XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019
Séance du mercredi 21 novembre 2018
- Présidence de M. Sylvain Waserman
- 1. Programmation 2018-2022 et réforme de la justice
- Discussion des articles (suite)
- Article 4 (suite)
- Amendements nos 314, 619, 708 et 783
- Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
- Amendements nos 178, 621 rectifié, 710 rectifié, 85, 709, 60, 620, 705, 652, 599, 408, 406, 1409, 1410, 405 et 1408
- Après l’article 4
- Article 5
- Mme Nicole Dubré-Chirat
- Mme Martine Wonner
- Amendements nos 187, 339, 806, 883, 1331, 182, 330, 798, 886, 1534, 183, 332, 800, 79, 1539, 184, 334, 801, 840, 876, 612 troisième rectification, 763 deuxième rectification, 1570, 1168, 1171, 336, 760, 803, 841, 186, 337, 759, 805, 188 rectifié, 340 rectifié, 807 rectifié et 1172
- Après l’article 5
- Amendement no 221
- Article 6
- M. Guillaume Gouffier-Cha
- Mme Jacqueline Dubois
- M. Jean-Paul Mattei
- M. Arnaud Viala
- Amendements nos 27, 92, 348, 450, 654, 784, 822, 1253, 1325, 1498, 1573, 451, 342, 812, 434, 190, 842, 1522, 1027, 1441 et 435 rectifié
- Article 4 (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
2e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (nos 1349, 1396).
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 314 à l’article 4.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 314, 619, 708 et 783, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 314 et 619 sont identiques.
La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l’amendement no 314. Cet amendement propose d’exclure clairement les litiges inférieurs à 10 000 euros de l’obligation de recours à un avocat et d’en inscrire le principe dans la loi. La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement identique no 619. Nos collègues sont en train d’arriver : heureusement que ces amendements ne sont pas mis au vote immédiatement, car ils risqueraient d’être adoptés. Défendu ! Défendu ! Non, nous serons fair-play, car il s’agit d’un sujet important.
Madame la garde des sceaux, vous voulez améliorer la justice et en faciliter l’accès : or on sait aujourd’hui que le montant de certains litiges est inférieur au coût des honoraires d’avocat nécessaires pour les régler.
Il paraît donc opportun que dans ce cas, la représentation par un avocat ne soit plus obligatoire, parce qu’elle constitue un vrai frein financier pour les justiciables.
Nous avons fixé le montant à 10 000 euros – de cela, nous sommes prêts à discuter. Mais il faudrait en tout cas introduire ce seuil de manière que les litiges inférieurs à un certain montant ne fassent pas l’objet d’une représentation obligatoire : cela me paraît un pas important à franchir, notamment pour les justiciables de condition modeste. La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 708. Il est défendu. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 783. Cet amendement vise, à l’alinéa 3, à substituer aux mots : « en considération de la valeur du litige », les mots : « si la valeur du litige est inférieure à 10 000 euros ».
Je rejoins en cela mon collègue Thibault Bazin : il convient d’indiquer expressément le montant du litige en deçà duquel un requérant peut ester en justice sans l’assistance d’un avocat. En effet, dans certains cas, le recours à un avocat est injuste puisque s’agissant de « petits litiges » – bien qu’évidemment, pour un justiciable, il n’y ait jamais de petit litige ! –, le coût des honoraires peut être supérieur au montant du litige. La représentation obligatoire demeure très – trop – souvent un frein financier pour nos justiciables.
En outre, cet article 4 renvoie à un décret ultérieur, ce qui ne permet donc pas de connaître aujourd’hui avec précision les contentieux qui seront concernés par cette mesure.
C’est pourquoi mon amendement exclut explicitement les litiges inférieurs à 10 000 euros du recours obligatoire à un avocat, du moins en attendant une réforme en bonne et due forme des plafonds de l’aide juridictionnelle. La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. Je partage pleinement l’objectif poursuivi par ces différents amendements qui visent à ce que le seuil au-delà duquel la représentation est obligatoire soit fixé à 10 000 euros.
Il ne vous aura pas échappé, chers collègues, que c’est le montant qui est indiqué dans l’étude d’impact déposée à l’appui du projet de loi : je pense que la ministre va s’exprimer à nouveau sur ce point.
Quoi qu’il en soit, cette disposition relève de l’ordre réglementaire. Nous partageons le même objectif. Je demande donc à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements. À défaut, la commission y serait défavorable. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement. J’ai eu l’occasion cet après-midi, en présentant les dispositions de cet article 4, de préciser le champ de la représentation obligatoire. J’ai clairement indiqué que les litiges portant sur une somme inférieure à 10 000 euros ne seraient pas soumis à l’exigence de représentation obligatoire.
Mais, ainsi que vient de le dire Mme la rapporteure, cela relève du domaine réglementaire : c’est donc dans les actes réglementaires qui suivront la promulgation de la loi que ce montant sera indiqué, ce qui d’ailleurs ne changera rien par rapport à la situation actuelle, puisque d’ores et déjà, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire devant le tribunal d’instance. La parole est à M. Thibault Bazin. Madame la ministre, pouvez-vous confirmer le montant que vous comptez faire figurer dans ces règlements ? 10 000 euros. Je retire donc l’amendement no 619. (Les amendements nos 314, 619, 708 et 783 sont retirés.) La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 178. Il est défendu. (L’amendement no 178, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 621 rectifié et 710 rectifié.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 621 rectifié. Comme vous le savez, les pouvoirs sont asymétriques en matière de litiges de consommation : les consommateurs bien souvent ne peuvent pas rivaliser avec les professionnels, beaucoup mieux organisés qu’eux.
Afin de remédier à ce déséquilibre, il vous est proposé d’ouvrir la possibilité aux justiciables d’être assistés par des entités expertes de ce type de litiges, comme c’est d’ailleurs le cas pour les salariés devant le conseil de prud’hommes, où ils peuvent se faire assister de représentants syndicaux.
Cet amendement vise donc, après l’alinéa 8, à insérer l’alinéa suivant : « 6° Une association de consommateurs, lorsque la représentation par avocat n’est pas obligatoire ; ».
Une telle mesure était d’ailleurs préconisée dans un rapport d’information du Sénat du mois d’avril 2017 intitulé « Cinq ans pour sauver la justice ! ».
Madame la garde des sceaux, vous voulez sauver la justice, dites-vous : adoptez donc cet amendement. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement identique no 710 rectifié. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Ces amendements visent à renforcer le rôle des associations de défense des droits des consommateurs, en leur permettant de les représenter lors de contentieux.
Si je salue pleinement l’action de ces associations qui accompagnent et assistent, autant que possible, les consommateurs dans le cadre de petits litiges, les dispositions de cet article 4 n’en concernent pas moins le champ de la représentation. Il me semble important de réaffirmer que celle-ci a lieu par l’intermédiaire d’un avocat, le propre du ministère d’avocat étant qu’il donne pouvoir de représenter un client, ou par celle d’un certain nombre de proches qui, parce qu’ils ont une proximité avec les demandeurs, peuvent les aider à exprimer leurs demandes. Cela ne retire absolument rien à l’importance de l’action des associations de consommateurs.
Je souligne par ailleurs que nous traitons ici de litiges en matière de droit de la consommation, dans lesquels il est possible pour le juge de soulever d’office des moyens et arguments permettant de mieux faire valoir les droits des plus faibles, sans que la présence d’un tiers soit indispensable.
L’avis de la commission est donc défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je comprends parfaitement les préoccupations qui peuvent s’exprimer. Les associations de défense des consommateurs jouent effectivement un rôle d’accompagnement qui est indispensable au cours de la phase amiable. Il ne me paraît cependant pas justifié de leur conférer au cours de la phase contentieuse des prérogatives qui empiéteraient sur celles des avocats.
Il faut rappeler que devant le juge d’instance, qui a à connaître du contentieux de la consommation, les parties peuvent, alors même que la procédure est orale, s’appuyer sur des éléments écrits qui peuvent donc leur avoir été fournis par des associations de consommateurs.
En outre, je rappelle que le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du code de la consommation.
Enfin, j’appelle votre attention sur le précédent que constituerait la possibilité pour les associations de consommateurs d’exercer des missions d’assistance et de représentation devant les juridictions. Une telle évolution risquerait de fragiliser un édifice qui se veut équilibré entre professionnalisation de la défense et accès au juge. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements. La parole est à M. Jean Terlier. Un mot pour compléter ce qui vient d’être dit : le pouvoir de représentation ne saurait être confié à la légère aux associations de consommateurs. En effet, représenter un justiciable devant une juridiction amène parfois à prendre la parole en son nom et pour son compte, ce qui peut engager jusqu’à la responsabilité du représentant : cela ne s’improvise donc pas. Les avocats, qui assurent cette représentation, doivent respecter un code de déontologie. De surcroît, ils peuvent se voir infliger des sanctions ordinales en cas de non-respect de leur serment.
On ne s’improvise pas comme cela représentant d’une partie : sur ces deux amendements, mon avis est donc très défavorable. (Les amendements identiques nos 621 rectifié et 710 rectifié ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l’amendement no 85. L’objet de cet amendement est de proposer que les collectivités puissent se faire représenter ou assister au tribunal de grande instance, non seulement par un fonctionnaire ou un agent de leur administration, par aussi un de leurs élus. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je fais la même réponse et demande le retrait de cet amendement. À défaut, le Gouvernement y serait défavorable. Monsieur Bony, le retirez-vous ? Ce n’est pas moi qui en suis l’auteur, donc je le maintiens. (L’amendement no 85 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 709. Cet amendement de notre collègue Robin Reda prévoit d’exclure expressément dans la loi les litiges inférieurs à 10 000 euros de l’obligation du ministère d’avocat, comme le préconisait un rapport d’information du Sénat du mois d’avril 2017. Quel est l’avis de la commission ? Par cohérence, défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Il est également défavorable. (L’amendement no 709 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 60. Notre collègue Nadia Ramassamy m’a chargé de le défendre, ce que je fais avec plaisir : praticiens du droit, les avocats conseillent, défendent, assistent et représentent leurs clients avec indépendance et déontologie.
Or la possibilité offerte aux parties de se défendre elles-mêmes, de se faire assister ou de se faire représenter devant le conseil de prud’hommes par des salariés, par des employeurs de la même branche d’activité, par des défenseurs syndicaux, par leur conjoint ou par leur partenaire, organise une justice sans avocat.
Mû par une logique budgétaire et comptable, cet article va donc éloigner le citoyen de la justice. Il va en effet non seulement écorner les droits fondamentaux de la défense, mais également instaurer une justice à deux vitesses, pénalisant ainsi les citoyens les plus modestes. En outre, le droit du citoyen à une défense est indispensable au respect du droit au procès équitable comme à l’indépendance de la justice.
Le Parlement a déjà codifié, dans la partie législative du code du travail, les principes d’assistance et de représentation devant les conseils de prud’hommes.
Cet amendement vise à maintenir cette mention dans la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification de la justice. Quel est l’avis de la commission ? Cher collègue, j’ai du mal à comprendre le sens de cet amendement puisque nous ne changeons absolument rien en ce qui concerne la représentation devant le conseil de prud’hommes : il n’y a pas de modification de fond sur ce point. En revanche, les dispositions qui figuraient dans la partie réglementaire passent dans la partie législative.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission : nous procédons à cette inscription dans la loi par souci de cohérence, puisque certaines dispositions, relatives au défenseur syndical, se trouvent déjà dans la partie législative du code du travail. L’idée est de regrouper l’ensemble des dispositions, sans modifier le périmètre de la représentation obligatoire en matière prud’homale.
Je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ai le même avis que Mme la rapporteure : la réunion dans la partie législative du code du travail des dispositions relatives à la représentation devant le conseil de prud’hommes répond à un souci de lisibilité et de clarté du droit, et non à une logique d’économies – j’avoue ne pas suivre votre raisonnement sur ce point. Nous ne changeons rien au droit actuel, nous le réécrivons pour le rendre plus clair. Monsieur Masson, maintenez-vous l’amendement ? J’entends parfaitement les arguments avancés, mais n’en étant pas le premier signataire, je ne peux que le maintenir. (L’amendement no 60 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 620 et 705.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 620. Cet amendement propose d’établir à 10 000 euros le seuil du montant du litige en jeu à partir duquel le ministère d’avocat est obligatoire, alors que le texte prévoit qu’un décret en Conseil d’État le fixe. Vous nous avez dit que la détermination de ce seuil relevait du pouvoir réglementaire. Nous vous faisons confiance, mais nous ne savons jamais ce qu’il peut se passer. L’adoption de cet amendement permettrait de s’assurer que le seuil sera bien de 10 000 euros. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 705. Défendu. Quel est l’avis de la commission ? Par cohérence, je vous demande de retirer ces amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Les mêmes causes emportent les mêmes conséquences. (Les amendements identiques nos 620 et 705 sont retirés.) Je suis saisi de quatre amendements, nos 652, 599, 408 et 406, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 652. Défendu. Les amendements nos 599, 408 et 406 sont défendus. Tout à fait, monsieur le président. (Les amendements nos 652, 599, 408 et 406, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1409. Il s’agit d’un amendement de pure légistique, visant à mettre les dispositions en conformité avec la date probable de promulgation de la loi, à savoir 2019. (L’amendement no 1409, accepté par le Gouvernement, est adopté. En conséquence, l’amendement no 1320 tombe.) L’amendement no 1410 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 1410, accepté par le Gouvernement, est adopté.) La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 405. Défendu. (L’amendement no 405, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1408. Il s’agit d’un amendement de cohérence légistique. (L’amendement no 1408, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Sur l’article 4, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous devons attendre un certain délai avant de procéder au vote. N’hésitez pas, chers collègues, à transmettre votre demande plus tôt la prochaine fois !
La parole est à M. Ugo Bernalicis. Veuillez m’excuser, j’avais préparé la demande, mais je ne l’ai pas transmise en temps et en heure. Mon objectif n’était pas de retarder nos travaux,... Je vous en remercie. ...mais de solliciter un scrutin public.
Au terme de cette discussion, nous sommes en désaccord sur l’architecture résultant de cet article 4. Le texte étend la représentation obligatoire, mais la modification des plafonds donnant droit à une prise en charge à 100 % par l’aide juridictionnelle est repoussée à 2020.
L’extension de la représentation obligatoire nous semble discriminante. Dans un contentieux technique comme celui des baux ruraux, la représentation obligatoire a été retirée du texte, au motif que le système actuel fonctionnait et que la technicité de la matière n’était pas si grande.
En l’état actuel du droit, je n’ai pas l’impression qu’il y ait des dysfonctionnements majeurs. Quels risques prend-on à différer cette mesure sur la représentation obligatoire jusqu’à la modification préalable des plafonds de la prise en charge de l’aide juridictionnelle ? Aucun.
D’ailleurs, en matière civile, la justice fonctionne plutôt bien. Pourquoi s’entêter dans cette volonté d’adopter cette mesure ? Je ne veux pas voir par principe une mauvaise intention dans cette attitude, mais mon collègue Raphaël Schellenberger disait que l’objectif de la représentation obligatoire était peut-être de dissuader certains justiciables de saisir la justice. Je crains qu’il n’ait malheureusement raison.
Nous sommes très clairement en désaccord sur cette mesure. Voilà pourquoi j’ai demandé un scrutin public sur cet article. La parole est à Mme la garde des sceaux. Monsieur le député, votre raisonnement ne me paraît pas tout à fait exact. Si le Parlement adopte ce texte, il entrera en vigueur en 2019, mais les dispositions relatives à la représentation obligatoire ne le feront qu’en 2020, au moment où il sera procédé à la fusion administrative du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance. Il n’y aura pas de discordance entre le moment où les textes sur la représentation obligatoire entreront en vigueur et celui où, je l’espère, nous aurons pu avancer définitivement sur la question de l’aide juridictionnelle.
Il ne faut pas se tromper, monsieur le député, quand on conjugue les temps. La parole est à M. Jean-Louis Masson. Cet article 4 étend le périmètre des contentieux pour lesquels la représentation par un avocat est obligatoire. Cette extension concerne notamment tous les contentieux techniques. Elle nous semble une mauvaise conséquence de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance et de la création du tribunal judiciaire. Nous voterons donc contre cet article. Je mets aux voix l’article 4, tel qu’il a été amendé. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 39
Majorité absolue 20
Pour l’adoption 28
Contre 11 (L’article 4, amendé, est adopté.)
Les amendements nos 314 et 619 sont identiques.
La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l’amendement no 314. Cet amendement propose d’exclure clairement les litiges inférieurs à 10 000 euros de l’obligation de recours à un avocat et d’en inscrire le principe dans la loi. La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement identique no 619. Nos collègues sont en train d’arriver : heureusement que ces amendements ne sont pas mis au vote immédiatement, car ils risqueraient d’être adoptés. Défendu ! Défendu ! Non, nous serons fair-play, car il s’agit d’un sujet important.
Madame la garde des sceaux, vous voulez améliorer la justice et en faciliter l’accès : or on sait aujourd’hui que le montant de certains litiges est inférieur au coût des honoraires d’avocat nécessaires pour les régler.
Il paraît donc opportun que dans ce cas, la représentation par un avocat ne soit plus obligatoire, parce qu’elle constitue un vrai frein financier pour les justiciables.
Nous avons fixé le montant à 10 000 euros – de cela, nous sommes prêts à discuter. Mais il faudrait en tout cas introduire ce seuil de manière que les litiges inférieurs à un certain montant ne fassent pas l’objet d’une représentation obligatoire : cela me paraît un pas important à franchir, notamment pour les justiciables de condition modeste. La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 708. Il est défendu. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 783. Cet amendement vise, à l’alinéa 3, à substituer aux mots : « en considération de la valeur du litige », les mots : « si la valeur du litige est inférieure à 10 000 euros ».
Je rejoins en cela mon collègue Thibault Bazin : il convient d’indiquer expressément le montant du litige en deçà duquel un requérant peut ester en justice sans l’assistance d’un avocat. En effet, dans certains cas, le recours à un avocat est injuste puisque s’agissant de « petits litiges » – bien qu’évidemment, pour un justiciable, il n’y ait jamais de petit litige ! –, le coût des honoraires peut être supérieur au montant du litige. La représentation obligatoire demeure très – trop – souvent un frein financier pour nos justiciables.
En outre, cet article 4 renvoie à un décret ultérieur, ce qui ne permet donc pas de connaître aujourd’hui avec précision les contentieux qui seront concernés par cette mesure.
C’est pourquoi mon amendement exclut explicitement les litiges inférieurs à 10 000 euros du recours obligatoire à un avocat, du moins en attendant une réforme en bonne et due forme des plafonds de l’aide juridictionnelle. La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. Je partage pleinement l’objectif poursuivi par ces différents amendements qui visent à ce que le seuil au-delà duquel la représentation est obligatoire soit fixé à 10 000 euros.
Il ne vous aura pas échappé, chers collègues, que c’est le montant qui est indiqué dans l’étude d’impact déposée à l’appui du projet de loi : je pense que la ministre va s’exprimer à nouveau sur ce point.
Quoi qu’il en soit, cette disposition relève de l’ordre réglementaire. Nous partageons le même objectif. Je demande donc à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements. À défaut, la commission y serait défavorable. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement. J’ai eu l’occasion cet après-midi, en présentant les dispositions de cet article 4, de préciser le champ de la représentation obligatoire. J’ai clairement indiqué que les litiges portant sur une somme inférieure à 10 000 euros ne seraient pas soumis à l’exigence de représentation obligatoire.
Mais, ainsi que vient de le dire Mme la rapporteure, cela relève du domaine réglementaire : c’est donc dans les actes réglementaires qui suivront la promulgation de la loi que ce montant sera indiqué, ce qui d’ailleurs ne changera rien par rapport à la situation actuelle, puisque d’ores et déjà, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire devant le tribunal d’instance. La parole est à M. Thibault Bazin. Madame la ministre, pouvez-vous confirmer le montant que vous comptez faire figurer dans ces règlements ? 10 000 euros. Je retire donc l’amendement no 619. (Les amendements nos 314, 619, 708 et 783 sont retirés.) La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 178. Il est défendu. (L’amendement no 178, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 621 rectifié et 710 rectifié.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 621 rectifié. Comme vous le savez, les pouvoirs sont asymétriques en matière de litiges de consommation : les consommateurs bien souvent ne peuvent pas rivaliser avec les professionnels, beaucoup mieux organisés qu’eux.
Afin de remédier à ce déséquilibre, il vous est proposé d’ouvrir la possibilité aux justiciables d’être assistés par des entités expertes de ce type de litiges, comme c’est d’ailleurs le cas pour les salariés devant le conseil de prud’hommes, où ils peuvent se faire assister de représentants syndicaux.
Cet amendement vise donc, après l’alinéa 8, à insérer l’alinéa suivant : « 6° Une association de consommateurs, lorsque la représentation par avocat n’est pas obligatoire ; ».
Une telle mesure était d’ailleurs préconisée dans un rapport d’information du Sénat du mois d’avril 2017 intitulé « Cinq ans pour sauver la justice ! ».
Madame la garde des sceaux, vous voulez sauver la justice, dites-vous : adoptez donc cet amendement. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement identique no 710 rectifié. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Ces amendements visent à renforcer le rôle des associations de défense des droits des consommateurs, en leur permettant de les représenter lors de contentieux.
Si je salue pleinement l’action de ces associations qui accompagnent et assistent, autant que possible, les consommateurs dans le cadre de petits litiges, les dispositions de cet article 4 n’en concernent pas moins le champ de la représentation. Il me semble important de réaffirmer que celle-ci a lieu par l’intermédiaire d’un avocat, le propre du ministère d’avocat étant qu’il donne pouvoir de représenter un client, ou par celle d’un certain nombre de proches qui, parce qu’ils ont une proximité avec les demandeurs, peuvent les aider à exprimer leurs demandes. Cela ne retire absolument rien à l’importance de l’action des associations de consommateurs.
Je souligne par ailleurs que nous traitons ici de litiges en matière de droit de la consommation, dans lesquels il est possible pour le juge de soulever d’office des moyens et arguments permettant de mieux faire valoir les droits des plus faibles, sans que la présence d’un tiers soit indispensable.
L’avis de la commission est donc défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je comprends parfaitement les préoccupations qui peuvent s’exprimer. Les associations de défense des consommateurs jouent effectivement un rôle d’accompagnement qui est indispensable au cours de la phase amiable. Il ne me paraît cependant pas justifié de leur conférer au cours de la phase contentieuse des prérogatives qui empiéteraient sur celles des avocats.
Il faut rappeler que devant le juge d’instance, qui a à connaître du contentieux de la consommation, les parties peuvent, alors même que la procédure est orale, s’appuyer sur des éléments écrits qui peuvent donc leur avoir été fournis par des associations de consommateurs.
En outre, je rappelle que le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du code de la consommation.
Enfin, j’appelle votre attention sur le précédent que constituerait la possibilité pour les associations de consommateurs d’exercer des missions d’assistance et de représentation devant les juridictions. Une telle évolution risquerait de fragiliser un édifice qui se veut équilibré entre professionnalisation de la défense et accès au juge. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements. La parole est à M. Jean Terlier. Un mot pour compléter ce qui vient d’être dit : le pouvoir de représentation ne saurait être confié à la légère aux associations de consommateurs. En effet, représenter un justiciable devant une juridiction amène parfois à prendre la parole en son nom et pour son compte, ce qui peut engager jusqu’à la responsabilité du représentant : cela ne s’improvise donc pas. Les avocats, qui assurent cette représentation, doivent respecter un code de déontologie. De surcroît, ils peuvent se voir infliger des sanctions ordinales en cas de non-respect de leur serment.
On ne s’improvise pas comme cela représentant d’une partie : sur ces deux amendements, mon avis est donc très défavorable. (Les amendements identiques nos 621 rectifié et 710 rectifié ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l’amendement no 85. L’objet de cet amendement est de proposer que les collectivités puissent se faire représenter ou assister au tribunal de grande instance, non seulement par un fonctionnaire ou un agent de leur administration, par aussi un de leurs élus. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je fais la même réponse et demande le retrait de cet amendement. À défaut, le Gouvernement y serait défavorable. Monsieur Bony, le retirez-vous ? Ce n’est pas moi qui en suis l’auteur, donc je le maintiens. (L’amendement no 85 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 709. Cet amendement de notre collègue Robin Reda prévoit d’exclure expressément dans la loi les litiges inférieurs à 10 000 euros de l’obligation du ministère d’avocat, comme le préconisait un rapport d’information du Sénat du mois d’avril 2017. Quel est l’avis de la commission ? Par cohérence, défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Il est également défavorable. (L’amendement no 709 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 60. Notre collègue Nadia Ramassamy m’a chargé de le défendre, ce que je fais avec plaisir : praticiens du droit, les avocats conseillent, défendent, assistent et représentent leurs clients avec indépendance et déontologie.
Or la possibilité offerte aux parties de se défendre elles-mêmes, de se faire assister ou de se faire représenter devant le conseil de prud’hommes par des salariés, par des employeurs de la même branche d’activité, par des défenseurs syndicaux, par leur conjoint ou par leur partenaire, organise une justice sans avocat.
Mû par une logique budgétaire et comptable, cet article va donc éloigner le citoyen de la justice. Il va en effet non seulement écorner les droits fondamentaux de la défense, mais également instaurer une justice à deux vitesses, pénalisant ainsi les citoyens les plus modestes. En outre, le droit du citoyen à une défense est indispensable au respect du droit au procès équitable comme à l’indépendance de la justice.
Le Parlement a déjà codifié, dans la partie législative du code du travail, les principes d’assistance et de représentation devant les conseils de prud’hommes.
Cet amendement vise à maintenir cette mention dans la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification de la justice. Quel est l’avis de la commission ? Cher collègue, j’ai du mal à comprendre le sens de cet amendement puisque nous ne changeons absolument rien en ce qui concerne la représentation devant le conseil de prud’hommes : il n’y a pas de modification de fond sur ce point. En revanche, les dispositions qui figuraient dans la partie réglementaire passent dans la partie législative.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission : nous procédons à cette inscription dans la loi par souci de cohérence, puisque certaines dispositions, relatives au défenseur syndical, se trouvent déjà dans la partie législative du code du travail. L’idée est de regrouper l’ensemble des dispositions, sans modifier le périmètre de la représentation obligatoire en matière prud’homale.
Je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ai le même avis que Mme la rapporteure : la réunion dans la partie législative du code du travail des dispositions relatives à la représentation devant le conseil de prud’hommes répond à un souci de lisibilité et de clarté du droit, et non à une logique d’économies – j’avoue ne pas suivre votre raisonnement sur ce point. Nous ne changeons rien au droit actuel, nous le réécrivons pour le rendre plus clair. Monsieur Masson, maintenez-vous l’amendement ? J’entends parfaitement les arguments avancés, mais n’en étant pas le premier signataire, je ne peux que le maintenir. (L’amendement no 60 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 620 et 705.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 620. Cet amendement propose d’établir à 10 000 euros le seuil du montant du litige en jeu à partir duquel le ministère d’avocat est obligatoire, alors que le texte prévoit qu’un décret en Conseil d’État le fixe. Vous nous avez dit que la détermination de ce seuil relevait du pouvoir réglementaire. Nous vous faisons confiance, mais nous ne savons jamais ce qu’il peut se passer. L’adoption de cet amendement permettrait de s’assurer que le seuil sera bien de 10 000 euros. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 705. Défendu. Quel est l’avis de la commission ? Par cohérence, je vous demande de retirer ces amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Les mêmes causes emportent les mêmes conséquences. (Les amendements identiques nos 620 et 705 sont retirés.) Je suis saisi de quatre amendements, nos 652, 599, 408 et 406, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 652. Défendu. Les amendements nos 599, 408 et 406 sont défendus. Tout à fait, monsieur le président. (Les amendements nos 652, 599, 408 et 406, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1409. Il s’agit d’un amendement de pure légistique, visant à mettre les dispositions en conformité avec la date probable de promulgation de la loi, à savoir 2019. (L’amendement no 1409, accepté par le Gouvernement, est adopté. En conséquence, l’amendement no 1320 tombe.) L’amendement no 1410 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 1410, accepté par le Gouvernement, est adopté.) La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 405. Défendu. (L’amendement no 405, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1408. Il s’agit d’un amendement de cohérence légistique. (L’amendement no 1408, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Sur l’article 4, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous devons attendre un certain délai avant de procéder au vote. N’hésitez pas, chers collègues, à transmettre votre demande plus tôt la prochaine fois !
La parole est à M. Ugo Bernalicis. Veuillez m’excuser, j’avais préparé la demande, mais je ne l’ai pas transmise en temps et en heure. Mon objectif n’était pas de retarder nos travaux,... Je vous en remercie. ...mais de solliciter un scrutin public.
Au terme de cette discussion, nous sommes en désaccord sur l’architecture résultant de cet article 4. Le texte étend la représentation obligatoire, mais la modification des plafonds donnant droit à une prise en charge à 100 % par l’aide juridictionnelle est repoussée à 2020.
L’extension de la représentation obligatoire nous semble discriminante. Dans un contentieux technique comme celui des baux ruraux, la représentation obligatoire a été retirée du texte, au motif que le système actuel fonctionnait et que la technicité de la matière n’était pas si grande.
En l’état actuel du droit, je n’ai pas l’impression qu’il y ait des dysfonctionnements majeurs. Quels risques prend-on à différer cette mesure sur la représentation obligatoire jusqu’à la modification préalable des plafonds de la prise en charge de l’aide juridictionnelle ? Aucun.
D’ailleurs, en matière civile, la justice fonctionne plutôt bien. Pourquoi s’entêter dans cette volonté d’adopter cette mesure ? Je ne veux pas voir par principe une mauvaise intention dans cette attitude, mais mon collègue Raphaël Schellenberger disait que l’objectif de la représentation obligatoire était peut-être de dissuader certains justiciables de saisir la justice. Je crains qu’il n’ait malheureusement raison.
Nous sommes très clairement en désaccord sur cette mesure. Voilà pourquoi j’ai demandé un scrutin public sur cet article. La parole est à Mme la garde des sceaux. Monsieur le député, votre raisonnement ne me paraît pas tout à fait exact. Si le Parlement adopte ce texte, il entrera en vigueur en 2019, mais les dispositions relatives à la représentation obligatoire ne le feront qu’en 2020, au moment où il sera procédé à la fusion administrative du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance. Il n’y aura pas de discordance entre le moment où les textes sur la représentation obligatoire entreront en vigueur et celui où, je l’espère, nous aurons pu avancer définitivement sur la question de l’aide juridictionnelle.
Il ne faut pas se tromper, monsieur le député, quand on conjugue les temps. La parole est à M. Jean-Louis Masson. Cet article 4 étend le périmètre des contentieux pour lesquels la représentation par un avocat est obligatoire. Cette extension concerne notamment tous les contentieux techniques. Elle nous semble une mauvaise conséquence de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance et de la création du tribunal judiciaire. Nous voterons donc contre cet article. Je mets aux voix l’article 4, tel qu’il a été amendé. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 39
Majorité absolue 20
Pour l’adoption 28
Contre 11 (L’article 4, amendé, est adopté.)
Nous en venons à plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 4.
Sur l’amendement no 444 qui sera appelé un peu plus tard, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 58. Par cet amendement d’appel, nous proposons deux expérimentations visant à ce que, dans le cadre de son office, le juge civil puisse soulever des moyens d’ordre public lorsque ceux-ci visent au respect de la légalité, du caractère équitable du procès et de l’égalité des armes. J’ai déjà évoqué ce sujet pour les cas où la représentation par un avocat n’était pas obligatoire.
Cette proposition s’inscrit parfaitement dans le chapitre III « Repenser l’office des juridictions » du texte. Novatrice, elle doit permettre de lutter contre les inégalités de connaissances et de moyens dans l’accès à la justice, qui existent, par exemple entre un particulier en situation de pauvreté, surendetté, et une société de crédit renouvelable – ou revolving –, en expérimentant un rôle plus régulateur du juge dans le procès civil, et ce avec plusieurs garanties.
Tout d’abord, ces expérimentations seraient limitées ; en outre, ces nouveaux moyens d’ordre public soulevés par le juge devraient répondre à trois conditions cumulatives : respect de la légalité, caractère équitable du procès et égalité des armes ; enfin, la liste des moyens d’ordre public ne serait pas limitative, afin de prendre en compte les évolutions de la jurisprudence. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Vous évoquez une liste non limitative, qui conduirait le juge à se substituer aux parties dans la construction de l’argumentation et des éléments de défense. En matière de droit de la consommation, il existe déjà des dispositions permettant aux magistrats de soulever des moyens d’ordre public, des arguments et des moyens de droit. Dans ce domaine, il importe particulièrement d’assurer la protection des plus faibles. Mon avis est défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je sais bien que les magistrats soulèvent déjà des moyens d’ordre public. Nous souhaitons mieux encadrer cette pratique, non pas en limitant les moyens pouvant être soulevés, mais en déterminant la philosophie dans laquelle un moyen d’ordre public peut l’être.
Les conditions que nous posons à la faculté pour le juge de soulever un moyen d’ordre public sont le respect de la légalité, le caractère équitable du procès et l’égalité des armes. En droit administratif, le juge suit ce schéma dans certains cas : il peut soulever lui-même des moyens quand le justiciable lambda, non représenté par un avocat, ne le fait pas, afin de garantir la bonne application de la loi.
Nous proposons de renforcer l’office du juge, la protection des justiciables et l’égalité des armes. (L’amendement no 58 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 444. Cet amendement vise à déjudiciariser la procédure de changement de sexe à l’état civil.
En effet, le changement de la mention du sexe n’emporte aucun enjeu d’ordre public et permet une meilleure protection du droit à l’autodétermination de sa personne, contenu dans le droit fondamental à la vie privée. La législation actuelle oblige encore à rendre public un fait qui relève du privé et de l’intime.
Il est incompréhensible qu’il faille passer devant une juridiction afin que celle-ci détermine une réalité que seule la personne requérante peut apprécier. La définition de l’identité de genre ne doit pas faire partie des compétences d’un juge, comme s’il s’agissait d’une substance quantifiable et extérieurement observable. Si l’autorité judiciaire, au titre de l’article 66 de la Constitution, est la gardienne des libertés individuelles, elle doit l’être pour la personne détentrice de ces libertés et non contre elle.
Or la législation actuelle ne protège pas mieux les droits individuels, au contraire. Elle se fonde sur une idéologie considérant qu’une personne naît femme ou homme et que ces catégories sont immuables et exclusives l’une de l’autre. Cette idéologie nourrit la transphobie et la violence institutionnelle contre les personnes intersexes. Elle cause des discriminations dans tous les pans de la vie pour les personnes concernées : accès à l’emploi, au logement, aux soins, aux services bancaires et, parfois même, au droit de vote.
La lutte contre la transphobie passe donc nécessairement par la modification de la mention du sexe à l’état civil et sur les papiers d’identité. Le 6 août 2012, la France a officiellement reconnu la transphobie, en ajoutant « l’identité sexuelle » parmi les motifs de discrimination inscrits à l’article 225-1 du code pénal.
La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a facilité le changement de la mention du sexe à l’état civil, en permettant aux personnes concernées de faire ces démarches auprès du tribunal administratif. Elles doivent néanmoins toujours fournir des preuves. Cela les oblige à présenter au juge des éléments de leur vie privée, comme des photos ou des communications écrites.
Pourquoi leur imposer ainsi de passer sous les fourches caudines du juge, s’agissant d’une question si intime et fondamentale ? La modification du code civil que nous proposons ne perturbe en rien l’ordre public. Elle ne porte nullement atteinte à la salubrité, à la sécurité ni à la sûreté publiques. Merci de conclure, chère collègue. Elle permettrait, nous semble-t-il, non seulement de garantir une égalité de droits mais constituerait aussi une avancée fondamentale, pour les personnes concernées comme pour la société dans son ensemble. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Quel est l’avis de la commission ? Madame Obono, je salue et partage votre engagement dans la lutte contre les transphobies. S’agissant de votre amendement, toutefois, nous ne serons pas d’accord.
Celui-ci vise à faire en sorte que les officiers d’état civil puissent enregistrer une modification de sexe sans passer par la case « juge ». Autrement dit, vous proposez de supprimer la possibilité ménagée au juge d’apprécier la validité d’un changement de sexe.
Vous indiquez que le droit est immuable sur ce point. Je m’inscris en faux contre une telle affirmation. La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, dite loi J 21, a introduit une modification. Il s’agit d’une avancée qu’il convient de qualifier – comme elle le mérite – de considérable.
Dorénavant, faire enregistrer un changement de sexe ne suppose pas d’apporter la preuve de traitements médicaux ni un certificat médical. En revanche, il faut fournir des éléments de preuve permettant au juge de l’apprécier.
Ceux-ci sont de trois ordres : que la personne concernée se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ; qu’elle soit connue comme telle dans son entourage familial, amical ou professionnel ; qu’elle ait obtenu un changement de prénom conforme au sexe revendiqué.
Votre proposition soulève la question essentielle des limites de la déjudiciarisation. À mes yeux, celle-ci doit être réservée à des situations purement objectives, dans lesquelles l’intervention du juge n’est nécessaire ni pour apprécier une situation, ni pour protéger le droit des personnes. Le choix de la personne concernée, c’est objectif ! Vous proposez de confier à des officiers d’état civil la possibilité d’enregistrer ou non un changement de sexe, donc de le prendre en considération ou non. De l’enregistrer tout court ! En présence de droits fondamentaux si importants, la présence du juge me semble essentielle. Celui-ci est le premier garant des droits de chacun et de leur protection. Bien sûr ! Il s’assure, au tribunal, que quiconque demandant la reconnaissance d’un changement de sexe ne fasse pas l’objet d’une discrimination. Il s’agit d’une protection très importante pour les personnes LGBT. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je tiens à rappeler ici l’engagement du Gouvernement dans la lutte contre toute forme de discrimination homophobe ou visant les personnes LGBT. Pour autant, je ne partage pas du tout les conclusions qui sous-tendent votre amendement, madame Obono. La loi J21, adoptée il y a deux ans, a procédé à des changements significatifs au profit des personnes transgenres. Justement ! Elle a confié aux officiers d’état civil la procédure de changement de prénom, laquelle relevait auparavant du juge aux affaires familiales. Sur ce point, une évolution a eu lieu.
Par ailleurs, elle a introduit une procédure spécifique de modification du sexe à l’état civil, laquelle relève toujours – et c’est bien ce que vous contestez – de la compétence du tribunal de grande instance. Toutefois, celle-ci demeure dispensée de représentation obligatoire par avocat. En outre, elle est démédicalisée – si je puis employer ce terme : ne pas avoir subi de traitement ni d’opération chirurgicale ne peut plus motiver un refus.
La compétence du juge est conservée, car il doit constater la situation d’évolution sociale. La personne concernée doit donc produire plusieurs pièces démontrant que le sexe inscrit à l’état civil ne correspond pas à l’identité de genre vécue sous laquelle elle se présente ordinairement.
Ces pièces peuvent être formées de témoignages, ainsi que de documents administratifs faisant usage de la civilité revendiquée. Le changement de prénom à l’état civil, qui peut être obtenu devant un officier d’état civil, constitue l’un des éléments d’appréciation permettant de fonder la conviction du juge. C’est la conviction de la personne concernée qui compte ! Ces deux procédures ont d’ores et déjà été amplement simplifiées. Je sais bien qu’il existe une demande, parmi les personnes concernées par la procédure de changement de sexe à l’état civil, visant à réduire celle-ci à une simple opération déclaratoire. Nonobstant, nous considérons que le rôle du juge est important pour opérer un tel constat. Vous n’écoutez pas ce qu’on vous dit, madame la ministre ! C’est pourquoi j’émets un avis défavorable. Vous avez raison, madame la garde des sceaux ! La parole est à Mme Danièle Obono. Tout d’abord, je corrigerai les propos de Mme la rapporteure. Nous disons bien que le droit, sur ce point, n’est plus immuable. J’ai précisément énuméré les avancées, reconnues comme telles. Ce que nous demandons, c’est de continuer à avancer sur ce chemin.
Il y a encore quelques années, le droit soutenait que l’intervention d’un médecin était nécessaire. Celui-ci incarnait la science, censée fournir les preuves d’un changement de sexe. Il a fallu beaucoup de travail – mené notamment par les associations – pour expliquer qu’il ne s’agit pas d’une question de physiologie ou d’attestation scientifique.
Tous les arguments étaient mobilisés, jusqu’aux arguments psychologiques et psychiatriques, dans le cadre d’une forte psychiatrisation du processus. Tout était là, mais nous avons modifié la loi, au profit du juge.
Madame la rapporteure, vous indiquez que la législation défend les droits de la personne. Ce n’est pas vrai. Elle va contre son droit fondamental à déterminer son identité de genre et à la voir reconnue. Affirmer – comme vous venez de le faire – que le juge peut, sur la base de preuves, attester d’un genre, et en déduire le maintien du droit en vigueur, est contraire au droit fondamental de la personne.
Il faut franchir ce pas, après ceux de la démédicalisation et de la dépsychiatrisation, au profit de la reconnaissance du droit à l’égalité des personnes désireuses de changer de sexe à l’état civil par un simple acte d’état civil, comme elles peuvent déjà le faire dans d’autres domaines. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Il ne s’agit pas de demander aux officiers d’état-civil de juger, mais d’appliquer la loi. C’est précisément pour cette raison qu’il faut faire évoluer celle-ci : ainsi, les officiers d’état-civil devront l’appliquer. Voilà ! Voilà ce que nous demandons. Comme l’a reconnu Mme la garde des sceaux, de très nombreuses associations – sinon la majorité d’entre elles – qui se battent sur ce sujet le demandent. Nous vous demandons, madame la garde des sceaux, de franchir ce pas.
Nous pensons, comme elles, qu’une telle évolution va dans le sens de l’égalité des droits et de la reconnaissance des personnes transgenres, tout en faisant reculer la transphobie et les discriminations. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Je mets aux voix l’amendement no 444. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 52
Majorité absolue 27
Pour l’adoption 3
Contre 49 (L’amendement no 444 n’est pas adopté.) Je suis saisi de cinq amendements, nos 21, 606, 1515, 319 et 988, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 21, 606 et 1515 d’une part, 319 et 988 d’autre part sont identiques.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 21. Il porte sur l’acte sous seing privé contresigné par avocat, auquel il vise à conférer la force exécutoire en modifiant l’article L. 1374 du code civil, ainsi que l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, lequel fixe la liste des titres exécutoires.
Par nature, un tel acte comporte les garanties nécessaires que sont la vérification de la conformité de l’accord à l’ordre public, celle de la réalité du consentement des parties et la sauvegarde des intérêts de la partie assistée par l’avocat.
Par ailleurs, l’amendement précise que l’avocat, en contresignant un acte sous seing privé, atteste avoir éclairé pleinement les parties sur les conséquences juridiques de celui-ci. La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l’amendement no 606. Nous l’avons déposé en commission. Madame la garde des sceaux, j’ai donc une idée de votre réponse. Au demeurant, je vous avais informée que je le déposerai en séance publique. Nous ne pouvons pas faire l’économie de débattre, fût-ce ultérieurement, hors du cadre du présent projet de loi, de la force exécutoire de la signature des avocats.
À titre de retour d’expérience, j’indique avoir signé par le passé des protocoles transactionnels élaborés en présence de deux avocats, homologués par le tribunal de grande instance. Tout cela peut prendre un peu de temps, surtout avant les vacances judiciaires – ce n’est faire offense à personne que de dire cela.
En fin de compte, entre l’accord homologué le juge et celui que nous avions signé de façon éclairée, il n’y avait aucun écart. Pourtant, nous n’avions pas pu mettre immédiatement en pratique les protocoles d’accord.
Nous devons ouvrir ce débat, fût-ce hors du cadre du présent projet de loi. Vous me répondrez, madame la garde des sceaux, que l’amendement n’est pas recevable en l’état, car il risquerait d’être frappé d’inconstitutionnalité – j’ai pris note de vos observations formulées en commission.
Prenez-le comme un amendement d’appel, ainsi que ceux qui suivent, lesquels s’inscrivent dans sa droite ligne et consistent à décliner notre approche de la force exécutoire sous tous ses aspects. Il faut que nous débattions du sujet et que nous avancions. Nous ne pourrons pas faire l’économie de ce débat.
Conférer la force exécutoire à un acte contresigné par deux parties représentées par des avocats contribuerait aussi à la simplification de l’accès au droit et à la justice de nos concitoyens. Les conditions d’une telle évolution pourraient être fixées par décret – c’est ce que proposent les avocats – afin de progresser pas à pas, en commençant par des matières au sujet desquelles l’utilité d’un tel dispositif ne fait pas débat.
Prenez-le comme un amendement d’appel, madame la garde des sceaux. Je sais que vous y opposerez l’inconstitutionnalité de la démarche. Il n’en faut pas moins avancer sur ce sujet au cours des mois et des années à venir. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 1515. Il est identique aux deux précédents et vise à conférer la force exécutoire à l’acte sous seing privé contresigné par avocat. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 319. Notre collègue Reda en est le premier signataire. Il s’inscrit dans la lignée des précédents et vise à doter l’acte d’avocat de la force exécutoire. En effet, l’acte d’avocat de médiation ainsi que l’accord obtenu à l’issue de la procédure participative, contresignés par l’avocat de chaque partie, présentent par nature les garanties nécessaires. Les avocats ont – par hypothèse – vérifié la conformité de l’accord à l’ordre public ainsi que la réalité du consentement des parties et ont veillé à la sauvegarde des intérêts de la partie qu’ils assistent.
Une telle réforme offrirait un gain d’efficacité aux parties et un gain de temps au juge, qui n’aurait plus à traiter de la demande d’homologation. Par ailleurs, elle s’inscrit pleinement dans la modernisation de la profession d’avocat. La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l’amendement no 988. Défendu. Quel est l’avis de la commission ? Nous avons longuement eu ce débat en commission. Je rappelle que la force exécutoire ne se réduit pas à un acte de procédure. La force exécutoire, c’est le sceau de la République ; c’est la représentation de Marianne sur un acte lui conférant la possibilité d’exécution. Ce sceau est apposé par une personne détentrice de prérogatives de puissance publique.
S’agissant de l’acte d’avocat, il s’agit du notaire – auprès duquel on l’enregistre en général – ou du magistrat. J’ai rappelé en commission l’origine de cet acte, qu’on ne peut pas évoquer en faisant abstraction de son origine et du statut qu’elle implique.
Il a été créé par la loi du 28 mars 2011, fondée en partie sur les travaux d’une commission – à laquelle j’ai participé – chargée de définir les modalités de création d’une grande profession du droit. Elle avait pour objet initial l’élaboration d’un projet de fusion des professions d’avocat et de notaire.
Cette commission a conclu qu’il n’était pas possible de fusionner ces deux professions, tout simplement parce que les notaires exercent des prérogatives de puissance publique, à la différence des avocats. L’acte authentique délivré par un notaire repose sur deux piliers : la force probante et la force exécutoire. L’acte d’avocat est né de ce constat : les avocats peuvent donner force probante à un acte, mais non force exécutoire.
J’entends les différentes propositions de simplification. Mais c’est bien du statut de l’avocat qu’il faudrait alors parler, plutôt que du statut des actes. La force exécutoire ne peut être attachée à une matière ou à une autre : elle est liée à la personne, celle qui a le pouvoir d’apposer le sceau de la République. Ce n’est pas le cas de l’avocat, qui représente toujours un intérêt privé.
Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ne suis pas favorable à ces amendements. Néanmoins, je m’arrêterai comme la rapporteure quelques minutes sur ce sujet sensible : il y a là une demande forte de la profession d’avocat.
Tout d’abord, il y aurait là un risque réel d’inconstitutionnalité. Cette analyse s’appuie sur plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ; je vous renvoie par exemple à une décision de 1999 relative à la couverture maladie universelle, qui précise clairement que le Conseil ne permet aux personnes morales de droit privé d’émettre un titre exécutoire qu’à la condition qu’elles soient chargées d’une mission de service public – et à d’autres conditions qui ne nous intéressent pas ici. Tel n’est pas le cas des avocats, en tout cas dans la situation actuelle.
Une modification substantielle des conditions d’exercice de la profession d’avocat serait nécessaire ; pour leur accorder des prérogatives de puissance publique, il faudrait, d’une certaine manière, que l’État puisse exercer un contrôle. Je ne suis pas sûre que les avocats souhaitent aller dans ce sens.
On entend parfois dire que le Président de la République se serait engagé, durant la campagne électorale, à conférer force exécutoire à l’acte d’avocat. Ce n’est pas vrai. Lorsque l’on relit les propos du Président de la République, il est question de donner force exécutoire à des actes qui émaneraient d’une société pluriprofessionnelle d’exercice, qui réunirait à la fois des avocats et des notaires – qui, eux, sont officiers publics et ministériels, et à ce titre peuvent donner force exécutoire à certains de leurs actes.
Au-delà, il faudrait sans doute s’interroger sur l’efficacité d’une telle mesure.
Je dois toutefois redire qu’une réflexion est engagée sur la question de l’acte exécutoire au sein des états généraux de l’avenir de la profession d’avocat, qui se déroulent en ce moment. Je me suis engagée à travailler avec la profession, en parallèle, sur ce sujet. Mais je redis qu’au moment où nous parlons, nous rencontrons de vraies difficultés constitutionnelles et, plus largement, juridiques. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements. La parole est à M. Antoine Savignat. Je partage l’avis de Mme la ministre : il y a beaucoup d’obstacles. Mais je vous dirai comme M. Latombe : ce sont des amendements d’appel !
Les problèmes que vous avez soulevés ne sont pas insurmontables, me semble-t-il ; j’en vois un autre : le délai de conservation des archives par les avocats. Un acte exécutoire doit pouvoir être conservé indéfiniment, et les archives doivent pouvoir se transmettre.
Mais peu importe, une réflexion doit s’ouvrir. Ces amendements sont conformes à la philosophie de votre projet de loi : on évite la saisine d’une juridiction grâce à la signature d’un accord trouvé entre les deux parties qu’ils assistent par deux professionnels qui engagent par là leur responsabilité – à la différence du juge. Ce serait donc un acte exécutoire sûr par définition.
J’ai bien entendu les explications de Mme la rapporteure sur l’importance et la valeur de l’acte exécutoire. Nous aurons l’occasion d’en reparler lorsque nous aborderons la question des actes exécutoires signés par le président de la caisse d’allocations familiales. La parole est à M. Jean Terlier. Je remercie M. Savignat de ses explications : je partage entièrement votre avis sur le sujet.
Mes chers collègues, il y a, me semble-t-il, quelque contradiction à refuser l’extension de la représentation obligatoire par un avocat à l’article 4 pour, tout de suite après, défendre le renforcement des prérogatives de l’avocat en conférant à ses actes la force exécutoire. En effet ! Sur le fond, monsieur Latombe, monsieur Savignat, vos propositions revêtent un véritable intérêt : deux parties qui, assistées par des avocats, concluent une convention seraient dispensées d’aller faire homologuer leur accord par un magistrat. Mais l’argumentation de Mme la garde des sceaux, de Mme la rapporteure et de M. Savignat lui-même montre que nous devons nous montrer prudents. Il y a un risque constitutionnel.
De plus, une concertation avec les notaires serait nécessaire.
Mme la ministre s’est engagée ce soir à regarder les conclusions des états généraux de l’avenir de la profession d’avocat pour voir si un pas peut être fait. Cela me paraît une bonne solution.
Monsieur Latombe, pour régler le problème que vous souleviez, je signale qu’il existe une procédure relativement méconnue des avocats : l’article 1441-4 du code de procédure civile, qui dispose que « le président du tribunal de grande instance, saisi sur requête par une partie à la transaction, confère force exécutoire à l’acte qui lui est présenté ». Une audience n’est dans ce cas pas nécessaire. Cette solution assez peu utilisée mériterait de l’être davantage, notamment en attendant les conclusions des états généraux de l’avenir de la profession d’avocat sur le sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.) La parole est à M. Philippe Latombe. Il s’agissait, je l’ai dit, d’un amendement d’appel. J’entends les arguments de Mme la garde des sceaux.
L’exposé sommaire de mon amendement, no 988, cite le programme présidentiel, qui envisage effectivement des sociétés d’exercice associant entre avocats, huissiers et notaires. Madame la ministre, vous dites qu’un officier public et ministériel est nécessaire, en citant les notaires ; on pourrait également citer les huissiers. Bien sûr ! Ils sont, eux aussi, délégataires de la puissance publique. Peut-être la signature de l’acte par un huissier pourrait-elle constituer une solution intermédiaire, tout au moins dans un premier temps – le temps de lever les obstacles, en particulier constitutionnels, que vous mentionniez.
En tout cas, la réflexion est lancée. Il est important que nous ayons ce débat dans les mois et les années à venir. La parole est à M. Sébastien Huyghe. Je vois avec ces amendements que le lobbying a encore de beaux jours devant lui dans cette maison !
La profession d’avocat fait pression, depuis longtemps maintenant, pour que ses actes reçoivent force exécutoire. Il faut rappeler de quoi il s’agit : la force exécutoire donne force de jugement à un accord conclu entre les parties, c’est-à-dire qu’il est alors possible de recourir à la force publique pour faire exécuter cet accord. Seul l’État peut conférer cette force ! Seul son sceau peut donner à un acte, fût-il un accord, valeur de jugement.
Je regrette beaucoup que l’on cède à la facilité et que l’on ne résiste pas aux professionnels qui réclament cette mesure à cor et à cri – quitte à faire vaciller notre système juridique.
Celui-ci, je le rappelle, est un système de droit continental. De moins en moins ! Il est en concurrence quotidienne avec un autre système dans lequel le lobbying des avocats voudrait nous faire verser : le système anglo-saxon. Or il faut rappeler que celui-ci est très peu protecteur du justiciable.
Si un certain nombre de professionnels voulaient bien exercer leur métier au lieu d’essayer d’empiéter sur celui du voisin, nous ne nous en porterions que mieux. Encore une fois, nous devons tout faire pour sauvegarder ce système de droit continental, le plus protecteur pour nos concitoyens. Cessons de céder à la facilité et aux lobbies. (Les amendements identiques nos 21, 606 et 1515 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements identiques nos 319 et 988.) Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 26, 317, 985, 1333, 1532 et 116, pouvant être soumis à une discussion commune.
Ils sont identiques, à l’exception de l’amendement no 116.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 26. Il s’agit cette fois de donner force exécutoire à la convention par laquelle les époux consentent mutuellement à leur divorce.
L’acte sous seing privé a évolué fortement avec cette possibilité de contresignature des avocats, ouverte en 2011. Il a force probante, il fait foi de l’écriture et de la signature des parties. Par ailleurs, il y a une volonté du législateur, dans le cas de la convention de divorce par consentement mutuel, d’éviter au couple qui se sépare le passage devant le juge.
Conférer force exécutoire à cette convention de divorce par consentement mutuel simplifierait la procédure : l’enregistrement dans les minutes d’un notaire ne serait plus nécessaire ; de surcroît, ce serait une économie, certes modeste, puisque les époux qui divorcent n’auraient plus à acquitter les 50 euros rémunérant le dépôt de l’acte. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 317. Cet amendement, déposé par notre collègue Robin Reda, prévoit, comme ma collègue l’a dit, de donner force exécutoire à la convention de divorce par consentement mutuel conclue entre époux, contresignée par avocat. Il permettrait une réelle simplification et une légère économie, dans la mesure où l’acte n’aurait plus à être déposé au rang des minutes d’un notaire. La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l’amendement no 985. Dans la droite ligne de ce que nous avons dit précédemment, cet amendement a été décliné pour ce qui concerne le divorce. Sans m’étendre plus longtemps sur son objet, je souhaite cependant le maintenir. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l’amendement no 1333. Pour reprendre une formule de mon grand-père, cet amendement est « du même tabac » que les précédents. Il est issu de diverses observations et propositions formulées par l’Ordre des avocats du barreau de Paris, qui prévoit de conférer force exécutoire à la convention, prenant la forme d’un acte sous seing privé, contresigné par avocat, par laquelle les époux consentent mutuellement à leur divorce.
Le coût du dépôt et de l’enregistrement de la convention au rang des minutes d’un notaire a été fixé par un arrêté du 20 janvier 2017 relatif aux tarifs réglementés des notaires à 42 euros hors taxes. C’est une somme dont il semble possible de faire l’économie étant entendu que le divorce par consentement mutuel, procédure aujourd’hui retenue dans la moitié des divorces, se déroule dans un climat apaisé, peu propice à des contestations dans le futur. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 1532. Défendu. La parole est à Mme Valérie Gomez-Bassac, pour soutenir l’amendement no 116. Dans un conteste d’engorgement des tribunaux, nos prédécesseurs ont voulu en faire sortir les divorces par consentement mutuel. Ils considéraient à raison qu’il n’était ni dans l’intérêt de la justice ni dans celui des époux que des divorces auxquels les deux parties consentent pleinement continuent de durer des mois et d’encombrer inutilement nos tribunaux.
Aujourd’hui on se rend compte que, du fait du passage chez le notaire, il faut toujours plusieurs mois pour obtenir le divorce.
Je souhaite donc que la force exécutoire soit reconnue à la convention de divorce, dès lors que les deux parties sont consentantes et représentées par des avocats. Cela devrait être une évidence non pas parce que nous subissons du lobbying, mais dans l’intérêt des parties, pour gagner du temps. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Nous venons d’avoir ce débat. J’ai longuement expliqué pourquoi la force exécutoire ne pouvait être conférée à l’acte d’avocat. J’ai notamment rappelé qu’il ne s’agissait pas d’une question de matière mais bien de statut. Quelle que soit la matière, l’absence de prérogative de puissance publique des avocats se pose.
En ce qui concerne les procédures de divorce, je rappelle que des difficultés ont été identifiées s’agissant de leur reconnaissance, notamment lorsqu’il existe des éléments d’extranéité. Un acte d’avocat sans enregistrement auprès des minutes d’un notaire serait bien plus complexe à appliquer. (Les amendements identiques nos 26, 317, 985, 1333 et 1532, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) (L’amendement no 116, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 1574. Dans la même logique, il s’agit d’ouvrir la possibilité aux futurs époux de rédiger leur contrat de mariage par un acte sous seing privé, contresigné par avocat. (L’amendement no 1574, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 22 et 1526.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 22. Pour les motifs déjà exposés, cet amendement vise à conférer force exécutoire à l’acte sous seing privé contresigné par avocat, qui constate une convention de procédure participative. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 1526. Défendu. (Les amendements identiques nos 22 et 1526, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 24 et 1528.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 24. Cet amendement vise à conférer la force exécutoire à l’acte sous seing privé contresigné par avocat, qui constate un accord de médiation. L’amendement no 25, qui sera appelé un peu plus tard, fait, quant à lui, de même pour un acte constatant une conciliation entre les parties. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 1528. Défendu ! Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Antoine Savignat. Un mot pour soutenir les amendements de mes collègues. Je rappelle qu’aux termes du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », autrement dit le contrat fait loi entre les parties. On ne peut prétendre le contraire. Qu’il s’agisse d’une convention de divorce ou de quelque autre accord susceptible d’être passé entre parties, comme l’a fait observer à juste titre notre collègue Jean Terlier tout à l’heure, les avocats pourraient, se dispensant du passage devant notaire, saisir le juge et lui demander d’homologuer l’accord intervenu entre les parties.
Dès lors qu’un avocat dépose une requête en homologation d’un accord conclu intervenu entre les parties, le juge n’a d’autre solution que de recueillir l’accord de celles-ci. Si votre souci est d’alléger les tribunaux, madame la garde des sceaux, et de les décharger de certains dossiers inutiles, vous devez garder ce point à l’esprit puisque la seule différence réside dans l’enregistrement, c’est-à-dire dans la transcription en marge des actes d’état-civil s’il s’agit d’un divorce ou auprès des services hypothécaires dans le cas d’une cession. (Les amendements identiques nos 24 et 1528, ne sont pas adoptés.) L’amendement no 25 a déjà été défendu par Mme Emmanuelle Anthoine.
L’amendement identique no 1529 de M. Pierre Vatin l’est également. Tout à fait, monsieur le président. (Les amendements identiques nos 25 et 1529, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements, nos 1575 et 1582.
La parole est à M. Pierre Vatin, pour les soutenir. Je les retire. (Les amendements nos 1575 et 1582 sont retirés.) La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 653. Cet amendement, déposé par M. Arnaud Viala, tire les conséquences dans le droit positif de la réalité des missions juridiques et des évolutions normatives récentes, qui n’ont fait que confirmer que la profession de conseil en propriété intellectuelle ou en propriété industrielle fait partie des professions juridiques et judiciaires. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. C’est un sujet récurrent que le statut des professions de conseil en propriété intellectuelle ou en propriété industrielle. Il n’entre pas dans le champ de ce projet de loi, mais doit pouvoir faire l’objet d’une réflexion dans le cadre des états généraux de l’avenir de la profession d’avocat et d’autres discussions en cours. (L’amendement no 653, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 56. Cet amendement vise à mettre fin aux charges des avocats et avocates aux conseils, qui ont le monopole de l’intervention devant les juridictions suprêmes, administrative et judiciaire. Seuls ces avocats aux conseils peuvent faire œuvre de représentation devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État où ne peuvent plaider ni les avocats qui ont suivi un dossier depuis le départ, ni les individus eux-mêmes dans les contentieux pour lesquels pourtant, devant les autres juridictions, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire. Il y a là une position monopolistique, acquise non sans une certaine forme de cooptation.
À la procédure spécifique prévue pour ces professionnels du droit, à savoir l’obtention du CAPAC – certificat d’aptitude à la profession d’avocat aux Conseils –, qui lui-même ne s’obtient qu’après trois années de formation supplémentaire après l’obtention du CAPA – certificat d’aptitude à la profession d’avocat –, le droit français, hérité de l’Ancien régime, ajoute une étape supplémentaire. Cette étape est censitaire, puisque s’ajoutent des charges spécifiques, qui se répercutent sur les requérants, limitant ainsi l’accès au droit. Cette ultime sélection ne peut se justifier ni par la qualification – de notre point de vue, le sujet est réglé une bonne fois pour toutes par l’obtention du CAPAC –, ni par un souci de régulation, laquelle pourrait être assurée par un autre moyen que les charges.
Ainsi, ce n’est que par une certaine nostalgie de l’Ancien régime que cette organisation se maintient. Nous sommes cependant persuadés que dans le nouveau monde dont se réclame la majorité, fascinée par un président qui se rêve thaumaturge, cet amendement ne manquera pas d’être voté, ce qui débarrasserait enfin notre droit de ce type de scorie. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Madame Obono, je suis ravie de vous voir adopter une approche libérale en ce qui concerne la profession d’avocat aux conseils ! L’organisation de cette profession répond à certaines spécificités qui, aujourd’hui, peuvent être remises en cause mais qui, d’une certaine manière, se justifient.
Mon avis, qui est aussi celui de la commission, est qu’en toute hypothèse, on ne saurait réformer le statut d’une profession dans le cadre de ce projet de loi, sans avoir mené la moindre concertation avec elle, ni évalué les conséquences des évolutions que vous appelez de vos vœux. Quel est l’avis du Gouvernement ? Cet amendement vise à supprimer les charges des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Vous évoquez à cet égard l’Ancien régime, madame Obono.
En réalité, le monopole dont disposent ces avocats pour la représentation en justice devant les juridictions suprêmes est justifié d’une part, par des impératifs de bonne administration de la justice et d’autre part, par le souci de la protection des justiciables. Ces derniers doivent en effet pouvoir recourir à des avocats qualifiés pour la pratique de la cassation, laquelle obéit à des règles complexes et particulières.
L’accès aux offices d’avocat aux conseils est en outre facilité depuis la loi du 6 août 2015, puisque tous les deux ans, l’Autorité de la concurrence examine les besoins en création de nouveaux offices, au regard notamment de l’évolution du contentieux devant les juridictions suprêmes. En 2017, sur avis de l’Autorité de la concurrence, quatre nouveaux offices ont ainsi été créés et six professionnels ont été nommés.
L’Autorité vient de rendre un nouvel avis, préconisant la création de quatre autres offices. La Chancellerie l’étudie actuellement.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, qui créerait en outre une charge pour l’État, puisque celui-ci devrait bien entendu racheter les charges supprimées, au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Personne ne peut être contre la bonne administration de la justice ni la protection des droits des justiciables. C’est une évidence, madame la garde des sceaux, mais tel n’est pas le sujet.
S’agissant de la bonne administration de la justice, vous ne donnez aucun argument concret pour la définir. Pour ce qui est de garantir la protection des justiciables, vous évoquez la nécessité de posséder des compétences. Cela tombe bien, c’est ce que sanctionne le CAPAC, passé après une formation de trois ans à l’IFRAC – Institut de formation et de recherche des avocats aux conseils.
L’organisation actuelle vient de loin, plus loin même que l’Ancien régime ! Nos recherches nous ont appris qu’elle résulte d’un édit royal promulgué le 2 septembre 1643 par Louis XIV, lequel fut supprimé par la Révolution française – ça, c’est plutôt nous ! –… (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Ça va, Robespierre ? …puis ultérieurement rétabli pour la Cour de cassation, dont le statut est toujours réglé par l’ordonnance royale prise le 10 septembre 1817 par Louis XVIII. Voilà où on en est !
Quant à vous, madame la rapporteure, vous qualifiez notre vision de libérale comme si c’était un gros mot – première nouvelle ! Dois-je me sentir insulté ? Je ne sais.
Nous considérons qu’à compétences égales, la possession du CAPAC suffit pour pouvoir exercer la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Quel mépris ! Venant de vous, monsieur Rebeyrotte… (L’amendement no 56 n’est pas adopté.) La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 132. Cet amendement vise à instaurer des conventions d’honoraires pour les officiers publics ministériels – huissiers, notaires, greffiers, commissaires-priseurs, etc. – et les avocats.
Lorsque vous sollicitez ces professions réglementées, parfois, on vous annonce un prix estimatif – une fourchette. Ne serait-ce que pour l’achat d’une maison, lorsque vous demandez à connaître les frais annexes, le notaire vous répond « ça dépend », mais vous ne savez pas de quoi. Vous sautez le pas et, à la fin, il vous présente la facture que vous n’avez aucun moyen de contester puisque le professionnel concerné n’a pris aucun engagement.
Pour éviter les mauvaises surprises, nous proposons l’expérimentation de conventions d’honoraires fixant un plafond. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. La rémunération des professions réglementées comporte deux éléments : les émoluments, qui sont définis par l’autorité publique, et les honoraires qui sont convenus librement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je fais bien la distinction entre les émoluments et les honoraires. Je demande non pas la suppression des honoraires – quoi que cela puisse dépendre des actes, nous aurons l’occasion d’y revenir – mais l’engagement des professionnels sur un montant afin que les gens sachent où ils vont. Quand vous allez au supermarché, on ne vous dit pas : « vous verrez bien à la caisse ». Vous connaissez le prix que vous allez payer. C’est la même chose. (L’amendement no 132 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 739. Cet amendement vise à expérimenter une plateforme numérique de mise en réseau des personnes pouvant bénéficier d’une action de groupe ou d’une action collective.
La création des actions de groupe constitue une avancée certaine en faveur d’une meilleure défense des droits dans les relations avec l’industrie de la consommation, le monde du travail et l’administration.
Cependant, cette nouvelle modalité de saisine est largement sous-utilisée du fait des obstacles matériels qui font reposer l’organisation de ces actions largement sur les intermédiaires, qu’il s’agisse des associations ou des cabinets d’avocats.
Afin de permettre en amont une organisation citoyenne et de faciliter la mise en relation de personnes qui pourraient, du fait de leurs intérêts similaires, bénéficier de l’action de groupe ou de l’action collective, cet amendement prévoit la création d’un outil numérique grâce auquel toute personne pourra faire état d’un possible motif d’action de groupe et trouver des personnes dans la même situation. Ce dispositif pourrait parfaitement s’appliquer en droit du travail, par exemple à des personnes subissant des discriminations sexistes, raciales ou syndicales dans une entreprise possédant plusieurs établissements mais usant partout des mêmes pratiques discriminatoires.
C’est une mesure facilitant l’accès au droit et permettant +donc une justice de plus grande qualité. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Je ne comprends pas l’intérêt de l’amendement dont le seul objet est de permettre de s’organiser par le biais d’internet et de créer des sites. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Je ne vois pas ce qui interdit de créer une telle plateforme. La parole est à Mme Danièle Obono. Je vous renvoie à l’exposé sommaire de l’amendement. Il s’agit de faciliter l’accès à la justice des citoyens et des citoyennes qui seraient susceptibles d’intenter une action de groupe, dispositif très peu utilisé aujourd’hui. Pour ce faire, nous faisons appel à cet outil très utile, que vous tenez pour l’alpha et l’oméga : le numérique. La création de la plateforme numérique permettrait… Ce n’est pas d’ordre législatif ! …, sous réserve qu’elle s’accompagne d’une campagne d’information, de mettre en relation des justiciables, avec l’efficacité fantastique du numérique que vous saluez à longueur d’intervention, afin de mener des actions collectives. Je ne sais pas si vous suivez, madame la rapporteure. J’ai compris ! Cela permettrait de faire connaître l’action de groupe ou l’action collective. Utilisons l’outil numérique que vous célébrez tant ici pour favoriser l’accès à la justice. C’est d’ordre réglementaire ! Ce n’est pas une mesure révolutionnaire mais elle aiderait à promouvoir une procédure méconnue. Soyez disruptifs ! (L’amendement no 739 n’est pas adopté.)
Sur l’amendement no 444 qui sera appelé un peu plus tard, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 58. Par cet amendement d’appel, nous proposons deux expérimentations visant à ce que, dans le cadre de son office, le juge civil puisse soulever des moyens d’ordre public lorsque ceux-ci visent au respect de la légalité, du caractère équitable du procès et de l’égalité des armes. J’ai déjà évoqué ce sujet pour les cas où la représentation par un avocat n’était pas obligatoire.
Cette proposition s’inscrit parfaitement dans le chapitre III « Repenser l’office des juridictions » du texte. Novatrice, elle doit permettre de lutter contre les inégalités de connaissances et de moyens dans l’accès à la justice, qui existent, par exemple entre un particulier en situation de pauvreté, surendetté, et une société de crédit renouvelable – ou revolving –, en expérimentant un rôle plus régulateur du juge dans le procès civil, et ce avec plusieurs garanties.
Tout d’abord, ces expérimentations seraient limitées ; en outre, ces nouveaux moyens d’ordre public soulevés par le juge devraient répondre à trois conditions cumulatives : respect de la légalité, caractère équitable du procès et égalité des armes ; enfin, la liste des moyens d’ordre public ne serait pas limitative, afin de prendre en compte les évolutions de la jurisprudence. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Vous évoquez une liste non limitative, qui conduirait le juge à se substituer aux parties dans la construction de l’argumentation et des éléments de défense. En matière de droit de la consommation, il existe déjà des dispositions permettant aux magistrats de soulever des moyens d’ordre public, des arguments et des moyens de droit. Dans ce domaine, il importe particulièrement d’assurer la protection des plus faibles. Mon avis est défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je sais bien que les magistrats soulèvent déjà des moyens d’ordre public. Nous souhaitons mieux encadrer cette pratique, non pas en limitant les moyens pouvant être soulevés, mais en déterminant la philosophie dans laquelle un moyen d’ordre public peut l’être.
Les conditions que nous posons à la faculté pour le juge de soulever un moyen d’ordre public sont le respect de la légalité, le caractère équitable du procès et l’égalité des armes. En droit administratif, le juge suit ce schéma dans certains cas : il peut soulever lui-même des moyens quand le justiciable lambda, non représenté par un avocat, ne le fait pas, afin de garantir la bonne application de la loi.
Nous proposons de renforcer l’office du juge, la protection des justiciables et l’égalité des armes. (L’amendement no 58 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 444. Cet amendement vise à déjudiciariser la procédure de changement de sexe à l’état civil.
En effet, le changement de la mention du sexe n’emporte aucun enjeu d’ordre public et permet une meilleure protection du droit à l’autodétermination de sa personne, contenu dans le droit fondamental à la vie privée. La législation actuelle oblige encore à rendre public un fait qui relève du privé et de l’intime.
Il est incompréhensible qu’il faille passer devant une juridiction afin que celle-ci détermine une réalité que seule la personne requérante peut apprécier. La définition de l’identité de genre ne doit pas faire partie des compétences d’un juge, comme s’il s’agissait d’une substance quantifiable et extérieurement observable. Si l’autorité judiciaire, au titre de l’article 66 de la Constitution, est la gardienne des libertés individuelles, elle doit l’être pour la personne détentrice de ces libertés et non contre elle.
Or la législation actuelle ne protège pas mieux les droits individuels, au contraire. Elle se fonde sur une idéologie considérant qu’une personne naît femme ou homme et que ces catégories sont immuables et exclusives l’une de l’autre. Cette idéologie nourrit la transphobie et la violence institutionnelle contre les personnes intersexes. Elle cause des discriminations dans tous les pans de la vie pour les personnes concernées : accès à l’emploi, au logement, aux soins, aux services bancaires et, parfois même, au droit de vote.
La lutte contre la transphobie passe donc nécessairement par la modification de la mention du sexe à l’état civil et sur les papiers d’identité. Le 6 août 2012, la France a officiellement reconnu la transphobie, en ajoutant « l’identité sexuelle » parmi les motifs de discrimination inscrits à l’article 225-1 du code pénal.
La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a facilité le changement de la mention du sexe à l’état civil, en permettant aux personnes concernées de faire ces démarches auprès du tribunal administratif. Elles doivent néanmoins toujours fournir des preuves. Cela les oblige à présenter au juge des éléments de leur vie privée, comme des photos ou des communications écrites.
Pourquoi leur imposer ainsi de passer sous les fourches caudines du juge, s’agissant d’une question si intime et fondamentale ? La modification du code civil que nous proposons ne perturbe en rien l’ordre public. Elle ne porte nullement atteinte à la salubrité, à la sécurité ni à la sûreté publiques. Merci de conclure, chère collègue. Elle permettrait, nous semble-t-il, non seulement de garantir une égalité de droits mais constituerait aussi une avancée fondamentale, pour les personnes concernées comme pour la société dans son ensemble. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Quel est l’avis de la commission ? Madame Obono, je salue et partage votre engagement dans la lutte contre les transphobies. S’agissant de votre amendement, toutefois, nous ne serons pas d’accord.
Celui-ci vise à faire en sorte que les officiers d’état civil puissent enregistrer une modification de sexe sans passer par la case « juge ». Autrement dit, vous proposez de supprimer la possibilité ménagée au juge d’apprécier la validité d’un changement de sexe.
Vous indiquez que le droit est immuable sur ce point. Je m’inscris en faux contre une telle affirmation. La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, dite loi J 21, a introduit une modification. Il s’agit d’une avancée qu’il convient de qualifier – comme elle le mérite – de considérable.
Dorénavant, faire enregistrer un changement de sexe ne suppose pas d’apporter la preuve de traitements médicaux ni un certificat médical. En revanche, il faut fournir des éléments de preuve permettant au juge de l’apprécier.
Ceux-ci sont de trois ordres : que la personne concernée se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ; qu’elle soit connue comme telle dans son entourage familial, amical ou professionnel ; qu’elle ait obtenu un changement de prénom conforme au sexe revendiqué.
Votre proposition soulève la question essentielle des limites de la déjudiciarisation. À mes yeux, celle-ci doit être réservée à des situations purement objectives, dans lesquelles l’intervention du juge n’est nécessaire ni pour apprécier une situation, ni pour protéger le droit des personnes. Le choix de la personne concernée, c’est objectif ! Vous proposez de confier à des officiers d’état civil la possibilité d’enregistrer ou non un changement de sexe, donc de le prendre en considération ou non. De l’enregistrer tout court ! En présence de droits fondamentaux si importants, la présence du juge me semble essentielle. Celui-ci est le premier garant des droits de chacun et de leur protection. Bien sûr ! Il s’assure, au tribunal, que quiconque demandant la reconnaissance d’un changement de sexe ne fasse pas l’objet d’une discrimination. Il s’agit d’une protection très importante pour les personnes LGBT. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je tiens à rappeler ici l’engagement du Gouvernement dans la lutte contre toute forme de discrimination homophobe ou visant les personnes LGBT. Pour autant, je ne partage pas du tout les conclusions qui sous-tendent votre amendement, madame Obono. La loi J21, adoptée il y a deux ans, a procédé à des changements significatifs au profit des personnes transgenres. Justement ! Elle a confié aux officiers d’état civil la procédure de changement de prénom, laquelle relevait auparavant du juge aux affaires familiales. Sur ce point, une évolution a eu lieu.
Par ailleurs, elle a introduit une procédure spécifique de modification du sexe à l’état civil, laquelle relève toujours – et c’est bien ce que vous contestez – de la compétence du tribunal de grande instance. Toutefois, celle-ci demeure dispensée de représentation obligatoire par avocat. En outre, elle est démédicalisée – si je puis employer ce terme : ne pas avoir subi de traitement ni d’opération chirurgicale ne peut plus motiver un refus.
La compétence du juge est conservée, car il doit constater la situation d’évolution sociale. La personne concernée doit donc produire plusieurs pièces démontrant que le sexe inscrit à l’état civil ne correspond pas à l’identité de genre vécue sous laquelle elle se présente ordinairement.
Ces pièces peuvent être formées de témoignages, ainsi que de documents administratifs faisant usage de la civilité revendiquée. Le changement de prénom à l’état civil, qui peut être obtenu devant un officier d’état civil, constitue l’un des éléments d’appréciation permettant de fonder la conviction du juge. C’est la conviction de la personne concernée qui compte ! Ces deux procédures ont d’ores et déjà été amplement simplifiées. Je sais bien qu’il existe une demande, parmi les personnes concernées par la procédure de changement de sexe à l’état civil, visant à réduire celle-ci à une simple opération déclaratoire. Nonobstant, nous considérons que le rôle du juge est important pour opérer un tel constat. Vous n’écoutez pas ce qu’on vous dit, madame la ministre ! C’est pourquoi j’émets un avis défavorable. Vous avez raison, madame la garde des sceaux ! La parole est à Mme Danièle Obono. Tout d’abord, je corrigerai les propos de Mme la rapporteure. Nous disons bien que le droit, sur ce point, n’est plus immuable. J’ai précisément énuméré les avancées, reconnues comme telles. Ce que nous demandons, c’est de continuer à avancer sur ce chemin.
Il y a encore quelques années, le droit soutenait que l’intervention d’un médecin était nécessaire. Celui-ci incarnait la science, censée fournir les preuves d’un changement de sexe. Il a fallu beaucoup de travail – mené notamment par les associations – pour expliquer qu’il ne s’agit pas d’une question de physiologie ou d’attestation scientifique.
Tous les arguments étaient mobilisés, jusqu’aux arguments psychologiques et psychiatriques, dans le cadre d’une forte psychiatrisation du processus. Tout était là, mais nous avons modifié la loi, au profit du juge.
Madame la rapporteure, vous indiquez que la législation défend les droits de la personne. Ce n’est pas vrai. Elle va contre son droit fondamental à déterminer son identité de genre et à la voir reconnue. Affirmer – comme vous venez de le faire – que le juge peut, sur la base de preuves, attester d’un genre, et en déduire le maintien du droit en vigueur, est contraire au droit fondamental de la personne.
Il faut franchir ce pas, après ceux de la démédicalisation et de la dépsychiatrisation, au profit de la reconnaissance du droit à l’égalité des personnes désireuses de changer de sexe à l’état civil par un simple acte d’état civil, comme elles peuvent déjà le faire dans d’autres domaines. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Il ne s’agit pas de demander aux officiers d’état-civil de juger, mais d’appliquer la loi. C’est précisément pour cette raison qu’il faut faire évoluer celle-ci : ainsi, les officiers d’état-civil devront l’appliquer. Voilà ! Voilà ce que nous demandons. Comme l’a reconnu Mme la garde des sceaux, de très nombreuses associations – sinon la majorité d’entre elles – qui se battent sur ce sujet le demandent. Nous vous demandons, madame la garde des sceaux, de franchir ce pas.
Nous pensons, comme elles, qu’une telle évolution va dans le sens de l’égalité des droits et de la reconnaissance des personnes transgenres, tout en faisant reculer la transphobie et les discriminations. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Je mets aux voix l’amendement no 444. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 52
Majorité absolue 27
Pour l’adoption 3
Contre 49 (L’amendement no 444 n’est pas adopté.) Je suis saisi de cinq amendements, nos 21, 606, 1515, 319 et 988, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 21, 606 et 1515 d’une part, 319 et 988 d’autre part sont identiques.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 21. Il porte sur l’acte sous seing privé contresigné par avocat, auquel il vise à conférer la force exécutoire en modifiant l’article L. 1374 du code civil, ainsi que l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, lequel fixe la liste des titres exécutoires.
Par nature, un tel acte comporte les garanties nécessaires que sont la vérification de la conformité de l’accord à l’ordre public, celle de la réalité du consentement des parties et la sauvegarde des intérêts de la partie assistée par l’avocat.
Par ailleurs, l’amendement précise que l’avocat, en contresignant un acte sous seing privé, atteste avoir éclairé pleinement les parties sur les conséquences juridiques de celui-ci. La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l’amendement no 606. Nous l’avons déposé en commission. Madame la garde des sceaux, j’ai donc une idée de votre réponse. Au demeurant, je vous avais informée que je le déposerai en séance publique. Nous ne pouvons pas faire l’économie de débattre, fût-ce ultérieurement, hors du cadre du présent projet de loi, de la force exécutoire de la signature des avocats.
À titre de retour d’expérience, j’indique avoir signé par le passé des protocoles transactionnels élaborés en présence de deux avocats, homologués par le tribunal de grande instance. Tout cela peut prendre un peu de temps, surtout avant les vacances judiciaires – ce n’est faire offense à personne que de dire cela.
En fin de compte, entre l’accord homologué le juge et celui que nous avions signé de façon éclairée, il n’y avait aucun écart. Pourtant, nous n’avions pas pu mettre immédiatement en pratique les protocoles d’accord.
Nous devons ouvrir ce débat, fût-ce hors du cadre du présent projet de loi. Vous me répondrez, madame la garde des sceaux, que l’amendement n’est pas recevable en l’état, car il risquerait d’être frappé d’inconstitutionnalité – j’ai pris note de vos observations formulées en commission.
Prenez-le comme un amendement d’appel, ainsi que ceux qui suivent, lesquels s’inscrivent dans sa droite ligne et consistent à décliner notre approche de la force exécutoire sous tous ses aspects. Il faut que nous débattions du sujet et que nous avancions. Nous ne pourrons pas faire l’économie de ce débat.
Conférer la force exécutoire à un acte contresigné par deux parties représentées par des avocats contribuerait aussi à la simplification de l’accès au droit et à la justice de nos concitoyens. Les conditions d’une telle évolution pourraient être fixées par décret – c’est ce que proposent les avocats – afin de progresser pas à pas, en commençant par des matières au sujet desquelles l’utilité d’un tel dispositif ne fait pas débat.
Prenez-le comme un amendement d’appel, madame la garde des sceaux. Je sais que vous y opposerez l’inconstitutionnalité de la démarche. Il n’en faut pas moins avancer sur ce sujet au cours des mois et des années à venir. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 1515. Il est identique aux deux précédents et vise à conférer la force exécutoire à l’acte sous seing privé contresigné par avocat. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 319. Notre collègue Reda en est le premier signataire. Il s’inscrit dans la lignée des précédents et vise à doter l’acte d’avocat de la force exécutoire. En effet, l’acte d’avocat de médiation ainsi que l’accord obtenu à l’issue de la procédure participative, contresignés par l’avocat de chaque partie, présentent par nature les garanties nécessaires. Les avocats ont – par hypothèse – vérifié la conformité de l’accord à l’ordre public ainsi que la réalité du consentement des parties et ont veillé à la sauvegarde des intérêts de la partie qu’ils assistent.
Une telle réforme offrirait un gain d’efficacité aux parties et un gain de temps au juge, qui n’aurait plus à traiter de la demande d’homologation. Par ailleurs, elle s’inscrit pleinement dans la modernisation de la profession d’avocat. La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l’amendement no 988. Défendu. Quel est l’avis de la commission ? Nous avons longuement eu ce débat en commission. Je rappelle que la force exécutoire ne se réduit pas à un acte de procédure. La force exécutoire, c’est le sceau de la République ; c’est la représentation de Marianne sur un acte lui conférant la possibilité d’exécution. Ce sceau est apposé par une personne détentrice de prérogatives de puissance publique.
S’agissant de l’acte d’avocat, il s’agit du notaire – auprès duquel on l’enregistre en général – ou du magistrat. J’ai rappelé en commission l’origine de cet acte, qu’on ne peut pas évoquer en faisant abstraction de son origine et du statut qu’elle implique.
Il a été créé par la loi du 28 mars 2011, fondée en partie sur les travaux d’une commission – à laquelle j’ai participé – chargée de définir les modalités de création d’une grande profession du droit. Elle avait pour objet initial l’élaboration d’un projet de fusion des professions d’avocat et de notaire.
Cette commission a conclu qu’il n’était pas possible de fusionner ces deux professions, tout simplement parce que les notaires exercent des prérogatives de puissance publique, à la différence des avocats. L’acte authentique délivré par un notaire repose sur deux piliers : la force probante et la force exécutoire. L’acte d’avocat est né de ce constat : les avocats peuvent donner force probante à un acte, mais non force exécutoire.
J’entends les différentes propositions de simplification. Mais c’est bien du statut de l’avocat qu’il faudrait alors parler, plutôt que du statut des actes. La force exécutoire ne peut être attachée à une matière ou à une autre : elle est liée à la personne, celle qui a le pouvoir d’apposer le sceau de la République. Ce n’est pas le cas de l’avocat, qui représente toujours un intérêt privé.
Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ne suis pas favorable à ces amendements. Néanmoins, je m’arrêterai comme la rapporteure quelques minutes sur ce sujet sensible : il y a là une demande forte de la profession d’avocat.
Tout d’abord, il y aurait là un risque réel d’inconstitutionnalité. Cette analyse s’appuie sur plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ; je vous renvoie par exemple à une décision de 1999 relative à la couverture maladie universelle, qui précise clairement que le Conseil ne permet aux personnes morales de droit privé d’émettre un titre exécutoire qu’à la condition qu’elles soient chargées d’une mission de service public – et à d’autres conditions qui ne nous intéressent pas ici. Tel n’est pas le cas des avocats, en tout cas dans la situation actuelle.
Une modification substantielle des conditions d’exercice de la profession d’avocat serait nécessaire ; pour leur accorder des prérogatives de puissance publique, il faudrait, d’une certaine manière, que l’État puisse exercer un contrôle. Je ne suis pas sûre que les avocats souhaitent aller dans ce sens.
On entend parfois dire que le Président de la République se serait engagé, durant la campagne électorale, à conférer force exécutoire à l’acte d’avocat. Ce n’est pas vrai. Lorsque l’on relit les propos du Président de la République, il est question de donner force exécutoire à des actes qui émaneraient d’une société pluriprofessionnelle d’exercice, qui réunirait à la fois des avocats et des notaires – qui, eux, sont officiers publics et ministériels, et à ce titre peuvent donner force exécutoire à certains de leurs actes.
Au-delà, il faudrait sans doute s’interroger sur l’efficacité d’une telle mesure.
Je dois toutefois redire qu’une réflexion est engagée sur la question de l’acte exécutoire au sein des états généraux de l’avenir de la profession d’avocat, qui se déroulent en ce moment. Je me suis engagée à travailler avec la profession, en parallèle, sur ce sujet. Mais je redis qu’au moment où nous parlons, nous rencontrons de vraies difficultés constitutionnelles et, plus largement, juridiques. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements. La parole est à M. Antoine Savignat. Je partage l’avis de Mme la ministre : il y a beaucoup d’obstacles. Mais je vous dirai comme M. Latombe : ce sont des amendements d’appel !
Les problèmes que vous avez soulevés ne sont pas insurmontables, me semble-t-il ; j’en vois un autre : le délai de conservation des archives par les avocats. Un acte exécutoire doit pouvoir être conservé indéfiniment, et les archives doivent pouvoir se transmettre.
Mais peu importe, une réflexion doit s’ouvrir. Ces amendements sont conformes à la philosophie de votre projet de loi : on évite la saisine d’une juridiction grâce à la signature d’un accord trouvé entre les deux parties qu’ils assistent par deux professionnels qui engagent par là leur responsabilité – à la différence du juge. Ce serait donc un acte exécutoire sûr par définition.
J’ai bien entendu les explications de Mme la rapporteure sur l’importance et la valeur de l’acte exécutoire. Nous aurons l’occasion d’en reparler lorsque nous aborderons la question des actes exécutoires signés par le président de la caisse d’allocations familiales. La parole est à M. Jean Terlier. Je remercie M. Savignat de ses explications : je partage entièrement votre avis sur le sujet.
Mes chers collègues, il y a, me semble-t-il, quelque contradiction à refuser l’extension de la représentation obligatoire par un avocat à l’article 4 pour, tout de suite après, défendre le renforcement des prérogatives de l’avocat en conférant à ses actes la force exécutoire. En effet ! Sur le fond, monsieur Latombe, monsieur Savignat, vos propositions revêtent un véritable intérêt : deux parties qui, assistées par des avocats, concluent une convention seraient dispensées d’aller faire homologuer leur accord par un magistrat. Mais l’argumentation de Mme la garde des sceaux, de Mme la rapporteure et de M. Savignat lui-même montre que nous devons nous montrer prudents. Il y a un risque constitutionnel.
De plus, une concertation avec les notaires serait nécessaire.
Mme la ministre s’est engagée ce soir à regarder les conclusions des états généraux de l’avenir de la profession d’avocat pour voir si un pas peut être fait. Cela me paraît une bonne solution.
Monsieur Latombe, pour régler le problème que vous souleviez, je signale qu’il existe une procédure relativement méconnue des avocats : l’article 1441-4 du code de procédure civile, qui dispose que « le président du tribunal de grande instance, saisi sur requête par une partie à la transaction, confère force exécutoire à l’acte qui lui est présenté ». Une audience n’est dans ce cas pas nécessaire. Cette solution assez peu utilisée mériterait de l’être davantage, notamment en attendant les conclusions des états généraux de l’avenir de la profession d’avocat sur le sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.) La parole est à M. Philippe Latombe. Il s’agissait, je l’ai dit, d’un amendement d’appel. J’entends les arguments de Mme la garde des sceaux.
L’exposé sommaire de mon amendement, no 988, cite le programme présidentiel, qui envisage effectivement des sociétés d’exercice associant entre avocats, huissiers et notaires. Madame la ministre, vous dites qu’un officier public et ministériel est nécessaire, en citant les notaires ; on pourrait également citer les huissiers. Bien sûr ! Ils sont, eux aussi, délégataires de la puissance publique. Peut-être la signature de l’acte par un huissier pourrait-elle constituer une solution intermédiaire, tout au moins dans un premier temps – le temps de lever les obstacles, en particulier constitutionnels, que vous mentionniez.
En tout cas, la réflexion est lancée. Il est important que nous ayons ce débat dans les mois et les années à venir. La parole est à M. Sébastien Huyghe. Je vois avec ces amendements que le lobbying a encore de beaux jours devant lui dans cette maison !
La profession d’avocat fait pression, depuis longtemps maintenant, pour que ses actes reçoivent force exécutoire. Il faut rappeler de quoi il s’agit : la force exécutoire donne force de jugement à un accord conclu entre les parties, c’est-à-dire qu’il est alors possible de recourir à la force publique pour faire exécuter cet accord. Seul l’État peut conférer cette force ! Seul son sceau peut donner à un acte, fût-il un accord, valeur de jugement.
Je regrette beaucoup que l’on cède à la facilité et que l’on ne résiste pas aux professionnels qui réclament cette mesure à cor et à cri – quitte à faire vaciller notre système juridique.
Celui-ci, je le rappelle, est un système de droit continental. De moins en moins ! Il est en concurrence quotidienne avec un autre système dans lequel le lobbying des avocats voudrait nous faire verser : le système anglo-saxon. Or il faut rappeler que celui-ci est très peu protecteur du justiciable.
Si un certain nombre de professionnels voulaient bien exercer leur métier au lieu d’essayer d’empiéter sur celui du voisin, nous ne nous en porterions que mieux. Encore une fois, nous devons tout faire pour sauvegarder ce système de droit continental, le plus protecteur pour nos concitoyens. Cessons de céder à la facilité et aux lobbies. (Les amendements identiques nos 21, 606 et 1515 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements identiques nos 319 et 988.) Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 26, 317, 985, 1333, 1532 et 116, pouvant être soumis à une discussion commune.
Ils sont identiques, à l’exception de l’amendement no 116.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 26. Il s’agit cette fois de donner force exécutoire à la convention par laquelle les époux consentent mutuellement à leur divorce.
L’acte sous seing privé a évolué fortement avec cette possibilité de contresignature des avocats, ouverte en 2011. Il a force probante, il fait foi de l’écriture et de la signature des parties. Par ailleurs, il y a une volonté du législateur, dans le cas de la convention de divorce par consentement mutuel, d’éviter au couple qui se sépare le passage devant le juge.
Conférer force exécutoire à cette convention de divorce par consentement mutuel simplifierait la procédure : l’enregistrement dans les minutes d’un notaire ne serait plus nécessaire ; de surcroît, ce serait une économie, certes modeste, puisque les époux qui divorcent n’auraient plus à acquitter les 50 euros rémunérant le dépôt de l’acte. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 317. Cet amendement, déposé par notre collègue Robin Reda, prévoit, comme ma collègue l’a dit, de donner force exécutoire à la convention de divorce par consentement mutuel conclue entre époux, contresignée par avocat. Il permettrait une réelle simplification et une légère économie, dans la mesure où l’acte n’aurait plus à être déposé au rang des minutes d’un notaire. La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l’amendement no 985. Dans la droite ligne de ce que nous avons dit précédemment, cet amendement a été décliné pour ce qui concerne le divorce. Sans m’étendre plus longtemps sur son objet, je souhaite cependant le maintenir. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l’amendement no 1333. Pour reprendre une formule de mon grand-père, cet amendement est « du même tabac » que les précédents. Il est issu de diverses observations et propositions formulées par l’Ordre des avocats du barreau de Paris, qui prévoit de conférer force exécutoire à la convention, prenant la forme d’un acte sous seing privé, contresigné par avocat, par laquelle les époux consentent mutuellement à leur divorce.
Le coût du dépôt et de l’enregistrement de la convention au rang des minutes d’un notaire a été fixé par un arrêté du 20 janvier 2017 relatif aux tarifs réglementés des notaires à 42 euros hors taxes. C’est une somme dont il semble possible de faire l’économie étant entendu que le divorce par consentement mutuel, procédure aujourd’hui retenue dans la moitié des divorces, se déroule dans un climat apaisé, peu propice à des contestations dans le futur. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 1532. Défendu. La parole est à Mme Valérie Gomez-Bassac, pour soutenir l’amendement no 116. Dans un conteste d’engorgement des tribunaux, nos prédécesseurs ont voulu en faire sortir les divorces par consentement mutuel. Ils considéraient à raison qu’il n’était ni dans l’intérêt de la justice ni dans celui des époux que des divorces auxquels les deux parties consentent pleinement continuent de durer des mois et d’encombrer inutilement nos tribunaux.
Aujourd’hui on se rend compte que, du fait du passage chez le notaire, il faut toujours plusieurs mois pour obtenir le divorce.
Je souhaite donc que la force exécutoire soit reconnue à la convention de divorce, dès lors que les deux parties sont consentantes et représentées par des avocats. Cela devrait être une évidence non pas parce que nous subissons du lobbying, mais dans l’intérêt des parties, pour gagner du temps. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Nous venons d’avoir ce débat. J’ai longuement expliqué pourquoi la force exécutoire ne pouvait être conférée à l’acte d’avocat. J’ai notamment rappelé qu’il ne s’agissait pas d’une question de matière mais bien de statut. Quelle que soit la matière, l’absence de prérogative de puissance publique des avocats se pose.
En ce qui concerne les procédures de divorce, je rappelle que des difficultés ont été identifiées s’agissant de leur reconnaissance, notamment lorsqu’il existe des éléments d’extranéité. Un acte d’avocat sans enregistrement auprès des minutes d’un notaire serait bien plus complexe à appliquer. (Les amendements identiques nos 26, 317, 985, 1333 et 1532, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) (L’amendement no 116, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 1574. Dans la même logique, il s’agit d’ouvrir la possibilité aux futurs époux de rédiger leur contrat de mariage par un acte sous seing privé, contresigné par avocat. (L’amendement no 1574, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 22 et 1526.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 22. Pour les motifs déjà exposés, cet amendement vise à conférer force exécutoire à l’acte sous seing privé contresigné par avocat, qui constate une convention de procédure participative. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 1526. Défendu. (Les amendements identiques nos 22 et 1526, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 24 et 1528.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 24. Cet amendement vise à conférer la force exécutoire à l’acte sous seing privé contresigné par avocat, qui constate un accord de médiation. L’amendement no 25, qui sera appelé un peu plus tard, fait, quant à lui, de même pour un acte constatant une conciliation entre les parties. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 1528. Défendu ! Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Antoine Savignat. Un mot pour soutenir les amendements de mes collègues. Je rappelle qu’aux termes du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », autrement dit le contrat fait loi entre les parties. On ne peut prétendre le contraire. Qu’il s’agisse d’une convention de divorce ou de quelque autre accord susceptible d’être passé entre parties, comme l’a fait observer à juste titre notre collègue Jean Terlier tout à l’heure, les avocats pourraient, se dispensant du passage devant notaire, saisir le juge et lui demander d’homologuer l’accord intervenu entre les parties.
Dès lors qu’un avocat dépose une requête en homologation d’un accord conclu intervenu entre les parties, le juge n’a d’autre solution que de recueillir l’accord de celles-ci. Si votre souci est d’alléger les tribunaux, madame la garde des sceaux, et de les décharger de certains dossiers inutiles, vous devez garder ce point à l’esprit puisque la seule différence réside dans l’enregistrement, c’est-à-dire dans la transcription en marge des actes d’état-civil s’il s’agit d’un divorce ou auprès des services hypothécaires dans le cas d’une cession. (Les amendements identiques nos 24 et 1528, ne sont pas adoptés.) L’amendement no 25 a déjà été défendu par Mme Emmanuelle Anthoine.
L’amendement identique no 1529 de M. Pierre Vatin l’est également. Tout à fait, monsieur le président. (Les amendements identiques nos 25 et 1529, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements, nos 1575 et 1582.
La parole est à M. Pierre Vatin, pour les soutenir. Je les retire. (Les amendements nos 1575 et 1582 sont retirés.) La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 653. Cet amendement, déposé par M. Arnaud Viala, tire les conséquences dans le droit positif de la réalité des missions juridiques et des évolutions normatives récentes, qui n’ont fait que confirmer que la profession de conseil en propriété intellectuelle ou en propriété industrielle fait partie des professions juridiques et judiciaires. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. C’est un sujet récurrent que le statut des professions de conseil en propriété intellectuelle ou en propriété industrielle. Il n’entre pas dans le champ de ce projet de loi, mais doit pouvoir faire l’objet d’une réflexion dans le cadre des états généraux de l’avenir de la profession d’avocat et d’autres discussions en cours. (L’amendement no 653, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 56. Cet amendement vise à mettre fin aux charges des avocats et avocates aux conseils, qui ont le monopole de l’intervention devant les juridictions suprêmes, administrative et judiciaire. Seuls ces avocats aux conseils peuvent faire œuvre de représentation devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État où ne peuvent plaider ni les avocats qui ont suivi un dossier depuis le départ, ni les individus eux-mêmes dans les contentieux pour lesquels pourtant, devant les autres juridictions, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire. Il y a là une position monopolistique, acquise non sans une certaine forme de cooptation.
À la procédure spécifique prévue pour ces professionnels du droit, à savoir l’obtention du CAPAC – certificat d’aptitude à la profession d’avocat aux Conseils –, qui lui-même ne s’obtient qu’après trois années de formation supplémentaire après l’obtention du CAPA – certificat d’aptitude à la profession d’avocat –, le droit français, hérité de l’Ancien régime, ajoute une étape supplémentaire. Cette étape est censitaire, puisque s’ajoutent des charges spécifiques, qui se répercutent sur les requérants, limitant ainsi l’accès au droit. Cette ultime sélection ne peut se justifier ni par la qualification – de notre point de vue, le sujet est réglé une bonne fois pour toutes par l’obtention du CAPAC –, ni par un souci de régulation, laquelle pourrait être assurée par un autre moyen que les charges.
Ainsi, ce n’est que par une certaine nostalgie de l’Ancien régime que cette organisation se maintient. Nous sommes cependant persuadés que dans le nouveau monde dont se réclame la majorité, fascinée par un président qui se rêve thaumaturge, cet amendement ne manquera pas d’être voté, ce qui débarrasserait enfin notre droit de ce type de scorie. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Madame Obono, je suis ravie de vous voir adopter une approche libérale en ce qui concerne la profession d’avocat aux conseils ! L’organisation de cette profession répond à certaines spécificités qui, aujourd’hui, peuvent être remises en cause mais qui, d’une certaine manière, se justifient.
Mon avis, qui est aussi celui de la commission, est qu’en toute hypothèse, on ne saurait réformer le statut d’une profession dans le cadre de ce projet de loi, sans avoir mené la moindre concertation avec elle, ni évalué les conséquences des évolutions que vous appelez de vos vœux. Quel est l’avis du Gouvernement ? Cet amendement vise à supprimer les charges des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Vous évoquez à cet égard l’Ancien régime, madame Obono.
En réalité, le monopole dont disposent ces avocats pour la représentation en justice devant les juridictions suprêmes est justifié d’une part, par des impératifs de bonne administration de la justice et d’autre part, par le souci de la protection des justiciables. Ces derniers doivent en effet pouvoir recourir à des avocats qualifiés pour la pratique de la cassation, laquelle obéit à des règles complexes et particulières.
L’accès aux offices d’avocat aux conseils est en outre facilité depuis la loi du 6 août 2015, puisque tous les deux ans, l’Autorité de la concurrence examine les besoins en création de nouveaux offices, au regard notamment de l’évolution du contentieux devant les juridictions suprêmes. En 2017, sur avis de l’Autorité de la concurrence, quatre nouveaux offices ont ainsi été créés et six professionnels ont été nommés.
L’Autorité vient de rendre un nouvel avis, préconisant la création de quatre autres offices. La Chancellerie l’étudie actuellement.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, qui créerait en outre une charge pour l’État, puisque celui-ci devrait bien entendu racheter les charges supprimées, au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Personne ne peut être contre la bonne administration de la justice ni la protection des droits des justiciables. C’est une évidence, madame la garde des sceaux, mais tel n’est pas le sujet.
S’agissant de la bonne administration de la justice, vous ne donnez aucun argument concret pour la définir. Pour ce qui est de garantir la protection des justiciables, vous évoquez la nécessité de posséder des compétences. Cela tombe bien, c’est ce que sanctionne le CAPAC, passé après une formation de trois ans à l’IFRAC – Institut de formation et de recherche des avocats aux conseils.
L’organisation actuelle vient de loin, plus loin même que l’Ancien régime ! Nos recherches nous ont appris qu’elle résulte d’un édit royal promulgué le 2 septembre 1643 par Louis XIV, lequel fut supprimé par la Révolution française – ça, c’est plutôt nous ! –… (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Ça va, Robespierre ? …puis ultérieurement rétabli pour la Cour de cassation, dont le statut est toujours réglé par l’ordonnance royale prise le 10 septembre 1817 par Louis XVIII. Voilà où on en est !
Quant à vous, madame la rapporteure, vous qualifiez notre vision de libérale comme si c’était un gros mot – première nouvelle ! Dois-je me sentir insulté ? Je ne sais.
Nous considérons qu’à compétences égales, la possession du CAPAC suffit pour pouvoir exercer la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Quel mépris ! Venant de vous, monsieur Rebeyrotte… (L’amendement no 56 n’est pas adopté.) La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 132. Cet amendement vise à instaurer des conventions d’honoraires pour les officiers publics ministériels – huissiers, notaires, greffiers, commissaires-priseurs, etc. – et les avocats.
Lorsque vous sollicitez ces professions réglementées, parfois, on vous annonce un prix estimatif – une fourchette. Ne serait-ce que pour l’achat d’une maison, lorsque vous demandez à connaître les frais annexes, le notaire vous répond « ça dépend », mais vous ne savez pas de quoi. Vous sautez le pas et, à la fin, il vous présente la facture que vous n’avez aucun moyen de contester puisque le professionnel concerné n’a pris aucun engagement.
Pour éviter les mauvaises surprises, nous proposons l’expérimentation de conventions d’honoraires fixant un plafond. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. La rémunération des professions réglementées comporte deux éléments : les émoluments, qui sont définis par l’autorité publique, et les honoraires qui sont convenus librement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je fais bien la distinction entre les émoluments et les honoraires. Je demande non pas la suppression des honoraires – quoi que cela puisse dépendre des actes, nous aurons l’occasion d’y revenir – mais l’engagement des professionnels sur un montant afin que les gens sachent où ils vont. Quand vous allez au supermarché, on ne vous dit pas : « vous verrez bien à la caisse ». Vous connaissez le prix que vous allez payer. C’est la même chose. (L’amendement no 132 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 739. Cet amendement vise à expérimenter une plateforme numérique de mise en réseau des personnes pouvant bénéficier d’une action de groupe ou d’une action collective.
La création des actions de groupe constitue une avancée certaine en faveur d’une meilleure défense des droits dans les relations avec l’industrie de la consommation, le monde du travail et l’administration.
Cependant, cette nouvelle modalité de saisine est largement sous-utilisée du fait des obstacles matériels qui font reposer l’organisation de ces actions largement sur les intermédiaires, qu’il s’agisse des associations ou des cabinets d’avocats.
Afin de permettre en amont une organisation citoyenne et de faciliter la mise en relation de personnes qui pourraient, du fait de leurs intérêts similaires, bénéficier de l’action de groupe ou de l’action collective, cet amendement prévoit la création d’un outil numérique grâce auquel toute personne pourra faire état d’un possible motif d’action de groupe et trouver des personnes dans la même situation. Ce dispositif pourrait parfaitement s’appliquer en droit du travail, par exemple à des personnes subissant des discriminations sexistes, raciales ou syndicales dans une entreprise possédant plusieurs établissements mais usant partout des mêmes pratiques discriminatoires.
C’est une mesure facilitant l’accès au droit et permettant +donc une justice de plus grande qualité. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Je ne comprends pas l’intérêt de l’amendement dont le seul objet est de permettre de s’organiser par le biais d’internet et de créer des sites. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Je ne vois pas ce qui interdit de créer une telle plateforme. La parole est à Mme Danièle Obono. Je vous renvoie à l’exposé sommaire de l’amendement. Il s’agit de faciliter l’accès à la justice des citoyens et des citoyennes qui seraient susceptibles d’intenter une action de groupe, dispositif très peu utilisé aujourd’hui. Pour ce faire, nous faisons appel à cet outil très utile, que vous tenez pour l’alpha et l’oméga : le numérique. La création de la plateforme numérique permettrait… Ce n’est pas d’ordre législatif ! …, sous réserve qu’elle s’accompagne d’une campagne d’information, de mettre en relation des justiciables, avec l’efficacité fantastique du numérique que vous saluez à longueur d’intervention, afin de mener des actions collectives. Je ne sais pas si vous suivez, madame la rapporteure. J’ai compris ! Cela permettrait de faire connaître l’action de groupe ou l’action collective. Utilisons l’outil numérique que vous célébrez tant ici pour favoriser l’accès à la justice. C’est d’ordre réglementaire ! Ce n’est pas une mesure révolutionnaire mais elle aiderait à promouvoir une procédure méconnue. Soyez disruptifs ! (L’amendement no 739 n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat, première oratrice inscrite sur l’article.
Actuellement, le juge n’intervient qu’à titre résiduel concernant les actes de notoriété. En effet, les notaires sont les plus impliqués dans les actes de l’état-civil : ce sont eux qui dressent les actes de notoriété en matière de succession, propriété immobilière et projet de mariage. L’acte de notoriété en matière de filiation est donc une exception.
Cet acte est un des modes non contentieux d’établissement de la filiation. Aujourd’hui, les époux ou concubins recourant à une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation.
Cet article vise à modifier le cadre légal actuel afin que le consentement des époux ou des concubins soit exclusivement recueilli par le notaire désormais. En outre, en commission des lois, un amendement du Gouvernement a étendu, dans un souci de coordination, cette disposition à la PMA avec accueil d’embryon. Enfin, un amendement de la rapporteure a exonéré de droits d’enregistrement les deux procédures afin de les rendre accessibles à chaque citoyen sans conditions de revenus.
Cet article permettra d’alléger la charge de travail des juges, tout en recentrant les juridictions sur leurs missions essentielles. Enfin, il simplifie le droit, ce qui est le principal objectif de ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Martine Wonner. Dans cet article, le notaire se voit confier la charge de recevoir le consentement des époux ou concubins ayant recours au don de gamète ou d’embryon dans le cadre d’une procréation médicalement assistée.
Alors que nous examinerons dans quelques mois la révision de la loi relative à la bioéthique, je souhaite soulever la question, hypothétique à ce jour, de la fin de l’anonymat du don de gamètes. Au vu des dernières recommandations du Comité consultatif national d’éthique et des débats actuels dans la société, il n’est pas impossible que, dans les prochains mois, soit donnée à la personne majeure née d’un don de gamètes qui en ferait la demande la possibilité d’avoir accès à son origine.
Le notaire pourrait-il être celui qui répertorierait les modalités du don, donc l’identité du donneur ? Sans préjuger de ce que seront nos débats, peut-être cet élément doit-il être envisagé aujourd’hui puisque le texte dont nous discutons ce soir a bien un lien avec les questions de bioéthique, en l’occurrence la PMA. Nous en venons aux amendements.
Je suis tout d’abord saisi de plusieurs amendements identiques, nos 187, 339, 806, 883 et 1331.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 187. Cet amendement, déposé par M. Breton et cosigné par plusieurs membres du groupe LR, vise à supprimer cet article. Il nous paraît délicat d’anticiper les débats qui ont été annoncés sur la bioéthique, en particulier sur la question de la PMA. Si les textes devaient être modifiés à la suite de l’extension de la PMA, ils s’inscriraient nécessairement dans une réforme plus large. Nul besoin donc à ce stade d’aborder ce sujet. Voilà pourquoi il est proposé de supprimer cet article. La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 339. Madame la garde des sceaux, vous souhaitez transférer aux notaires l’établissement des actes de notoriété et le recueil du consentement en matière d’assistance médicale à la procréation.
Simplifier la procédure d’assistance à la procréation avec accueil d’embryon – ce n’est pas rien – en supprimant l’autorisation judiciaire ne semble pas opportun. Il convient de maintenir la compétence judiciaire en matière de filiation. La filiation d’un enfant est un sujet très important sur lequel le juge possède un pouvoir d’appréciation dont le notaire est dépourvu.
L’évolution actuelle conjuguant la déjudiciarisation et la contractualisation du droit de la famille pourrait fragiliser les familles, accroître le nombre de contentieux, à rebours de l’objectif de diminution des coûts que vous affichez, et affaiblir la protection judiciaire des enfants et des intérêts du plus faible.
Le rôle du juge n’est pas nécessairement de trancher un litige, il est aussi de protéger les enfants. La juridiction gracieuse a précisément pour objet l’instauration d’un contrôle judiciaire en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du requérant. S’agissant de la filiation d’un enfant et de la preuve l’établissant, le contrôle du juge nous semble indispensable. C’est la raison pour laquelle je propose la suppression de cet article. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 806. Je partage l’argumentation développée par MM. Bazin et Gosselin. J’ai du mal à comprendre : alors que le Gouvernement annonce une loi relative à la bioéthique, initialement au début de 2019 et désormais dans le courant de 2019, pourquoi légifère-t-on avant de connaître les décisions qui seront prises dans ce cadre ? C’est la raison pour laquelle je suggère de supprimer cet article. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 883. La filiation désigne le lien de parenté qui unit un enfant à ses parents. Il ne s’agit donc pas d’une mince affaire. Il est question d’identité. C’est pourquoi la convention internationale des droits de l’enfant dont la France est signataire affirme le droit, pour l’enfant, de connaître, dans la mesure du possible, ses parents.
C’est la raison pour laquelle il revenait au juge de recueillir le consentement d’un couple qui, dans le cadre d’une PMA, voulait recourir au don de gamète ou d’embryon. Le recours à ces techniques n’a rien d’anodin, puisque l’un des parents, voire les deux dans le cas d’un accueil d’embryon, n’a pas le même patrimoine génétique que son enfant.
En vertu de cet article, le recueil du consentement reviendrait exclusivement au notaire. Sous couvert de simplification, vous déjudiciarisez au détriment de l’intérêt de l’enfant.
Or, force est de constater que le nombre de contentieux en matière de filiation ne cesse d’augmenter. Il est à craindre que cet article ne prépare en réalité la prochaine révision des lois de bioéthique. Actuellement, l’intervention d’un tiers donneur ne concerne que 5 % des PMA. Il est évident que ce chiffre augmentera considérablement si la PMA est ouverte aux couples de femmes et aux femmes célibataires puisqu’elle réclamera systématiquement l’intervention du tiers donneur. C’est pourquoi je demande la suppression de cet article et le maintien de la compétence judiciaire en matière de filiation. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 1331. Je m’étonne à mon tour que l’article 5 anticipe certaines dispositions relatives à la PMA, qui fera l’objet d’un projet de loi ultérieur. Surtout, je souhaite vous faire part de notre désaccord sur le fait que seuls les notaires puissent recueillir le consentement d’un couple ayant recours à la PMA avec intervention d’un tiers donneur.
L’article 5 tend à confier au notaire différents actes non contentieux, au-delà du seul aspect qui vient d’être évoqué par plusieurs collègues. Nous pouvons éventuellement souscrire à une déjudiciarisation, mais il ne peut pas y avoir d’égalité devant le service public de la justice sans gratuité. Or l’établissement d’un acte notarié n’est jamais gratuit : il coûte au minimum 60 euros. Je sais que beaucoup considèrent ici que 5 euros d’APL en moins ou 60 euros de plus pour un acte notarié, c’est peanuts ; ça l’est peut-être pour vous, mes chers collègues, mais pas pour de nombreux Français ! L’article 5 pose, pour nous, un problème essentiel : il rend payants certains actes de justice, en en faisant des actes notariés.
Qui plus est, il est assez paradoxal que, par suite de la rectification que vous avez apportée à l’article après les discussions au Sénat, seuls les actes relatifs à la PMA soient gratuits, alors que tous les autres demeurent payants. Selon nous, la justice doit rester gratuite pour toutes et tous. Si nous devons déjudiciariser un certain nombre d’actes en les confiant au notaire, ceux-ci doivent tous rester gratuits, comme vous l’avez prévu en matière de PMA. Bravo ! Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ? Je nous invite collectivement, mes chers collègues, à rester dans le cadre des débats que nous menons depuis lundi et que nous allons poursuivre tout au long de cette semaine. Ceux-ci portent non pas sur la bioéthique et le projet de loi que le Gouvernement présentera prochainement en la matière, mais uniquement sur des éléments de procédure. C’est bien pour cela que nous intervenons ! Il ne s’agit pas d’anticiper quoi que ce soit ; nous parlons d’une procédure qui existe déjà : le recueil du consentement en matière de PMA avec tiers donneur, qui peut être fait soit par le juge, soit par le notaire. Le débat concerne uniquement la procédure : l’intervention du juge est-elle nécessaire ou non pour ce recueil de consentement ? Il n’y a rien de délicat en la matière, et ce n’est pas une question d’éthique – chacun aura le loisir de débattre de cette dimension le moment venu.
Certains d’entre vous ont estimé que le juge pouvait jouer un rôle protecteur. Or, dans le cadre de cette procédure, il n’y a aucun contrôle d’opportunité : le juge ne fait que recueillir le consentement, exactement de la même manière que le notaire. Aujourd’hui, sur les quelque 3 000 PMA avec tiers donneur par an, le consentement est recueilli dans 50 % des cas par un notaire et dans 50 % des cas par un juge, et la procédure est la même dans tous les cas. L’idée est de simplifier nos procédures et de les rendre plus lisibles. Nous considérons que de tels actes non contentieux peuvent être accomplis par un notaire.
J’ai bien entendu, monsieur Peu, votre interrogation concernant le coût. C’est pour cela que le groupe La République en marche a défendu devant la commission, qui l’a adopté, un amendement visant à exonérer de droits d’enregistrement – ces frais s’élèvent actuellement à 125 euros – le recueil par le notaire du consentement d’un couple ayant recours à la PMA avec tiers donneur. Il est exact que cette exonération ne s’appliquera pas aux actes de notoriété, qui sont également visés par l’article 5, comme vous l’avez relevé avec raison, monsieur Peu. Pourquoi avons-nous fait le choix de centrer l’amendement sur la PMA avec tiers donneur ? Tout simplement parce que les actes de notoriété intéressent actuellement une poignée de personnes, une dizaine par an, alors que la PMA avec tiers donneur en concerne des milliers.
J’émets donc un avis défavorable sur les amendements de suppression. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ne saurais mieux dire que Mme la rapporteure. Je précise néanmoins que l’objet de l’article 5 est non pas de traiter de la question de la PMA, mais de recentrer le juge sur les matières contentieuses, dans lesquelles il peut apporter une plus-value. Or la rédaction des actes de notoriété et le recueil du consentement pour la PMA avec tiers donneur, dont il est question dans cet article, sont précisément des actes pour lesquels il n’y a pas de plus-value judiciaire. C’est pourquoi nous proposons de les transférer au notaire, qui nous semble mieux à même d’apporter une réponse en la matière.
Ce transfert s’inscrit dans la droite ligne de la compétence actuelle des notaires, puisque ceux-ci rédigent déjà la plupart des actes de notoriété, notamment en matière successorale. C’est donc un domaine dans lequel ils disposent à la fois d’une compétence et d’une expérience. Par ailleurs, s’agissant de la PMA avec tiers donneur – au moment où nous parlons, celle-ci existe déjà, vous le savez, pour les couples hétérosexuels –, il y a une plus-value du notaire dans la mesure où celui-ci a une compétence en matière de filiation. Il peut donc expliquer les choses, clarifier la situation pour un couple qui y a recours. Nous pensons que les notaires sauront réellement assurer l’écoute et la prise en charge des personnes qui viendront les voir.
Cet acte est un des modes non contentieux d’établissement de la filiation. Aujourd’hui, les époux ou concubins recourant à une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation.
Cet article vise à modifier le cadre légal actuel afin que le consentement des époux ou des concubins soit exclusivement recueilli par le notaire désormais. En outre, en commission des lois, un amendement du Gouvernement a étendu, dans un souci de coordination, cette disposition à la PMA avec accueil d’embryon. Enfin, un amendement de la rapporteure a exonéré de droits d’enregistrement les deux procédures afin de les rendre accessibles à chaque citoyen sans conditions de revenus.
Cet article permettra d’alléger la charge de travail des juges, tout en recentrant les juridictions sur leurs missions essentielles. Enfin, il simplifie le droit, ce qui est le principal objectif de ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Martine Wonner. Dans cet article, le notaire se voit confier la charge de recevoir le consentement des époux ou concubins ayant recours au don de gamète ou d’embryon dans le cadre d’une procréation médicalement assistée.
Alors que nous examinerons dans quelques mois la révision de la loi relative à la bioéthique, je souhaite soulever la question, hypothétique à ce jour, de la fin de l’anonymat du don de gamètes. Au vu des dernières recommandations du Comité consultatif national d’éthique et des débats actuels dans la société, il n’est pas impossible que, dans les prochains mois, soit donnée à la personne majeure née d’un don de gamètes qui en ferait la demande la possibilité d’avoir accès à son origine.
Le notaire pourrait-il être celui qui répertorierait les modalités du don, donc l’identité du donneur ? Sans préjuger de ce que seront nos débats, peut-être cet élément doit-il être envisagé aujourd’hui puisque le texte dont nous discutons ce soir a bien un lien avec les questions de bioéthique, en l’occurrence la PMA. Nous en venons aux amendements.
Je suis tout d’abord saisi de plusieurs amendements identiques, nos 187, 339, 806, 883 et 1331.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 187. Cet amendement, déposé par M. Breton et cosigné par plusieurs membres du groupe LR, vise à supprimer cet article. Il nous paraît délicat d’anticiper les débats qui ont été annoncés sur la bioéthique, en particulier sur la question de la PMA. Si les textes devaient être modifiés à la suite de l’extension de la PMA, ils s’inscriraient nécessairement dans une réforme plus large. Nul besoin donc à ce stade d’aborder ce sujet. Voilà pourquoi il est proposé de supprimer cet article. La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 339. Madame la garde des sceaux, vous souhaitez transférer aux notaires l’établissement des actes de notoriété et le recueil du consentement en matière d’assistance médicale à la procréation.
Simplifier la procédure d’assistance à la procréation avec accueil d’embryon – ce n’est pas rien – en supprimant l’autorisation judiciaire ne semble pas opportun. Il convient de maintenir la compétence judiciaire en matière de filiation. La filiation d’un enfant est un sujet très important sur lequel le juge possède un pouvoir d’appréciation dont le notaire est dépourvu.
L’évolution actuelle conjuguant la déjudiciarisation et la contractualisation du droit de la famille pourrait fragiliser les familles, accroître le nombre de contentieux, à rebours de l’objectif de diminution des coûts que vous affichez, et affaiblir la protection judiciaire des enfants et des intérêts du plus faible.
Le rôle du juge n’est pas nécessairement de trancher un litige, il est aussi de protéger les enfants. La juridiction gracieuse a précisément pour objet l’instauration d’un contrôle judiciaire en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du requérant. S’agissant de la filiation d’un enfant et de la preuve l’établissant, le contrôle du juge nous semble indispensable. C’est la raison pour laquelle je propose la suppression de cet article. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 806. Je partage l’argumentation développée par MM. Bazin et Gosselin. J’ai du mal à comprendre : alors que le Gouvernement annonce une loi relative à la bioéthique, initialement au début de 2019 et désormais dans le courant de 2019, pourquoi légifère-t-on avant de connaître les décisions qui seront prises dans ce cadre ? C’est la raison pour laquelle je suggère de supprimer cet article. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 883. La filiation désigne le lien de parenté qui unit un enfant à ses parents. Il ne s’agit donc pas d’une mince affaire. Il est question d’identité. C’est pourquoi la convention internationale des droits de l’enfant dont la France est signataire affirme le droit, pour l’enfant, de connaître, dans la mesure du possible, ses parents.
C’est la raison pour laquelle il revenait au juge de recueillir le consentement d’un couple qui, dans le cadre d’une PMA, voulait recourir au don de gamète ou d’embryon. Le recours à ces techniques n’a rien d’anodin, puisque l’un des parents, voire les deux dans le cas d’un accueil d’embryon, n’a pas le même patrimoine génétique que son enfant.
En vertu de cet article, le recueil du consentement reviendrait exclusivement au notaire. Sous couvert de simplification, vous déjudiciarisez au détriment de l’intérêt de l’enfant.
Or, force est de constater que le nombre de contentieux en matière de filiation ne cesse d’augmenter. Il est à craindre que cet article ne prépare en réalité la prochaine révision des lois de bioéthique. Actuellement, l’intervention d’un tiers donneur ne concerne que 5 % des PMA. Il est évident que ce chiffre augmentera considérablement si la PMA est ouverte aux couples de femmes et aux femmes célibataires puisqu’elle réclamera systématiquement l’intervention du tiers donneur. C’est pourquoi je demande la suppression de cet article et le maintien de la compétence judiciaire en matière de filiation. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 1331. Je m’étonne à mon tour que l’article 5 anticipe certaines dispositions relatives à la PMA, qui fera l’objet d’un projet de loi ultérieur. Surtout, je souhaite vous faire part de notre désaccord sur le fait que seuls les notaires puissent recueillir le consentement d’un couple ayant recours à la PMA avec intervention d’un tiers donneur.
L’article 5 tend à confier au notaire différents actes non contentieux, au-delà du seul aspect qui vient d’être évoqué par plusieurs collègues. Nous pouvons éventuellement souscrire à une déjudiciarisation, mais il ne peut pas y avoir d’égalité devant le service public de la justice sans gratuité. Or l’établissement d’un acte notarié n’est jamais gratuit : il coûte au minimum 60 euros. Je sais que beaucoup considèrent ici que 5 euros d’APL en moins ou 60 euros de plus pour un acte notarié, c’est peanuts ; ça l’est peut-être pour vous, mes chers collègues, mais pas pour de nombreux Français ! L’article 5 pose, pour nous, un problème essentiel : il rend payants certains actes de justice, en en faisant des actes notariés.
Qui plus est, il est assez paradoxal que, par suite de la rectification que vous avez apportée à l’article après les discussions au Sénat, seuls les actes relatifs à la PMA soient gratuits, alors que tous les autres demeurent payants. Selon nous, la justice doit rester gratuite pour toutes et tous. Si nous devons déjudiciariser un certain nombre d’actes en les confiant au notaire, ceux-ci doivent tous rester gratuits, comme vous l’avez prévu en matière de PMA. Bravo ! Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ? Je nous invite collectivement, mes chers collègues, à rester dans le cadre des débats que nous menons depuis lundi et que nous allons poursuivre tout au long de cette semaine. Ceux-ci portent non pas sur la bioéthique et le projet de loi que le Gouvernement présentera prochainement en la matière, mais uniquement sur des éléments de procédure. C’est bien pour cela que nous intervenons ! Il ne s’agit pas d’anticiper quoi que ce soit ; nous parlons d’une procédure qui existe déjà : le recueil du consentement en matière de PMA avec tiers donneur, qui peut être fait soit par le juge, soit par le notaire. Le débat concerne uniquement la procédure : l’intervention du juge est-elle nécessaire ou non pour ce recueil de consentement ? Il n’y a rien de délicat en la matière, et ce n’est pas une question d’éthique – chacun aura le loisir de débattre de cette dimension le moment venu.
Certains d’entre vous ont estimé que le juge pouvait jouer un rôle protecteur. Or, dans le cadre de cette procédure, il n’y a aucun contrôle d’opportunité : le juge ne fait que recueillir le consentement, exactement de la même manière que le notaire. Aujourd’hui, sur les quelque 3 000 PMA avec tiers donneur par an, le consentement est recueilli dans 50 % des cas par un notaire et dans 50 % des cas par un juge, et la procédure est la même dans tous les cas. L’idée est de simplifier nos procédures et de les rendre plus lisibles. Nous considérons que de tels actes non contentieux peuvent être accomplis par un notaire.
J’ai bien entendu, monsieur Peu, votre interrogation concernant le coût. C’est pour cela que le groupe La République en marche a défendu devant la commission, qui l’a adopté, un amendement visant à exonérer de droits d’enregistrement – ces frais s’élèvent actuellement à 125 euros – le recueil par le notaire du consentement d’un couple ayant recours à la PMA avec tiers donneur. Il est exact que cette exonération ne s’appliquera pas aux actes de notoriété, qui sont également visés par l’article 5, comme vous l’avez relevé avec raison, monsieur Peu. Pourquoi avons-nous fait le choix de centrer l’amendement sur la PMA avec tiers donneur ? Tout simplement parce que les actes de notoriété intéressent actuellement une poignée de personnes, une dizaine par an, alors que la PMA avec tiers donneur en concerne des milliers.
J’émets donc un avis défavorable sur les amendements de suppression. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ne saurais mieux dire que Mme la rapporteure. Je précise néanmoins que l’objet de l’article 5 est non pas de traiter de la question de la PMA, mais de recentrer le juge sur les matières contentieuses, dans lesquelles il peut apporter une plus-value. Or la rédaction des actes de notoriété et le recueil du consentement pour la PMA avec tiers donneur, dont il est question dans cet article, sont précisément des actes pour lesquels il n’y a pas de plus-value judiciaire. C’est pourquoi nous proposons de les transférer au notaire, qui nous semble mieux à même d’apporter une réponse en la matière.
Ce transfert s’inscrit dans la droite ligne de la compétence actuelle des notaires, puisque ceux-ci rédigent déjà la plupart des actes de notoriété, notamment en matière successorale. C’est donc un domaine dans lequel ils disposent à la fois d’une compétence et d’une expérience. Par ailleurs, s’agissant de la PMA avec tiers donneur – au moment où nous parlons, celle-ci existe déjà, vous le savez, pour les couples hétérosexuels –, il y a une plus-value du notaire dans la mesure où celui-ci a une compétence en matière de filiation. Il peut donc expliquer les choses, clarifier la situation pour un couple qui y a recours. Nous pensons que les notaires sauront réellement assurer l’écoute et la prise en charge des personnes qui viendront les voir.