XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Première séance du mercredi 06 mars 2019

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 06 mars 2019

Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Coopération agricole

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Patrice Verchère.

    M. Patrice Verchère

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    Je voudrais tout d’abord, au nom du groupe Les Républicains, saluer le travail difficile des surveillants de prison et souhaiter un prompt rétablissement aux deux surveillants grièvement poignardés hier par un détenu radicalisé. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM, MODEM, UDI-Agir, SOC, GDR et LT ainsi que parmi les députés non inscrits.)
    Monsieur le ministre de l’agriculture, le salon de l’agriculture, qui vient de s’achever, a rencontré, comme toujours, un vif succès, mais cela ne doit pas faire oublier la situation dramatique de nos agriculteurs. Le Président de la République a encore fait un beau discours ; et en même temps, par son inaction, il laisse la Commission européenne annoncer une diminution de 15 % du budget de la politique agricole commune, soit 7 milliards d’euros de moins pour les agriculteurs français.

    M. Christian Jacob

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    Exactement !

    M. Didier Martin

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    C’est faux !

    M. Patrice Verchère

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    Avec les états généraux de l’alimentation, beaucoup d’entre eux avaient espéré une revalorisation de leur revenu. Pour l’instant, les objectifs sont loin d’être atteints.
    En outre, les agriculteurs organisés en coopérative agricole demeurent très préoccupés par votre projet d’ordonnance issue de la loi EGalim. Pour peser dans un monde ouvert et concurrentiel, il est essentiel de renforcer les structures économiques de production agricole que sont les coopératives. Or votre projet d’ordonnance fragilise l’équilibre économique et juridique des coopératives agricoles,...

    M. Maxime Minot

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    Eh oui !

    M. Patrice Verchère

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    ...qui représentent 2 400 entreprises, 190 000 salariés et 40 % du chiffre d’affaires de l’agroalimentaire français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Monsieur le ministre, l’engagement coopératif ne peut se réduire à une simple relation commerciale. Le code rural n’est pas le code du commerce !

    M. Charles de la Verpillière

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    Excellent !

    M. Patrice Verchère

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    Le risque de « démutualisation » des coopératives agricoles, fondées sur le principe de solidarité, pose la question de la pérennité de ce statut spécifique. Dans cette hypothèse, le secteur agricole serait fragilisé et des répercussions économiques seraient à prévoir dans le monde rural. À quoi sert-il donc d’entendre les Français pendant des heures si on ne les écoute pas ?

    M. Thibault Bazin

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    Très bonne question !

    M. Patrice Verchère

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    Monsieur le ministre, où en est concrètement le projet d’ordonnance concernant la coopération agricole ? La disposition du code du commerce menaçant les coopératives a-t-elle bien été retirée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    Vous avez tort, monsieur le député, de dire que le Président de la République a lâché sur le budget de la PAC : cela peut produire un effet de tribune, mais ce n’est pas la réalité.

    M. Christian Jacob

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    Si !

    M. Didier Guillaume, ministre

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    Non, absolument pas ! (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    Si !

    M. Didier Guillaume, ministre

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    J’ai rencontré mes homologues étrangers, j’étais hier encore avec mon homologue espagnol à Madrid ; nous sommes tous sur la même longueur d’ondes. La position de la Commission ne convient pas à la France.

    M. Christian Jacob

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    Pourquoi le ministre du budget n’a-t-il rien dit ?

    M. Didier Guillaume, ministre

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    Il est hors de question que le budget de la PAC baisse. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Cela a été redit par le Président de la République à l’ouverture du salon de l’agriculture. Nous n’accepterons pas de baisse du montant de la PAC (Mêmes mouvements), si ce n’est, bien sûr, en conséquence du retrait du Royaume-Uni – personne de sérieux dans cet hémicycle ne pourrait penser que le budget de la PAC restera le même après le Brexit. (Mêmes mouvements.)

    M. Christian Jacob

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    C’est du baratin ! Vous êtes un baratineur !

    M. Didier Guillaume, ministre

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    Sur le deuxième point – la coopération –, je veux réaffirmer ici, comme le Premier ministre l’a réaffirmé au président de Coop de France lors de ses quatre visites au salon de l’agriculture, la semaine dernière, l’engagement du Gouvernement pour la coopération, au côté des coopératives, pour les aider.

    M. Thibault Bazin

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    Ce sont des mots ! Nous voulons des actes !

    M. Didier Guillaume, ministre

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    Troisièmement, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le député, l’ordonnance qui  a été transmise au Conseil d’État ne remet absolument pas en cause l’équilibre actuel, ni ne fait prévaloir les dispositions du code du commerce, mais maintient au niveau du code rural ce qui concerne les coopératives, comme nous l’avons vu avec la présidence de Coop de France. Je répète que le Gouvernement est tout entier favorable au développement des coopératives.
    En même temps, s’agissant d’une ordonnance sur les prix anormalement bas, les trois quarts des agriculteurs faisant partie d’une coopérative, il est normal qu’ils soient concernés. Je veux toutefois vous rassurer : c’est bien du code rural qu’il s’agit, non du code de commerce. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Situation dans les prisons

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Yaël Braun-Pivet.

    Mme Yaël Braun-Pivet

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    Madame la garde des sceaux, des événements très graves se sont produits, hier, au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Deux surveillants ont été grièvement blessés par un détenu qui se trouvait avec sa compagne dans l’unité de vie familiale.

    M. Thibault Bazin

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    C’est à cause de votre laxisme !

    Mme Yaël Braun-Pivet

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    Ce détenu, condamné pour des faits de droit commun, s’est vraisemblablement radicalisé en prison.
    Si la prison fait donc aujourd’hui de façon dramatique la une de l’actualité, c’est une question sur laquelle nous travaillons, avec vous, depuis dix-huit mois.

    M. Aurélien Pradié

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    Incroyable !

    Mme Yaël Braun-Pivet

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    La commission des lois a déjà adopté, à l’unanimité, deux rapports fondés sur de nombreuses visites de terrain.

    M. Pierre Cordier et M. Fabien Di Filippo

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    Toujours des rapports !

    Mme Yaël Braun-Pivet

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    Elle s’est même réunie, en octobre, pour la première fois, en dehors de l’Assemblée, et ce fut au centre pénitentiaire de Fresnes.
    J’étais moi-même à Condé-sur-Sarthe le 3 mai dernier. Je me souviens très bien de la visite de cet établissement récent, le plus sécurisé de France (Exclamations sur les bancs du groupe LR), dans lequel les gardiens doivent surveiller une population pénale particulièrement dangereuse.
    De tous ces travaux, de toutes ces visites, je retiens le visage de ces femmes et de ces hommes qui, derrière les murs, œuvrent chaque jour pour la sécurité des Français. Nous leur devons toute notre reconnaissance (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM) et nous pensons en particulier aux victimes de l’agression d’hier qui se trouvent actuellement à l’hôpital, ainsi qu’à leurs proches.

    M. Aurélien Pradié

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    Cessez de penser, agissez !

    Mme Yaël Braun-Pivet

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    Madame la ministre, je connais votre engagement sur la question pénitentiaire. Nous avons pris, ensemble, des décisions importantes pour les prisons dans le cadre de la loi relative à la réforme de la justice.

    M. Pierre Cordier

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    Et pour quels résultats ?

    Mme Yaël Braun-Pivet

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    Hier encore, j’étais à vos côtés à la maison d’arrêt pour femmes de Versailles. Dans le contexte que nous connaissons, pouvez-vous informer la représentation nationale de ce qui s’est passé précisément hier et nous indiquer ce que vous faites et ce que vous ferez demain pour assurer la sécurité dans les établissements pénitentiaires ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Madame la présidente Braun-Pivet, hier, en effet, deux surveillants ont fait l’objet d’une attaque terroriste au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Je me suis immédiatement rendue à leur chevet. Au-delà de leur souffrance personnelle, je tiens à témoigner, devant la représentation nationale, de leur courage professionnel et de leur solidarité l’un envers l’autre. (Les députés se lèvent et applaudissent.) Ils seront, je crois, très sensibles à votre geste. Je tiens également à témoigner du professionnalisme des personnels des forces de sécurité intérieures, notamment du RAID, ainsi que des équipes de sécurité pénitentiaire qui sont intervenues et ont mis fin à ce drame. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    Vous avez raison de souligner que le Gouvernement a fait des efforts importants en matière de lutte contre la radicalisation. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Condé-sur-Sarthe est l’un des deux établissements les plus sécurisés de France. Il dispose de l’un des quartiers étanches…

    M. Éric Straumann

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    Pas tellement étanche, si l’on peut y entrer avec des couteaux !

    M. Claude Goasguen

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    « Étanche », la preuve…

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

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    …pour les détenus radicalisés que nous avons mis en place depuis le mois de janvier 2018 et c’est également un établissement qui peut s’appuyer sur des équipes de sécurité pénitentiaire et des équipes de renseignement très professionnelles.
    Toutefois, nous devrons à froid tirer les conséquences de ce qui s’est passé hier. (Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.) Une enquête judiciaire est en cours et j’ai également demandé à l’inspection générale de la justice d’intervenir. Il nous faut en effet comprendre pourquoi des fouilles sur des visiteurs n’ont pas été pratiquées avec suffisamment de vigilance. Il nous faut comprendre pourquoi les données des services de renseignement dont on disposait n’ont pas été utilisées pour placer ce détenu dans l’un des quartiers d’affectation qui aurait pu mieux le prendre en charge. Pourquoi a-t-il pu avoir accès à une unité de vie familiale ? Pourquoi ce drame s’est-il produit ?
    Il nous faut mieux comprendre, en effet, ce qui nous a conduits à cette situation car jamais nous ne devrons baisser la garde devant le terrorisme. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)

    M. Claude Goasguen

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    Lamentable !

    Égalité salariale entre les femmes et les hommes

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    Quinze heures quarante, c’est l’heure à partir de laquelle, les femmes, dans notre pays, travaillent gratuitement. Ce travail gratuit s’explique par des salaires inférieurs de 25 % à ceux des hommes tous contrats confondus et de 16 % si l’on ne comptabilise que les temps pleins. À poste, compétences, expérience et zone géographique égaux, une femme gagne 10 % de moins que son collègue masculin et 70 % des travailleurs pauvres sont des travailleuses. Il s’agit d’une injustice et d’une exploitation insupportables et c’est une dimension essentielle de la crise sociale.
    Les années passent et les lois dites sur l’égalité salariale s’empilent, mais ces chiffres demeurent vertigineux. Face à cette indéniable réalité, il est urgent de prendre les mesures nécessaires et de donner un grand coup d’accélérateur. Les femmes représentent 52 % de la population active mais les inégalités persistent et la liste est longue : inégalité dans l’accès à l’emploi, non-mixité et non-reconnaissance des métiers, précarité accrue à cause du temps partiel prétendument choisi, carrières et promotions grignotées, rémunérations et retraites plus faibles.
    L’égalité salariale serait un formidable moteur économique, social et culturel qui aurait un retentissement dans toutes les sphères de nos existences. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.) Mais vos ordonnances sur le travail qui ont diminué les droits individuels et collectifs des salariés et espacé les négociations salariales ont mécaniquement été nuisibles à cette cause.
    Les premiers résultats de l’index « Égalité femmes-hommes » dans les grandes entreprises ne nous apprennent rien de plus et justifient à eux seuls des lois beaucoup plus contraignantes. Vous avez déclaré l’égalité entre les femmes et les hommes grande cause nationale, cela impose une obligation de résultat.
    Madame la ministre du travail, allez-vous augmenter le SMIC dont 58 % des bénéficiaires sont des femmes ? Allez-vous encadrer les temps partiels subis, et les contrats courts qui concernent en premier lieu les femmes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI et sur de nombreux bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail.

    Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

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    Monsieur le député Dharréville, je crois que sur le constat, nous sommes d’accord. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de mettre un terme, en s’y prenant autrement et de façon beaucoup plus vigoureuse, à quarante-six ans d’attente, pour les femmes, de l’égalité des salaires prévue par la loi. Il faut également évoquer l’égalité des chances de carrière qui joue beaucoup sur le niveau des rémunérations.
    Oui, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, du 5 septembre 2018, pour la première fois depuis quarante-six ans, prévoit une obligation de résultats. Cela signifie que les entreprises deviennent comptables des résultats et non plus seulement commentatrices des plans d’action. Concrètement, le plus important, c’est de définir une mesure objective s’imposant à toutes les entreprises et sur le fondement de laquelle on pourra échafauder à la fois le dialogue social et les plans d’action dans les entreprises mais aussi établir les sanctions en cas de manquement de leur part.
    C’est ce que nous avons fait en créant l’index pour l’égalité professionnelle, que nous avons élaboré avec les partenaires sociaux et que ces derniers ont salué unanimement le jour de l’annonce des premiers résultats, même si, depuis, des nuances se sont exprimées et pour d’autres raisons.
    Le soutien global dont bénéficie cet index s’explique d’abord parce qu’il oblige à prendre conscience de résultats reposant sur une analyse fine ; ensuite parce qu’il impose la transparence, l’index de chaque entreprise étant publié ; troisièmement parce qu’il favorise le dialogue social dans l’entreprise en ce qu’il permet de savoir dans quels domaines progresser ; enfin, parce qu’il prévoit des sanctions sévères : jusqu’à 1 % de la masse salariale chaque année.
    En outre, cet index ne porte pas que sur l’égalité salariale mais aussi sur les chances de carrière, de promotion. La preuve qu’il est exigeant, c’est que sur les 732 entreprises de plus de 1 000 salariés qui ont déjà répondu, 118 sont en alerte rouge et quelque 600 ont des progrès à faire.
    Par ailleurs, dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage, nous aborderons la question des emplois subis et du recours excessif aux contrats courts. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Mme Huguette Bello

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    C’est du bla bla ! Augmentez les salaires et les retraites des femmes !

    Pollution par les déchets plastiques

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Millienne.

    M. Bruno Millienne

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    Madame la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, 100 millions de tonnes, c’est la quantité de déchets plastiques qui se transforment en polluants terrestres ou marins chaque année dans le monde, d’après le rapport publié hier par WWF. Un tel constat impose d’agir.
    Pollution de notre environnement et des sols, omniprésence de nanoplastiques dans l’eau et nos aliments : les risques qui pèsent sur notre santé et sur notre planète sont à la mesure de l’ampleur de la tâche qui nous attend. Si rien ne change, la quantité de pollution plastique dans les océans aura doublé dans dix ans. L’inaction est donc impensable. La question du plastique est un enjeu majeur et, comme tel, elle doit être traitée sérieusement, entièrement et de manière systémique.
    Pour que les déchets plastiques ne sortent plus du circuit et qu’ils cessent de polluer, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est convaincu qu’il faut agir à toutes les étapes de la vie du produit plastique.
    D’abord, dès sa production. Nous devons la réduire considérablement, et inciter les industriels à aller vers la production de 100 % de plastiques recyclables ou à rechercher des alternatives au plastique lorsque ce n’est pas possible.
    Ensuite, sur sa consommation. Longtemps, nous avons considéré que le plastique était fantastique et pratique sans nous soucier de ses effets sur l’environnement.
    Enfin,  sur son recyclage, plus crucial encore. Aujourd’hui, on estime que 37 % des déchets plastiques sont gérés de manière inefficace. Le développement du recyclage du plastique dans le cadre de l’économie circulaire constitue pourtant un gisement d’emplois non délocalisables.
    Madame la secrétaire d’État, vous travaillez actuellement à l’élaboration d’un projet de loi relatif à l’économie circulaire. Compte tenu de l’enjeu systémique que recouvrent à la fois la production, la consommation et le recyclage des plastiques, pouvez-vous nous confirmer que ce sujet sera traité largement et avec ambition dans le texte que vous serez amenée à présenter devant le Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM. – M. Laurent Furst applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

    Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire

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    Monsieur le député, vous avez utilisé le mot « impensable » ; il serait en effet impensable de ne pas lutter très activement contre le fléau de la pollution plastique.
    Pour cela, il ne suffit pas de se contenter de ramasser les déchets plastiques après que ceux-ci ont été produits et abandonnés dans la nature ; il faut transformer nos modes de production et de consommation radicalement, en profondeur. Agir ainsi, c’est aussi engager un vrai plan en faveur d’une politique industrielle du recyclage du plastique en France, et plus largement en Europe. Aujourd’hui, nous pouvons être leader dans ce domaine. Nous avons donc pris le taureau par les cornes, si je puis dire, en agissant au niveau national, européen et international.
    Au niveau national, dans le cadre d’un combat systémique, comme vous l’avez dit, il faut que l’ensemble du système se mobilise, en particulier les entreprises dans le cadre du CNI, le Conseil national de l’industrie. D’ici à l’été prochain, nous allons faire en sorte que les entreprises prennent des engagements considérablement plus ambitieux en matière d’incorporation de plastiques recyclés dans les produits qu’elles commercialisent ou qu’elles fabriquent. Nous voulons également qu’elles réduisent l’utilisation de plastique.
    Nous voulons aussi que les collectivités transforment le système de collecte, qu’elles le rendent plus efficace afin que les Français en aient pour leur argent. Nous ferons en sorte que la gouvernance des éco-organismes soit transformée pour qu’ils jouent pleinement leur rôle. Nous mettrons en place des systèmes de bonus-malus sur les éco-contributions afin de récompenser et mieux rémunérer les comportements vertueux et les entreprises qui conçoivent leurs produits.
    Enfin, nous agirons au niveau du citoyen, par exemple en harmonisant les pratiques de tri. Bref,  c’est une approche systémique que nous mettons en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Taxation des géants du numérique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Joël Giraud.

    M. Joël Giraud

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    Monsieur le ministre de l’économie et des finances, une fois n’est pas coutume, la France est à la proue de l’ouvrage européen concernant la régulation. Durant le précédent quinquennat, la France était parvenue à imposer la norme du reporting bancaire, après avoir voté cette mesure en droit interne, tout comme elle œuvre à la mise en place d’une taxe européenne sur les transactions financières, en ayant renforcé sa taxe interne qui connaît aujourd’hui un rendement satisfaisant.
    Je souhaite saluer votre engagement européen sur le dossier de la taxation des géants du numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Elle répond aux exigences légitimes de justice fiscale exprimées par les Français.

    M. Stéphane Peu

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    C’est une taxe pipeau !

    M. Joël Giraud

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    Vous avez présenté, ce matin, en conseil des ministres, un projet de loi créant une taxe sur les services numériques. Les multinationales supportent un taux moyen d’imposition des bénéfices beaucoup plus faible que les entreprises traditionnelles. Ce taux peut même être négatif, à moins 2,3 % par exemple. Il est de moins 1 % en moyenne pour Amazon, qui a pourtant fait 10 milliards de dollars de bénéfices en 2018. C’est donc peu dire qu’il est urgent d’agir.
    La taxe française s’inspire d’une proposition de directive qui s’inscrit dans un cadre balisé que j’ai pu aborder lors de la dernière conférence interparlementaire à Bruxelles. Elle concernera les services dans lesquels la participation des utilisateurs est essentielle à la création de valeur : le fameux travail gratuit.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que cette taxe ne manquera pas sa cible, et qu’elle frappera bien les entreprises à forte empreinte numérique plutôt que nos start-up et « licornes », afin de ne pas pénaliser un secteur stratégique en plein essor ? Que répondez-vous aux critiques et aux menaces d’éventuelles mesures de rétorsion envers des groupes français ?
    Au-delà des inévitables ajustements techniques – il y aura des débats en commission et en séance sur les seuils d’assujettissement ou sur les modalités de définition de l’assiette –, quelle serait votre position sur la mise en place d’un barème progressif, à l’image de celui de l’impôt sur le revenu ? Enfin, pouvez-vous fournir à la représentation nationale, des précisions sur l’état des discussions européennes, en particulier s’agissant de l’établissement stable virtuel, et sur les négociations à l’OCDE, notamment sur votre proposition d’un niveau minimum d’imposition que soutiendraient les États-Unis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances

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    Monsieur le député, quatorze points séparent aujourd’hui, en Europe, le taux d’imposition des géants du numérique et celui des PME françaises et européennes. Ces dernières subissent donc quatorze points de plus d’imposition que les géants du numérique : c’est inacceptable et c’est injuste ! C’est cette injustice que nous corrigeons en taxant les géants du numérique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
    Cette taxation sera simple. Elle ne portera que sur les plus grandes entreprises, celles qui font 750 millions d’euros de chiffre d’affaires numérique dans le monde, et 25 millions de chiffre d’affaires en France. Nous avons choisi un taux unique de 3 %, par souci de simplicité – un taux progressif aurait posé d’importantes difficultés juridiques.

    M. Sébastien Jumel

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    Ce n’est pas beaucoup !

    M. Éric Straumann

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    Ça rapporterait combien ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Cette taxation rapportera 400 millions d’euros la première année, et jusqu’à 650 millions à partir de 2022. La croissance des chiffres d’affaires des géants du numérique nous garantit des recettes croissantes.

    M. Sébastien Jumel

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    Mais faibles !

    M. Éric Straumann

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    Cela représente 5 % des recettes de la taxe d’habitation !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Cette taxation des géants du numérique est une question de justice, mais aussi une question d’efficacité fiscale, car je ne vois pas comment nous pourrons, demain, financer nos crèches, nos hôpitaux, nos collèges, nos lycées et nos services publics (exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM), si nous continuons à taxer systématiquement les entreprises qui font le moins de profits et que nous laissons de côté celles qui en font le plus.
    Au niveau européen, aujourd’hui, vingt-trois États membres sur vingt-sept défendent cette taxation du numérique. Six États ont décidé d’aller de l’avant, et nous souhaitons désormais mener le combat au niveau de l’OCDE pour que, d’ici à la fin de l’année 2019, avec le soutien des États-Unis, qui viennent de se prononcer favorablement, nous ayons mis en place une taxation internationale des géants du numérique.
    Parce qu’au XXIsiècle, la valeur provient des données, il est temps de les taxer, et de faire que les plus grandes entreprises du numérique participent au financement du bien public. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Cohérence territoriale

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Frédérique Meunier.

    Mme Frédérique Meunier

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    Monsieur le Premier ministre, où est la cohérence territoriale ? Où est la défense de la ruralité ? Quelle vision de la France rurale avez-vous alors qu’elle se situe au-delà du périphérique parisien ?
    Chaque année c’est le même rituel : fermetures de classes voire d’écoles, de services de La Poste, de centres d’intervention et de secours, et de trésoreries.

    M. Jean Lassalle

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    C’est vrai !

    Mme Frédérique Meunier

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    Ces épisodes qui se succèdent montrent une mauvaise image de nos territoires, laissant penser que la baisse des dépenses publiques doit passer par la suppression des services publics. Alors que nos territoires sont contre l’immobilisme et que les maires redoublent d’ingéniosité pour faire vivre leur commune, se battant tous les jours pour trouver des médecins, pour innover en proposant des activités pour faire vivre les services et pour aider l’investissement dans un multiple rural. Je vous propose de réfléchir et d’élaborer un plan quinquennal des services publics en milieu rural, mais aussi de réfléchir ensemble, avec les acteurs locaux par bassin de vie, pour partager les services de proximité.
    Aujourd’hui, on entend parler d’une trésorerie unique par département ! En Corrèze, je reçois dès demain matin l’intersyndicale, qui aurait déjà reçu l’annonce d’une suppression. Pourtant, dans un courrier du 8 octobre 2018, M. le ministre Gérald Darmanin nous indiquait maintenir la trésorerie rurale, selon le principe de la déconcentration de proximité (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR) visant à implanter les trésoreries des chefs-lieux de canton dans les zones rurales afin de préserver une meilleure accessibilité des services publics pour nos concitoyens ! Ces décisions du fait du prince sont insupportables pour la ruralité car elles sont méprisantes ! Je suis pleinement consciente de la nécessité de réformer notre pays, mais certainement pas en fermant tous les services publics ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR.)
    Cette nouvelle réforme des trésoreries va-t-elle avoir lieu ? À quand un véritable plan Marshall pour la ruralité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. (M.Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, entre dans l’hémicycle. – « Ah ! » sur les bancs du groupe LR.) S’il vous plaît, mes chers collègues.
    Vous avez la parole, madame la ministre.

    Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

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    Madame la sénatrice (Mouvements divers.)… Madame la députée, je suis désolée ! Vous avez raison : il faut s’occuper des services publics en milieu rural. (Exclamations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Depuis des décennies, les services publics ont disparu, petit à petit, de la ruralité. Et nous essayons bien évidemment aujourd’hui de rétablir leur présence dans le milieu rural, en développant par exemple les maisons de services au public dans la ruralité.

    Un député du groupe LR

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    C’est raté !

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Il y en déjà aujourd’hui 1 300 ; nous allons en installer 500 de plus.
    Par ailleurs, je tiens à vous rappeler qu’un projet de loi va être défendu prochainement par Agnès Buzyn sur la présence médicale en milieu rural,…

    M. Sébastien Jumel

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    Si elle n’est pas candidate aux Européennes !

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    …et que le projet de loi Mobilités sera également bientôt examiné par votre assemblée, sachant qu’il contient un volet sur les déplacements en milieu rural. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
    En ce qui concerne les trésoreries, je crois qu’il faut au départ bien avoir conscience qu’on ne peut pas mettre tout sur le même plan, ensuite, qu’il y a de nouveaux moyens de communication – internet existe – et donc des moyens de réponse modernes à disposition des services publics. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    Un député du groupe LR

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    Il y a aussi le gardénal !

    Mme la présidente

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    Écoutez la réponse de Mme la ministre, mes chers collègues.

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Mais il faut accompagner les gens qui n’ont pas la capacité de communiquer par internet dans l’inclusion du service public. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    Pacte national sur les emballages plastiques

    Mme la présidente

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    Chers collègues, essayez d’écouter les réponses des ministres aux questions posées par vos collègues, c’est la moindre des choses. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
    La parole est à Mme Véronique Riotton.

    Mme Véronique Riotton

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    Chaque année, cinquante-trois kilos de matières plastiques sont produits par habitant de la planète. L’amas de résidus plastiques qui flotte dans le Pacifique représente trois fois la superficie de la France. La production de ce matériau pourrait encore augmenter de 40 % d’ici dix ans.
    Ces chiffres dramatiques, qui donnent le vertige, sont ceux du rapport du WWF – le Fonds mondial pour la nature – publié hier. Mais ils ne sont pas nouveaux. Tout cela nous le savions déjà. Nous sommes tous responsables de cette pollution. Et pourtant, que faisons-nous ?
    Depuis 2016, la France a interdit l’usage de sacs plastiques à usage unique. C’est bien, mais c’est trop peu. Il faut maintenant arrêter de dire, et agir avec force et ambition.

    M. Éric Straumann

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    Bravo !

    Mme Véronique Riotton

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    Agir sur le recyclage tout d’abord, en prévoyant des mesures visant à mieux collecter et mieux trier – à Paris, seulement une bouteille en plastique sur dix est recyclée ; agir ensuite, et surtout, sur les moyens de limiter la création de déchets plastiques car il est choquant aujourd’hui de vendre dans un supermarché des fruits dans une barquette en carton, entourés dans un emballage plastique, que l’on mettra ensuite dans un sac plastique… – c’est tout cela qu’il faut éviter ; agir également pour le réemploi, sachant qu’il est possible aujourd’hui de trouver une seconde vie à de nombreux déchets.
    Madame la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, vous venez de signer avec de nombreuses grandes entreprises de la distribution un pacte sur les emballages plastiques qui vise à réduire de façon volontaire leur impact. Mais je crois qu’il faut maintenant dépasser le stade de l’engagement volontaire avec les acteurs pionniers, et passer à un cadre d’application général et contraignant. Vous présenterez prochainement un projet de loi sur l’économie circulaire : comment celui-ci peut-il nous permettre de répondre sans plus attendre à cette menace et d’être à la hauteur de notre responsabilité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

    M. Aurélien Pradié

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    Et du glyphosate !

    Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire

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    Madame la députée, oui, en France, nous avons décidé de déclarer la guerre à la pollution plastique. Et une guerre se mène quand on a un horizon et un objectif : en l’occurrence, celui de transformer en profondeur notre système de production et de consommation afin de sortir du système absurde dans lequel on extrait de la planète toujours plus de ressources, qui finissent malheureusement bien souvent dans des décharges ou au fond de nos océans. Notre objectif passe notamment par le Pacte national sur le plastique que vous avez évoqué, et qui sera repris en effet dans un projet de loi à venir.
    Il s’agit de réduire, puis de supprimer, le plastique superflu, et aussi de recycler ou d’encourager le réemploi. C’est ce que notre ministère fait notamment dans le cadre du Pacte national sur le plastique, qui vise à recycler 60 % des emballages plastiques d’ici 2022 et surtout à supprimer le suremballage, le superflu de manière générale, enfin, à écoconcevoir les produits afin qu’ils puissent être réemployables, compostables ou recyclables. Et notre méthode, parce que c’est de l’action que nous voulons, repose sur la transparence et sur l’évaluation régulière. Car en matière d’environnement, on a trop souvent pris des engagements sans qu’au final personne ne soit responsable de rien ni redevable à qui que ce soit. Ainsi, aux côtés du WWF que vous avez cité à juste titre, la Fondation Ellen MacArthur et la Fondation Tara Expéditions vont vérifier régulièrement, à chaque étape-clef, les avancées des industriels des chaînes de la grande distribution en matière de lutte contre la pollution plastique.

    M. Éric Straumann

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    Et à Paris que fait-on ?

    Mme Brune Poirson, secrétaire d’État

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    J’ai dit que c’est aussi un objectif qui va être repris dans une loi de portée plus large, sur l’économie circulaire, qui intégrera en particulier la réforme de la gouvernance des filières de responsabilité élargie du producteur, dites « filières REP », ainsi que des actions à mener au niveau local, y compris au niveau des collectivités.
    Mais il n’y a pas qu’en France que cette guerre doit être menée. Et cette question sera centrale dans le G7 à venir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

    Sécurité dans les établissements pénitentiaires

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Madame la garde des sceaux, j’associe à ma question notre collègue Joaquim Pueyo qui se rend présentement à Condé-sur-Sarthe pour rencontrer les agents.
    La colère des surveillants s’exprime ce matin, moins de vingt-quatre heures après l’attaque de deux surveillants pénitentiaires grièvement blessés à Condé-sur-Sarthe, dans plus d’un établissement pénitentiaire sur deux. Nous voulons ici rendre un hommage au courage et au dévouement de ces deux surveillants. Nous voudrions aussi exprimer notre sympathie et notre solidarité à leurs familles. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)
    Nous savons que le risque zéro n’existe pas, mais tout drame doit conduire à revisiter les procédures existantes et leur juste application sans pour autant s’engager sur la voie d’une loi de circonstance.
    Les enjeux de la radicalisation et de la surpopulation carcérale ont été identifiés depuis plusieurs années. Ainsi, en 2016, un séminaire national avait abouti à la nécessaire classification des établissements pénitentiaires, l’objectif étant d’adapter leurs effectifs à la population pénale accueillie.

    M. Éric Diard

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    Rien à voir !

    Mme Cécile Untermaier

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    Ces effectifs devaient être complétés par la constitution d’équipes de sécurité pénitentiaire au service des établissements les plus sensibles.

    M. Aurélien Pradié

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    Et Taubira est arrivée !

    Mme Cécile Untermaier

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    Qu’en est-il, madame la ministre, de ces orientations ? La présente et brûlante question de la fouille des visiteurs nous semble devoir être impérativement examinée dans ce cadre.

    M. Éric Diard

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    Bien sûr !

    Mme Cécile Untermaier

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    Par ailleurs, la question des moyens de l’administration pénitentiaire est centrale. Nous avons tous convenu, lors du débat sur la loi relative à la justice, qu’avec un surveillant pour 2,5 détenus, la France avait l’un des plus mauvais taux d’encadrement d’Europe.

    M. Éric Diard

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    Personne ne veut entrer dans la pénitentiaire !

    M. Jean-Yves Bony

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    Eh oui !

    Mme Cécile Untermaier

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    Si la loi de finances pour 2019 a prévu la création de 400 postes, il y aurait aujourd’hui 2 500 postes vacants. Ces postes vacants disent beaucoup, et des risques encourus par les surveillants et de la nécessaire poursuite de la revalorisation salariale et statutaire.

    Un député du groupe LR

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    Absolument !

    Mme Cécile Untermaier

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    Qu’en est-il, madame la ministre, de l’aboutissement des négociations syndicales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Madame la députée, vous avez raison, la question de la sécurité est une question prégnante.

    M. Aurélien Pradié

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    Seulement prégnante ?

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

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    C’est la raison pour laquelle, depuis plus d’un an, j’ai pris deux types de mesures, les unes concernant les établissements pénitentiaires, les autres les personnels.
    S’agissant des établissements pénitentiaires, nous avons, d’une part, accru les crédits permettant d’assurer la sécurité au sein de ceux-ci. Nous avons, d’autre part, comme je l’ai dit tout à l’heure, créé des quartiers d’évaluation de la radicalisation, puis des quartiers de prise en charge des personnes radicalisées : cela nous permet d’éviter le prosélytisme et de traiter de manière particulière les détenus qui appartiennent à cette catégorie.
    Nous avons également, et je crois que c’est important, développé les équipes de sécurité pénitentiaire auxquelles vous faisiez précédemment allusion.
    Je voudrais à présent dire quelques mots de la situation des hommes. Nous avons, pour les surveillants pénitentiaires, développé des équipements de sécurité – c’était ce que les organisations syndicales nous demandaient –, qui sont progressivement distribués. Il s’agit de tenues pare-coups et de gilets pare-lames, que nous déploierons prochainement auprès de l’ensemble des surveillants pénitentiaires.

    M. Éric Diard

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    Ce qu’il faut, c’est fouiller les visiteurs !

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

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    Par ailleurs, vous avez vous-mêmes adopté ici, dans la loi de programmation pour la justice, un article qui améliore la question délicate des fouilles et qui nous permettra de mieux traiter celle-ci, mais seulement en ce qui concerne les détenus – la fouille des visiteurs n’est pas abordée, comme je l’ai également dit tout à l’heure.

    M. Éric Diard

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    C’est pourtant essentiel !

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

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    Je dois dire aussi que les services de renseignement pénitentiaire, qui jouent également un rôle important dans le traitement de la radicalisation, font l’objet de recrutements encore plus importants.
    Enfin, nous avons décidé de recruter 1 000 personnels de surveillance supplémentaires. Ces recrutements sont en cours, et ils se sont accompagnés d’une revalorisation indemnitaire substantielle qui a eu lieu l’année dernière.

    Mme Valérie Rabault

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    Vous l’aviez refusée l’an dernier.

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, madame la ministre.

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

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    Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous ne devons pas baisser les bras face au terrorisme, et nous ne baisserons pas les bras ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes GDR et FI.)

    Élection présidentielle en Algérie

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Belkhir Belhaddad.

    M. Belkhir Belhaddad

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    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, j’associe à question ma collègue Fadila Kattabi, présidente du groupe d’amitié France-Algérie.
    L’Algérie vit actuellement un moment historique, à la suite du maintien de la candidature du président Bouteflika en vue d’un cinquième mandat. Ce maintien a entraîné, partout dans le pays, des manifestations nombreuses et massives. Une quinzaine de journalistes ont été interpellés et détenus la semaine passée parce qu’ils dénonçaient la censure du pouvoir algérien. Cette expression populaire et pacifique me semble plutôt une bonne nouvelle, car elle n’exprime pas seulement le refus d’une candidature du président sortant : elle remet en cause un étouffoir organisé par le régime.
    Je me sens solidaire du peuple algérien, et je crois que notre représentation nationale est sensible à son aspiration démocratique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Face à la situation, faut-il être embarrassé ? Faut-il être inquiet ? Faut-il être prudent, en raison des risques de débordements et à la perte de contrôle de la situation ? Je ne le crois pas.
    La période de guerre civile des années 1990 est, certes, encore dans toutes les têtes. J’ai vécu cette période tragique, celle de l’arrêt du processus électoral en 1992, celle des assassinats de policiers, de journalistes et de nombreux citoyens algériens.
    On ne peut rester indifférent à ce que dit ce peuple ami, à sa jeunesse qui a soif de démocratie. Les relations entre nos pays sont complexes et passionnelles, et l’Algérie est un partenaire essentiel de la France. Toutefois, la démocratie n’est pas négociable, car elle fonde un édifice de confiance entre un peuple et ses représentants.
    La France doit regarder ces réalités et ces aspirations. Si elle doit se garder de toute ingérence, il lui revient de s’exprimer, de s’extraire des pièges post-coloniaux comme des difficultés mémorielles pour ouvrir de nouveaux horizons, de parler au peuple algérien qui ne revendique rien d’autre que de pouvoir choisir son avenir et ses représentants.
    Aussi souhaiterais-je, monsieur le ministre, connaître la position du Gouvernement sur ces événements politiques en Algérie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Monsieur le député, vous avez évoqué l’ampleur du mouvement de protestation qui a suivi, en Algérie, le dépôt de la candidature du président Bouteflika à la prochaine élection présidentielle. Je vous rappelle, mais vous le savez, que dix-neuf candidatures à cette même élection ont été déposées dimanche dernier.
    Nous avons pris acte des propositions qu’a formulées le président Bouteflika en déposant sa candidature : conférence nationale, réforme de la Constitution, réforme de la loi électorale, élection présidentielle anticipée à laquelle lui-même ne serait pas candidat. Vous savez que le Conseil constitutionnel a quelques jours, jusqu’au 14 mars précisément, pour trancher la question de la validité des candidatures.

    M. Charles de la Verpillière

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    Quel suspense !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Nous devons donc laisser le processus électoral se dérouler.
    La France, en raison de nos liens historiques – vous les avez qualifiés de passionnels – avec l’Algérie, est évidemment très attentive au déroulement de cette échéance majeure, et elle appliquera trois principes.
    Premièrement, l’Algérie est un pays souverain, et c’est au peuple algérien, et à lui seul, qu’il revient de choisir ses dirigeants et son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Untermaier applaudit également.) C’est au peuple algérien de définir ses aspirations, ce qui implique la transparence et la liberté du processus.
    Deuxièmement, l’Algérie est un pays ami auquel nous rattachent des liens multiples. Ce qui s’y passe a évidemment, nous le constatons, des conséquences directes et un fort retentissement en France.
    Troisièmement, enfin, l’Algérie est un pays clé en Afrique et en Méditerranée. C’est pourquoi sa stabilité, sa sécurité et son développement sont tout à fait essentiels.
    C’est dans cet esprit que la France appréhende cette échéance cruciale en Algérie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    M. André Chassaigne

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    C’est ce qu’on appelle une diplomatie à géométrie variable !

    Endométriose

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Lise Magnier.

    Mme Lise Magnier

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    Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
    Vendredi 8 mars, nous le savons, ce sera la journée internationale des droits des femmes. Les enjeux concernant l’égalité des droits entre les femmes et les hommes sont importants. Toutefois, n’oublions pas que nous ne sommes pas et que nous ne serons jamais égaux sur tous les plans.
    Cette semaine est aussi la semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, maladie chronique qui touche uniquement les femmes. En France, cette maladie gynécologique hormonodépendante touche une femme sur dix, de tous âges.
    Chez les femmes atteintes, les symptômes sont tous les mêmes : des douleurs gynécologiques importantes et récurrentes, qui peuvent être très handicapantes. Or, aujourd’hui encore, en France, les douleurs liées au cycle féminin sont considérées comme normales. Aujourd’hui encore, malheureusement, le diagnostic de l’endométriose est effectué avec un retard moyen de cinq années, ce qui laisse la maladie s’étendre et s’aggraver durant toute cette période. Aujourd’hui encore, cette maladie de l’ombre est trop souvent révélée après un bilan de fertilité, donc à un stade avancé et irréversible, car c’est une maladie qui ne se guérit pas ; 40 % des femmes atteintes sont infertiles.
    En la matière, la recherche est encore balbutiante : les causes de la maladie ne sont pas connues et les traitements disponibles ne permettent pas de guérison. Il est donc urgent d’agir dans tous les domaines pour une meilleure prise en compte de l’endométriose, par un soutien à la recherche et aussi par la généralisation du diagnostic dès l’apparition des premières douleurs, notamment chez les plus jeunes femmes.
    Madame la ministre, ma question est la suivante : comment comptez-vous mieux prévenir cette maladie et mieux accompagner toutes ces femmes qui souffrent, physiquement et psychologiquement, en silence ? (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

    Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

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    Je veux tout d’abord vous remercier de nous permettre de porter une attention particulière à cette maladie qui touche tant de femmes dans notre pays : une sur dix, vous l’avez dit. C’est une maladie complexe et très douloureuse, invisible et parfois silencieuse. Elle est méconnue des femmes elles-mêmes, ainsi que des professionnels de santé, ce qui engendre, on le sait, des retards de diagnostic et de prise en charge, et, pour les patientes, des errances au sein du système de santé.
    Le ministère de la santé a entrepris depuis 2014 un certain nombre d’actions en vue de favoriser un dépistage plus précoce de la maladie, une prise en charge améliorée et mieux coordonnée, en travaillant notamment sur l’organisation des filières de prise en charge. Il nous faut poursuivre et renforcer cette approche globale et pluridisciplinaire.
    J’ai prévu, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes et de la semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, de rencontrer vendredi le réseau Resendo, qui a été créé par l’hôpital Saint-Joseph de Paris. Ce sera, je le souhaite, l’occasion d’écouter des patientes, de les entendre exprimer leurs difficultés au quotidien et de rencontrer des professionnels engagés. J’annoncerai ensuite un certain nombre de mesures visant à améliorer la prise en charge de l’endométriose dans toutes ses composantes.
    Nous devons collectivement nous engager pour une meilleure connaissance scientifique et médicale de cette maladie, et pour une meilleure information des patientes et des professionnels de santé. C’est en effet une maladie qui est trop souvent ignorée. Je souhaite que chaque femme puisse bénéficier d’un diagnostic le plus précoce possible, d’une meilleure prise en charge de la douleur, enfin d’une meilleure information en matière de préservation de la fertilité, afin d’éviter de légitimes inquiétudes sur sa fertilité ultérieure. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)

    Lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes

    Mme la présidente

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    La parole est à M. M’jid El Guerrab.

    M. M’jid El Guerrab

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    Madame la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, en préambule à ma question, je souhaiterais citer le sociologue Raphaël Liogier, qui écrit dans son livre Descente au cœur du mâle : « La modernité promettait à tous les humains les mêmes droits au nom de leur seule humanité. Mais, dès le début, les femmes en ont été exclues. »
    Disons-le d’emblée : les femmes, dans la construction de l’histoire de notre pays, ont été rejetées de notre promesse républicaine. C’est ce qu’illustre, entre autres, la devise de la France : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Où est la Sororité ? De même, le texte fondamental de la Révolution française, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, brille par l’absence de référence au « sexe supérieur, en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles », ainsi que l’évoquait Olympe de Gouges.
    Dans notre société, la domination demeure assurément masculine. Les traditions résistent un peu trop à l’esprit du temps. Les femmes se sont battues pour obtenir l’égalité en droit. Elles l’ont obtenue, mais, dans la réalité, nous sommes encore loin du compte.
    Dans notre société, aujourd’hui, les femmes ce sont 70 % des travailleurs pauvres, les femmes ce sont 82 % des emplois à temps partiel, les femmes ce sont 62 % des emplois non qualifiés, les femmes ce sont 85 % des chefs de familles monoparentales – rappelons qu’une famille monoparentale sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Ces statistiques sont le reflet d’une réalité alarmante.
    Pour combattre cette précarité, nous devons, aujourd’hui plus que jamais, associer le combat…

    M. Pierre Henriet

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    Le combat, oui mais pas à coup de casque…

    M. M’jid El Guerrab

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    …pour le droit des femmes à la lutte contre les inégalités sociales. Concrètement, quelles politiques publiques le Gouvernement souhaite-t-il mettre en œuvre afin de lutter contre cette inégalité de fait ? (Applaudissements sur certains bancs des groupes LaREM, LT et FI.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    Vous l’avez souligné, il existe encore de nombreuses inégalités entre les femmes et les hommes. La France est l’un des pays où la législation est la plus avancée en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, et pourtant, entre le droit formel et le droit réel, il existe ce que l’on appelle « la règle des 20 % ». C’est une inégalité que l’on retrouve partout : il existe un écart de salaire de 9 % à 27 % entre les femmes et les hommes ; au sein des couples hétérosexuels, 20 % seulement des tâches ménagères sont accomplies par les hommes. Ces deux chiffres se tiennent : tant que les femmes seront considérées comme davantage responsables dans la sphère familiale, elles disposeront de moins de temps, de disponibilité et de soutien pour être les égales des hommes dans la sphère du pouvoir.
    Je crois que c’est un sujet qui concerne également les hommes. Je voudrais ici rendre hommage, tout comme vous, monsieur le député, à toutes les femmes et à tous les hommes qui, depuis des générations, se sont engagés et ont conquis de haute lutte des mesures d’égalité entre les femmes et les hommes.
    L’ensemble du Gouvernement est mobilisé dans le cadre de la grande cause du quinquennat qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes. La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a eu l’occasion de présenter les dispositifs extrêmement volontaristes conçus par le Gouvernement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes en matière de salaires, ce qui permettra un gain de pouvoir d’achat pour les femmes dans un délai de trois ans. La semaine dernière, une initiative a été prise par ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui a réuni des dizaines de dirigeants d’entreprises et d’organisations qui s’engagent à aller plus loin en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
    Nous reviendrons tout à l’heure sur la question des mères isolées. Nous travaillons main dans la main avec ma collègue Christelle Dubos en vue d’accompagner celles-ci et de les sortir de la situation de précarité dans laquelle elles se trouvent encore trop souvent.

    M. Aurélien Pradié

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    Agissez !

    Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État

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    L’essentiel des mesures du plan Pauvreté qui a été présenté par ma collègue Agnès Buzyn sont destinées à ces femmes, qui représentent la majorité des temps partiels subis, des postes précaires et des femmes sans emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Familles monoparentales

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabine Rubin.

    Mme Sabine Rubin

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    Votre gouvernement se vante de faire de l’égalité homme-femme une priorité. Soit. Il est vrai que la femme n’a eu longtemps que des devoirs : elle réclame maintenant, légitimement, des droits.

    Mme Émilie Bonnivard

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    « Les » femmes ! Qu’est-ce que « la » femme ?

    Mme Sabine Rubin

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    Lors d’un récent déplacement à Bordeaux, le Président de la République s’est trouvé confronté à certaines de ces femmes qui peinent, non plus à finir le mois, mais à le commencer. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Il a évoqué un mécanisme de garantie qui puisse sécuriser celles qui perçoivent souvent avec difficulté leur pension alimentaire. Pour rappel, cela concerne à peu près 35 % des intéressées.
    Mais plutôt qu’à vos palabres ou à vos effets d’annonce, oubliés sitôt les caméras éteintes, c’est à vos actes que nous jugerons votre politique. À cet effet, permettez-moi de vous rappeler que, dans le cadre des mesures d’urgence adoptées en décembre, ma collègue Caroline Fiat vous avait proposé de ne pas prendre en compte, dans le calcul d’attribution de la prime d’activité, la pension alimentaire, destinée à élever dignement les enfants.
    Elle demandait également d’exclure les revenus du conjoint des critères d’attribution de cette prime, les graves inégalités salariales entre hommes et femmes plaçant les secondes sous la sujétion financière des premiers.
    La majorité avait balayé ces propositions d’égalité d’un revers de main, arguant des efforts déjà consentis à destination des familles monoparentales. Mais, alors que la communication élyséenne s’affole à l’approche de la Journée internationale des droits des femmes, et que le Président semble vouloir ouvrir son cœur à ces injustices de genre, quand, monsieur le ministre, pensez-vous ouvrir le porte-monnaie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

    Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

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    La prise en charge des familles monoparentales, j’en ai la conviction, est un défi majeur pour notre société, car, de plus en plus nombreuses, elles ne constituent plus une exception ; elles sont aussi davantage touchées par la pauvreté et cumulent les difficultés d’être parent seul et les discriminations qui, malheureusement, perdurent en France – c’est là un sujet dont je m’occupe avec Marlène Schiappa.
    Depuis plusieurs années, notre système social s’est adapté. Les barèmes de la quasi-totalité des prestations sont majorés en cas de monoparentalité, et certaines prestations, comme l’allocation de soutien familial, sont spécifiquement ciblées sur ces familles. La création, en 2017, de l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, adossée aux CAF – caisses d’allocations familiales –, est aussi une réponse.
    Cependant, nous devons apporter de nouvelles réponses, et nous avons déjà des axes de réflexion. Le premier est d’apporter une meilleure information sur les droits et d’améliorer l’accompagnement ; le second est d’assurer le versement réel des pensions alimentaires, sujet d’angoisse et de conflit pour trop de familles monoparentales. Sur 1 million de familles bénéficiaires de la pension alimentaire, 20 à 40 % ne la perçoivent pas, soit totalement, soit partiellement.

    Mme Caroline Fiat

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    Alors ? Que proposez-vous ?

    Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État

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    Oui, le Président de la République a plaidé pour un système qui permette un recouvrement bien plus rapide de cet argent auprès des mauvais payeurs, et pour des mécanismes de garantie visant à accompagner les familles. Les propositions formulées aujourd’hui par Terra Nova seront donc étudiées avec soin ; car demander la pension alimentaire, ce n’est pas demander l’aumône, c’est faire valoir son droit et celui de l’enfant que l’on élève. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.)

    Mme Caroline Fiat

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    C’est précisément ce que nous réclamons : des droits et pas l’aumône !

    Familles monoparentales

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain.

    Mme Marie-Pierre Rixain

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    Ma question s’adresse à Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. J’y associe mon collègue Olivier Damaisin.
    La Journée internationale des droits des femmes sera, ce vendredi, un temps fort du calendrier féministe, et l’occasion de porter les combats de toutes les femmes, y compris celles qui ne rentrent pas dans les cases de nos schémas administratifs, qui n’ont pas le temps de se battre pour leurs droits et qui cristallisent les injustices de notre société androcentrée.
    En France, les familles monoparentales représentent un foyer sur cinq, contre un sur dix il y a trente ans. Et dans 85 % des cas, ce parent seul est une femme ; une femme que son travail rémunère moins bien qu’un homme, qui connaît davantage la précarité professionnelle, qui porte la charge mentale de la maternité et qui doit, en plus, se battre pour le versement effectif des pensions dues à ses enfants. Le groupe de réflexion Terra Nova…

    M. Aurélien Pradié

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    Encore ? Que vient faire ce groupe dans cette enceinte ? Ici, c’est l’Assemblée nationale !

    Mme Marie-Pierre Rixain

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    …nous rappelle, dans une note publiée ce jour, que le non-paiement de ces pensions concerne, en France, 500 000 enfants. Il est grand temps de s’attaquer à ces violences économiques et de faire appliquer la loi.
    Lorsque le quotidien est fait d’inquiétudes sur l’avenir, de fins de mois difficiles, du loyer et des charges à payer ainsi que de l’immense responsabilité d’élever seule des enfants, la puissance publique ne peut passer son chemin et ignorer que 35 % de ces familles vivent sous le seuil de pauvreté. Madame la secrétaire d’État, il est essentiel que les réformes issues du grand débat national intègrent pleinement la problématique des mères isolées.
    Je sais votre engagement sur le sujet, et salue la tenue, demain, de la première conférence inversée, qui donnera la parole aux mères isolées afin de sensibiliser acteurs privés et publics. Aussi, je souhaite savoir quelles politiques publiques seront mises en œuvre afin de corriger les inégalités de destin, de permettre aux mères isolées ainsi qu’à leurs enfants de bénéficier des mêmes chances de réussite que l’ensemble de la population, et d’accéder, eux aussi, aux conditions de leur émancipation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    Je veux d’abord, madame la députée, saluer l’engagement de nombreuses et nombreux députés sur cette question des mères isolées et des femmes cheffes de famille monoparentale : votre engagement, madame la présidente Rixain, et celui de toute la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, mais aussi celui de Bérangère Couillard, qui a organisé le grand débat au féminin à Pessac il y a quelques jours, et des députés Dalmaisin et Delpon, qui ont également, à l’instar de nombreux autres députés, organisé des ateliers, dans le cadre du grand débat, sur la thématique des mères isolées.
    Cette thématique, je veux le rappeler, n’est pas une découverte pour le Gouvernement, qui, il y a plusieurs mois, avait lancé une grande étude, peu relayée à l’époque, sur les discriminations vécues à l’embauche par les mères isolées. Nous avions associé plusieurs partenaires à cette démarche : le réseau « parole de mamans », l’Observatoire de la qualité de vie au travail et de la parentalité, présidé par Jérôme Ballarin, et l’association de Christine Kelly, « K d’urgences », qui se consacre depuis des années aux familles monoparentales.
    Les résultats de cette étude, que nous recevrons bientôt, nous permettront de mieux qualifier les discriminations vécues par les mères seules. Nous organiserons aussi, vous l’avez dit, une conférence inversée le 7 mars prochain à quinze heures. Elle mettra sur la scène des mères isolées dont des experts, des élus, des parlementaires, des banquiers, des assureurs, des employeurs et de grandes entreprises, installés dans la salle, viendront écouter les parcours.
    Vous l’avez dit, et Christelle Dubos l’a aussi rappelé tout à l’heure, nous travaillons sur la question des pensions alimentaires ; mais la thématique des mères isolées n’est pas décorrélée, je crois, de la lutte contre les violences faites aux femmes. Les statistiques le montrent, les violences conjugales et les féminicides surviennent très souvent lors de la séparation d’un couple, ou juste après. C’est donc un sujet qu’il nous faudra également traiter.
    Parce que c’est là une priorité du Gouvernement, nous avons mobilisé les associations. Hier, j’étais ainsi avec Benjamin Griveaux au centre d’information sur les droits des femmes et des familles – CIDFF –, pour la restitution des cahiers de doléances que le Gouvernement, avec cet organisme, a mis à disposition de ces femmes qui restent notre priorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Réforme de l’assurance chômage

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sarah El Haïry.

    Mme Sarah El Haïry

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    Madame la ministre du travail, les discussions entre partenaires sociaux sur la réforme de l’assurance chômage souhaitée par le Gouvernement n’ont pas abouti à l’accord espéré. Les représentants du patronat et des salariés ont échoué à se mettre d’accord, en particulier sur le bonus-malus visant à décourager le recours excessif aux contrats courts, qui maintiennent les salariés dans une certaine précarité.
    C’est dorénavant au Gouvernement qu’il appartient de reprendre la main et je sais votre détermination à concrétiser les engagements présidentiels. Je crois savoir que vous receviez, hier encore, les représentants du patronat et des syndicats de salariés pour tenter d’avancer sur les différents points ayant conduit à l’échec de la négociation.
    Sur la forme, nous applaudissons votre méthode, consistant à associer aussi étroitement que possible les organisations syndicales à cette nouvelle réforme de l’assurance chômage. Pour cette raison, vous avez toute notre confiance.

    M. Aurélien Pradié

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    Ravie de la crèche !

    Mme Sarah El Haïry

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    Sur le fond, nous espérons que cette méthode aboutira rapidement à une réforme équilibrée et acceptée par tous, dans l’intérêt des Françaises et des Français.
    L’engagement du Gouvernement aux côtés des entreprises n’est plus à prouver. Les entreprises, notamment les plus grosses d’entre elles, celles du CAC 40 en particulier, doivent, à leur tour, pleinement s’engager dans la réussite d’une croissance française durable et juste socialement. La question du bonus-malus me semble de ces engagements indispensables à cet impératif de justice sociale et de responsabilité des entreprises.
    Aussi, madame la ministre, à l’aune des récents échanges que vous avez eus et que vous continuerez d’avoir avec les partenaires sociaux, pourriez-vous nous indiquer dans quel délai la réforme de l’assurance chômage sera-t-elle arrêtée et nous assurer que le bonus-malus ne sera pas abandonné par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail.

    Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

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    La question que vous soulevez s’est invitée dans le grand débat national, alors qu’il n’était pas prévu qu’elle y figure. Nous étions ensemble à Casson, village de Loire-Atlantique situé dans votre circonscription, madame la députée, où ce sujet a été évoqué avec beaucoup de nuances. Il a également été mis en avant à Schiltigheim lors d’un débat avec deux cents artisans.
    Pourquoi cette question concerne-t-elle tout le monde ? D’abord parce que l’assurance chômage repose sur des règles que doivent édicter les partenaires sociaux ; lorsque ceux-ci ne parviennent pas à un accord, la loi donne à l’État la responsabilité de les définir. Nous souhaitions que les partenaires sociaux concluent un accord mais, constatant leur échec, l’État s’est emparé du sujet avec la méthode que vous avez saluée : j’ai ainsi reçu tous les dirigeants des organisations patronales et salariales ces derniers jours, de même que les négociateurs, des parlementaires, car, même si les dispositions en discussion sont de nature réglementaire et non législative, elles concernent la nation, ainsi que des associations de chômeurs et d’employeurs, c’est-à-dire l’ensemble des parties prenantes, y compris, bien entendu, le service public de l’emploi.
    Quelles réformes de l’assurance chômage sont-elles nécessaires ? Il ne s’agit pas de revoir l’ensemble du dispositif, car notre système est plutôt robuste et efficace. En revanche, un domaine doit être amélioré, celui des contrats courts. Ces derniers se sont multipliés depuis quinze ans, puisque neuf embauches sur dix se font en contrat à durée déterminée ou en intérim ; en outre, 80 % des CDD n’excèdent pas un mois et un tiers d’entre eux ne dépassent pas une journée. On a réinventé les journaliers, ce qui ne correspond pas à notre vision du marché du travail de demain. Les règles encouragent, tant du fait des employeurs que d’une partie des demandeurs d’emploi, la précarité, contraire à l’intérêt général.
    Avec le Premier ministre, nous avons confirmé la semaine dernière que l’État arrêterait ses décisions d’ici à l’été. En l’absence de meilleure proposition sur la table, l’engagement du Président de la République d’instaurer un bonus-malus sera tenu, mais nous devons maintenant en définir les conditions, la négociation n’ayant pas étudié ce dispositif. Nous devons travailler pour aboutir à une solution luttant contre la précarité et incitant au retour à l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Situation politique en Algérie

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Ledoux.

    M. Vincent Ledoux

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    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, l’Institut du monde arabe propose en ce moment à Tourcoing une superbe exposition intitulée Photographier l’Algérie. Elle entre, par l’intimité des regards anonymes, dans cette histoire mêlée qui fut celle de la France avec l’Algérie, sous la forme d’un dialogue des cultures, nécessaire et toujours renouvelé. Elle interroge notre histoire, mais nous projette inéluctablement dans l’actualité immédiate.
    L’Algérie connaît aujourd’hui une crise politique. Sous la réserve du respect du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays souverain, nous ne pouvons toutefois nous empêcher d’être préoccupés par ce qui s’y déroule actuellement, tant pour l’Algérie elle-même, que pour la France, en raison de l’importance de nos relations. Une inquiétude partagée au plus haut sommet de l’État, puisque vous avez souhaité rappeler temporairement à Paris notre ambassadeur, afin d’évaluer avec lui la situation et mobiliser la cellule diplomatique.
    Notre proximité avec le peuple algérien et l’Algérie est grande. La communauté algérienne est très présente chez nous, puisqu’elle compte 900 000 immigrés et plus de 2 millions de Français d’origine algérienne. Plus de 40 000 de nos compatriotes vivent aujourd’hui sur le sol algérien, et plusieurs centaines de milliers de binationaux vivent sur l’une ou l’autre des deux rives de la Méditerranée.
    Voisine du Mali, du Niger et de la Libye, l’Algérie occupe une place stratégique. Une déstabilisation de l’Algérie ferait planer des risques sécuritaires dans tout le Maghreb, mais aussi au Sahel, où les frontières sont poreuses et la menace terroriste très élevée.
    Ma question, monsieur le ministre, est double. Le Gouvernement anticipe-t-il, et dans quelle mesure, une éventuelle hausse des flux migratoires de l’Algérie vers la France ? Quelles actions conduit-il pour stabiliser cette région clef dans la lutte antiterroriste mondiale et pour conforter l’Algérie dans ce rôle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Vous avez tout à fait raison de rappeler les liens forts et multiples unissant l’Algérie et la France, en particulier l’importance de la communauté algérienne en France. Tout ce qui se passe en Algérie a des implications dans notre pays. Vous avez également raison de souligner la position stratégique de l’Algérie, à la fois en Méditerranée et sur le continent africain, où elle touche la Libye et le Sahel. Nous prenons toutes nos responsabilités dans ces régions, essentielles pour notre propre sécurité. Vous avez fait part de votre inquiétude sur les flux migratoires avec l’Algérie, mais ceux-ci sont stables et maîtrisés, le Gouvernement y accordant une importance toute particulière.
    Je l’ai dit il y a un instant, je constate comme vous l’importance des manifestations et de la protestation populaire qui se sont déployées depuis la décision du président Bouteflika de déposer sa candidature à un nouveau mandat. Les manifestations sont restées pacifiques, les forces de sécurité y ayant apporté une réponse mesurée. Je souhaite vraiment que cet esprit de responsabilité perdure et que le peuple algérien trouve les voies de sortie de cette crise.
    Nous souhaitons que le processus électoral se déroule dans de bonnes conditions, avec toute la transparence et la sérénité nécessaires. Vous avez raison, il s’agit d’un moment essentiel pour l’histoire de l’Algérie, ce pays devant trouver l’impulsion nécessaire pour faire face aux défis qui se trouvent devant lui et pour répondre aux aspirations profondes de son peuple et de l’ensemble des Algériens. C’est dans cet esprit que nous apprécions aujourd’hui la situation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et MODEM, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Débat sur les effets des aides fiscales dans le secteur du logement sur l’évolution des prix du foncier et sur la redistributivité du système fiscal

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat sur les effets des aides fiscales dans le secteur du logement sur l’évolution des prix du foncier et sur la redistributivité du système fiscal.
    La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
    La parole est à M. Fabien Lainé.

    M. Fabien Lainé

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    L’abbé Pierre disait : « Gouverner, c’est d’abord loger son peuple ». Tout gouvernement doit mener une politique efficace et efficiente en matière de logement, lequel représente le premier poste de dépense des ménages français. C’est pourquoi le groupe MODEM a proposé l’inscription à l’ordre du jour d’un débat sur les effets des aides fiscales dans le secteur du logement sur l’évolution des prix.
    Ce n’est pas uniquement le député qui s’adresse à vous aujourd’hui ; c’est également l’ancien maire, fort par ailleurs d’une expérience professionnelle de quinze ans en tant que cadre commercial dans le secteur de l’immobilier et de la construction de logements.
    La politique du logement doit être mieux évaluée – notamment par le Parlement – afin de rendre son pilotage plus efficace.
    Dès lors que l’on verse des aides stimulant la demande sans que l’offre n’évolue positivement, un mécanisme inflationniste simple s’enclenche. Comme l’a démontré une étude de l’OCDE, la France est l’un des pays développés où l’élasticité-prix de l’offre de logement est la plus faible. Autrement dit, dans notre pays, l’offre réagit peu à la hausse des prix.
    Cette faible réactivité est principalement due aux contraintes imposées par les règles d’urbanisme et d’usage des sols. C’est à ce problème que la loi ELAN – évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – fournit des réponses, notamment par le biais de la rationalisation des normes.
    Nous devons veiller très attentivement à assurer un juste équilibre entre des normes utiles pour l’architecture et les paysages, d’une part, et la nécessité de déverrouiller une offre trop contrainte d’autre part. En tout état de cause, une politique de soutien de la demande ne peut être efficace en l’absence de débouchés en matière d’offre, notamment dans les zones tendues.
    En jouant principalement sur la demande, ces aides peuvent alimenter un effet inflationniste, notamment sur le prix de la construction et du foncier. Faute d’être suffisamment ciblées dans le temps, dans l’espace et selon le type de logement, elles sont intégrées par le marché immobilier, ce qui provoque une inflation.
    L’État investit donc un budget considérable sans résoudre les problèmes posés. Pour paraphraser notre président, nous dépensons « un pognon de dingue » mais les gens ne sont pas mieux logés !

    M. Thibault Bazin

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    Scandaleux !

    M. Fabien Lainé

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    En outre, ces dispositifs – renouvelés peu ou prou année après année – ont un effet d’aubaine pour des projets immobiliers qui auraient été réalisés avec ou sans aides.
    Un tel effet d’aubaine profiterait à 85 % de leurs bénéficiaires, ce qui explique que la France soit l’un des seuls pays utilisant de tels dispositifs sans pour autant atteindre ses objectifs de création de logements. Pour satisfaire la demande, il faudrait en construire 500 000 par an ; nous en construisons 350 000 – 400 000 les meilleures années.

    M. Thibault Bazin

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    Moins de 400 000 !

    M. Fabien Lainé

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    Il est donc impératif d’améliorer l’évaluation de ces politiques publiques. Tel est l’engagement du Président de la République. Tel est le rôle du Parlement, qui doit évaluer les politiques publiques en s’appuyant sur les travaux de la Cour des comptes. En matière d’aides à la construction de logements, il faut bien constater que celui-ci n’a pas pu – jusqu’à présent – jouer son rôle d’évaluation et de pilotage de manière satisfaisante.

    M. Laurent Furst

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    Le MODEM se venge !

    M. Fabien Lainé

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    Les dispositifs se succèdent, définis par les cabinets ministériels et auxquels les ministres lèguent leur nom – citons, depuis 1996, Périssol, Besson, Robien, Borloo, Scellier, Duflot et Pinel.

    M. Thibault Bazin

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    Vous oubliez Denormandie !

    M. Fabien Lainé

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    Cela viendra – peut-être ! (Sourires.)

    M. Luc Carvounas

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    Bientôt !

    M. Thibault Bazin

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    C’est en cours !

    M. Fabien Lainé

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    Quant à leur coût annuel, il est passé de 606 millions d’euros en 2009 à 1,7 milliard en 2015. A-t-on étudié rationnellement l’effet sur le marché du logement d’une telle augmentation ?
    Il est frappant de constater, avec la Cour des comptes, que le coût annuel pour les finances publiques d’un logement valant 190 000 euros et bénéficiant de l’avantage Pinel est trois fois plus élevé que celui d’un logement social comparable financé par un PLS – prêt locatif social !
    Comme la Cour des comptes, nous pouvons regretter le caractère lacunaire des données permettant une évaluation fiable et objective de l’efficacité des aides au logement, notamment par comparaison avec d’autres modes d’intervention. Les dispositifs en vigueur expirent en 2021. Souhaitons qu’ils fassent l’objet d’une évaluation précise d’ici là !
    Il est indispensable de recentrer les aides à la pierre – tant le prêt à taux zéro que le dispositif Pinel – sur nos priorités en matière d’aménagement du territoire. Celles-ci doivent être mieux ciblées dans l’espace, car les zonages ne sont pas toujours pertinents, quand ils ne sont pas obsolètes.
    Dans les Landes, certaines communes classées en zone B2 – Sanguinet par exemple – sont plus tendues que les communes alentour classées en zone B1. Nous appelons donc de nos vœux une politique plus ciblée et plus efficace.
    Les aides doivent également être mieux ciblées dans le temps, car en l’absence de limite de validité, l’effet incitatif s’amenuise et l’effet d’aubaine se renforce. Un meilleur encadrement temporel en ferait des outils de politique contracyclique. Disponibles pendant deux ou trois ans seulement, elles constitueraient une réelle incitation pour les propriétaires, les vendeurs, les aménageurs et les collectivités territoriales.
    Enfin, ces dispositifs doivent être utilisés comme de vrais outils d’aménagement du territoire, de revitalisation des centres-villes et des bourgs, à condition de privilégier les types de logements permettant la densification des zones visées. Il conviendrait en effet d’arrêter de subventionner l’habitat pavillonnaire, qui favorise l’étalement urbain, y compris dans les zones tendues. Sans cela, nous continuerons à éloigner les habitants de leur lieu de travail, avec les conséquences économiques, sociales et environnementales que l’on connaît.
    Nous pourrions imaginer que ces dispositifs soient proposés par le maire ou le président d’agglomération et validés par le préfet sur des critères précis, relatifs à la période et la zone visées et à la pertinence des projets d’aménagement.
    Tels sont les points sur lesquels notre groupe souhaitait interroger le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM. – Mme Sandra Marsaud applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Luc Carvounas.

    M. Luc Carvounas

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    La construction de logements en France est en très nette baisse depuis deux ans alors que le Gouvernement nous avait promis un « choc de l’offre ».

    M. Thibault Bazin

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    Eh oui !

    M. Luc Carvounas

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    À l’inverse, nous assistons, pour la première fois depuis 2013, à une baisse inédite tant du nombre de permis de construire que de celui des mises en chantier ou des ventes de logements neufs en France.

    M. Thibault Bazin

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    C’est la faute du Président !

    M. Luc Carvounas

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    Jugez-en vous-mêmes : moins 11 % de ventes dans le neuf entre 2017 et 2018 ; moins 17 % sur le seul dernier trimestre 2018.
    Plus grave, le secteur du logement social pâtit très clairement du manque d’investissements lié à la baisse de 1,7 milliard d’euros de ses recettes, décidée par le Gouvernement à l’été 2017 et reconduite cette année.

    M. Robin Reda

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    Merci le MODEM !

    M. Luc Carvounas

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    Cette situation n’est pas près de s’améliorer puisque, selon vos propres dires, monsieur le ministre, le nombre de logements sociaux financés en métropole a chuté depuis 2016 – il n’est plus que de 108 000.

    M. Thibault Bazin

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    Il a raison !

    M. Luc Carvounas

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    Qu’il paraît loin le temps où sous le quinquennat précédent, nous mettions en chantier 400 000 logements et 130 000 logements sociaux !

    M. Laurent Furst

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    Avec des maires de droite !

    M. Luc Carvounas

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    Puisqu’il s’agit ici d’évoquer des mesures fiscales à mettre en œuvre en faveur de l’investissement locatif, je peux d’ores et déjà vous dire qu’un secteur n’en bénéficie pas, ou peu, alors qu’il est le plus exposé. Je veux parler du monde HLM. Il ne pourra compter que sur lui-même et sur la vente de son patrimoine pour relever le défi de la construction de logements, comme la loi ELAN l’y autorise désormais.
    Pourtant, dans un récent rapport, la Cour des comptes pointait du doigt le triplement des aides fiscales à l’investissement locatif, passées en moins de dix ans de 600 millions d’euros en 2009 à près de 2 milliards d’euros en 2018.
    Le constat des professionnels de l’immobilier est simple : il faut retrouver une adéquation entre l’offre et la demande de logements, et seule la production de logements neufs pourra répondre durablement aux tensions du marché. Or, selon les professionnels, 85 % des Français ne peuvent pas accéder à la propriété, parce que leur revenu médian est inférieur aux mensualités médianes pour acquérir un logement répondant à leurs besoins.
    Selon moi, un dispositif d’incitation fiscale devrait donc toujours répondre à trois critères : tout d’abord, générer un effet de levier sur la construction ; ensuite, être accessible au plus grand nombre possible de Français ; enfin, favoriser la baisse des prix à l’achat et/ou solvabiliser les ménages.
    Or que fait le Gouvernement depuis mai 2017 ?  Il supprime le prêt à taux zéro dans les zones B2 et C, ce qui a pour conséquence directe de sortir un tiers des bénéficiaires du dispositif ; il limite les dispositifs d’accession à la propriété ;…

    M. Robin Reda

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    Il faut relancer la propriété !

    M. Luc Carvounas

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    …il réduit la capacité des bailleurs sociaux à investir.
    Mes chers collègues, il nous revient d’interroger la pertinence et, le cas échéant, de corriger les effets négatifs des dispositifs qui pèsent le plus dans notre budget.

    M. Thibault Bazin

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    C’est la faute de Bercy !

    M. Luc Carvounas

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    Depuis 2010 et le rapport de notre Assemblée sur les niches fiscales, notre pays a amorcé une profonde mutation dans la philosophie même des niches fiscales sur le logement. Cette première transformation a été suivie par une prise de conscience du législateur sur la nécessité de recentrer les dispositifs Scellier et maintenant Pinel sur les zones les plus tendues.
    Nous ne pouvons qu’aller dans ce sens tant il est devenu évident que ces dispositifs alimentaient artificiellement un marché de la construction en zone non tendue. Pour être efficace, toutefois, ce recentrage devrait être évalué chaque année. Or ce n’est pas le cas.
    Dans sa lettre adressée au Gouvernement, la Cour des comptes a également pointé du doigt le coût trop élevé d’un logement construit à l’aide du dispositif Pinel par rapport au montant des subventions dont bénéficiera un logement social. Le premier est en effet entre trois et quatre fois plus cher que le second ! Mais surtout, alors qu’un logement social est au minimum loué pour quarante ans, les dispositifs existants limitent l’obligation de location à six, neuf ou quinze ans selon l’option choisie. Il nous revient de nous interroger sur la durée effective de location, attendu qu’aucune donnée fiable n’est pour l’instant disponible sur la question.
    Il est évident enfin que les dispositifs concernés, et qui coûtent 2 milliards d’euros à l’État, ne profitent pas à tous : 25 % des foyers qui bénéficient du dispositif Pinel ont des revenus imposés dans la tranche comprise entre 71 000 et 151 000 euros, une catégorie qui ne représente que 2,6 % des ménages Français.
    Mais la dimension la plus inégalitaire de ces dispositifs tient à une modification récente des obligations imposées au bailleur : celui-ci peut désormais louer son bien à ses enfants tout en réduisant ses impôts.
    Cette inégalité pourrait être corrigée par un avantage fiscal conféré aux familles prenant en charge le logement de leurs ascendants ou descendants pour des motifs précis – études supérieures, placement en EHPAD ou autre.
    De plus, je suggère que notre Assemblée aligne sans plus tarder les dispositifs applicables aux monuments historiques, qui ne bénéficient qu’à un nombre très limité de privilégiés, sur le droit commun des incitations fiscales immobilières. Au moment où les Français qui s’expriment dans le grand débat national réclament plus de justice fiscale, une telle mesure me semblerait de bon sens et de justice, et pourrait constituer un premier geste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Mon cher ministre, je crois vous l’avoir déjà dit, vous êtes un jeune ministre. Aussi vais-je aborder ce débat en évoquant le logement des jeunes – celui des étudiants, qu’ils soient rattachés fiscalement à leurs parents ou indépendants, et celui des jeunes salariés.
    Il suffit de discuter, comme je l’ai fait aujourd’hui, avec des collaborateurs parlementaires pour s’en rendre compte : certains éprouvent des difficultés à se loger pas trop loin de l’Assemblée nationale…

    M. Pascal Lavergne

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    Il faut les payer plus !

    M. Thierry Benoit

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    Même avec des collaborateurs payés correctement, mon cher collègue, la réalité s’impose : pour être situé pas trop loin du Palais Bourbon, certains doivent verser 800 euros par mois pour un logement en colocation. Il y a donc un véritable problème !
    De même, je vois autour de moi des familles dont les enfants partent étudier à des centaines de kilomètres de chez eux. Ces jeunes rencontrent des difficultés pour se loger, et lorsqu’ils ont enfin trouvé une solution d’hébergement, le loyer représente une lourde charge pour les parents, notamment lorsque leurs revenus sont modestes.
    J’aimerais vraiment, monsieur le ministre, que le logement et les conditions d’hébergement de notre jeunesse s’inscrivent parmi les priorités de cette législature. Je tenais à insister sur ce point car, de nos jours, des propriétaires louent parfois des logements qu’ils ne proposeraient sans doute pas à leurs enfants ou petits-enfants.
    Les deux autres points dont je comptais parler ont déjà été abordés par les deux orateurs précédents.
    Tout d’abord, ils l’ont dit, vous avez touché à tous les dispositifs fiscaux qui concernent le logement, qu’il s’agisse du prêt à taux zéro, le PTZ, du dispositif Pinel, des aides personnalisées au logement – notamment l’APL accession – ou du crédit d’impôt transition énergétique – CITE. Tout a été bouleversé ! En cette semaine consacrée au contrôle de l’action du Gouvernement, j’apprécierais que vous puissiez nous livrer les premiers enseignements que vous tirez, pour votre part, de tous ces bouleversements.
    Ce serait l’occasion de mieux encourager l’accession à la propriété des jeunes ménages, en reprenant des dispositifs qui, certes, datent un peu, mais qui pourraient être plus ciblés vers les villes moyennes et les territoires ruraux.
    Jusqu’à présent, ces dispositifs fiscaux se sont montrés les plus incitatifs là où il y avait une forte demande,…

    M. Thibault Bazin

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    Là où le foncier coûte cher.

    M. Thierry Benoit

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    …dans les grandes villes, les grandes métropoles – citons, dans l’ouest, des villes comme Le Mans, Rennes, Angers ou Nantes. Or, dans ces zones où la demande est forte, les dispositifs fiscaux dont nous parlons reviennent à mettre du bois dans la chaudière. Mieux vaudrait encourager l’accession à la propriété dans les villes moyennes ou les territoires ruraux…

    M. Thibault Bazin

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    À Fougères !

    M. Thierry Benoit

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    …à Fougères ou à Lunéville, par exemple. Ce serait une façon d’inciter de nouveaux habitants à s’y installer.
    Il faudrait également que nous puissions mettre de l’ordre – c’est, je pense, le bon mot – dans tous les dispositifs existant, et notamment les agences. En effet, en 2019, il n’est plus possible de parler de logement sans évoquer la transition énergétique. Il convient donc de rapprocher, entre autres, les dispositifs de mobilisation de fonds publics qui transitent par l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, et ceux de l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Quant aux plateformes locales de rénovation énergétique, elles doivent être mieux dimensionnées et agir en connexion directe avec les intercommunalités qui assurent la compétence habitat en lien avec les régions.
    Bien d’autres sujets mériteraient d’être abordés, mais je vois que le temps s’écoule. Je me bornerai donc à effleurer celui du lien fiscal entre l’habitant et la municipalité. Il vous faudra bien y revenir, monsieur le ministre, car si vous supprimez la taxe d’habitation, qu’est-ce qui subsistera de ce lien ?

    M. Robin Reda

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    Trop tard : c’est déjà fait !

    M. Thierry Benoit

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    Pour finir, ce dont nous avons véritablement besoin, c’est d’un plan de soutien massif à la construction. L’application, durant vingt-quatre à trente-six mois, d’un taux réduit de TVA sur la rénovation permettrait d’inciter à réhabiliter et à rendre plus performants, sur le plan énergétique, les bâtiments situés en zone rurale, dans les bourgs et les villes moyennes. (Applaudissements sur les bancs des groupe UDI-Agir et LR.)

    M. Laurent Furst

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    C’est le programme d’un futur ministre !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    La question soulevée aujourd’hui par nos collègues du groupe MODEM est décisive. S’interroger sur l’effet sur le prix du foncier des aides fiscales dans le secteur du logement revient à évaluer la pertinence même des aides à l’acquisition de logements.
    Commençons par dire qu’il faut distinguer fermement les dispositifs favorisant l’achat de logements qui ne seront pas occupés par l’acquéreur de ceux destinés à aider des personnes à devenir propriétaires. Il n’y a aucune raison, en effet, pour que la puissance publique aide des bailleurs individuels à acquérir de nouveaux logements. Pourtant, les initiatives dans ce genre se sont multipliées depuis deux décennies : Périssol, Besson, Robien, Scellier, Duflot, Pinel. On ne compte plus les noms…

    M. Thibault Bazin

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    Sans oublier Denormandie !

    Mme Mathilde Panot

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    …associés à cette idée. Or comme le souligne la Cour des comptes dans un rapport d’avril 2018, le bilan de ces aides fiscales est pour le moins mitigé, alors même qu’elles coûtent très cher – depuis 2009, la dépense qu’elles représentent est passée de 400 millions à 1,8 milliard d’euros.
    Une politique d’un coût aussi élevé nous oblige à nous pencher sur les caractéristiques de ses bénéficiaires. On s’aperçoit alors qu’elle profite essentiellement aux bailleurs qui font partie du dixième le plus riche de la population : leur revenu médian est de 67 500 euros par an et ils sont tous propriétaires, par définition.
    Le cas de la niche Pinel est tout à fait instructif à cet égard, puisque le coût annuel pour les finances publiques d’un logement financé par ce dispositif est deux à trois fois supérieur à celui d’un logement social. Le moins que l’on puisse dire est que des dispositifs inutilement coûteux et aussi discutables sur le plan de la justice sociale devraient être supprimés.
    La réflexion sur les aides fiscales en matière d’acquisition foncière doit donc nous conduire à envisager d’autres politiques permettant d’encadrer le prix du logement et de limiter les logiques inflationnistes sur un marché qui, de l’aveu même des libéraux, faillit absolument à se réguler lui-même.
    Nous proposons pour notre part une option raisonnable : que les aides publiques pour l’acquisition d’une propriété soient conditionnées à l’application d’un prix de revente encadré par la loi.
    Une autre de nos propositions, qui mérite d’autant plus d’être discutée qu’elle est déjà mise en œuvre dans notre pays, consiste à dissocier la propriété du bâti de celle du foncier. Si la puissance publique était propriétaire des terrains sur lesquels des immeubles sont construits, elle pourrait en effet mettre à la vente les appartements s’y trouvant. Un commissariat à l’aménagement pourrait être chargé de la coordination des établissements publics propriétaires du foncier, et le prix de vente des appartements serait décidé par le propriétaire du foncier.
    Un tel établissement public existe à Lille et nous proposons d’étendre l’expérience à l’ensemble du territoire. Une telle dissociation permet en effet de déterminer des prix de vente inférieurs à ceux du marché immobilier, et donc de contrer ses dynamiques inflationnistes.
    Car il nous faut revenir aux grands principes : pourquoi combattre les effets inflationnistes, si ce n’est pour rendre meilleure la vie de nos concitoyens ? Tel est le sens et la finalité de l’action politique.
    La justice sociale doit nous pousser à orienter les aides publiques prioritairement vers le logement social. Or, sur cette question du logement social, l’idée que chacun se fait de la société est essentielle. La nôtre repose sur la notion de coopération et sur l’impératif absolu que chacune et chacun puisse disposer d’un logement digne. Il s’agit là de la seule priorité qui vaille, et les dispositifs fiscaux qui ont successivement été mis en place, dont la dernière mouture est la niche Pinel, ne correspondent en aucune façon à cette noble idée.
    Pour notre part, nous nous y référons avec constance et souhaitons qu’elle guide les politiques publiques. Que nous puissions continuer à gaspiller autant d’argent dans ces niches alors que nos concitoyens sont si nombreux à ne pas disposer d’un logement digne et sain est incroyable ! D’autant plus que le déficit de logements sur ces trente dernières années s’élève à un million de logements, et que les subventions directes de l’État en faveur du logement social ont été divisées par six entre 1999 et 2015 et par trois depuis 2010.

    Mme Caroline Fiat

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    Elle a raison !

    Mme Mathilde Panot

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    Monsieur le ministre, plutôt que « Tout pour les riches propriétaires » ou « Tous propriétaires », notre mot d’ordre doit être : « Soyons tous logés ». (Mme Caroline Fiat applaudit.) Car, ainsi que le déclarait il y a quelques années le collectif Jeudi noir, qui luttait pour l’accès au logement des jeunes, « Pour pouvoir rêver, il faut savoir où dormir. » (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Je ne vais pas lire l’intervention que j’avais préparée mais m’efforcer d’aller à l’essentiel en vous faisant part de mes convictions sur la fiscalité dans le domaine du logement, dont nous sommes invités à débattre, et particulièrement sur l’utilité des niches fiscales.
    La première de ces convictions est que la crise du logement est, dans notre pays, essentiellement une crise du logement abordable, car trop peu de logements sont construits et se loger est trop cher. Nous avons déjà parlé de la crise du logement lors de l’examen de la loi ELAN, mais je ne suis pas certain que nous l’ayons alors correctement analysée.
    Depuis la crise des gilets jaunes, il est beaucoup question du pouvoir d’achat. Or les charges fixes qui ont le plus amputé le pouvoir d’achat des ménages concernent précisément le logement. Les chiffres que vient de publier l’INSEE sont à cet égard éloquents : alors qu’au début des années 1960 la part du logement dans le budget des ménages était de 10 %, elle est aujourd’hui de 25 % en moyenne. Et elle est beaucoup plus importante dans le budget des ménages les plus modestes, ce qui ampute d’autant leur pouvoir d’achat.
    La crise du logement dans notre pays étant avant tout une crise du logement abordable, il faut que nos aides et nos moyens soient mobilisés pour produire plus de logements conventionnés et de logements HLM, compte tenu de ce que plus de 70 % des Français peuvent prétendre à ce type de logement.
    Ni la loi de finances, ni la loi ELAN n’ont fait du logement abordable une priorité : je le regrette, et je continuerai à promouvoir dans ce domaine d’autres choix politiques que ceux qui ont été faits.
    Le présent débat porte sur la fiscalité dans le domaine du logement. J’évoquerai d’abord rapidement – j’y reviendrai tout à l’heure avec une question plus précise – la fiscalité HLM et la confusion entretenue à son sujet, qui consiste à présenter la TVA réduite sur les HLM comme un cadeau fiscal.
    Dans notre pays, la TVA obéit à des règles. Elle est de 5 % pour les produits de première nécessité, de 10 % pour ceux de consommation courante, et de 20 % pour ceux de consommation accessoire. La question qui se pose est donc celle de la façon dont nous considérons le logement. Avoir un toit au-dessus de la tête peut être considéré comme un bien de première nécessité. Qui prétendrait le contraire ?
    Le débat sur la TVA ne peut donc se poser en termes de cadeau ou de subvention déguisée. Et le régime de TVA des HLM correspond à ce qu’est le logement : s’agissant de la résidence principale, un produit de première nécessité.

    M. Thibault Bazin

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    Il a raison !

    M. Stéphane Peu

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    Par ailleurs, il est clair que la fiscalité du logement marche sur la tête depuis de nombreuses années. Je ne mets pas en cause votre gouvernement mais, un peu, le précédent, et surtout les deux gouvernements antérieurs qui ont infusé une sorte de drogue dans le domaine du logement avec les différents dispositifs de défiscalisation portant le nom d’un ministre.
    Cette drogue a d’abord ébranlé le secteur de la promotion immobilière, qui est devenu « addict » à l’argent public. Entre, d’un côté, la VEFA – vente en l’état futur d’achèvement – HLM et, de l’autre, les défiscalisations Pinel, les promoteurs immobiliers vivent de l’argent public. Ils investissent peu dans la recherche et le développement et se sont éloignés de leur cœur de métier, qui était de fabriquer du logement pour le vendre à des particuliers. Par conséquent, ils ne font plus très bien leur métier, ce qui constitue un risque pour la profession.
    Ainsi qu’il a été dit, ce sont les multipropriétaires investissant dans le logement, c’est-à-dire les 10 % les plus riches de nos concitoyens, qui bénéficient massivement de ces aides fiscales. Ils pesaient 400 millions dans le budget de la nation il y a dix ans, et pèsent aujourd’hui plus de 1,8 milliard ! Il est absolument déraisonnable de dépenser autant d’argent pour aider ceux qui ont beaucoup, alors que nous en consacrons si peu à aider les plus modestes ! On marche sur la tête, et qui pis est pour des résultats médiocres !
    Si nous devons user du levier fiscal dans le domaine du logement – je laisse de côté ce qu’il conviendrait de faire pour le logement HLM et le logement conventionné –, alors aidons les primo-accédants à la propriété. Faisons en sorte que ceux qui ne sont pas propriétaires et souhaitent le devenir soient aidés. (MM. Thibault Bazin et LaurentFurst applaudissent.) Mais arrêtons d’aider ceux qui sont déjà propriétaires à devenir multipropriétaires ! Ce n’est pas juste politiquement, et ce n’est pas ainsi que l’argent public de notre pays doit être dépensé.
    Faisons des prêts à taux zéro et mettons en place une TVA à 5 % pour les primo-accédants. Poursuivons la politique menée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais aidons les primo-accédants, au lieu de permettre aux multipropriétaires d’acquérir encore des logements et de nourrir les statistiques de Thomas Piketty selon lesquelles, dans notre pays, les inégalités sont non seulement des inégalités de revenu mais aussi, et de plus en plus, des inégalités de patrimoine entre ceux dont le patrimoine est extrêmement fourni et ceux qui n’en ont pas du tout ou qui possèdent uniquement leur résidence principale.

    M. Thibault Bazin et M. Laurent Furst

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    Très bien !

    M. Stéphane Peu

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    Je vous ai exposé ce que serait une politique plus juste dans le domaine du logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et FI.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sylvia Pinel.

    Mme Sylvia Pinel

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    Le débat proposé par nos collègues du groupe MODEM porte sur un sujet passionnant qui est aussi un sujet de vie quotidienne majeur. La nécessité de la mise en œuvre d’une politique du logement répond à l’incapacité des seuls mécanismes du marché à permettre à nos compatriotes de se loger selon leurs souhaits.
    Contrairement à certains de mes prédécesseurs à cette tribune, je m’efforcerai de donner une image plus juste de ce sujet qui, vous le savez, monsieur le ministre, est très complexe, en sorte qu’on ne saurait être, d’un côté, tout blanc et, de l’autre, tout noir.
    En effet, quand on parle de logement, on parle d’accès au logement, de parcours résidentiel, d’accès à la propriété et d’amélioration de l’habitat – autant de projets de vie que notre politique du logement doit accompagner dans leur globalité et sur tous les segments du marché.
    Nous sommes invités à débattre des dépenses fiscales dirigées vers le logement social, l’accession à la propriété et l’investissement locatif, qui constituent des leviers pouvant être actionnés dans le cadre de notre politique du logement.
    Le temps de ce débat ne permettra pas d’aborder toutes ces dimensions. Je me bornerai donc à mettre en lumière les principales interrogations qu’a fait naître, monsieur le ministre, la politique que le Gouvernement a conduite ces derniers mois.
    Sortant un peu du cadre défini, je veux aussi rappeler le rôle que jouent les APL pour la réduction des inégalités et l’accès au logement dans des conditions décentes et à un taux d’effort supportable. Et il m’est difficile de ne pas évoquer les difficultés que rencontrent les bailleurs sociaux depuis l’adoption de certaines lois de finances.
    Par ailleurs, si certaines dispositions de la loi ELAN nous satisfont – je pense notamment à votre combat pour mieux encadrer les recours contentieux abusifs ou à votre volonté d’éradiquer l’habitat indigne – nous regrettons que ce texte ait assoupli la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain – SRU –, affectant ainsi la mixité, qui est la pierre angulaire de notre cohésion sociale.
    L’examen de ce texte et celui des projets de lois de finances nous ont amenés à nous interroger sur la politique du logement conduite par le Gouvernement. Les décisions que vous avez prises en matière d’accès à la propriété en divisant de moitié le montant des prêts à taux zéro dans les villes moyennes et en zone rurale…

    M. Thibault Bazin

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    Tout à fait !

    Mme Sylvia Pinel

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    …et en supprimant quasiment l’APL accession ont eu des conséquences négatives sur l’ensemble de la filière ainsi que pour l’accès au logement.
    Le plan de relance de la précédente législature produisait déjà ses effets ; mais c’est dans une logique d’économies budgétaires – et en n’évoquant que rarement les recettes liées au logement, qui sont de 74 milliards d’euros – que le Gouvernement a réduit les aides fiscales alors que le marché n’était pas encore stabilisé, et dans un contexte de faible croissance.

    M. Thibault Bazin

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    Vous avez brisé l’élan !

    Mme Sylvia Pinel

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    Cette politique du logement se traduit par un ralentissement tangible du secteur qui entre dans une zone d’incertitudes. En 2018, le nombre de permis de construire et celui des mises en chantier ont reculé respectivement de 7,2 % et de 7 %, ce recul touchant principalement l’investissement des particuliers et celui des organismes HLM.
    Ce choix politique ne va pas dans le bon sens, que ce soit en termes d’accès au logement ou de croissance et d’emploi dans nos territoires. Je rappellerai en effet qu’un logement construit permet de créer deux emplois.
    Il n’existe pas un marché unique du logement mais des situations très disparates selon les territoires, qui exigent des réponses adaptées.
    La situation actuelle nécessite plusieurs inflexions. Il conviendrait d’abord de restaurer l’APL accession qui rendait solvables les ménages modestes et les aidait à acquérir leur logement.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Très bien ! Quelle erreur de l’avoir supprimée !

    Mme Sylvia Pinel

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    La seconde mesure indispensable est l’élargissement du PTZ dans l’ancien et dans le neuf, afin de revenir à la quotité et au zonage.
    Enfin, une révision du zonage permettant de mieux cibler les dispositifs d’investissement locatif en fonction de la tension du marché et de ses potentialités est également nécessaire. Il me semble, monsieur le ministre, que vous avez pris des engagements en la matière : j’espère que vous les évoquerez lors de ce débat.
    Je terminerai en vous faisant part de mes réserves concernant le dispositif dit Denormandie qui risque d’inciter les propriétaires et les investisseurs à faire des rénovations dans les zones ou la demande locative est faible. Je voudrais savoir, monsieur le ministre, comment vous comptez éviter cet effet pervers et les effets d’aubaine qui pourraient en découler. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mickaël Nogal.

    M. Mickaël Nogal

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    À l’heure où les effets des politiques publiques sont largement débattus et où la question du pouvoir d’achat occupe une place centrale, je suis ravi que nous ayons ce débat sur notre action pour le logement, qui vise à ce que chacun puisse se loger.
    Avant toute chose, je rappellerai un constat que nous faisons tous : alors que le budget de la politique du logement dépasse les 40 milliards d’euros, la France compte aujourd’hui près de 4 millions de mal-logés. Force est de constater que nous pouvons faire mieux, que nous devons faire mieux. Nous nous y efforçons en faisant preuve d’ambition et en adoptant de nouveaux outils et de nouvelles logiques, au plus proche des besoins réels.
    Le simple effet de la croissance démographique, s’ajoutant au manque structurel de logements en France, rend absolument nécessaire d’encourager la construction.
    Or nous savons que, pour construire, il faut avant tout, très concrètement, que du foncier soit disponible. C’est ce qui manque souvent à nos communes, et cette tension favorise la hausse des prix spectaculaire que nous avons observée ces dix dernières années. C’est la raison pour laquelle nous avons créé un abattement fiscal sur les plus-values résultant de la vente d’un bien foncier dans les zones tendues. Son montant varie en fonction de la destination du bien : 85 % quand celui-ci est destiné à la construction de logements sociaux, 70 % pour du logement libre.
    Nous avons montré, en outre, notre volonté d’encourager la construction de nouveaux logements, en décidant, dès 2017, de prolonger pour quatre ans le dispositif Pinel. Prévoyant une réduction d’impôt sur le revenu, il favorise véritablement l’investissement locatif intermédiaire. Nous avons fait en sorte qu’il s’applique en priorité aux zones les plus tendues, sur lesquelles nous devons concentrer encore plus notre politique.
    En effet, s’il est évident qu’il faut construire, il nous faut construire intelligemment. C’est pourquoi il est crucial, notamment pour l’efficacité de nos politiques publiques, de revenir sur la question du zonage.
    Prenons l’exemple de la métropole toulousaine : ses trente-sept communes présentent des réalités bien différentes, et une tension très variable du marché du logement. Je pourrais évidemment citer de nombreux autres exemples qui illustreraient l’incohérence et les effets pervers que peut engendrer le zonage actuel.
    Je sais, monsieur le ministre, que vous vous êtes engagé à travailler sur le sujet, mais il est nécessaire, je crois, de rappeler l’importance du travail que nous devons mener ensemble. Et surtout, surtout, de penser à la cohésion des territoires avant de penser à la fiscalité : si la fiscalité est bien un outil, elle ne doit pas être une fin en soi.
    On le comprend donc, la distinction entre les zones tendues et celles qui ne le sont pas est essentielle. Dans ces dernières, il ne suffit évidemment pas de construire des logements neufs, il faut également réhabiliter les logements existants, en rénovant le bâti. Cela doit aussi constituer un axe central de notre politique du logement : rénover plus.
    C’est ainsi tout l’objet du dispositif dit Denormandie pour les logements anciens, dans les territoires visés par le plan Action cœur de ville. Nous l’avons voté cette année et, je tiens à le dire, ce dispositif est salué par tous les acteurs du logement – je les rencontre régulièrement.
    Rénover, c’est également un moyen de permettre aux plus fragiles d’accéder au logement. C’est la raison pour laquelle nous avons encouragé aussi le dispositif dit Louer abordable, afin d’inciter les propriétaires à remettre leurs biens en location, après travaux, et de mobiliser le parc privé à des fins sociales.
    Rénover plus, c’est évidemment investir dans la qualité future de nos logements, mais c’est surtout une ambition qui concilie nos objectifs en matière de transition écologique et le soutien au pouvoir d’achat.
    Nous comptons aujourd’hui 7 millions de logements mal isolés, et 2,8 millions de ménages en situation de précarité énergétique. « La meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas » : cette maxime vaut pour la préservation de notre environnement, mais également pour la facture énergétique de nos concitoyens et pour leur qualité de vie.
    C’est le sens du CITE et celui du financement que nous apportons à l’ANAH, acteur majeur dans ce domaine, qui a permis en 2018 la rénovation de 94 081 logements.
    Favoriser la libération du foncier et la construction dans les zones les plus tendues, réhabiliter l’existant dans les territoires moins dynamiques, soutenir la rénovation énergétique partout où cela est nécessaire : voilà, je crois, des axes majeurs de notre politique du logement. Combinés et appliqués au plus près de nos territoires, dont les besoins diffèrent, ils permettront de mener une politique efficace d’accès au logement pour chacun.
    Ces axes, nous devons les approfondir, et peut-être pourrons-nous réfléchir à la simplification de l’accès à ces différents dispositifs fiscaux, afin de permettre à chacun d’en bénéficier au mieux. (M. Pascal Lavergne et M. Vincent Bru applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Le thème de ce débat nous interroge. Par cette inscription, la majorité veut-elle, avec le MODEM, nourrir le discours stigmatisant des pouvoirs publics sur la fiscalité immobilière ? Ce ne serait pas étonnant, puisqu’Emmanuel Macron répète à l’envie que l’immobilier coûte trop cher à l’État et crée peu d’emplois.
    Contrairement aux idées reçues, l’immobilier est pourtant rentable pour l’administration fiscale. Les différents dispositifs en faveur de l’aide au logement ont coûté 41 milliards d’euros aux finances publiques en 2017 ; mais, dans le même temps, les différentes taxes ont apporté à l’État 74 milliards, soit 32 milliards d’excédents.
    Ou bien la majorité veut-elle enfin reconnaître, par ce débat, les effets néfastes de la réduction dramatique des aides qu’elle a imposée au secteur du logement au début de ce quinquennat ?
    Les effets qu’induit la concentration des aides dans les zones très denses sont clairs : baisse de l’offre, hausse des prix, baisse de la production de logements. Au cours du seul dernier trimestre, le nombre de nouvelles constructions a baissé de 20 %.
    L’année 2018 a connu des baisses inquiétantes : moins 7 % pour les mises en chantier, moins 7 % aussi pour les permis de construire, moins 15 % pour les maisons.
    Sous votre gouvernement, la France est retombée sous le seuil des 400 000 logements. En 2019, la tendance à la baisse persiste, et votre gouvernement en est en partie responsable.
    L’avenir inquiète. En parlant de dizaines de niches fiscales dans l’immobilier, on pourrait faire croire que ce sont des citoyens très riches qui en bénéficient. En réalité, ceux qui sont assez riches fuient l’immobilier.
    Considérons les niches fiscales, en commençant par les plus coûteuses pour les finances de l’État. Les premières sont en réalité celles destinées à soutenir les Français qui veulent rénover leur logement et réduire leur précarité énergétique. Elles représentent près de 4,3 milliards d’euros au titre de la réduction de la TVA à 10 % et 5,5 %.
    Le deuxième groupe de ces dépenses fiscales vise à soutenir le logement aidé, en réduisant la TVA sur certaines opérations et en exonérant certains promoteurs de l’impôt sur les sociétés, pour un coût proche de 3,6 milliards d’euros.
    Le troisième groupe vise à aider les ménages aux revenus modestes à accéder à la propriété par le prêt à taux zéro, pour près d’1,1 milliard d’euros.
    Le quatrième correspond à la réduction d’impôt sur le revenu accordée par les dispositifs Duflot et Pinel, pour un montant de 767 millions d’euros seulement. Ces investissements privés dans la pierre intéressent d’abord la classe moyenne supérieure, car les Français les plus aisés sont assez riches pour investir dans d’autres produits, plus rentables.
    Ces investissements privés favorisent surtout la mixité des statuts dans les immeubles collectifs. Ils sont même indispensables si l’on veut construire des immeubles collectifs et promouvoir une certaine densité de l’habitat, car les accédants à la propriété mettent davantage de temps à se décider, ce qui rend difficile pour les promoteurs d’atteindre des taux minimums de précommercialisation pour lancer ces opérations.
    Les niches fiscales n’abritent pas « des chiens qui aboient », mais sont destinées à des Français qui ont besoin de logements accessibles, peu énergivores.
    La majorité lance ici un faux débat sur le lien entre les aides fiscales et le prix du foncier, d’une part, et la redistributivité du système fiscal d’autre part.
    Faisons preuve de lucidité, en écartant les idées préconçues. La part consacrée au foncier est négligeable dans les zones où l’aide fiscale est indispensable pour soutenir la solvabilité des ménages candidats à l’accession. Ainsi, le foncier représente moins de 10 % en zone B1 à Vandœuvre-lès-Nancy, dans le périmètre éligible à la TVA réduite, à proximité d’un quartier prioritaire de la ville. Au contraire, le foncier peut représenter près des deux tiers d’un bien à Paris, et l’aide fiscale plafonnée représente 20 % de ce coût du foncier. Elle ne peut donc pas être tenue pour responsable de l’augmentation des prix. On peut même se demander si elle constitue une aide efficace.
    Les questions que nous devons nous poser pour déterminer notre politique budgétaire et fiscale en matière d’aides dans le secteur du logement doivent conduire à préciser qui doit en bénéficier, et dans quels territoires.
    Par la quasi suppression de l’APL accession et la division par deux de la quotité finançable par le prêt à taux zéro pour plus de 90 % du territoire français, votre politique a supprimé ou limité les aides fiscales destinées à ceux qui, sans elles, se voient contraints d’abandonner leur projet. Le résultat est immédiat : moins de constructions.
    Il faudrait au contraire assumer une politique volontariste de soutien à l’accession à la propriété là où le foncier ne coûte pas cher.
    Ces niches fiscales se justifient d’autant plus qu’elles sont efficaces et qu’elles suscitent de l’activité qui n’existerait pas sans elles. Cette activité engendre elle-même des recettes fiscales.
    La fiscalité immobilière a un gros défaut : elle change tout le temps. Or les investisseurs ont besoin de stabilité, de lisibilité. Nous attendons toujours, monsieur le ministre, des précisions sur les opérations de revitalisation du territoire – ORT –, afin de pouvoir bénéficier du dispositif Denormandie pour le logement ancien. Qui pourra les signer ?
    Le climat est peu favorable à l’investissement dans notre pays. Qui peut faire confiance à un gouvernement qui ne sait pas lui-même où il va ? Il en résulte inéluctablement un attentisme certain, particulièrement dans l’immobilier. Les chiffres le montrent : la construction baisse.
    Il faut dire que ce gouvernement n’aime pas la pierre ou, du moins, n’aime pas les propriétaires. Or la pierre a une vertu fondamentale : elle permet aux personnes de se loger.
    Le prix du logement est déterminant. L’équilibre économique des opérations est de plus en plus difficile à trouver. La capacité d’acquisition ou de rénovation de logements est de plus en plus réduite.
    Je vous invite, monsieur le ministre, à ne pas vous cacher derrière l’unique prétexte des élections municipales à venir pour justifier la baisse de la production de logements.
    Moins de soutien aux candidats à l’accession à la propriété, moins de territoires éligibles aux investissements immobiliers, moins de soutien aux bailleurs sociaux : voilà les trois causes principales de la baisse de production. Il est urgent de changer de politique, et d’offrir à tous les territoires la possibilité d’un développement équitable de logements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Je voudrais remercier mon collègue Fabien Lainé qui m’a demandé d’inverser l’ordre de passage : cela m’a permis d’écouter l’ensemble des interventions. Je pense que nous pouvons nous rejoindre sur des chemins communs, notamment au sujet de la fiscalité.
    Vous évoquiez, monsieur Peu, des régimes de faveur en matière d’investissement pour l’immobilier. Étant un vieux jeune député, je sais qu’ils datent de 1984, avec les dispositifs Quilès et autres ; et je crois que dire que l’investissement immobilier est une espèce de paradis fiscal, ce n’est pas très sérieux. On voit bien, avec l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, les taxes foncières et les droits de mutation, que l’immobilier est particulièrement touché par notre fiscalité, alors qu’il contribue à l’aménagement du territoire et apporte des recettes fiscales aux collectivités.
    Il serait peut-être intéressant de réfléchir à une réforme de l’imposition des plus-values immobilières, afin de libérer du foncier. Ce serait un élément important.
    Le rapport de la Cour des comptes nous alerte sur la pertinence de toutes ces mesures d’aide. Je préfère, pour ma part, tout en appelant évidemment à des correctifs nécessaires, ne pas en prendre une vision purement comptable.
    Le Gouvernement s’attache, par ses projets, à renforcer ce que l’on appelle le cœur des villes moyennes. Ce n’est pas moi, étant donné le territoire d’où je viens, qui m’y opposerai. Pour être petite, ma ville n’en est pas moins importante.
    Il me paraît ainsi essentiel de ne pas se priver de dispositifs fiscaux qui dirigent l’épargne vers l’économie réelle. J’insiste bien sur l’économie réelle, au sujet de laquelle j’ai eu souvent l’occasion de m’exprimer : il n’y a pas que les start-up. Je considère, pour ma part, que l’économie réelle, c’est l’investissement immobilier, qui est créateur d’emplois et de valeur.
    On s’expose toujours, dès lors que l’on pose des critères de seuil ou de zonage, au risque d’exclure des territoires qui auraient besoin d’attirer des investisseurs. Des effets pervers, liés aux modifications fiscales, peuvent survenir : ainsi, il ne faudrait pas que le recentrage du dispositif Pinel dans le périmètre couvert par le dispositif Denormandie, pour les territoires Action cœur de ville ou ceux couverts par des ORT ne détourne les flux d’épargne vers des réhabilitations au détriment des programmes neufs. Nos territoires ont besoin de ces deux éléments.
    Je m’accorde avec vous, monsieur Peu, sur la nécessité d’une réflexion sur la TVA à taux réduit pour certains investissements. Mais, à mon avis, tout est compatible : l’investissement des particuliers et celui des institutions, qui doivent procéder parallèlement.
    Les chiffres sont parlants : ces aides ont contribué à dynamiser le secteur immobilier, porteur d’emplois. La part de la construction dans le PIB était de 10,8 % en 2017, contre moins de 10 % aujourd’hui pour les ventes de logements neufs, et moins de 7,3 % pour les ventes entre particuliers. L’investissement des ménages fléchit à 2 % au lieu de 5,7 % en 2017. Cela doit susciter notre vigilance.
    J’aimerais, monsieur le ministre, vous soumettre l’idée de développer davantage votre dispositif dans les villes moyennes, et appeler votre attention sur les risques que représente l’instabilité fiscale, lorsque ces dispositifs sont supprimés ou fortement modifiés, comme ce fut le cas du Pinel.
    Il faut, je le répète, réfléchir à une réforme de la fiscalité sur les plus-values immobilières et les revenus fonciers. Je vous rappelle que ceux-ci supportent à la fois des contributions sociales et l’impôt sur le revenu : ils ne bénéficient pas de la flat tax.
    Il convient donc, à moyen terme, de mesurer la pertinence de ces orientations de l’épargne dans le secteur immobilier, parce que c’est un secteur porteur d’emplois, et qui n’est pas délocalisable.
    La Cour des comptes préconise, enfin, de renforcer la place des investisseurs institutionnels dans la construction et la location de logements privés. Mais une telle orientation ne saurait, selon moi, remplacer l’incitation à investir dans la pierre que représentent les dispositifs d’aide fiscale destinés aux particuliers. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?  
    Voilà mon souhait, monsieur le ministre : j’aimerais que l’on ne se contente pas d’investir dans certaines zones, que l’on ne se contente pas de réhabiliter l’ancien, mais que l’on agisse dans le neuf aussi, que l’on préserve enfin – peut-être en corrigeant des aubaines qui peuvent exister – l’investissement des particuliers. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM. – M Jean-Louis Bricout applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

    M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement

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    Je commencerai par remercier la représentation nationale pour l’organisation de ce débat consacré aux effets des aides fiscales dans le secteur du logement sur l’évolution des prix du foncier et sur la redistributivité du système fiscal. Ce pourrait être un sujet très technique ; c’est au contraire, à mon sens, une vraie question politique, au sens le plus noble du terme : c’est la question de l’action de l’État en faveur du logement de l’ensemble des Français, élément aujourd’hui ô combien important. La crise des « gilets jaunes » le montre.
    Pourquoi les contributions au grand débat ne portent-elles pas plus souvent sur le logement ? On me le demande à longueur de journée. Mon expérience – j’ai participé à un grand nombre de débats –, c’est que cela dépend des territoires : la question du logement est parfois mise en avant de manière très forte, par exemple dans les quartiers prioritaires de la ville. Plus profondément, ma conviction, c’est que le logement est en réalité au centre du grand débat, mais sous d’autres formes, notamment celle de la mobilité. C’est souvent par ce dernier truchement que nos concitoyens abordent la question du logement qui, comme l’a dit M. Peu, peut aujourd’hui représenter plus de la moitié de leur budget mensuel. C’est sous cet angle que beaucoup expriment leur sentiment d’être empêchés – empêchés, par exemple d’accéder à un travail parce qu’il n’y a pas de logement accessible à proximité.
    Cette question est donc au cœur de la vie des Français ; mais elle représente aussi – c’est le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », dont nous débattons cet après-midi – l’un des postes budgétaires et fiscaux les plus importants de l’État. Il faudrait, au demeurant, élargir la question, au-delà de la fiscalité et du budget de l’État, à l’ensemble du financement du logement – par les collectivités locales, principales contributrices notamment au financement du logement social, que ce soit en apportant leur garantie ou en apportant des financements directs, mais aussi par les bailleurs sociaux, par Action logement ou encore par la Caisse des dépôts et consignations.
    Je voudrais vous faire part de plusieurs convictions.
    La première, c’est que la question qui nous réunit et à laquelle nous devons répondre, c’est celle d’un logement trop cher et parfois de trop mauvaise qualité. Comment fournir à tous un logement abordable, de bonne qualité, et qui n’empêche pas nos concitoyens ?
    Les différentes interventions montrent à quel point la réponse n’est pas simple à trouver. M. Carvounas est parti, mais il nous appelait à ne pas supprimer les aides fiscales tout en soulignant que ces dernières étaient bien trop nombreuses. Monsieur Peu, vous estimez que les aides fiscales vont trop souvent aux personnes aisées ; monsieur Bazin, vous soulignez à juste titre que les niches fiscales concernent d’abord les propriétaires modestes et les locataires.

    M. Stéphane Peu

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    Non, M. Bazin se trompe !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je ne cesse pas pour ma part de le dire : les propriétaires appartiennent en majorité à la classe moyenne ou à la classe moyenne inférieure. Ce ne sont pas tous des nantis, il faut absolument le dire, comme il faut dire que les locataires ne cherchent pas tous à dégrader leur logement ! La réconciliation des propriétaires et des locataires est, vous le savez, un sujet qui m’est cher.
    Ma deuxième conviction, c’est que l’ensemble de ces dispositifs doivent avoir un effet positif tant sur l’économie de notre pays que sur les revenus des ménages ; ils doivent permettre de produire du logement abordable, et donc provoquer une redistribution. Mais ils doivent aussi soutenir les objectifs du Gouvernement en matière d’accession, de production de logement social, d’accompagnement de différentes populations précises – propriétaires bailleurs ou propriétaires occupants par exemple.
    Plusieurs intervenants – je pense en particulier à M. Mattei – ont insisté sur la nécessité de lisibilité et de visibilité de ces dispositifs pour les opérateurs. C’est un point auquel je suis profondément attaché. Lorsque nous avions discuté, au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, des dispositifs PTZ et Pinel, mais je m’étais engagé devant vous à ne plus y toucher par la suite, si ce n’est pour les prolonger. Nous n’y sommes d’ailleurs pas revenus cette année.
    J’en viens au foncier. Cette majorité, souvenez-vous-en, a voté dans la loi de finances pour 2018 une modification profonde de la fiscalité du foncier. Jusqu’à présent, plus vous attendiez pour céder un terrain, moins la fiscalité sur la plus-value immobilière était importante ; si vous attendiez vingt-deux ans, vous ne payiez plus rien. Il s’agissait de lutter contre la spéculation, mais en réalité on figeait ainsi la vente de terrain. C’est là un bon exemple des effets, favorables et néfastes, de la fiscalité, qui parfois se fixe un objectif et choisit ses moyens en oubliant les conséquences pernicieuses qui peuvent en résulter. Afin de libérer le foncier, nous avons inversé ce mécanisme : vous avez adopté une disposition qui prévoit un abattement pouvant atteindre 80 % à condition de céder les terrains d’ici à la fin de l’année 2020. J’appelle tous les propriétaires de terrains à se saisir de cette occasion !
    Je regrette que, comme trop souvent, les députés du groupe France insoumise aient pris la parole mais ne soient plus là pour écouter la réponse du Gouvernement. Pour une fois, pourtant, j’étais d’accord avec Mme Mathilde Panot, en tout cas lorsqu’elle a évoqué les offices fonciers solidaires – OFS. C’est d’ailleurs un sujet avec lequel nous travaillons beaucoup notamment avec vous, monsieur Lagleize : ce sont, j’en suis viscéralement convaincu, des outils tout à fait adaptés pour figer les prix du foncier et mettre fin à la dérive des prix, qui est l’un des principaux fléaux contre lesquels nous devons lutter aujourd’hui.
    Je voudrais enfin souligner que, pour évaluer correctement les politiques publiques, il faut disposer de données fiables. C’est l’un de vos grands combats, monsieur Jolivet ; nous en avions discuté lors du « printemps de l’évaluation ».  Les données fiscales doivent nous permettre de mieux piloter la politique du logement. Nous avons beaucoup avancé ; depuis mon arrivée au ministère, nous avons travaillé avec Bercy, et nous venons de récupérer un ensemble important de données, que nous mettrons à votre disposition.
    Plusieurs d’entre vous ont cité les différents rapports écrits sur le logement : celui de la Cour des comptes, mais aussi d’autres, l’un, terminé, sur le PTZ et le Pinel, ou d’autres en cours – deux seront remis à l’automne prochain.
    Ma troisième conviction, c’est que le Gouvernement et la majorité doivent continuer leur effort pour améliorer les dispositifs d’accompagnement. M. Nogal l’a bien dit. Nous devons d’abord nous soucier de stabilité. J’entends les critiques adressées à ce Gouvernement sur les dispositifs PTZ et Pinel. Mais souvenons-nous d’une chose : lorsque je suis nommé au Gouvernement, les dispositifs PTZ et Pinel s’arrêtent à la fin de l’année 2017. (Murmuressur les bancs du groupe LT.) Ils n’avaient pas été reconduits, madame Pinel, vous le savez.

    M. Stéphane Peu

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    Justement, il ne fallait pas les reconduire !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Pendant l’année 2017, les promoteurs et les opérateurs ne savaient que faire : ces mesures seraient-elles prolongées ? La stabilité et la visibilité constituent un enjeu majeur. Voilà pourquoi nous avons fait le choix dans la loi de finances pour 2018 d’un prolongement, pour l’essentiel, sur quatre ans.
    Il faut aussi accompagner les publics, mais aussi les territoires, en fonction de leurs spécificités.
    J’aimerais aussi profiter de ma présence à cette tribune pour répondre à quelques-unes des questions qui ont été posées.
    Monsieur Peu, vous avez entièrement raison : notre objectif, ce doit être de rendre le logement abordable. Nous pourrons revenir sur les chiffres de production de logements sociaux : nous en sommes à environ 109 000 agréments en 2018, contre 113 000 en 2017. Pour les logements PLAI – financés par un prêt locatif aidé d’intégration –, nous atteignons presque 33 000 agréments – un record, même si, j’en conviens, ce n’est pas suffisant, puisque notre objectif est de 40 000 logements PLAI par an. C’est bien supérieur à ce qui s’est fait les années précédentes. Je dis cela pour témoigner de notre volonté de produire des logements abordables.
    Nous avons également considérablement accru les « PLAI adaptés », que vous connaissez bien, et qui offrent de surcroît un accompagnement.
    Madame Pinel, je voudrais également insister sur le nouveau dispositif fiscal dit « Denormandie dans l’ancien ». Afin d’éviter tout effet d’aubaine, afin surtout d’éviter que les investisseurs ne trouvent pas de locataires par la suite – ce qui peut arriver, vous le savez –, nous avons fait le choix de partir des territoires : sont éligibles les 222 villes intégrées au dispositif « Cœur de ville », mais aussi notamment toutes les villes éligibles à l’opération de revitalisation du territoire.
    Monsieur Bazin, la circulaire relative à l’ORT a été publiée le 4 février dernier. Je ferai en sorte que tous les députés la reçoivent – je vous prie de bien vouloir m’excuser si vous ne l’avez pas encore. Elle décrit très simplement comment un élu local peut mettre en place une opération de revitalisation du territoire. Le dispositif fiscal s’applique alors de manière automatique.
    Cela répond à l’excellent discours de M. Thierry Benoit, qui insistait sur la nécessité de territorialiser les aides fiscales.

    M. Mickaël Nogal

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    Excellent !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    C’est là un débat très important, j’en suis convaincu. C’est aussi l’un des principaux cauchemars des ministres successifs du logement – je suis sûr que Mme Pinel en sera d’accord : quand vous arrivez, vous trouvez sur votre bureau la carte d’une France divisée en cinq zones, A, A bis, B1, B2 et C. Or les politiques du logement sont les mêmes partout, alors que la place des centres-villes, le développement territorial, le dynamisme d’éventuels pôles économiques… peuvent différer du tout au tout. Je me félicite donc que, pour établir le « Denormandie dans l’ancien », nous soyons partis des projets territoriaux plutôt que du zonage.

    M. Thierry Benoit

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    Très bien !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Bien sûr, au départ, c’est un peu plus compliqué : les élus locaux doivent se saisir de ces outils, en mettant en place des opérations de revitalisation du territoire. Mais, à la fin, les dispositifs s’adaptent au territoire, plutôt que l’inverse. C’est bien mieux ainsi, comme l’a bien dit M. Benoit.
    Plusieurs intervenants ont enfin évoqué la question des transitions. Le logement, l’aménagement du territoire, l’urbanisme définissent, j’en suis persuadé, notre société. Souhaitons-nous, aujourd’hui et demain, une société inclusive ? Voulons-nous de la mixité sociale ? Voulons-nous que notre société soit à même de faire face aux transitions ?
    Monsieur Benoit, vous évoquiez les jeunes. Il faut appeler un chat un chat : ils sont discriminés dans l’accès au logement. Ce constat nous a conduits à revoir entièrement la garantie Visale, qui figure hors des dispositifs fiscaux ou budgétaires, puisqu’elle est financée par Action Logement. En moins de quarante-huit heures, toute personne de moins de trente ans peut disposer de cette garantie, qui couvre les risques d’impayés de loyer et de dégradation des biens. Autrement dit, dès lors que celle-ci a été souscrite, un propriétaire qui loue son logement à une personne de moins de trente ans ne court aucun risque. En outre, cette garantie est gratuite.
    Par ailleurs, nous voulons construire davantage de résidences pour les jeunes. Dans le droit-fil de ce que le précédent gouvernement, avec beaucoup d’énergie, avait fait pour déployer 40 000 logements étudiants au cours du quinquennat, nous avons pris l’engagement d’en construire 60 000.
    Le troisième élément, très important, concerne les nouveaux usages, notamment la colocation dont il a été beaucoup question lors des débats sur la loi ELAN. Vous aviez alors adopté des amendements pour favoriser les colocations – sans les imposer, naturellement, car elles relèvent d’un choix personnel.
    Nous avons également évoqué la transition énergétique. À ce sujet, je veux vous rapporter une anecdote, qui pourrait être drôle si elle n’était alarmante. Ayant demandé à mes collaborateurs de résumer en une page l’ensemble des dispositifs d’aide dont nos concitoyens peuvent bénéficier pour mener à bien la transformation énergétique de leur appartement, ceux-ci m’ont indiqué au bout de quarante-huit heures que pas moins de quatre pages seraient nécessaires pour résumer la dizaine de dispositifs disponibles,…

    M. Pierre Cordier

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    Ils écrivent gros !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    …d’ailleurs tous aussi importants les uns que les autres, qu’il s’agisse de taux de TVA réduit, de crédit d’impôt ou d’autres formes d’aide fiscale.

    M. Thierry Benoit

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    Il faut les rassembler !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Le drame, c’est que l’État a toujours estimé qu’il revenait au citoyen de s’adapter à cette complexité. Les guichets sont multiples – l’ANAH, l’ADEME, sans compter les services proposés par les collectivités locales.

    M. Thierry Benoit

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    Tout à fait !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    C’est d’ailleurs une des causes de la crise des « gilets jaunes » : l’État oblige nos concitoyens à s’adapter et à rechercher les aides partout où elles se trouvent. En y passant quinze mois, ils parviendront peut-être à obtenir un reste à charge égal à zéro !
    En réalité, c’est à l’État d’intégrer les dispositifs. Il n’est même pas besoin d’un guichet unique : il suffit d’être certain que, quel que soit le service auquel on s’adresse, celui-ci pourra collecter l’ensemble des aides disponibles. C’est ce que nous avons fait, avec François de Rugy, en lançant l’expérimentation des chaudières à 1 euro, à laquelle je crois beaucoup. Qu’il frappe à la porte d’une entreprise ou de l’ANAH, le citoyen est assuré que ces structures s’occuperont de collecter la prime liée aux certificats d’économies d’énergie – CEE –, de faire bénéficier du CITE ou des aides destinées à l’amélioration de l’habitat, prenant ainsi à leur charge la complexité du système que nous avons créé. Pour nos concitoyens, la démarche est donc entièrement transparente.
    J’ai été marqué par la visite que j’ai faite de l’appartement d’un ménage très modeste, situé dans le nord de la France, et dont la transformation énergétique avait nécessité pas moins de onze opérateurs pour assurer un reste à charge égal à zéro. Une telle situation ne peut perdurer. C’est pourquoi, avec François de Rugy, nous voulons engager une transformation dans ce domaine. Nous avons notamment créé le réseau FAIRE – faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique –, dont les conseillers peuvent être joints au 0808 800 700, afin d’offrir un accompagnement en matière de rénovation énergétique.
    Enfin, monsieur Peu, si la TVA a été augmentée dans le logement soci