XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Séance du vendredi 10 mai 2019

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet (nos 1881, 1918, 1885).
Ce matin, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 227 à l’article 1er.
La parole est à Mme Sophie Mette, pour soutenir l’amendement no 227. Il vise à modifier la date de début de la souscription nationale. En effet, cette dernière ayant débuté, en réalité, dès les premières heures de l’événement, il convient de faire débuter les effets de la souscription nationale à la date de celui-ci. De plus, même si l’annonce du Président de la République est le point de départ de la souscription nationale, l’idée reste que chaque don doit être intégré dans celle-ci. Il conviendrait ensuite de faire commencer la réduction fiscale à la même date en se référant aux vœux des donateurs. La parole est à Mme Anne Brugnera, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement. Nous avons déjà discuté de cet amendement en commission. Comme vous venez de le rappeler, le Président de la République a annoncé au soir de l’incendie que la souscription nationale serait ouverte dès le lendemain, c’est-à-dire le 16 avril. Faire démarrer la souscription à cette date étant déjà une mesure rétroactive, je crois donc préférable de ne pas fixer une date antérieure à cette annonce. Je vous propose donc de retirer votre amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable. La parole est à M. le ministre de la culture, pour donner l’avis du Gouvernement. Madame Mette, je comprends bien la finalité de votre amendement, mais le Président de la République a dit que la souscription commencerait le 16 avril, c’est-à-dire le lendemain de son annonce, et il nous faut respecter cela. En outre, si des cagnottes ont été créées dès le 15 avril au soir, la date qui sera retenue sera celle du versement, lequel a généralement lieu plus tard et sera donc éligible, de toute façon, à la réduction d’impôt. Madame Mette, retirez-vous votre amendement ? Oui, monsieur le président.
(L’amendement no 227 est retiré.)
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour un rappel au règlement. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1er, du règlement, relatif au bon déroulement de nos débats.
Monsieur le ministre, nous nous étonnons et regrettons fort que vous n’ayez pas répondu aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale ni même sur l’article 1er. Nous avons été nombreux à prendre la parole et les interrogations, réflexions et expressions de doute, émanant de plusieurs groupes politiques, sur les atermoiements observés ont été assez nombreuses. Les questions très précises et portant sur des points très précis – le recours aux ordonnances, la loi d’exception où les dérogations à diverses règles des différents codes régissant les travaux de restauration de notre patrimoine – nous semblaient à tout le moins appeler de votre part des réponses, des éclaircissements, des précisions.

Y a-t-il toujours du doute et du flou dans la position du Gouvernement et de l’exécutif sur certains sujets, comme la pertinence et le bien-fondé de l’article 8 et surtout de l’article 9 ? Faut-il attendre une évolution des positions depuis une certaine réunion qui s’est tenue tout récemment, me semble-t-il, de façon un peu impromptue, dans les salons qui jouxtent notre hémicycle ? Nous souhaiterions être éclairés.
Très bien ! Madame Le Grip, je précise que le Gouvernement peut évidemment prendre la parole sur les amendements et les articles, autant qu’il le veut et comme il le veut, avec un temps de parole qui n’est pas limité.
Sur tous les points que vous évoquez, notamment les articles 8 et 9, le ministre, quand bien même il n’aurait pas répondu, ce matin, après la discussion générale, aura évidemment l’occasion, s’il le souhaite et dès qu’il le demandera, de prendre la parole pour vous éclairer.

La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, je vous remercie et j’irai dans le sens de ce que vous venez de préciser.
Madame Le Grip, nombre des questions que vous venez de poser trouvent leur réponse dans la discussion générale, notamment dans le discours que j’y ai tenu tout à l’heure.

Par ailleurs, beaucoup des interventions sur l’article 1er n’avaient rien à voir avec cet article – je crois même que très peu d’entre elles ont porté sur celui-ci.

En outre, vous me connaissez, et vous savez que je répondrai en détail à vos amendements et que je vous donnerai des explications.

Cela dit, étant donné que vous avez déposé des amendements sur à peu près tous les sujets évoqués dans le cadre de la discussion générale ou relevant de l’article 1er, il me paraissait plus opportun, pour la bonne organisation des débats, de répondre précisément sur chacun d’entre eux plutôt que de donner une réponse globale, qui aurait nécessairement été moins précise et moins pertinente.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l’amendement no 256. C’est le premier d’une longue série d’amendements identiques visant à préciser la terminologie. Là où le texte dont nous débattons, à la suite de son examen en commission, mentionne des opérations de conservation et de restauration, l’amendement tend à employer plutôt l’expression « conservation-restauration », afin de placer d’emblée la discussion dans le prolongement des grands traités internationaux conclus depuis la charte de Venise et des différents textes débattus et adoptés à l’échelle internationale, notamment par les différents comités de l’ICOM – le Conseil international des musées, placé sous l’égide de l’UNESCO, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.
L’expression « conservation-restauration » balaie l’ensemble du champ des opérations qui seront nécessaires au cours du chantier qui est devant nous – et derrière nous déjà pour ce qui concerne les premières semaines qui ont suivi le sinistre – pour assurer tant les opérations de conservation préventive et curative que des restaurations un peu plus interventionnistes.

Monsieur le ministre, vous avez répondu ce matin que vous craigniez que cette terminologie – qui, du reste, gagnerait à être inscrite dans le code du patrimoine – ne nous permette pas d’assurer ensuite l’entretien du bâtiment. De mon point de vue, cet entretien relève au contraire des opérations de conservation préventive, car l’entretien régulier et la mise en sécurité des monuments font partie intégrante du travail de conservation-restauration.
Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement, comme de nombreux autres, est relatif à la question de la conservation-restauration.
Comme vous l’avez dit, cette expression est reconnue par les spécialistes du patrimoine, et nous l’avons entendue lors des différentes auditions auxquelles nous avons procédé. Il s’agit cependant d’un terme technique qui, comme vous venez de le dire, n’est pas inscrit dans le code du patrimoine ni dans aucune autre loi.

Pour garantir la clarté du projet de loi, je vous propose donc de retirer cet amendement et d’en rester aux mots « conservation et restauration », plutôt que d’utiliser l’expression « conservation-restauration », qui n’a pas de définition légale – même si je ne doute pas que nous l’utilisions dans nos débats.

À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? J’irai dans le sens de Mme la rapporteure. Le code du patrimoine utilise les termes « conservation et restauration », et non pas l’expression « conservation-restauration », dont l’emploi risquerait, dès lors, de créer des problèmes d’interprétation juridique.
Je vous invite donc moi aussi à retirer cet amendement, monsieur Gérard, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur Gérard, retirez-vous votre amendement ? Il me semble au contraire que c’est précisément le moment d’ouvrir le débat sur l’introduction du terme « conservation-restauration » dans le code du patrimoine. L’expression est en effet issue d’une longue querelle entre les conservateurs et les restaurateurs de notre pays, qui a trouvé un début de réponse avec l’alignement de l’ensemble de la profession sur cette terminologie.
Je trouve en outre qu’elle présente le mérite de désamorcer une partie du débat lancé ce matin sur la restauration à l’identique ou non. Ces réflexions ont déjà été menées au niveau international et ont fait l’objet de prescriptions formalisées dans les différents traités internationaux.

Je maintiens donc mon amendement.
La parole est à Mme Frédérique Dumas. Je soutiens la position de M. Gérard : article 9 proposant de déroger au code du patrimoine, une telle dérogation peut se faire dans les deux sens, à savoir aussi pour améliorer ce code et le mettre en conformité avec les règles européennes ou internationales, en tout cas avec celles de la Charte de Venise, qui permettront précisément de sécuriser la situation et de rassurer les citoyens quant à la conduite de ce chantier.
(L’amendement no 256 n’est pas adopté.) Je suis saisi de sept amendements, nos 98, 40, 71, 79, 103, 118 et 133, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 40, 71, 79, 103, 118 et 133 sont identiques.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l’amendement no 98.
Premier d’une très longue série d’amendements déposés par les députés du groupe Les Républicains, il vise à nous assurer que la souscription lancée, qui connaît un certain succès, permettra une restauration à l’identique de la cathédrale Notre-Dame, telle que nous avons pu en hériter depuis les modifications qui lui ont été apportées au fil des siècles, la dernière majeure en date étant celle d’Eugène Viollet-le-Duc.
Comme de très nombreux Français – tous, je l’espère –, j’ai été frappé d’effroi en voyant les flammes ravager la cathédrale Notre-Dame. J’étais également abasourdi après avoir entendu le Président de la République faire un enjeu politique de ce malheur national, européen et civilisationnel. Annoncer une volonté de course contre la montre dans la reconstruction et faire de la restauration de la cathédrale Notre-Dame un enjeu politique, vouloir y imprimer, selon ses mots, un « geste architectural contemporain », c’est, pour moi, une hérésie. Il faut en effet avoir le recul nécessaire et respecter ce qui a été fait par ceux qui nous précédèrent.

Il est malvenu de se servir d’un tel édifice pour imprimer sa marque au cours d’un quinquennat, d’une présidence de la République. D’autres présidents de la République ou présidents du Conseil ont pu le faire avec des monuments de Paris – certains ont construit des musées, d’autres des pyramides –, mais ils n’ont jamais osé s’attaquer à un bâtiment tel que Notre-Dame de Paris. Le faire créerait un précédent dommageable.

Ce geste architectural contemporain issu d’un concours international nous inquiète, m’inquiète particulièrement.
Merci de conclure, monsieur Dumont. C’est intéressant ! Où cela nous mènera-t-il ? À un toit végétalisé ou même à une piscine, comme on a pu le voir sur certaines images ? Je ne le veux pas. Cet amendement est donc un amendement de prévention de ces hérésies culturelles. Monsieur Dumont, je vous félicite d’avoir suscité, en vingt-cinq secondes de dépassement de temps de parole, l’intérêt du président Le Fur… C’est l’essentiel ! (Sourires.) La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l’amendement no 40. Il prévoit de réécrire l’alinéa 1er de l’article 1er en précisant que la restauration doit se faire à l’identique, pour deux raisons.
Premièrement, les murs de la cathédrale Notre-Dame appartiennent certes à l’État, mais ils sont affectés au diocèse de Paris. C’est le lieu de culte des catholiques, qui y vivent leur foi.
(Murmures.) Des hommes sont ordonnés tous les ans dans ses murs et y font don de leur vie. Des offices y sont célébrés à longueur de semaine et de journée. Des hommes et des femmes y sont en prière tous les jours. Ainsi, à l’intérieur de ses murs, tout a un sens et tout est symbole : la moindre pierre ou pierre d’angle, la moindre statue, sur la flèche ou ailleurs. On ne dénature pas, on ne touche pas, on ne profane pas un lieu de culte, même si la foi peut effectivement se vivre sous n’importe quel ciel.
Quelle profanation ? Comme vous y allez ! Deuxièmement, la volonté des donateurs nous engage juridiquement. Ces derniers n’ont pas donné pour un projet encore inconnu ; ils ont donné pour une restauration à l’identique, ils ont donné pour ce qu’ils venaient de perdre. Il ne peut y avoir de concours pour déterminer cette restauration, car une restauration à l’identique constitue un usage déterminé. L’utilisation des dons à une autre fin caractériserait un abus de confiance. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Pas du tout ! La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 71. Cet amendement a lui aussi pour objet la restauration à l’identique de Notre-Dame de Paris. Comme l’a rappelé M. Fuchs, en fin de matinée, dans son intervention sur l’article 1er, nous savons bien que des techniques beaucoup plus modernes et des matériaux beaucoup plus performants peuvent être utilisés aujourd’hui pour la reconstruction. Pour notre part, nous tenons à ce que l’apparence de la cathédrale Notre-Dame de Paris soit identique demain à ce qu’elle a toujours été. La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l’amendement no 79. Défendu. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 103. Si nous tenons à insérer les mots « à l’identique », c’est parce qu’on voit fleurir différents projets qui nous inquiètent. Par exemple, dans Le Parisien du 23 mai, on peut voir placés au sommet de la cathédrale une piscine ou un espace vert, ou encore des flèches qui se veulent résolument modernes, autant de gestes architecturaux dont nous ne voulons pas. On a même entendu des députés – que je ne citerai pas, par charité chrétienne (Sourires) – évoquer la nécessité de reconstruire Notre-Dame avec des matériaux recyclés ! C’est vrai ! Nous devons une restauration à l’identique aux bâtisseurs du XIIIe siècle, la grande époque gothique médiévale qui a fait nos cathédrales, aux restaurateurs du XIXe siècle, la grande époque romantique, qui ont su l’embellir encore, et aux sauveteurs qui ont lutté et risqué leur vie pour sauver ce qui pouvait l’être, en particulier les deux tours, les murs et les précieuses reliques de Notre-Dame. Nous le devons également aux donateurs, qui ont donné non pas pour qu’on fasse n’importe quoi, mais pour qu’on reconstruise Notre-Dame.
Nous jugerons le projet de loi en fonction de l’adoption ou non de ces amendements. Nous considérons qu’il est essentiel d’écrire très précisément dans l’article 1er ce que nous voulons.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Tout à fait ! La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement no 118. J’ai aussi déposé un amendement identique prévoyant explicitement la restauration à l’identique de Notre-Dame. Pourquoi ? Nous sommes la génération qui n’a pas su préserver Notre-Dame, ce patrimoine transmis depuis 850 ans, et qui a assisté à son incendie, impuissante, devant les postes de télévision. Cette culpabilité nous oblige et justifie l’inquiétude suscitée par les propos du Président de la République, qui sont particulièrement anxiogènes et divisent les Français. Un récent sondage montre que 72 % de ces derniers sont favorables à la restauration de Notre-Dame à l’identique. Il est donc inquiétant que le Président de la République veuille lancer un concours international, reconstruire Notre-Dame plus grande, plus belle et mieux qu’avant.
Ce serait manquer de respect au patrimoine qui nous est légué, pour plusieurs raisons. Premièrement, la charte de Venise prévoit clairement une restauration dans le dernier état connu. Deuxièmement, nous disposons des plans extrêmement précis d’un grand architecte : Viollet-le-Duc. Troisièmement, la récupération de morceaux de Notre-Dame de Paris rendrait possible cette restauration – je rappelle que près de 1 200 experts du patrimoine se sont insurgés contre les propos d’Emmanuel Macron. Quatrièmement, enfin, nous devons cette restauration aux bâtisseurs, aux sauveteurs et aux donateurs. Je ne voudrais pas que les promesses de dons, qui s’élèvent à 1 milliard d’euros, ne puissent être concrétisées en raison du dévoiement de cette générosité nationale et internationale suscitée par ce chef-d’œuvre de 850 ans.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l’amendement no 133. J’ai déposé également un amendement identique prévoyant une restauration à l’identique, que j’ai déjà défendu en commission des affaires culturelles, en vain. À titre personnel, je reconnais la relative fragilité juridique du dispositif, mais il s’agit de faire passer le message porté par une grande majorité de nos compatriotes : ils demandent que la grande œuvre de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris tienne compte de l’histoire de ce bâtiment tout à fait extraordinaire et respecte les grands principes de la charte de Venise, notamment celui de la restauration du dernier état connu. Ils souhaitent que toutes les étapes historiques et architecturales de la cathédrale soient pleinement reconnues à leur juste valeur, car elles ont consacré le caractère exceptionnel de la cathédrale. En effet, que serait Notre-Dame sans l’œuvre de restauration de Viollet-le-Duc ? Nous souhaitons une restauration à l’identique, y compris des derniers éléments architecturaux du XIXe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ? Je vous remercie pour ces amendements car ils nous permettent d’aborder un sujet qui fait couler beaucoup d’encre : la restauration à l’identique de Notre-Dame de Paris. Les esquisses de nombreux architectes ont frappé les esprits et ont même parfois fait peur. Merci de le reconnaître ! C’était particulièrement inquiétant ! Je rappelle qu’à ce stade, nous n’avons pas commencé à établir le diagnostic des dégradations et des travaux à effectuer. Raison de plus ! Pour l’heure, les architectes poursuivent la réalisation de mesures d’urgence afin de préserver la cathédrale de nouvelles dégradations. Ce sujet paraît donc prématuré.
Par ailleurs, ce sont les architectes en chef des monuments historiques qui pourront proposer des pistes de restauration, en fonction de leur évaluation de l’état du bâtiment. Je considère que ce n’est pas au législateur mais aux experts de la profession, aux experts du patrimoine, qu’il appartiendra de proposer des projets pour la restauration,…
Très bien ! Le Président de la République est-il un expert ? …au vu de leurs compétences et de leur attachement à la préservation du patrimoine. Je sais que nous pouvons leur faire confiance pour œuvrer en faveur d’une restauration qui préserve l’identité esthétique, religieuse et historique de Notre-Dame.
J’ajoute, pour compléter les propos que j’ai tenus en commission, que, quand on parle de restauration à l’identique, il faut préciser ce qu’on entend par identique, étant donné la richesse patrimoniale et l’histoire de la construction de Notre-Dame.
À l’identique au sens de la charte de Venise ! Si sa construction a démarré en 1163, elle a connu plusieurs étapes. J’entends que vous souhaiteriez la retrouver dans l’état où nous la connaissions le 15 avril au matin, et je comprends que vous y soyez attaché. Lors des auditions, des architectes et des spécialistes des questions de restauration ont indiqué que la restauration à l’identique était impossible et même irréelle. Comme l’a dit M. Lurton, il sera sûrement impossible de trouver les mêmes matériaux et d’utiliser les mêmes méthodes. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre ! Madame Boyer, s’il vous plaît ! Plus grave, l’état de l’édifice conditionnera les travaux. Le besoin de refaire la charpente et la toiture dépendra de la solidité de la structure de l’édifice.
Enfin, il conviendra peut-être de modifier les principes de conception en matière de sécurité et d’incendie, comme cela a été fait, vous le savez, pour la cathédrale de Nantes, qui a subi un incendie similaire en 1972.

J’ai retenu de mes lectures que, pour restaurer un monument historique, chaque cas est différent. Il faut connaître de fond en comble son histoire, le sens de sa construction et son environnement. Les Français sont très attachés à l’histoire de Notre-Dame et à son image. Il ne faut rien écarter à ce stade, mais je ne doute pas qu’elle sera restaurée le plus possible à l’identique, car les Français privilégient fortement une véritable conservation-restauration. Je vous demande de retirer ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.
Sur les amendements identiques nos 40, 71, 79, 103, 118 et 133, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande in extremis de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ainsi que sur le no 98 ?
Nous souhaitons que la restauration de Notre-Dame soit exemplaire. Monsieur Dumont, ce n’est pas le Président de la République ou le Gouvernement qui en fait un enjeu politique ; c’est vous qui politisez le sujet, au lieu de cantonner le débat aux questions patrimoniales ! Non, c’est le Président de la République ! Il y a toujours un débat patrimonial quand il s’agit de restaurer un monument historique, et l’objectif du concours d’architecture est bien de favoriser le jaillissement des avis et l’expression de la créativité. Le moment venu, une décision sera prise pour que la restauration de Notre-Dame de Paris soit à la hauteur de ce que représente ce monument en matière d’art, d’histoire et de symboles. N’essayez donc pas de faire de la politique dans un débat qui doit absolument rester patrimonial.
Monsieur Lurton, vous voulez que Notre-Dame de Paris soit restaurée à l’identique de ce qu’elle a toujours été. Mais elle n’a jamais été toujours pareille ! Elle a connu des modifications au fil des siècles, la dernière étant celle de Viollet-le-Duc, avec la création de la flèche !

Certains d’entre vous ont critiqué l’idée d’un concours. Mais savez-vous que la flèche qui a surmonté la cathédrale durant un peu plus de 150 ans a été choisie par Viollet-le-Duc après un concours, en 1843 ? Le principe du concours a donc déjà été opérant puisqu’il a permis la création de la flèche de Viollet-le-Duc.

Toutefois, la décision entre une restauration à l’identique ou différente n’a pas encore été prise. Alors ne criez pas au loup.
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Non, la décision n’est pas prise ; elle le sera le moment venu, une fois que les experts auront donné leurs avis – ils n’ont du reste pas tous dit qu’il faut absolument s’orienter vers une restauration à l’identique, de nombreux experts étant même favorables à des modifications.

Nombre d’entre vous ont cité la charte de Venise. Or ce texte préconise très clairement que les restaurations doivent être distinguées de l’état original et il autorise sans problème des gestes architecturaux contemporains.

Quoi qu’il en soit, je tiens à vous rassurer : aucune décision n’a été prise. Il convient de se placer dans une perspective historique pour rappeler que l’histoire de Notre-Dame de Paris a connu des apports architecturaux successifs et que le dernier apport architectural majeur, qui a été celui de Viollet-le-Duc, a été le fruit d’un concours d’architectes. Le texte ne prévoit donc aucune disposition révolutionnaire ; il s’inscrit au contraire dans la longue histoire de Notre-Dame de Paris.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Je vous informe que je clos la liste des inscrits.
La parole est à M. Thierry Benoit.
Monsieur le ministre, quoique n’étant pas spécialiste de l’art ni membre de la commission des affaires culturelles, je suis resté ce vendredi pour représenter mes concitoyens, en tant que député, parce que la question de rebâtir Notre-Dame de Paris est à mes yeux cruciale.
Le texte qui nous réunit aujourd’hui comporte quatre points essentiels : une loi d’exception ; le recours aux ordonnances ; la création d’un établissement public de l’État ; la question, enfin, de sa restauration à l’identique.

Comme beaucoup de Français, j’ai été gêné lorsque le Président de la République s’est adressé à nous comme à des enfants dont le jouet aurait été cassé, nous assurant que Notre-Dame de Paris serait reconstruite « plus belle ». Or je ne demande pas qu’elle soit reconstruite plus belle ; je veux qu’elle le soit à l’identique. Le Président de la République a évoqué un geste contemporain ; je souhaite une reconstruction à l’identique, avec les techniques du moment, les pratiques du moment, les moyens modernes et vertueux, respectueux de l’environnement.

Je souhaite que le geste de ce nouveau millénaire, dans ce nouveau monde politique, à l’égard de ce monument qui a traversé les siècles et qui a vu des générations se succéder en son sein pour y célébrer le culte, s’inscrive dans le prolongement des gestes séculaires réalisés par les anciens compagnons du tour de France, ces compagnons bâtisseurs. Tout doit vraiment être mis en œuvre pour le rebâtir à l’identique.

C’est le Président de la République, en tenant ce propos hasardeux et en en faisant une affaire personnelle, qui a ouvert le débat. C’est la raison pour laquelle je soutiens, au nom de mon groupe, ces amendements qui visent à restaurer Notre-Dame de Paris à l’identique.
(Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LR.)
La parole est à M. Raphaël Gérard. Je tiens à revenir au champ lexical qui a été employé dans la discussion générale : il a été question de vanité, de présomption et d’arrogance. Qui sommes-nous pour inscrire dans la loi une décision qui, selon moi, relève de la communauté scientifique qui doit être associée au projet ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.) D’aucuns accusent le Gouvernement de vouloir accomplir un geste architectural et contrevenir à la charte de Venise. Je viens de rappeler à quel point je suis attaché aux grands textes internationaux, dont cette charte. Or celle-ci qui, comme l’a rappelé le ministre, n’interdit pas le recours à l’architecture contemporaine, exige la lisibilité des interventions sur les monuments, de façon à ce que les visiteurs ne soient pas confondus.
Faisons donc preuve de modestie. De grâce, laissons aux gens de l’art, aux scientifiques, le soin de décider de ce qui doit être fait pour le bien du monument, et battons-nous pour obtenir un comité scientifique au sein de l’établissement public – tout à l’heure, je défendrai des amendements en ce sens.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
La parole est à Mme Michèle Victory. Je crains que cette discussion ne tourne en rond. J’irai dans le sens des propos du précédent orateur. Nous semblions tous plutôt d’accord, ce matin, pour reconnaître qu’il appartient aux spécialistes du patrimoine de s’exprimer. Il ne me semble pas que nous soyons là pour décider ce qui doit être. Il est sûr que les Français ont un avis sur tout, tout le temps. Nous avons sûrement, nous aussi, notre avis sur tout et tout le temps. S’il s’agit de philosopher, la nuit n’y suffira pas. Je le répète : il ne nous revient pas de décider, ici, ce qui est beau et ce qui ne l’est pas, et comment doit être rebâtie la cathédrale.
Je ne crois pas, enfin, que la culpabilité puisse être bonne conseillère ; je ne vois même pas ce qu’elle vient faire dans notre débat. Avançons plutôt dans la tâche qui nous incombe en tant que parlementaires : encadrer les procédures qui permettront à la cathédrale d’être rebâtie un jour.
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LaREM.)
La parole est à M. M’jid El Guerrab. J’ai bien écouté chaque intervention et surtout les réponses de la rapporteure et du ministre. Il est vrai que nous avons tous pris peur devant les images qui ont circulé : des toits végétalisés, des courts de tennis ou autres folies. Non !
Vos amendements sont mal rédigés car, en figeant à l’identique, ils nous priveraient de la consultation nationale qui doit se tenir. Ce que vous voulez, à mon sens, c’est plutôt une restauration dans le même esprit.
Un peu plus que dans le même esprit ! Si c’est dans le même esprit, nous sommes tous d’accord, c’est du bon sens : nous voulons reconstruire Notre-Dame dans le même esprit, alors que le faire à l’identique serait au contraire figer les choses. En tout cas, je voterai contre ces amendements. La parole est à M. Gilles Lurton. Si je n’appartiens pas, moi non plus, à la commission des affaires culturelles, je suis toutefois resté parce que je sens qu’une chose très importante se joue ici pour les Français avec ce projet de loi.
Je ne voudrais pas, madame la rapporteure, qu’on se méprenne sur notre volonté de restauration à l’identique. Ce que je veux, c’est que Notre-Dame de Paris recouvre l’apparence qu’elle avait au matin de son incendie.

Si vous voulez savoir ce qu’est, pour moi, une restauration à l’identique, j’ai un exemple en tête, tout comme Marc Le Fur, qui est breton, comme moi. Après avoir subi un incendie à la suite d’une manifestation de pêcheurs, le palais du Parlement de Bretagne a été restauré de façon absolument exemplaire.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
Tout à fait ! Tout l’intérieur a été restauré par des maîtres de l’art. Le bâtiment a été restauré complètement à l’identique de ce qu’il était auparavant et les Bretons ont ainsi retrouvé leur fierté d’avoir ce parlement au cœur de la ville de Rennes. Voilà ce qu’est pour moi une restauration à l’identique. Je demande la même chose pour la cathédrale Notre-Dame de Paris. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Brigitte Kuster. Si je partage les propos de M. Lurton, je tiens, en revanche, à revenir sur ceux que vous avez prononcés, monsieur le ministre, car ils ne sont pas pour nous rassurer.
Vous avez commencé par nous accuser de faire de la politique politicienne à l’occasion de ce débat. Que chacun garde raison ! Tout le monde a le droit de s’exprimer sur le texte qui nous est présenté comme de réagir aux propos du Président de la République, au lendemain de l’incendie, qui nous ont inquiétés.

Si l’incendie a provoqué une première émotion, une seconde l’a été par ce calendrier précipité, politico-sportif, du Président, voulant rendre la cathédrale encore « plus belle ». Très sincèrement, il y avait de quoi s’inquiéter.

S’agissant des amendements réclamant une restauration à l’identique, nous sommes d’accord, les matériaux ont changé. L’idée générale est que la restauration respecte l’image du monument, en hommage à tous ceux qui, depuis des centaines d’années, ont travaillé à l’ouvrage. Monsieur le ministre, je suis inquiète car vous venez de parler à nouveau d’un geste architectural contemporain et de créativité. Par définition, un geste architectural contemporain ne respecterait pas l’architecture de la cathédrale, sa mémoire.

Je tiens aussi à rappeler que, par-delà les partis politiques – nous nous retrouvons sur différents bancs de l’Assemblée –, plus de mille experts du monde entier se sont exprimés avec force et même alarmés pour faire part de leur crainte.

Alors, s’il vous plaît, ne nous ramenez pas à un débat de politique politicienne. Nous ne voulons qu’assumer nos responsabilités devant l’un des plus grands chantiers de restauration – et non de reconstruction, comme d’aucuns se plaisent encore à le dire sur certains bancs de cet hémicycle. Des amendements le précisent : il s’agit bien de restauration et de conservation.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir.)
La parole est à Mme Sophie Mette. Vous affirmez que les Français ont donné pour que Notre-Dame soit reconstruite à l’identique. Les Français ont donné dans un élan extraordinaire de générosité. Ils l’ont fait pour que ce site architectural, patrimonial, culturel et cultuel continue de vivre dans leur cœur. Il faut attendre l’évaluation, je crois. Les experts en patrimoine et les architectes des Bâtiments de France donneront leur avis éclairé. Attendons-le car il convient tout d’abord d’évaluer les dégâts.
Monsieur Lurton, vous avez affirmé que le Parlement de Bretagne a été reconstruit à l’identique. Or sa charpente a été reconstruite en béton, on l’a vu dans un reportage diffusé récemment.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Il a été reconstruit à l’identique dans l’aspect et la finition ! L’expression « à l’identique » a un double sens. Faisons confiance aux experts. Attendons l’évaluation. Pour l’instant, nous ne savons pas exactement ce dont aura besoin Notre-Dame. Justement, nous n’avons pas confiance ! Je voterai contre ces amendements. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.) La parole est à M. Pierre-Henri Dumont. Nos amendements traduisent, nous le reconnaissons, une certaine inquiétude. Celle-ci provient de certaines coupures de presse, que Marc Le Fur a relevées, mais aussi du fait que nous entendons des discours différents sur les bancs de la majorité.
On nous dit qu’aucune décision n’est prise. Ce discours est le vôtre, monsieur le ministre de la culture, mais il faut également écouter le comité scientifique et les experts avant de se faire une opinion plus précise sur les travaux qu’il sera nécessaire de réaliser. En même temps, en commission, vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que l’État prendra sa décision, qu’il prendra ses responsabilités.

La vraie question est donc la suivante : que se passera-t-il si la volonté du Président de la République – puisque l’État, dans la Ve République macronienne, c’est lui
(Exclamations sur divers bancs) –…
La Ve République est gaullienne. …va à l’encontre des recommandations des experts consultés ? Nous n’avons pas la réponse.
Permettez-nous d’être inquiets. Quand le Président de la République nous explique, durant sa campagne, qu’il n’existe pas de culture française
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM),
Arrêtez les caricatures ! …quand le Président de la République, dans un geste de culture contemporaine, fait inviter à la fête de la musique, sur le perron de l’Élysée, une troupe qui nous semble être en total décalage avec ce que doit être la culture à l’Élysée et dans la République française, comprenez bien que nous sommes parfaitement inquiets ! Telle est la raison des amendements que nous avons déposés. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Très bien ! La parole est à Mme la rapporteure. Cette discussion m’amène à formuler deux remarques.
Pour aller dans le sens de ma collègue Sophie Mette, figurez-vous que nous avons abordé le sujet de la restauration du Parlement de Bretagne lors des auditions, puisque nous avons rencontré les experts ayant conduit cette remarquable restauration. Or le Parlement de Bretagne, monsieur Lurton, n’a pas été restauré à l’identique.
C’est exactement ce que j’ai dit ! Il ne l’a pas été, notamment dans son organisation interne, à la demande de l’affectataire – en l’occurrence, le ministère de la justice –, qui avait besoin de certaines pièces et pas d’autres, de certaines lumières et pas d’autres. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Je souhaite simplement vous dire que le Parlement de Bretagne n’a pas été restauré à l’identique ! (Mêmes mouvements.)
Deuxième remarque, concernant la cathédrale que nous voudrions voir plus belle encore… (Exclamations ininterrompues sur les bancs du groupe LR.)
Mes chers collègues du groupe LR, vous avez eu l’occasion de vous exprimer et vous avez été écoutés. Comme on ne nous a pas entendus, nous répétons ! On ne vous a peut-être pas entendus mais on vous a écoutés, dans le respect. Je vous demande de faire preuve du même respect envers Mme la rapporteure. Seule Mme la rapporteure a la parole. Et s’il faut se montrer plus respectueux du règlement dans les prises de parole, vous aurez moins l’occasion de vous exprimer par la suite ! Je souhaite revenir sur l’idée selon laquelle nous voudrions voir la cathédrale « plus belle encore », expression que j’ai utilisée lors de mon intervention en discussion générale. Lorsque l’incendie s’est déclenché, le 15 avril, la cathédrale était en travaux,… Nous le savons ! …dans un but de restauration, afin précisément de lui restituer une beauté supérieure à l’existant. Les travaux étaient donc en cours et il y avait déjà la volonté – étrangère au Gouvernement, car elle est antérieure à l’incendie – de retrouver Notre-Dame plus belle encore. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Vous jouez sur les mots !
(L’amendement no 98 n’est pas adopté.) Je mets aux voix les amendements identiques nos 40, 71, 79, 103, 118 et 133.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 61
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l’adoption 13
Contre 47
(Les amendements identiques nos 40, 71, 79, 103, 118 et 133 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 77. Il vise à préciser l’objet de la souscription, en incluant la restauration tant immobilière que mobilière des dommages causés par l’incendie. Nous proposons de compléter l’alinéa 1er de l’article 1er par les mots « et de son mobilier ». En effet, il nous semble particulièrement important que le mobilier dégradé dans la cathédrale Notre-Dame de Paris – statues, objets religieux présents à l’intérieur de la cathédrale – soit restauré. Quel est l’avis de la commission ? Nous avons eu la chance, grâce au travail des pompiers et à la célérité des agents du ministère de la culture, que le trésor de Notre-Dame, les statues et les mays des transepts aient été évacués rapidement lors de l’incendie : ils ont été en grande partie sauvés. Néanmoins, vous avez raison de le dire, il conviendra de restaurer une partie du mobilier de la cathédrale. C’est prévu à l’article 2, qui indique à quoi serviront les fonds collectés. Votre amendement étant satisfait par l’article 2, je vous propose de le retirer.
(L’amendement no 77, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Nous en venons aux amendements identiques nos 9, 113 et 182, sur lesquels je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 9.
Nous ne comprenons pas l’existence de l’alinéa 2, qui dispose que la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris sont placées « sous la haute autorité du Président de la République française ». J’ai trouvé le Président de la République très bon lorsqu’il est venu immédiatement sur place, dans la nuit du 15 avril. Absolument ! Son intervention du lendemain, dans laquelle il n’a pas même pris le soin d’évoquer la destination de la cathédrale, omettant de parler des chrétiens et du culte – pas une seule fois ! –, m’a surpris. Puis il s’est engagé dans deux idées qui me semblent funestes.
D’abord, l’idée des cinq ans – caler la restauration de Notre-Dame de Paris sur les Jeux olympiques – est absolument ridicule. Entre la qualité et la rapidité, il faut arbitrer pour la qualité.
C’est ce que nous avons dit ! Nous faisons les deux ! Il faut faire les choses bien, au rythme qui convient, et non pas précipiter les choses.
Ensuite, le Président de la République commet, je crois, une erreur en évoquant un geste architectural. Je regrette, monsieur le ministre, que vous ayez repris l’expression. Il faut faire preuve d’humilité et éviter le caprice, dans cette affaire. Or le caprice peut être le fait d’un homme, quel qu’il soit.

Pour éviter cela, nous devons d’abord cadrer ce texte en évoquant explicitement la nécessité d’une restauration à l’identique. Il faut ensuite que nous nous entourions de toutes les compétences nécessaires – culturelles, cultuelles, techniques – pour faire au mieux. Que le Président de la République suive cela avec la plus grande attention, nous le comprenons parfaitement : c’est dans sa fonction et c’est tout à fait logique ! Mais nous ne voyons pas pourquoi il exercerait une autorité singulière sur ce chantier.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement no 113. Je suis particulièrement inquiète, par ce texte et par les propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre. Je ne suis pas rassurée, bien au contraire, quand vous dites qu’aucune décision n’a été prise à ce stade, alors que le Président de la République s’est exprimé d’une autre façon, au point que nous en débattons maintenant.
La souscription nationale ne doit pas souffrir d’une quelconque appropriation. De plus, comme mes collègues, je refuse qu’elle soit placée sous la haute autorité du Président de la République ; je demande donc la suppression de l’alinéa 2. Placée sous une telle autorité, la souscription sera destinée non seulement à restaurer la cathédrale mais aussi à financer la formation professionnelle. Cette souscription nationale ne doit pas servir à combler les lacunes budgétaires de l’État en matière de formation.

Il est important d’associer à cette rénovation non seulement l’ensemble des Français mais aussi des institutions ainsi que les représentants du peuple, députés et sénateurs, les parlementaires et les citoyens français ayant leur mot à dire. Du reste, 72 % des Français se sont exprimés pour une restauration à l’identique ; ils disposent d’un droit de regard sur l’utilisation de cette souscription. C’est pourquoi je refuse, avec d’autres de mes collègues, qu’elle soit accaparée par l’autorité du Président de la République, d’autant que ses desseins sont apparus lorsqu’il a indiqué qu’il voulait rebâtir une cathédrale « plus belle encore ».

La restauration de cette cathédrale ne peut servir à tout. Le sursaut de générosité a permis de récolter plus d’1 milliard d’euros en quelques jours pour restaurer Notre-Dame de Paris. L’argent récolté doit servir à restaurer la partie endommagée de la cathédrale et à la sécuriser à long terme. C’est la raison pour laquelle il faut se montrer particulièrement prudent, et les propos que vous avez tenus le sont. Il s’agit d’une loi d’exception, et nous exprimons notre inquiétude face à l’exaltation patrimoniale opportuniste manifestée par le Président de la République. C’est aux hommes de l’art de décider et non au Président de la République,…
Merci, madame Boyer. …et ils se sont largement exprimés en ce sens. La parole est à M. Michel Larive, pour soutenir l’amendement no 182. L’article 1er du projet de loi acte l’ouverture de la souscription nationale sous la haute autorité du Président de la République. L’amendement que nous proposons se nourrit de l’histoire. La souscription nationale dédiée à la Polynésie française en 1983 fut placée sous la haute autorité des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, donc de la représentation nationale. Le 10 avril 1980, un décret autorise bien une souscription nationale pour la construction d’un monument à la mémoire du maréchal Jean de Lattre de Tassigny, mais elle est placée sous le haut patronage du Président de la République et non sous sa haute autorité. Par cette formule, le chef de l’État apporte un soutien symbolique à l’événement. Mais aucune loi, aucun décret depuis 1945 ne mentionne une haute autorité du Président de la République sur une quelconque souscription.
En plaçant la souscription dédiée à Notre-Dame de Paris sous la haute autorité d’Emmanuel Macron, le Gouvernement lui octroie un nouveau pouvoir formel, une compétence propre, dépassant largement le simple cadre honorifique ou symbolique. Face à ce monument multiséculaire, portant tout le génie du genre humain, la modestie ne doit pas être une option. Laissons cette souscription se dérouler calmement, sans que le Président de la République ne profite de cette occasion dramatique pour apparaître comme l’homme providentiel, le sauveur de la cathédrale, là où justement doivent être mis à l’honneur nos bâtisseurs de génie, ceux de notre époque.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Quel est l’avis de la commission ? Le drame qui a touché Notre-Dame a affecté l’un des symboles de notre nation, comme chacun a pu le constater au vu de l’émotion qu’il a suscitée en France comme à l’étranger, et comme nombre d’entre nous l’ont rappelé lors de la discussion générale. Or, dans nos institutions, c’est le Président de la République qui incarne l’unité nationale. Aussi, placer cette souscription sous sa haute autorité marque le souhait de conférer à cette conservation-restauration un caractère de priorité nationale. De plus, c’est bien lui qui s’est engagé, dans la nuit du 15 avril, à mettre en place une souscription nationale dès le lendemain. C’est pourquoi je crois nécessaire de conserver cette disposition dans le texte. J’émets par conséquent un avis défavorable sur vos amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? D’abord, monsieur Le Fur, je ne peux pas vous laisser dire que le Président n’a pas eu de mots pour les chrétiens et les catholiques : ses premiers mots, prononcés aux côtés de l’archevêque Aupetit, étaient justement destinés aux catholiques ! Il suffit, monsieur Le Fur, de regarder les images pour le constater ! Je parlais de son intervention du lendemain de l’incendie ! Vous faites exprès de ne pas répondre, monsieur le ministre ! Ensuite, mentionner la haute autorité du Président de la République dans le projet de loi est tout à fait légitime : il a en effet annoncé cette souscription nationale et en a fait une cause nationale. Il est donc légitime, et c’est même une très bonne chose, que le Président de la République s’engage, lui qui est le chef de l’État.
Enfin, vous ne cessez de répéter « les experts, les experts, les experts ! » Mais justement, les experts prévus par la loi, notamment ceux de la commission nationale du patrimoine et de l’architecture, n’ont pas encore été réunis ; ils le seront prochainement et pendant toute la restauration de Notre-Dame de Paris. De par la loi, ils rendront un avis consultatif, qui sera bien évidemment écouté. En fonction de cet avis et du débat patrimonial auquel les Français participeront – nous le souhaitons car c’est une très bonne chose –, une décision sera prise par l’État, le moment venu, pour le choix architectural.

Madame Kuster, je me permets de préciser un point : un geste architectural contemporain signifie que c’est un geste architectural du moment. Cela ne veut pas forcément dire qu’il vient en rupture avec le style global du monument historique. Il s’agit simplement d’un geste architectural nouveau. Voilà ce qui peut être fait.
Contemporain, cela a un autre sens ! Cela veut peut-être dire que c’est en décalage mais cela ne veut pas forcément dire que cela le sera. Voilà ce que je voulais préciser. Ce n’est pas clair ! Si, c’est très clair ! La décision n’est pas prise, monsieur Le Fur ; elle le sera le moment venu, après un beau débat patrimonial comme il en existe toujours, et c’est très bien comme cela, quand il s’agit de restaurer un monument historique. La parole est à M. Guillaume Larrivé. Essayons de faire un tout petit peu de droit de temps en temps : c’est la souscription qui est placée sous la haute autorité du Président de la République, et non pas heureusement le travail de restauration lui-même, ce qui serait extravagant.
L’argumentation que vous avez lue est assez passionnante, madame la rapporteure, mais il n’était pas forcément nécessaire de se livrer à une telle génuflexion devant Emmanuel Macron pour se montrer soucieux de l’intérêt général. Vous avez dit qu’il était nécessaire et préférable de placer tout cela sous l’autorité du chef de l’État mais la vérité est celle que vient d’exprimer notre collègue Larive de manière tout à fait éloquente : c’est sans précédent. Depuis au moins 1945 et la restauration de la République – j’ignore ce qui a pu être fait en la matière avant les années 40 –, on n’a jamais ici voté de texte plaçant une souscription nationale sous l’autorité du chef de l’État. La vérité c’est aussi que cette disposition est complètement inutile : ce n’est qu’une petite flatterie du Gouvernement et des députés macronistes à l’endroit du chef de l’État.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
La parole est à M. Michel Larive. C’est effectivement la souscription qui serait placée sous la haute autorité du Président de la République. Nous pensons, pour notre part, que la placer sous son haut patronage suffirait amplement à honorer tant cette souscription et l’action qu’elle est destinée à financer que le Président de la République. Encore heureux que ce ne soit pas la restauration qu’on place sous la haute autorité du Président de la République, parce que c’est non seulement bien au-delà de sa mission, mais surtout de ses compétences ! La parole est à Mme Frédérique Dumas. Je pense, comme mon collègue Thierry Benoit, qu’on nous prend pour des enfants. Comme à chaque petite phrase du Président de la République, on nous explique ce qu’il a voulu dire. En l’occurrence, il aurait voulu dire par « geste contemporain » qu’il s’agit d’un geste accompli dans le moment présent. On se doute qu’un geste n’est pas fait dans le passé ni dans le futur et qu’il est par définition contemporain du jour où il est accompli !
Vous savez très bien qu’en matière d’architecture et d’esthétisme, « geste contemporain » ne signifie pas geste présent mais désigne quelque chose de différent de ce qui est à l’identique. Vous auriez pu quand même, en tant que ministre de la culture, éviter de nous dire que « contemporain » veut dire « actuel ». À cette aune, tous nos gestes quotidiens sont contemporains, dès le petit-déjeuner !
(Commentaires sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 9,113 et 182.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l’adoption 14
Contre 43
(Les amendements identiques nos 9, 113 et 182 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 78. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Marc Le Fur. En proposant, par cet amendement, de substituer les mots « ministre en charge de la culture » aux mots « Président de la République », nous vous conférons une responsabilité que vous devriez logiquement accepter, puisque cela relève de votre compétence, monsieur le ministre.
Si nous préférons que la loi vous désigne explicitement, c’est d’abord…
Parce qu’on lui fait confiance ! …parce que vous êtes entouré d’experts, notamment de conservateurs du patrimoine et d’architectes des monuments historiques, mais aussi – pourquoi ne pas le dire ? – parce qu’en tant que membre du Gouvernement, vous êtes responsable devant le Parlement. Il ne s’agit donc pas de sous-estimer vos responsabilités mais au contraire de les reconnaître. Dans son for intérieur, il est d’accord ! La parole est à M. le ministre. Je vous remercie vraiment de votre confiance, monsieur Le Fur, mais, comme votre collègue Larrivé l’a très justement relevé, il s’agit bien de l’autorité sur la souscription nationale. Or ce mécanisme a été mis en œuvre par mon collègue chargé du budget, Gérald Darmanin, en lien avec le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le président de la commission des finances est présent aux côtés du président de la commission des affaires culturelles. Vous voyez que cela dépasse les compétences du ministre de la culture. Dans ce cas, plaçons la souscription sous l’autorité du Premier ministre !
(L’amendement no 78 n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 206, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir cet amendement.
Dans le droit fil de ce qui vient d’être dit, nous préférerions que cette souscription soit placée sous l’autorité des deux assemblées. Vous avez évoqué la forte mobilisation populaire autour de ce projet ; c’est précisément pour cette raison qu’il nous semble relever de la responsabilité de l’Assemblée nationale. C’est parce que nous représentons tous ensemble notre pays que nous devrions pouvoir contrôler l’utilisation de ces fonds et être le garant de ce projet de souscription nationale. Quel est l’avis de la commission ? Comme je viens de le dire, la mention de la haute autorité du Président de la République a une portée symbolique. L’ajout de la mention d’une autre personnalité, aussi éminente soit-elle, brouillerait le message que nous souhaitons envoyer. Je demande le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ajoute, sous le contrôle de Mme la rapporteure, qu’il a été décidé en commission que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport relatif à la part et au montant des dons et versements effectués par les personnes physiques et les personnes morales – c’est prévu à l’article 5 bis nouveau.
D’autre part, je l’ai dit tout à l’heure, sans préjudice des contrôles de la Cour des comptes, un suivi sera assuré par un comité réunissant le premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et de la culture. Il y aura donc bien évidemment un contrôle du Parlement, vous pouvez être rassuré sur ce point.
Je mets aux voix l’amendement no 206.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 5
Contre 44
(L’amendement no 206 n’est pas adopté.)
(L’article 1er est adopté.)
La parole est à Mme Florence Provendier, pour soutenir l’amendement no 235, portant article additionnel après l’article 1er. Il vise à inscrire explicitement dans la loi, après l’article 1er, la possibilité de participer à l’élan de générosité pour la conservation et la restauration de Notre-Dame de Paris, grâce à du mécénat de compétence, du pro bono ou du don. Notre pays regorge de talents, et je sais que des Françaises et des Français, notamment des artisans qui excellent dans les métiers d’art, sont prêts à consentir des dons en nature – par exemple, en Bretagne, de forêts – ou de compétences. Il me semble important de leur confirmer qu’il leur sera possible de participer, au travers de dons en compétences ou en nature, à cette grande souscription nationale. Quel est l’avis de la commission ? Ces possibilités sont d’ores et déjà ouvertes sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans la loi. Je propose donc que vous retiriez votre amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Cet amendement est en effet satisfait. Vous le retirez, madame Provendier ? Je le retire mais il sera important d’expliquer aux uns et aux autres comment ils pourront procéder à ces dons, quelle que soit leur forme. La parole est à Mme Brigitte Kuster. Je le reprends.
(L’amendement no 235 n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, première oratrice inscrite sur l’article 2. Je souhaite profiter des deux minutes qui me sont imparties pour évoquer la question des biens meubles de Notre-Dame de Paris, mes amendements à ce sujet ayant été jugés irrecevables. Je ne cache pas que j’aurai voulu corriger l’article 2, qui me semble déséquilibré puisqu’il y est établi que l’objet des dons et versements sera de restaurer et conserver la cathédrale et son mobilier, dont l’État est propriétaire.
Concrètement, cela revient à dire que les fonds récoltés par la Fondation Notre-Dame seront dévolus à l’État, pour ne pas dire captés par lui. Pourtant il ne fait aucun doute que les donateurs ont donné sciemment leur argent à cette fondation et non à la Fondation pour le patrimoine, ni à la Fondation de France, ni au Centre des monuments nationaux. Cette façon de procéder est d’autant plus étonnante que la Fondation Notre-Dame est tout à fait compétente pour participer à la restauration du patrimoine chrétien.

J’ai entendu dire, monsieur le ministre, que vous ne vouliez pas que les donateurs soient floués et que vous étiez très attaché à ce que leurs dons soient respectés. Peut-être faudrait-il commencer par là : les dons qui ont afflué vers la Fondation Notre-Dame doivent être spécifiquement affectés à ces biens. Il me paraît indispensable de rééquilibrer cet article en conséquence.

Depuis la loi de 1905 instituant la séparation de l’Église et de l’État, si ce dernier est le propriétaire de la cathédrale de Paris, il n’en reste pas moins que le mobilier acheté ou offert après 1905 appartient au diocèse. Or, dans la rédaction actuelle de l’article 2, les biens mobiliers qui appartiennent au diocèse sont écartés d’une éventuelle restauration. Cela me semble contraire aux intentions affichées par le Gouvernement. Il serait donc préférable de préciser que les fonds recueillis par la Fondation Notre-Dame pourront effectivement servir à la restauration d’œuvres appartenant au diocèse de Paris.

Ma question est simple : comment comptez-vous remédier à ce déséquilibre ?
La parole est à Mme Anne-Christine Lang. L’article 2 prévoit que les dons serviront également à financer la formation aux compétences requises par ce chantier historique, dans un double objectif : tenir le délai de cinq ans et permettre à tous les jeunes qui désirent s’engager dans ce chantier de se former à l’apprentissage d’un métier. C’est tout le sens du projet des Chantiers de France annoncé par le Président de la République et lancé le 18 avril par les ministres du travail, de la culture et de l’éducation, que de permettre de mobiliser l’ensemble des centres de formations des apprentis, des lycées professionnels et des écoles d’art autour de l’immense défi que constitue la reconstruction de Notre-Dame.
Personne ne doit confisquer Notre-Dame, ni les grandes institutions, aussi prestigieuses soient-elles, ni les Parisiens – c’est une députée de Paris qui vous le dit –, ni les établissements parisiens, dont je connais pourtant l’excellence. En effet, Notre-Dame appartient à tous les Français, et ce chantier du siècle doit être celui de tous les jeunes Français qui ont choisi de s’orienter vers les métiers de vitraillier, de charpentier ou de tailleur de pierre, par exemple. Ce chantier doit être le chantier de leur vie.

J’étais, hier encore, au lycée Lucas-de-Nehou, remarquable lycée professionnel du 5e arrondissement spécialisé dans les métiers du verre, qui forme entre autres des vitrailliers. J’ai pu y mesurer ce que ce chantier du siècle pouvait représenter pour ces élèves et ces enseignants de la filière professionnelle, souvent les mal-aimés du système éducatif. J’ai pu mesurer la fierté qu’ils éprouvaient, à juste titre, à voir leur formation valorisée et combien ce chantier donnait du sens à leurs apprentissages.

Je forme donc le vœu que partout en France soient réunies les conditions d’une mobilisation générale afin de donner aux jeunes artisans et artistes des CFA – les centres de formation d’apprentis – et des lycées professionnels la chance d’apporter leur pierre à l’édifice, par exemple en bénéficiant d’au moins une période de stage sur le chantier de Notre-Dame pendant leur scolarité. Le chantier de reconstruction de Notre-Dame doit permettre d’ériger la voie professionnelle en modèle de réussite grâce à l’excellence.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont. Je me suis inscrit sur cet article car une question n’y est pas abordée : qu’adviendrait-il si, par bonheur, les dons excédaient le coût total de la restauration de l’édifice ? et que se passerait-il si aucun fléchage n’était établi pour les redistribuer ? J’avais déposé un amendement qui, hélas, n’a pas résisté au filtre de l’article 40, mais il n’en reste pas moins absolument nécessaire d’imaginer ensemble un tel dispositif. Que se passera-t-il si, à la fin des opérations de restauration, il reste un surplus dans le fonds issu de la souscription nationale ? J’avais proposé qu’il soit possible de le redistribuer, à partir d’une liste établie par le ministère de la culture, afin qu’il profite à des monuments inscrits au titre des monuments historiques qui en auraient besoin. Cela me semblait de bonne politique mais l’administration de l’Assemblée nationale n’a pas retenu cette possibilité. Il est nécessaire d’imaginer un tel cas de figure, même si nous n’en sommes pas là. La parole est à M. M’jid El Guerrab. Reconstruire Notre-Dame prendra du temps : cinq ans, peut-être davantage, peu importe, mais peut-être ne serons-nous même plus là pour assister à la réouverture de la cathédrale. Alors, cessons de nous soumettre à la dictature de l’urgence ! Utilisons plutôt le temps long pour construire ensemble une génération de bâtisseurs, chantres de l’excellence à la française !
En effet, comme chacun sait, la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris nécessitera l’intervention de plusieurs corps de métiers pour reconstruire les parties détruites par l’incendie : des charpentiers, des maçons, des tailleurs de pierre, des couvreurs, des vitraillistes, des peintres, des décorateurs, des facteurs d’orgue… La liste est encore longue et elle pourrait s’allonger. Or ces professions d’art et de patrimoine manquent cruellement de candidats.

Dans nos quartiers, dans nos campagnes, dans nos centres-villes, combien de jeunes pourraient être intéressés ? Aussi, mettons en place les moyens financiers pour permettre d’attirer, de former et de recruter tous les hommes et les femmes désireux de s’impliquer dans ce projet. Ce chantier peut aider de nombreuses personnes à trouver un emploi et, par là même, à donner un sens à leur vie. Bâtissons, autour de ce drame, un grand projet qui constituerait une vitrine de la France. Plutôt qu’un grand débat, organisons une grande participation nationale où chacun pourrait apporter sa petite pierre à l’édifice. Les élèves des écoles pourraient participer à cette reconstruction, assister aux travaux et se découvrir, pourquoi pas, une vocation de bâtisseurs de cathédrale.
La parole est à M. Antoine Herth. Mes propos s’inscrivent dans le droit de fil de ceux de M. El Guerrab. L’article 2 concerne notamment la formation des artisans et artistes qui seront mobilisés pour restaurer Notre-Dame. C’est, à mes yeux, l’un des aspects les plus importants de l’immense tâche qui nous attend. C’est vrai. Si des catastrophes comme celle du 15 avril dernier sont rares à l’échelle d’une vie d’homme, elles le sont moins à celle du temps de la nation. Plusieurs orateurs ont évoqué ce matin le bombardement de la cathédrale de Reims en 1914. En Alsace, nous nous rappelons aussi celui de la cathédrale de Strasbourg, en 1870 puis en 1944.
Transmettre les savoirs et les savoir-faire, les mobiliser de façon massive pour faire face à des chantiers de grande ampleur, constitue un défi redoutable. Former est donc essentiel. C’est la clé qui permettra de réconcilier le temps court – celui de l’urgence à protéger et à restaurer la toiture – et le temps long – celui qui consiste à redonner à ce monument toute la splendeur que mérite un joyau national.

De même, il faudra mobiliser toutes les structures qui, au fil des vicissitudes de l’histoire, ont su faire face à des opérations de sauvetage similaires. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, a évoqué à juste titre ce matin la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame de Strasbourg, qui, je le rappelle, a été fondée il y a plus de 800 ans. Sachons puiser dans de tels trésors d’expérience.

Enfin, si certains se posent la question de la bonne cohabitation entre autorités civiles et religieuses autour d’un monument historique qui est également un lieu de culte, je peux vous affirmer qu’elle se déroule sans difficulté chez nous, sur les rives du Rhin. Monsieur le ministre, si vous voulez vous en rendre compte sur place, je vous invite dès demain.
La parole est à Mme Constance Le Grip. À l’occasion de la discussion de cet article 2 du projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, je souhaitais simplement évoquer globalement l’état du patrimoine religieux dans notre pays. Les 86 autres cathédrales de France et les quelques milliers d’églises qui composent notre patrimoine religieux national forment un ensemble absolument extraordinaire et exceptionnel compte tenu de son importance, de sa diversité et de son histoire. Un certain nombre d’organismes suivent de très près son état mais nous souffrons d’un manque criant de crédits, de capacité d’investissement, pour conserver, restaurer, réparer ce qui mérite de l’être. Je tenais donc à tirer une sonnette d’alarme supplémentaire.
Je souhaiterais donc connaître les réactions de la rapporteure et du ministre, même si je sors ainsi du strict champ de ce projet de loi : ne pourrait-on pas décréter un état d’urgence…
Très bien ! …sur l’état du patrimoine religieux en France et commencer collectivement, entre hommes et femmes de bonne volonté, de manière constructive et aussi consensuelle que possible, une réflexion de fond afin d’élaborer un tel plan d’urgence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Michel Castellani. Je regrette que l’un de nos amendements ait été jugé irrecevable malgré son importance, car il nous aurait permis de donner un cadre plus général à ce projet de loi d’exception, en tenant évidemment compte de la situation de Notre-Dame de Paris mais aussi en allant au-delà. En effet, le groupe Libertés et territoires voulait se saisir de l’occasion pour aborder la question générale du patrimoine partout sur le territoire français. En effet, l’incendie de Notre-Dame nous interpelle aussi sur la dégradation de notre patrimoine en région et sur le manque de moyens dont nous souffrons pour le préserver.
Nous savons tous que 65 % des crédits du patrimoine sont versés en Île-de-France. Il ne reste donc qu’un tiers à se partager ailleurs. Il importe bien sûr de s’assurer de l’affectation des dons à la restauration de Notre-Dame, conformément à l’intention des donateurs, mais nous ne pensons pas trahir leur volonté en fléchant un éventuel surplus vers le reste de notre patrimoine.

Nous souhaitions donc que, dans le cas où les dons et versements dépasseraient les besoins requis pour l’objectif initial de conservation et de restauration de la cathédrale, cet excédent soit affecté à la préservation et à la restauration des patrimoines en danger. Ce serait là aussi une façon de répondre à la fracture territoriale.

Il est bien dommage que ce projet de loi ne se saisisse pas d’une telle opportunité, d’une telle vitrine, pour témoigner d’un plus grand intérêt à l’endroit de la question patrimoniale sur tous les territoires. La question, en toute hypothèse, reste ouverte.
La parole est à Mme Céline Calvez. Je souhaite soulever deux points concernant l’article 2.
Premièrement, ce projet constitue une opportunité pour mettre en valeur les formations de qualité qui existent en France. Le financement à destination des jeunes apprentis et lycéens, pour Notre-Dame, pourra rayonner et profiter à l’ensemble des monuments historiques, en France et en Europe. Ces compétences, il importe de le souligner, vont au-delà du chantier de Notre-Dame.

Deuxièmement, j’avais moi-même défendu, en commission, un amendement soulevant la question des surplus et visant à ce que, le cas échéant, les excédents soient attribués aux monuments historiques. Pour autant, je vous invite à la plus grande prudence, car à chaque fois qu’il est question de surplus, on laisse entendre aux donateurs, à ceux qui veulent donner ou ont promis de le faire, que le compte serait déjà atteint. Or ce n’est pas le cas : les fondations n’ont reçu qu’une petite partie des 800 millions promis. L’évocation des surplus doit être surtout l’occasion d’inviter ceux qui ont promis de donner à honorer leur parole. À force de parler de surplus, nous risquons de ne pas recueillir assez d’argent.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
La parole est à M. Marc Le Fur. Je n’ai pas pu m’exprimer ce matin sur l’ensemble du texte puisque j’occupais le fauteuil qui est le vôtre, monsieur le président.
Avec d’autres, je tiens à exprimer l’émotion qui nous a tous envahis le 15 avril au soir. Nous avions la boule au ventre en voyant un spectacle dramatique que nous n’aurions pas imaginé.

C’est souvent dans les drames que l’on prend conscience de son histoire. Notre histoire ne commence pas avec nous-même, elle ne commence pas en 1789 ; elle intègre la longue période médiévale, si caricaturée, d’où naquirent nos cathédrales, en particulier gothiques, et qui fut une forme d’apogée. Le 15 avril au soir, implicitement ou explicitement, les Français ont reconnu leurs racines chrétiennes. Plusieurs images peuvent être retenues : la flèche de la cathédrale qui s’effondre sous les flammes mais aussi celle des pompiers qui se battent pour éviter que l’incendie ne gagne les murs ou les tours
(M. Sylvain Maillard applaudit) , qui font tout pour sauver les reliques menacées.

Tout cela nous crée des obligations. L’ultime image qu’il est possible de retenir, c’est celle de cette cathédrale en ruine où se dresse une croix envahie par la lumière filtrante du soleil, sous laquelle se trouve une remarquable Pietà.
(Murmures.) Tout cela, nous devons le reconnaître afin qu’un tel drame soit une occasion d’unité, une occasion de nous retrouver autour de l’essentiel.
La parole est à Mme Valérie Boyer. On nous annonce 1 milliard d’euros afin de servir à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. C’est vous qui l’annoncez ! Il est vrai qu’il n’a pas encore été totalement récolté mais il ne faut pas désespérer les donateurs, soit à travers les propos anxiogènes tenus par le Président de la République, soit à travers des propos blessants à l’endroit des plus grands d’entre eux, qui ont fait montre de générosité.
Par ailleurs, il faut savoir si, oui ou non, un excédent restera. La communication sur l’ampleur des dons et leur surplus éventuel est en effet importante mais il faut se montrer prudent, tant le chantier est d’une ampleur considérable.

Il est cependant peut-être temps de réfléchir à la redistribution des fonds supplémentaires qui pourraient être perçus à la suite de ce dramatique incendie. Ne serait-il pas possible, par exemple, que le ministère de la culture établisse une liste et ventile les éventuels surplus au bénéfice des 86 cathédrales françaises ? Je rappelle que 3 500 monuments historiques sont en péril. Peut-être serait-il nécessaire d’établir un plan d’urgence pour le patrimoine religieux français, qui souffre tant. Nos compatriotes doivent savoir que seuls 7 % des dons vont au patrimoine. Je plaide pour que la prise de conscience consécutive à l’incendie de Notre-Dame de Paris serve à une réflexion globale sur notre patrimoine en danger. Ne pourrait-on faire un ajout à la charte de la Fondation du patrimoine et demander aux donateurs s’ils seraient d’accord, en cas de surplus, pour que les fonds bénéficient à d’autres monuments ?

Les Français ont été absolument bouleversés par ce dramatique incendie, par la destruction de leurs racines, par le courage des pompiers.
Merci, madame Boyer. Ils se sont sentis unis dans le chagrin et le malheur. Profitons de ce moment pour préserver et restaurer notre patrimoine. La parole est à M. Philippe Vigier. La reconstruction de Notre-Dame de Paris suscite une adhésion populaire extraordinaire, dans toutes les couches de la population française. Cela nous oblige à faire preuve de retenue dans nos propos, afin de parvenir au plus beau résultat possible.
Les Français, de même que les chefs d’entreprise, ont très vite fait preuve d’une générosité formidable. Si ces grands patrons n’étaient pas là, avouons-le, les uns et les autres, où en serait la restauration du patrimoine, religieux ou non ? Si le château de Chambord avait brûlé, je suis persuadé que nous aurions assisté au même enthousiasme dans toute la France pour le rebâtir.

Donc, si tant est que les dons dépassent les fonds nécessaires à sa reconstruction – j’insiste sur ce point –, il faudra trouver une solution intelligente. Nous le saurons dans quelques semaines, mais, monsieur le ministre, comme cela a été dit sur plusieurs de nos bancs, si ces amendements n’étaient pas recevables, qu’adviendrait-il en cas de surplus ?

Les mots ont un sens. Dans mon département, la magnifique cathédrale de Chartres attend des diagnostics d’urgence, que nous devons être en capacité de faire. Faisons preuve d’une intelligence collective sur le sujet : faisons une force de ce drame qui a frappé Notre-Dame de Paris ; partons de cette faiblesse extraordinaire et du sentiment terrible que nous avons ressenti pour la transformer en force afin de reconstruire Notre-Dame de Paris, bien évidemment, mais aussi de trouver des solutions intelligentes et d’utiliser les éventuels surplus de façon à répondre aux attentes qui s’expriment sur les territoires.

Permettez-moi un dernier mot pour rappeler que, quand le fameux loto du patrimoine a été lancé – 20 millions d’euros ont été collectés –, on savait très bien que le compte n’y était pas, tant est longue l’attente, sur les territoires, pour sauvegarder des bâtiments historiques pour lesquels nous n’arrivons pas à mobiliser les financements nécessaires.

Les Français sont généreux, ils aiment leur histoire et leur patrimoine. Nous n’avons pas le droit de les décevoir collectivement.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
La parole est à M. Éric Woerth. Monsieur le ministre, ce matin, je vous interrogeais sur cette affaire de surplus. Mais permettez-moi, avant d’aborder ce sujet, de dire un mot les polémiques inutiles et dérangeantes provoquées par les dons – pas ici, bien sûr. Vous l’avez dit vous-même et nous l’avons dit haut et fort : tous les donateurs sont les bienvenus, leur don est un acte de générosité, et nous pouvons être fiers de vivre dans un pays où l’on peut donner pour une telle cause, quelle que soit la nature des donateurs. Je remarque que, lorsque les personnes ne donnent pas, elles sont attaquées et que, quand elles donnent, elles le sont également. Il doit y avoir un juste milieu : celui de donner selon ses convictions !
Quoi qu’il en soit, en cas de surplus – j’ignore s’il y en aura, je ne sais pas combien sera récolté pour restaurer Notre-Dame de Paris, nous verrons bien si les promesses seront transformées en dons réels –, l’état d’esprit du Gouvernement et la méthode doivent être clairement identifiés : vous devez dire ce que ce surplus pourrait devenir. Le comité de contrôle pourrait certes jouer un rôle en la matière, mais il ne contrôlera que ce qu’on lui demandera de contrôler.

Souvent, les donateurs ont donné dans un état d’esprit particulier. Ceux qui ont versé de l’argent à la Fondation du patrimoine, par exemple, l’ont fait pour des raisons précises, mais il est possible qu’un établissement soit créé pour recueillir tous les dons des différents collecteurs. Tout cela doit être étudié de très près et ces dons ne sauraient, je pense, être affectés à autre chose qu’à la restauration de Notre-Dame de Paris.

S’il advenait qu’il y ait des surplus, il faut dire comment ces dons seraient remboursés ou affectés à d’autres causes. Dans ce dernier cas, cela ne pourrait se faire qu’avec l’accord des donateurs ? Comment obtenir cet accord ? Ce n’est pas si simple, et il me semble qu’il vaut mieux y penser dès à présent. J’imagine que les services de l’État y ont réfléchi. Je pense donc que, sur ce sujet, il vous faut vous exprimer et nous faire connaître votre état d’esprit.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
La parole est à Mme Sophie Mette. Avec les dons effectifs et les surplus souhaités, nous avons la possibilité, au travers de ce chantier gigantesque, d’être au plus près des formations initiales et continues pour nos jeunes apprentis et lycéens, mais aussi pour ceux qui ont envie d’améliorer leurs compétences ou d’acquérir des savoir-faire complémentaires.
Ces formations, ne l’oublions pas, sont dispensées aussi sur nos territoires, et cela peut représenter une chance. À partir de ce drame, grâce à l’article 2, il faut faire de ce chantier de conservation et de rénovation une réelle possibilité de valoriser la transmission de nos métiers d’art, pour un résultat à la hauteur de notre ambition.
La parole est à M. Gilles Carrez. Depuis plusieurs législatures, nous arrivons à dégager annuellement quelque 300 millions d’euros pour l’entretien et la restauration de l’ensemble de nos 45 000 monuments protégés, dont la moitié appartiennent à des collectivités locales. S’agissant des cathédrales, l’État est propriétaire de 87 d’entre elles, et il consacre une trentaine de millions par an à leur entretien. Au-delà de ces cathédrales propriétés de l’État, il en est qui appartiennent aux collectivités territoriales. Je pense à celle de Noyon ou encore à celle, magnifique, de Laon. Là aussi, l’État doit intervenir.
Après l’incendie de Notre-Dame, qui a touché des millions de personnes, françaises et étrangères, vont affluer des dons importants, nous l’espérons tous. On ne sait pas si tous ces dons arriveront réellement, ni quand ils seront effectués, ni s’ils dépasseront le montant des travaux. Comme vient de le dire Éric Woerth, la question doit être posée dès à présent car elle n’est pas si simple. En effet, lorsqu’on donne à la Fondation du patrimoine, par exemple, on le fait de façon dédiée, pour un objet. L’objet – et cela, on ne peut vous le reprocher –, dans ce texte, est Notre-Dame. Il faut toutefois s’interroger d’ores et déjà sur l’usage des dons excédant les besoins pour Notre-Dame : comment les utiliser pour le patrimoine, notamment les cathédrales dont l’État est propriétaire ?
Il y en a 87 ! En la matière, j’aurais une suggestion à vous soumettre car, outre les dons de particuliers, qu’il semble difficile de réorienter, il en est d’autres, provenant d’entreprises, pour lesquels un dispositif de réallocation pourrait être imaginé, le cas échéant, après négociation avec l’entreprise donatrice.
En conclusion, il importe de réfléchir à cette question dès maintenant, dans un esprit constructif.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Très bien ! La parole est à M. Michel Larive. Je voulais réagir aux propos que j’ai entendus sur les bancs opposés. Tout le monde ici est d’accord pour rebâtir ce magnifique monument ; cela s’impose comme une évidence. Toutefois, la reconstruction ne doit en aucun cas être récupérée par l’un ou par l’autre. Je vous rappelle que nous sommes ici dans une enceinte républicaine et que la France est une république laïque. Cet hémicycle n’est pas le lieu pour faire la promotion d’une quelconque religion. Ce serait restrictif, considérant l’émotion légitime partagée par l’ensemble des Français, au-delà de toute religion. Notre-Dame est le symbole historique même, lié au temps long, et c’est précisément ce temps long qui fait que ce symbole a acquis une appartenance populaire et universelle. C’est de cela qu’il s’agit, c’est ce qu’il faut préserver. Alors, s’il vous plaît, un peu d’humilité, et rappelons-nous où nous sommes ! La parole est à Mme la rapporteure. Permettez-moi de prononcer quelques mots sur des sujets qui, finalement, ne font pas l’objet d’amendements.
Tout d’abord, celui du mobilier qui aurait besoin de restauration et qui n’appartient à l’État sera abordé à l’article 3.

Ensuite, concernant la formation, je vous remercie, chers collègues, pour vos interventions. Plusieurs amendements étant déposés en ce sens, nous aurons l’occasion d’en parler.

Enfin, je vous invite à la prudence sur l’éventuel surplus de dons – vous avez d’ailleurs été un certain nombre à le préconiser également. Pour parler d’excédent, il faudrait en effet déjà connaître la nature et le montant des travaux à réaliser. Or, vous le savez, pour l’instant, nous n’en sommes qu’à la sécurisation de la cathédrale. Je tiens toutefois à souligner que les donateurs ont donné pour Notre-Dame de Paris, pour sa restauration à la suite de l’incendie, et qu’à mon sens, il convient de respecter leur volonté. C’est un point de respect essentiel.
La parole est à M. le ministre. J’apporterai également quelques réponses.
J’irai tout d’abord dans le sens de Mme Calvez : restons très prudents car nous ne savons pas du tout quel sera le montant des travaux. D’après les premières simulations de certains travaux spécifiques, cela risque de monter très haut. Or, contrairement à certaines allégations, les promesses de dons sont inférieures au milliard d’euros. Nous ne sommes donc pas du tout certains qu’il y ait un surplus.

Ensuite, comme l’a très clairement dit M. Woerth, les dons doivent aller uniquement et intégralement à Notre-Dame, à sa conservation, sa restauration et son entretien durable. Que, par la suite – mais il est bien trop tôt pour le dire –, nous ayons éventuellement une réflexion sur la façon de gérer des surplus, que nous envisagions de les gérer dans le cadre d’une fondation, comme cela peut se faire à Strasbourg ou ailleurs, afin de permettre la pérennité de l’entretien durable de Notre-Dame de Paris, pourquoi pas ? Il faudra que nous nous penchions de très près sur la question. Que l’utilisation des dons puisse être formalisée dans le cadre de conventions, oui ! Je l’ai dit, et vous pourrez adopter des amendements allant dans le sens de conventions entre les fondations et l’État pour clarifier la situation. Donc, trois fois oui ! Je serai évidemment tout à fait ouvert aux propositions de rédaction des conventions et nous pourrons travailler en toute transparence sur cette question.

Votre voisine Mme Boyer, monsieur Woerth, avait des idées d’utilisation de la restauration à d’autres fins.
C’étaient des propositions ! De grâce ! Nous risquerions d’ouvrir une boîte de Pandore… Non, c’est l’inverse. …et de faire revenir en arrière des personnes qui donnaient pour Notre-Dame, sa restauration, sa conservation ou son entretien durable, mais certainement pas pour autre chose.
Il faut être simple et clair : les dons seront utilisés seulement et uniquement pour Notre-Dame, dans un cadre peut-être plus formalisé par la suite de conventions entre les fondations qui ont été identifiées – la Fondation du patrimoine, la Fondation Notre-Dame, la Fondation de France et le Centre des monuments nationaux.

Pour ce qui concerne le mobilier, Mme la rapporteure a dit que nous allions y revenir. Je souhaite toutefois indiquer que les fonds dédiés au patrimoine cultuel qui n’appartient pas à l’État resteront notamment affectés à la Fondation Notre-Dame pour qu’elle puisse procéder à la restauration, dans le respect de la laïcité. Mais je tiens à préciser d’emblée qu’il existe du patrimoine cultuel qui appartient à l’État. Celui qui devra être entretenu hors souscription nationale est bien le patrimoine cultuel appartenant au diocèse. Pour vous donner un chiffre précis, sur les quelque 2 000 éléments mobiliers portés à l’inventaire de Notre-Dame, 80 % sont la propriété de l’État et affectés au culte.

Quant aux formations, c’est effectivement un enjeu majeur. Il faut profiter de l’engouement formidable en faveur de Notre-Dame pour créer un appel d’air et un mouvement incitant les jeunes à s’engager dans les formations aux métiers d’art et du patrimoine. C’est tout l’enjeu qui a été rappelé par l’une de vos collègues concernant les Chantiers de France, lancé par Murielle Pénicaud, Jean-Michel Blanquer et moi-même, à la demande du Président de la République, pour fédérer toutes les énergies en matière de formation et organiser l’engouement qui s’est déjà concrétisé par des demandes d’apprentissage dans de nombreuses institutions. Il convient donc de rappeler que les formations aux métiers d’art, à la restauration et au patrimoine existent déjà, et sont des références internationales. Il faut donc en profiter et s’appuyer sur elles pour inciter les jeunes à s’y engager en vue, par la suite, d’aller travailler dans des entreprises exceptionnelles au savoir-faire remarquable.

Pour aller dans le sens de M. Carrez, qui connaît le budget par cœur, je conclurai mon propos par un chiffre : effectivement, 30 millions à 35 millions d’euros sont investis chaque année pour la restauration des cathédrales, donc un peu plus de 30 millions. Cela peut paraître peu, mais c’est un montant déjà relativement important. Je compte bien, lors les discussions du budget de 2020, bénéficier d’un soutien très fort de vous-même, monsieur Carrez, ainsi que des députés de votre groupe et, plus largement, des députés de l’Assemblée nationale qui seront présents lors de la discussion budgétaire, pour obtenir un budget supplémentaire en faveur du patrimoine.
Nous le faisons chaque année ! Je sais pouvoir compter sur vous, comme cela a pu être le cas par le passé, car cet effort pour le patrimoine doit être fait – il l’est d’ailleurs déjà. En 2019, c’est la première fois depuis onze ans que nous bénéficions d’un budget aussi élevé. S’il faut aller plus haut, nous essaierons d’y parvenir ensemble, mais dans le cadre de crédits budgétaires, dont on sait bien qu’ils sont contraints. Sur l’amendement no 190, je suis saisi par le groupe UDI, Agir et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir cet amendement.
Monsieur le ministre, il est très important en effet de rassurer les donateurs, comme vous l’avez déclaré vous-même dans Le Parisien : « La gestion de ces dons sera totalement transparente. Ils iront à Notre-Dame de Paris, pas à autre chose. On ne peut pas trahir les donateurs qui aident la cathédrale mais ne veulent peut-être pas donner pour un autre monument. » Ce qui est vrai, c’est que l’article 2 permet de financer la restauration, donc la conservation de Notre-Dame de Paris, puisque ce monument devra toujours faire l’objet d’une conservation, ainsi que la formation des professionnels disposant des compétences particulières qui seront requises pour ces travaux. Mon amendement vise à préciser que les fonds recueillis seront exclusivement fléchés sur ces dépenses puisque nous avons besoin de rassurer les donateurs sur ces points.
Ce matin, j’ai entendu le président du musée national de Rio de Janeiro indiquer qu’après l’incendie de son établissement, il y a quelque temps, il avait fait appel à la solidarité internationale et que le Président de la République française s’était engagé à faire un don, mais qu’aucun don n’avait finalement jamais été reçu de la part de la France !

Dès lors, il est bon de rassurer les Français en inscrivant dans la loi que les dons iront exclusivement à Notre-Dame de Paris.
Quel est l’avis de la commission ? L’article 2 me paraît suffisamment clair en l’état puisq