XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Séance du mercredi 05 décembre 2018

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur la fiscalité écologique et ses conséquences sur le pouvoir d’achat, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
Le débat qui va s’ouvrir intervient à un moment particulier dont nous mesurons tous la gravité. Il a été demandé par tous les groupes politiques de notre assemblée. C’est l’occasion, dans notre cadre institutionnel, d’échanger avec le Gouvernement. La conférence des présidents a fait en sorte que le débat donne l’occasion à toutes les sensibilités de s’exprimer pleinement.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Il sera suivi d’un vote… Ça ne servira à rien ! …qui permettra à tous les députés, représentants de la nation, de prendre position. Notre séance doit se dérouler dans les meilleures conditions possible ; j’en appelle donc à la responsabilité de chacun. Écoutons-nous, respectons-nous, pour que notre débat soit à la hauteur de la dignité que notre pays est en droit d’attendre de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
La parole est à M. le Premier ministre.
(Les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent. – Exclamations sur de nombreux bancs.) Ils applaudissent avant d’entendre… Écoutez d’abord ! Baissez les taxes ! Ça commence mal… Le 17 novembre dernier, près de 300 000 Français manifestaient en France pour crier leur colère. Depuis, ils sont restés nombreux à des ronds-points, des péages autoroutiers, près de zones commerciales et dans les rues à exprimer leur colère. Cette colère s’est exprimée sous une forme inédite et ce débat est l’occasion pour la représentation nationale de la regarder en face, de l’interroger, de la comprendre et surtout d’y répondre. Je souhaite que personne ne l’attise, mais chacun prendra ses responsabilités. L’essentiel, c’est que la représentation nationale et la démocratie reprennent leurs droits. Car la démocratie représentative, n’en doutons pas, est elle aussi, dans une certaine mesure, contestée par cette colère et il nous appartient, je crois, en dépit de nos désaccords, de la défendre et de la respecter.
Je l’ai dit hier : cette colère vient de loin. Souvent, elle s’est transmise de génération en génération depuis les deux chocs pétroliers. Longtemps, elle est restée muette, réprimée par pudeur ou par fierté ; longtemps, elle s’est bornée à se manifester politiquement par l’abstention ou par des coups de semonce. Aujourd’hui, elle éclate. Cette colère est celle de la France qui travaille et qui se désespère de ne pouvoir subvenir à des besoins aussi essentiels que se loger, se nourrir, se déplacer, se chauffer, se vêtir,…
Vivre ! …en somme vivre, sans avoir recours à des crédits et parfois à des aides, de ne pouvoir se soigner qu’au prix de choix impossibles. Cette réalité, personne dans cet hémicycle ne la découvre…, Sauf vous ! …et certainement pas moi, à moins de penser que tous ceux qui se sont engagés dans l’action publique et politique locale depuis près de vingt ans y seraient insensibles. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Durant ces derniers jours, j’ai beaucoup consulté : des partenaires sociaux, des organisations non gouvernementales, des élus locaux et leurs associations, des parlementaires – que je veux remercier de leurs contributions –, les responsables de tous les partis et groupes politiques représentés au Parlement. Je salue ceux qui, sur ces bancs, ont recherché la voie de l’apaisement. De ces consultations, j’ai tiré une conviction : si l’État doit rester fort et ferme, il est d’abord garant de la paix publique. Fixer le cap et le tenir est une nécessité pour gouverner la France, mais comme j’ai eu l’occasion de le dire hier, aucune taxe ne mérite de mettre en danger l’unité de la nation.
(Mêmes mouvements.)
C’est pourquoi nous avons pris, avec le Président de la République, la décision de suspendre pour six mois l’application des mesures fiscales qui concernent les tarifs des carburants et les prix de l’énergie.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Vous l’avez prise sous pression ! Laissez tomber les six mois ! Vous insultez les gens. La suspendre non pour endormir ou pour tromper, mais pour débattre : en débattre avec les représentants syndicaux, avec vous, les élus, et bien sûr avec les citoyens, afin d’identifier les mesures d’accompagnement les plus justes et les plus efficaces. Je le dis ici : si nous ne trouvons pas les bonnes solutions, alors nous abandonnerons cette taxe. Et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne proposera pas au Parlement (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM) de rétablir ces dispositions fiscales dans le projet de loi de finances. Si – et seulement si – un accord intervient, nous les inscrirons dans le projet de loi de finances rectificative prévue de longue date pour le printemps. Ces décisions ont donc pour but de ramener la sérénité dans le pays. Et le temps des cerises ! La colère peut parfois rassembler, mais elle ne permet pas souvent de trouver des solutions. Et à un moment donné, elle devient cette avalanche dont parle Sénèque, « qui se brise sur ce qu’elle brise ». Le temps est venu d’engager un vrai dialogue avec tous ceux qui le souhaitent sur les préoccupations de ces dernières semaines. Nous devons, à mon sens, avancer ensemble sur trois sujets.
Tout d’abord, le rythme de la transition écologique demeure un impératif. Nous devons améliorer la qualité de l’air de nos villes, nous adapter au changement climatique et même prendre des mesures pour le prévenir. On ne peut pas s’en émouvoir au lendemain de catastrophes puis remettre les vraies solutions à plus tard. Nous devons nous libérer du pétrole, mais pas contre les Français qui, dans leur grande majorité, partagent ces combats mais ne peuvent pas, du jour au lendemain, sans aide, changer leur mode de vie.
On vous l’avait dit ! Le Gouvernement a fait des propositions, mettant des dispositifs et des moyens sur la table. Peut-être ceux-ci sont-ils trop techniques ou insuffisants ; le mieux reste d’en parler avec les Français, qui sont les mieux placés pour savoir de quoi ils ont besoin, avec les professionnels, qui peuvent aider à rendre ces mesures plus simples et plus efficaces, enfin avec les élus, en particulier les maires, qui connaissent leurs administrés et leur territoire. Nous y sommes prêts.
Deuxième préoccupation : les trajets entre le domicile et le lieu de travail. J’ai demandé aux deux ministres compétents de réunir les partenaires sociaux et les élus locaux pour réfléchir à une meilleure prise en charge des transports, notamment dans les zones rurales. Dès vendredi, une première réunion d’échanges aura lieu avec les partenaires sociaux, et les discussions avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment les élus, vont s’enchaîner. On ne réglera pas un problème aussi ancien en quelques jours, mais d’ici six mois, nous devrons avoir proposé des solutions concrètes aux Français.
Enfin, on l’a vu, les Français veulent que les impôts baissent et souhaitent savoir à quoi ils servent. La France est l’un des pays les plus fiscalisés du monde, mais aussi l’un des plus endettés, ce qui défie toute logique. C’est également l’un des pays où les services publics et les prestations sociales sont parmi les plus importants et les plus généreux. C’est notre modèle social, que personne ici n’entend fondamentalement remettre en cause, mais qui a perdu beaucoup de sa viabilité. Nous dépensons toujours plus, mais jamais le sentiment d’abandon n’a été aussi grand. Beaucoup d’impôts, mais une dette écrasante ; des dépenses publiques qui explosent, mais un service public perçu comme en dégradation.
C’est vous qui le dégradez ! Mesdames et messieurs les députés, il y a quelque chose qui ne va pas. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Alors voulons-nous moins d’impôts ? Voici une question qui pourrait faire l’unanimité sur ces bancs, (« Non ! » sur de nombreux bancs du groupe GDR.) et c’est assez rare. Vous augmentez les taxes ! Rétablissez l’ISF ! Maintenant, voulons-nous moins d’impôts et moins de dépenses publiques ? La réponse est déjà plus complexe, surtout lorsqu’il s’agit de décider de quelles dépenses il s’agit. Moins d’impôts pour les pauvres ! Nous devons ouvrir ce large débat sur les impôts et les dépenses publiques, qui pourrait prendre la forme d’états généraux, comme le réclament bon nombre de manifestants – cette appellation ne me gêne pas. Ce débat doit permettre de ramener un peu de sérénité et de vérité dans la manière d’aborder un sujet hautement passionnel en France. Mais il ne doit pas se traduire par la création de nouvelles taxes ni par une augmentation des déficits. Nous ne voulons pas léguer à nos enfants une dette incontrôlable et grever ainsi leur futur pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Vous n’allez quand même pas continuer à augmenter les prélèvements ! C’est ma seule exigence et c’est le courage que nous devons avoir : celui de la cohérence. La dette a augmenté de 40 milliards ! Ce débat doit aussi nous permettre, je l’ai dit, de poser la question des services publics. Il ne s’agit pas tant de savoir combien on dépense en plus que de comprendre comment on fait bien, et peut-être comment on fait mieux, avec un niveau de dépense publique déjà élevé. Je voudrais enfin que ce débat soit l’occasion de mesurer la chance que représentent nos services publics. Tout n’est pas parfait, loin de là, mais il suffit de regarder ailleurs pour se rendre compte qu’en France, nous bénéficions de soins et de services – je pense à nos écoles et à notre personnel de santé – de très grande qualité. (Mêmes mouvements.) Nos écoles ? C’est faux ! C’est l’héritage du passé ! Dans d’autres pays industrialisés, ces services coûtent très cher et ne bénéficient pas à tous, ce qui n’est heureusement pas le cas en France – même si, encore une fois, nous avons tous conscience de la nécessité d’améliorer nos dispositifs. Oui, nous payons des impôts et des taxes en France, mais en contrepartie, nous bénéficions d’un niveau de services publics qu’on trouve rarement ailleurs. C’est aussi un héritage ! L’heure est donc venue d’ouvrir ce débat. Un débat qui doit être de qualité et dont j’assume qu’il sera foisonnant : national et local, institutionnel et informel. Un débat qui doit aussi avoir lieu au plus près des Français, dans tous les territoires. Chaque personne qui veut y participer doit pouvoir le faire, avec la certitude d’être entendue. Et puisqu’il est difficile – je l’ai vu – de dégager des représentants de ce mouvement, réfléchissons à des formules innovantes qui ne résumeront pas l’organisation des discussions, mais qui permettront à chacun d’y prendre part et à tous d’être certains que personne n’en est exclu.
Dans le climat de défiance où nous sommes collectivement, il est important de garantir la sincérité de ce dialogue avec les Français. C’est pourquoi l’organisation du débat sera confiée à l’actuelle présidente de la commission nationale du débat public. Et je proposerai qu’un comité des garants réunisse des personnalités d’horizon divers…
C’est une usine à gaz ! …et supervise son bon déroulement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.) Monsieur Cordier… Il nous faut enfin prendre en compte les revendications liées au pouvoir d’achat. Travaillons sur ce qu’on appelle les dépenses contraintes, c’est-à-dire celles qui grèvent au quotidien le budget des ménages et pour lesquelles les Français ont l’impression de ne pas avoir le choix : je pense aux frais bancaires, aux assurances et aux mutuelles, à l’entretien des voitures.
Aidons également les entreprises à mieux récompenser le travail. Des propositions ont encore été formulées récemment, notamment par le président du conseil régional des Hauts-de-France, pour que les entreprises qui le souhaitent puissent verser une prime exceptionnelle à leurs salariés et que, dans ce contexte, cette prime soit défiscalisée. J’y suis ouvert et je mettrai cette proposition à l’agenda des discussions avec les partenaires sociaux.
De la colère qui s’exprime, j’ai tiré une seconde conviction. Les manifestants aiment leur pays. Ils aiment leur ville, leur village, leur région, leur façon de vivre et, pour la plupart, ils aiment leur travail, pour ce qu’il permet de s’offrir, mais aussi pour ce qu’il représente. Ils veulent que les impôts baissent et que ce travail paie mieux : moi aussi et, en vérité, nous aussi. Je n’ai aucun problème à reconnaître que, sur telle ou telle question, il est et il aurait été possible de faire différemment ; que, s’il existe un tel niveau de colère, qui encore une fois vient de loin, c’est que nous avons beaucoup de choses à améliorer encore.
En revanche, je suis persuadé, aujourd’hui autant qu’hier, que le cap que nous avons fixé en mai 2017 était le bon.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Ce cap c’est d’abord celui du travail. Du travail ! Le cap, c’est le mur ! Dans toutes les décisions que nous avons prises, nous n’avons eu de cesse de mieux rémunérer le travail pour redonner du pouvoir d’achat aux actifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.) Et à l’actionnariat ! Les faits sont têtus : en janvier puis en octobre, des millions des salariés ont bénéficié d’une hausse de leur salaire net. 15 euros pour un SMIC ! C’est un événement qui, sauf erreur de ma part, n’est pas arrivé tous les jours durant ces dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Cette hausse, elle provient de la baisse des cotisations sociales que nous avons décidée et que vous avez votée, et ces salariés pourront gagner encore plus grâce à la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires qui interviendra dans le courant de l’année 2019. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR et FI.)
Autre fait incontestable : dès le mois de janvier 2019, le SMIC augmentera de 1,8 % en un an, grâce à l’action conjuguée de l’indexation, de la baisse des cotisations sociales et de la prime d’activité, la hausse sera de l’ordre de 3 % par rapport à janvier 2018.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Ridicule ! La hausse de la prime d’activité que nous avons décidée pour avril 2019 amplifiera encore cet effet. Qui va la payer ? Enfin, le projet de loi PACTE permettra de libérer la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié, autant de dispositifs qui visent à mieux partager les profits de l’entreprise avec les salariés.
Ce cap, c’est ensuite celui d’une baisse maîtrisée de la dépense publique pour diminuer les impôts. Depuis mai 2017, les déficits se réduisent dans ce pays. Nous sommes également parvenus à maîtriser l’augmentation de la dépense publique de l’État.
Je rappelle que cette majorité, après des efforts anciens et continus,…
Merci ! …a voté un budget de la sécurité sociale en équilibre, ce qui, là encore, n’est pas si fréquent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Depuis le mois d’octobre, des millions de contribuables ont bénéficié d’une baisse de 30 % de leur taxe d’habitation
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) , une taxe que tout le monde considère comme profondément injuste, que tout le monde dénonçait depuis des années et que nous sommes en train de supprimer. Personne ne l’a demandé ! Un mot également de la baisse de la fiscalité sur le capital,… Elle a beaucoup baissé ! …de la flat tax et du remplacement de l’ISF par l’IFI. Ces choix, forts, ont été annoncés lors de la campagne présidentielle et portés lors de la campagne législative. Rien n’a été caché ! Nous continuons de taxer la fortune immobilière… Et les 4 milliards de l’ISF ? …et cet impôt rapporte plus d’un milliard d’euros, mais nous ne taxons plus l’argent qui sert à financer les entreprises en France parce que nous préférons que cet argent soit investi chez nous plutôt qu’ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Et l’évasion fiscale ? Résultat : pour la première fois depuis dix ans, les entreprises recréent des emplois industriels en France, et la France est le pays qui, en 2017, a accueilli le plus d’investissements industriels étrangers en Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Comme le Parlement l’a souhaité, un comité composé d’experts…
Des experts ! Toujours des experts ! …et de personnalités qualifiées, dont des parlementaires, effectuera le bilan de cette réforme. Nous ne craignons pas ce débat : il est nécessaire, il aura lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Ce cap, c’est également celui de la cohésion de nos territoires qui n’ont pas tous les mêmes atouts et qui ne font pas tous face aux mêmes difficultés. Je pense évidemment aux outre-mer, où le mouvement des gilets jaunes a pris une dimension particulière. La Réunion vient d’être paralysée pendant quinze jours par plusieurs dizaines de barrages et par des affrontements parfois violents. Annick Girardin s’est rendue sur place pour renouer le dialogue et apporter des réponses immédiates…
De mauvaises réponses ! …afin de lutter contre les inégalités et la pauvreté qui gangrènent depuis longtemps ce territoire. Je l’en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La situation doit s’améliorer, et nous y œuvrerons.
Au-delà des outre-mer, partout en France nous voulons concevoir et mettre en œuvre des solutions « sur mesure » qui, certes, ne sont pas toujours spectaculaires mais qui sont à la fois très concrètes et très durables : le déploiement de la police de sécurité du quotidien, le raccordement au haut débit, avec 2 800 pylônes qui, depuis janvier 2018, ont reçu les équipements nécessaires pour la 4G, la suppression du numerus clausus et l’installation, depuis mai 2017, de 1 500 jeunes médecins dans des zones dites fragiles
,…(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Combien sont partis à la retraite ? …le remboursement de la téléconsultation sur tout le territoire et pour tous les patients depuis septembre 2018. Ce cap, c’est aussi la future loi d’orientation sur les mobilités qui va offrir de nouvelles solutions très concrètes pour se déplacer, y compris là où les infrastructures manquent… Ne changez rien ! …et c’est la réorientation de nos investissements des TGV vers les trains du quotidien, ceux que des millions de Français empruntent chaque jour pour aller à leur travail.
Ce cap, c’est enfin celui de l’émancipation et des solidarités réelles. C’est le sens du plan de lutte contre la pauvreté. C’est le sens de la création des 30 000 places en crèche pendant le quinquennat, pour que les parents puissent travailler ou chercher un travail plus sereinement.
Tout va très bien, madame la marquise ! C’est la mise en place du tiers payant pour le complément du mode de garde au 1er janvier 2019 qui permettra aux parents de ne plus avancer les frais de garde. Ce sont les petits-déjeuners dans les zones du réseau d’éducation prioritaire renforcée – REP+ – et les repas à un euro dans les cantines des petites communes rurales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Notre ambition est de bâtir un grand service public de l’insertion en assurant à tous les bénéficiaires de minima sociaux un accompagnement systématique et individualisé vers l’emploi.
Ce qui est évidemment faux ! La solidarité réelle, c’est aussi le sens du plan de transformation du système de santé et de l’hôpital. Tout va bien ! C’est le sens de la réforme de l’apprentissage, de la formation professionnelle, de l’investissement massif dans les compétences. C’est le sens de Parcoursup. C’est la sélection à l’Université ! C’est le sens – et j’insiste sur cette très belle réforme – du dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) C’est le sens du dispositif « devoirs faits » au collège. C’est le sens de la future scolarisation obligatoire dès l’âge de trois ans. Autant de mesures dont nous sommes fiers, mesdames et messieurs les députés,… C’est très lié à la transition écologique ! …autant de transformations que nous avons conduites, là où certains les évoquaient durant les élections avant, parfois, de les enterrer.
Nous poursuivrons la transformation de notre pays, nous renforcerons notre État providence et nous rétablirons la transparence et l’équité dans notre système de retraite qui en a besoin, parce que tel est le mandat que des millions de Français nous ont confié il y a dix-huit mois et parce que nous sommes convaincus que ces transformations sont la seule façon de renouer avec la croissance, la prospérité et la justice sociale.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Avant que le débat ne s’engage, je voudrais parler des violences dont nous avons été témoins. Mes premiers mots seront d’abord pour nos forces de l’ordre, policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers.
(Mmes et MM. les députés des groupes LaREM, LR, MODEM, UDI-Agir et SOC ainsi que plusieurs députés du groupe GDR se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Heureusement qu’on les a ! Ces hommes et ces femmes ont été les victimes d’un incroyable déchaînement de violence dont le but était bien souvent de blesser, voire de tuer.
Je voudrais leur témoigner, au nom de la Nation, ma plus profonde reconnaissance et leur dire mon admiration face à leur sang-froid et à leur professionnalisme. Quand on s’attaque à un de ces hommes ou à une de ces femmes, on ne s’attaque pas qu’à eux, on s’attaque à un symbole, on s’attaque à une des colonnes vertébrales de la République.
Le problème, c’est le pouvoir d’achat ! Permettez-moi de leur témoigner, en notre nom à tous, notre plus parfaite solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, MODEM, SOC et UDI-Agir ainsi que sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.)
Je voudrais également redire ici mon dégoût en découvrant les images du saccage de l’Arc de Triomphe.
Il fallait le protéger ! Cette honte, ce dégoût, des millions de Français attachés à notre histoire les ont ressentis, y compris ceux qui manifestaient pacifiquement ce jour-là. L’enquête se poursuit pour en déterminer les auteurs. C’est Castaner le responsable ! Je suis certain qu’ils seront punis avec la plus grande sévérité. Je veux également assurer du soutien du Gouvernement tous les élus de la Nation qui ont été menacés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Depuis le début des contestations nous n’avons jamais cherché à interdire ni à empêcher les rassemblements ou les actions. Durant la semaine, sur le terrain, il arrive que les manifestants entretiennent un dialogue régulier et souvent apaisé avec les forces de sécurité. Cela étant, les événements de samedi dernier doivent nous conduire à faire preuve de la plus grande prudence et de la plus grande détermination.
C’est pourquoi le ministre de l’intérieur a invité celles et ceux qui envisageaient de se rendre à Paris samedi prochain pour manifester à ne pas le faire, non pour taire leurs revendications mais pour ne pas se retrouver piégés par ceux qui, nous le savons, s’organisent déjà pour semer le désordre et le chaos.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Pour y faire face, l’ensemble des forces de police et de gendarmerie disponibles sur tout le territoire sera, une fois de plus, mobilisé, à Paris et dans toute la France. Nous interpellerons et traduirons en justice toute personne qui sera prise en flagrant délit de violences ou de dégradations.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Aux factieux, aux casseurs, je veux dire que nous leur ferons face et que nous serons intraitables. (Mêmes mouvements.) Je peux entendre la colère, mais je ne peux pas accepter la violence et je combattrai toujours la haine. (Mêmes mouvements.)
J’ai entendu l’appel très responsable d’un certain nombre de maires qui invitent nos concitoyens au calme.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) Ils ont raison. Il n’y a plus de maires ! Ce qui est en jeu, c’est la sécurité des Français et de nos institutions. Tous les acteurs du débat public, responsables politiques, responsables syndicaux, éditorialistes et citoyens, seront comptables de leurs déclarations dans les jours qui viennent. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.) Vous aussi ! Oui, je lance ici un appel à la responsabilité. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.) Chers collègues, seul le Premier ministre a la parole. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, tout le génie de notre République consiste, pour paraphraser Anatole France,… Anatole France avait une autre hauteur de vue… …à juguler « l’aveugle jeu des forces contraires » – non pour les atténuer, les affadir ou les endormir, et encore moins pour les tromper, mais pour en tirer la force d’améliorer le sort commun. Tel a été notre objectif en choisissant l’apaisement et les mesures qui le traduisent,… Quelles mesures ? …en choisissant le dialogue nécessaire et en proposant aussi ce débat décentralisé, transparent et ouvert. Les Français vous haïssent ! Nous faisons le choix de la raison. Le simple fait que ce choix soit considéré comme risqué devrait nous interroger sur la situation de notre démocratie. Tel est le sens de ce débat et du vote qui, comme le Gouvernement l’a souhaité, le conclura, car je ne connais pas de meilleure expression démocratique que celle-là.
Vive la République, Vive la France.
(Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM et quelques députés du groupe UDI-Agir se lèvent et applaudissent longuement. – Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.) Debout l’orchestre ! La parole est à M. Gilles Le Gendre. Au nom du groupe La République en marche, je tiens à dire que chacun aujourd’hui, dans cet hémicycle et jusque dans les profondeurs de nos territoires, a conscience que nous vivons un moment critique. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.) Il n’est pas critique pour le Président de la République, ni pour le Gouvernement ou pour la majorité, solidement unis derrière le chef de l’État. (Rires et protestations sur les bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI.) , mais pour notre pays et pour son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Il est critique, surtout, pour notre démocratie, à la fois épuisée par quarante ans de crise non résolue (Vives protestations sur les bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI)… Ça suffit avec ça ! Lamentable !
et paralysée par l’anxiété légitime de nos concitoyens face à un monde dont nous tous, responsables de leur destin, sommes encore incapables… Incapables, c’est le mot ! …de transformer les grandes mutations en un projet collectif rassurant. (Mêmes mouvements.)
Ce moment critique, les Français ne comprendraient pas que nous n’en saisissions pas tout le sens ni que nous ne nous mettions pas immédiatement à leur service pour aider à sa résolution, sans nous abîmer dans les querelles politiciennes qui contribuent à notre discrédit collectif et alimentent leur colère.
C’est vous qui l’alimentez ! La fatigue de la démocratie, c’est ici, et non dans la rue, qu’elle doit trouver ses remèdes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI.) Vous êtes sourds ! Le renouveau démocratique de notre pays, sans cesse repoussé, c’est ici, et non dans les manifestations, qu’il doit puiser ses ferments.
Monsieur le Premier ministre, comme vous l’avez rappelé, le pays est confronté depuis plusieurs semaines à l’expression d’une colère qui vient de loin.
Vous ne nous écoutez pas ! Qui peut croire un seul instant qu’elle vise exclusivement notre majorité et la politique que nous conduisons depuis dix-huit mois ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Nous ne nous déroberons jamais à nos responsabilités. Les Français nous ont confié la double mission de réparer le pays pour faire reculer leur colère et de préparer son avenir pour calmer leur anxiété.
Vous faites le contraire ! C’est une tâche immense, comme nous le savions dès le premier jour, et qui nous oblige aujourd’hui à assumer un passif trop longtemps refoulé, mais aussi une mission exaltante de transformation, telle qu’aucun pouvoir n’en avait conduite depuis plus de trente ans et à laquelle rien, absolument rien, ne nous fera renoncer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) On voit le résultat ! Cette colère est celle de la France des territoires qui se sentent oubliés, de cette France invisible décrite par Pierre Rosanvallon. Elle est celle d’une France qui, depuis plusieurs décennies, n’est ni montrée, ni nommée, ni valorisée, celle d’une France qui se sent aujourd’hui dénigrée, reléguée, oubliée. (Protestations sur les bancs des groupes LR et SOC.) Cette colère est celle d’une France méritante, courageuse et volontaire, qui travaille et pour laquelle chaque euro compte.
Cette France-là, mes chers collègues, nous ne la découvrons pas. Personne ici, sur l’ensemble de ces bancs, ne peut feindre de la découvrir.
(Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.) Il y a plus de vingt ans déjà, était dénoncée la « fracture sociale » qui menaçait de gangrener notre pays. Depuis, nombre d’entre vous, ici présents, et d’autres, toujours engagés en politique, ont gouverné à plusieurs reprises, membres de majorités de droite ou de gauche, avec un dévouement que personne n’est fondé à mettre en doute.
Mais aujourd’hui, et c’est un fait qui doit tous nous inviter à la modestie,…
Surtout vous ! …la fracture sociale n’a toujours pas été résorbée. Elle s’est même aggravée et doublée d’une fracture territoriale. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)
Cette France, notre majorité parlementaire la connaît bien et beaucoup d’entre nous en sont même issus.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.) Nous ne sommes pas, pour l’essentiel, des professionnels de la politique. La colère des Français, nous l’avons non seulement entendue et écoutée mais, pour beaucoup d’entre nous, nous la ressentions,… Arrêtez ! Vous excitez les Français ! …comme simples citoyens ou dans nos vies professionnelles d’employés, d’infirmières, de travailleurs sociaux, d’enseignants, de militants associatifs, d’agents publics, de médecins, d’artisans ou de cadres, d’entrepreneurs. (Protestations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.) C’est pareil pour Les Républicains ! Il n’y a pas que vous ! Notre mouvement politique est même né de cette colère, et non pas, à l’inverse de certains, pour l’exploiter ou pour en faire grossir notre capital électoral. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Si nous nous sommes engagés en politique, c’est d’abord pour en identifier les origines, puis pour y apporter des solutions. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Oui, des solutions. Lesquelles ? C’est ce qui a manqué à notre pays depuis quarante ans, et qui explique aujourd’hui l’exaspération de nos concitoyens. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Les Français sont lassés des petites défaites et des grandes lâchetés qui ont conduit au déclassement – le déclassement du pays sur la scène internationale et le déclassement individuel d’un nombre croissant de ses habitants. (Mêmes mouvements.)
Le déclassement se résume à une équation très simple : toujours plus d’impôts,…
C’est vous ! …de dépenses publiques et de déficit pour toujours plus de chômage et des services publics dont la qualité et l’accès sont de plus en plus inégalitaires, avec, au bout du compte, une triple dette financière, sociale et écologique qui obère notre avenir et celui de notre descendance. De cela, les Français n’ont plus voulu en 2017 et ne veulent plus aujourd’hui. Ils ne veulent plus de vous non plus ! Ils ne veulent plus être les laissés-pour-compte du monde qui vient. Nous les avons entendus et, depuis dix-huit mois, nous répondons à leur demande. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.) La transformation de notre pays est engagée et, comme vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, elle doit être poursuivie sans relâche et avec une détermination sans faille. Encore une fois, réparer les erreurs du passé et nous préparer au monde qui advient, c’est ce qui fait à la fois la noblesse et la difficulté de notre tâche. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Il nous faut réussir ce passage, cette révolution scientifique, numérique et écologique, en saisissant toutes les occasions du changement, mais en protégeant aussi nos concitoyens contre tous les risques qu’il comporte.
Mais nous devons dire la vérité aux Français, et c’est d’ailleurs ce que nous avons toujours fait. Cette transformation prendra du temps pour produire des résultats – du moins, tous les résultats attendus. Du temps aussi, comme nous en avons la preuve aujourd’hui, pour inverser le cercle de la défiance, enkysté au cœur de notre peuple, pour en faire un cercle vertueux de la confiance qui lui fera changer de regard sur son avenir.
(Exclamations sur les bancs des groupes LR et SOC.)
On nous dit parfois que nous réformons trop vite, trop fort et trop profond.
Mal ! Nous entendons ce reproche et nous devons y répondre – j’y reviendrai –, mais les Français, trop souvent floués par les promesses non tenues, sont impatients. Ils ont raison de l’être. Les solutions, c’est ici et maintenant. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Des premiers signes apparaissent. Les investissements de nos entreprises ont augmenté de plus de 4 % en 2017.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Le financement de nos PME et de nos start-ups a cru de 60 % au premier semestre 2018, ce qui est la plus forte accélération jamais enregistrée. (Mêmes mouvements.) Les revoilà : vive les start-up ! Arrêtez, avec les start-ups ! L’emploi industriel redémarre, ce qui ne s’était pas vu depuis plus de seize ans. Tout va bien ! C’est merveilleux ! Le taux d’emploi n’a jamais été aussi élevé et les embauches en CDI croissent quatre fois plus vite qu’en CDD. C’est faux ! Tout va bien ! Quel est le taux de chômage ? Je souhaite donc m’adresser aux « gilets jaunes » (« Ah ! » sur de nombreux bancs LR, GDR et FI.) et, au-delà, à l’ensemble des Français, en leur disant ceci : Nous comprenons votre colère et elle ne nous est pas étrangère, mais voulez-vous compromettre par le désordre et la violence le redressement du pays et son attractivité économique, conditions impérieuses de l’amélioration de votre situation personnelle ? (Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.) Je suis sûr que ce n’est pas le cas. C’est pourquoi, au nom du groupe que j’ai l’honneur de présider, depuis cet hémicycle qui est le lieu de la représentation nationale, je vous invite à accepter la main tendue par le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.) Il ne sera plus là dans quinze jours ! La méthode proposée par le Gouvernement est la bonne et je veux vous en remercier, monsieur le Premier ministre. Elle fait écho à l’implication dont font preuve les parlementaires de la majorité, inlassablement, sur le terrain, au contact des populations, avant cette crise et, plus encore, depuis qu’elle a éclaté, pour que la situation se dénoue positivement.
Il s’agit, en premier lieu, de la suspension des mesures contestées. Notre groupe approuve sans réserves le moratoire sur la fiscalité des produits énergétiques et le contrôle technique.
Il s’agit, en second lieu, d’une concertation, sincère, large et ambitieuse, débouchant sur des mesures adaptées aux réalités territoriales, réajustées et, au besoin, repensées, avec un objectif qui ne peut se résumer au seul volet écologique, mais qui doit embrasser tous les aspects de la justice sociale, fiscale et territoriale et de la solidarité nationale. Notre groupe y sera particulièrement attentif.
Aux Français, nous disons : « Parlons, discutons, négocions au plus près de la réalité de notre vie quotidienne, de nos villes et de nos villages ». J’en ai l’intime conviction : nous pouvons, nous devons être collectivement les acteurs des avancées et des progrès de notre pays !
(Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Aux gilets jaunes, je dis également : levez les blocages, condamnez toute forme de violence, refusez toute forme de complaisance avec la violence. Les manifestations sont légitimes, les violences trahissent votre cause, et ne font que retarder les solutions qui permettront de réparer et préparer le pays.
C’est très convaincant ! Les Français souhaitent que nous leur apportions des réponses concrètes mais, dans leur écrasante majorité, ils veulent aussi le retour au calme. Ils ne souhaitent revivre ni les violences, ni les scènes de chaos qui se sont déroulées en plein cœur de Paris et en province, jusqu’à profaner nos symboles les plus chers.
Des morts, trop de blessés ! Et certains d’entre nous, élus du peuple, menacés ou agressés…
Qui sème la misère… …à qui j’adresse une nouvelle fois un salut amical. Cela doit cesser !
Disons-le sans ambages : ceux qui sèment la violence portent atteinte à la démocratie, insultent nos compatriotes, et méritent les sanctions les plus lourdes !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Oh là là ! Mes chers collègues, au-delà de nos divergences politiques légitimes, est-il possible que se lève aujourd’hui, depuis cet hémicycle, un appel unanime au respect de l’ordre républicain dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Ça, on l’a toujours dit ! À l’évidence, il est attendu par nos concitoyens. Et nous le devons, sans l’ombre d’une réserve, à nos forces de l’ordre… Sans réserve ! …dont le professionnalisme, le sang-froid, le dévouement et la résistance à l’épuisement méritent ici un vibrant hommage et notre reconnaissance. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Depuis que les Français nous ont confié la mission de transformer le pays, nous sommes animés de la même certitude : il ne peut y avoir une France qui gagne s’il y en a une autre qui perd.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Les collègues du groupe La République en marche qui s’exprimeront au cours de ce débat déclineront les réformes que nous conduisons pour que le pays crée plus de richesses, préalable indispensable à leur redistribution… Et les salaires ? …pour que davantage de pouvoir d’achat et de justice sociale… Et l’ISF ? …soient rendus aux Français, pour une meilleure prise en compte de la transition écologique et énergétique, pour une insertion plus poussée et une plus grande vitalité de nos territoires, pour un meilleur fonctionnement de nos institutions et de l’ordre républicain, pour une action publique capable de répondre aux besoins concrets de nos concitoyens.
Ces réformes doivent être poursuivies car elles apporteront les solutions aux problèmes qui attisent l’impatience ou la colère des Français. Elles construisent ce projet d’émancipation, au cœur de l’engagement du Président de la République devant la nation, pour que chaque individu puisse choisir sa vie ; pour que la société donne à chaque individu les moyens de réaliser son destin ; pour que chaque individu ait sa chance.
(Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)
Que chaque individu ait sa chance : au fond, les gilets jaunes et les Français sensibles à leur action nous demandent-ils autre chose ?
Ça sonne creux ! Notre projet d’émancipation restaure une réelle égalité des chances à l’école avec la scolarisation des enfants dès trois ans… On l’a déjà entendu… …et le dédoublement des classes au primaire dans les réseaux d’éducation renforcée. Nous avons toléré trop longtemps ces cohortes de dizaines de milliers de jeunes qui sortaient du système scolaire sans aucune qualification !
Notre projet d’émancipation fait en sorte que le travail paye, avec une baisse massive des charges et l’augmentation de la participation et de l’intéressement. L’augmentation du SMIC réclamée dans les manifestations, nous l’avons décidée : un treizième mois net.
Notre projet d’émancipation permet à chacun de rebondir professionnellement et, au besoin, de réorienter sa carrière, avec la loi sur la formation professionnelle et la réforme, en discussion, de l’assurance chômage. Nous avons toléré trop longtemps que les budgets de formation bénéficient prioritairement aux cadres déjà les mieux formés et non aux salariés peu ou pas qualifiés.
Notre projet d’émancipation crée les conditions d’un accès plus égal aux principaux services publics. Avec le plan santé, qui réinvestit plus de 400 millions dans les hôpitaux de proximité, qui supprime le reste à charge pour les soins auditifs, dentaires et les lunettes. Ou avec le projet de loi Mobilités, qui propose de réinvestir 13 milliards dans le réseau ferroviaire de proximité durant le quinquennat.
Mes chers collègues, ces derniers jours, nous avons entendu les commentateurs ou nos opposants nous reprocher, hier d’être entêtés, aujourd’hui de reculer. Le vieux logiciel politique, manichéen à l’envi, n’a pas encore rendu l’âme !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) C’est la faute des journalistes ? Quelle arrogance, monsieur Le Gendre ! À cette interpellation, il nous faut néanmoins apporter une réponse sincère. (Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs.) Comme toutes les crises, celle que nous traversons doit nous faire grandir, Gouvernement, majorité parlementaire et opposition.
Je l’ai dit et je le répète : rien ne nous fera renoncer à notre ardeur transformatrice. Non par entêtement, mais tout simplement parce qu’elle est la condition indispensable de la résolution des problèmes qui rendent infernale la vie de trop nombreux de nos concitoyens.
Mais les événements nous ont rappelé ce que nous savions déjà, et que, dans le feu de l’action, nous avions pu oublier. Il ne suffit pas de transformer notre pays pour les Français, ce que nous faisons plutôt bien… (
Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI. – Plusieurs députés du groupe GDR se lèvent et applaudissent ironiquement.) Excellemment ! …mais il faut aussi transformer le pays avec les Français. Vous les prenez pour des imbéciles ! C’est contre eux que vous le faites ! Ce que nous, Marcheurs, avions identifié lors des campagnes électorales, les Français nous le disent à nouveau avec force, exaspération et même violence : « Vous ne ferez pas sans nous ! » Ils veulent désormais partager la décision. Ils veulent la comprendre. Ils veulent la coconstruire, en adaptant les solutions aux réalités auxquelles ils sont confrontés.
Cette volonté, fidèle à l’époque, nous la connaissons dans la relation de l’entreprise avec son client, de l’employeur avec son salarié. En dépit de travaux universitaires nombreux autour du concept de démocratie participative, toutes les tentatives politiques dans ce registre ont avorté.
Ségolène, reviens ! Monsieur le Premier ministre, notre groupe parlementaire est convaincu de votre sincérité et de l’authenticité de la démarche de concertation que vous engagez avec les Français. Nous plaidons, je le répète, pour que la dimension de justice y prenne une part aussi importante que le volet écologique, les deux, comme vous l’avez bien dit, se recoupant largement, sans se confondre néanmoins.
Nous souhaitons aussi que cette concertation ne soit pas uniquement une démarche, comme notre pays en a connu de si nombreuses, pour sortir d’une crise politique ou sociale. Nous pensons que nous tenons là une occasion d’inaugurer une nouvelle manière de construire les politiques publiques, en y associant les citoyens, en étant le pilote, innovant, fécond et, le cas échéant, reproductible, de pratiques différentes pour gouverner la France et les Français. À la veille d’une réforme institutionnelle importante pour notre pays
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR) , le changement qui s’engage ici dans les conditions de l’exercice de la responsabilité publique devra être pris en compte.
Mes chers collègues, il me revient cette phrase de Jaurès que nous avons honoré il y a quelques semaines dans l’hémicycle…
(Protestations sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Pas vous, pas ça ! Il était assis sur nos bancs, Jaurès ! …« C’est à nous de fatiguer les doutes du peuple par la persévérance de notre dévouement. »
Soyez-en assuré, monsieur le Premier ministre, les députés de La République en marche prendront toute leur part à la consultation que vous avez engagée. Nous voulons fatiguer le doute du peuple par la persévérance de notre dévouement. Vous pouvez compter sur le soutien sans réserve de notre groupe et le vote des députés de La République en marche.
(Les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent). Debout l’orchestre ! Mes chers collègues, il va vous falloir vous armer de patience : il y a 24 orateurs inscrits…
La parole est à M. Christian Jacob.
En mai 2017, les Français ont élu un jeune président. Ce président devait moderniser le pays à marche forcée. Il nous disait qu’il avait compris ce qui était bon pour le peuple français. Dix-huit mois plus tard, le voilà pétrifié, dos au mur, confronté à une immense colère des Français.
Vous avez, monsieur le Premier ministre, avec votre gouvernement, une part de responsabilité. Mais le vrai responsable est à l’Elysée. C’est lui qui, le moment venu, devra rendre des comptes aux Français. Ce président soi-disant vertical, toujours prompt à parler, toujours prompt à donner des leçons, a saisi que sa légitimité démocratique est gravement entachée. Il vous envoie donc au front pour vous faire jouer le rôle de fusible institutionnel.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Vous voilà donc contraint, à la tête d’un gouvernement en perdition, d’une majorité KO debout…
(Rires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Seul M. Jacob a la parole ! Mes chers collègues, lorsque l’on est dans la majorité, et que l’on est obligé de vociférer pour se faire entendre, cela sent le début de la fin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Vous voilà, monsieur le Premier ministre, obligé d’accepter un débat à l’Assemblée nationale. Comme cela a dû vous être pénible !
Personne ne vous entend ! Mais ce débat a un mérite : celui de vous rappeler qu’il existe une représentation nationale dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Eh oui ! Il existe une Assemblée nationale, avec des députés qui, chacun, de part et d’autre de l’hémicycle, porte une part de la souveraineté nationale. Elle est là ! Une Assemblée nationale que vous avez, avec le président de la République, cherché méthodiquement à marginaliser depuis 18 mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur les bancs du groupe SOC.) Il n’en a rien à faire ! Songez, mes chers collègues, que ce président qui court le monde n’a jamais pris une minute de son temps pour recevoir les présidents des groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat. ll n’a – je l’ai bien compris – sans doute pas de temps à perdre avec des élus du peuple qu’il juge médiocres et inutiles, avec une Assemblée qui ne travaille pas assez vite et dont il veut réduire le nombre des membres. Pas plus d’ailleurs qu’il n’avait le temps d’assister au congrès des maires de France… Bravo ! …ou, hier encore, de recevoir les présidents des grandes associations d’élus territoriaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Il nous veut tous à sa botte, inféodés, le doigt sur la couture du pantalon.
Puisse cette crise, enfin, lui ouvrir les yeux, vous ouvrir les yeux, monsieur le Premier ministre, sur le danger majeur d’une révision de la Constitution qui renforcerait les pouvoirs personnels d’un président dont nous jugeons, avec les Français, que sa politique et son comportement sont dangereux.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
C’est justement de cette mauvaise politique que nous allons parler au cours de ce débat. Une politique en définitive à l’image de M. Macron et du macronisme. Le macronisme, c’est une jactance.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) On parle beaucoup pour ne rien dire, personne ne comprend jamais rien – et c’est d’ailleurs bien souvent le but recherché.
Vous conviendrez que cela donne des motifs légitimes de colère, des motifs d’explosion sociale. Oui, monsieur le Premier ministre, derrière une communication qui a pu faire illusion, vous n’avez engagé en réalité aucune vraie réforme. Vous avez laissé filer les déficits et la dette ;…
C’est vous le responsable de la dette ! …vous avez renoncé à vous attaquer à la dépense publique ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Tout l’effort repose sur les Français, les Français modestes, les classes moyennes qui n’en peuvent plus, qui endurent votre stratégie de matraquage fiscal : matraquage fiscal des retraités qui ont subi le choc de la hausse de la CSG, qui vont subir le choc de la non-indexation des pensions à laquelle nous vous demandons de renoncer.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Rendez la CSG aux retraités ! Matraquage des classes moyennes et des familles, qui constatent au quotidien que tout augmente. Ils ont subi vos coups de rabot sur les allocations familiales et sur les APL. Beaucoup n’ont pas vu la couleur de la baisse de la taxe d’habitation, véritable bombe à retardement pour le fonctionnement de nos communes.
Parmi vos souffre-douleur il y a aussi les communes de France, qui doivent se serrer la ceinture face à un État qui a renoncé à toute politique d’aménagement du territoire.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) L’urgence est aujourd’hui de suspendre les fermetures de services publics dans nos territoires, plus particulièrement dans les zones rurales. C’est ce qu’attendent les maires de Frances plutôt que le comportement d’un de vos ministres, toujours bien inspiré, qui a encouragé, sinon lancé, une campagne indigne de rejet des maires de France qu’il incitait à « balancer » (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Eh oui ! Dites-vous bien qu’aujourd’hui de plus en plus de Français estiment que vous méritez la même campagne de dénigrement. Vous avez sous-estimé la portée de ces propos qui, ajoutés à tant d’autres, illustrent ce qui est votre marque de fabrique : le mépris. Ce mépris, les Français ne vous le pardonnent pas. Vous avez perdu la considération des retraités des familles, des classes moyennes, de celles et ceux qui travaillent pour vivre.
Comme si cela ne suffisait pas, votre Gouvernement s’est alors attaqué, toujours avec la même arrogance,…
Que de haine… …aux Français qui ont le malheur de rouler en voiture. Cela a commencé par une mesure venue d’en haut, une mesure « hors sol », un caprice personnel, celui d’imposer la limitation de vitesse à 80 kilomètres heure sur les routes départementales. (Mêmes mouvements.)
Vous avez ensuite durci le contrôle technique et mené une politique de taxation complètement délirante, profondément injuste, incompréhensible, adossée à une trajectoire de taxation du carbone qui va conduire à prélever 45 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2022.
Si votre objectif était réellement de diminuer les émissions de carbone plutôt que de faire exploser le montant des taxes et des impôts, vous n’auriez pas décidé de fermer Fessenheim puis d’autres réacteurs.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Vous auriez lancé un grand plan de développement des énergies d’origine agricole. Vous êtes le XXe siècle ! Arrêtez d’aboyer, mon cher collègue ! Prenez la parole si vous la voulez ! (Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.) S’il vous plaît ! Un litre de gazole à 2 euros, c’est une folie douce, monsieur le Premier ministre. Aucune des mesures que vous avez annoncées ne fera passer cette pilule. Un simple report de taxes n’est évidemment pas la solution. C’est presque une provocation. Ils n’en ont rien à battre ! La solution, c’est la suppression pure et simple de toutes les taxes à venir sur les carburants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Ce que vous n’avez pas compris, c’est que cette colère profonde est le symptôme d’un ras-le-bol fiscal généralisé mais qu’elle est aussi le cri de Français qui défendent leur mode de vie.
Des millions de Français ont choisi, pour eux et pour leurs enfants, comme leurs parents avant eux, de vivre dans de petites communes rurales, dans des bourgs-centres, dans des petites villes de province. Ils aiment la France, ils sont attachés à leur terroir.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Ils n’aspirent pas forcément au grand large de la mondialisation débridée. Ils contribuent par leur travail à la prospérité du pays. Ils ne demandent qu’une chose, simple mais restée étrangère à M. Macron : le respect de ce qu’ils sont au plus profond d’eux-mêmes.
La faute de ce Président, la vôtre aussi, c’est d’abord ce manque de respect. Oui, les « illettrées de Gad », les « Gaulois réfractaires », « ceux qui ne sont rien », « ceux qui roulent au diesel et fument des clopes » et tant d’autres ont décidé de relever la tête.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Des millions d’autres ont été offensés quand votre gouvernement a sous-entendu que les rassemblements de gilets jaunes étaient des rassemblements d’illuminés qui n’avaient que des défauts à vos yeux. Un de vos ministres, toujours le même, toujours aussi inspiré, a osé dire : « ce n’est pas parce que vous mettez un gilet jaune qu’il n’y a pas une chemise brune en dessous »
(Huées sur les bancs du groupe LR.) Quelle honte ! En pariant sur la stigmatisation et d’une certaine manière sur le pourrissement, en vous montrant incapables de répondre au bon moment aux cris de détresse venus de tous les milieux, de toutes les classes sociales, de tous les territoires, vous avez semé la discorde et la violence. Il ne suffit pas de dire stop à la violence ; il faut commencer par ne pas l’attiser et, pour cela, prendre les décisions qui s’imposent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Elles sont urgentes. Elles auraient déjà dû être prises car un nouveau samedi de désolation serait impardonnable. On ne le pardonnerait pas à un pouvoir et à un ministre de l’intérieur qui ont été complètement dépassés par les événements.
Eh oui ! Nous avons assisté à une faillite sécuritaire samedi à Paris.
Pour l’avenir votre responsabilité, si vous ne parvenez pas à éviter une nouvelle manifestation, est de donner des consignes claires à nos policiers, à nos CRS, à nos gendarmes, à nos sapeurs-pompiers, qui n’ont pas vocation à être les cibles des casseurs et des pilleurs.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Et votre responsabilité, vous y pensez ? Les témoignages que nous recevons d’eux sont glaçants. Derrière ces hommes et ces femmes qui ont enduré l’insupportable samedi, à Paris et dans de nombreuses villes de France, il y a des familles : ne les oubliez pas, monsieur le Premier ministre. (Mêmes mouvements). Ne vous en faites pas ! Votre rôle c’est aussi de les protéger et de leur permettre de se protéger lorsqu’ils maintiennent l’ordre républicain.
Le Président de la République, qui a rarement hésité à se mettre en scène comme chef des armées, qui a humilié publiquement un grand chef militaire le 14 juillet 2017
(Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Vous dites n’importe quoi ! …a été incapable d’empêcher que ne se déroulent des scènes de guérilla urbaine sous l’Arc de Triomphe, des scènes de pillage en plein Paris. Honteux ! Révoltant ! Inqualifiable ! Cela restera une tâche sur ce quinquennat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) C’est vrai ! Ce qui se joue au cœur des prochaines heures, c’est la capacité de M. Macron à endosser le rôle d’arbitre que lui confère la Constitution. C’est à lui et lui seul qu’incombe la responsabilité de la crise. C’est donc lui et lui seul qui doit proposer une sortie de crise. Il est dos au mur face à un peuple profondément en colère. Sa responsabilité est historique pour le fonctionnement démocratique, pour la cohésion sociale et républicaine. La vôtre aussi ! En a-t-il seulement conscience ? Son orgueil pourtant, ne devrait pas peser bien lourd face aux enjeux essentiels pour la France.
Paris et la France sont à feu et à sang. Votre gouvernement, jusqu’ici pétri de certitudes, enfermé dans sa tour d’ivoire, a les clefs du dialogue. Vous devez reculer même si cela vous est insupportable. Aucune autre option ne s’ouvre à vous.
Eh oui ! Nous sommes prêts à ce dialogue, monsieur le Premier ministre… Tu parles ! …prêts à un grand débat national, mais il ne pourra commencer qu’après l’abrogation définitive des taxes sur les carburants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Il suppose aussi que vous disiez avec modestie – et cela vous fera du bien, monsieur le Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) – que votre politique budgétaire et fiscale n’est pas la bonne car elle fait baisser le pouvoir d’achat de la grande majorité des Français.
Le Parlement pourra alors jouer son rôle, voter un nouveau budget, baisser les taxes et impôts qui asphyxient nos compatriotes. Nous réclamons une fiscalité juste pour que le travail paye.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Viendra ensuite inévitablement le temps de la démocratie, le temps où la parole est donnée au peuple. Nous pensons sincèrement qu’il faudra, d’une manière ou d’une autre, donner la parole aux Français, pour une raison simple : qu’ils puissent dire souverainement ce qu’ils pensent du Président de la République, de votre gouvernement et de votre politique.
A vous de trouver les mots et les décisions propres à éviter le pire.
Vous pensiez, monsieur le Premier ministre, pouvoir continuer sans rien changer. Vous pensiez pouvoir faire sans nous, sans les syndicats, sans aucun corps intermédiaire, sans personne, mais vous êtes maintenant bien seul. Ce n’est plus seulement un profond changement de cap qui est nécessaire ; c’est un changement de votre façon de gouverner.
Votre Gouvernement doit cesser de rejeter par principe ce qui vient de l’opposition. Depuis 18 mois nous sommes force de proposition, sur tous les sujets : le budget, les impôts, la dépense publique, la sécurité, la lutte contre le terrorisme, la santé, et tout récemment sur un sujet qui aurait dû nous rassembler, celui du handicap, mais vous n’acceptez jamais rien !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.- Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Vous refusez tout ! Comment, monsieur le Premier ministre, expliquez-vous cette rigidité ? Est-elle la marque d’un pouvoir qui pense avoir raison seul contre tous ? Est-elle le prix à payer de votre trahison politique du printemps 2017 ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Quelle haine ! Qu’est-ce qui explique un tel dogmatisme, un tel aveuglement, un tel entêtement de votre part ?
Cependant, monsieur le Premier ministre, parce que les circonstances l’exigent, le groupe des Républicains est prêt à vous tendre la main, parce que plus que tout, nous souhaitons un retour au calme, nous souhaitons l’apaisement.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) La colère est légitime mais la violence est inacceptable. Aucune cause, si noble soit-elle, ne peut justifier la violence, à quelque moment que ce soit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
À vous maintenant de prendre cette main qui vous est tendue, à vous de répondre à nos propositions. Ces propositions, nous ne cessons de vous les faire depuis octobre 2017. Elles n’ont pas changé : l’abrogation des taxes sur le carburant, celles du 1er janvier et celles à venir
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) ; l’abandon de la désindexation des retraites et des allocations familiales (Mêmes mouvements.) ; l’annulation de la hausse de la CSG sur les retraités et la défiscalisation complète des heures supplémentaires pour redonner du pouvoir d’achat aux salariés et de la compétitivité aux entreprises. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez pas traiter une fois de plus les propositions qui vous sont faites par le mépris en restant campé sur vos positions…
En matière de mépris vous êtes un expert ! …sinon la question de votre maintien à Matignon va très vite se poser (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) mais pour moi l’essentiel n’est pas là. L’essentiel c’est que le feu continuera à couver, c’est que la crise ne s’arrêtera pas. Vous êtes irresponsable ! Vous l’avez compris, monsieur le Premier ministre, pour nous le compte n’y est pas. Nous voterons donc contre vos propositions dont l’insuffisance à ce stade démontre que vous n’avez pas pris la mesure de l’exaspération et de la colère des Français. (Les députés du groupe LR se lèvent et applaudissent longuement.) La parole est à M. Patrick Mignola. (Les députés des groupes MODEM et LaREM se lèvent et applaudissent.) Nous traversons un moment grave qui nous appelle tous à l’humilité et à la responsabilité. La France vit une colère sociale qui vient de loin. Nous en connaissons les origines. Nous sommes la première génération à devoir exercer deux ou trois métiers différents dans notre vie ; nous sommes la première génération à devoir assumer deux ou trois révolutions technologiques dans une vie alors qu’auparavant on n’avait qu’un métier et qu’une révolution technologique embrassait deux ou trois générations. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Évidemment, face à ces mutations profondes de la société, on peut parfois se sentir exclu dans son propre pays, étranger à son propre monde, plus encore si on est né dans un territoire depuis trop longtemps abandonné par la République. On voit passer le train de la mondialisation depuis le quai…
Chez nous ça fait longtemps qu’on ne voit plus passer de train ! …alors on met un gilet jaune pour que la fluorescence appelle enfin la reconnaissance. (Mêmes mouvements.)
Le gel des taxes qui nous est proposé aujourd’hui est une reconnaissance, mais c’est aussi un signe de responsabilité et de dialogue pour ouvrir enfin le temps des solutions à construire ensemble parce que, quand on est en colère, on cherche des coupables plutôt que des solutions. Ça peut être la faute de ceux d’avant, de ceux d’aujourd’hui, peut-être même de ceux de demain, mais ce dont nous avons besoin, c’est de solutions, c’est d’un nouveau contrat civil et social dans notre pays. Commencez par ne pas toucher à nos tribunaux ! C’est l’occasion qui nous est offerte aujourd’hui. En effet, pour bâtir ce nouveau contrat civique et social à discuter ici et partout en France, nous devons tout mettre sur la table, la justice sociale et la justice salariale ; la justice territoriale, dans le monde rural mais aussi dans les quartiers périphériques, pour éviter les oppositions artificielles entre rural et urbain, parce que si certaines villes vont bien, d’autres vont mal. C’est ainsi qu’on reconstruit un aménagement du territoire. Quel blabla ! On doit parler bien sûr de justice fiscale parce que c’est l’origine de la colère. Nous avons l’impression de payer beaucoup mais de ne pas tous payer pareil. Nous avons l’impression de payer beaucoup mais de ne pas avoir de services à la hauteur.
Nous oublions quand même notre école, notre santé, notre sécurité, mais il faut comprendre ce qui peut s’apparenter depuis trop longtemps à une malédiction fiscale pour notre pays.
Gagner 1 800 euros par mois – comme un maçon, un enseignant, un CRS en début de carrière – peut se conjuguer à une autre malédiction : vivre avec quelqu’un qui gagne aussi 1 800 euros par mois. Et tous les deux peuvent subir deux malédictions supplémentaires s’ils ont des enfants. Certes, ce n’est pas une malédiction d’avoir une famille dans notre République, mais lorsque l’on se trouve dans cette situation, on gagne toujours trop pour être aidé et toujours assez pour être taxé...
Allez voir un manœuvre maçon ! …en tout cas, on ne gagne jamais assez pour bien vivre. Alors, on a l’impression de payer des taxes au chariot, chez Carrefour, on a l’impression de payer des taxes à la pompe, à la station-service, de payer des taxes locales ou nationales sur le compte bancaire, et c’est pour cela qu’il faut remettre toute la fiscalité sur la table. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Pour une fois, faisons preuve de responsabilité fiscale et arrêtons de parler de « dépenses supplémentaires ». Les Français qui travaillent et qui ne s’en sortent pas ne veulent pas des aides supplémentaires, ils veulent simplement pouvoir vivre, ils veulent comprendre à quoi servent les taxes et ils veulent pouvoir s’en sortir !
(Mêmes mouvements.) Ils veulent moins de taxes ! Le groupe que j’ai l’honneur de présider formule des propositions depuis dix-huit mois et il le fera encore en participant au débat. Il l’a fait sans démagogie, avec responsabilité, sur l’ISF, sur la flat tax, sur les grandes entreprises – qui paient moins que les petites –, sur les multinationales numériques. Ce n’est tout de même pas le moindre des paradoxes que Facebook soit le premier outil d’organisation des gilets jaunes et qu’il soit aussi leur premier spoliateur ! (Mêmes mouvements.)
Pour nourrir un nouveau contrat social et civique, nous avons besoin de moyens. Les uns et les autres, nous devons dire la vérité : pour avoir des moyens, il faut développer l’économie, il faut réimplanter des industries dans les territoires. C’est pour cela, président Jacob, qu’il ne faut pas supprimer mais suspendre la taxe carbone.
(Protestations sur les bancs du groupe LR.)
D’abord, parce que la transition écologique n’est pas une option. S’il y a dans cet hémicycle des invisibles, dont nous devons nous rappeler, ce sont nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants
qui, demain, après-demain, après après-demain pourraient nous reprocher les mauvaises décisions d’aujourd’hui. (Mmes et MM. les députés des groupes MODEM et LaREM se lèvent et applaudissent.) Allumez le feu ! Ensuite, parce que la transition écologique, c’est aussi une façon de renouveler l’industrie, de promouvoir une industrie verte, une industrie qui, précisément, peut être réimplantée sur les territoires abandonnés de la République. C’est là l’enjeu le plus mobilisateur que nous devons partager. Alors, alors seulement, nous pourrons nourrir un nouveau contrat social pour les salariés, pour les retraités, pour la santé, pour nos outremers, pour les maires ruraux, pour les premiers fantassins de la République, pour les priorités qui doivent être celles de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Pour cela, la démocratie est nécessaire. Nous avons tous entendu que les Français en colère se sentent mal représentés ici et qu’ils réclament une plus grande démocratie directe. Je rappelle que nous représentons les 10 666 572 Français qui ont voté pour nous. L’Assemblée nationale est donc légitime, mais le Parlement doit être plus fort et c’est parce qu’il le sera que l’exécutif le sera aussi.
(Mêmes mouvements.) Avec un exécutif fort et un Parlement fort, nous pourrons ouvrir, rouvrir les portes et les fenêtres à la démocratie directe ! (Mêmes mouvements.)