XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Séance du jeudi 08 novembre 2018

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (nos 1255, 1302).
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la santé (no 1302, annexe 38 ; no 1305, tome I) et à la solidarité, l’insertion et égalité des chances (no 1302, annexe 41 ; no 1305, tome II).
La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement. Monsieur le président, je me fonde sur l’article 58 alinéa 1 de notre règlement pour vous faire observer que lundi prochain, nous examinerons le projet de loi de finances rectificative, PLFR, et que les difficultés se multiplient autour de ce texte, avec une incidence sur notre travail législatif. En effet, nous ne disposons du texte gouvernemental – et ne pouvons donc l’amender – que depuis hier ; je l’ai fait hier soir jusqu’à vingt-trois heures, mais ce matin Eloi – le logiciel qui nous permet de déposer des amendements – ne permet plus de le faire sur le PLFR, alors même qu’il marche pour tous les autres textes. Si nous voulons travailler lundi, nous devons pouvoir amender le projet de loi !
Cet incident s’inscrit dans un cadre plus général, où le Gouvernement veut visiblement saboter l’examen du PLFR. La meilleure preuve, c’est que ce texte n’a pas été présenté hier par le ministre compétent – M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics –, mais par un secrétaire d’État. Cela ne s’est jamais vu ! Je voulais souligner cette accumulation de difficultés dans cette enceinte. On ne peut pas traiter ainsi le Parlement, les députés qui veulent amender les textes, c’est-à-dire travailler !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Merci, monsieur Le Fur, nous prenons acte de votre remarque. Les amendements peuvent être déposés jusqu’à samedi, dix-sept heures. Nous allons faire le point sur les systèmes d’information.
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure spéciale, mes chers collègues, je voudrais réagir aux propos de Marc Le Fur pour souligner la vraie difficulté que nous avons rencontrée cette semaine en matière d’agenda, s’agissant de l’examen du PLF et du PLFR. Actuellement, nous débattons du PLF à la fois en séance – ce matin, nous examinons les crédits de la mission « Santé » – et en commission des finances, où nous allons aborder les articles non rattachés. Hier, le secrétaire d’État nous a présenté le PLFR, nous laissant moins de vingt-quatre heures entre le moment où nous avons pu prendre connaissance du texte et la limite de dépôt des amendements. Ces délais sont inadmissibles, car ils ne permettent pas d’effectuer un travail sérieux sur le texte. Il nous faut, monsieur le président, mener une vraie réflexion sur la manière dont nous conduisons nos travaux. Un PLFR est un texte important ; nous ne pouvons pas l’examiner dans ces conditions, avec à peine vingt-quatre heures pour déposer les amendements en commission et trois jours pour lire, analyser le projet et déposer les amendements en vue de la séance de lundi. Même si les délais pour le dépôt des amendements en commission ont été aménagés, ils restent insuffisants.
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames les rapporteures spéciales, mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur de vous présenter ce matin le budget pour 2019 des missions « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Santé ». Je veux souligner d’emblée la cohérence politique de ces deux budgets avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale que votre assemblée a adopté en première lecture la semaine dernière. Ils expriment les mêmes choix : la priorité est donnée aux plus fragiles, afin de répondre de façon spécifique à leurs attentes et d’agir sur les facteurs du déterminisme social, et aux salariés modestes, pour que le travail paie davantage.
Cette priorité sociale du Gouvernement se lit d’abord dans l’évolution des crédits de chacune de ces missions. Ceux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmentent de près de 7 %, les politiques menées dans ce domaine bénéficiant ainsi en 2019 de 1,3 milliard d’euros supplémentaires. Ceux de la mission « Santé » progressent quant à eux de 3,5 %, traduisant la volonté du Gouvernement de garantir le droit fondamental à la santé et de développer la prévention.
Ce budget est d’abord celui d’une solidarité renforcée au bénéfice de nos concitoyens les plus modestes. Je veux évoquer en premier lieu la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée le 13 septembre dernier par le Président de la République. Le Gouvernement a bâti un plan qui va se déployer dans tous les territoires, avec pour objectifs de renforcer l’accès aux services de la petite enfance, de conforter les droits fondamentaux des enfants, et, pour les jeunes et les adultes, de renforcer l’insertion par l’emploi. Le programme 304 est le support budgétaire principal de la stratégie. Il regroupe les crédits dédiés à la contractualisation avec les territoires, qui s’élèvent en 2019 à 171 millions d’euros ; 135 millions d’euros seront consacrés à la contractualisation avec les départements, avec quatre objectifs : l’accompagnement des sortants de l’aide sociale à l’enfance ; le renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA ; la formation des travailleurs sociaux ; l’accueil social de proximité.
L’effort de solidarité s’exprime également et fortement au travers de l’évolution des crédits du programme 157 « Handicap et dépendance », portés à 11,9 milliards d’euros, en hausse de 5,1 % par rapport à 2018. Cette augmentation très importante traduit la priorité donnée pour le quinquennat à la construction d’une société plus inclusive et permet de concrétiser l’engagement du Président de la République en faveur de la revalorisation de l’allocation pour adulte handicapé, l’AAH. Cette revalorisation permettra de porter le niveau de l’aide à taux plein à 860 euros dès ce mois, ce qui représentera une progression de 41 euros par mois. L’allocation sera ensuite portée à 900 euros par mois fin 2019. Il s’agit globalement d’un investissement de plus de 2,5 milliards d’euros sur le quinquennat, destiné à améliorer la situation des personnes en situation de handicap. Les crédits dédiés aux emplois accompagnés pour ces personnes augmenteront également de 40 % par rapport à l’année dernière.
L’engagement du Gouvernement s’inscrit pleinement dans le cadre du comité interministériel du handicap organisé le 25 octobre dernier, qui a permis de mobiliser l’ensemble des ministères autour du Premier ministre, Edouard Philippe, et de la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, pour mettre en œuvre des mesures de simplification en faveur des droits des personnes et lutter contre les ruptures de parcours.
L’effort de solidarité bénéficie en troisième lieu à nos compatriotes d’outre-mer, dans deux territoires confrontés à des difficultés sociales importantes : la Guyane et Mayotte. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République en octobre 2017, l’État reprend à sa charge le financement du RSA dans ces deux collectivités à compter du 1er janvier 2019, pour un montant de 170 millions d’euros. Il s’agit de soulager les collectivités du poids du financement et de l’attribution du RSA, sans pour autant remettre en cause leurs compétences en matière d’insertion des bénéficiaires.
L’État assume également pleinement ses responsabilités s’agissant des mineurs non accompagnés. À compter de 2019, l’appui aux conseils départementaux pour la mise à l’abri et l’évaluation des personnes se présentant comme mineures sera renforcé par une compensation plus juste des dépenses engagées, sur la base d’un forfait par jeune évalué. Pour la deuxième année consécutive, un dispositif exceptionnel sera déployé en 2019. Plus largement, l’effort engagé dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté et de la gestion des mineurs non accompagnés traduit la volonté du Gouvernement d’œuvrer à l’avènement d’une nouvelle contractualisation entre l’État et les conseils départementaux dans la déclinaison des politiques sociales. Je conduirai cette politique aux côtés de Jacqueline Gourault, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Je veux évoquer enfin l’aide médicale d’État, l’AME. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises, je suis attachée à la préservation de cette aide, qui représente à la fois un dispositif humanitaire, conforme à nos valeurs républicaines, et un dispositif sanitaire nécessaire dans l’intérêt de la santé publique. Les crédits qui y sont consacrés – il n’est pas inutile de le préciser une nouvelle fois – servent à financer des prestations de santé qui sont dispensées pour l’essentiel par les hôpitaux de notre pays ; ils permettent donc d’éviter que les établissements de santé ne supportent seuls la charge correspondante. Nous restons dans le même temps très attentifs aux conditions d’ouverture des droits : en 2019, la centralisation de l’attribution des droits dans trois caisses primaires d’assurance maladie – Paris, Bobigny et Marseille – permettra un traitement plus homogène et un meilleur contrôle des demandes.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » reflète également un effort sans précédent au bénéfice des salariés modestes de ce pays. La prime d’activité – une prestation importante qui soutient le pouvoir d’achat et incite à la reprise d’activité – bénéficie à 2,8 millions de nos concitoyens. Durant sa campagne, le Président avait pris l’engagement de la revaloriser de 80 euros pour un salarié au SMIC d’ici la fin du quinquennat. Cette revalorisation s’ajoutera au gain de pouvoir d’achat de 20 euros par mois du fait de la suppression des cotisations salariales maladie et chômage, pleinement effective depuis le mois dernier, permettant d’atteindre un gain total de 100 euros au SMIC d’ici 2022.
Le Gouvernement a décidé d’amplifier les incitations à la reprise d’activité et d’aller vite et fort en 2019 et 2020 pour revaloriser le montant de la prime. Ainsi, la prime d’activité au SMIC augmentera de 30 euros supplémentaires dès le mois d’avril 2019 : plusieurs centaines de milliers de ménages bénéficieront donc dans quelques mois d’un gain de pouvoir d’achat significatif, plus important et plus rapide que prévu par la loi de programmation des finances publiques. Elle augmentera à nouveau de 20 euros en avril 2020, et de 20 euros en 2021, soit un total de 80 euros d’ici 2021. Les engagements du Président de la République, mesdames et messieurs les députés, seront donc pleinement tenus, et c’est l’honneur de ce Gouvernement et de cette majorité de respecter le contrat passé avec les Français.
C’est bien vrai ! Je souhaitais pour conclure évoquer deux programmes à forte dimension transversale. Il s’agit en premier lieu du programme 137. Comme vous le savez, l’égalité entre les femmes et les hommes a été érigée par le Président de la République en grande cause nationale du quinquennat. Cet engagement s’est traduit par un ensemble de mesures annoncées le 25 novembre 2017, mobilisant le Gouvernement lors du comité interministériel du 8 mars dernier. Le programme 137 est l’un des outils de cette politique, qui s’appuie sur un ensemble de crédits beaucoup plus important ; le taux d’exécution est en revanche en hausse de plus de 30 points et proche de 100 %, ce qui est le signe d’une efficacité accrue dans la conduite des actions.
Le second programme est le programme 204, dont une partie des crédits est consacrée à la prévention. Nous en avons beaucoup débattu lors de l’examen en commission. Les crédits relatifs à la prévention au sein du programme 204 s’élèvent à 89 millions d’euros ; ils sont destinés en majorité à la dotation à l’Agence nationale de santé publique, l’ANSP, dont les moyens vont progresser de plus de 2 millions d’euros. Mais l’essentiel se joue ailleurs : dans la transformation des pratiques, qui inclut et valorise la prévention pendant le temps soignant, et dans l’évolution de la formation des professionnels de santé qui, à compter de cette année, va comprendre un temps dédié à la prévention avec la création du service sanitaire pour 47 000 étudiants en santé.
C’est ce changement en profondeur de notre système de santé que nous mettons en œuvre dans le cadre du projet « ma santé 2022 » et que soutient également ce budget. Mesdames et messieurs les députés, c’est donc, vous l’aurez compris, un budget social porteur d’une ambition sociale et sanitaire exceptionnellement forte que je vous demande de soutenir résolument.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Je signale que l’ensemble des systèmes d’information de l’Assemblée fonctionnent à nouveau. J’imagine que M. Le Fur a donc pu déposer ses amendements sur le projet de loi de finances rectificative.
Il est déjà parti le faire ! (Sourires.) Eh oui ! C’est que nous travaillons dur, nous ! Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure spéciale, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, la mission « Santé » regroupe, comme vient de l’indiquer Mme la ministre, les dépenses de santé qui ne sont pas retracées dans le budget de la sécurité sociale. Cela concerne surtout deux types de politiques publiques, pour un montant total de 1,4 milliard d’euros : d’une part, la politique de prévention, dont les crédits sont inscrits au programme 204 ; d’autre part, la politique de l’aide médicale de l’État, l’AME, budgétisée dans le programme 183, « Protection maladie ».
Les dépenses de la mission « Santé » sont en augmentation de 47,7 millions d’euros en 2019, mais cette trajectoire est soutenue uniquement par le dynamisme des dépenses de l’AME, qui augmentent de plus de 53 millions d’euros, pour atteindre, en 2019, 942,9 millions d’euros. La politique de prévention de la santé voit au contraire ses crédits diminuer de 5,5 millions d’euros, la dotation pour 2019 s’établissant à 480,6 millions d’euros. On ne peut que regretter cette évolution.
En ce qui concerne l’aide médicale de l’État, on constate une tendance à la sous-budgétisation, que viennent confirmer les prévisions actualisées pour 2018. Certes, la prévision de la dépense est complexe, du fait des caractéristiques particulières des bénéficiaires de l’AME, mais le Gouvernement devrait faire preuve d’une plus grande prudence dans la construction des hypothèses d’évolution de la dépense. L’information fournie dans les documents budgétaires pourrait être utilement complétée par des données statistiques fiables, comme je l’avais déjà souligné au printemps dernier, afin que le Parlement soit mieux éclairé sur les choix qui sont faits.
Je tiens à souligner le déficit de transparence du coût total des dépenses de santé pour les étrangers en situation irrégulière. En effet, les dépenses d’AME ne couvrent qu’une partie du coût de la prise en charge de ces personnes par notre système de santé. Aux 942,9 millions d’euros prévus pour l’AME en 2019, il faut ajouter la dette de l’État envers l’assurance maladie du fait du remboursement partiel des dépenses d’AME engagées par celle-ci. Cette dette s’établissait à 50 millions d’euros environ fin 2017 et sera probablement doublée d’ici la fin de l’année 2018. De plus, les soins urgents ne sont couverts que de façon partielle par l’État, via une dotation forfaitaire, la différence, qui représentait quelque 25 millions d’euros en 2017, étant à la charge de l’assurance maladie.
Il faut ajouter à ce calcul le coût de la prise en charge des personnes en situation irrégulière à Mayotte, où l’AME n’est pas applicable, que j’estime à environ 100 millions d’euros.
Enfin, il serait nécessaire de prendre en compte le coût de la couverture santé des demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée, mais qui continuent, pendant une période de douze mois, à bénéficier du maintien de leurs droits à la protection universelle maladie – PUMA –, c’est-à-dire du régime général de prise en charge des dépenses de santé, géré par l’assurance maladie. D’après les chiffres fournis par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, environ 40 000 personnes ont vu leur demande aboutir en 2017, sur 100 000 demandes d’asile déposées. Ce sont donc près de 60 000 personnes par an qui continuent à bénéficier du régime de l’assurance maladie alors qu’elles sont en situation irrégulière.
J’en viens maintenant à la politique de prévention de la santé, dont le budget est fixé par le programme 204 de la présente mission.
La diminution des crédits de ce programme, que je regrette, est principalement due à la baisse de 10,5 millions d’euros de l’enveloppe globale allouée aux dossiers contentieux, ce qui pose la question de la sincérité de l’engagement du Gouvernement concernant le maintien de la prise en charge du dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine, à hauteur de 77,7 millions d’euros. Je regrette, madame la ministre, que vous n’ayez pas abordé ce sujet au cours de votre intervention. J’ai de grandes difficultés à croire en la diminution soudaine de l’ensemble des indemnisations contentieuses pour l’année 2019 ; il me semble que l’ajustement se fera au détriment du dispositif Dépakine.
La réticence du Gouvernement à assumer ses arbitrages budgétaires est très certainement liée à la peur de la symbolique politique que revêtirait une telle diminution de la budgétisation du dispositif Dépakine, ainsi qu’au refus de reconnaître les carences du dispositif appliqué. J’ai en effet observé les difficultés rencontrées par les familles de victimes pour obtenir une indemnisation effective : la procédure est complexe et il faut constituer des dossiers d’environ 800 pages ; de fait, le concours d’un avocat s’avère indispensable, ce qui implique des frais financiers non négligeables. Le nombre de demandes d’indemnisation est donc bien inférieur à celui qui a été estimé et l’instruction de ces demandes a pris un retard conséquent du fait du sous-dimensionnement des moyens humains.
Je m’inquiète en outre de la soutenabilité de ce dispositif par rapport au montant des indemnisations qui seront accordées ; 420 millions d’euros sont prévus au total, ce qui est à la fois beaucoup si les familles n’ont pas véritablement accès au dispositif, ce qui n’est évidemment pas souhaitable, et très peu si l’on se fonde sur les dernières estimations du nombre de victimes potentielles, à savoir entre 16 000 et 30 000, ce qui représenterait une indemnisation maximale de 26 250 euros par enfant. Ce montant est très inférieur à celui retenu par la cour d’appel d’Orléans le 20 novembre dernier, qui a condamné le laboratoire Sanofi à verser 2 millions d’euros à la famille de la victime et 1 million d’euros à l’assurance maladie. J’ai donc déposé un amendement tendant à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la soutenabilité pour les finances publiques de ce dispositif d’indemnisation et sur sa gestion depuis son entrée en vigueur.
La parole est à Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » traduit l’ambition sociale du Gouvernement en faveur des personnes les plus fragiles. Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit 21,13 milliards d’euros pour cette mission, soit 1,7 milliard d’euros de plus que l’an dernier et 3,3 milliards de plus qu’en 2017. Il s’agit donc d’un effort significatif.
Cette augmentation des crédits traduit deux engagements importants du Président de la République et de notre majorité : la revalorisation exceptionnelle, d’une part, de la prime d’activité, d’autre part, de l’allocation aux adultes handicapés.
Le Gouvernement a fait de la prime d’activité une priorité pour soutenir les rémunérations et le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes…
Eh oui ! …et améliorer l’attractivité des revenus du travail en vue de favoriser le maintien dans l’emploi et la reprise d’activité. Cette prime a fait couler beaucoup d’encre dernièrement, du fait notamment de l’interrogation causée par la hausse de 20 euros de la base forfaitaire décidée l’an dernier et de la modification concomitante de la prise en compte des revenus du travail. Néanmoins, en année pleine, ces deux mesures représentent un effort de 460 millions d’euros. Et ce n’est qu’une première étape puisque, comme vient de le rappeler Mme la ministre, l’article 82 du projet de loi de finances pour 2019 prévoit la création d’une nouvelle bonification. La ministre a annoncé la semaine dernière que ce bonus serait de 30 euros dès juin 2019, puis de 20 euros supplémentaires en 2020 et 2021, l’objectif étant d’aboutir, conformément aux engagements que nous avions pris, à une hausse totale de 100 euros pour un salarié rémunéré au SMIC, à raison de 80 euros d’augmentation de la prime d’activité et de 20 euros d’allégement des cotisations sociales.
Le projet de loi de finances prévoit aussi d’allouer 10 milliards d’euros à l’allocation aux adultes handicapés – AAH –, dont le taux plein mensuel passe de 819 à 860 euros dès ce mois de novembre. L’engagement du Gouvernement de porter à 900 euros le taux plein de l’AAH se concrétisera dès novembre 2019. Cela représente une dépense de plus de 2 milliards d’euros sur toute la durée du quinquennat afin de soutenir les personnes en situation de handicap et de poursuivre notre politique d’inclusion.
En effet, le Gouvernement renforce aussi le dispositif d’accompagnement dans l’emploi des personnes en situation de handicap, qui se voit allouer 6,9 millions d’euros. Son objectif est d’assurer un accompagnement durable vers et dans l’emploi, en combinant un appui médico-social et un soutien à l’insertion professionnelle.
Vous l’aurez compris, ces deux prestations sont les principaux postes de dépenses de la mission – mais elles sont loin d’être les seuls engagements financiers de l’État en faveur de l’insertion des plus modestes et des plus fragiles.
La hausse du budget traduit aussi l’engagement du Gouvernement en faveur d’une stratégie interministérielle de lutte contre la précarité des enfants et des jeunes, via l’inscription de 175 millions d’euros supplémentaires au titre du programme 304. Ces crédits sont dédiés, à hauteur de 171 millions d’euros, à la contractualisation avec les territoires afin de participer au financement de la lutte contre les sorties « sèches » de l’aide sociale à l’enfance, en liaison avec les départements, ainsi qu’à celui de l’installation des référents de parcours et de la tarification sociale à la cantine.
Je tiens à souligner l’effort de l’État en faveur des départements, s’agissant de l’action en direction des mineurs non accompagnés. Mme la ministre l’a évoqué : les modalités de calcul du remboursement par l’État des dépenses d’évaluation et de mise à l’abri des mineurs ont été redéfinies et l’État a décidé de prendre aussi en charge une partie des dépenses d’aide sociale à l’enfance. La dotation de l’État, qui, je le rappelle, était de 16 millions d’euros en 2017, s’élèvera en 2019 à plus de 140 millions d’euros. Il s’agit, là encore, d’un effort significatif.
En matière de protection juridique des majeurs, l’effort est croissant. La prévision de dépenses s’établit à 668 millions d’euros. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements. Il importe toutefois de souligner que si le barème de participation des majeurs protégés a évolué, tous ceux qui ont des revenus inférieurs ou égaux à l’AAH resteront exonérés de toute participation.
Enfin, les crédits consacrés à la politique d’égalité entre les femmes et les hommes sont maintenus à 29,87 millions d’euros. Je tiens à saluer l’excellent taux d’exécution de ces crédits en 2018, preuve de l’investissement total en la matière de Mme la secrétaire d’État Marlène Schiappa et de Mme la ministre des solidarités et de la santé, ainsi que du reste du Gouvernement et de la majorité. Le changement de maquette du programme ayant suscité des craintes relatives au financement des associations, j’ai présenté dans mon rapport une répartition plus précise des crédits. Je vous invite à vous y reporter. Les associations qui sont têtes de réseau n’ont pas d’inquiétude à avoir : leur financement est assuré.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Santé », dont nous examinons aujourd’hui les crédits, comporte deux programmes : le programme 183, qui concerne l’aide médicale d’État, et le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui m’intéresse tout particulièrement. J’ai choisi de centrer mon analyse sur la question de la prévention dans les outre-mer.
Bien évidemment, cette analyse ne sera pas exhaustive, étant donné le caractère interministériel de la prévention et la complexité des problématiques ultramarines. Je tenais toutefois à vous alerter sur la situation sanitaire outre-mer, sur l’application de la politique nationale de prévention chez nous et, surtout, sur les conséquences souvent sous-estimées des décisions prises aveuglément ici à Paris, en totale déconnexion avec les réalités du terrain.
Mes chers collègues, je vous parle de territoires où l’espérance de vie est inférieure de plusieurs années à celle constatée dans l’Hexagone, où le tiers des décès survient avant soixante-cinq ans et où les taux de mortalité maternelle et infantile sont bien plus élevés qu’en métropole ; je vous parle de territoires où les maladies chroniques sont de véritables problèmes de santé publique, de même que les maladies tropicales et les maladies infectieuses, notamment les infections sexuellement transmissibles, au premier rang desquelles l’épidémie de VIH – virus de l’immunodéficience humaine –, qui est aux Antilles et en Guyane d’une gravité comparable à ce qui est observé dans les pays d’Afrique subsaharienne.
Cette situation générale très inquiétante s’explique par divers facteurs.
Le premier facteur, c’est le contexte économique et social : précarité, chômage structurel, illettrisme et forte prégnance de tous les types d’addictions. Je l’ai déjà dit en commission.
Le second facteur, c’est la grande souffrance des systèmes de santé, avec une densité de médecins excessivement faible et des spécialités médicales absentes de plusieurs territoires. Il en résulte que partout outre-mer, l’offre de soins est excessivement centrée sur les hôpitaux, qui sont en sous-capacité et dont les services d’urgences sont saturés. On observe aussi des déséquilibres graves dans l’offre de soins, qui est très inégalement répartie sur les territoires ; c’est particulièrement vrai dans les archipels et dans les territoires très étendus ou difficilement accessibles, comme l’Ouest guyanais.
J’ajoute, mais Mme la ministre le sait, que cette situation difficile pour le réseau de soins peut à tout moment basculer. Les aléas – comme les ouragans de l’an dernier, qui ont ravagé Saint Martin et Saint Barthélemy, ou l’incendie du CHU de la Guadeloupe – en sont la preuve. Une situation difficile devient ainsi très rapidement insupportable, tant pour les personnels des établissements que pour les malades. Tous ces aspects sont connus depuis longtemps. La Cour des comptes elle-même avait dénoncé, en 2014, les carences du système de prévention outre-mer.
S’il faut se féliciter que les différents documents stratégiques adoptés par les gouvernements successifs aient remis la prévention au rang de priorité de santé publique, force est de constater que les choses n’ont pas véritablement évolué sur le terrain malgré les efforts des ARS, qui fondent en grande partie leurs stratégies sur un renforcement de ces actions et y consacrent une part importante des fonds d’intervention régionale qui leur sont alloués.
La situation reste en effet critique dans nombre de domaines, car les moyens, eu égard à l’immensité des besoins, ne sont pas suffisants, tous les acteurs rencontrés et auditionnés en témoignent. Ainsi, il est crucial de renforcer les moyens financiers des ARS, car certains postes apparaissent insuffisamment dotés au regard des besoins, si bien que certaines d’entre elles éprouvent de grandes difficultés à mener la politique de prévention qu’elles ont définie.
Malheureusement, certaines mesures prises par le Gouvernement depuis deux ans ont un effet dévastateur et direct sur les actions associatives, et plus généralement en matière de prévention. La première décision gouvernementale néfaste a été la suppression des contrats aidés, je n’y reviens pas. Toutes les remontées du terrain le confirment, cette décision fut un véritable coup de poignard pour la prévention. Des intervenants, pour la formation desquels nous avions investi, avaient acquis des compétences et noué des liens de confiance avec des populations fragilisées, marginalisées, qu’il est souvent difficile d’approcher. Ces compétences ont été perdues, et cette perte a des conséquences dramatiques sur le terrain. D’un côté, le Gouvernement promeut la prévention ; de l’autre, donc, il fragilise le soutien au tissu associatif.
Deuxième décision gouvernementale qui m’inquiète : l’article 27 du PLF, que nous venons de voter – vous en avez parlé tout à l’heure, madame la ministre. Cet article prévoit la recentralisation du dispositif du RSA en Guyane et à Mayotte. Si cette décision n’est évidemment pas contestable, puisqu’elle répond à un engagement présidentiel pris en accord avec les collectivités, elle est, selon moi, de nature à aggraver des problématiques de santé publique sur le territoire guyanais.
En effet, l’allongement de cinq à quinze ans de la durée de résidence préalable ininterrompue ouvrant droit, pour les étrangers non ressortissants d’un pays de l’Union européenne, à la perception du RSA, est une exigence extrêmement difficile à satisfaire, pour ne pas dire impossible. Elle ne pourra conduire, en Guyane, qu’à l’exclusion des étrangers du dispositif du RSA, et partant à une aggravation de la précarité des étrangers, lesquels pourraient ainsi basculer dans des pratiques à risques – toxicologie ou prostitution – et, ce faisant, accroître le risque de contamination.
C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, si votre ministère a bien pris la mesure de ces risques dans la réforme du RSA en Guyane. S’il ne l’a pas fait, nous risquons d’en voir les conséquences, en termes de santé publique, d’ici à quelques années.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) La parole est à M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2019, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmentent considérablement, atteignant 21,11 milliards d’euros, soit plus 7,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2018. Je ne puis que m’en féliciter, d’autant que cette augmentation tient principalement à celle de l’AAH, à la création d’un second bonus pour les bénéficiaires de la prime d’activité – qui sera revalorisée de 30 euros dès le 1er avril 2019, le montant de la revalorisation atteignant 80 euros au niveau du SMIC en 2021 – et à la mise en œuvre de la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté.
Au-delà du strict examen des crédits dévolus à la mission, j’ai choisi cette année de m’intéresser, dans le cadre de la partie thématique de mon rapport, à un sujet transversal et primordial pour notre vivre ensemble : la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance. Je suis en effet convaincu que la responsabilité de l’État, dans le domaine de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances, n’est pas seulement organisationnelle et budgétaire : elle exige aussi le développement d’une véritable culture de l’attention aux autres. La maltraitance n’est pas seulement physique : elle est aussi psychique, sociale, économique et institutionnelle. Il s’agit d’un phénomène complexe, dont il arrive que les auteurs eux-mêmes ne soient pas conscients. C’est pourquoi il est nécessaire de bien l’appréhender pour le combattre.
Je tiens, à cet égard, à saluer l’installation, en début d’année, de la commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance. En 2002, le Conseil de l’Europe a publié un rapport qui apporte un nouvel éclairage à la définition de la maltraitance. Celle-ci est définie comme « tout acte ou omission commis par une personne ou un groupe, qui a pour effet de porter gravement atteinte, que ce soit de manière volontaire ou involontaire, aux droits fondamentaux, aux libertés civiles, à l’intégrité corporelle, à la dignité ou au bien-être général d’une personne vulnérable, y compris les relations sexuelles ou les opérations financières auxquelles elle ne consent ou ne peut consentir valablement, ou qui visent délibérément à l’exploiter ».
J’ajouterai qu’il ne faut pas oublier la dimension psychique de la maltraitance, car ce qui la signe, c’est bien l’abus de pouvoir. À la différence de la violence, la maltraitance suppose que soient réunis trois éléments : une dissymétrie dans la relation, une dépendance entendue comme un lien entre l’auteur et la victime et l’existence d’un abus de pouvoir. La relation entre la victime d’une maltraitance et son auteur est au centre de cette définition. Cette relation a différents visages : il peut s’agir d’un lien de parenté, d’une relation entre un client et un professionnel, d’une relation de voisinage, d’une relation entre aidant et aidé, d’une relation entre une personne vulnérable et un professionnel de santé ou de soins, ou d’une relation entre professionnels, entre collègues ou avec la hiérarchie.
Je souhaite aussi aborder la dimension institutionnelle de la maltraitance, qui ne me semble pas toujours suffisamment prise en compte. Le Défenseur des droits m’a indiqué être saisi d’une grande diversité de cas de maltraitance institutionnelle exercée sur des personnes dépendantes. La plupart des saisines sont liées au non-respect des droits : droits des malades ou droits fondamentaux de l’être humain, comme le droit au respect et à la dignité ou le droit d’aller et venir, notamment en EHPAD – établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Je tiens enfin à souligner que la promotion de la bientraitance ne relève pas d’abord d’une dimension quantitative, budgétaire : elle passe avant tout par la prise de conscience, par le plus grand nombre, de ce qu’il convient d’appeler la qualité de la relation. Il ne s’agit pas tant d’inventer une politique de la bientraitance ou de prétendre réapprendre aux soignants et aux aidants la bienveillance – alors qu’ils sont déjà épuisés, voire enferrés, psychiquement et physiquement – que de comprendre, d’un point de vue systémique, comment les modes de gouvernance produisent la maltraitance. Il s’agit d’établir des balises de sauvetage, d’apporter du sens, en posant à chaque instant la question humaine, depuis la conception jusqu’à l’évaluation des politiques publiques, et en impliquant à chaque étape professionnels, usagers et citoyens, pour une véritable approche humaniste ; c’est-à-dire pour mettre l’homme – sa dignité et ses libertés fondamentales – au centre de nos pratiques. Il s’agit, en d’autres termes, de centrer nos approches sur la personne.
La promotion de la bientraitance suppose enfin un changement de regard culturel, massif et général. C’est une question complexe, qui nécessite un changement de paradigme. Il nous faut redéfinir les lignes, les repères, faire tout un travail d’ouverture pour construire autre chose ensemble : c’est là un enjeu sociétal, mais aussi éthique ; je dirais même que c’est un enjeu d’émancipation humaine et d’épanouissement relationnel.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.) Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à Mme Annie Vidal, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteures spéciales, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, lors de la présentation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Président de la République a dit qu’il était nécessaire, non seulement de conforter « un État providence de l’assurance », donné en héritage au XXe siècle, mais aussi de « bâtir pour le XXIe siècle un État providence de la dignité et de l’émancipation », avec « une organisation collective de fraternité, qui assure la dignité de chacun ».
Les missions « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances » appuient cette volonté. La mission « Santé », avec un budget de 1,4 milliard d’euros, s’intègre dans la politique globale de santé menée par le Gouvernement, tout en visant le développement d’une politique de prévention, la sécurité sanitaire et l’organisation d’une offre de soins pour nos concitoyens dans tous les territoires.
Il s’agira, dans le cadre du plan « ma santé 2022 », de mobiliser tous les acteurs pour réduire les inégalités et consolider un système de prise en charge solidaire. Au cœur du programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », il y a l’amélioration de l’état de santé général de la population, mais aussi le dépistage des pathologies et un volet important de prévention et d’éducation à la santé.
Le programme 183, « Protection maladie », finance en premier lieu l’aide médicale de l’État, mais aussi l’indemnisation des victimes de l’amiante. En 2019, ce sont 53 millions d’euros de plus pour l’AME, dont les crédits sont ainsi portés à 893 millions, soit près des deux tiers de la mission, et ce afin de prendre en compte l’augmentation du nombre de bénéficiaires et de concrétiser notre volonté de solidarité. En même temps, le contrôle et les actions de de lutte contre la fraude sont renforcés.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » comporte quatre programmes. Le programme 304, relatif à l’inclusion sociale et à la protection des personnes, soutient des actions diverses à forts enjeux, telles la prime d’activité et l’aide alimentaire, mais aussi des mesures en faveur du travail social et de la protection des plus fragiles d’entre nous. Le programme 157, relatif au handicap et à la dépendance, traduit l’ambition de donner aux 12 millions de personnes touchées par le handicap la possibilité de faire leurs propres choix de vie, avec un accès aux droits facilité et des dispositifs adaptés aux besoins. L’allocation aux adultes handicapés continue à être revalorisée, pour atteindre près de 10 milliards d’euros sur les crédits du programme. Le nombre de ses bénéficiaires est en augmentation.
L’égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat, fait l’objet du programme 137, dont les crédits restent identiques à ceux de 2018. Chaque ministère contribue aussi à cette politique qui vise à renforcer l’égalité professionnelle, à diminuer les agissements sexistes et sexuels et à assurer l’exemplarité en matière d’égalité. Enfin, la conduite et le soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative, sont l’objet du programme 124, pour une déclinaison territoriale effective.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » représente un budget de près de 21 milliards d’euros. Elle est surtout la traduction budgétaire de notre volonté d’organiser la solidarité nationale envers les plus fragiles et les plus modestes d’entre nous. Pour mémoire, je rappellerai quelques chiffres qui nous interpellent et que nous ne perdrons pas de vue : 14 % de la population est en situation de pauvreté ; un enfant sur cinq est un enfant pauvre ; plus d’un tiers des familles sont monoparentales ; 800 000 jeunes et 700 000 bénéficiaires du RSA sont sans accompagnement vers l’emploi ; 900 000 personnes sont privées de logement personnel.
Ces chiffres, socialement inacceptables, justifient de cibler notre action sur celles et ceux qui sont le plus en difficulté. En d’autres termes, il nous faut faire société autour des solidarités en poursuivant les politiques menées en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’autonomie et de l’inclusion des personnes en situation de handicap et, enfin, en faveur de ceux qui ont moins, et pour lesquels nous faisons plus. L’année 2019 sera marquée par la mise en œuvre de la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté, dotée d’un budget de 171 millions d’euros.
À travers les budgets de ces deux missions, et notamment, pour l’aide médicale de l’État, de la mission « Santé », et pour la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté, de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », nous avons l’ambition de remédier à des situations inacceptables, de traiter les causes et non seulement les effets, car nous voulons mener des actions qui s’inscrivent dans la durée. Madame la ministre, le groupe La République en marche soutient résolument la politique budgétaire concernant ces deux missions.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteures, monsieur le rapporteur, chers collègues, pour ce qui est de la mission « Santé », et plus particulièrement de la recherche sur les cancers pédiatriques, vous avez indiqué en commission, madame la ministre, qu’il n’était pas forcément pertinent de transférer des crédits consacrés à la recherche fondamentale vers la recherche ciblée. Si cet argument est compréhensible, je ne comprends en revanche pas pourquoi vous n’avez pas pris la décision d’augmenter les crédits de la recherche ciblée et de la recherche fondamentale.
Ensuite, en ce qui concerne l’aide médicale de l’État, le budget est encore en hausse, avec 935 millions d’euros prévus pour 2019. Vous avez rappelé votre attachement à l’AME, et j’ai écouté vos arguments, mais trois questions se posent. D’abord, si nous comprenons les risques sanitaires, les soins urgents représentent environ 15 % des dépenses d’AME. Est-il donc interdit d’engager une réflexion sur le périmètre des autres dépenses ? Ensuite, des pays comme la Suisse, l’Espagne ou la Suède ont mis en place un droit de timbre. Pourquoi refusez-vous toute évolution sur le sujet ? Pensez-vous que leurs médecins sont plus inhumains que les médecins français ? Enfin, le renforcement du contrôle se limitera à la centralisation des demandes au sein de trois caisses pivot. Envisagez-vous d’autres mesures ?
J’en viens à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui présente le visage le plus humain de la République, symbole de progrès social ; c’est une fierté de compter une telle mission au sein du budget. Certains aspects de cette mission méritent une attention particulière. Tout d’abord, les places d’hébergement d’urgence manquent pour les sans domicile fixe, malgré les 14 000 places supplémentaires annoncées par le Gouvernement, et plus encore à partir de fin mars, lorsque les places ouvertes en hiver par le Gouvernement pour cause de grand froid ferment progressivement, conduisant des milliers de familles à la rue, sans autre solution.
En mai 2018, le Gouvernement a publié un arrêté plafonnant le tarif journalier des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, contrevenant au principe d’accueil inconditionnel prévu par le code de l’action sociale et des familles. Or le président Macron avait marqué une volonté radicalement différente en affirmant, en juillet 2017, que « la première bataille, c’est de loger tout le monde dignement », ajoutant : « Je ne veux plus, d’ici à la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues. » Nous sommes en novembre 2018 et rien n’a été fait. Il convient dès lors de revenir sur cet arrêté et d’allouer des budgets importants pour que la promesse présidentielle soit tenue.
D’autre part, nous sommes bien évidemment favorables à la revalorisation de la prime d’activité. Nous avons bien noté l’annonce importante selon laquelle le bonus prévu en 2019 serait porté à 30 euros. Mais en faisant passer le taux de cumul avec les revenus du travail de 62 % à 61 %, l’augmentation ne serait que de 12 euros pour un employé au SMIC. Pouvez-vous clarifier ce point, madame la ministre ?
Nous nous posons par ailleurs de nombreuses questions concernant les mineurs non accompagnés – MNA. Vous estimez que le Gouvernement fait un effort exceptionnel pour accompagner les départements ; mais les 141 millions d’euros crédités pour 2019 représentent à peine 10 % de la dépense globale assumée par les départements, dépense que l’Assemblée des départements de France estime à 1,5 milliard d’euros. Cette aide est sous-budgétée et l’État va devoir payer plus que prévu. Ces fonds sont censés couvrir à la fois les dépenses d’évaluation et les dépenses d’accueil des MNA au sein de l’aide sociale à l’enfance. Comment sont-ils répartis entre ces deux postes, et avec quelles estimations de flux entrants ? Pour 2018, le Gouvernement avait prévu 25 000 entrants, alors qu’il y en a eu le double ! Surtout, les dépenses liées aux MNA seront-elles intégrées au périmètre de 1,2 % d’augmentation annuelle des dépenses des départements imposé par les pactes financiers ? Dans l’affirmative, et vous en conviendrez, ces contrats qui prêtent déjà à polémique deviendraient intenables.
Pour ce qui est de l’égalité entre les femmes et les hommes, sujet qui me tient particulièrement à cœur, il est étonnant que le budget qui lui est consacré ne bouge pas d’un seul euro après qu’elle ait été déclarée grande cause du quinquennat. Contentons-nous alors de l’absence de baisse de crédits, même si nous ne pouvons nous résoudre à certains abandons.
En ce qui concerne les associations, nous avons entendu les engagements de la ministre assurant qu’il n’y avait pas de baisse de crédits effective pour les têtes de réseaux. Pourtant, l’ensemble de ces crédits ne sont pas retracés dans le projet annuel de performance, alors que dans le même temps, les moyens dédiés aux référents départementaux engagés dans l’accompagnement des femmes victimes de violences baissent également de 0,8 million d’euros.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » mérite les efforts qui lui sont consacrés. Alors, allons au bout de la démarche car c’est, en définitive, ce qui donnera du sens à notre action.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteures, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir que les deux missions budgétaires portant sur la santé et la solidarité présentent une augmentation de leurs crédits pour l’année 2019. Ceux de la mission « Santé » augmentent de 3,4 %, tandis que ceux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » croissent de près de 7 %. La santé et la solidarité sont les deux piliers de notre politique sociale et doivent constituer une priorité de tous les instants à l’heure où la France compte près de 9 millions de personnes en difficulté.
En ce qui concerne la mission « Solidarité », nous nous réjouissons de la croissance substantielle des crédits, laquelle concrétise plusieurs engagements du Président de la République, en pérennisant et en approfondissant des mesures de justice sociale et territoriale, mais aussi d’égalité, et en posant les bases d’une convergence des minima sociaux par le haut. Cela se traduit, dans les faits, par l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés – AAH –, qui atteindra 900 euros en décembre 2019, par la création d’une seconde bonification pour les bénéficiaires de la prime d’activité, par la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et, enfin, par la consolidation des financements alloués aux actions de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le groupe MODEM et apparentés se félicite de ces transformations et soutiendra sans réserve leur réalisation afin qu’elles bénéficient au plus vite aux populations les plus vulnérables du pays.
Toutefois, dans cette perspective, notre groupe s’interroge sur la rédaction de l’article 83 du PLF, qui vise à simplifier des compléments à l’AAH, le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome. Sur le fond, cette démarche est louable et nécessaire. Sur la forme, nous nous inquiétons de ses conséquences financières à l’issue de la période transitoire pour les bénéficiaires de l’AAH qui disposent actuellement du complément de ressources. Ainsi, ne serait-il pas judicieux de réfléchir à un dispositif plus élaboré qui conserverait les mêmes objectifs tout en ne lésant personne ? Nous avons donc déposé un amendement en ce sens.
En ce qui concerne la mission « Santé », l’augmentation des crédits s’inscrit dans la logique établie par la stratégie « ma santé 2022 ». Il s’agira de poursuivre et d’améliorer les efforts d’investissement nécessaires aux nombreuses transformations du système de santé. Notre groupe se mobilisera à vos côtés, madame la ministre.
En ce qui concerne les programmes spécifiques de cette mission, nous regrettons la diminution des moyens alloués au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Plus précisément, alors que les dépenses de fonctionnement augmentent pour ce programme, les dépenses d’intervention diminuent et sont amputées de plus de 20 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Un autre point d’interrogation touche à la question de la prévention envers les jeunes. Seulement 400 000 euros sont dédiés à la santé de la mère et de l’enfant, alors que c’est sur ces publics que doivent être ciblées en priorité les actions de prévention primaire. Si ce chiffre est en hausse cette année, il nous paraît encore insuffisant pour mener une politique de prévention pérenne.
Vous connaissez notre attachement à cette question essentielle et nous connaissons le vôtre. À ce titre, nous présenterons deux amendements : le premier vise à demander un document de politique transversale sur la prévention et le second un jaune budgétaire qui permettra de connaître les efforts réellement consentis par l’État, les collectivités territoriales et la sécurité sociale en faveur de la prévention. Chers confrères, si j’ose dire, comment peut-on vouloir soigner la prévention sans disposer d’un thermomètre ? Un amendement similaire sur un document de politique transversale a été adopté à l’unanimité par tous les groupes en commission des affaires sociales la semaine dernière.
En 2017, un rapport de la Cour des comptes sur la prévention primaire recommandait la rédaction d’un tel document ; c’est aussi le cas du rapport d’information que j’ai rédigé avec Ericka Bareigts sur la politique de prévention sanitaire en faveur de la jeunesse. Vous-même, madame la ministre, en avez fait la promesse l’année dernière, réaffirmée au mois de septembre en répondant à une de mes questions orales. L’ensemble des acteurs de la prévention vous soutiennent dans cette démarche. Toutefois, nous restons convaincus que la prévention primaire doit être traitée dans sa globalité. Nous avons bien entendu que vous indiquiez que la prévention était nécessairement liée aux soins ; elle touche cependant d’autres acteurs qui vont au-delà du soin, et concerne de nombreux autres déterminants comme l’activité physique, l’alimentation, l’eau que nous buvons et l’air que nous respirons.
Ainsi, madame la ministre, le groupe MODEM soutient la politique volontaire du Gouvernement en faveur de la solidarité et de la santé.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.) La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe Socialistes et apparentés. Madame la ministre, mesdames les rapporteures, monsieur le rapporteur, chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2019, malgré une augmentation affichée de 6,8 %, due principalement à la revalorisation exceptionnelle de deux prestations, la prime d’activité et l’AAH, se révèlent très décevants au regard du périmètre couvert. Ils sont même en deçà des moyens nécessaires à la réalisation des ambitions fixées par la stratégie de lutte contre la pauvreté. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement, il va y avoir des perdants, car si l’on traduit votre langage, « rationalisation » signifie « réduction des droits ».
Ainsi, les gains de la revalorisation de la prime d’activité, ciblés vers les personnes au plus près de l’employabilité, soit entre 0,5 et un SMIC, et passés au filtre de l’article 65 du PLF et du décret du 3 octobre dernier, ne seront plus que de 5 à 8 euros au lieu des 20 annoncés. Si l’on y ajoute les plus de 3,7 millions de personnes touchant un RSA qui ne sera pas revalorisé, ce sont bien tous les travailleurs les plus modestes et les personnes les plus pauvres qui ne bénéficieront d’aucun coup de pouce, alors même qu’ils subissent de plein fouet les baisses du pouvoir d’achat.
La revalorisation de l’AAH subit elle aussi des coups de rabot injustifiables : à l’absence de revalorisation par rapport à l’inflation prévue pour 2019 et aux mesures de désindexation sur l’inflation en 2020, vous ajoutez le gel du plafond de ressources des couples et la fusion des aides complémentaires. Or la prise en compte des ressources du conjoint relève de la double peine, à la fois parce qu’elle sanctionne la personne en situation de handicap et parce qu’elle la place dans une situation de dépendance vis-à-vis de son conjoint, ce qui entrave son émancipation. Vous avez d’ailleurs rejeté récemment la proposition de loi de nos collègues à ce sujet, au motif de la priorité donnée à la mobilisation familiale des ressources. Seulement, l’AAH n’est pas une prestation comme une autre.
Quant aux aides complémentaires, leur fusion se traduit par la disparition du complément de ressources, qui s’adresse à des personnes lourdement handicapées qui ne peuvent pas travailler, au profit de la majoration pour la vie autonome, la MVA, soit 104,77 euros au lieu de 179,31 euros. Remplacer l’une par l’autre causera une perte de 74 euros. Or les critères d’éligibilité à la MVA font qu’un certain nombre de bénéficiaires du complément de ressources ne pourront pas prétendre à cette aide et subiront une perte sèche de 179 euros par mois. L’injustice de cette mesure semble plonger la majorité dans le doute. Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale, n’a d’ailleurs pas émis d’avis défavorable sur notre amendement visant à supprimer l’article 83 lors de l’examen du texte en commission.
Hier, la commission des finances du Sénat a voté à l’unanimité en faveur du complément de ressources. C’est donc désormais un amendement issu de vos rangs qui le soutient.
Nous ne pouvons accepter une politique de rabot sur des prestations sociales destinées à des travailleurs modestes et à des allocataires sous le seuil de pauvreté, politique que vous êtes obligés de mettre en place pour compenser les choix budgétaires de votre gouvernement en direction des plus aisés. Notons par ailleurs qu’au regard de vos premiers résultats économiques, ces choix budgétaires sont loin d’être efficaces.
À l’heure où Victor Hugo est remis au goût du jour, souvenons-nous que la IIIe République avait proclamé la dette de la nation envers les pauvres ! Le discours du Gouvernement sur les prestations sociales donne désormais l’impression que ce sont les pauvres qui ont une dette à l’égard de la nation. Pour ces raisons, nous ne serons que plus vigilants quant aux modalités du futur revenu universel d’activité.
Vous l’aurez compris, aux yeux du groupe Socialistes et apparentés, ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux revendiqués, que ce soit en matière de lutte contre la pauvreté, de soutien aux personnes handicapées ou d’égalité entre les femmes et les hommes. Il poursuit une politique injuste et inefficace que nous ne pourrons approuver.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et monsieur les rapporteurs, nous examinons aujourd’hui en séance publique les crédits des missions « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Les moyens consacrés à la mission « Santé » augmentent légèrement dans le projet de loi de finances pour 2019 par rapport au PLF pour 2018, principalement en raison de la hausse tendancielle des crédits consacrés à l’aide médicale d’État.
Concernant le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », nous saluons le quasi-maintien des crédits et l’engagement renouvelé en faveur de la prévention, même si la légère baisse du taux de vaccination contre la grippe pour les personnes âgées de soixante-cinq ans et plus indique qu’il faut redoubler de vigilance sur ce point.
L’essentiel des moyens dédiés à la prévention relevant davantage du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous voulons rappeler notre soutien aux mesures fortes engagées l’an dernier en faveur de la lutte contre le tabagisme, ou concernant l’extension de l’obligation vaccinale et l’élargissement des examens infantiles jusqu’à dix-huit ans prévu dans le PLFSS pour 2019.
Nous soutiendrons l’amendement adopté en commission visant à améliorer la bonne information du Parlement sur l’ensemble des politiques menées en matière de prévention. Il participe du virage vers une approche davantage préventive de notre système de santé, que nous appelons de nos vœux.
Nous nous interrogeons également sur la hausse du coût de l’aide médicale d’État, prévue dans le programme 183 « Protection maladie », qui atteindra 934 millions d’euros en 2019.
Sans revenir sur le périmètre des actes pris en charge par l’AME ni sur la nécessité d’accompagner les personnes concernées, nous sommes favorables à une politique de contrôle renforcée de son utilisation en vue d’éviter et de sanctionner les éventuels abus.
Le véritable enjeu réside par ailleurs dans l’amélioration des procédures de reconduite à la frontière des personnes déboutées du droit d’asile, qui demeurent, pour la très grande majorité d’entre elles, sur le territoire, et dont la seule prise en charge des soins s’effectue par l’AME.
J’en viens aux crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui rend compte de l’effort de la puissance publique en faveur de la réduction de la pauvreté, de la lutte contre les inégalités et de la protection des plus vulnérables.
Nous saluons l’augmentation des crédits de cette mission, en hausse de 6,8 % par rapport à la loi de finances pour 2018, ce qui les porte, au total, à 20,7 milliards d’euros pour 2019.
Le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » met en œuvre la politique de lutte contre la pauvreté ; sa principale dépense est la prime d’activité. Nous regrettons l’effet d’annonce d’une hausse de la prime d’activité de 20 euros alors qu’avec la modification du mode de calcul applicable aux revenus du travail, la hausse ne sera en réalité que d’environ10 euros, et peut-être moins si l’on prend en compte l’inflation.
Plutôt 8 euros au niveau du SMIC ! J’en viens au programme 157 « Handicap et dépendance », dont les crédits contribuent très majoritairement au soutien du revenu des personnes handicapées par le financement de l’AAH. Les crédits consacrés à l’AAH représentent 85 % des dépenses du programme, et nous sommes très favorables aux mesures visant à porter cette allocation à 900 euros l’année prochaine. Il s’agit d’une mesure de justice et de solidarité tout à fait essentielle, cohérente avec les orientations et préconisations issues du comité interministériel du handicap du 25 octobre 2018, ainsi qu’avec l’ouverture de nouveaux droits civiques pour les personnes majeures handicapées. Je pense en particulier à la reconnaissance du droit de vote inaliénable ou à la possibilité de se marier sans recourir à l’autorisation du juge des tutelles. Ce sont des symboles forts pour une plus grande participation de ces personnes à la vie de la cité.
Nous saluons enfin la sanctuarisation des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Ce combat, qui a été légitimement consacré grande cause du quinquennat, est essentiel dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ainsi que pour faire progresser l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Sur le sujet particulier des mineurs non accompagnés, les MNA, nous considérons enfin qu’il revient à l’État de reprendre la compétence de leur prise en charge en passant des conventions avec les départements concernés.
Très bien ! En ce jour où s’ouvre le congrès national de l’Assemblée des départements de France, j’imagine que ce sujet sera largement évoqué. Nous souhaiterions être entendus sur ce point, même s’il faut noter que les crédits relatifs à la prise en charge des MNA ont très fortement augmenté – je crois qu’ils ont été multipliés par dix.
Notre groupe aborde donc favorablement l’examen des crédits de ces deux missions.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour le groupe La France insoumise. Madame la ministre, mesdames et monsieur le rapporteur, après le financement de la sécurité sociale, nous nous penchons aujourd’hui sur celui des missions « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Concernant la mission « Santé », vous nous assurez, madame la ministre, que votre politique est centrée sur la prévention. Pourtant, les crédits dédiés à celle-ci baissent en moyenne de 1,1 % par rapport à 2018, que ce soit en matière d’environnement, d’alimentation ou encore de maladies chroniques.
Pour justifier ces baisses, vous nous promettez un changement de paradigme, mais nous l’attendons toujours. La tarification au forfait, qui n’est pas encore en place, ne concerne que deux pathologies. Vous fragilisez donc l’édifice de notre politique de prévention avant même d’en avoir construit un nouveau.
Autre sujet de préoccupation majeure, en matière de médicament, vous faites une fois de plus le choix de l’opacité et du laisser-faire. Le contexte est particulièrement grave. En 2017, on a signalé 530 pénuries de médicaments, alors qu’il n’y en avait eu que 44 en 2008. Cette hausse spectaculaire est très inquiétante. Comme l’explique le rapport d’information sur la pénurie de médicaments et de vaccins présenté au Sénat au mois de septembre dernier, ces pénuries sont créées artificiellement par les laboratoires pharmaceutiques pour augmenter les prix. Pourtant, vous continuez d’affaiblir notre « gendarme du médicament », l’Agence nationale du médicament, en diminuant son budget de 5 % ! Avec une telle saignée, comment peut-on espérer faire le poids face aux grands groupes pharmaceutiques lorsqu’un médicament comme le Sofosbuvir, contre l’hépatite C, est vendu 43 000 euros pour douze semaines de traitement alors que son coût de production se situe aux alentours de 100 euros ?
Madame la ministre, mes chers collègues, le mois dernier, le président de l’Ordre des pharmaciens d’Île-de-France s’inquiétait de la pénurie de vaccin BCG. « On risque donc de voir un retour de la tuberculose dans les milieux défavorisés » constatait-il dans
Le Parisien.
Dans son programme politique, La France insoumise demande la création d’un pôle public du médicament. Qu’attendez-vous pour faire vôtre cette proposition de bon sens ? Actuellement, 45 000 malades de Parkinson sont sans solution du fait de ces ruptures de stocks. Combien de drames faudra-t-il pour que l’État prenne ses responsabilités et cesse de s’en remettre au chantage des industries pharmaceutiques ?
Revenons sur le cas des victimes de la Dépakine. Quand Sanofi va-t-il enfin payer ? L’an dernier déjà, l’État s’était engagé à hauteur de 78 millions d’euros ; cette année, il renouvelle cet engagement financier. Pourtant, le 25 octobre dernier, vous nous disiez que L’État assumerait lui-même les actions contre les responsables en vue d’un remboursement total ou partiel. Comment se fait-il que les géants de l’industrie pharmaceutique restent impunis lorsqu’ils commettent des fautes d’une telle gravité ?
Pour conclure sur ce volet « santé » du PLF, la purge continue avec une baisse de 5,5 millions d’euros pour le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Pour les outre-mer, les conséquences seront particulièrement douloureuses, car la situation l’est déjà, comme le constate le rapport pour avis, dont je salue la qualité, de Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Ces territoires perdront 1,6 million d’euros en 2019, alors qu’ils ont déjà perdu 3,5 millions l’an dernier.
Venons-en à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ! Vous annoncez que l’AAH augmentera de 80 euros d’ici à 2020. Nous serions ravis de voter avec vous cette augmentation, si celle-ci n’était pas de la poudre aux yeux. De nombreuses associations ont pointé du doigt les tours de passe-passe qui rendent votre déclaration mensongère. Ainsi, le gel du plafond de ressources pour les couples exclut environ 100 000 personnes du dispositif, et, en fusionnant deux aides complémentaires à l’AAH, vous faites perdre à des milliers de personnes handicapées environ 50 euros par mois. Cette mesure sera également neutralisée par une absence de revalorisation par rapport à l’inflation en 2019, et par une désindexation en 2020. À terme, toutes les personnes handicapées seront donc perdantes.
Fort malheureusement, ces tours de passe-passe ne s’arrêtent pas là. Ainsi, en même temps que vous prétendez revaloriser la prime d’activité, vous la gelez, ce qui signifie, avec l’effet de l’inflation, que les actifs qui en bénéficient seront perdants. Vous revoyez également le mode de calcul permettant de percevoir cette prime d’activité, révision qui exclut de nombreuses personnes du dispositif. Enfin, cette revalorisation ne concernera pas les travailleurs très pauvres qui touchent moins de la moitié du SMIC.
Pour finir, nous constatons que de nombreux crédits de cette mission sont revus à la baisse. Alors même que l’égalité entre les hommes et les femmes a été déclarée « grande cause du quinquennat », le budget du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » perd 500 000 euros si l’on tient compte de l’inflation !
Mais non ! Les crédits destinés aux centres d’information sur le droit des femmes, au Planning familial, à l’aide alimentaire et aux travailleurs sociaux baissent significativement.
Vous diminuez aussi de 5 % le budget consacré à la politique culturelle et sportive. Pourtant, au mois d’avril dernier, la députée communiste Marie-George Buffet et le député du groupe La République en marche Pierre-Alain Raphan, co-rapporteurs d’une mission sur la réduction des emplois aidés dans les associations culturelles et sportives, ont qualifié la disparition de ces emplois de mesure d’une extrême brutalité. Certains maires de banlieue ont même parlé du plus vaste plan social depuis la Seconde guerre mondiale. Vous portez donc un coup supplémentaire et insupportable qui aura de très sévères répercussions, notamment dans les quartiers populaires. C’est pourquoi nous ne pouvons vous suivre dans vos propositions.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Madame la ministre, mesdames et monsieur les rapporteurs, le budget de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances » est certes en augmentation de 1,6 milliard d’euros depuis l’année dernière, ce qui peut faire croire à un soudain élan du Gouvernement en faveur des populations les plus modestes, en particulier avec ce que vous présentez comme des revalorisations de l’AAH ou de la prime d’activité, mais c’est sans compter avec vos arrangements budgétaires.
En effet, vous avez introduit de nouveaux modes de calcul et de nouveaux critères qui bloquent les revalorisations que je viens d’évoquer pour un certain nombre de personnes. C’est le cas, par exemple, pour la revalorisation de 30 euros de la prime d’activité, qui n’est, en fait, destinée qu’à une catégorie de population : les travailleurs d’un foyer dont les revenus professionnels sont supérieurs à 0,5 SMIC. Quant à l’AAH, vous avez modifié les critères d’éligibilité : même si l’on peut souligner sa revalorisation, quelque 100 000 personnes en seront partiellement ou totalement exclues, parmi lesquelles les allocataires de l’AAH vivant en couple. Le Gouvernement a décidé du gel du plafond de ressources appliqué aux couples, sans répercuter la hausse annoncée sur le plafond.
Vous avez décidé la fusion des deux prestations complémentaires de l’AAH, le complément de ressources et la MVA, la majoration pour vie autonome, au profit de la seule MVA. Autrement dit, vous vous êtes alignés sur le montant le plus faible, celui de la MVA, qui se limite à 104 euros. En outre, la suppression de la garantie de ressources pénalise les personnes qui vivent avec un handicap irréversible en réduisant leur niveau de vie à court terme.
Madame la ministre, comment vous reconnaître le droit de mettre en avant des « revalorisations » qui maintiennent ces prestations sous le seuil de pauvreté ? Nous parlons de 1026 euros mensuels, dans ce que cette réalité décrit de plus abrupt pour la vie des personnes concernées. La question se pose a fortiori lorsque les conclusions de l’Institut des politiques publiques tombent comme un couperet pour montrer que votre politique budgétaire, celle de votre gouvernement, a déjà amputé de près de 1 % le pouvoir d’achat du tiers des Français les plus modestes, alors que les ménages les plus riches raflent la mise depuis dix-huit mois.
Je veux en conséquence relayer dans cet hémicycle les grandes inquiétudes des associations qui sont opposées à ces différentes mesures. Madame la ministre, quelles réponses donnerez-vous aux structures associatives, qui sont véritablement très mobilisées contre les mesures que vous annoncez dans ce budget ?
Le Président de la République a annoncé, au mois d’octobre dernier, le lancement d’une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Dans ce cadre, l’augmentation des crédits dédiés aux mineurs non accompagnés est de 9,2 millions d’euros. Cela correspond au changement des modalités de remboursement aux départements et à la hausse prévisionnelle du nombre de MNA.
Cependant, je veux insister sur la diminution du financement des têtes de réseaux des associations œuvrant dans le domaine de la protection des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Ces associations sont souvent les premiers interlocuteurs des personnes les plus fragiles. Si l’on veut mieux cibler ces personnes pour mieux les aider et les accompagner, il sera plus utile et efficace de renforcer les moyens accordés aux associations et aux travailleurs sociaux.
C’est le lien humain, l’accompagnement social au quotidien, que vous dégradez par ce budget.
Je voudrais également vous interpeller quant aux crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Le Gouvernement a annoncé, à grand renfort de communication, que ce serait la grande cause nationale du quinquennat. Or nous constatons ni plus ni moins que les crédits de ce programme pour l’année 2019 sont quasi identiques à ceux de l’année 2018.
Je voudrais à présent dire quelques mots des
chibanis . Après avoir diminué de 9 millions d’euros en 2018 le budget de l’aide à la réinsertion des anciens migrants dans leur pays d’origine, vous le diminuez à nouveau pour 2019. Pour cela, vous tirez argument du taux de non-recours à cette aide : il conviendrait au contraire de la rendre automatique. Ce ne serait que justice pour ces hommes qui ont travaillé toute leur vie en France.
Enfin, d’une manière générale, que dire de la réduction des personnels de vos services et des opérateurs de l’État, notamment au niveau des agences régionales de santé, particulièrement touchées ? Vous comprendrez, dans ces conditions, que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et, au sein de ce groupe, les députés communistes, ne puissent pas voter favorablement les crédits de cette mission.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et SOC.) La parole est à M. Paul-André Colombani, pour le groupe Libertés et territoires. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteures spéciales, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, chers collègues, j’entends par cette intervention vous faire connaître la position du groupe Libertés et territoires sur les crédits alloués aux missions « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour l’année 2019.
Les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » baissent légèrement par rapport à 2018 : ils s’établissent, en autorisations d’engagement, à moins de 480 millions d’euros pour 2019, contre plus de 485 millions d’euros en 2018, soit une baisse de plus de 5,5 millions d’euros. Cette diminution des ressources obérera nécessairement la capacité du système de santé à atteindre les objectifs qui lui sont assignés.
Je m’inquiète, par exemple, pour la protection des personnes âgées. Nous sommes en deçà des attentes en ce qui concerne la couverture vaccinale des personnes âgées de soixante-cinq ans et plus : le taux de couverture actualisé pour 2018 est de 49,7 %, alors qu’il y a un an, le Gouvernement s’était donné pour objectif un taux de 52 %. Je rappelle, par ailleurs, que ce taux était supérieur à 50 % en 2015. Je m’interroge donc sur la possibilité d’atteindre la cible de 60 % en 2020.
Je note en effet une baisse générale des moyens en matière de prévention. Je dois cependant reconnaître que cette diminution s’est faite au bénéfice notable des crédits alloués à l’aide médicale d’État au sein du programme « Protection maladie » : ils représentent près de 935 millions d’euros pour 2019, contre un peu plus de 923,7 millions d’euros en 2018, soit 11 millions d’euros de plus pour l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière. C’est un problème global qu’il faut aborder avec ambition et humanité : aucun être humain ne doit être exposé à des souffrances inutiles – c’est le sens du serment que j’ai fait en devenant médecin. Laisser une frange de la population sans soins, c’est aussi laisser prospérer des foyers de pathologies qui mettent en péril la santé de la population dans son ensemble.
Les gens sont là : il faut les soigner, car nous sommes égaux face à la maladie. S’il y a un problème, il se pose en amont, et concerne la gestion des flux migratoires et le contrôle des entrées sur le territoire. Refuser de soigner les gens n’est pas la bonne réponse à ces enjeux !
Il faut mettre les moyens nécessaires pour la santé publique. Pour cela, je ne suis pas défavorable à une hausse de la fiscalité affectée, afin de ne pas donner l’impression de dépouiller les uns pour vêtir les autres.
En ce qui concerne la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », je salue le budget de 171 millions d’euros alloué à la nouvelle stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Il en va de même pour le programme « Handicap et dépendance », dont le budget augmente légèrement – ce que nous saluons aussi.
En revanche, je m’interroge quant au budget du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » : il est strictement égal à celui de l’année dernière. L’égalité femmes-hommes est pourtant la grande priorité du quinquennat, et l’actualité, depuis un an, nous rappelle malheureusement que beaucoup de chemin reste à faire. Le nombre d’actions de ce programme a même diminué : celle qui était consacrée à la prévention et à la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains semble ainsi avoir disparu au sein d’une action plus large appelée « Politiques publiques - Accès au droit ».
Je déplore qu’un coup de rabot soit passé sur le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » : on constate en effet une baisse quasi homothétique des crédits affectés à l’ensemble de ses actions. Il aurait fallu, au contraire, déployer plus de moyens afin de promouvoir les politiques de santé dans les territoires.
Plus grave encore : les crédits des ARS diminuent de 4 millions d’euros. Je m’attendais, à l’inverse, à une hausse de leurs moyens, afin de territorialiser les politiques de santé – c’est-à-dire afin de les adapter aux réalités des territoires.
Le budget des personnels mettant en œuvre les politiques sociales de santé baisse de près de 10 %, soit 21 millions d’euros. Celui des personnels mettant en œuvre les politiques de la ville, du logement et de l’hébergement perd également des crédits.
Mon impression générale est que ces missions se focalisent sur des mesures phares au détriment des mesures traditionnelles des politiques de santé et d’égalité, qui doivent être équilibrées dans tous les territoires.
Il eût mieux valu, au lieu de se concentrer sur deux ou trois grands problèmes nationaux, mener une politique plus girondine. Les grands problèmes doivent être affrontés, mais pas au détriment de la santé quotidienne des personnes qui, sans être parmi les plus vulnérables ni les plus mises en avant par les médias, n’en restent pas moins des personnes modestes. C’est pour elles que ce budget n’est pas assez ambitieux.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à Mme Catherine Osson, pour une première question du groupe La République en marche.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, depuis le début des années 2000, la pauvreté ne recule plus. Nous y étions pourtant habitués depuis les années 1960 : il s’agit donc d’une rupture historique dans notre histoire sociale. Cette situation ne correspond pas à un appauvrissement massif des plus pauvres, mais à une augmentation du nombre de personnes dont les conditions de vie sont dégradées du fait d’événements brutaux et qui n’ont plus assez pour vivre dignement.
C’est ainsi qu’en dépit d’une forte hausse des dépenses sociales, la pauvreté demeure et gagne même du terrain. Cette progression témoigne de l’inefficacité des dispositifs curatifs mis en place jusqu’à présent.
Le plan pauvreté présenté aux Français le 13 septembre 2018 prévoit vingt-et-une mesures qui visent à émanciper nos concitoyens en progressant vers l’égalité des chances. Elles sont destinées à la fois à la petite enfance, à la formation, et à l’accompagnement de tous vers l’emploi. Un investissement de 8,5 milliards d’euros sur le quinquennat est ainsi prévu en faveur des plus démunis.
Par ailleurs, cette stratégie de lutte et de prévention de la pauvreté tient compte des situations particulières des territoires, dont je veux parler aujourd’hui. La proximité permettant une plus grande efficacité, ce sont les collectivités qui seront chargées de la mise en œuvre de ce plan. L’État définira ainsi un cadre de contractualisation avec les collectivités chefs de file, qui sera centré sur des priorités partagées.
Le projet de loi de finances pour 2019 comporte une enveloppe de 135 millions d’euros destinée à la mise en œuvre de ces contrats territoriaux. Un fonds de lutte contre la pauvreté d’un montant de 200 millions d’euros doit être créé pour soutenir cet effort de contractualisation.
Je m’interroge toutefois sur la coordination des vingt-et-une mesures destinées à être appliquées à l’échelle nationale et des contrats territoriaux ayant vocation à être adaptés à chaque collectivité. Ma question est donc la suivante : comment comptez-vous assurer une prise en charge uniforme de la pauvreté à l’échelle nationale tout en adaptant le traitement de la pauvreté aux problématiques locales ?
Par ailleurs, quelle sera la nature de l’accompagnement que l’État offrira aux collectivités locales dans la prise en charge de cette problématique ?
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé. Madame la députée, vous m’interrogez sur la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté au niveau des territoires. Vous avez raison : la stratégie doit être mise en œuvre au plus près des publics concernés, au plus près des territoires. L’État a pour mission d’organiser le pilotage par les acteurs, qu’il s’agisse d’associations ou de collectivités, à l’échelon régional.
Des animateurs seront désignés parmi eux, associations ou collectivités, pour faire avancer le travail collectif sur les différentes thématiques de la stratégie. En ce qui concerne les mesures relevant de la compétence des départements, chefs de file en matière d’aide sociale, la stratégie prévoit une contractualisation ambitieuse avec les conseils départementaux. Les travaux de contractualisation ont déjà été engagés avec les territoires démonstrateurs de la stratégie ; la contractualisation sera ensuite déployée avec l’ensemble des départements, avant la fin du premier semestre 2019.
Cette contractualisation s’appuie sur 135 millions d’euros de crédits, dont 50 millions d’euros dédiés au fonds d’appui aux politiques d’insertion en 2019. Elle atteindra au moins 210 millions d’euros en 2022. Elle porte sur un socle de thématiques et d’actions dans les domaines de l’aide sociale à l’enfance, de l’insertion, des droits fondamentaux des enfants et du travail social. Une part est laissée à l’initiative des départements, qui pourront proposer des actions en lien avec les ambitions de la stratégie, par exemple en matière de prévention dans le domaine de la protection maternelle et infantile ; l’État apportera alors son soutien à ces actions.
Notre stratégie est le fruit d’une large concertation de terrain. Sa mise en œuvre requiert une gouvernance nouvelle, pilotée et portée par l’ensemble des acteurs, à partir des territoires. L’État se porte garant, évidemment, du pilotage stratégique de l’ensemble.
La parole est à M. Philippe Chassaing, pour une deuxième question du groupe La République en marche. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la politique publique menée en matière de lutte contre la pauvreté. Après une baisse continue depuis l’après-guerre, le niveau de pauvreté dans notre pays s’est stabilisé autour de 14 %. Cette stabilité nous conduit à nous interroger quant à l’efficacité des politiques publiques visant à réduire la pauvreté.
Il est relativement facile de définir la pauvreté ; il est plus difficile, en revanche, d’identifier les processus multiples et souvent cumulatifs qui y conduisent. Pour agir efficacement contre la pauvreté, il est donc nécessaire d’actionner simultanément de multiples leviers et de mobiliser des acteurs divers, ce qui rend complexe l’élaboration globale d’une politique sociale efficiente en matière de lutte contre la pauvreté.
Les processus qui conduisent à la pauvreté ne cessent par ailleurs d’évoluer en fonction des mutations sociales ; pour inverser la tendance, il faut donc adapter et améliorer les politiques publiques en permanence.
Aussi voudrais-je vous interroger sur les innovations en matière de politiques publiques pour répondre aux enjeux de la pauvreté. Ma question porte d’abord sur les interactions entre acteurs de cette politique : État, départements et métropoles agissent en effet de concert pour lutter contre la pauvreté. Quelles mesures envisagez-vous pour développer les synergies entre ces différents acteurs ?
Les minima sociaux sont en outre particulièrement opaques, et ressentis comme stigmatisants par les allocataires. Comment rendre le versement de ces minima sociaux à la fois plus acceptable d’un point de vue social et plus lisible ?
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, vous m’avez posé plusieurs questions.
Tout d’abord, il faut évidemment mener des actions pour développer les synergies entre les différents acteurs, État et collectivités territoriales. Comme je l’ai dit, cette stratégie émane d’une large concertation de terrain. Elle nécessite une gouvernance nouvelle, pilotée et portée par l’ensemble des acteurs à partir des territoires : c’est bien sur les territoires que le combat doit être mené.
L’État a donc pour mission d’organiser un pilotage par les acteurs, qu’il s’agisse d’associations ou de collectivités, à l’échelon régional. Deux conférences régionales des acteurs devront être organisées chaque année, la première dès la fin de l’année 2018. Pour les mesures relevant de la compétence des départements, chefs de file en matière d’aide sociale, la stratégie prévoit – je l’ai dit – une contractualisation avec les conseils départementaux.
Il nous faut ensuite rendre le versement des minima sociaux plus acceptable d’un point de vue social et plus lisible. Nous le savons, le non-recours aux droits met en cause notre modèle social en ce qu’il traduit une forme d’incapacité à rendre effectifs les droits que nous créons. La lutte contre le non-recours aux droits et aux services sociaux et de santé est donc une priorité de la stratégie : de nombreuses mesures traduisent concrètement cette priorité, notamment la modernisation de la délivrance des prestations sociales, en favorisant les échanges d’informations entre les acteurs, en rendant automatiques les démarches et en favorisant un paiement au juste droit.
Quelques exemples : le renouvellement automatique de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, pour les allocataires du RSA, l’expérimentation de territoires zéro non-recours, avec la mobilisation des guichets uniques dans les caisses de sécurité sociale, la généralisation du
data mining dans le repérage des bénéficiaires potentiels qui n’ont pas activé leurs droits. Nous travaillons enfin au revenu unique d’activité, pour mettre fin au millefeuille de dispositifs actuel.
Ces mesures ont pour point commun de responsabiliser les pouvoirs publics plutôt que les bénéficiaires potentiels, pour garantir à toutes les personnes pauvres ou en situation d’exclusion l’accès à la solidarité nationale.
La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe Les Républicains. Je voudrais mettre l’accent sur les crédits alloués à l’allocation pour adulte handicapé. Si leur hausse est toujours une bonne nouvelle pour les bénéficiaires, il n’est pas juste que le Gouvernement cache qu’elle est notamment le résultat d’un rééquilibrage de lignes budgétaires et que les efforts consentis ne sont donc pas de 500 millions d’euros pour 2019 et de 2 milliards d’euros sur le quinquennat. Cette observation n’est pas que celle du groupe Les Républicains : c’est aussi et surtout celle du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Deux exemples illustrent ce constat. D’abord, madame la ministre, vous supprimez la revalorisation légale qui devrait avoir lieu le 1er avril 2019 : le manque à gagner sera de 90 euros, somme qui aurait dû être perçue par les allocataires entre mai et novembre, avant la traditionnelle revalorisation de ce dernier mois. Ensuite, vous faites le choix de limiter la revalorisation légale pour 2020 à 0,3 %, alors que les prévisions d’inflation de la DREES – direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques –, sur lesquelles est en principe indexée l’AAH, s’élèvent à 1,2 %, ce qui signifie que les allocataires percevront une revalorisation de 2,70 euros par mois au lieu de 10,80 euros. Cette dernière mesure suspend – au moins temporairement – la disposition protectrice instaurée par la loi de finances pour 2016 visant à sécuriser le niveau de vie des bénéficiaires des minima sociaux en fixant un taux plancher de 1 % pour les revalorisations annuelles. Ce choix n’est pas anodin.
S’agissant de perte de pouvoir d’achat, assumez-vous, madame la ministre, que la suppression du complément de ressources au profit de la majoration pour la vie autonome, en vertu de l’article 83, entraîne dès le 1er janvier 2019, pour des milliers de bénéficiaires de l’AAH ne disposant pas de revenus d’activité, une perte pouvant atteindre 179 euros mensuels ?
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. Madame la députée, je vous remercie de mettre en valeur par votre question la revalorisation à 900 euros de l’allocation aux adultes handicapés, conformément aux engagements du Président de la République. La première étape de cette revalorisation, qui porte le montant de l’AAH à 860 euros, est engagée dès ce mois de novembre, suite aux annonces du comité interministériel du handicap. Cette revalorisation est d’une ampleur jamais vue, je tiens à le souligner. Par la seconde, qui aura lieu en 2019, le Gouvernement va procéder à un investissement social massif pour lutter contre la pauvreté des personnes en situation de handicap, pauvreté qui constitue pour elles une double peine. Comment vous laisser dire qu’une telle évolution pourrait entraîner une perte de pouvoir d’achat, alors qu’elle se traduira au contraire par l’équivalent d’un treizième mois pour ses bénéficiaires ? En effet, entre janvier 2018 et la fin de 2019, le gain de pouvoir d’achat permis par cette double revalorisation sera triplé par rapport à ce qu’il aurait été sur la seule base des revalorisations légales.
Quant à la fusion des compléments de ressources à l’AAH, dont l’entrée en vigueur n’est prévue qu’au mois de novembre 2019 – et non le 1er janvier comme vous l’indiquez –, l’examen des amendements déposés à l’article 83 nous permettra d’en débattre largement. Mais il faut, là aussi, être très clair : cette mesure ne fera aucun perdant, puisque nous avons veillé à préserver strictement les droits des bénéficiaires actuels. Je rappelle en outre que la fusion a été annoncée il y a plus de deux ans. Il ne s’agit donc absolument pas d’un tour de passe-passe. C’est une mesure de simplification, qui permettra notamment de supprimer la double évaluation demandée aux bénéficiaires et aux maisons départementales des personnes handicapées – les MDPH –, à savoir l’évaluation du taux d’incapacité permanente, qui doit être supérieur à 80 %, et celle du taux de capacité de travail, inférieur à 5 %.
Vous voyez donc, madame la députée, que le Gouvernement préserve totalement le pouvoir d’achat de ces personnes et qu’il respecte le handicap en tant que priorité du quinquennat.
Très bien ! Ce n’est pas ce que dit le CNDPH ! Et sauf à Mayotte ! La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Ma question portera sur la rémunération des structures d’assistance médico-technique à domicile. Ces structures permettent d’aider les patients qui nécessitent un traitement ayant recours à des appareillages à titre définitif destinés à leur permettre de quitter l’hôpital en leur apportant une assistance à domicile. Aussi peuvent-elles assurer, par la mise à disposition de ce matériel, le suivi de ces patients dans le cadre de dispositifs médicaux. Par leurs prestations, ces structures participent donc au maintien à domicile de ces personnes dépendantes de la machinerie médicale – pensons aux pompes à insuline, aux appareils de pression positive continue nécessaires en cas d’apnée du sommeil ou encore aux lits médicalisés. La plupart de ces prestations sont délivrées suite à des prescriptions médicales et font l’objet de remboursements par l’assurance maladie. Or, depuis une dizaine d’années, la stratégie de régulation des remboursements peut être qualifiée de stratégie prix/volume. Mais si elle permet en théorie une réduction des coûts, elle a mené à une progression du montant des remboursements effectués par l’assurance maladie, sans qu’une analyse qualitative démontre la bonne utilisation de ces ressources. En 2018, un changement de paradigme a bien eu lieu, puisque le montant des remboursements des prestations des structures d’assistance à domicile est devenu dégressif en fonction de l’observance du patient. Ce mécanisme vertueux a permis un meilleur suivi des patients, notamment ceux atteints du syndrome d’apnée du sommeil, et une meilleure observance de leur traitement. C’est donc une des clefs permettant de réduire les coûts pour l’assurance maladie.
Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la pérennisation et à l’extension de ce mécanisme qui prend en compte non pas seulement la quantité d’actes effectués, mais aussi et surtout leur qualité ?
La parole est à Mme la ministre. Madame la députée, les conditions de prise en charge des matériels médicaux à domicile, par exemple les machines utilisées en cas d’apnée du sommeil ou encore les matériels de perfusion, font l’objet de négociations entre les représentants des acteurs industriels concernés, à savoir les prestataires de services et les distributeurs de matériel d’une part, et le comité économique des produits de santé – CEPS – d’autre part. Dès lors qu’une dynamique importante est constatée sur les volumes, il est légitime de s’interroger sur sa pertinence et sur son impact pour l’assurance maladie. L’idée générale est simple : il faut payer le bon soin au bon coût. Or la dynamique observée sur le champ des dispositifs médicaux se situe chaque année entre 5 % et 6 %, plus de deux fois supérieure à celle de l’ONDAM. Si un développement des dispositifs médicaux a un sens au regard des enjeux du maintien à domicile que vous avez évoqués, cette croissance rapide justifie évidemment une attention particulière du CEPS et la mobilisation des outils pertinents.
Vous avez mentionné les accords prix/volume et les mécanismes récemment mis en place visant à faire respecter l’observance. Ce sont en effet deux outils importants, mais dont l’objet est très différent : l’observance est essentielle pour le patient et pour l’efficacité du dispositif, alors que la régulation prix/volume permet de faire profiter l’assurance maladie des économies d’échelle qui peuvent être dégagées lorsque les volumes sont importants. Loin de s’opposer, ils peuvent être complémentaires, comme le montre le cas de la ventilation en pression positive continue, dite « PPC ». Lors de cette négociation, les deux dispositifs ont été mis en place et un accord a pu être trouvé avec les prestataires, ce qui montre que les conditions financières étaient équilibrées. Il sera utile d’évaluer l’impact réel sur l’observance de cet accord. Il ne faut pas opposer pertinence et négociation tarifaire : toutes les approches ont un sens si elles sont adaptées à la situation. C’est pourquoi je demanderai au CEPS de rechercher, dans le cadre de solutions négociées avec les industriels et avec les prestataires, tout ce qui peut permettre à l’assurance maladie de continuer à financer les dispositifs médicaux en garantissant une dynamique soutenable des dépenses et une utilisation pertinente desdits dispositifs.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Ma question concerne la prise en charge des mineurs non accompagnés. Ils représentent comme vous le savez, madame la ministre, une charge très lourde pour les conseils départementaux, charge qui dépasse largement la compensation accordée par l’État puisque celle-ci ne couvre que 10 % du total – même s’il faut relever l’effort accompli par l’État pour l’accompagnement des départements. Les travaux que nous menons au sein du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur les mineurs isolés étrangers mettent en lumière le manque de coordination de tous les acteurs concernés par la prise en charge des mineurs non accompagnés. Il est très facile de poser une question à un ministère, mais il renvoie à un autre ministère, lequel renvoie à un troisième, et ainsi de suite. Ce manque de coordination ne permet pas de disposer d’une vision globale de la problématique des mineurs non accompagnés. Vous semblerait-il pertinent de créer une délégation interministérielle sur le sujet, afin d’avoir un interlocuteur à même d’apporter une réponse aux questions que nous nous posons ?
Autre sujet vraiment mis en évidence par toutes les auditions que nous menons au sein du groupe d’études : le décret très attendu sur le fameux fichier créé par la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, qui suscite beaucoup d’interrogations. Pouvez-vous nous préciser quand ce décret sera publié et quelle sera sa teneur ?
Très bien ! La parole est à Mme la ministre. Madame la députée, vous m’interrogez sur le manque de coordination des politiques publiques concernant les mineurs non accompagnés. Tout d’abord, sachez que le Gouvernement est pleinement conscient des difficultés que rencontrent les territoires, particulièrement les départements, du fait de la dynamique d’augmentation du nombre des mineurs non accompagnés. Leur présence accrue crée évidemment des tensions : d’une part entre les départements, en raison de leurs disparités, et d’autre part dans la mise en œuvre de la politique de protection de l’enfance, dont les départements sont des acteurs majeurs.
Le Premier ministre a donc conduit un travail interministériel très soutenu avec mon ministère, les ministères de la justice et de l’intérieur, ainsi qu’avec l’Assemblée des départements de France. L’action de l’État pour soutenir les départements porte principalement sur les axes suivants : la lutte contre les filières illégales d’immigration ; l’appui apporté aux conseils départementaux pour la mise à l’abri ainsi que pour l’évaluation des personnes se présentant comme mineures, à travers la création d’un fichier d’appui à l’évaluation de la minorité et une compensation plus juste des dépenses engagées sur la base d’un forfait par jeune évalué. L’objet du fichier est d’éviter une errance qui multiplie les coûts pour les départements et pour l’État. Par ailleurs, l’État soutient les départements en prenant en charge une partie de leurs dépenses supplémentaires au titre de l’aide sociale à l’enfance lorsque les personnes sont évaluées comme mineures et doivent donc être prises en charge dans le cadre du droit commun. Pour la deuxième année consécutive, un dispositif exceptionnel sera mis en œuvre.
J’appelle les crédits de la mission « Santé », inscrits à l’état B.
La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l’amendement no 1324.
Cet amendement n’étonnera pas l’hémicycle, puisqu’il s’agit de réclamer, comme nous le faisons depuis de nombreuses années, la suppression de 95 % de l’action 02 « Aide médicale d’État », en préservant les 5 % dédiés aux soins urgents. L’AME fait incontestablement partie des « pompes aspirantes » de l’immigration. C’est le fameux benchmarking dont parlait M. Collomb, alors ministre de l’intérieur, qui rend notre pays particulièrement attractif pour l’immigration clandestine. Ce budget est en augmentation d’année en année, et encore de 7 % en 2019 ! Pour rappel : le budget AME était en 2009 de 490 millions d’euros. C’est seulement 91 % d’augmentation en dix ans ! Et je crains, hélas, que la situation ne s’aggrave encore. On voit bien qu’il y a une volonté de laisser les robinets totalement ouverts : tout ce qui peut contribuer à l’immigration doit être accompagné par le Gouvernement. On opère la désindexation des retraites et des allocations familiales, ce qui est un véritable scandale compte tenu du niveau de l’inflation, mais pas, bien sûr, de l’aide aux demandeurs d’asile qui, elle, bénéficie d’une indexation.
Je rappelle qu’en 2017, dans son étude
Les Français et la santé , le cabinet Deloitte nous apprenait que 48 % de nos concitoyens ont renoncé à des soins. Je viens ici exprimer la priorité nationale, celle que nous devons au nom de la solidarité à nos compatriotes. À ce titre, je considère que ce quasi-milliard dépensé pour l’AME devrait évidemment être réaffecté pour permettre à nos compatriotes d’être correctement soignés. (Applaudissements parmi les députés non inscrits.) Quel est l’avis de la commission ? La commission n’a pas examiné cet amendement, sur lequel je vais cependant vous donner mon point de vue.
L’AME correspond à un besoin de santé publique. Or, je l’ai souligné dans mon rapport, cette politique est structurellement sous-budgétisée : elle le fut ainsi en 2017, si bien que l’État a contracté une dette vis-à-vis de l’assurance-maladie, et elle le sera probablement en 2018.
Comme vous, je pense qu’il existe un lien entre l’AME et la politique d’immigration de la France. Aussi, il faut qu’elle devienne maîtrisée, et il faut une organisation adaptée de la politique migratoire. L’AME n’est en effet qu’une conséquence de celle-ci. Agir sur l’AME, comme vous le souhaitez, sans agir sur la politique migratoire, n’a pas de sens ni d’intérêt : cela reviendrait à augmenter le coût des soins urgents, qui sont déjà en partie à la charge de l’assurance-maladie, la dotation forfaitaire de 40 millions d’euros au sein du programme 183 « Protection maladie » s’avérant insuffisante, puisque le coût de ces soins s’élève à 65 millions d’euros.
Nous ne pouvons nous exonérer de revoir cette politique migratoire et nous devons traiter différentes questions, qu’il s’agisse des plafonds d’immigration en fonction de nos capacités d’accueil ou de la question de la reconduite à la frontière des personnes en situation irrégulière.
Le groupe Les Républicains a inscrit au programme de travail du comité d’évaluation et de contrôle, pour la session 2018-2019, une enquête portant sur l’évaluation de la politique d’immigration de la France dans ses composantes économiques et sociales. Cette évaluation sera menée par nos collègues Stéphanie Do et Pierre-Henri Dumont.
La demande qui avait été formulée portait initialement sur quatre composantes – économique, sociale, financière et de sécurité –, mais le Président de l’Assemblée nationale avait, pour sa part, proposé une seule d’entre elles, la composante économique. J’ai moi-même demandé que soit ajoutée la composante sociale. Ce travail mettra en lumière le lien qui existe entre la politique migratoire et les variations du nombre de bénéficiaires de l’aide médicale de l’État : qu’il soit direct ou indirect, il est toujours important, puisque la politique migratoire influe plutôt sur le nombre de demandes d’asile ou de titres de séjour accordés. Cela permet à des étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire de bénéficier de l’AME.
Cette politique peut encourager – ou non – la venue sur le territoire français de personnes qui,
in fine, n’obtiendront pas de titre de séjour ni le statut de réfugié, mais resteront bien souvent sur le territoire de façon irrégulière et accroîtront le nombre de bénéficiaires de l’AME lorsqu’elles auront besoin d’une prise en charge de leurs soins de santé.
C’est pourquoi je vous propose d’attendre l’évaluation qui va être réalisée par le comité d’évaluation et de contrôle. Supprimer aujourd’hui les crédits alloués à l’AME de droit commun conduirait à augmenter les crédits consacrés aux soins urgents, qui sont déjà sous-budgétisés. Je vous invite donc à attendre cette évaluation : le rapport en question devrait être déposé en 2018. À titre personnel, je suis donc défavorable à votre amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame Le Pen, si vous aviez été présente lors de l’examen du PLFSS pour 2019, vous sauriez ce que nous faisons concernant l’accès aux soins des Français les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations parmi les députés non-inscrits.)
Ainsi, nous avons prévu une fusion de la CMU-C, la couverture maladie universelle complémentaire, et de l’ACS, l’aide au paiement d’une complémentaire santé. Cela va bénéficier à 3 millions de Français qui, aujourd’hui, n’accèdent que difficilement à une complémentaire santé.

D’autre part, nous avons voté le financement du reste à charge zéro, qui va permettre à l’ensemble des Français les plus modestes d’accéder à des lunettes ainsi qu’à des soins dentaires comme des bridges ou des couronnes, ainsi qu’à des audio-prothèses, et ce sans aucun reste à charge.
Ce n’est pas le sujet ! Voilà ce que nous faisons pour la santé des Français !
Par ailleurs, madame Le Pen, votre amendement est extrêmement dangereux : je ne connais pas une seule maladie qui, traitée tardivement, c’est-à-dire au moment où le malade va mourir, coûterait moins cher que si elle avait été traitée tôt.
Vous avez raison ! Votre amendement va donc exactement à l’inverse de ce que nous souhaitons faire : essayer de maîtriser la dépense de l’AME tout en assurant de bons soins aux patients. Si votre amendement était adopté, cela coûterait à l’évidence infiniment plus cher à la société et aux hôpitaux publics.
Enfin, s’agissant de toutes les pathologies infectieuses, madame Le Pen, cela voudrait dire qu’on laisse des gens potentiellement contagieux contaminer les autres dans l’espace public, parce que nous ne les traiterions pas au moyen d’antibiotiques.
Tout cela est absolument contraire à la bonne pratique médicale : le Gouvernement est donc évidemment défavorable à votre amendement.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Évidemment !
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour un rappel au règlement. Je fais ce rappel, monsieur le président, pour fait personnel.
Madame la ministre, vous avez mis en cause Mme Le Pen : j’aimerais vous rappeler que, lorsqu’on fait des pieds et des mains pour faire nommer son propre époux au Conseil d’État, on s’abstient de donner des leçons aux parlementaires !
(Applaudissements parmi les députés non-inscrits. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM. ) Monsieur Chenu, il ne s’agit pas d’un rappel au règlement.
La parole est à M. Joël Aviragnet. Nous venons de retrouver, avec ce bref échange, le fonds de commerce du Front national. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations parmi les députés non-inscrits.)
Mais passons.
Je remercie Mme la ministre pour ses propos et ajoute que le groupe Socialistes et apparentés soutient fermement le maintien de l’AME, parce que cette mesure est juste pour ses bénéficiaires.

En outre, elle protège le reste de la population, comme vous l’avez très bien dit, madame la ministre. Nous souhaitons d’ailleurs aller plus loin pour l’inclure dans le budget de la sécurité sociale.
Vous avez le sens du trou ! En effet, les bénéficiaires se trouvent dans des situations précaires, liées à leurs conditions de vie, si bien que, souvent, elles n’ont que tardivement accès aux soins.
Pourquoi la fusionner avec le budget de la sécurité sociale ? Il s’agit d’abord d’un souci de prévention, car les bénéficiaires de l’AME n’ont pas de médecin traitant, et n’ont donc pas accès aux politiques et aux programmes de prévention – par exemple le dépistage des cancers ou la vaccination. L’adoption de l’amendement no 1324 augmenterait en effet les risques de maladies chroniques, qui sont bien plus coûteuses pour la sécurité sociale. Inclure l’AME dans le système de sécurité sociale permettrait d’éviter les surcoûts liés aux soins différés et d’éviter qu’elle ne soit remise en cause, comme nous venons de le voir, d’une manière que je ne qualifierai pas.
Il vaudrait mieux pas, avec votre bilan ! La parole est à Mme Marine Le Pen. Madame la rapporteure spéciale, vous nous demandez d’attendre une énième enquête faite par une énième commission. Que va-t-elle nous apprendre ? Va-t-elle nous en apprendre plus que ce que vous saviez pertinemment lorsque vous étiez au pouvoir et que, précisément, vous n’avez strictement rien fait ?
Vous faites en outre partie d’une formation politique qui passe sa vie sur les plateaux de télévision ou à la radio pour expliquer qu’il faut en finir avec l’AME.
(Exclamations sur les bancs des groupes LR et LaREM.) Vous, les plateaux de télévision, ça ne vous réussit pas ! Et puis, c’est malheureux, mais quand nous sommes ici, vous considérez qu’il faut encore attendre pour prendre de bonnes dispositions. Attendre 2018 ? Pour notre part, nous ne voulons plus attendre, précisément parce qu’il y a urgence pour un Français sur deux qui renonce à des soins parce qu’il n’en a plus les moyens.
Madame la ministre, vous avez exprimé deux contre-vérités : c’est assez peu, en général, vous êtes capable de faire mieux que ça.
Vous êtes culottée ! Vous avez indiqué que mon amendement aurait des conséquences en matière de maladies contagieuses : c’est faux, puisque ces mêmes maladies sont assimilées à des soins urgents. Il s’agit donc d’une contre-vérité majeure.
En outre, vous avez à nouveau parlé du reste à charge zéro, expliquant que beaucoup de personnes allaient en profiter. Vous avez évidemment omis de dire qu’une augmentation spectaculaire du coût des mutuelles allait avoir lieu, dont, une fois encore, les retraités seront les premières victimes.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) C’est faux ! Et le PLFSS ? Les conneries, c’est sous perfusion ? Il semblerait que vous en vouliez particulièrement aux retraités : je ne sais pas ce qu’ils vous ont fait, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que vous ne les ratez jamais !
Quant à notre collègue communiste…
(« Socialiste ! » sur les bancs du groupe SOC.) Pardonnez-moi, mais c’est un peu la même chose. Quant à notre collègue socialiste, donc, je voudrais lui dire : monsieur, savez-vous pourquoi les Français pauvres se détournent de vous ? Parce que vous les avez oubliés ! Heureusement que vous êtes là ! Ils aimeraient que vous leur témoigniez autant d’empathie que vous en montrez, systématiquement, pour ceux qui sont présents sur notre territoire en violation de la loi de la République. Moi, cela m’honore.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour un rappel au règlement. Pour la bonne tenue de nos débats, j’invite nos collègues à éviter d’affirmer que la ministre ment et de colporter des propos diffamatoires à son égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Sur la base de quel article, ce rappel au règlement ? De tels comportements ne sont pas à la hauteur de notre institution. Vous êtes absents du débat depuis des semaines, et voilà que vous venez faire votre show ! Notre hémicycle n’est pas le lieu pour ce genre de choses. Je vous remercie de vous en tenir dorénavant au contenu des amendements que vous défendez. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. L’étranger est un sujet très sensible : je regrette qu’on l’utilise souvent à des fins qui ne me semblent pas glorieuses. Si, pour certains, l’homme passe après l’étranger, peut-être seront-ils plus accessibles aux arguments qui font entrer en ligne de compte les enjeux économiques et de santé publique liés à l’AME.
Nous regrettons tous la stratégie qui consiste à opposer systématiquement des hommes à d’autres hommes, des femmes à d’autres femmes, des retraités au reste de la population française, ou des étrangers aux habitants de notre pays dont la culture a pourtant toujours inclus cette valeur forte qu’est l’accueil.
(Protestations parmi les députés non-inscrits.) Ça, c’est plutôt vous ! Vous pouvez vous exclamer ! La plupart des groupes qui siègent ici, sauf certains députés non inscrits, déplorent cette stratégie.
Il me semble important de rappeler, sans grandiloquence, que notre devise est : « Liberté, égalité, fraternité. »
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) J’aimerais que la fraternité soit une valeur qui ne soit pas réservée à des choix que vous estimez justes, mais qu’elle vaille pour tout homme. (Mêmes mouvements.) Comme il s’agit du premier amendement sur ce sujet, je vais donner la parole à un député par groupe.
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Cela n’étonnera personne : nous ne voterons évidemment pas cet amendement. En effet, sur le principe, l’AME soigne des êtres humains, car, étrangers ou Français, ce sont bien des êtres humains, et tout le monde a droit à être soigné.
Je déplore que lorsque, au cours de l’examen du PLFSS , nous avons, sur nos bancs, bataillé pour demander l’augmentation des budgets, la fin des déserts médicaux et l’augmentation du nombre de soignants dans les établissements de santé, certains députés non inscrits n’aient pas été présents.
Donneurs de leçons ! Ils n’ont donc pas soutenu notre combat pour que tous les Français aient les moyens de se soigner.
Et puis nous en avons assez de ces leçons sur les étrangers qui coûteraient cher à notre pays ! Certains ont fui leur pays et ont risqué leur vie avec leurs enfants. Je ne vois pas pourquoi on ne sauverait pas les enfants comme les parents.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Hubert Wulfranc. Madame la ministre, vous connaissez notre opposition frontale à votre politique. Les députés communistes ne cesseront de dénoncer cette politique libérale qui plonge un nombre croissant de Français, dont les retraités et les travailleurs pauvres, dans de grandes difficultés.
Cependant, nous considérons que les propos qui ont été tenus dans notre hémicycle à l’encontre d’une disposition qui assure l’égalité républicaine et garantit la santé publique doivent conduire à un rejet massif de cet amendement.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.) Vous avez une conception particulière de l’égalité ! La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo. Notre groupe ne votera naturellement pas cet amendement, pour les raisons évoquées par chacun d’entre nous. Il faut rappeler les valeurs républicaines de la France, comme notre collègue Marie Tamarelle-Verhaeghe s’y est très bien employée.
Par ailleurs, madame Le Pen, en soignant ces personnes dans le cadre de l’AME, on agit aussi en faveur de la santé publique.
(Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LaREM.) La parole est à M. Fabien Di Filippo. S’il y a bien une leçon à retenir de ces dernières années, c’est que les bons sentiments ne tiennent pas lieu de politique pour résoudre les problèmes de notre pays, qui fait face à une vague migratoire sans précédent. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Veuillez écouter l’orateur, mes chers collègues ! L’augmentation de l’AME se chiffre à 53 millions d’euros ; aucun budget de l’État ne connaît un tel pourcentage d’accroissement. Et c’est sans compter Mayotte ! En effet, cher Mansour Kamardine !
Vous évoquez tout ce que vous avez fait pour la santé des Français, mais on se rend bien compte que ça ne suffit pas. Le problème aujourd’hui, pour beaucoup, est l’accès aux soins et la désertification médicale. Avec 53 millions d’euros, on pourrait faire énormément de choses pour nos concitoyens, notamment pour les plus âgés d’entre eux.
Je voudrais vous poser deux questions très concrètes, madame la ministre. Premièrement, vous dites que l’AME prend en charge des dépenses d’urgence. Si, comme c’était le cas à l’origine, elle ne permettait que de faire face à ce type de dépenses, par exemple dans le cadre d’épidémies, et ne répondait qu’à une préoccupation humanitaire, ce serait une bonne chose, mais comment expliquez-vous que, parmi les dépenses couvertes figure encore les frais d’examens prénuptiaux ? Est-il admissible que le contribuable français prenne en charge ce type d’actes, pour des gens en situation irrégulière, qui ont violé les lois de notre pays ? Ne peut-on pas revoir la liste des soins pris en charge par l’AME et la circonscrire à ceux présentant réellement un caractère d’urgence, afin, à tout le moins, de réduire son budget ?
Deuxièmement, comment nos compatriotes peuvent-ils comprendre que vous revalorisiez – de 1,6 %, si je ne me trompe – l’allocation pour les demandeurs d’asile et les migrants, alors que vous ne le faites pas pour les retraités et que vous déremboursez certains médicaments, notamment pour nos aînés – je pense par exemple à ceux qui sont prescrits contre la maladie d’Alzheimer ? Comment comprendre que vous augmentiez le budget de l’AME pour offrir une large palette de soins à des personnes présentes illégalement dans notre pays ? Ce sont de vraies questions.
Vous mélangez tout ! Nous souhaitons, pour notre part, que l’AME soit remplacée par une aide qui ne prenne en compte que les soins d’urgence. Aujourd’hui, elle participe à l’appel d’air qui conduit les migrants à venir principalement en France pour bénéficier des aides sociales. (Applaudissements parmi les députés non inscrits. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille. Bien évidemment, le groupe MODEM ne votera pas cet amendement. Nous regrettons cette initiative, comme le ton du débat. Nous déplorons que Les Républicains profitent de l’examen de ces amendements pour tenir ce genre de propos. Faisons abstraction des principes humanitaires et des questions de santé publique : vous nous dites que l’on soigne les étrangers aux dépens des Français. À cet égard, je rappelle que l’AME présente un coût de 893 millions, soit 0,5 % des 200 milliards de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie. Mais les Français, eux, paient des impôts ! Ce sont eux qui financent tout cela ! Ne dites pas que cette aide est apportée au détriment de la santé des Français ! Elle ne représente que 0,5 % des dépenses d’assurance maladie. (Exclamations parmi les députés non inscrits.) Tous les groupes qui le souhaitaient ont pu s’exprimer.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Madame Le Pen, vous avez évoqué une « énième » commission, alors qu’il s’agit du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, qui est une instance interne à l’Assemblée nationale.
D’autre part – et puisque vous m’avez désignée d’un geste de la main –, depuis mon entrée à l’Assemblée nationale, en 2012, je n’ai jamais changé de point de vue sur cette question.
Ce n’était pas très clair ! Sur le fond, l’AME nous pose effectivement un problème. Nous ne pouvons pas laisser son budget s’envoler de la sorte. Comme je l’ai dit, on doit déplorer une sous-budgétisation. Par ailleurs, nous ne pouvons pas déconnecter l’AME de la politique migratoire, car la première n’est qu’une conséquence de la seconde. C’est la raison pour laquelle il faut avoir une vision d’ensemble, puisque nous ne pouvons pas agir sur un seul levier. Les Républicains ont, en conséquence, demandé cette évaluation, qui sera bientôt rendue.
(L’amendement no 1324 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1323. Je voudrais dire, au préalable, que notre discussion est de nature politique ; il n’y a pas lieu de donner en permanence des leçons de morale. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) C’est vous qui le faites ! L’augmentation effrénée du budget de l’aide médicale d’État est tout simplement ahurissante. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Veuillez écouter l’oratrice, mes chers collègues ! Alors qu’il s’élevait à 75 millions d’euros en 2000, il n’a cessé de croître pour atteindre près de 935 millions d’euros en 2019, soit une multiplication par douze depuis sa création, pour la bonne et simple raison que le nombre de bénéficiaires augmente : ils sont désormais plus de 300 000, soit 100 000 de plus qu’il y a dix ans.
Bien sûr, il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause l’existence d’une aide aux personnes en état d’urgence vitale se trouvant sur notre sol, mais il faut bien reconnaître que ce budget n’est absolument pas maîtrisé. Notre collègue Claude Goasguen avait déjà souligné en 2015 que les dépenses réelles s’envolent littéralement par rapport aux dépenses budgétées, l’écart s’élevant à 32 % sur la période 2009-2015. Il en va de même cette année, madame la rapporteure spéciale, puisque cette ligne a une nouvelle fois été sous-évaluée ; il faudra abonder de 11,6 millions supplémentaires, comme le prévoit le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons lundi.
D’ailleurs, les professionnels de santé sont de plus en plus nombreux à dénoncer les abus. Et pour cause : en plus du trafic de cartes de l’AME, certains patients accèdent gratuitement à des traitements qu’on ne peut pas qualifier d’urgents. C’est un véritable appel d’air pour ces personnes – en situation irrégulière, je le rappelle – qui multiplient les rendez-vous médicaux, parfois en espérant être régularisées. L’AME – humanitaire, à l’origine – contribue donc aujourd’hui directement à l’augmentation de l’immigration irrégulière. D’ailleurs, l’absence de contrôle des dossiers est sidérante et montre bien l’indulgence coupable de l’État.
Veuillez conclure, ma chère collègue ! En 2018, seuls 10 % des dossiers ont été vérifiés par la Caisse nationale d’assurance maladie, alors que le Gouvernement s’était engagé à renforcer les contrôles. Merci, madame Ménard. Je crois donc qu’il est temps, non seulement de réduire les fonds alloués à l’AME, mais encore de contrôler beaucoup plus efficacement ce dispositif. (Applaudissements parmi les députés non inscrits.) Quel est l’avis de la commission ? Il est vrai que, depuis sa mise en place, le coût de l’AME a augmenté, comme cela a été dit, ainsi que le nombre de bénéficiaires. Comme je l’ai indiqué, ce coût était encore sous-budgétisé pour 2017 ; l’année dernière, en effet, l’État avait contracté une dette de 50 millions d’euros vis-à-vis de l’assurance maladie. Nous connaîtrons probablement la même situation en 2018. Cela étant, il n’est pas souhaitable de réduire les crédits alloués à cette politique publique, car cela ne conduirait, en l’état, qu’à aggraver la sous-budgétisation et à donner naissance à une dette de l’État vis-à-vis de l’assurance maladie. Il faut avoir une vision globale et agir sur la politique migratoire.
Pour répondre à votre question sur les contrôles relatifs à l’AME, il en existe aujourd’hui de quatre types : un premier contrôle à l’ouverture des droits ; un deuxième, aléatoire, sur 10 % des dossiers ; un troisième sur la consommation des soins des bénéficiaires de l’AME ; le dernier, sur signalement des CPAM. J’ai relevé, dans mon rapport, que seule cette dernière procédure faisait l’objet d’une remontée d’informations, ce qui n’est pas satisfaisant. La modification de la maquette de performance, en 2018, devrait permettre d’obtenir, à compter de la loi de règlement de 2018, des éléments supplémentaires, qui nous paraissent souhaitables. Il faut améliorer la transparence sur l’ensemble de ces données. C’est pourquoi j’ai demandé dans mon rapport qu’il nous soit remis des informations supplémentaires concernant cette mission, dans le cadre du prochain projet de loi de finances. En l’état, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. François Ruffin. Ce débat, madame Le Pen, illustre tout ce qui nous sépare. En effet ! Il illustre tout ce que nous ne voulons pas et tout ce contre quoi nous lutterons. Dès que vous en voyez la possibilité, vous vous engouffrez dans une brèche pour opposer les pauvres entre eux, pour dresser les Français qui se sentent délaissés contre les étrangers entrant en France, qui sont dans une situation encore plus misérable que la leur. Il faut toujours s’en prendre à de plus miséreux que soi. (Exclamations parmi les députés non inscrits.) L’AME constitue un appel d’air ! Ce n’est pas notre logique. Un coût de 893 millions (« 1 milliard ! »parmi les députés non inscrits) n’est rien par rapport au budget, au PIB de la France. Vous venez chercher chicane sur cela. Mais où étiez-vous, par exemple, la semaine dernière, alors qu’il fallait autrement se bagarrer sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui va discrètement passer à 40 milliards d’euros ? C’est bien plus décisif pour le budget de la Nation et le pouvoir d’achat des Français. Nous nous sommes trouvés un peu seuls, sur les bancs de la gauche, pour mener la bataille relative à l’impôt sur la fortune ! Vous n’étiez pas là ! (Exclamations parmi les députés non inscrits.) Si, nous étions là ! Veuillez écouter l’orateur, mes chers collègues ! Vous n’étiez pas là pour la mener avec l’engagement nécessaire. Ce qui nous séparera, c’est que nous ne mènerons pas de batailles opposant les pauvres entre eux. Nous aidons les pauvres et voulons qu’ils s’élèvent, qu’ils sachent d’où vient la merde qui leur tombe dessus.
En l’occurrence, dans le domaine de la santé, on peut évoquer les dividendes versés par Sanofi : 6 milliards d’euros sur une seule année, ce qui équivaut à dix fois le budget de l’aide médicale d’État ! Voilà ce qu’on pourrait gratter, redonner aux Français pour qu’ils vivent mieux et bénéficient d’une meilleure prise en charge de leurs dépenses de santé, sans qu’ils aient à chercher plus misérables qu’eux.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Pourrait-on cesser de rechercher sans arrêt qui était là pour voter quoi ? Quand on voit les bancs vides, ce matin, ce n’est pas un argument audible. Les Français qui nous regardent à la télévision doivent bien se moquer de nous. Pourrait-on cesser d’employer cet argument minable ?
Par ailleurs, je voudrais rappeler qu’un étranger en situation illégale…
Irrégulière ! Non, illégale. Un étranger en situation illégale, disais-je, qui bénéficie de l’AME coûte, en moyenne, près de 3 320 euros, contre 2 900 euros en moyenne pour un Français. On est donc en droit de douter que cette somme serve uniquement à prodiguer des soins d’urgence et à empêcher les épidémies. D’ailleurs, les médecins sont nombreux à dénoncer la logique de supermarché qui anime certains patients, entretenue, justement, par le principe de la gratuité et l’absence totale de contrôle. Je vous rappelle qu’il a fallu attendre 2011 pour que les bénéficiaires de l’AME n’aient plus accès à des cures thermales !
Pourrait-on arrêter de plaisanter avec ces chiffres et ces faits, qui sont incontestables ? Le coût de cette prestation est d’autant plus dérangeant qu’un Français sur trois – aujourd’hui, près d’un Français sur deux – admet avoir renoncé à des soins par manque de moyens, et qu’un Français sur dix vit dans un désert médical. On peine à comprendre la logique du Gouvernement, et les Français ne la comprennent plus. C’est pourtant une politique que vous assumez. Vous dites qu’on ne cesse d’opposer les Français aux étrangers…
C’est vrai ! …mais vous plafonnez à 0,3 % – on va vous le ressortir régulièrement, parce que les retraités et les familles doivent l’entendre – la revalorisation des pensions de retraite et des allocations familiales, alors que vous augmentez l’allocation pour demandeur d’asile de 1,6 %. Cherchez l’erreur ! (Applaudissements parmi les députés non inscrits.) Ça n’a rien à voir !
(L’amendement no 1323 n’est pas adopté.) La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 950 rectifié. Je voudrais évoquer une maladie dont on parle peu et qui, pourtant, concerne nombre de nos concitoyens : les troubles du muscle et du squelette – TMS. Cette maladie touche en particulier le monde ouvrier, dans l’agroalimentaire : le travail répétitif, dans le froid – lié aux exigences sanitaires du travail de la viande – et l’humidité conduit à des douleurs du coude, du poignet, des épaules et du dos.
On ne meurt pas des TMS – c’est peut-être pour cela qu’on n’en parle pas –, mais on en souffre et on en demeure cassé. J’en suis le témoin dans ma circonscription, où le taux de troubles musculo-squelettiques est quatre fois supérieur à la moyenne nationale, du fait des nombreux emplois dans l’agro-alimentaire.
Ce secteur n’est cependant pas le seul concerné, puisque les TMS touchent aussi les personnels travaillant dans les hôpitaux et les EHPAD, en particulier les aides-soignants et les agents hospitaliers, qui font un travail considérable, notamment pour lever leurs patients. Certains d’entre eux sont aussi cassés par ces troubles du muscle et du squelette, qui concernent aujourd’hui près de 80 % de l’ensemble des maladies professionnelles. Bien qu’ils soient en augmentation, on ne parle pas des TMS.
Je souhaite donc que l’on isole 15 millions d’euros pour ces pathologies. Il ne paraît pas illégitime d’extraire ces sommes de l’aide médicale d’État, qui représente 1 milliard, et de les allouer à celles et ceux qui travaillent dur et connaissent des difficultés liées aux troubles du muscle et du squelette.
Sans intenter de procès aux entreprises, dont les investissements permettent des avancées, investissons à notre tour. Le sujet des TMS reste considérable pour nombre de nos concitoyens, et il paraît nécessaire d’allouer 15 millions à ce bel enjeu, qui mérite toute notre attention.
Quel est l’avis de la commission ? La commission n’ayant pas examiné cet amendement, je ne pourrai que donner un avis à titre personnel.
La mission « Santé » comporte deux programmes – « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et « Protection maladie », qui traite de l’aide médicale de l’État, un crédit non pilotable et déjà sous-budgétisé, comme j’ai eu l’occasion de le faire remarquer.
Je regrette en effet que les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui ont connu une baisse de près de 40 % entre 2013 et 2017, continuent de diminuer. Nous devons combattre la baisse des crédits alloués à la prévention. Tout le monde, en effet, convient qu’elle est importante : encore faut-il dégager des moyens, élaborer et décliner une politique.
M. Le Fur a évoqué une situation très particulière, qui concerne la prévention des troubles musculo-squelettiques, pathologie probablement bien connue en Bretagne, en raison de la mécanisation des activités et, notamment, du travail à la chaîne. Pour éviter de telles situations, il faut prendre de nombreuses mesures de prévention, comme on l’a fait, en particulier, dans les abattoirs.
Cependant, je trouve gênant de transférer pour cela des crédits concernant l’aide médicale de l’État, qui sont sous-budgétisés, et je ne peux donc pas donner un avis favorable, même si le besoin de prévention est indéniable. Je ne pourrais y être favorable que si Mme la ministre lève le gage.
Juridiquement, cet amendement ne pourra pas donner lieu à une levée de gage. Cependant, le Gouvernement pourrait, s’il le souhaite, le sous-amender.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Je suis défavorable à votre amendement, monsieur Le Fur, bien que je sois très touchée par votre allusion à la souffrance de certains professionnels, notamment dans le milieu sanitaire et social où ces troubles constituent un réel problème.
Nous disposons de différents travaux visant à améliorer la santé des travailleurs, notamment le rapport sur la santé au travail de Mme Charlotte Lecocq, qui fait aujourd’hui l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux. Une note de cadrage nous sera transmise d’ici à la fin du mois, et des recommandations visant à améliorer tous les dispositifs de santé au travail seront publiées.
Par ailleurs, dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion – COG – de la branche accidents du travail maladies professionnelles – AT-MP –, nous avons voté une augmentation considérable des crédits consacrés à la prévention, qui passeraient de 50 à 100 millions d’euros. Voilà une mesure typique de ce que vous souhaitez, monsieur Le Fur : les actions que vous évoquez seront réalisées dans le cadre de la COG, alors que votre amendement n’utilisait pas le bon vecteur dans le PLF.
Enfin, dans le cadre de l’importante concertation que nous menons sur le grand âge, nous avons travaillé sur la qualité de vie des personnels qui travaillent notamment en EHPAD. Des propositions seront faites pour investir dans des outils permettant d’éviter que ces professionnels ne développent des troubles musculo-squelettiques. Toutes ces réflexions sont en cours. Les budgets sont là, au sein de la branche AT-MP.
Je suis donc défavorable à votre amendement, monsieur Le Fur, non pas parce que les TMS ne posent pas problème, mais parce que le vecteur choisi n’est pas le bon.
Madame la rapporteure spéciale, pour la clarté de nos débats, je vous demanderai de préciser votre avis, car il n’est pas possible d’émettre un avis favorable s’agissant de la recette et d’être défavorable au transfert de crédits. Tout en regrettant que la levée de gage ne soit pas possible, je donne un avis défavorable à l’amendement de M. Le Fur, car je ne veux pas accroître la sous-budgétisation du programme 183, qui traite notamment de l’aide médicale de l’État. La parole est à Mme Caroline Fiat. Si nous remercions M. Le Fur d’avoir parlé des soignants, qui souffrent particulièrement des troubles musculo-squelettiques, nous ne sommes évidemment pas d’accord avec le fait de transférer des crédits de l’AME, d’autant que certains moyens ont déjà été attribués.
Ainsi, la moitié des EHPAD disposent maintenant des fameux rails, qui empêchent les soignants de se faire mal en portant les patients. Généralement, ces rails ne sont pas utilisés, car le personnel, qui n’est pas assez nombreux, préfère aller plus vite, quitte à se faire mal.
Ce n’est pas l’ajout de 15 millions qui résoudra le problème effectivement important des TMS. C’est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement, même si nous soulignons qu’il est important de parler des TMS dans cet hémicycle.
La parole est à M. Marc Le Fur. Tout en remerciant les intervenants, je regrette, madame la ministre, que vous n’ayez évoqué que les questions sanitaires et sociales. Or, d’un point de vue statistique, les TMS dans le monde ouvrier représentent un sujet de fond, le plus important même, et on n’en parle plus, on l’oublie. Il ne faut pas s’étonner des réactions surprenantes des ouvriers, dans la mesure où ceux-ci sont victimes des nombreuses décisions que votre gouvernement a pu prendre, en particulier sur le transport – je n’y reviendrai pas –, et de l’oubli des TMS.
Je vois cependant, madame la ministre, que vous comptez revenir sur ce point, et je m’en réjouis. Lorsque l’on effectue des gestes répétitifs, dans le froid, en deux-huit ou en trois-huit, nécessairement, le risque potentiel de TMS est beaucoup plus grand. Il doit être pris en compte.
Certes, l’assurance maladie agit, mais l’État n’alloue aucun crédit pour lutter contre ces troubles. Il est paradoxal que ce qui constitue la plus grande maladie professionnelle soit complètement oublié, alors que l’on parle davantage du
burn-out , peut-être parce qu’il concerne des catégories un peu supérieures. En oubliant les TMS, on passe sous silence toute une catégorie de la société. Tout à fait ! La parole est à Mme la ministre. Dire que le Gouvernement ne s’intéresse pas au monde ouvrier serait réduire mes propos. En passant de 50 à 100 millions d’euros dans le cadre de la COG dédiée aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, nous doublons le budget alloué à la prévention. Je parlais d’une absence des budgets d’État ! La prévention des maladies relève d’une branche de la sécurité sociale, dont c’est le métier et la compétence. Ces crédits doivent donc figurer non pas dans le budget de l’État mais bien dans celui de la prévention des maladies professionnelles.
Par ailleurs, au sein de la branche, les budgets consacrés à la prévention que nous avons doublés s’adressent à tous les travailleurs, qu’ils relèvent du monde ouvrier, du monde agricole ou de la branche sanitaire et sociale. Mes propos ne ciblaient évidemment pas uniquement les personnels en EHPAD.
Si nous votions votre amendement, monsieur Le Fur, nous retirerions de l’argent au programme 183, ce qui poserait des difficultés, sans savoir comment utiliser cet argent, alors que la COG de la branche AT-MP donne beaucoup plus d’argent à la prévention. Faire de la prévention dans l’ensemble du monde ouvrier est le métier de cette caisse.
Je continue donc de penser que le levier choisi dans cet amendement n’est pas le bon.
(L’amendement no 950 rectifié n’est pas adopté.) La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l’amendement no 955. Les visites médicales constituent un dysfonctionnement majeur de notre système de santé. Actuellement, les professionnels du médicament reçoivent des visiteurs médicaux, sortes de commerciaux chargés officiellement d’informer les professionnels de santé pour leur vendre des médicaments et autres produits.
Le problème, vous le devinez, chers collègues, est que ces visiteurs médicaux sont d’autant plus partiaux qu’ils sont rémunérés en fonction de leurs résultats. Un rapport sénatorial parlait ainsi d’une « source d’information par nature biaisée ».
La revue indépendante
Prescrire a observé que 74 % des visiteurs médicaux passent sous silence les effets indésirables des produits de santé. Les contre-indications et interactions médicamenteuses ne sont évoquées que lorsque le médecin pose la question, c’est-à-dire dans seulement trois quarts des cas.
Vous imaginez les conséquences d’un tel système : surconsommation des médicaments et scandale sanitaire. L’Institut de veille sanitaire et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé observaient ainsi en 2016 que la France se situe parmi les pays les plus consommateurs d’Europe, juste derrière la Grèce.
En plus d’entraîner des dépenses colossales injustifiées, cela a un impact sanitaire déplorable, car certaines bactéries développent une résistance accrue.
Concernant les antidépresseurs, la propagande des industriels a particulièrement bien fonctionné. Dans son rapport de 2015, la caisse d’assurance maladie a observé qu’ils étaient trop souvent prescrits sans raison. Dans ces conditions, la publicité mensongère pour des médicaments nous est insupportable. Les organismes de régulation n’ont absolument pas les moyens de la contrôler efficacement. Les chartes mises en place n’ont apparemment pas l’effet escompté.
Nous proposons donc, conformément au dernier rapport de l’inspection générale des affaires sociales – IGAS – sur le sujet, de mettre fin au système des visiteurs médicaux et de constituer un organisme d’information indépendante sur le médicament. Pour cela, nous demandons le transfert de 10 millions d’euros de l’action 11 du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » vers un nouveau programme « Information pharmaceutique ».
Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement, que la commission n’a pas pu examiner, vise à créer un programme « Information médicale » doté de 10 millions d’euros. Il s’agit de supprimer les visiteurs médicaux et de créer un organisme d’information sur le médicament, qui bénéficierait de 10 millions d’euros, c’est-à-dire de transformer le métier actuel des visiteurs médicaux, qui s’apparente à celui d’un commercial, en un métier d’informateur, destiné à répondre aux questions qui pourraient être posées.
La publicité médicale auprès des professionnels et du grand public, je le rappelle, fait l’objet d’un encadrement juridique. Soumise à une autorisation préalable délivrée par l’ANSM, elle ne peut porter que sur certains médicaments, selon des modalités strictement définies. Il n’apparaît donc pas pertinent de supprimer la publicité autorisée pour les médicaments concernés.
De plus, cet amendement s’apparente à un amendement d’appel, puisqu’il rejoint une proposition similaire faite en commission, qui avait fait état du dépôt d’un « amendement d’espérance ». Il aurait davantage sa place dans un projet de loi en lien avec cette question, car il ne concerne pas exactement l’objet du programme « Protection maladie », notamment l’aide médicale de l’État. Agir en modifiant les crédits de ce programme pour suivre une telle orientation ne me paraît pas adapté.
Je l’ai dit, bien qu’un amendement similaire ait été déposé, la commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’émets un avis défavorable, tout en reconnaissant que cet amendement soulève une question tout à fait pertinente, qui méritera d’être traitée dans un autre cadre.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame Fiat, vous souhaitez, ce que je comprends, interdire la visite médicale, en raison des dérives potentielles auxquelles elle conduit. Vous avez raison, il faut être très attentif aux répercussions des visites médicales. La législation s’est considérablement renforcée dans ce domaine, par le vote de lois successives. Dans le cadre du PLFSS pour 2018, nous avons même prévu d’encadrer la visite médicale pour les dispositifs médicaux, ce qui n’existait pas jusqu’alors.
Transférer 10 millions d’euros d’un programme existant vers un nouveau programme consacré à l’information médicale, comme vous le proposez par le biais de votre amendement, madame Fiat, aurait pour effet de réduire les financements alloués à la prévention. Cela ne constitue pas une bonne façon de procéder. Nous ne sommes pas favorables à ce transfert financier. Nous sommes favorables au renforcement de la régulation de la visite médicale.
Lorsque je présidais la Haute Autorité de santé, j’étais chargée de faire rédiger une nouvelle mouture de la charte de la visite médicale destinée aux entreprises pharmaceutiques, lesquelles doivent être certifiées par rapport à cette charge. Nous avions alors considérablement renforcé les règles encadrant la visite médicale, notamment auprès des étudiants en médecine et au sein des services hospitaliers. Je suis favorable à une stratégie visant à renforcer l’encadrement de la visite médicale, mais défavorable à votre amendement.
La parole est à M. François Ruffin. Madame la rapporteure spéciale, vous avez parfaitement résumé l’esprit dont procède l’amendement : remplacer de la publicité par de l’information. C’est déjà le cas ! Cela suppose de remplacer des gens directement rémunérés par les laboratoires pharmaceutiques par des fonctionnaires, chargés d’indiquer les innovations réalisées dans le champ du médicament ainsi que les limites et les contre-indications, de la façon la plus objective et la plus neutre possible. Voilà ce à quoi les médecins n’ont pas accès à l’heure actuelle. C’est faux ! Je ne doute pas que les visiteurs médicaux soient très compétents et je ne conteste par leur expertise. Mais c’est l’industrie pharmaceutique qui les paie ! Au demeurant, ces personnels pourraient facilement se recycler dans la nouvelle profession que nous appelons de nos vœux.
Par ailleurs, notre amendement n’est pas sans rapport avec le budget. L’activité des visiteurs médicaux a des conséquences sur les prescriptions, lesquelles en ont à leur tour sur les remboursements de médicaments, donc sur le budget de la sécurité sociale. L’amendement a toute sa place dans l’examen d’une mission budgétaire.
Enfin, comme Marc Le Fur tout à l’heure et comme nous-mêmes en d’autres occasions, en matière d’affectation des crédits, nous sommes piégés. Avons-nous vraiment l’intention de diminuer le budget alloué à la prévention ? Absolument pas. Nous tenons à la prévention et souhaitons même en augmenter le budget bien davantage. Cependant, pour présenter des amendements d’appel, voire d’espérance, sur des thèmes auxquels nous croyons vraiment, nous sommes condamnés à prélever les sommes quelque part. Nous ne voulons aucunement réduire le budget de la prévention. La règle du jeu veut que nous procédions ainsi.
(Mme Caroline Fiat applaudit.) La parole est à Mme la ministre. Manifestement, monsieur Ruffin, vous ne connaissez pas bien la charte de la visite médicale, ce qui est tout à fait compréhensible. Les laboratoires pharmaceutiques n’ont pas le droit de faire de la publicité pour des médicaments auprès des médecins. Ils doivent s’en tenir à une information scientifique certifiée, sous le contrôle de la Haute Autorité de santé et des organismes de certification. Les règles en vigueur sont très strictes.
Par ailleurs, conformément aux préconisations d’un rapport d’associations de malades sur ce sujet, l’État s’apprête à ouvrir un site internet d’information en santé, qui permettra à tout citoyen de disposer d’informations publiques au sujet des médicaments.
(L’amendement no 955 n’est pas adopté.) La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 957. Que venons-nous demander ici ? La pleine transparence des études et des essais cliniques menés par les laboratoires pharmaceutiques, afin que leurs résultats soient publiés, affichés, et pas uniquement transmis aux autorités de santé. J’évoquerai deux scandales sanitaires récents.
La mise sur le marché d’une nouvelle formule du médicament Levothyrox, au mois de mars 2017, a rendu malades des centaines de milliers de femmes, qui ont souffert de migraines et perdu leurs cheveux, au point de se demander ce qui se passait dans leurs corps. Tout cela devrait constituer une alerte suffisante pour nous amener à nous demander ce qu’il s’est passé chez Merck pour qu’un tel produit soit mis sur le marché ! Quelles études ont été réalisées ? Quels symptômes sont apparus dans ce cadre ? Sur ce point, la transparence doit être complète.
Quant au scandale de la Dépakine, évoqué tout à l’heure à la tribune par Mme la rapporteure spéciale, l’entreprise Sanofi savait depuis des décennies que ce médicament comporte des risques de malformation et d’autisme chez l’enfant. En deçà de l’obligation juridique dont nous demandons l’instauration, il existe en l’espèce une obligation morale de transmettre toutes les données permettant aux autorités de santé ainsi qu’aux citoyens de faire des choix en toute conscience.
Pour l’essentiel, le pouvoir est du côté de l’industrie pharmaceutique, laquelle est à la fois juge et partie. En effet, elle a tout intérêt à transmettre aux autorités de santé des données démontrant que les médicaments sont plutôt bénéfiques. Il faut tirer les conclusions de ces crises.
Quel est l’avis de la commission ? Votre amendement, monsieur Ruffin, vise à créer un programme « Transparence recherche » doté de 10 millions d’euros. Sans méconnaître votre inquiétude, je rappelle que nous avons débattu de ce sujet en commission des finances. Les essais thérapeutiques et cliniques sont d’ores et déjà très encadrés par le dispositif juridique en vigueur, qu’a mis en place la loi Huriet-Sérusclat adoptée en 1988.
Dans ce cadre, l’Agence nationale de sécurité du médicament – ANSM – contrôle de très près plusieurs caractéristiques, telles que le lieu de réalisation des tests et leurs modalités, avant d’émettre une autorisation de mise sur le marché si elle estime que le rapport bénéfice/risque du produit est satisfaisant.
En outre, elle poursuit sa mission de surveillance à l’issue de cette première étape et peut décider à tout moment le retrait d’un produit du marché.
La procédure en vigueur a démontré son efficacité et sa pertinence. Il ne semble pas nécessaire de créer un nouveau programme budgétaire pour la renforcer et financer des missions similaires à celles que l’ANSM exerce déjà.
Par ailleurs, votre amendement prévoit de diminuer de 10 millions d’euros les crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Certes, en matière d’affectation des crédits, nous sommes toujours gênés, voire piégés, pour reprendre un terme que vous avez utilisé. Toutefois, le programme 204 a déjà subi une diminution relativement importante de ses crédits – que je regrette – de l’ordre de 40 % de 2013 à 2017. La commission a rejeté l’amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ? En matière de sécurité des essais cliniques, la loi française est probablement l’une des plus rigoureuses au monde. Mise en place par la loi Huriet-Sérsusclat relative à la protection des personnes dans la recherche biomédicale, elle a été renforcée à l’occasion des crises sanitaires que nous avons connues.
Elle est très rigoureuse. Son respect est assuré par la mission confiée à l’ANSM, laquelle a précisément pour objet de vérifier la sincérité des données, la façon dont les recherches sont menées et les éventuels effets indésirables des produits.
Les effets secondaires que vous avez évoqués sont susceptibles de se produire dans la vie d’un médicament. Ils font l’objet de ce que l’on appelle la « recherche en vie réelle », que l’État financera en s’appuyant notamment sur les bases de données de l’assurance maladie.
En effet, il arrive que la durée consacrée aux essais cliniques soit trop courte et que l’on découvre des effets secondaires très rares susceptibles de survenir très longtemps après la mise sur le marché des médicaments.
Il est donc nécessaire que les pouvoirs publics investissent dans la recherche. Nous le faisons dans le cadre de la recherche en vie réelle. Au demeurant, la France est très bien placée pour ce faire.
Les actions que vous proposez d’entreprendre le sont déjà intégralement par l’ANSM. Les règles encadrant la recherche clinique sont communes à tous les pays industrialisés. Les essais cliniques sont systématiquement publiés sur un site internet commun, ce qui permet à tout citoyen de savoir comment est effectuée la recherche médicale et selon quels critères. En aucun cas un organisme complémentaire n’est nécessaire. L’avis du Gouvernement est défavorable.
La parole est à M. François Ruffin. Madame la ministre, je prends la parole dans cet hémicycle sans nourrir la prétention de tout savoir sur le système de santé, dont je ne suis pas professionnel. En effet ! Toutefois, une crise de l’ordre de celle du Levothyrox devrait, me semble-t-il, faire l’objet d’une analyse dont nous pourrions tirer des conclusions afin de procéder aux améliorations nécessaires. On ne peut pas se contenter de dire « C’est bon, ça roule ! ». Certaines transformations pourraient s’avérer utiles aux futures victimes d’autres changements de formules et d’autres médicaments qui seront mis sur le marché.
Madame la ministre, êtes-vous certaine que les études menées par Sanofi sur la Dépakine pendant des décennies ont bel et bien été transmises aux autorités de santé ? En avez-vous la garantie ? En êtes-vous sûre et certaine ? Une condamnation de Sanofi est-elle possible – et au regard de quelles obligations – pour ne pas avoir rendu publiques certaines études sur la Dépakine ? C’est bien de cela qu’il s’agit ici.
On nous répond que tout cela est d’ores et déjà prévu par la loi. Peut-être celle-ci comporte-t-elle des règles. Je constate toutefois le fossé qui sépare les textes de la réalité. Au sujet des visiteurs médicaux, vous m’avez répondu que l’interdiction d’adresser de la publicité aux médecins en matière de médicaments existe déjà. Or, d’après un sondage réalisé par la revue
Prescrire , 72 % des médecins affirment qu’on ne les informe pas au sujet des contre-indications des médicaments. C’est à tout le moins du mensonge par omission !
Un fossé sépare la loi et la réalité. En matière de transparence, je ne suis pas du tout convaincu que Sanofi ait transmis tous les essais cliniques de la Dépakine aux autorités de santé.
(Mme Caroline Fiat applaudit.)
(L’amendement no 957 n’est pas adopté.) La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 960. Il procède du même esprit que le précédent. Je partirai à nouveau de la crise du Levothyrox. Ce qui frappe d’abord, c’est la mise sur le marché d’une nouvelle formule du médicament qui a provoqué des troubles physiologiques massifs. Il faut noter ensuite le rejet de la parole des victimes, qui ont émis l’hypothèse que la perte de leurs cheveux pouvait être causée par ce médicament. On leur a répondu qu’il s’agissait d’un effet nocebo et qu’un peu de pédagogie s’imposait, car elles n’auraient pas tout compris !
Ce qui devrait être – à nos yeux – au cœur du dispositif de santé et d’une démocratie sanitaire se trouve relégué à la périphérie, marginalisé et même ostracisé par la négation de la parole des victimes. C’est donc par la voie judiciaire qu’une reconnaissance des effets de la nouvelle formule du Levothyrox a eu lieu. Dans un premier temps, on a dit aux victimes : « Vous vous trompez, vous exagérez ; il s’agit d’un effet nocebo ; tout va rentrer dans l’ordre » – je tiens à la disposition de chacun les citations exactes.
Notre amendement vise à donner à l’usager des médicaments une place centrale, en instaurant une véritable transparence sur les choix de l’industrie pharmaceutique. Il faut permettre aux usagers d’accéder à toutes les données disponibles, y compris la composition des médicaments.
Dans le cas du Levothyrox, on a opposé aux plaignants la loi sur le secret des affaires. Un véritable programme de transparence est nécessaire afin de donner des billes aux usagers et de leur permettre de se guider eux-mêmes sur le terrain de la santé.
Quel est l’avis de la commission ? L’amendement procède du même esprit que le précédent. Monsieur Ruffin, vous proposez la création d’un programme intitulé « Transparence santé » doté de 10 millions d’euros. En présentant cet amendement d’appel, vous avez abordé plusieurs sujets.
Je vous répondrai sur le cœur de l’amendement que constitue la question de la transparence en matière de politique de santé, laquelle – je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point – est absolument nécessaire, indispensable et de droit. Tous les Français doivent en bénéficier.
Des efforts ont été réalisés à cette fin. Depuis 2017, la base de données publique Transparence santé rend accessibles toutes les informations déclarées par les entreprises pharmaceutiques, ainsi que les relations d’intérêt qu’elles entretiennent avec les acteurs du secteur de la santé. Mme la ministre y faisait allusion tout à l’heure.
Certes, le fonctionnement de cette plateforme de recensement des informations pourrait être amélioré – tout est toujours perfectible ! Toutefois, je ne pense pas qu’un programme budgétaire spécifique soit nécessaire à la mise en œuvre d’actions poursuivant l’objectif de transparence en la matière, sans nier pour autant qu’il soit utile de réfléchir à des améliorations.
Par ailleurs, il ne me semble pas judicieux d’ouvrir aux associations un accès à l’ensemble des données du système : la transparence doit s’articuler avec la protection des données personnelles.
La commission des finances a rejeté cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur le député, je suggère le retrait. Sinon, j’émettrai un avis défavorable. Mais je voudrais vous expliquer les raisons de cet avis.
Je comprends votre inquiétude sur les méthodes de l’industrie et votre demande de transparence des essais. Mais la loi votée après l’affaire du Mediator a imposé aux industriels de déclarer tous les dons faits aux professionnels de santé. Ces informations sont disponibles sur le site www.transparence.sante.gouv.fr, accessible à tous.
En outre, le site dpi.sante.gouv.fr permet à chacun de consulter les déclarations d’intérêt des acteurs concernés. Un professionnel de santé qui se rendrait coupable de fausse déclaration est passible d’une amende de 35 000 euros, et de sanctions pénales. Les règles sont donc très strictes.
Par ailleurs, le ministère a ouvert un site, sante.fr, qui permettra de faire la transparence sur tous les effets secondaires.
Enfin, monsieur Ruffin, vous mélangez deux questions qui n’ont rien à voir : le problème du Levothyrox d’un côté, celui des essais cliniques et de la transparence de l’autre. Le premier vient d’un changement de formule : or, s’ils ne changent qu’un adjuvant, les industriels ne sont pas tenus de refaire la totalité des essais cliniques, ce qui coûterait extrêmement cher et aurait notamment pour conséquence de nous empêcher de disposer de médicaments génériques à bas coût. Seule une étude de bio-équivalence est demandée, ce qui n’est pas du tout la même chose qu’un essai clinique à très large échelle. Il en va ainsi dans tous les pays industrialisés, dont le nôtre.
La parole est à M. François Ruffin. Il faut peut-être alors tirer des conclusions de cette affaire et modifier les règles en cas de modification d’adjuvant ! Les conséquences ne sont pas nulles pour des centaines de milliers de personnes. Je ne suis pas spécialiste, je le redis, je ne peux pas dire exactement ce qui ne va pas même si j’ai parfois de petites idées. Mais il y a bien quelque chose qui ne va pas !
Cet amendement va au-delà de la question des liens et des conflits d’intérêts. Il demande notamment une transparence sur le prix : comment un médicament peut-il être vendu 29 000 euros alors que son prix de revient ne dépasse pas 100 euros ?
(L’amendement no 960 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l’amendement no 1035.

Mme Caroline Fiat