XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019
Séance du mercredi 31 octobre 2018
- Présidence de Mme Annie Genevard
- 1. Projet de loi de finances pour 2019
- Seconde partie (suite)
- Culture (suite)
- Mission « Culture » (état B)
- Amendement no 622
- M. Gilles Carrez, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Mme Brigitte Kuster, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
- Amendement no 297
- M. Pierre Person, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 327, 439, 295, 624, 544, 181, 526, 303, 184, 543, 569, 330, 329, 204 et 521
- Après l’article 74
- Mission « Médias, livre et industries culturelles » (état B)
- Amendement no 210
- Mme Marie-Ange Magne, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 211, 212, 151, 305, 304, 437, 533 et 562
- M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » (état D)
- Après l’article 84
- Seconde partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
2e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (nos 1255, 1302).
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des crédits relatifs à la culture (no 1302, annexes 11 et 12 ; no 1303, tomes I et III), aux médias, au livre et aux industries culturelles (no 1302, annexe 30 ; no 1303, tome III ; no 1304, tome VIII), ainsi qu’au compte d’affectation spéciale « Avances à l’audiovisuel public » (no 1302, annexe 30 ; no 1303, tome III).
Nous en arrivons aux questions.
Je suis saisie d’une seule question du groupe UDI, Agir et indépendants. La parole est à Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre de la culture, un article récemment publié par Le Monde fait état du constat très préoccupant dressé par Olivier Donnat, sociologue au ministère de la culture : celui du profond échec de la démocratisation de l’accès à la culture. Je le cite : depuis trente ans, « le fossé se creuse ». « Les milliards investis dans les équipements de l’État ou l’offre numérique croissante n’y font rien : ce sont surtout les milieux aisés et cultivés qui en profitent. »
Vous faites de la lutte contre les déterminismes – quels qu’ils soient – et de l’émancipation une priorité absolue. Comme vous le savez, notre groupe partage cette ambition essentielle. Nous n’ignorons pas que le temps de la reconquête sera long et que notre responsabilité est immense. Toutefois, à l’issue des dix-huit premiers mois, le chemin emprunté pour atteindre ces objectifs très ambitieux comme les moyens alloués pour ce faire soulèvent de véritables questions.
S’agissant du plan bibliothèque, nous ne disposons à ce jour d’aucun véritable bilan. Une enveloppe budgétaire de 8 millions d’euros, c’est très faible. En outre, les 2 millions supplémentaires que vous avez évoqués ne figurent pas au bleu budgétaire de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Par ailleurs, aucune évaluation qualitative n’a été menée concernant l’attractivité et la fréquentation des établissements. Or il ne suffit pas d’« ouvrir plus » ; il est fondamental de savoir si nous sommes parvenus à toucher de nouveaux publics et, si oui, lesquels.
Le plan « Culture près de chez vous » s’est vu attribuer une enveloppe de 6 millions d’euros : c’est dérisoire. J’irai plus loin : cette voie est-elle vraiment la bonne ? Par-delà l’intitulé du dispositif, quels en sont les résultats concrets ? Une fréquentation accrue ? Pour quels publics ? Dans quels territoires ? Par ailleurs, nous ne disposons d’aucun moyen de déterminer objectivement si le pass culture atteindra les objectifs ambitieux de réduction des fractures culturelles et d’émancipation qui lui ont été assignés.
De nombreux chantiers sont ouverts, sur de multiples fronts. Pour tous, on affiche des ambitions fortes, mais, concrètement, aucun n’aboutit véritablement.
Monsieur le ministre, à force de parler de « modernité » et de dénoncer les « conservatismes » qui bloqueraient toute évolution et toute adaptation, le Gouvernement ne fait-il pas preuve d’une incompréhension majeure des enjeux et de la réalité des secteurs de la culture et de l’audiovisuel ? Que proposerez-vous concrètement pour sortir de ces ornières, donner de la chair aux mots et faire de la coopération avec les acteurs de la culture, ainsi que de la démocratisation de l’accès à la culture, une réalité ? La parole est à M. le ministre de la culture. Madame la députée, comme vous l’avez indiqué, nous partageons un objectif : agir le mieux possible en matière de démocratisation culturelle et travailler à l’accès à la culture pour tous. Telle est la politique du Gouvernement, très clairement affichée dans le budget pour 2019.
Celui-ci affecte des crédits à l’expérimentation du pass culture. Il s’agit d’un outil moderne adapté à l’évolution des usages de la population, notamment des plus jeunes, et donnant accès à tous types de services culturels. Utilisons les outils qu’emploient les jeunes afin de leur donner accès aux offres culturelles !
Bien entendu – et c’est tout l’objet de l’expérimentation qui sera lancée dans les semaines à venir –, nous devrons prendre le temps d’évaluer les premiers pas du pass culture dans les cinq départements retenus, dont quatre en métropole et un outre-mer. En toute transparence, le Parlement sera informé des résultats de l’expérimentation. Nous sommes pleinement décidés à travailler avec les parlementaires, notamment ceux qui siègent à la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, en vue d’affiner le dispositif avant de le généraliser.
Mais la politique du Gouvernement en matière d’accès à la culture, telle qu’elle transparaît dans ce budget, n’est pas circonscrite au pass culture. Vous avez évoqué, madame la députée, le dispositif « Culture près de chez vous ». J’y crois beaucoup. Il constitue un moyen de créer l’événement dans les territoires, en mettant à la disposition du public des œuvres majeures.
S’agissant des bibliothèques, elles constituent de véritables têtes de pont en matière d’accès à la culture dans les territoires, en ville comme à la campagne. Nous devons accompagner les partenaires que sont pour nous les collectivités territoriales en vue d’accroître la capacité d’accès de tous les publics aux bibliothèques et aux médiathèques. Comme je l’ai indiqué cet après-midi à la tribune, j’étais hier à Meudon pour témoigner de ce que savent faire les élus locaux en la matière, par le biais de l’ouverture des médiathèques à tous les publics.
Par ailleurs, le budget consacré à l’accès à la culture a doublé de 2017 à 2019, pour atteindre 145 millions d’euros, ce qui constitue un effort colossal. Certes, il comporte les crédits destinés au financement du pass culture. Vous constatez néanmoins, madame la députée, que nous consentons un effort budgétaire très important en faveur de l’accès à la culture en 2019.
Faites-moi confiance, je viendrai régulièrement devant vous afin de détailler l’évaluation des politiques menées. Le Parlement a son rôle à jouer dans l’évaluation des politiques publiques. Le Gouvernement procédera en transparence, afin que nous les affinions ensemble et, le cas échéant, redéployions les crédits afin de faire de la politique d’accès à la culture une véritable réussite.
Nous en arrivons aux questions.
Je suis saisie d’une seule question du groupe UDI, Agir et indépendants. La parole est à Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre de la culture, un article récemment publié par Le Monde fait état du constat très préoccupant dressé par Olivier Donnat, sociologue au ministère de la culture : celui du profond échec de la démocratisation de l’accès à la culture. Je le cite : depuis trente ans, « le fossé se creuse ». « Les milliards investis dans les équipements de l’État ou l’offre numérique croissante n’y font rien : ce sont surtout les milieux aisés et cultivés qui en profitent. »
Vous faites de la lutte contre les déterminismes – quels qu’ils soient – et de l’émancipation une priorité absolue. Comme vous le savez, notre groupe partage cette ambition essentielle. Nous n’ignorons pas que le temps de la reconquête sera long et que notre responsabilité est immense. Toutefois, à l’issue des dix-huit premiers mois, le chemin emprunté pour atteindre ces objectifs très ambitieux comme les moyens alloués pour ce faire soulèvent de véritables questions.
S’agissant du plan bibliothèque, nous ne disposons à ce jour d’aucun véritable bilan. Une enveloppe budgétaire de 8 millions d’euros, c’est très faible. En outre, les 2 millions supplémentaires que vous avez évoqués ne figurent pas au bleu budgétaire de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Par ailleurs, aucune évaluation qualitative n’a été menée concernant l’attractivité et la fréquentation des établissements. Or il ne suffit pas d’« ouvrir plus » ; il est fondamental de savoir si nous sommes parvenus à toucher de nouveaux publics et, si oui, lesquels.
Le plan « Culture près de chez vous » s’est vu attribuer une enveloppe de 6 millions d’euros : c’est dérisoire. J’irai plus loin : cette voie est-elle vraiment la bonne ? Par-delà l’intitulé du dispositif, quels en sont les résultats concrets ? Une fréquentation accrue ? Pour quels publics ? Dans quels territoires ? Par ailleurs, nous ne disposons d’aucun moyen de déterminer objectivement si le pass culture atteindra les objectifs ambitieux de réduction des fractures culturelles et d’émancipation qui lui ont été assignés.
De nombreux chantiers sont ouverts, sur de multiples fronts. Pour tous, on affiche des ambitions fortes, mais, concrètement, aucun n’aboutit véritablement.
Monsieur le ministre, à force de parler de « modernité » et de dénoncer les « conservatismes » qui bloqueraient toute évolution et toute adaptation, le Gouvernement ne fait-il pas preuve d’une incompréhension majeure des enjeux et de la réalité des secteurs de la culture et de l’audiovisuel ? Que proposerez-vous concrètement pour sortir de ces ornières, donner de la chair aux mots et faire de la coopération avec les acteurs de la culture, ainsi que de la démocratisation de l’accès à la culture, une réalité ? La parole est à M. le ministre de la culture. Madame la députée, comme vous l’avez indiqué, nous partageons un objectif : agir le mieux possible en matière de démocratisation culturelle et travailler à l’accès à la culture pour tous. Telle est la politique du Gouvernement, très clairement affichée dans le budget pour 2019.
Celui-ci affecte des crédits à l’expérimentation du pass culture. Il s’agit d’un outil moderne adapté à l’évolution des usages de la population, notamment des plus jeunes, et donnant accès à tous types de services culturels. Utilisons les outils qu’emploient les jeunes afin de leur donner accès aux offres culturelles !
Bien entendu – et c’est tout l’objet de l’expérimentation qui sera lancée dans les semaines à venir –, nous devrons prendre le temps d’évaluer les premiers pas du pass culture dans les cinq départements retenus, dont quatre en métropole et un outre-mer. En toute transparence, le Parlement sera informé des résultats de l’expérimentation. Nous sommes pleinement décidés à travailler avec les parlementaires, notamment ceux qui siègent à la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, en vue d’affiner le dispositif avant de le généraliser.
Mais la politique du Gouvernement en matière d’accès à la culture, telle qu’elle transparaît dans ce budget, n’est pas circonscrite au pass culture. Vous avez évoqué, madame la députée, le dispositif « Culture près de chez vous ». J’y crois beaucoup. Il constitue un moyen de créer l’événement dans les territoires, en mettant à la disposition du public des œuvres majeures.
S’agissant des bibliothèques, elles constituent de véritables têtes de pont en matière d’accès à la culture dans les territoires, en ville comme à la campagne. Nous devons accompagner les partenaires que sont pour nous les collectivités territoriales en vue d’accroître la capacité d’accès de tous les publics aux bibliothèques et aux médiathèques. Comme je l’ai indiqué cet après-midi à la tribune, j’étais hier à Meudon pour témoigner de ce que savent faire les élus locaux en la matière, par le biais de l’ouverture des médiathèques à tous les publics.
Par ailleurs, le budget consacré à l’accès à la culture a doublé de 2017 à 2019, pour atteindre 145 millions d’euros, ce qui constitue un effort colossal. Certes, il comporte les crédits destinés au financement du pass culture. Vous constatez néanmoins, madame la députée, que nous consentons un effort budgétaire très important en faveur de l’accès à la culture en 2019.
Faites-moi confiance, je viendrai régulièrement devant vous afin de détailler l’évaluation des politiques menées. Le Parlement a son rôle à jouer dans l’évaluation des politiques publiques. Le Gouvernement procédera en transparence, afin que nous les affinions ensemble et, le cas échéant, redéployions les crédits afin de faire de la politique d’accès à la culture une véritable réussite.
J’appelle les crédits de la mission « Culture », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisie de plusieurs amendements.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 622. Il vise à autoriser la vente par la ville de Paris de certains abords du Grand Palais. Celui-ci fait l’objet d’un grand projet de restauration et de développement mené par la Réunion des musées nationaux et dont nous avons déjà parlé. Il est nécessaire que les abords du Grand Palais soient la propriété de celle-ci ou de l’État, afin de permettre la réalisation complète du projet.
En pratique, les abords du Grand Palais seront fortement sollicités par les nécessités de fonctionnement du bâtiment, notamment sous trois angles : l’accueil des visiteurs, la sécurité du public et les livraisons – chargement et déchargement – induites par l’activité du lieu.
Le Gouvernement s’est rapproché de la ville de Paris à ce sujet. Il a prévu avec elle l’acquisition d’une superficie de 8 650 mètres carrés, pour un montant global de 4,6 millions d’euros, dont environ 3 seraient financés directement par le Grand Palais et environ 1,6 par l’État. C’est ce que permet l’amendement no 622. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission. Avis favorable. La parole est à Mme Brigitte Kuster, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il est normal que la commission des affaires culturelles n’ait pas examiné cet amendement. Je ne m’exprimerai donc pas en tant que rapporteure pour avis, mais en tant que députée de Paris. Sur ce sujet qui nous intéresse tous, de nombreuses interrogations, et parfois des critiques – émises peut-être à juste titre –, ont été formulées par certains de nos collègues élus de province s’agissant des sommes allouées à certains établissements parisiens, dont celles destinées à financer la rénovation du Grand Palais.
L’amendement du Gouvernement s’inscrit dans la logique des dispositions que nous avons votées au Conseil de Paris. Nous ne pouvons que nous réjouir que ledit projet de rénovation prenne forme. Toutefois, pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, sur quelle ligne budgétaire vous prélevez cette somme de 1,6 millions d’euros qui n’a rien d’anodin ? Très bonne question ! J’ai bien compris que le Grand Palais finance l’opération à hauteur de 3 millions d’euros – que nous retrouverons par ailleurs. S’agissant de cet amendement particulier, j’aimerais savoir d’où provient la somme de 1,6 million d’euros. La parole est à Mme Valérie Rabault. Monsieur le ministre, je formulerai deux observations. Tout d’abord, cet amendement nous parvient au dernier moment, alors que ce n’est pas au dernier moment, j’imagine, que vous avez décidé d’attribuer 1,6 million d’euros supplémentaire au financement du Grand Palais.
Ensuite, je confirme que la rénovation du Grand Palais fait l’objet de critiques. Certes, elle est nécessaire. En revanche, il est incompréhensible qu’il soit nécessaire, chaque année, de remettre au pot. Nous devons disposer d’un plan de financement.
J’ai donc déposé un amendement, que nous examinerons tout à l’heure, visant à obtenir une mise en perspective ainsi qu’un plan de financement global de cette rénovation. Si nous voulons que les finances publiques soient bien gérées, il s’agit là d’un préalable.
Surtout, vous piochez dans le budget global du programme « Patrimoines », monsieur le ministre, ce qui prive d’autres monuments de financements qui pourraient leur être nécessaires. Le financement du patrimoine doit être lisible ; ce n’est guère le cas aujourd’hui.
Enfin, je profite de cette intervention pour dire mon regret que la plupart des commentaires que l’on peut lire dans le bleu budgétaire soient rédigés par des directeurs par intérim. Il serait temps que les administrations du ministère de la culture soient dirigées par des directeurs titulaires. (L’amendement no 622 est adopté.) La parole est à M. Michel Larive, pour soutenir l’amendement no 297. Par cet amendement, nous appelons l’attention de chacun sur les défauts du pass culture. Ce dispositif, qui sera expérimenté auprès de 10 000 jeunes à partir de 2019, représente un investissement important pour le budget de l’État. Nous en critiquons la philosophie ainsi que les conséquences financières.
Il nous semble bien plus adapté de développer une véritable politique publique de la gratuité des biens culturels. Renforçons les moyens alloués aux activités périscolaires afin d’accompagner les plus jeunes et de les initier à la culture ! C’est l’éveil des consciences et l’accès gratuit à la culture qu’il faut assurer, et non la consommation irréfléchie des biens culturels.
Monsieur le ministre, votre pass culture ne remplira pas ses promesses. Il ne fera pas disparaître les inégalités culturelles entre les jeunes, bien au contraire. Ce sont ceux qui ont déjà les bonnes références – le bon « habitus », pour reprendre Bourdieu – qui en bénéficieront le plus. Il faut réduire les inégalités d’accès à la culture dès le plus jeune âge, pas les financer. La parole est à M. Pierre Person, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission. Monsieur Larive, votre argumentation présente un paradoxe. Vous affirmez très justement que la gratuité est le moyen de démocratiser l’accès à la culture. Mais si une mesure comme celle que vous proposez suffisait, cela se saurait ! Ainsi, dans le cadre de sa politique culturelle, Nicolas Sarkozy a instauré la gratuité des musées pour les jeunes ; figurez-vous que le public n’en a strictement pas changé !
Le pass culture ne se réduit pas à la gratuité des biens culturels. Il donne la possibilité à toute une génération d’y accéder. Ce processus s’inscrit dans le temps long. L’école, parmi d’autres institutions, n’en est pas absente. Ainsi, l’âge de dix-huit ans marquera la finalisation de ce parcours. Ce dispositif permettra aux jeunes d’accéder à diverses offres culturelles, notamment grâce à son fléchage vers une offre culturelle qui n’entre pas dans leurs habitudes.
Par ailleurs, il n’est pas uniquement destiné aux jeunes : il servira à tous les Français, par le biais d’une application permettant de faire émerger une offre culturelle pour l’heure invisible dans les territoires.
Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Sans reprendre les arguments de M. le rapporteur spécial, j’indique à M. Larive que je ne comprends pas qu’il s’appuie sur les résultats du pass culture avant même que celui-ci ait été expérimenté. On peut certes débattre des moyens alloués et du dispositif lui-même, mais, à ce stade, contester ses résultats et affirmer qu’il n’a pas trouvé son public est un peu surprenant – vous me l’accorderez, monsieur Larive.
Le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à l’amendement, qui vise à supprimer les moyens destinés à l’expérimentation. La parole est à Mme Constance Le Grip. Je profite de l’occasion pour redire le grand scepticisme du groupe Les Républicains vis-à-vis du pass culture. Notre collègue Valérie Bazin-Malgras l’a exposé cet après-midi à la tribune : nous émettons les plus expresses réserves au sujet de la pertinence, de la viabilité et du financement de ce dispositif.
Son expérimentation, dont nous avions compris qu’elle devait commencer au mois de septembre, est sans cesse reportée. Ce produit – si j’ose dire – est le signe à nos yeux d’une conception consumériste de l’accès à la culture et pose des problèmes eu égard à la mobilité ou à la fracture numérique, loin d’un véritable acte d’imprégnation artistique.
Nous nourrissons donc de profondes interrogations. La parole est à M. Michel Larive. Monsieur le rapporteur spécial, je n’ai pas pour habitude de défendre Nicolas Sarkozy mais, en l’occurrence, je mets vos chiffres en doute. La gratuité a, je crois, fait augmenter la fréquentation des musées.
J’ai des doutes, comme ma collègue assise face à moi dans l’hémicycle ; et un doute à 400 millions, pour le ministère de la culture, c’est un gros doute ! Cette somme ne pourrait-elle pas être mieux affectée, et par exemple servir à rééquilibrer les dotations entre Paris et la province ? C’est une question légitime : je rappelle que le ministère dépense 139 euros par habitant à Paris, contre 15 euros en province. La parole est à Mme Michèle Victory. La région Rhône-Alpes a expérimenté un chèque culture ; nous avons constaté, malheureusement, qu’il ne changeait pas grand-chose au fait que les jeunes vont systématiquement vers ce qu’ils connaissent déjà. Eh oui ! Nous avions vraiment le plus grand mal à leur montrer des films qu’ils n’avaient pas l’habitude de voir, à leur faire découvrir des musiques différentes, à les attirer à des concerts classiques… Si le pass culture ne prend pas la suite d’actions éducatives, scolaires notamment, très précises, alors je crains qu’il n’ait que peu de chance de réussir. Je voulais simplement préciser ce détail. Ce n’est pas un détail ! La parole est à M. le ministre. Je voudrais répondre aux questions tout à fait légitimes qui viennent d’être formulées.
S’agissant du coût, il est de 34 millions d’euros dans le budget pour 2019. Il ne faut donc pas faire peur aux gens ! C’est déjà plus que ce qu’a rapporté le loto du patrimoine ! D’autre part, le modèle économique du pass culture repose aussi sur la participation des partenaires de l’État. L’expérimentation permettra de vérifier ce point : nous voulons savoir comment ils joueront le jeu, comment ils s’impliqueront, par le mécénat, par des dons faits aux jeunes… Avec la montée en puissance du dispositif, l’État ne devra pas dépenser 400 millions ou 450 millions d’euros chaque année. L’évaluation de la part future de l’État dans le financement est un aspect très important de l’expérimentation.
Concernant le dispositif du chèque culture, madame la députée, le pass culture n’est justement pas un chèque. Certes, nous allons regarder avec attention toutes les initiatives qui ont été prises dans les territoires, et dont certaines ont rencontré un vrai succès, pour l’accès à la culture des plus jeunes. Mais c’est précisément pour les raisons que vous évoquez que nous avons opté pour une application.
Les jeunes utilisent très spontanément les smartphones, les tablettes, les ordinateurs pour accéder à l’information et aux services ; c’est là que nous les toucherons. Ensuite, nous prévoyons une éditorialisation de l’offre. Des algorithmes aideront les jeunes à choisir : ils leur proposeront ce qui est dans leur intérêt premier, ou éventuellement ce qui se situera dans la suite d’actions d’éducation artistique et culturelle – je vous rejoins sur ce point, madame. Le pass culture est en quelque sorte l’aboutissement d’un parcours d’éducation artistique et culturelle.
Voilà pour la théorie ; nous allons essayer de mettre la pratique en accord avec elle. La parole est à Mme Brigitte Kuster. J’anticipe sur mon amendement no 327, madame la présidente, pour revenir sur le coût du pass culture, dont j’ai parlé cet après-midi dans mon exposé liminaire. La somme indiquée par M. le ministre, qui n’est déjà pas négligeable, sert à le financer pour un nombre limité de jeunes, 10 000 environ dans cinq départements. Si l’on divise la somme par ce nombre, on parvient à une estimation de 3 400 euros par tête de pipe, si vous me permettez l’expression – pour un pass culture qui doit offrir 500 euros à chacun et à propos duquel que vous venez de rappeler, monsieur le ministre, votre souhait de faire appel au mécénat, aux dons et aux structures d’État, ce qui renchérirait encore le coût global du dispositif pour les milieux culturels.
Je ne comprends donc pas bien les chiffres évoqués à propos du financement du pass : comment se répartissent-ils entre l’expérience menée cette année – sur laquelle je reviendrai en défendant mon amendement – et le financement futur, censé qui plus est faire appel à de nouvelles structures ? Par ailleurs, quel est le calendrier prévu ? La parole est à Mme Anne Brugnera. Nous sommes un peu déçus de voir que cet amendement, ainsi que le suivant, madame Kuster, visent à supprimer ou à réduire… Je ne veux rien supprimer ! …à supprimer ou à réduire, disais-je, les moyens que nous entendons allouer au pass culture.
La culture, c’est la première voie vers l’émancipation ; comme vient de le dire M. le ministre, le dispositif prendra pour nos enfants et nos jeunes la suite de tout un programme d’éducation artistique et culturel. Ce qui est particulièrement pertinent ici, c’est que le pass culture permettra à chaque jeune d’opérer des choix au sein d’une offre culturelle. Aucune autorité n’imposera quoi que ce soit. Il s’agit d’ouvrir le champ des possibles.
Mes chers collègues, laissons cette expérimentation vivre. Nous en ferons bien sûr le bilan, mais ne la condamnons pas par avance : elle va concerner près de 10 000 jeunes dans plusieurs territoires. La parole est à M. le ministre. Sur ce sujet important, je tiens à prendre le temps de répondre précisément à toutes les questions.
Madame Kuster, je vous rassure, il n’est pas question de donner plus de 500 euros aux jeunes ! Je n’ai pas dit cela ! On ne va pas leur donner 3 400 euros. Simplement, il faut tenir compte du coût de développement de l’application… C’est une application bien chère ! …et cette dépense est faite, bien sûr, principalement au début de l’opération : pour mener l’expérimentation, il faut développer l’application. Nous verrons par la suite si l’enveloppe de 34 millions d’euros est entièrement consommée ; nous ferons preuve de la plus grande transparence sur le sujet.
Mais, je le redis, rassurez-vous : nous ne donnerons pas plus de 500 euros aux 10 000 jeunes qui participeront à l’expérimentation. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit ! (L’amendement no 297 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 327. Je présenterai mes amendements à titre personnel, depuis les bancs du groupe Les Républicains, et non pas au nom de la commission.
Ma collègue du groupe La République en marche a fait comme si nous demandions la suppression du pass culture, et non une simple réduction du budget qui lui est alloué !
Monsieur le ministre, je n’ai jamais pensé qu’il était question de donner 3 400 euros à chaque participant. Mais, aux yeux de certains d’entre nous qui ont l’habitude des applications, le coût de départ, par personne, paraît élevé. Voilà pourquoi je vous demandais tout à l’heure un peu de lisibilité budgétaire pour les années à venir.
Nous savons que l’expérimentation se tiendra dans cinq départements, mais aucune présentation détaillée du pass culture n’a été faite devant la commission des affaires culturelles. Monsieur le rapporteur spécial, j’ai découvert dans votre rapport des informations que je n’ai pas retrouvées sur le site du ministère. Vous écrivez, page 30, que le pass culture « est actuellement testé auprès des jeunes de dix-huit ans dans cinq départements pilotes – Seine-Saint-Denis, Bas-Rhin, Finistère, Hérault, Guyane ». Est-ce déjà le cas ?
Vous ajoutez que « ces volontaires disposeront d’un pass d’une valeur de 500 euros, afin de mener un test grandeur nature. Les 5 millions d’euros de crédits prévus en 2018 seront renforcés par un budget de 29 millions d’euros prévus pour 2019, soit un total de 34 millions d’euros [...] ». Mais voici comment vous détaillez ensuite l’emploi des 500 euros – et je ne l’ai découvert qu’en lisant le rapport cet après-midi. Un excellent rapport ! (Sourires sur le banc des commissions.) « Les achats seront plafonnés par catégorie : 200 euros pour les offres en ligne comme les abonnements à Deezer, Netflix, Canalplay, 100 euros pour les biens culturels, livres ou CD, et un plafond illimité pour les sorties culturelles ou les cours de pratique artistique ». Vous prévoyez donc d’attribuer 200 euros, sur 500, aux plateformes numériques, qui ne financent aucune création française, ou presque. Le Gouvernement veut soutenir les GAFA ! Dans toutes nos discussions en commission des affaires culturelles sur la défense de la création – et encore ce matin pendant l’audition de Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions –, nous pointons systématiquement le rôle des GAFA ; et vous prévoyez de donner 200 euros par jeune aux offres en ligne ?
Il faut nous donner des précisions, monsieur le ministre ; et j’aimerais aussi que M. le rapporteur spécial nous explique comment il s’est procuré ces informations que nous n’avons même pas reçues, nous, membres de la commission des affaires culturelles. (Brouhaha. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit.) Excellente question ! Quel est l’avis de la commission ? Je suis content que mon rapport ait autant de succès, merci ! (Sourires.)
Je ne me permettrai pas de penser que vous pourriez être de mauvaise foi, mais il faut de l’argent pour développer une application. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Tout à l’heure, vous divisiez le budget par le nombre de personnes qui pourraient bénéficier de l’expérimentation. Mais vous avez bien compris que le coût global permettra de pérenniser l’application que nous développons !
L’an dernier, nous n’avons pas voulu instaurer un chèque culture, comme cela a été fait en Italie ; nous avons choisi de mener une expérimentation, ce qui sera fait à partir du mois prochain sans doute, dans les cinq départements que vous avez cités. Ce n’est pas ce qui est écrit dans le rapport ! Le rapport est faux ! Si, c’est bien ce que je vous dis : elle sera mise en œuvre le mois prochain dans ces cinq départements.
Tout sera plafonné ; il ne s’agit pas de donner à chaque jeune 500 euros destinés aux GAFA ! Vous leur donnez 200 euros, tout de même ! Il y aura un plafonnement ! L’objectif, c’est qu’il y ait un parcours, comme le disait M. Larive. L’objectif, c’est que l’on ne consomme pas une même culture, celle que l’on a déjà développée – car c’est là que résident les déterminismes. Le vrai accès à la culture, c’est l’accès à toutes les cultures.
L’application permettra de guider les utilisateurs et elle fléchera l’emploi des sommes. Ce sera un instrument intelligent.
Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable.
Madame Kuster, vraiment, essayons ensemble… (Mme Brigitte Kuster montre le rapport.) J’essaye, vraiment ! Je ne vous fais aucun procès d’intention. Mais travaillons à ce projet, ensemble, en toute transparence. Nous vous dirons les choses telles qu’elles sont ; nous écouterons les remarques de tous les acteurs, des partenaires du dispositif, des parlementaires. C’est un projet ambitieux, qui nécessitera un investissement public important. Nous n’allons donc pas le conduire dans notre coin ; au contraire, nous partagerons les caractéristiques et l’évaluation de l’expérimentation, et nous parlerons des conditions de la généralisation.
Le dispositif n’est pas figé ; il ne sera pas immuable pendant dix-huit mois, et nous le revendiquons ! Tout va bouger, car le système devra être adapté. L’expérimentation sera utile, et, au moment de la généralisation – si généralisation il y a –, nous devrons aussi réaliser une évaluation. L’évolution de l’algorithme devra être permanente !
Il faut que le Parlement dispose de toute l’information. Je prends donc l’engagement devant la représentation nationale d’être transparent s’agissant à la fois de l’expérimentation, de ses résultats, de la généralisation du dispositif, des statistiques résultant de l’observation de l’attitude des jeunes en matière de consommation ou touchant le comportement des partenaires.
Le pass culture vise d’ailleurs notamment à nous permettre de connaître les comportements des jeunes en matière de consommation culturelle ou d’accès à la culture. Grâce à cette observation, nous pourrons adapter nos politiques d’accès à la culture et d’offre culturelle. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller. Je voudrais revenir sur l’idée, plutôt noble, du pass culture.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué cet après-midi le futur anniversaire de la création du ministère de la culture. Je rappelle que le décret du 24 juillet 1959 portant organisation du ministère chargé des affaires culturelles dispose que ce ministère aura notamment pour mission de « rendre accessibles [au plus grand nombre] les œuvres capitales de l’humanité […] ». « Et d’abord de la France ! » En revanche, nous sommes sceptiques s’agissant de ce pass et de l’application dont vous parlez. Le problème majeur auquel nous sommes confrontés est celui des infrastructures numériques. La couverture du territoire n’est pas achevée : il existe encore des zones blanches. De ce fait, une partie de la population ne pourra pas bénéficier du dispositif, ce qui aggravera les disparités puisque l’offre culturelle dans ces zones est déjà très limitée. Ce n’est pas sérieux ! Par ailleurs, le pass peut être détourné et revendu, comme le montre l’exemple italien cité cet après-midi par ma collègue Valérie Bazin-Malgras.
Je rappelle après Brigitte Kuster que l’expérimentation, qui concerne 10 000 jeunes dans cinq départements, représente un coût moyen de 3 400 euros alors que le pass culture coûte 500 euros : l’écart est important, même en tenant compte du coût de développement de l’application.
Il serait intéressant, monsieur le ministre, que nous puissions disposer des projections financières réalisées dans l’hypothèse où le dispositif serait déployé pour toute une classe d’âge, en intégrant le coût de l’application. La parole est à Mme Sylvie Tolmont. Toute consommation de produits culturels suppose une offre culturelle. Cette remarque concerne en particulier les territoires ruraux. Eh oui ! Par ailleurs, d’après ce que vient de dire Mme Kuster, il semblerait que le rapporteur spécial dispose d’informations dont nous autres, parlementaires, n’avons pas eu connaissance. Monsieur le ministre, vous parliez à l’instant de transparence. Pourriez-vous expliquer comment la majorité peut déjà savoir que les achats sur les plateformes en ligne seront plafonnés ? La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras. Je m’interroge sur l’attribution de 500 euros à chaque jeune. Monsieur le ministre, je vous ai demandé cet après-midi, sans obtenir de réponse, comment vous vous assurerez que les billets donnés ne seront pas revendus sur les marchés parallèles comme c’est arrivé en Italie. Quelles mesures prendrez-vous afin d’éviter que les fonds attribués à chaque jeune ne soient détournés ? La parole est à Mme Frédérique Dumas. On ne connaît pas encore les modalités du pass culture, mais, par essence, il ne peut qu’aggraver les fractures. Mes collègues ont rappelé la fracture numérique et l’existence de zones blanches – celles, précisément, où, la plupart du temps, l’offre culturelle fait défaut.
S’agissant de la fracture culturelle, les chèques culture – un dispositif que l’on nous présente comme novateur – ont été expérimentés dans toutes les régions. Il en ressort soit qu’ils ne sont pas utilisés, si les propositions culturelles sont un peu difficiles ou inhabituelles – cela présente l’avantage de ne rien coûter, mais ne remédie pas à la fracture culturelle ; soit qu’ils le sont parce que les offres auxquelles ils sont applicables sont consommées de toute façon.
J’ajouterai que le principe consistant à donner 500 euros à tout le monde va à l’encontre de la logique de la majorité, qui écarte le recours aux impôts indirects. Alors que le Gouvernement préfère augmenter la contribution sociale généralisée plutôt que la taxe sur la valeur ajoutée ou supprimer la taxe d’habitation, considérée comme un impôt injuste, il est prêt à donner 500 euros à tout le monde, même à ceux qui n’en ont pas besoin.
Je le répète : quelles que soient les expérimentations, par essence, le pass culture aggravera les fractures et n’autorisera pas l’émancipation. S’il permet l’aboutissement d’un parcours d’éducation culturelle, les jeunes ne consommeront une offre culturelle diversifiée que dans quinze ou vingt ans, lorsque toutes les actions d’éducation artistique et culturelle auront porté leurs fruits. Or, quand on décroche, c’est bien avant l’âge de dix-huit ans. Bravo ! La parole est à M. Fabrice Brun. Monsieur le ministre, je partage le scepticisme ambiant concernant le pass culture. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Je partage aussi l’analyse selon laquelle la fracture numérique aggrave les inégalités, y compris en matière d’accès à la culture.
Notre collègue Brigitte Kuster vient par ailleurs de lever un gros lièvre, qui semble courir vite. (Sourires.) Vous nous dites, monsieur le ministre, que des crédits de votre ministère, destinés à financer la création et l’exception culturelle française, permettront à des jeunes d’acheter des services numériques offerts par les GAFA. Je voudrais savoir si tel est bien le cas. C’est le cœur de la question. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Chers collègues, je réitère ici l’engagement, que j’ai pris en commission, d’organiser très rapidement une audition afin que vous disposiez des éclairages – dont certains sont connus depuis plusieurs semaines. C’est le cas du plafonnement à 200 euros. Pour les GAFA ? Vous irez voir : il a fait l’objet d’une communication de Mme Françoise Nyssen, début septembre, en marge d’une réunion… En marge ! Mon cher collègue, les chiffres en sont publics et cités dans de nombreux articles de presse grand public ! En marge, disais-je,… J’ai cru entendre « en marche » ! (Sourires.) C’est une obsession ! …– j’ai bien dit « en marge » – d’une réunion du comité d’orientation sur le pass culture.
Si la France ne prenait pas d’initiative en la matière, on pourrait imaginer que les géants du numérique proposent eux-mêmes, d’ici quelques mois ou quelques années, leur propre pass culture doté de son propre algorithme, sur lesquels nous n’aurions aucunement la main.
Nous nous interrogeons par ailleurs sur les entreprises telles Deezer ou Netflix, qui proposent une offre publique légale. Est-ce au ministère de la culture de les soutenir ? Si l’on fait découvrir à des jeunes de découvrir qu’il est possible de consommer des produits culturels en ligne de façon légale, on pourrait activer un levier intéressant : Deezer, par exemple, rémunère les artistes qu’il diffuse. Il ne faut donc pas généraliser.
Je le répète, j’ai pris un engagement devant la commission, que je réitère ici devant la représentation nationale. Avec M. le ministre, nous organiserons très rapidement une réunion d’information et de travail approfondie sur le pass culture.
Cet outil représente une opportunité fondamentale. Puisque l’on évoque la fracture numérique, je précise qu’il sera accessible non seulement sur téléphone portable, mais également sur tous les supports informatiques. En outre, son expérimentation va nous permettre de faire des observations dont nous aurons à discuter. Dans le Bas-Rhin, par exemple, où l’expérimentation a lieu depuis quelques semaines, nous nous sommes rendu compte qu’il existait une offre culturelle absolument extraordinaire et insoupçonnée, notamment en matière de formation et de médiation culturelles.
Je comprends votre besoin d’éclaircissements supplémentaires, mes chers collègues. Ils vous seront donnés très rapidement au sein de la commission. En tout cas, le pass culture est un bel outil, un beau projet ! Le sujet est d’importance, c’est pourquoi j’ai laissé le débat suivre son cours.
Mes chers collègues, je compte sur chacun d’entre vous pour que soient examinés plus rapidement les amendements suivants portant sur le même sujet. À ce rythme, en effet, la nuit ne suffira pas à examiner l’ensemble des amendements.
Je donnerai donc la parole à deux intervenants encore, après quoi nous devrons clore la discussion.
La parole est à Mme Géraldine Bannier. En écoutant les députés de l’opposition, je me disais que je ne venais pas du même pays qu’eux. Dans le territoire rural dont je viens, des chèques culture étaient distribués dans les collèges. Ce système, appuyé sur un partenariat avec les professeurs, fonctionnait très bien.
J’ai entendu dire que donner 500 euros à tous les élèves ne serait pas une bonne idée. Mais c’est un outil formidable, surtout quand on est issu d’un milieu défavorisé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Pour ceux qui sont dans ce cas, recevoir cette somme pour avoir accès à la culture – à la musique, au livre, notamment –, c’est une proposition formidable, que je soutiens. (Mêmes mouvements.) La parole est à Mme Clémentine Autain. J’entends beaucoup parler depuis tout à l’heure de « consommation » de la culture : c’est le cœur du problème. L’accès à la culture n’est pas seulement une question de consommation, mais également de rencontre, de disponibilité, de facilité, sur un territoire ou dans sa vie sociale, à accéder au champ du sensible, de la pensée critique, du regard critique sur le monde. Il ne suffit pas de donner de l’argent aux jeunes en leur disant de se débrouiller avec la consommation culturelle.
Le problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui est la diversité de la production culturelle, qui est menacée, concrètement, par le modèle néolibéral et par l’austérité. Oh là là... L’égalité entre les territoires pose aussi un vrai problème, tant pour les territoires ruraux que pour les zones périurbaines. Le territoire dont je suis élue, situé à la périphérie de la métropole, rencontre aussi des difficultés de cette nature.
Comment peut-on donner un chèque d’un côté et, de l’autre, mettre en danger tout ce qui permet d’encourager la vitalité de la création culturelle ? Je regrette profondément que nous devions statuer sur une mesure un peu démagogique (Protestations sur les bancs du groupe LaREM) , qui relève de la communication, de l’affichage, et ne permet pas de résoudre le problème de fond : la rencontre entre le public et une création culturelle qui ne soit pas homogène, dont la diversité soit favorisée.
La proposition qui nous est faite est révélatrice d’une orientation qui, comme l’a souligné mon collègue Michel Larive cet après-midi, échouera à battre en brèche ce qui fait obstacle non seulement à la démocratisation de la culture mais aussi à la diversité de la création, laquelle n’est pas un enjeu mineur dans notre pays. Après toutes ces interventions et pour clore la discussion, la parole est à M. le ministre. Je ne ferai que quelques remarques complémentaires.
Tout d’abord, le pass culture ne résoudra pas tous les problèmes du pays, notamment en matière d’accès à la culture. En particulier, il ne remédiera pas à celui des zones blanches. Pour lutter contre celles-ci, le Gouvernement investit avec les collectivités territoriales dans le cadre de son plan France Très Haut débit. Ne mélangeons donc pas tout ! On parle des zones blanches culturelles, pas seulement numériques ! Vous avez raison, madame Autain : la diversité culturelle est l’un des grands enjeux dans notre pays. Je peux vous assurer que le Gouvernement est déterminé à mobiliser le plus possible de moyens, que ce soit dans la culture ou dans l’audiovisuel, pour assurer la diversité de la création et celle de l’accès aux différentes œuvres, qui est essentielle.
En revanche, je ne suis pas d’accord avec vous concernant le pass culture : j’espère que nous parviendrons à vous en convaincre, il est bien l’un des moyens – pas le seul – de répondre à la question de l’accès à la culture.
Je ne parle pas seulement d’accéder à la culture payante ou à la consommation de biens culturels : le pass culture est aussi un formidable outil d’information pour les jeunes. Dans les territoires où la connaissance des différentes offres de productions ou de pratiques culturelles, ou l’accès à ces offres, leur font défaut, nous proposons d’y remédier à travers un outil moderne, qu’ils utilisent. Ces jeunes sont sur les smartphones, les tablettes, sur internet. Allons donc à leur rencontre pour les informer de ce qui est proposé par les différents acteurs de la culture, qu’ils s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou des associations, voire de particuliers. Et si ces offres ou pratiques culturelles sont payantes, nous donnerons de l’argent aux jeunes pour faciliter l’accès social à la culture. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Tentons cette expérience, et voyons si elle est concluante ! (L’amendement no 327 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour soutenir l’amendement no 439. Les crédits de l’action « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle » sont en baisse pour la deuxième année consécutive. Pour 2019, vous prévoyez, monsieur le ministre, une diminution de 22 millions d’euros en crédits de paiement. Nous regrettons particulièrement la réduction, de l’ordre de 3 millions d’euros, des crédits alloués aux bourses sur critères sociaux mais aussi de ceux dédiés à l’assistance aux étudiants en situation de handicap. Une fois encore, voilà un décalage concret entre les paroles – vous ne cessez de répéter que le handicap est une priorité du quinquennat – et la réalité des chiffres.
Nous souhaitons également souligner, comme nous l’avons fait en commission, une incohérence dans votre budget. À la page 191 du bleu, il est indiqué que 500 000 euros sont dévolus à l’aide à la recherche du premier emploi – ARPE. Pourtant, l’article 78 du projet de loi de finances supprime cette aide, que nous avions créée en 2016. Cette incohérence nous inquiète et révèle des dysfonctionnements dans la coordination gouvernementale.
Nous proposons donc d’abonder les crédits de l’action 01, « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle », du programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », en diminuant d’autant les crédits de l’action 01, « Monuments historiques et patrimoine monumental », du programme 175, « Patrimoines ». Quel est l’avis de la commission ? Madame Tolmont, je ne peux pas vous laisser dire que les crédits alloués aux bourses baissent. Ce n’est pas vrai. Ce n’est parce que nous rationalisons les crédits du CNOUS – le Centre national des œuvres universitaires et scolaires –, excédentaire depuis plusieurs années, que les étudiants, notamment ceux en situation de handicap, verront leur bourse diminuer.
Certes, les crédits de l’action 01 connaissent une baisse de 22 millions d’euros, mais celle-ci est due à un réexamen des échéanciers de travaux en cours, notamment dans les écoles d’architecture de Toulouse et de Marseille, c’est-à-dire ceux dont la programmation est déjà prête. Les crédits de l’action 02 augmentent de 30 millions d’euros.
Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Les subventions pour charges de service public progressent de 1,8 million d’euros : c’est vraiment notable. S’agissant de l’ARPE, elle est mentionnée dans le projet annuel de performances au titre du programme 224 car la réforme prévue par l’article 78 du projet de loi de finances n’a pas pu être anticipée. Les crédits correspondants n’en restent pas moins nécessaires pour financer le dispositif d’aide exceptionnelle à la mobilité destiné aux personnes qui, dans le cadre de la procédure nationale de préinscription Parcoursup, souhaite s’inscrire à une formation de l’enseignement supérieur.
Avis défavorable. (L’amendement no 439 n’est pas adopté.) La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 295. Par cet amendement, nous souhaitons alerter l’Assemblée nationale sur les attaques régulières dont les crédits dédiés à l’archéologie préventive sont trop souvent victimes.
La cible choisie par le Gouvernement pour l’indicateur de performance en matière d’archéologie préventive est extrêmement modeste au regard des objectifs atteints les années précédentes. Le Gouvernement prévoit en effet qu’entre 6 et 8 % des dossiers d’aménagement devront faire l’objet d’un arrêté de prescription de diagnostic ou de fouilles archéologiques. Or, en 2016, alors même que les budgets étaient déjà très contraints, le nombre de dossiers faisant l’objet d’une prescription de diagnostic s’élevait à 10,5 %. En d’autres termes, vous prévoyez de diagnostiquer moins pour construire plus et plus vite, au détriment de la conservation de notre patrimoine.
Il faut valoriser l’action 09, « Patrimoine archéologique », du programme « Patrimoines », afin d’assurer la pérennité de l’archéologie préventive. Quel est l’avis de la commission ? L’amendement aurait pour effet d’affaiblir l’écosystème en diminuant les crédits. Je ne peux qu’y être défavorable. Je ne comprends pas votre réponse, monsieur le rapporteur spécial. Je pourrais avoir une réponse compréhensible ? Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable.
Depuis 2016, la situation financière des opérateurs de l’archéologie préventive a été considérablement assainie grâce à différentes mesures : budgétisation de la redevance d’archéologie préventive ; désendettement du Fonds national pour l’archéologie préventive – désormais à l’équilibre ; apurement intégral de la dette de l’INRAP – Institut national de recherches archéologiques préventives – auprès de l’agence France Trésor. En outre, le PLF pour 2019 marque un effort de sincérité budgétaire puisque les crédits alloués à l’archéologie préventive sont abondés à hauteur de 5 millions d’euros, alors que cette somme était jusqu’à présent prélevée en fin de gestion sur les crédits dévolus aux monuments historiques. La parole est à M. Loïc Prud’homme. J’entends l’effort de sincérité, mais les chiffres sont là : le nombre de dossiers qui feront l’objet d’un diagnostic baisse drastiquement. Vous pouvez jouer au bonneteau en passant les crédits d’une ligne à l’autre,... Ce n’est pas du tout du bonneteau ! ...mais, en définitive, les chantiers donnant lieu à de l’archéologie préventive seront moins nombreux. (L’amendement no 295 n’est pas adopté.) La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 624. Cet amendement, qui s’inscrit dans le cadre du programme Action publique 2022, vise à engager une démarche de simplification de la gestion des personnels. Il permet de confier à plusieurs opérateurs de l’action « Patrimoines » la gestion pleine et entière de leurs moyens humains.
En effet, une partie des effectifs de plusieurs établissements culturels est actuellement gérée directement par l’administration centrale. Cette situation crée d’indéniables lourdeurs et rigidités de gestion.
Une réforme obéissant à la même logique a déjà été mise en œuvre au bénéfice du Louvre en 2003 et de la Bibliothèque nationale de France en 2007. Il s’agit de l’étendre au Centre des monuments nationaux à compter du 1er avril prochain, ainsi qu’au musée d’Orsay et à l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles à partir du 1er janvier 2020.
Les objectifs en sont, d’une part, le renforcement de l’autonomie de gestion des établissements, en leur donnant une entière visibilité sur leurs moyens humains, et, d’autre part, le développement d’une gestion des ressources humaines au plus près des agents.
Pour ce faire, l’amendement vise à attribuer au programme 175, « Patrimoines », 17,4 millions d’euros de masse salariale correspondant aux 350 équivalents temps plein dont la gestion sera transférée de l’administration centrale au Centre des monuments nationaux. Quel est l’avis de la commission ? Monsieur le ministre, il est regrettable que cet amendement n’ait pas été soumis à la commission, car il est important. J’estime certes qu’il va dans la bonne direction – le Louvre a montré l’exemple. Toutefois, il pose plusieurs questions.
D’abord, le statut et les droits des fonctionnaires seront-ils bien maintenus lors du transfert de gestion ? Voilà ! Ensuite, quels types d’actes de gestion resteront de la compétence de l’administration centrale ?
Enfin, je vous soumets une difficulté fiscale : dès lors que les personnels sont transférés, les opérateurs doivent acquitter la taxe sur les salaires. Des amendements ultérieurs prévoient d’ailleurs des crédits pour financer le paiement de ladite taxe. A priori , l’opération est neutre pour l’État, à ceci près que la taxe sur les salaires est affectée au budget de la sécurité sociale tandis que la dépense sera inscrite dans votre budget. Quel est donc l’avis de la commission ? À titre personnel, puisque la commission ne l’a pas examiné, avis favorable. La parole est à Mme Valérie Rabault. Je rejoins l’avis du rapporteur spécial sur les points qui restent à éclaircir. Il est regrettable qu’un tel amendement soit déposé au dernier moment. Nous aurions besoin de connaître l’équilibre budgétaire global du dispositif.
S’agissant du Centre des monuments nationaux, il y a deux ans, un amendement proposant la création de postes d’équivalents temps plein afin que l’Arc de triomphe puisse être ouvert plus tôt avait été refusé. Cela devrait désormais être possible du fait du transfert des agents. Mais, compte tenu des débats qu’avait suscités à l’époque une telle initiative, il serait souhaitable que vous nous apportiez des précisions. La parole est à Mme Brigitte Kuster. À mon tour, je m’étonne de découvrir en séance un amendement de cette importance. À l’occasion des auditions pour préparer mon rapport, j’ai pu mesurer les difficultés posées par l’absence de gestion directe par le Centre des monuments nationaux. Les connaissances de Gilles Carrez sont si pointues que je ne me hasarderai pas à entrer dans le détail. Toutefois, peut-on imaginer que, grâce à ce transfert, la rémunération en « heures mécénat » sera facilitée pour le personnel ?
Pouvez-vous nous préciser, d’une part, si une concertation a été organisée avec le personnel concerné, et, d’autre part, comment le dispositif est perçu dans les établissements intéressés ? La parole est à M. le ministre. Oui, une concertation a eu lieu. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’amendement a été déposé tardivement. J’approuve la remarque du rapporteur spécial sur la nécessité, dans la mesure du possible, que de tels amendements puissent être discutés en commission. Vous pouvez compter sur moi pour faire le maximum, dans les futures discussions budgétaires ou lors de l’examen des éventuels projets de loi que je serais amené à présenter à cette assemblée, pour que les amendements du Gouvernement puissent être examinés en commission avant d’être débattus dans l’hémicycle.
Il faut le réaffirmer clairement – vous avez raison de poser la question –, il ne sera pas porté atteinte aux garanties statutaires des fonctionnaires. Nous simplifions la gestion des ressources humaines. Le statut et les conditions de travail des agents ne seront en aucune manière affectés.
Quant à la taxe sur les salaires, elle est budgétée dans le PLF 2019. En ce qui concerne d’éventuels frottements fiscaux, j’avoue que je ne connais pas la réponse précise. Je ne manquerai pas de vous l’apporter très rapidement, monsieur le rapporteur spécial. Nous n’avons pas obtenu de réponse à toutes nos questions ! (L’amendement no 624 est adopté.) La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 544. Dans le programme 224, j’ai pointé les crédits de paiement destinés à tous les opérateurs – parmi lesquels le Conservatoire national de Paris et celui de Lyon. Il s’avère que les montants correspondent à l’euro près à ceux prévus dans la loi de finances pour 2018, alors même que l’inflation est proche de 2 %. Cela signifie de facto une baisse des crédits de ces opérateurs.
L’amendement vise donc à revaloriser les crédits en tenant compte de l’inflation afin de préserver les opérateurs, dont de nombreux établissements d’enseignement artistique, de la musique et de la danse, d’une baisse de leur financement. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement de Mme Rabault serait excellent, s’il ne présentait l’inconvénient d’amputer le budget consacré aux monuments historiques de 13 millions d’euros,… C’est un gage ! Demandez au ministre de le lever ! …ce qui est beaucoup trop. On pourrait accepter un petit effort, mais 13 millions, c’est vraiment hors de portée. Levez le gage, monsieur le ministre ! (L’amendement no 544, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 181. Le transfert de crédits que je propose est avant tout symbolique : mon intention est non pas de dévêtir le programme 224 pour habiller le programme 175, mais d’appeler votre attention sur la baisse importante des crédits alloués à l’action 03 de ce dernier programme, « Patrimoine des musées de France ». Il est prévu que cette enveloppe soit réduite de 11,8 millions d’euros en 2019 ; c’est une bien mauvaise décision.
Je vous donne un exemple local parmi d’autres, mais que je connais bien : les musées de Béziers. (« Ah ! » sur plusieurs bancs.) Le projet de Béziers est de réunir son musée des beaux-arts et son musée du Biterrois, tous deux labellisés « musées de France », pour n’en faire qu’un seul établissement, ambitieux et modernisé. Le coût de cette opération est important : environ 10 millions d’euros. Pour mener ce projet à bien, la ville a plus que jamais besoin des aides de l’État. Celui-ci joue le jeu pour le moment, je tiens à le souligner, mais la baisse des crédits du programme 175 nous alerte.
Si cette baisse devait se poursuivre dans les années à venir, elle pourrait avoir des conséquences sur les projets du genre de celui que nous avons engagé à Béziers. Et si, après nous avoir accompagnés dans les études préalables, les phases de lancement du projet et sa programmation, l’État devait nous lâcher en cours de route, le préjudice serait réel pour notre ville. Or, je le redis, c’est un projet véritablement ambitieux : le futur musée, qui sera installé en plein centre historique, de manière tout à fait cohérente avec le plan « action cœur de ville » dont nous bénéficions, constituera un atout important pour le développement touristique et un élément essentiel du développement économique de notre commune et de tout le territoire biterrois. Pour protéger la vitalité culturelle de nos territoires, l’action 03 du programme 175 doit absolument être préservée. Quel est l’avis de la commission ? Les enseignements culturels, l’accès aux œuvres et la transmission des savoir-faire en musique, en danse et en dessin sont essentiels eu égard à l’objectif de réduction des inégalités, qui est au cœur de notre pacte républicain. Les activités culturelles jouent, quant à elles, un rôle essentiel pour l’emploi, l’économie et le rayonnement de notre pays. Réduire leur budget reviendrait à se priver de moyens dont l’efficacité a été prouvée pour lutter contre les inégalités de naissance. Il s’agirait non seulement d’un symbole, mais d’une mesure qui aurait des répercussions réelles. Pour ma part, je considère que les programmes 131 et 224 ne peuvent pas être les parents pauvres de la culture, même au bénéfice du patrimoine. Je n’ai pas dit le contraire ! Je suis donc défavorable à cet amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. J’ai expliqué en introduction de mon propos, monsieur le rapporteur spécial, qu’il s’agissait d’un amendement symbolique : mon intention était non pas de déshabiller Paul pour habiller Pierre, Jacques ou qui vous voudrez, mais simplement d’appeler votre attention sur les répercussions très importantes et dommageables que la diminution des crédits de l’action 03 du programme 175 est susceptible d’avoir sur les projets locaux des communes de moyenne importance – Béziers est une ville moyenne. Vous n’avez que la protection des villes moyennes à la bouche. Vous avez d’ailleurs démontré son importance de façon très concrète en lançant le plan « action cœur de ville », dont Béziers bénéficie – je le souligne et je m’en félicite. Toutefois, vous ne pouvez pas favoriser le développement des cœurs de ville de la main gauche tout en supprimant de la main droite des crédits destinés aux musées de France : ce sont des actions contradictoires. Soyez cohérents : vous devez mener une politique globale. La suppression de ces crédits me semble préjudiciable. La parole est à M. le ministre. Le niveau des crédits en question dépend des investissements réalisés. Les crédits de paiement baisseront effectivement de 11,8 millions d’euros, car l’opération de rénovation de la « chenille » du centre Georges-Pompidou arrive à son terme. En revanche, les autorisations d’engagement augmenteront de 11 millions pour tenir compte des investissements futurs. C’est un peu technique, mais la volonté du Gouvernement est bien d’allouer les moyens nécessaires pour financer les projets d’investissement des musées. Nous ajustons le niveau des crédits de paiement et des autorisations d’engagement en fonction des différents projets. (L’amendement no 181 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 526. Il est défendu. (L’amendement no 526, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Michel Larive, pour soutenir l’amendement no 303. Il vise à transférer des crédits des programmes « Patrimoines » et « Création » au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». C’est un amendement d’appel : nous souhaitons que le Gouvernement prête attention aux objectifs qu’il s’est fixés en matière de fréquentation des bibliothèques. La fréquentation visée pour les grandes bibliothèques parisiennes est en augmentation, et nous le soutenons sur ce point. En revanche, les objectifs de fréquentation sont en baisse pour toutes les autres bibliothèques, ce que nous ne pouvons évidemment pas accepter. Nous considérons qu’il est nécessaire d’accorder la même confiance et le même intérêt à toutes les bibliothèques, qu’elles soient parisiennes ou rurales. Rappelons les chiffres que plusieurs d’entre nous ont déjà cités : les dépenses culturelles s’établissent à 139 euros par habitant et par an en Île-de-France, contre 15 euros en province. Quel est l’avis de la commission ? Je partage votre avis, monsieur Larive : il faut accroître l’effort et faciliter l’accès à toutes les bibliothèques en étendant leurs horaires. Il s’agit d’une priorité du Président de la République et de notre majorité, comme la ministre de la culture l’a rappelé dans son discours de la fin du mois de septembre. Les résultats sont là : 265 bibliothèques ont déjà étendu leurs horaires – l’objectif initial de 200 bibliothèques a donc été dépassé. Cette extension permettra, à terme, une augmentation de la fréquentation, les habitudes changeant sur longue durée, à Paris comme dans tout le territoire.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que 8 millions d’euros supplémentaires ont été alloués l’an passé à la dotation globale de déconcentration en faveur des bibliothèques et que 2 millions de plus y seront consacrés en 2019. Les moyens sont donc au rendez-vous.
En outre, le programme 131, dont je rapporte les crédits, ne peut se voir ponctionner 5 millions d’euros, fût-ce au bénéfice du programme 224. Mon avis est donc défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je n’ai rien à ajouter. Même avis. La parole est à Mme Brigitte Kuster. Nous ne pouvons évidemment que nous réjouir, sur tous les bancs de cette assemblée, de la priorité donnée à l’extension des horaires des bibliothèques. Néanmoins, j’aimerais que chacun s’exprime avec honnêteté : ce sont avant tout les collectivités territoriales qui ont dégagé des moyens visant à accroître la fréquentation des bibliothèques. Les collectivités n’ont pas été systématiquement aidées et, malgré cela, certaines d’entre elles ont consenti des efforts.
Les chiffres nous sont parvenus concernant les bibliothèques nationales. En revanche, ceux qui portent sur l’ensemble des bibliothèques sont difficilement lisibles. Eu égard à l’objectif d’augmentation de la fréquentation que nous partageons tous ici, il faudrait accorder la priorité aux bibliothèques dans le cadre du pass culture, plutôt que de donner de l’argent aux GAFA. Vous apporteriez ainsi à votre politique une cohérence d’ensemble. (L’amendement no 303 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 184. Il est prévu d’amputer l’action 04 du programme 175, « Patrimoine archivistique et célébrations nationales », de 6 millions d’euros en 2019. Je comprends parfaitement que le budget imparti aux commémorations de la Grande Guerre ne sera plus d’actualité l’an prochain. Je profite en tout cas de l’occasion pour évoquer les commémorations de la semaine qui vient. Comme tous les Français, nous y sommes très attachés à Béziers, nous qui avons vu partir tant d’hommes dans le 16e corps d’armée, qui regroupait uniquement des soldats de notre région. Ces hommes nous ont offert la première victoire française, lors de la trouée de Charmes, le 26 août 1914, quelques jours avant la bataille de la Marne.
Ces célébrations doivent nous permettre de nous inscrire dans une histoire faite de batailles et de héros, ces poilus dont nous nous devons d’honorer la mémoire. Il ne faut pas qu’ils tombent dans l’oubli, alors que le dernier d’entre eux, Lazare Ponticelli, nous a quittés cette année même ; le souvenir de la Grande Guerre ne doit pas s’éteindre avec lui. Honorons leur mémoire, honorons leur combat.
Les soldats morts pour la France ne sont pas des victimes, comme certains voudraient nous le faire croire. Ils sont allés au front et ont souffert dans les tranchées. Dans toute la France, madame Ménard ! Beaucoup d’entre eux sont morts, mais ils sont morts pour la France. Ils ont fait leur devoir, comme on disait alors. Ils sont morts pour ce beau mot de patrie, et ils ont gagné. Oui, ils ont gagné. Cette victoire leur donne des droits sur nous. Le 11 novembre prochain, nous fêterons non seulement la fin de la guerre, mais, d’abord et avant tout, la victoire de la France. Les mots ont de l’importance : ils forgent une mémoire, celle de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Pour sûr, cela a été une belle victoire… Allons-nous célébrer aussi le traité de Versailles ? Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Dans le cadre des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, j’ai accompagné le Premier ministre jeudi dernier en Lozère, notamment pour honorer la mémoire d’Augustin Trébuchon, considéré comme le dernier poilu mort pour la France avant l’armistice du 11 novembre 1918. Le Premier ministre et moi-même en avons profité pour mettre à l’honneur le travail exceptionnel réalisé par les Archives nationales et les archives départementales dans le cadre du programme de Grand Mémorial, qui a fait suite aux opérations dites de la Grande Collecte d’archives. Ce travail a consisté à numériser et à indexer le registre matricule de tous les poilus ayant combattu pendant la Grande Guerre. Les internautes peuvent désormais avoir accès à tous ces registres numérisés, grâce à un portail national qui les oriente vers les sites des archives départementales.
Nous avons sélectionné quelques-uns de ces registres matricules. Il est émouvant de les consulter, de voir les détails qui y sont mentionnés, l’image numérisée étant de grande qualité. Ce sont des budgets particuliers qui ont permis la numérisation de ces registres et la création du portail. C’est une très grande réussite des Archives nationales, aux côtés des archives départementales et des différents partenaires. C’est un bel exemple de ce qu’ont apporté les commémorations de la Grande Guerre à la mémoire du conflit et à l’entretien de la flamme du souvenir. (L’amendement no 184 n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 543, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le soutenir. Il fait suite, lui aussi, au pointage que j’ai effectué des crédits de paiement prévus en 2019 pour les opérateurs du programme 131, parmi lesquels figurent le Centre national de la danse, le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz – CNV –, la Comédie-Française, l’Ensemble intercontemporain et la Philharmonie de Paris. Ces crédits sont rigoureusement égaux à ceux de 2018, ce qui signifie que vous ne tenez pas compte de l’inflation. Par conséquent, les opérateurs concernés perdront l’équivalent de 2 % de crédits de paiement l’an prochain.
Vous allez probablement relever, monsieur le rapporteur spécial, que j’ai gagé la mesure – en tant que parlementaires, nous sommes contraints de le faire par l’article 40 de la Constitution –, mais le ministre a toute latitude de lever ce gage s’il le souhaite.
Vous ne pouvez pas affirmer que la culture est une priorité dans le contexte actuel sans revaloriser les crédits de paiement alloués à ces opérateurs en tenant compte, au minimum, de l’inflation. On ne peut pas en faire abstraction, compte tenu de l’évolution de leur masse salariale et de leurs charges. D’où le présent amendement. Quel est l’avis de la commission ? J’en conviens, madame Rabault, les opérateurs devront effectivement absorber la hausse tendancielle de l’inflation. Cependant, la politique de contractualisation, que l’État poursuit avec ardeur, vise à rationaliser certains coûts dans chaque établissement public. Je présume que les bénéfices qui en découleront absorberont le montant de l’inflation, ce que nous vérifierons par la suite. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ajouterai un élément aux propos du rapporteur. Le Gouvernement veille à ce que chaque projet de loi de finances inclue une analyse fine de la soutenabilité économique des opérateurs. Il se peut que nous modifiions les dotations en fonction des besoins. C’est ainsi que nous avons augmenté de 800 000 euros la dotation à l’Opéra comique, pour conforter son modèle économique après sa réouverture.
En d’autres termes, nous prévoyons un accompagnement permettant aux opérateurs de mieux gérer certains coûts fixes, nous confortons certains budgets pour leur permettre de se développer et nous couvrons, si nécessaire, des besoins spécifiques. La parole est à Mme Constance Le Grip. À ce stade de nos débats, je reviendrai brièvement sur l’affaire du pass culture (Murmures sur les bancs du groupe LaREM) , puisque certaines questions que nous avons posées sont restées en suspens. Ni le Gouvernement ni le rapporteur spécial ne nous ont apporté de réponses précises. Nous voulons des réponses ! Je pense que les données dont je vais parler peuvent intéresser l’ensemble des parlementaires présents ce soir. Il est prévu que le pass puisse être utilisé, dans la limite d’un plafond de 200 euros, pour financer des abonnements à des sites de musiques en ligne comme Spotify ou Deezer (Brouhaha) , ou à des sites de streaming vidéo comme Netflix ou Amazon Prime Video (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM) . Si le groupe de travail qui s’est réuni début septembre pour finaliser certains points a communiqué sur l’architecture générale du projet, ainsi que sur les plafonds, des questions demeurent sans réponse et certaines bizarreries ne cessent de nous étonner.
À ceux qui l’auraient oublié, je rappelle qu’un abonnement d’un an à Netflix coûte 7,99 euros par mois et un abonnement d’un an à Spotify 9,99 euros par mois. Le montant de 200 euros est donc considérable. Quel rapport cela a-t-il avec l’amendement ? Par ailleurs, les éléments communiqués début septembre contiennent une bizarrerie : les utilisateurs du pass pourraient commander des livres sur Amazon, mais devraient aller les chercher à un guichet culturel, par exemple dans une librairie. Les libraires se sont beaucoup interrogés sur ces modalités très particulières. La parole est à Mme Valérie Rabault. J’ai bien entendu votre réponse sur l’amendement, monsieur le ministre, mais les bleus que vous nous avez transmis ne précisent pas ce que recouvre la contractualisation. Pour les établissements que j’ai cités, une perte de crédits de 2 %, du fait de l’inflation, serait considérable. Ne serait-il pas plus honnête de reconnaître que la culture n’est pas une priorité pour le Gouvernement ? Si celui-ci n’accorde même pas le bénéfice de l’inflation à la Philharmonie, à l’Ensemble intercontemporain ou au CNV, il est en-deçà des ambitions qu’il affiche. Monsieur Brun, est-ce sur l’amendement que vous souhaitez vous exprimer ? Non, je tiens à relayer l’intervention de Mme Le Grip. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Nous attendons du Gouvernement une réponse. Qu’il nous réponde par oui ou par non ! La parole est à M. le ministre, pour répondre à Mme Rabault et, s’il le souhaite, à Mme Le Grip, qui l’a interrogé sur un sujet majeur. Je veux bien répondre à Mme Le Grip, mais son intervention a peu de rapport avec l’amendement. Aucun rapport, même ! À ce compte, autant parler de n’importe quel sujet ! J’ai pris beaucoup de temps au début de notre débat pour répondre aux questions portant sur ce sujet. Je peux le faire à nouveau… Non ! Vous ne nous avez pas répondu ! …encore faut-il que les députés du groupe Les Républicains écoutent des réponses… Bonne remarque ! …que j’essaie de formuler le plus précisément possible.
Nous allons tenter d’éditorialiser l’offre culturelle proposée dans le cadre du pass culture, pour permettre aux jeunes d’accéder à toute la diversité de la production et des pratiques. Pour ce faire, il faut trouver des dispositifs permettant de les orienter vers les offres culturelles diverses qui existent à proximité d’eux.
Nous négocions avec les GAFA en leur demandant de faire « cadeau » à l’État de certaines offres.
Madame la députée, vous faites partie de ceux qui se sont élevés contre le téléchargement illégal, par exemple de musique. En effet ! En s’abonnant à Spotify, Deezer ou Qobuz, on peut accéder à des offres légales en ligne, ce qui permet de financer auteurs, créateurs, artistes interprètes ou producteurs. Pourquoi refuser que les jeunes soient accompagnés vers ces offres légales, surtout si cela ne coûte rien à l’État ?
Telle est l’idée du pass culture. Nous voulons offrir aux jeunes, surtout à ceux qui en ont le plus besoin, la possibilité d’un large accès aux offres et aux pratiques culturelles, en luttant contre le piratage quand c’est nécessaire et, surtout, au coût le plus bas possible. Je mets aux voix l’amendement no 543. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l’adoption 15
Contre 54 (L’amendement no 543 n’est pas adopté.) La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l’amendement no 569. L’amendement traite du même sujet que le précédent. Les subventions aux opérateurs tels que les Conservatoires nationaux de Lyon et de Paris, l’École du Louvre ou les écoles d’architecture ne permettent pas de compenser le niveau attendu de l’inflation. Nous demandons que ces crédits soient rehaussés à un niveau permettant de compenser un taux d’inflation réaliste. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, dans la mesure où l’on ne peut retirer 3 millions d’euros à l’action 09 « Patrimoine archéologique » du programme 175 « Patrimoines ». Mais... Je sais bien, madame Rabault, qu’aux termes de l’article 47 de la loi organique sur la loi de finances de 2001, les parlementaires sont tenus de gager les augmentations de crédits qu’ils proposent par des diminutions relatives à des programmes de la même mission, mais permettez-moi de rappeler que nous manquons de crédits en matière d’archéologie. Le Gouvernement peut lever le gage ! (L’amendement no 569, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 330. Le Gouvernement justifie la baisse de 3 millions d’euros des bourses et aides individuelles aux étudiants de l’enseignement supérieur artistique et culturel par le déclin de la démographie étudiante, sans donner guère plus de détails. C’est un argument dont il est permis de douter au vu de l’accroissement, constant depuis plusieurs années, du nombre d’étudiants faisant leur entrée dans le supérieur.
Cette tendance va même en s’accélérant puisqu’on estime que l’on comptera, d’ici à 2025, 350 000 étudiants en plus. Rien n’indique que les établissements d’enseignement supérieur qui dépendent du ministère de la culture seront épargnés par ce phénomène démographique.
Rappelons enfin que ces bourses et aides individuelles soutiennent notamment des étudiants dépourvus de moyens financiers ou en situation de handicap. Excellent ! Quel est l’avis de la commission ? Je crois avoir déjà répondu sur ce sujet à l’une de nos collègues. La baisse des crédits alloués aux bourses s’effectue selon une logique de sincérisation budgétaire. De fait, la sous-exécution des années précédentes a conduit à ce que le trop-plein de trésorerie du CNOUS atteigne un exercice d’avance.
La diminution n’aura par conséquent aucun effet sur les étudiants – ce qu’il faut rappeler afin de dissiper toute inquiétude – et elle permettra de diriger les crédits vers des investissements. Avis défavorable. (L’amendement no 330, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 329. Lors de la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information, la ministre de la culture de l’époque avait souligné l’importance capitale de l’éducation aux médias. Nous serons tous d’accord, je pense, sur cette priorité.
Elle avait présenté l’éducation comme l’indispensable corollaire des mesures répressives, et à nos yeux attentatoires aux libertés d’expression et de communication, à l’encontre des plateformes et éditeurs de contenus d’information.
Il est donc pour le moins surprenant de vous voir retirer 1 million d’euros aux crédits dédiés à l’axe 3, « décrypter le monde » – dans le programme 224 –, dont l’objectif est précisément de permettre de mieux apprécier le rapport à l’information dans un univers où ses usages, notamment numériques, sont de plus en plus nombreux. Nous aimerions trouver davantage de cohérence entre les principes qui ont été annoncés, les mesures que nous avons votées et la réalité budgétaire que vous nous proposez aujourd’hui. Quel est l’avis de la commission ? Comme vous le relevez, l’axe 3, « décrypter le monde » bénéficie d’un financement à hauteur de 12 millions d’euros pour 2019, tourné vers les usages numériques. Je vous rejoins pour souligner l’importance de cette action, mais nous ne pouvons pas amputer le programme 131 « Création », dédié au spectacle vivant. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Il se trouve qu’en raison de son importance, les crédits de cette action avaient été augmentés de 5 millions entre 2017 et 2018. S’ils baissent d’1 million cette année, ils restent donc supérieurs de 4 millions au montant de 2017. Nous vérifierons, après une évaluation aussi large que précise, s’il est nécessaire de prévoir des crédits supplémentaires pour 2020.
Pour l’heure, ces crédits semblent adaptés à l’utilisation que nous en ferons. La parole est à Mme Brigitte Kuster. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais je m’étonne de celle du rapporteur spécial. L’amendement ne comporte pas de demande de transfert. Je me suis seulement étonnée d’une diminution de crédits de 1 million. Soit il a mal compris l’amendement, soit j’ai mal compris sa réponse. (L’amendement no 329 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 204. Cet amendement – ce doit être celui avec lequel le rapporteur spécial a confondu mon amendement précédent – concerne la revalorisation des salaires des enseignants des écoles d’art territoriales, préoccupation que nous sommes plusieurs, sur les bancs de cet hémicycle, à partager.
Il s’agit d’un amendement d’appel qui vise à obtenir confirmation de l’engagement du Gouvernement de revaloriser le salaire de ces mêmes enseignants.
En septembre, lors du congrès de l’Association nationale des écoles supérieures d’art et design publiques, 800 000 euros de crédits supplémentaires ont été annoncés par le ministère de la culture afin de combler l’écart de rémunération qui subsiste entre les professeurs des écoles d’art nationales et les professeurs des écoles d’art territoriales, alors qu’ils dispensent les mêmes enseignements et délivrent les mêmes diplômes.
Or, à ce jour, ces crédits n’apparaissent pas dans les documents budgétaires. Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous expliquer ce tour de passe-passe ?
Plus largement, le problème est récurrent : je ne suis pas élue depuis très longtemps, mais dès le début de mon mandat, nous avons été saisis de ce dysfonctionnement et de l’aberrant écart de salaire qui en découle entre ceux d’entre eux qui enseignent au niveau territorial et ceux qui enseignent au niveau national. Quel est l’avis de la commission ? Madame la députée, je vous confirme que l’argumentaire que j’ai utilisé précédemment se rapportait à cet amendement. Mon avis le concernant est donc défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, il n’y a pas de tour de passe-passe. C’est heureux. Nous sommes d’accord, je pense, pour déplorer la différence de rémunération existant effectivement entre les professeurs d’art qui relèvent des écoles territoriales et ceux qui enseignent dans les écoles nationales.
Ma prédécesseure s’est bien engagée à y remédier. Je veux simplement me donner un peu de temps pour bien prendre connaissance du dossier et de ses enjeux, afin de voir quelle est la meilleure solution, à la fois juridique et financière, à apporter à ce problème. Je souhaite également rencontrer les différentes parties prenantes afin de co-construire une proposition consensuelle. Je reviendrai donc vers vous dès que possible, madame Kuster. Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, votre avis concernant l’amendement est défavorable. Vous m’avez bien compris, madame la présidente. La parole est à Mme Brigitte Kuster. Monsieur le ministre, je me mets à votre place : vous voulez écouter et consulter, ce qui est normal.
Comment voulez-vous, cependant, que nous ne nous étonnions pas du devenir d’une décision prise par votre prédécesseure au sein du Gouvernement sur la base d’études préalables réalisées par les services ainsi que par les cabinets – des cabinets politiques, issus de la majorité –, une décision annoncée au mois de septembre et représentant 800 000 euros, qui a donné beaucoup d’espoir aux intéressés ?
Je ne voudrais pas, ici, faire de la politique politicienne. Ah ? Je vous fais en effet confiance, monsieur le ministre. Excusez-moi, chers collègues, nous parlons d’un sujet sérieux sur lequel j’essaie d’argumenter. Ce n’est donc pas la peine de faire : ah ! Oh ! S’il vous plaît, chers collègues ! Ce sujet concerne des dizaines de personnes. Il me semble que lorsqu’un engagement a été pris, il faut le respecter : cela s’appelle la continuité de l’État, ou alors je ne comprends pas comment l’on fait de la politique. (M. Maxime Minot applaudit.) Si vous voulez que le politique retrouve sens et dignité, il faut que si l’on annonce quelque chose en septembre, on s’y tienne en novembre.
Monsieur le ministre, je le répète, je vous fais toute confiance. Mais le fait qu’un gouvernement remette en cause un engagement qu’il a pris deux mois auparavant crée tout de même une petite difficulté. La parole est à M. le ministre. Madame Kuster, nous sommes d’accord sur beaucoup de choses. Vous ne pouvez cependant pas dire que nous remettons en cause cet engagement : je viens de vous dire le contraire. Ah bon ? Je viens de vous dire le contraire : l’engagement reste le même. Et les 800 000 euros, vous les remettez en cause ? Laissez-nous, laissez-moi simplement le temps – je ne suis en fonction que depuis deux semaines (Exclamations sur les bancs du groupe LR) – de régler ce point de façon consensuelle avec les différents acteurs concernés. La réponse n’est pas uniquement budgétaire. Nous avons besoin d’étudier très précisément cette question ; je reviendrai ensuite vers vous. Je ne peux cependant pas vous laisser dire, je le répète, que nous reviendrions sur cet engagement : au contraire, il est maintenu. (L’amendement no 204 n’est pas adopté.) La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l’amendement no 521. Nous voulons, par cet amendement, appeler votre attention, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, sur une anomalie. La Martinique, la Guadeloupe et Mayotte sont les seuls départements et régions de France à ne pas disposer d’un conservatoire à rayonnement régional – CRR – ou départemental – CRD – qui permettrait aux jeunes qui y vivent d’étudier dans des conditions correctes la musique, les arts dramatiques ou la chorégraphie.
Nous savons que dans ces territoires – c’est en tout cas évident pour la Martinique et pour la Guadeloupe, moins pour Mayotte –, les jeunes désireux de suivre des études sont obligés de partir. Très souvent, leur exil dure ensuite, lorsqu’ils doivent travailler. Il nous semble regrettable que, pour pouvoir suivre des études artistiques, les jeunes doivent quitter leur département.
C’est la raison pour laquelle nous demandons qu’ils aient la possibilité de suivre, à un niveau académique, un enseignement artistique dans les départements dont ils sont originaires, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Sur ces crédits, je suis saisie de plusieurs amendements.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 622. Il vise à autoriser la vente par la ville de Paris de certains abords du Grand Palais. Celui-ci fait l’objet d’un grand projet de restauration et de développement mené par la Réunion des musées nationaux et dont nous avons déjà parlé. Il est nécessaire que les abords du Grand Palais soient la propriété de celle-ci ou de l’État, afin de permettre la réalisation complète du projet.
En pratique, les abords du Grand Palais seront fortement sollicités par les nécessités de fonctionnement du bâtiment, notamment sous trois angles : l’accueil des visiteurs, la sécurité du public et les livraisons – chargement et déchargement – induites par l’activité du lieu.
Le Gouvernement s’est rapproché de la ville de Paris à ce sujet. Il a prévu avec elle l’acquisition d’une superficie de 8 650 mètres carrés, pour un montant global de 4,6 millions d’euros, dont environ 3 seraient financés directement par le Grand Palais et environ 1,6 par l’État. C’est ce que permet l’amendement no 622. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission. Avis favorable. La parole est à Mme Brigitte Kuster, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il est normal que la commission des affaires culturelles n’ait pas examiné cet amendement. Je ne m’exprimerai donc pas en tant que rapporteure pour avis, mais en tant que députée de Paris. Sur ce sujet qui nous intéresse tous, de nombreuses interrogations, et parfois des critiques – émises peut-être à juste titre –, ont été formulées par certains de nos collègues élus de province s’agissant des sommes allouées à certains établissements parisiens, dont celles destinées à financer la rénovation du Grand Palais.
L’amendement du Gouvernement s’inscrit dans la logique des dispositions que nous avons votées au Conseil de Paris. Nous ne pouvons que nous réjouir que ledit projet de rénovation prenne forme. Toutefois, pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, sur quelle ligne budgétaire vous prélevez cette somme de 1,6 millions d’euros qui n’a rien d’anodin ? Très bonne question ! J’ai bien compris que le Grand Palais finance l’opération à hauteur de 3 millions d’euros – que nous retrouverons par ailleurs. S’agissant de cet amendement particulier, j’aimerais savoir d’où provient la somme de 1,6 million d’euros. La parole est à Mme Valérie Rabault. Monsieur le ministre, je formulerai deux observations. Tout d’abord, cet amendement nous parvient au dernier moment, alors que ce n’est pas au dernier moment, j’imagine, que vous avez décidé d’attribuer 1,6 million d’euros supplémentaire au financement du Grand Palais.
Ensuite, je confirme que la rénovation du Grand Palais fait l’objet de critiques. Certes, elle est nécessaire. En revanche, il est incompréhensible qu’il soit nécessaire, chaque année, de remettre au pot. Nous devons disposer d’un plan de financement.
J’ai donc déposé un amendement, que nous examinerons tout à l’heure, visant à obtenir une mise en perspective ainsi qu’un plan de financement global de cette rénovation. Si nous voulons que les finances publiques soient bien gérées, il s’agit là d’un préalable.
Surtout, vous piochez dans le budget global du programme « Patrimoines », monsieur le ministre, ce qui prive d’autres monuments de financements qui pourraient leur être nécessaires. Le financement du patrimoine doit être lisible ; ce n’est guère le cas aujourd’hui.
Enfin, je profite de cette intervention pour dire mon regret que la plupart des commentaires que l’on peut lire dans le bleu budgétaire soient rédigés par des directeurs par intérim. Il serait temps que les administrations du ministère de la culture soient dirigées par des directeurs titulaires. (L’amendement no 622 est adopté.) La parole est à M. Michel Larive, pour soutenir l’amendement no 297. Par cet amendement, nous appelons l’attention de chacun sur les défauts du pass culture. Ce dispositif, qui sera expérimenté auprès de 10 000 jeunes à partir de 2019, représente un investissement important pour le budget de l’État. Nous en critiquons la philosophie ainsi que les conséquences financières.
Il nous semble bien plus adapté de développer une véritable politique publique de la gratuité des biens culturels. Renforçons les moyens alloués aux activités périscolaires afin d’accompagner les plus jeunes et de les initier à la culture ! C’est l’éveil des consciences et l’accès gratuit à la culture qu’il faut assurer, et non la consommation irréfléchie des biens culturels.
Monsieur le ministre, votre pass culture ne remplira pas ses promesses. Il ne fera pas disparaître les inégalités culturelles entre les jeunes, bien au contraire. Ce sont ceux qui ont déjà les bonnes références – le bon « habitus », pour reprendre Bourdieu – qui en bénéficieront le plus. Il faut réduire les inégalités d’accès à la culture dès le plus jeune âge, pas les financer. La parole est à M. Pierre Person, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission. Monsieur Larive, votre argumentation présente un paradoxe. Vous affirmez très justement que la gratuité est le moyen de démocratiser l’accès à la culture. Mais si une mesure comme celle que vous proposez suffisait, cela se saurait ! Ainsi, dans le cadre de sa politique culturelle, Nicolas Sarkozy a instauré la gratuité des musées pour les jeunes ; figurez-vous que le public n’en a strictement pas changé !
Le pass culture ne se réduit pas à la gratuité des biens culturels. Il donne la possibilité à toute une génération d’y accéder. Ce processus s’inscrit dans le temps long. L’école, parmi d’autres institutions, n’en est pas absente. Ainsi, l’âge de dix-huit ans marquera la finalisation de ce parcours. Ce dispositif permettra aux jeunes d’accéder à diverses offres culturelles, notamment grâce à son fléchage vers une offre culturelle qui n’entre pas dans leurs habitudes.
Par ailleurs, il n’est pas uniquement destiné aux jeunes : il servira à tous les Français, par le biais d’une application permettant de faire émerger une offre culturelle pour l’heure invisible dans les territoires.
Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Sans reprendre les arguments de M. le rapporteur spécial, j’indique à M. Larive que je ne comprends pas qu’il s’appuie sur les résultats du pass culture avant même que celui-ci ait été expérimenté. On peut certes débattre des moyens alloués et du dispositif lui-même, mais, à ce stade, contester ses résultats et affirmer qu’il n’a pas trouvé son public est un peu surprenant – vous me l’accorderez, monsieur Larive.
Le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à l’amendement, qui vise à supprimer les moyens destinés à l’expérimentation. La parole est à Mme Constance Le Grip. Je profite de l’occasion pour redire le grand scepticisme du groupe Les Républicains vis-à-vis du pass culture. Notre collègue Valérie Bazin-Malgras l’a exposé cet après-midi à la tribune : nous émettons les plus expresses réserves au sujet de la pertinence, de la viabilité et du financement de ce dispositif.
Son expérimentation, dont nous avions compris qu’elle devait commencer au mois de septembre, est sans cesse reportée. Ce produit – si j’ose dire – est le signe à nos yeux d’une conception consumériste de l’accès à la culture et pose des problèmes eu égard à la mobilité ou à la fracture numérique, loin d’un véritable acte d’imprégnation artistique.
Nous nourrissons donc de profondes interrogations. La parole est à M. Michel Larive. Monsieur le rapporteur spécial, je n’ai pas pour habitude de défendre Nicolas Sarkozy mais, en l’occurrence, je mets vos chiffres en doute. La gratuité a, je crois, fait augmenter la fréquentation des musées.
J’ai des doutes, comme ma collègue assise face à moi dans l’hémicycle ; et un doute à 400 millions, pour le ministère de la culture, c’est un gros doute ! Cette somme ne pourrait-elle pas être mieux affectée, et par exemple servir à rééquilibrer les dotations entre Paris et la province ? C’est une question légitime : je rappelle que le ministère dépense 139 euros par habitant à Paris, contre 15 euros en province. La parole est à Mme Michèle Victory. La région Rhône-Alpes a expérimenté un chèque culture ; nous avons constaté, malheureusement, qu’il ne changeait pas grand-chose au fait que les jeunes vont systématiquement vers ce qu’ils connaissent déjà. Eh oui ! Nous avions vraiment le plus grand mal à leur montrer des films qu’ils n’avaient pas l’habitude de voir, à leur faire découvrir des musiques différentes, à les attirer à des concerts classiques… Si le pass culture ne prend pas la suite d’actions éducatives, scolaires notamment, très précises, alors je crains qu’il n’ait que peu de chance de réussir. Je voulais simplement préciser ce détail. Ce n’est pas un détail ! La parole est à M. le ministre. Je voudrais répondre aux questions tout à fait légitimes qui viennent d’être formulées.
S’agissant du coût, il est de 34 millions d’euros dans le budget pour 2019. Il ne faut donc pas faire peur aux gens ! C’est déjà plus que ce qu’a rapporté le loto du patrimoine ! D’autre part, le modèle économique du pass culture repose aussi sur la participation des partenaires de l’État. L’expérimentation permettra de vérifier ce point : nous voulons savoir comment ils joueront le jeu, comment ils s’impliqueront, par le mécénat, par des dons faits aux jeunes… Avec la montée en puissance du dispositif, l’État ne devra pas dépenser 400 millions ou 450 millions d’euros chaque année. L’évaluation de la part future de l’État dans le financement est un aspect très important de l’expérimentation.
Concernant le dispositif du chèque culture, madame la députée, le pass culture n’est justement pas un chèque. Certes, nous allons regarder avec attention toutes les initiatives qui ont été prises dans les territoires, et dont certaines ont rencontré un vrai succès, pour l’accès à la culture des plus jeunes. Mais c’est précisément pour les raisons que vous évoquez que nous avons opté pour une application.
Les jeunes utilisent très spontanément les smartphones, les tablettes, les ordinateurs pour accéder à l’information et aux services ; c’est là que nous les toucherons. Ensuite, nous prévoyons une éditorialisation de l’offre. Des algorithmes aideront les jeunes à choisir : ils leur proposeront ce qui est dans leur intérêt premier, ou éventuellement ce qui se situera dans la suite d’actions d’éducation artistique et culturelle – je vous rejoins sur ce point, madame. Le pass culture est en quelque sorte l’aboutissement d’un parcours d’éducation artistique et culturelle.
Voilà pour la théorie ; nous allons essayer de mettre la pratique en accord avec elle. La parole est à Mme Brigitte Kuster. J’anticipe sur mon amendement no 327, madame la présidente, pour revenir sur le coût du pass culture, dont j’ai parlé cet après-midi dans mon exposé liminaire. La somme indiquée par M. le ministre, qui n’est déjà pas négligeable, sert à le financer pour un nombre limité de jeunes, 10 000 environ dans cinq départements. Si l’on divise la somme par ce nombre, on parvient à une estimation de 3 400 euros par tête de pipe, si vous me permettez l’expression – pour un pass culture qui doit offrir 500 euros à chacun et à propos duquel que vous venez de rappeler, monsieur le ministre, votre souhait de faire appel au mécénat, aux dons et aux structures d’État, ce qui renchérirait encore le coût global du dispositif pour les milieux culturels.
Je ne comprends donc pas bien les chiffres évoqués à propos du financement du pass : comment se répartissent-ils entre l’expérience menée cette année – sur laquelle je reviendrai en défendant mon amendement – et le financement futur, censé qui plus est faire appel à de nouvelles structures ? Par ailleurs, quel est le calendrier prévu ? La parole est à Mme Anne Brugnera. Nous sommes un peu déçus de voir que cet amendement, ainsi que le suivant, madame Kuster, visent à supprimer ou à réduire… Je ne veux rien supprimer ! …à supprimer ou à réduire, disais-je, les moyens que nous entendons allouer au pass culture.
La culture, c’est la première voie vers l’émancipation ; comme vient de le dire M. le ministre, le dispositif prendra pour nos enfants et nos jeunes la suite de tout un programme d’éducation artistique et culturel. Ce qui est particulièrement pertinent ici, c’est que le pass culture permettra à chaque jeune d’opérer des choix au sein d’une offre culturelle. Aucune autorité n’imposera quoi que ce soit. Il s’agit d’ouvrir le champ des possibles.
Mes chers collègues, laissons cette expérimentation vivre. Nous en ferons bien sûr le bilan, mais ne la condamnons pas par avance : elle va concerner près de 10 000 jeunes dans plusieurs territoires. La parole est à M. le ministre. Sur ce sujet important, je tiens à prendre le temps de répondre précisément à toutes les questions.
Madame Kuster, je vous rassure, il n’est pas question de donner plus de 500 euros aux jeunes ! Je n’ai pas dit cela ! On ne va pas leur donner 3 400 euros. Simplement, il faut tenir compte du coût de développement de l’application… C’est une application bien chère ! …et cette dépense est faite, bien sûr, principalement au début de l’opération : pour mener l’expérimentation, il faut développer l’application. Nous verrons par la suite si l’enveloppe de 34 millions d’euros est entièrement consommée ; nous ferons preuve de la plus grande transparence sur le sujet.
Mais, je le redis, rassurez-vous : nous ne donnerons pas plus de 500 euros aux 10 000 jeunes qui participeront à l’expérimentation. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit ! (L’amendement no 297 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 327. Je présenterai mes amendements à titre personnel, depuis les bancs du groupe Les Républicains, et non pas au nom de la commission.
Ma collègue du groupe La République en marche a fait comme si nous demandions la suppression du pass culture, et non une simple réduction du budget qui lui est alloué !
Monsieur le ministre, je n’ai jamais pensé qu’il était question de donner 3 400 euros à chaque participant. Mais, aux yeux de certains d’entre nous qui ont l’habitude des applications, le coût de départ, par personne, paraît élevé. Voilà pourquoi je vous demandais tout à l’heure un peu de lisibilité budgétaire pour les années à venir.
Nous savons que l’expérimentation se tiendra dans cinq départements, mais aucune présentation détaillée du pass culture n’a été faite devant la commission des affaires culturelles. Monsieur le rapporteur spécial, j’ai découvert dans votre rapport des informations que je n’ai pas retrouvées sur le site du ministère. Vous écrivez, page 30, que le pass culture « est actuellement testé auprès des jeunes de dix-huit ans dans cinq départements pilotes – Seine-Saint-Denis, Bas-Rhin, Finistère, Hérault, Guyane ». Est-ce déjà le cas ?
Vous ajoutez que « ces volontaires disposeront d’un pass d’une valeur de 500 euros, afin de mener un test grandeur nature. Les 5 millions d’euros de crédits prévus en 2018 seront renforcés par un budget de 29 millions d’euros prévus pour 2019, soit un total de 34 millions d’euros [...] ». Mais voici comment vous détaillez ensuite l’emploi des 500 euros – et je ne l’ai découvert qu’en lisant le rapport cet après-midi. Un excellent rapport ! (Sourires sur le banc des commissions.) « Les achats seront plafonnés par catégorie : 200 euros pour les offres en ligne comme les abonnements à Deezer, Netflix, Canalplay, 100 euros pour les biens culturels, livres ou CD, et un plafond illimité pour les sorties culturelles ou les cours de pratique artistique ». Vous prévoyez donc d’attribuer 200 euros, sur 500, aux plateformes numériques, qui ne financent aucune création française, ou presque. Le Gouvernement veut soutenir les GAFA ! Dans toutes nos discussions en commission des affaires culturelles sur la défense de la création – et encore ce matin pendant l’audition de Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions –, nous pointons systématiquement le rôle des GAFA ; et vous prévoyez de donner 200 euros par jeune aux offres en ligne ?
Il faut nous donner des précisions, monsieur le ministre ; et j’aimerais aussi que M. le rapporteur spécial nous explique comment il s’est procuré ces informations que nous n’avons même pas reçues, nous, membres de la commission des affaires culturelles. (Brouhaha. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit.) Excellente question ! Quel est l’avis de la commission ? Je suis content que mon rapport ait autant de succès, merci ! (Sourires.)
Je ne me permettrai pas de penser que vous pourriez être de mauvaise foi, mais il faut de l’argent pour développer une application. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Tout à l’heure, vous divisiez le budget par le nombre de personnes qui pourraient bénéficier de l’expérimentation. Mais vous avez bien compris que le coût global permettra de pérenniser l’application que nous développons !
L’an dernier, nous n’avons pas voulu instaurer un chèque culture, comme cela a été fait en Italie ; nous avons choisi de mener une expérimentation, ce qui sera fait à partir du mois prochain sans doute, dans les cinq départements que vous avez cités. Ce n’est pas ce qui est écrit dans le rapport ! Le rapport est faux ! Si, c’est bien ce que je vous dis : elle sera mise en œuvre le mois prochain dans ces cinq départements.
Tout sera plafonné ; il ne s’agit pas de donner à chaque jeune 500 euros destinés aux GAFA ! Vous leur donnez 200 euros, tout de même ! Il y aura un plafonnement ! L’objectif, c’est qu’il y ait un parcours, comme le disait M. Larive. L’objectif, c’est que l’on ne consomme pas une même culture, celle que l’on a déjà développée – car c’est là que résident les déterminismes. Le vrai accès à la culture, c’est l’accès à toutes les cultures.
L’application permettra de guider les utilisateurs et elle fléchera l’emploi des sommes. Ce sera un instrument intelligent.
Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable.
Madame Kuster, vraiment, essayons ensemble… (Mme Brigitte Kuster montre le rapport.) J’essaye, vraiment ! Je ne vous fais aucun procès d’intention. Mais travaillons à ce projet, ensemble, en toute transparence. Nous vous dirons les choses telles qu’elles sont ; nous écouterons les remarques de tous les acteurs, des partenaires du dispositif, des parlementaires. C’est un projet ambitieux, qui nécessitera un investissement public important. Nous n’allons donc pas le conduire dans notre coin ; au contraire, nous partagerons les caractéristiques et l’évaluation de l’expérimentation, et nous parlerons des conditions de la généralisation.
Le dispositif n’est pas figé ; il ne sera pas immuable pendant dix-huit mois, et nous le revendiquons ! Tout va bouger, car le système devra être adapté. L’expérimentation sera utile, et, au moment de la généralisation – si généralisation il y a –, nous devrons aussi réaliser une évaluation. L’évolution de l’algorithme devra être permanente !
Il faut que le Parlement dispose de toute l’information. Je prends donc l’engagement devant la représentation nationale d’être transparent s’agissant à la fois de l’expérimentation, de ses résultats, de la généralisation du dispositif, des statistiques résultant de l’observation de l’attitude des jeunes en matière de consommation ou touchant le comportement des partenaires.
Le pass culture vise d’ailleurs notamment à nous permettre de connaître les comportements des jeunes en matière de consommation culturelle ou d’accès à la culture. Grâce à cette observation, nous pourrons adapter nos politiques d’accès à la culture et d’offre culturelle. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller. Je voudrais revenir sur l’idée, plutôt noble, du pass culture.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué cet après-midi le futur anniversaire de la création du ministère de la culture. Je rappelle que le décret du 24 juillet 1959 portant organisation du ministère chargé des affaires culturelles dispose que ce ministère aura notamment pour mission de « rendre accessibles [au plus grand nombre] les œuvres capitales de l’humanité […] ». « Et d’abord de la France ! » En revanche, nous sommes sceptiques s’agissant de ce pass et de l’application dont vous parlez. Le problème majeur auquel nous sommes confrontés est celui des infrastructures numériques. La couverture du territoire n’est pas achevée : il existe encore des zones blanches. De ce fait, une partie de la population ne pourra pas bénéficier du dispositif, ce qui aggravera les disparités puisque l’offre culturelle dans ces zones est déjà très limitée. Ce n’est pas sérieux ! Par ailleurs, le pass peut être détourné et revendu, comme le montre l’exemple italien cité cet après-midi par ma collègue Valérie Bazin-Malgras.
Je rappelle après Brigitte Kuster que l’expérimentation, qui concerne 10 000 jeunes dans cinq départements, représente un coût moyen de 3 400 euros alors que le pass culture coûte 500 euros : l’écart est important, même en tenant compte du coût de développement de l’application.
Il serait intéressant, monsieur le ministre, que nous puissions disposer des projections financières réalisées dans l’hypothèse où le dispositif serait déployé pour toute une classe d’âge, en intégrant le coût de l’application. La parole est à Mme Sylvie Tolmont. Toute consommation de produits culturels suppose une offre culturelle. Cette remarque concerne en particulier les territoires ruraux. Eh oui ! Par ailleurs, d’après ce que vient de dire Mme Kuster, il semblerait que le rapporteur spécial dispose d’informations dont nous autres, parlementaires, n’avons pas eu connaissance. Monsieur le ministre, vous parliez à l’instant de transparence. Pourriez-vous expliquer comment la majorité peut déjà savoir que les achats sur les plateformes en ligne seront plafonnés ? La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras. Je m’interroge sur l’attribution de 500 euros à chaque jeune. Monsieur le ministre, je vous ai demandé cet après-midi, sans obtenir de réponse, comment vous vous assurerez que les billets donnés ne seront pas revendus sur les marchés parallèles comme c’est arrivé en Italie. Quelles mesures prendrez-vous afin d’éviter que les fonds attribués à chaque jeune ne soient détournés ? La parole est à Mme Frédérique Dumas. On ne connaît pas encore les modalités du pass culture, mais, par essence, il ne peut qu’aggraver les fractures. Mes collègues ont rappelé la fracture numérique et l’existence de zones blanches – celles, précisément, où, la plupart du temps, l’offre culturelle fait défaut.
S’agissant de la fracture culturelle, les chèques culture – un dispositif que l’on nous présente comme novateur – ont été expérimentés dans toutes les régions. Il en ressort soit qu’ils ne sont pas utilisés, si les propositions culturelles sont un peu difficiles ou inhabituelles – cela présente l’avantage de ne rien coûter, mais ne remédie pas à la fracture culturelle ; soit qu’ils le sont parce que les offres auxquelles ils sont applicables sont consommées de toute façon.
J’ajouterai que le principe consistant à donner 500 euros à tout le monde va à l’encontre de la logique de la majorité, qui écarte le recours aux impôts indirects. Alors que le Gouvernement préfère augmenter la contribution sociale généralisée plutôt que la taxe sur la valeur ajoutée ou supprimer la taxe d’habitation, considérée comme un impôt injuste, il est prêt à donner 500 euros à tout le monde, même à ceux qui n’en ont pas besoin.
Je le répète : quelles que soient les expérimentations, par essence, le pass culture aggravera les fractures et n’autorisera pas l’émancipation. S’il permet l’aboutissement d’un parcours d’éducation culturelle, les jeunes ne consommeront une offre culturelle diversifiée que dans quinze ou vingt ans, lorsque toutes les actions d’éducation artistique et culturelle auront porté leurs fruits. Or, quand on décroche, c’est bien avant l’âge de dix-huit ans. Bravo ! La parole est à M. Fabrice Brun. Monsieur le ministre, je partage le scepticisme ambiant concernant le pass culture. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Je partage aussi l’analyse selon laquelle la fracture numérique aggrave les inégalités, y compris en matière d’accès à la culture.
Notre collègue Brigitte Kuster vient par ailleurs de lever un gros lièvre, qui semble courir vite. (Sourires.) Vous nous dites, monsieur le ministre, que des crédits de votre ministère, destinés à financer la création et l’exception culturelle française, permettront à des jeunes d’acheter des services numériques offerts par les GAFA. Je voudrais savoir si tel est bien le cas. C’est le cœur de la question. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Chers collègues, je réitère ici l’engagement, que j’ai pris en commission, d’organiser très rapidement une audition afin que vous disposiez des éclairages – dont certains sont connus depuis plusieurs semaines. C’est le cas du plafonnement à 200 euros. Pour les GAFA ? Vous irez voir : il a fait l’objet d’une communication de Mme Françoise Nyssen, début septembre, en marge d’une réunion… En marge ! Mon cher collègue, les chiffres en sont publics et cités dans de nombreux articles de presse grand public ! En marge, disais-je,… J’ai cru entendre « en marche » ! (Sourires.) C’est une obsession ! …– j’ai bien dit « en marge » – d’une réunion du comité d’orientation sur le pass culture.
Si la France ne prenait pas d’initiative en la matière, on pourrait imaginer que les géants du numérique proposent eux-mêmes, d’ici quelques mois ou quelques années, leur propre pass culture doté de son propre algorithme, sur lesquels nous n’aurions aucunement la main.
Nous nous interrogeons par ailleurs sur les entreprises telles Deezer ou Netflix, qui proposent une offre publique légale. Est-ce au ministère de la culture de les soutenir ? Si l’on fait découvrir à des jeunes de découvrir qu’il est possible de consommer des produits culturels en ligne de façon légale, on pourrait activer un levier intéressant : Deezer, par exemple, rémunère les artistes qu’il diffuse. Il ne faut donc pas généraliser.
Je le répète, j’ai pris un engagement devant la commission, que je réitère ici devant la représentation nationale. Avec M. le ministre, nous organiserons très rapidement une réunion d’information et de travail approfondie sur le pass culture.
Cet outil représente une opportunité fondamentale. Puisque l’on évoque la fracture numérique, je précise qu’il sera accessible non seulement sur téléphone portable, mais également sur tous les supports informatiques. En outre, son expérimentation va nous permettre de faire des observations dont nous aurons à discuter. Dans le Bas-Rhin, par exemple, où l’expérimentation a lieu depuis quelques semaines, nous nous sommes rendu compte qu’il existait une offre culturelle absolument extraordinaire et insoupçonnée, notamment en matière de formation et de médiation culturelles.
Je comprends votre besoin d’éclaircissements supplémentaires, mes chers collègues. Ils vous seront donnés très rapidement au sein de la commission. En tout cas, le pass culture est un bel outil, un beau projet ! Le sujet est d’importance, c’est pourquoi j’ai laissé le débat suivre son cours.
Mes chers collègues, je compte sur chacun d’entre vous pour que soient examinés plus rapidement les amendements suivants portant sur le même sujet. À ce rythme, en effet, la nuit ne suffira pas à examiner l’ensemble des amendements.
Je donnerai donc la parole à deux intervenants encore, après quoi nous devrons clore la discussion.
La parole est à Mme Géraldine Bannier. En écoutant les députés de l’opposition, je me disais que je ne venais pas du même pays qu’eux. Dans le territoire rural dont je viens, des chèques culture étaient distribués dans les collèges. Ce système, appuyé sur un partenariat avec les professeurs, fonctionnait très bien.
J’ai entendu dire que donner 500 euros à tous les élèves ne serait pas une bonne idée. Mais c’est un outil formidable, surtout quand on est issu d’un milieu défavorisé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Pour ceux qui sont dans ce cas, recevoir cette somme pour avoir accès à la culture – à la musique, au livre, notamment –, c’est une proposition formidable, que je soutiens. (Mêmes mouvements.) La parole est à Mme Clémentine Autain. J’entends beaucoup parler depuis tout à l’heure de « consommation » de la culture : c’est le cœur du problème. L’accès à la culture n’est pas seulement une question de consommation, mais également de rencontre, de disponibilité, de facilité, sur un territoire ou dans sa vie sociale, à accéder au champ du sensible, de la pensée critique, du regard critique sur le monde. Il ne suffit pas de donner de l’argent aux jeunes en leur disant de se débrouiller avec la consommation culturelle.
Le problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui est la diversité de la production culturelle, qui est menacée, concrètement, par le modèle néolibéral et par l’austérité. Oh là là... L’égalité entre les territoires pose aussi un vrai problème, tant pour les territoires ruraux que pour les zones périurbaines. Le territoire dont je suis élue, situé à la périphérie de la métropole, rencontre aussi des difficultés de cette nature.
Comment peut-on donner un chèque d’un côté et, de l’autre, mettre en danger tout ce qui permet d’encourager la vitalité de la création culturelle ? Je regrette profondément que nous devions statuer sur une mesure un peu démagogique (Protestations sur les bancs du groupe LaREM) , qui relève de la communication, de l’affichage, et ne permet pas de résoudre le problème de fond : la rencontre entre le public et une création culturelle qui ne soit pas homogène, dont la diversité soit favorisée.
La proposition qui nous est faite est révélatrice d’une orientation qui, comme l’a souligné mon collègue Michel Larive cet après-midi, échouera à battre en brèche ce qui fait obstacle non seulement à la démocratisation de la culture mais aussi à la diversité de la création, laquelle n’est pas un enjeu mineur dans notre pays. Après toutes ces interventions et pour clore la discussion, la parole est à M. le ministre. Je ne ferai que quelques remarques complémentaires.
Tout d’abord, le pass culture ne résoudra pas tous les problèmes du pays, notamment en matière d’accès à la culture. En particulier, il ne remédiera pas à celui des zones blanches. Pour lutter contre celles-ci, le Gouvernement investit avec les collectivités territoriales dans le cadre de son plan France Très Haut débit. Ne mélangeons donc pas tout ! On parle des zones blanches culturelles, pas seulement numériques ! Vous avez raison, madame Autain : la diversité culturelle est l’un des grands enjeux dans notre pays. Je peux vous assurer que le Gouvernement est déterminé à mobiliser le plus possible de moyens, que ce soit dans la culture ou dans l’audiovisuel, pour assurer la diversité de la création et celle de l’accès aux différentes œuvres, qui est essentielle.
En revanche, je ne suis pas d’accord avec vous concernant le pass culture : j’espère que nous parviendrons à vous en convaincre, il est bien l’un des moyens – pas le seul – de répondre à la question de l’accès à la culture.
Je ne parle pas seulement d’accéder à la culture payante ou à la consommation de biens culturels : le pass culture est aussi un formidable outil d’information pour les jeunes. Dans les territoires où la connaissance des différentes offres de productions ou de pratiques culturelles, ou l’accès à ces offres, leur font défaut, nous proposons d’y remédier à travers un outil moderne, qu’ils utilisent. Ces jeunes sont sur les smartphones, les tablettes, sur internet. Allons donc à leur rencontre pour les informer de ce qui est proposé par les différents acteurs de la culture, qu’ils s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou des associations, voire de particuliers. Et si ces offres ou pratiques culturelles sont payantes, nous donnerons de l’argent aux jeunes pour faciliter l’accès social à la culture. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Tentons cette expérience, et voyons si elle est concluante ! (L’amendement no 327 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour soutenir l’amendement no 439. Les crédits de l’action « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle » sont en baisse pour la deuxième année consécutive. Pour 2019, vous prévoyez, monsieur le ministre, une diminution de 22 millions d’euros en crédits de paiement. Nous regrettons particulièrement la réduction, de l’ordre de 3 millions d’euros, des crédits alloués aux bourses sur critères sociaux mais aussi de ceux dédiés à l’assistance aux étudiants en situation de handicap. Une fois encore, voilà un décalage concret entre les paroles – vous ne cessez de répéter que le handicap est une priorité du quinquennat – et la réalité des chiffres.
Nous souhaitons également souligner, comme nous l’avons fait en commission, une incohérence dans votre budget. À la page 191 du bleu, il est indiqué que 500 000 euros sont dévolus à l’aide à la recherche du premier emploi – ARPE. Pourtant, l’article 78 du projet de loi de finances supprime cette aide, que nous avions créée en 2016. Cette incohérence nous inquiète et révèle des dysfonctionnements dans la coordination gouvernementale.
Nous proposons donc d’abonder les crédits de l’action 01, « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle », du programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », en diminuant d’autant les crédits de l’action 01, « Monuments historiques et patrimoine monumental », du programme 175, « Patrimoines ». Quel est l’avis de la commission ? Madame Tolmont, je ne peux pas vous laisser dire que les crédits alloués aux bourses baissent. Ce n’est pas vrai. Ce n’est parce que nous rationalisons les crédits du CNOUS – le Centre national des œuvres universitaires et scolaires –, excédentaire depuis plusieurs années, que les étudiants, notamment ceux en situation de handicap, verront leur bourse diminuer.
Certes, les crédits de l’action 01 connaissent une baisse de 22 millions d’euros, mais celle-ci est due à un réexamen des échéanciers de travaux en cours, notamment dans les écoles d’architecture de Toulouse et de Marseille, c’est-à-dire ceux dont la programmation est déjà prête. Les crédits de l’action 02 augmentent de 30 millions d’euros.
Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Les subventions pour charges de service public progressent de 1,8 million d’euros : c’est vraiment notable. S’agissant de l’ARPE, elle est mentionnée dans le projet annuel de performances au titre du programme 224 car la réforme prévue par l’article 78 du projet de loi de finances n’a pas pu être anticipée. Les crédits correspondants n’en restent pas moins nécessaires pour financer le dispositif d’aide exceptionnelle à la mobilité destiné aux personnes qui, dans le cadre de la procédure nationale de préinscription Parcoursup, souhaite s’inscrire à une formation de l’enseignement supérieur.
Avis défavorable. (L’amendement no 439 n’est pas adopté.) La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 295. Par cet amendement, nous souhaitons alerter l’Assemblée nationale sur les attaques régulières dont les crédits dédiés à l’archéologie préventive sont trop souvent victimes.
La cible choisie par le Gouvernement pour l’indicateur de performance en matière d’archéologie préventive est extrêmement modeste au regard des objectifs atteints les années précédentes. Le Gouvernement prévoit en effet qu’entre 6 et 8 % des dossiers d’aménagement devront faire l’objet d’un arrêté de prescription de diagnostic ou de fouilles archéologiques. Or, en 2016, alors même que les budgets étaient déjà très contraints, le nombre de dossiers faisant l’objet d’une prescription de diagnostic s’élevait à 10,5 %. En d’autres termes, vous prévoyez de diagnostiquer moins pour construire plus et plus vite, au détriment de la conservation de notre patrimoine.
Il faut valoriser l’action 09, « Patrimoine archéologique », du programme « Patrimoines », afin d’assurer la pérennité de l’archéologie préventive. Quel est l’avis de la commission ? L’amendement aurait pour effet d’affaiblir l’écosystème en diminuant les crédits. Je ne peux qu’y être défavorable. Je ne comprends pas votre réponse, monsieur le rapporteur spécial. Je pourrais avoir une réponse compréhensible ? Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable.
Depuis 2016, la situation financière des opérateurs de l’archéologie préventive a été considérablement assainie grâce à différentes mesures : budgétisation de la redevance d’archéologie préventive ; désendettement du Fonds national pour l’archéologie préventive – désormais à l’équilibre ; apurement intégral de la dette de l’INRAP – Institut national de recherches archéologiques préventives – auprès de l’agence France Trésor. En outre, le PLF pour 2019 marque un effort de sincérité budgétaire puisque les crédits alloués à l’archéologie préventive sont abondés à hauteur de 5 millions d’euros, alors que cette somme était jusqu’à présent prélevée en fin de gestion sur les crédits dévolus aux monuments historiques. La parole est à M. Loïc Prud’homme. J’entends l’effort de sincérité, mais les chiffres sont là : le nombre de dossiers qui feront l’objet d’un diagnostic baisse drastiquement. Vous pouvez jouer au bonneteau en passant les crédits d’une ligne à l’autre,... Ce n’est pas du tout du bonneteau ! ...mais, en définitive, les chantiers donnant lieu à de l’archéologie préventive seront moins nombreux. (L’amendement no 295 n’est pas adopté.) La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 624. Cet amendement, qui s’inscrit dans le cadre du programme Action publique 2022, vise à engager une démarche de simplification de la gestion des personnels. Il permet de confier à plusieurs opérateurs de l’action « Patrimoines » la gestion pleine et entière de leurs moyens humains.
En effet, une partie des effectifs de plusieurs établissements culturels est actuellement gérée directement par l’administration centrale. Cette situation crée d’indéniables lourdeurs et rigidités de gestion.
Une réforme obéissant à la même logique a déjà été mise en œuvre au bénéfice du Louvre en 2003 et de la Bibliothèque nationale de France en 2007. Il s’agit de l’étendre au Centre des monuments nationaux à compter du 1er avril prochain, ainsi qu’au musée d’Orsay et à l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles à partir du 1er janvier 2020.
Les objectifs en sont, d’une part, le renforcement de l’autonomie de gestion des établissements, en leur donnant une entière visibilité sur leurs moyens humains, et, d’autre part, le développement d’une gestion des ressources humaines au plus près des agents.
Pour ce faire, l’amendement vise à attribuer au programme 175, « Patrimoines », 17,4 millions d’euros de masse salariale correspondant aux 350 équivalents temps plein dont la gestion sera transférée de l’administration centrale au Centre des monuments nationaux. Quel est l’avis de la commission ? Monsieur le ministre, il est regrettable que cet amendement n’ait pas été soumis à la commission, car il est important. J’estime certes qu’il va dans la bonne direction – le Louvre a montré l’exemple. Toutefois, il pose plusieurs questions.
D’abord, le statut et les droits des fonctionnaires seront-ils bien maintenus lors du transfert de gestion ? Voilà ! Ensuite, quels types d’actes de gestion resteront de la compétence de l’administration centrale ?
Enfin, je vous soumets une difficulté fiscale : dès lors que les personnels sont transférés, les opérateurs doivent acquitter la taxe sur les salaires. Des amendements ultérieurs prévoient d’ailleurs des crédits pour financer le paiement de ladite taxe. A priori , l’opération est neutre pour l’État, à ceci près que la taxe sur les salaires est affectée au budget de la sécurité sociale tandis que la dépense sera inscrite dans votre budget. Quel est donc l’avis de la commission ? À titre personnel, puisque la commission ne l’a pas examiné, avis favorable. La parole est à Mme Valérie Rabault. Je rejoins l’avis du rapporteur spécial sur les points qui restent à éclaircir. Il est regrettable qu’un tel amendement soit déposé au dernier moment. Nous aurions besoin de connaître l’équilibre budgétaire global du dispositif.
S’agissant du Centre des monuments nationaux, il y a deux ans, un amendement proposant la création de postes d’équivalents temps plein afin que l’Arc de triomphe puisse être ouvert plus tôt avait été refusé. Cela devrait désormais être possible du fait du transfert des agents. Mais, compte tenu des débats qu’avait suscités à l’époque une telle initiative, il serait souhaitable que vous nous apportiez des précisions. La parole est à Mme Brigitte Kuster. À mon tour, je m’étonne de découvrir en séance un amendement de cette importance. À l’occasion des auditions pour préparer mon rapport, j’ai pu mesurer les difficultés posées par l’absence de gestion directe par le Centre des monuments nationaux. Les connaissances de Gilles Carrez sont si pointues que je ne me hasarderai pas à entrer dans le détail. Toutefois, peut-on imaginer que, grâce à ce transfert, la rémunération en « heures mécénat » sera facilitée pour le personnel ?
Pouvez-vous nous préciser, d’une part, si une concertation a été organisée avec le personnel concerné, et, d’autre part, comment le dispositif est perçu dans les établissements intéressés ? La parole est à M. le ministre. Oui, une concertation a eu lieu. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’amendement a été déposé tardivement. J’approuve la remarque du rapporteur spécial sur la nécessité, dans la mesure du possible, que de tels amendements puissent être discutés en commission. Vous pouvez compter sur moi pour faire le maximum, dans les futures discussions budgétaires ou lors de l’examen des éventuels projets de loi que je serais amené à présenter à cette assemblée, pour que les amendements du Gouvernement puissent être examinés en commission avant d’être débattus dans l’hémicycle.
Il faut le réaffirmer clairement – vous avez raison de poser la question –, il ne sera pas porté atteinte aux garanties statutaires des fonctionnaires. Nous simplifions la gestion des ressources humaines. Le statut et les conditions de travail des agents ne seront en aucune manière affectés.
Quant à la taxe sur les salaires, elle est budgétée dans le PLF 2019. En ce qui concerne d’éventuels frottements fiscaux, j’avoue que je ne connais pas la réponse précise. Je ne manquerai pas de vous l’apporter très rapidement, monsieur le rapporteur spécial. Nous n’avons pas obtenu de réponse à toutes nos questions ! (L’amendement no 624 est adopté.) La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 544. Dans le programme 224, j’ai pointé les crédits de paiement destinés à tous les opérateurs – parmi lesquels le Conservatoire national de Paris et celui de Lyon. Il s’avère que les montants correspondent à l’euro près à ceux prévus dans la loi de finances pour 2018, alors même que l’inflation est proche de 2 %. Cela signifie de facto une baisse des crédits de ces opérateurs.
L’amendement vise donc à revaloriser les crédits en tenant compte de l’inflation afin de préserver les opérateurs, dont de nombreux établissements d’enseignement artistique, de la musique et de la danse, d’une baisse de leur financement. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement de Mme Rabault serait excellent, s’il ne présentait l’inconvénient d’amputer le budget consacré aux monuments historiques de 13 millions d’euros,… C’est un gage ! Demandez au ministre de le lever ! …ce qui est beaucoup trop. On pourrait accepter un petit effort, mais 13 millions, c’est vraiment hors de portée. Levez le gage, monsieur le ministre ! (L’amendement no 544, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 181. Le transfert de crédits que je propose est avant tout symbolique : mon intention est non pas de dévêtir le programme 224 pour habiller le programme 175, mais d’appeler votre attention sur la baisse importante des crédits alloués à l’action 03 de ce dernier programme, « Patrimoine des musées de France ». Il est prévu que cette enveloppe soit réduite de 11,8 millions d’euros en 2019 ; c’est une bien mauvaise décision.
Je vous donne un exemple local parmi d’autres, mais que je connais bien : les musées de Béziers. (« Ah ! » sur plusieurs bancs.) Le projet de Béziers est de réunir son musée des beaux-arts et son musée du Biterrois, tous deux labellisés « musées de France », pour n’en faire qu’un seul établissement, ambitieux et modernisé. Le coût de cette opération est important : environ 10 millions d’euros. Pour mener ce projet à bien, la ville a plus que jamais besoin des aides de l’État. Celui-ci joue le jeu pour le moment, je tiens à le souligner, mais la baisse des crédits du programme 175 nous alerte.
Si cette baisse devait se poursuivre dans les années à venir, elle pourrait avoir des conséquences sur les projets du genre de celui que nous avons engagé à Béziers. Et si, après nous avoir accompagnés dans les études préalables, les phases de lancement du projet et sa programmation, l’État devait nous lâcher en cours de route, le préjudice serait réel pour notre ville. Or, je le redis, c’est un projet véritablement ambitieux : le futur musée, qui sera installé en plein centre historique, de manière tout à fait cohérente avec le plan « action cœur de ville » dont nous bénéficions, constituera un atout important pour le développement touristique et un élément essentiel du développement économique de notre commune et de tout le territoire biterrois. Pour protéger la vitalité culturelle de nos territoires, l’action 03 du programme 175 doit absolument être préservée. Quel est l’avis de la commission ? Les enseignements culturels, l’accès aux œuvres et la transmission des savoir-faire en musique, en danse et en dessin sont essentiels eu égard à l’objectif de réduction des inégalités, qui est au cœur de notre pacte républicain. Les activités culturelles jouent, quant à elles, un rôle essentiel pour l’emploi, l’économie et le rayonnement de notre pays. Réduire leur budget reviendrait à se priver de moyens dont l’efficacité a été prouvée pour lutter contre les inégalités de naissance. Il s’agirait non seulement d’un symbole, mais d’une mesure qui aurait des répercussions réelles. Pour ma part, je considère que les programmes 131 et 224 ne peuvent pas être les parents pauvres de la culture, même au bénéfice du patrimoine. Je n’ai pas dit le contraire ! Je suis donc défavorable à cet amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. J’ai expliqué en introduction de mon propos, monsieur le rapporteur spécial, qu’il s’agissait d’un amendement symbolique : mon intention était non pas de déshabiller Paul pour habiller Pierre, Jacques ou qui vous voudrez, mais simplement d’appeler votre attention sur les répercussions très importantes et dommageables que la diminution des crédits de l’action 03 du programme 175 est susceptible d’avoir sur les projets locaux des communes de moyenne importance – Béziers est une ville moyenne. Vous n’avez que la protection des villes moyennes à la bouche. Vous avez d’ailleurs démontré son importance de façon très concrète en lançant le plan « action cœur de ville », dont Béziers bénéficie – je le souligne et je m’en félicite. Toutefois, vous ne pouvez pas favoriser le développement des cœurs de ville de la main gauche tout en supprimant de la main droite des crédits destinés aux musées de France : ce sont des actions contradictoires. Soyez cohérents : vous devez mener une politique globale. La suppression de ces crédits me semble préjudiciable. La parole est à M. le ministre. Le niveau des crédits en question dépend des investissements réalisés. Les crédits de paiement baisseront effectivement de 11,8 millions d’euros, car l’opération de rénovation de la « chenille » du centre Georges-Pompidou arrive à son terme. En revanche, les autorisations d’engagement augmenteront de 11 millions pour tenir compte des investissements futurs. C’est un peu technique, mais la volonté du Gouvernement est bien d’allouer les moyens nécessaires pour financer les projets d’investissement des musées. Nous ajustons le niveau des crédits de paiement et des autorisations d’engagement en fonction des différents projets. (L’amendement no 181 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 526. Il est défendu. (L’amendement no 526, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Michel Larive, pour soutenir l’amendement no 303. Il vise à transférer des crédits des programmes « Patrimoines » et « Création » au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». C’est un amendement d’appel : nous souhaitons que le Gouvernement prête attention aux objectifs qu’il s’est fixés en matière de fréquentation des bibliothèques. La fréquentation visée pour les grandes bibliothèques parisiennes est en augmentation, et nous le soutenons sur ce point. En revanche, les objectifs de fréquentation sont en baisse pour toutes les autres bibliothèques, ce que nous ne pouvons évidemment pas accepter. Nous considérons qu’il est nécessaire d’accorder la même confiance et le même intérêt à toutes les bibliothèques, qu’elles soient parisiennes ou rurales. Rappelons les chiffres que plusieurs d’entre nous ont déjà cités : les dépenses culturelles s’établissent à 139 euros par habitant et par an en Île-de-France, contre 15 euros en province. Quel est l’avis de la commission ? Je partage votre avis, monsieur Larive : il faut accroître l’effort et faciliter l’accès à toutes les bibliothèques en étendant leurs horaires. Il s’agit d’une priorité du Président de la République et de notre majorité, comme la ministre de la culture l’a rappelé dans son discours de la fin du mois de septembre. Les résultats sont là : 265 bibliothèques ont déjà étendu leurs horaires – l’objectif initial de 200 bibliothèques a donc été dépassé. Cette extension permettra, à terme, une augmentation de la fréquentation, les habitudes changeant sur longue durée, à Paris comme dans tout le territoire.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que 8 millions d’euros supplémentaires ont été alloués l’an passé à la dotation globale de déconcentration en faveur des bibliothèques et que 2 millions de plus y seront consacrés en 2019. Les moyens sont donc au rendez-vous.
En outre, le programme 131, dont je rapporte les crédits, ne peut se voir ponctionner 5 millions d’euros, fût-ce au bénéfice du programme 224. Mon avis est donc défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je n’ai rien à ajouter. Même avis. La parole est à Mme Brigitte Kuster. Nous ne pouvons évidemment que nous réjouir, sur tous les bancs de cette assemblée, de la priorité donnée à l’extension des horaires des bibliothèques. Néanmoins, j’aimerais que chacun s’exprime avec honnêteté : ce sont avant tout les collectivités territoriales qui ont dégagé des moyens visant à accroître la fréquentation des bibliothèques. Les collectivités n’ont pas été systématiquement aidées et, malgré cela, certaines d’entre elles ont consenti des efforts.
Les chiffres nous sont parvenus concernant les bibliothèques nationales. En revanche, ceux qui portent sur l’ensemble des bibliothèques sont difficilement lisibles. Eu égard à l’objectif d’augmentation de la fréquentation que nous partageons tous ici, il faudrait accorder la priorité aux bibliothèques dans le cadre du pass culture, plutôt que de donner de l’argent aux GAFA. Vous apporteriez ainsi à votre politique une cohérence d’ensemble. (L’amendement no 303 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 184. Il est prévu d’amputer l’action 04 du programme 175, « Patrimoine archivistique et célébrations nationales », de 6 millions d’euros en 2019. Je comprends parfaitement que le budget imparti aux commémorations de la Grande Guerre ne sera plus d’actualité l’an prochain. Je profite en tout cas de l’occasion pour évoquer les commémorations de la semaine qui vient. Comme tous les Français, nous y sommes très attachés à Béziers, nous qui avons vu partir tant d’hommes dans le 16e corps d’armée, qui regroupait uniquement des soldats de notre région. Ces hommes nous ont offert la première victoire française, lors de la trouée de Charmes, le 26 août 1914, quelques jours avant la bataille de la Marne.
Ces célébrations doivent nous permettre de nous inscrire dans une histoire faite de batailles et de héros, ces poilus dont nous nous devons d’honorer la mémoire. Il ne faut pas qu’ils tombent dans l’oubli, alors que le dernier d’entre eux, Lazare Ponticelli, nous a quittés cette année même ; le souvenir de la Grande Guerre ne doit pas s’éteindre avec lui. Honorons leur mémoire, honorons leur combat.
Les soldats morts pour la France ne sont pas des victimes, comme certains voudraient nous le faire croire. Ils sont allés au front et ont souffert dans les tranchées. Dans toute la France, madame Ménard ! Beaucoup d’entre eux sont morts, mais ils sont morts pour la France. Ils ont fait leur devoir, comme on disait alors. Ils sont morts pour ce beau mot de patrie, et ils ont gagné. Oui, ils ont gagné. Cette victoire leur donne des droits sur nous. Le 11 novembre prochain, nous fêterons non seulement la fin de la guerre, mais, d’abord et avant tout, la victoire de la France. Les mots ont de l’importance : ils forgent une mémoire, celle de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Pour sûr, cela a été une belle victoire… Allons-nous célébrer aussi le traité de Versailles ? Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Dans le cadre des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, j’ai accompagné le Premier ministre jeudi dernier en Lozère, notamment pour honorer la mémoire d’Augustin Trébuchon, considéré comme le dernier poilu mort pour la France avant l’armistice du 11 novembre 1918. Le Premier ministre et moi-même en avons profité pour mettre à l’honneur le travail exceptionnel réalisé par les Archives nationales et les archives départementales dans le cadre du programme de Grand Mémorial, qui a fait suite aux opérations dites de la Grande Collecte d’archives. Ce travail a consisté à numériser et à indexer le registre matricule de tous les poilus ayant combattu pendant la Grande Guerre. Les internautes peuvent désormais avoir accès à tous ces registres numérisés, grâce à un portail national qui les oriente vers les sites des archives départementales.
Nous avons sélectionné quelques-uns de ces registres matricules. Il est émouvant de les consulter, de voir les détails qui y sont mentionnés, l’image numérisée étant de grande qualité. Ce sont des budgets particuliers qui ont permis la numérisation de ces registres et la création du portail. C’est une très grande réussite des Archives nationales, aux côtés des archives départementales et des différents partenaires. C’est un bel exemple de ce qu’ont apporté les commémorations de la Grande Guerre à la mémoire du conflit et à l’entretien de la flamme du souvenir. (L’amendement no 184 n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 543, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le soutenir. Il fait suite, lui aussi, au pointage que j’ai effectué des crédits de paiement prévus en 2019 pour les opérateurs du programme 131, parmi lesquels figurent le Centre national de la danse, le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz – CNV –, la Comédie-Française, l’Ensemble intercontemporain et la Philharmonie de Paris. Ces crédits sont rigoureusement égaux à ceux de 2018, ce qui signifie que vous ne tenez pas compte de l’inflation. Par conséquent, les opérateurs concernés perdront l’équivalent de 2 % de crédits de paiement l’an prochain.
Vous allez probablement relever, monsieur le rapporteur spécial, que j’ai gagé la mesure – en tant que parlementaires, nous sommes contraints de le faire par l’article 40 de la Constitution –, mais le ministre a toute latitude de lever ce gage s’il le souhaite.
Vous ne pouvez pas affirmer que la culture est une priorité dans le contexte actuel sans revaloriser les crédits de paiement alloués à ces opérateurs en tenant compte, au minimum, de l’inflation. On ne peut pas en faire abstraction, compte tenu de l’évolution de leur masse salariale et de leurs charges. D’où le présent amendement. Quel est l’avis de la commission ? J’en conviens, madame Rabault, les opérateurs devront effectivement absorber la hausse tendancielle de l’inflation. Cependant, la politique de contractualisation, que l’État poursuit avec ardeur, vise à rationaliser certains coûts dans chaque établissement public. Je présume que les bénéfices qui en découleront absorberont le montant de l’inflation, ce que nous vérifierons par la suite. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ajouterai un élément aux propos du rapporteur. Le Gouvernement veille à ce que chaque projet de loi de finances inclue une analyse fine de la soutenabilité économique des opérateurs. Il se peut que nous modifiions les dotations en fonction des besoins. C’est ainsi que nous avons augmenté de 800 000 euros la dotation à l’Opéra comique, pour conforter son modèle économique après sa réouverture.
En d’autres termes, nous prévoyons un accompagnement permettant aux opérateurs de mieux gérer certains coûts fixes, nous confortons certains budgets pour leur permettre de se développer et nous couvrons, si nécessaire, des besoins spécifiques. La parole est à Mme Constance Le Grip. À ce stade de nos débats, je reviendrai brièvement sur l’affaire du pass culture (Murmures sur les bancs du groupe LaREM) , puisque certaines questions que nous avons posées sont restées en suspens. Ni le Gouvernement ni le rapporteur spécial ne nous ont apporté de réponses précises. Nous voulons des réponses ! Je pense que les données dont je vais parler peuvent intéresser l’ensemble des parlementaires présents ce soir. Il est prévu que le pass puisse être utilisé, dans la limite d’un plafond de 200 euros, pour financer des abonnements à des sites de musiques en ligne comme Spotify ou Deezer (Brouhaha) , ou à des sites de streaming vidéo comme Netflix ou Amazon Prime Video (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM) . Si le groupe de travail qui s’est réuni début septembre pour finaliser certains points a communiqué sur l’architecture générale du projet, ainsi que sur les plafonds, des questions demeurent sans réponse et certaines bizarreries ne cessent de nous étonner.
À ceux qui l’auraient oublié, je rappelle qu’un abonnement d’un an à Netflix coûte 7,99 euros par mois et un abonnement d’un an à Spotify 9,99 euros par mois. Le montant de 200 euros est donc considérable. Quel rapport cela a-t-il avec l’amendement ? Par ailleurs, les éléments communiqués début septembre contiennent une bizarrerie : les utilisateurs du pass pourraient commander des livres sur Amazon, mais devraient aller les chercher à un guichet culturel, par exemple dans une librairie. Les libraires se sont beaucoup interrogés sur ces modalités très particulières. La parole est à Mme Valérie Rabault. J’ai bien entendu votre réponse sur l’amendement, monsieur le ministre, mais les bleus que vous nous avez transmis ne précisent pas ce que recouvre la contractualisation. Pour les établissements que j’ai cités, une perte de crédits de 2 %, du fait de l’inflation, serait considérable. Ne serait-il pas plus honnête de reconnaître que la culture n’est pas une priorité pour le Gouvernement ? Si celui-ci n’accorde même pas le bénéfice de l’inflation à la Philharmonie, à l’Ensemble intercontemporain ou au CNV, il est en-deçà des ambitions qu’il affiche. Monsieur Brun, est-ce sur l’amendement que vous souhaitez vous exprimer ? Non, je tiens à relayer l’intervention de Mme Le Grip. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Nous attendons du Gouvernement une réponse. Qu’il nous réponde par oui ou par non ! La parole est à M. le ministre, pour répondre à Mme Rabault et, s’il le souhaite, à Mme Le Grip, qui l’a interrogé sur un sujet majeur. Je veux bien répondre à Mme Le Grip, mais son intervention a peu de rapport avec l’amendement. Aucun rapport, même ! À ce compte, autant parler de n’importe quel sujet ! J’ai pris beaucoup de temps au début de notre débat pour répondre aux questions portant sur ce sujet. Je peux le faire à nouveau… Non ! Vous ne nous avez pas répondu ! …encore faut-il que les députés du groupe Les Républicains écoutent des réponses… Bonne remarque ! …que j’essaie de formuler le plus précisément possible.
Nous allons tenter d’éditorialiser l’offre culturelle proposée dans le cadre du pass culture, pour permettre aux jeunes d’accéder à toute la diversité de la production et des pratiques. Pour ce faire, il faut trouver des dispositifs permettant de les orienter vers les offres culturelles diverses qui existent à proximité d’eux.
Nous négocions avec les GAFA en leur demandant de faire « cadeau » à l’État de certaines offres.
Madame la députée, vous faites partie de ceux qui se sont élevés contre le téléchargement illégal, par exemple de musique. En effet ! En s’abonnant à Spotify, Deezer ou Qobuz, on peut accéder à des offres légales en ligne, ce qui permet de financer auteurs, créateurs, artistes interprètes ou producteurs. Pourquoi refuser que les jeunes soient accompagnés vers ces offres légales, surtout si cela ne coûte rien à l’État ?
Telle est l’idée du pass culture. Nous voulons offrir aux jeunes, surtout à ceux qui en ont le plus besoin, la possibilité d’un large accès aux offres et aux pratiques culturelles, en luttant contre le piratage quand c’est nécessaire et, surtout, au coût le plus bas possible. Je mets aux voix l’amendement no 543. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l’adoption 15
Contre 54 (L’amendement no 543 n’est pas adopté.) La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l’amendement no 569. L’amendement traite du même sujet que le précédent. Les subventions aux opérateurs tels que les Conservatoires nationaux de Lyon et de Paris, l’École du Louvre ou les écoles d’architecture ne permettent pas de compenser le niveau attendu de l’inflation. Nous demandons que ces crédits soient rehaussés à un niveau permettant de compenser un taux d’inflation réaliste. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, dans la mesure où l’on ne peut retirer 3 millions d’euros à l’action 09 « Patrimoine archéologique » du programme 175 « Patrimoines ». Mais... Je sais bien, madame Rabault, qu’aux termes de l’article 47 de la loi organique sur la loi de finances de 2001, les parlementaires sont tenus de gager les augmentations de crédits qu’ils proposent par des diminutions relatives à des programmes de la même mission, mais permettez-moi de rappeler que nous manquons de crédits en matière d’archéologie. Le Gouvernement peut lever le gage ! (L’amendement no 569, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 330. Le Gouvernement justifie la baisse de 3 millions d’euros des bourses et aides individuelles aux étudiants de l’enseignement supérieur artistique et culturel par le déclin de la démographie étudiante, sans donner guère plus de détails. C’est un argument dont il est permis de douter au vu de l’accroissement, constant depuis plusieurs années, du nombre d’étudiants faisant leur entrée dans le supérieur.
Cette tendance va même en s’accélérant puisqu’on estime que l’on comptera, d’ici à 2025, 350 000 étudiants en plus. Rien n’indique que les établissements d’enseignement supérieur qui dépendent du ministère de la culture seront épargnés par ce phénomène démographique.
Rappelons enfin que ces bourses et aides individuelles soutiennent notamment des étudiants dépourvus de moyens financiers ou en situation de handicap. Excellent ! Quel est l’avis de la commission ? Je crois avoir déjà répondu sur ce sujet à l’une de nos collègues. La baisse des crédits alloués aux bourses s’effectue selon une logique de sincérisation budgétaire. De fait, la sous-exécution des années précédentes a conduit à ce que le trop-plein de trésorerie du CNOUS atteigne un exercice d’avance.
La diminution n’aura par conséquent aucun effet sur les étudiants – ce qu’il faut rappeler afin de dissiper toute inquiétude – et elle permettra de diriger les crédits vers des investissements. Avis défavorable. (L’amendement no 330, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 329. Lors de la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information, la ministre de la culture de l’époque avait souligné l’importance capitale de l’éducation aux médias. Nous serons tous d’accord, je pense, sur cette priorité.
Elle avait présenté l’éducation comme l’indispensable corollaire des mesures répressives, et à nos yeux attentatoires aux libertés d’expression et de communication, à l’encontre des plateformes et éditeurs de contenus d’information.
Il est donc pour le moins surprenant de vous voir retirer 1 million d’euros aux crédits dédiés à l’axe 3, « décrypter le monde » – dans le programme 224 –, dont l’objectif est précisément de permettre de mieux apprécier le rapport à l’information dans un univers où ses usages, notamment numériques, sont de plus en plus nombreux. Nous aimerions trouver davantage de cohérence entre les principes qui ont été annoncés, les mesures que nous avons votées et la réalité budgétaire que vous nous proposez aujourd’hui. Quel est l’avis de la commission ? Comme vous le relevez, l’axe 3, « décrypter le monde » bénéficie d’un financement à hauteur de 12 millions d’euros pour 2019, tourné vers les usages numériques. Je vous rejoins pour souligner l’importance de cette action, mais nous ne pouvons pas amputer le programme 131 « Création », dédié au spectacle vivant. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Il se trouve qu’en raison de son importance, les crédits de cette action avaient été augmentés de 5 millions entre 2017 et 2018. S’ils baissent d’1 million cette année, ils restent donc supérieurs de 4 millions au montant de 2017. Nous vérifierons, après une évaluation aussi large que précise, s’il est nécessaire de prévoir des crédits supplémentaires pour 2020.
Pour l’heure, ces crédits semblent adaptés à l’utilisation que nous en ferons. La parole est à Mme Brigitte Kuster. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais je m’étonne de celle du rapporteur spécial. L’amendement ne comporte pas de demande de transfert. Je me suis seulement étonnée d’une diminution de crédits de 1 million. Soit il a mal compris l’amendement, soit j’ai mal compris sa réponse. (L’amendement no 329 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 204. Cet amendement – ce doit être celui avec lequel le rapporteur spécial a confondu mon amendement précédent – concerne la revalorisation des salaires des enseignants des écoles d’art territoriales, préoccupation que nous sommes plusieurs, sur les bancs de cet hémicycle, à partager.
Il s’agit d’un amendement d’appel qui vise à obtenir confirmation de l’engagement du Gouvernement de revaloriser le salaire de ces mêmes enseignants.
En septembre, lors du congrès de l’Association nationale des écoles supérieures d’art et design publiques, 800 000 euros de crédits supplémentaires ont été annoncés par le ministère de la culture afin de combler l’écart de rémunération qui subsiste entre les professeurs des écoles d’art nationales et les professeurs des écoles d’art territoriales, alors qu’ils dispensent les mêmes enseignements et délivrent les mêmes diplômes.
Or, à ce jour, ces crédits n’apparaissent pas dans les documents budgétaires. Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous expliquer ce tour de passe-passe ?
Plus largement, le problème est récurrent : je ne suis pas élue depuis très longtemps, mais dès le début de mon mandat, nous avons été saisis de ce dysfonctionnement et de l’aberrant écart de salaire qui en découle entre ceux d’entre eux qui enseignent au niveau territorial et ceux qui enseignent au niveau national. Quel est l’avis de la commission ? Madame la députée, je vous confirme que l’argumentaire que j’ai utilisé précédemment se rapportait à cet amendement. Mon avis le concernant est donc défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, il n’y a pas de tour de passe-passe. C’est heureux. Nous sommes d’accord, je pense, pour déplorer la différence de rémunération existant effectivement entre les professeurs d’art qui relèvent des écoles territoriales et ceux qui enseignent dans les écoles nationales.
Ma prédécesseure s’est bien engagée à y remédier. Je veux simplement me donner un peu de temps pour bien prendre connaissance du dossier et de ses enjeux, afin de voir quelle est la meilleure solution, à la fois juridique et financière, à apporter à ce problème. Je souhaite également rencontrer les différentes parties prenantes afin de co-construire une proposition consensuelle. Je reviendrai donc vers vous dès que possible, madame Kuster. Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, votre avis concernant l’amendement est défavorable. Vous m’avez bien compris, madame la présidente. La parole est à Mme Brigitte Kuster. Monsieur le ministre, je me mets à votre place : vous voulez écouter et consulter, ce qui est normal.
Comment voulez-vous, cependant, que nous ne nous étonnions pas du devenir d’une décision prise par votre prédécesseure au sein du Gouvernement sur la base d’études préalables réalisées par les services ainsi que par les cabinets – des cabinets politiques, issus de la majorité –, une décision annoncée au mois de septembre et représentant 800 000 euros, qui a donné beaucoup d’espoir aux intéressés ?
Je ne voudrais pas, ici, faire de la politique politicienne. Ah ? Je vous fais en effet confiance, monsieur le ministre. Excusez-moi, chers collègues, nous parlons d’un sujet sérieux sur lequel j’essaie d’argumenter. Ce n’est donc pas la peine de faire : ah ! Oh ! S’il vous plaît, chers collègues ! Ce sujet concerne des dizaines de personnes. Il me semble que lorsqu’un engagement a été pris, il faut le respecter : cela s’appelle la continuité de l’État, ou alors je ne comprends pas comment l’on fait de la politique. (M. Maxime Minot applaudit.) Si vous voulez que le politique retrouve sens et dignité, il faut que si l’on annonce quelque chose en septembre, on s’y tienne en novembre.
Monsieur le ministre, je le répète, je vous fais toute confiance. Mais le fait qu’un gouvernement remette en cause un engagement qu’il a pris deux mois auparavant crée tout de même une petite difficulté. La parole est à M. le ministre. Madame Kuster, nous sommes d’accord sur beaucoup de choses. Vous ne pouvez cependant pas dire que nous remettons en cause cet engagement : je viens de vous dire le contraire. Ah bon ? Je viens de vous dire le contraire : l’engagement reste le même. Et les 800 000 euros, vous les remettez en cause ? Laissez-nous, laissez-moi simplement le temps – je ne suis en fonction que depuis deux semaines (Exclamations sur les bancs du groupe LR) – de régler ce point de façon consensuelle avec les différents acteurs concernés. La réponse n’est pas uniquement budgétaire. Nous avons besoin d’étudier très précisément cette question ; je reviendrai ensuite vers vous. Je ne peux cependant pas vous laisser dire, je le répète, que nous reviendrions sur cet engagement : au contraire, il est maintenu. (L’amendement no 204 n’est pas adopté.) La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l’amendement no 521. Nous voulons, par cet amendement, appeler votre attention, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, sur une anomalie. La Martinique, la Guadeloupe et Mayotte sont les seuls départements et régions de France à ne pas disposer d’un conservatoire à rayonnement régional – CRR – ou départemental – CRD – qui permettrait aux jeunes qui y vivent d’étudier dans des conditions correctes la musique, les arts dramatiques ou la chorégraphie.
Nous savons que dans ces territoires – c’est en tout cas évident pour la Martinique et pour la Guadeloupe, moins pour Mayotte –, les jeunes désireux de suivre des études sont obligés de partir. Très souvent, leur exil dure ensuite, lorsqu’ils doivent travailler. Il nous semble regrettable que, pour pouvoir suivre des études artistiques, les jeunes doivent quitter leur département.
C’est la raison pour laquelle nous demandons qu’ils aient la possibilité de suivre, à un niveau académique, un enseignement artistique dans les départements dont ils sont originaires, ce qui n’est pas le cas actuellement.