des dépenses du budget de l’État ?
Je ferai quelques remarques sur la mission « Investissements d’avenir ». On peut tout d’abord s’interroger sur le choix d’un décaissement progressif des crédits de paiement de la mission, qui créé un effet « d’attente » sur la mise en œuvre de certaines actions du PIA 3 et alourdit la contrainte de gestion des opérateurs.
Néanmoins, l’utilité de la mission n’est plus à démontrer. Il nous parait primordial, au travers de la mission « Investissements d’avenir » que l’État conserve son rôle d’État stratège. Il doit investir dans les domaines d’avenir, mais aussi rattraper les retards et accompagner les territoires qui en ont le plus besoin. Cette aspiration de l’État stratège doit également se matérialiser dans la politique du logement, la fiscalité ou encore la politique industrielle.
Enfin, l’augmentation des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » résulte principalement de la hausse des effectifs et, plus marginalement, du dynamisme de certaines dépenses de fonctionnement, notamment des loyers et des charges immobilières des directions départementales interministérielles, DDI. Vous connaissez la philosophie de notre groupe : le financement des priorités aurait dû être intégralement assuré par des économies.
Dans la même logique que s’agissant des assemblées parlementaires, il est indispensable que nos concitoyens puissent constater que les services liés au Premier ministre sont gérés dans la plus grande transparence et avec la plus grande rigueur possible.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les raisons qui ont conduit à la suppression des loyers budgétaires du périmètre de la mission, dont ils représentaient 9 % en 2018 ?
Tout en restant très attentifs aux réponses que vous apporterez à nos interrogations, les membres du groupe UDI-Agir et Indépendants voteront les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir. – Mme Cendra Motin applaudit également.) Excellent ! La parole est à Mme Sabine Rubin, pour le groupe La France insoumise. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en guise de propos liminaire à cette discussion budgétaire, je souhaite rappeler que toutes les données budgétaires présentées par le Gouvernement sont tronquées, puisqu’elles ne prennent en compte ni l’inflation – 1,3 % –, ni l’augmentation de la population –