Première séance du vendredi 26 octobre 2018
- Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard
- 1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (suite)
- Troisième partie (suite)
- Article 19
- M. Jean-Pierre Door
- Mme Valérie Rabault
- M. Meyer Habib
- M. Gilles Lurton
- M. Alain Ramadier
- M. Pierre Dharréville
- M. Thibault Bazin
- M. Francis Vercamer
- M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
- Amendements nos 1272 et 1345
- M. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales
- Amendements nos 203, 1143, 1260, 1261, 1307, 1308, 564, 782, 191, 373, 1487 rectifié, 1309, 1315, 1318 et 1317, 1316, 1319, 1310, 1312, 1321
- Après l’article 19
- Amendement no 204
- Article 20
- Après l’article 20
- Amendements nos 1334 et 869
- Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
- Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
- Amendements nos 1330, 1256 et 65
- Mme la présidente
- Article 21
- Après l’article 21
- Amendement no 225
- Article 22 et annexe C
- Amendement no 623
- Article 23
- Articles 24 et 25
- Article 26 et annexe B
- Article 19
- Vote sur l’ensemble de la troisième partie
- Quatrième partie
- Article 27
- Mme Annie Vidal
- Mme Danièle Obono
- M. François Jolivet
- M. Gilles Lurton
- M. Pierre Dharréville
- Mme Caroline Fiat
- Amendements nos 205, 1273, 128, 355, 475, 711, 1000, 1289, 1121, 342, 366, 603, 712, 1116, 1132, 1293, 1609 rectifié (sous-amendement), 353, 491, 1134, 1133, 1150, 999, 354, 492, 635, 521, 346, 309, 367, 1008, 1152, 1194, 370, 130, 368, 477, 708, 1002, 1153 et 1608 (sous-amendement)
- Après l’article 27
- Amendement no 217
- Article 28
- M. Jean-Pierre Door
- Mme Martine Wonner
- Mme Caroline Fiat
- M. Joël Aviragnet
- M. Gilles Lurton
- M. Brahim Hammouche
- Amendements nos 109, 578, 777, 1155, 1197, 1522, 1435, 493, 604, 776, 879, 1436 et 1438
- Article 27
- Troisième partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (suite)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (nos 1297, 1336, 1309).
Troisième partie (suite)
Mme la présidente
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la troisième partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 19.
Article 19
Mme la présidente
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 19.
La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door
Madame la présidente, madame la ministre de la santé et des solidarités, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, nous voilà réunis pour une quatrième journée de débats et je ne sais pas jusqu’à quelle heure – vous non plus, je suppose.
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
Cela va beaucoup dépendre de vous !
M. Jean-Pierre Door
Les articles 19 et 20, qui portent sur les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, proposent d’autoriser le transfert de recettes entre la sécurité sociale et l’État. Vous engagez là une nouvelle politique qui s’écarte peut-être du pacte social de 1945, fondé sur une administration paritaire, mais nous n’y sommes pas opposés par principe. En effet, nous-mêmes, Les Républicains, proposions en projet de loi de finances la fusion des recettes du PLFSS et du PLF – évolution qui aurait modifié la loi organique de 2005. Vous vous appuyez sur le rapport de MM. Christian Charpy et Julien Dubertret, qui définit les relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Les premières recommandations de ce rapport visent à faire évoluer les principes et les règles de compensation pour les exonérations ciblées. Ainsi, une partie des nouveaux allègements de cotisations ne sera plus compensée à l’avenir par l’État si les excédents se confirment année après année. C’est ni plus ni moins que la fin d’une règle d’or édictée par la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ; vous nous le confirmerez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État. Je voudrais proposer à Mme la présidente de la commission des affaires sociales d’auditionner, dans les semaines qui viennent, au moins M. Charpy sur les conclusions de son rapport qui me semble très important.
Mme la présidente
La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie Rabault
Comme le rapporteur général l’indique dans son rapport, page 162 : « Cet article de neuf pages est le rendez-vous annuel que se donnent le Gouvernement et le Parlement dans le labyrinthe du financement de la sécurité sociale. » Monsieur le rapporteur général, je vous remercie d’avoir utilisé le terme de labyrinthe car c’est bien ce à quoi nous sommes confrontés. Il y a deux ans, nous avions fait un petit schéma résumant les relations entre la sécurité sociale, l’État et les différentes caisses : c’est en effet un vrai labyrinthe et je vous remercie de l’avoir décrit ainsi.
Grosso modo, l’Etat rembourse aujourd’hui à la sécurité sociale 51 milliards d’euros, soit quasiment 10 % des dépenses de l’ensemble des administrations de sécurité sociale. Ce n’est pas un petit montant. Avec l’article 19, vous proposez de faire en sorte que toutes les nouvelles exonérations – le stock des exonérations existantes n’est pas concerné –, décidées au sein des administrations de sécurité sociale, sur ses recettes, ne soient plus compensées par l’Etat. C’est une nouveauté majeure. Au regard de l’histoire de ces 51 milliards d’euros que l’État compense à la sécurité sociale, l’article 19 nous fait plonger dans un univers totalement nouveau.
M. Jean-Pierre Door
Oui !
Mme Valérie Rabault
Il aura forcément des conséquences sur la manière dont les administrations de sécurité sociale assureront leur équilibre. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué à juste titre que les administrations de sécurité sociale ont retrouvé un équilibre, mais cette situation est le fruit des années antérieures. Avec l’article 19, il est fort à parier que cela ne se reproduira plus à l’avenir, sauf si les dépenses de la sécurité sociale sont contraintes à la hauteur des nouvelles exonérations. Nous avons besoin de précisions car cette absence de compensation par l’État nous inquiète beaucoup.
Mme la présidente
La parole est à M. Meyer Habib.
M. Meyer Habib
Madame la ministre, mes chers collègues, je suis un récidiviste, un multirécidiviste : cette année encore, je suis contraint de prendre la parole pour dénoncer le scandale que représentent les prélèvements CSG et CRDS sur les revenus du patrimoine des non-résidents. Ces prélèvements sont injustes, absurdes, contre-productifs et contraires au droit de l’Union européenne. C’est une simple question de bon sens et de cohérence fiscale : en effet, comment 90 % des 3 millions de Français établis hors de France peuvent-ils être taxés pour financer un système de protection sociale dont ils ne bénéficient pas ? On est en train de faire payer le gaz à des gens qui se chauffent à l’électricité ! Je peux vous assurer que sur le terrain, ça gronde : nos compatriotes – des familles, souvent des retraités – ne comprennent pas cette injustice.
« J’ai entrevu un nouveau monde et cela suffit », écrivait Alfred de Musset à George Sand dans sa magnifique correspondance. C’est vrai, ce nouveau monde, les Français de l’étranger l’ont attendu, l’ont espéré : je vous rappelle qu’ils ont été 93 % à voter pour Emmanuel Macron, pour le monde nouveau incarné par le Président de la République. Quelle déception ! L’an passé, votre Gouvernement a utilisé les mêmes rustines que vos prédécesseurs socialistes. J’étais seul, bien seul, à porter la voix des Français de l’étranger. Sur les bancs de la majorité, absents ou gênés, les dix nouveaux députés étaient silencieux, tétanisés. Madame Genetet, vous n’avez pas voté mes amendements ! Puis vous avez rédigé un rapport, commandé par Matignon, et je suis heureux d’y avoir retrouvé – parfois au mot près – certaines formules que je ressasse depuis six ans. Mieux vaut tard que jamais, je n’en tire aucune gloire. Enfin, le 16 octobre, Gérald Darmanin s’est engagé ici, dans l’hémicycle, à prendre des mesures en faveur des non-résidents au sein de l’Union européenne et en Suisse. Mais, mesdames et messieurs les députés, qu’en sera-t-il des autres, qui sont 1,8 million ? Pourquoi ces deux poids et deux mesures ? C’est peut-être même encore plus insupportable. Maintenant, il s’agit de passer aux actes et d’aller au bout de la logique pour en finir avec cette injustice fiscale et cette aberration économique qui fait que plus un seul Français n’a envie d’investir un euro dans son propre pays ! C’est la triste réalité d’aujourd’hui ; c’est elle qui me pousse à présenter, dans quelques minutes, un amendement en ce sens, que je vous remercie de voter.
Mme la présidente
La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton
L’article 19 est lourd de conséquences pour la politique familiale de notre pays et je dirais même qu’il lui porte un coup fatal pour les années à venir. J’ai parfaitement compris, madame la ministre, que vous assumiez pleinement – vous l’avez mentionné dans la discussion générale – de renoncer à la politique familiale de notre pays, à contre-courant des autres pays européens. Je regrette qu’à travers cet article, vous engagiez cette procédure de renoncement pour tout le quinquennat. En effet, la lecture croisée de l’article 19 et de l’annexe B du PLFSS nous montre que la branche famille devient la variable d’ajustement qui permet la progression des dépenses de l’assurance maladie comme de l’assurance vieillesse. Ainsi, entre 2018 et 2021, vous prévoyez d’accroître les dépenses de l’assurance maladie, tous régimes confondus, de 6,8 %, celles de l’assurance vieillesse de 6,8 % et celles de la branche famille de seulement 1,8 %, dans un contexte de redémarrage de l’inflation. Ce faisant, vous condamnez toute initiative en matière de politique familiale.
Cet appauvrissement de la politique familiale se traduit par votre proposition, à l’article 19, d’assécher les recettes de la branche famille, notamment par le transfert du produit de la taxe sur les salaires au profit des branches maladie et vieillesse. Cette mécanique est enclenchée dès 2019, année au cours de laquelle vous prévoyez de ne plus compenser intégralement les pertes de recettes liées à la baisse des cotisations sociales des entreprises pour la branche famille, contrairement aux engagements que vous aviez vous-même pris. Cette disposition marque une rupture historique avec la notion même de branche et surtout avec la spécificité de notre politique familiale. Cette mesure est d’autant plus contestable que – nous vous l’avons dit à plusieurs reprises – les familles ont subi depuis plusieurs années des coupes massives, que la commission des comptes de la sécurité sociale a chiffrées à 1,7 milliard d’euros.
Mme la présidente
La parole est à M. Alain Ramadier.
M. Alain Ramadier
Madame la ministre, cet article modifie les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, CNSA, et je voudrais vous poser deux questions à ce propos. Pouvez-vous nous dire si la modification de ses ressources se fera à budget constant ? Pouvez-vous en conséquence nous donner l’assurance que les montants de financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, APA, et de la prestation de compensation du handicap, PCH, resteront inchangés ? Ces deux questions courtes et précises doivent aider la représentation nationale à faire toute la lumière sur le contenu de ce PLFSS, notamment sur le volet important du secteur médico-social.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
La Constitution en son article 34 prévoit que « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État » et que « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses ». La disposition prévue au deuxième alinéa de l’article 19 de ce projet de loi vise à faire supporter au budget de la sécurité sociale le coût de la réduction des cotisations sociales relative aux heures supplémentaires, décidée par l’État. Par un alinéa dans ce projet de loi, le Gouvernement met donc fin à la règle de la compensation intégrale par l’État du coût des exonérations de cotisations sociales, édictée par la loi du 25 juillet1994 relative à la sécurité sociale. Ce faisant, vous ouvrez la voie à la fongibilité des budgets de l’État et de la sécurité sociale. Vous amorcez ainsi, dans ce PLFSS, la remise en cause de l’autonomie de la Sécu et l’assèchement de ses recettes, au lieu d’en sanctuariser le budget. La sécurité sociale ne peut être la variable d’ajustement du budget de l’Etat ; une telle évolution se répercutera de manière préjudiciable sur le système de santé et le niveau des droits et des prestations sociales.
Nous sommes opposés à toute instrumentalisation de la sécurité sociale, surtout au service de politiques qui ne la concernent pas au premier chef. Il serait bon que le Gouvernement précise ses intentions. Voulez-vous étatiser la protection sociale ? Voulez-vous mettre fin à notre modèle social paritaire ? Toutes les conditions semblent réunies pour placer la sécurité sociale sous la tutelle imposante de l’État – processus qui a commencé pour l’assurance chômage, avec des conséquences directes sur les droits des chômeurs. Il s’agit d’une tout autre logique que celle que nous connaissons aujourd’hui. Pour notre part, nous ne souhaitons pas que la sécurité sociale soit peu à peu réduite à un système d’assistance pour les plus démunis. C’est pourquoi nous nous opposerons à une série de dispositions de cet article.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Si l’on croise l’article 19 et l’annexe B de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, la branche famille apparaît comme la variable d’ajustement permettant la progression des dépenses de l’assurance maladie comme de l’assurance vieillesse. Avec le rabotage de la prestation d’accueil du jeune enfant dès la première année du mandat du président Macron, vous contenez l’évolution des crédits pour la branche famille bien en deçà de l’inflation. C’est une baisse déguisée des moyens consacrés à la politique familiale. Et les rabotages vont se poursuivre avec la sous-indexation des prestations familiales pour les deux prochaines années et la sous-revalorisation programmée des plafonds de ressources. Les familles moyennes vont être de plus en plus nombreuses à être exclues des dispositifs de soutien.
Pourtant l’avenir de la France, ce sont les familles. L’avenir de nos retraites, l’avenir des solidarités intergénérationnelles, ce sont les familles qui le permettront. Madame la ministre, les voyants sont au rouge ; ne citons que la baisse de la natalité. Les difficultés quotidiennes des familles devraient nous alerter : difficultés à se loger et à accéder à la propriété – l’accueil d’enfants est ainsi retardé, on observe un recul constant de l’âge de la première maternité –, difficultés à financer les études des jeunes – les études supérieures peuvent coûter 5 000 à 15 000 euros par an –, difficultés à assurer leur insertion. Des défis ont été identifiés : je pense en particulier au congé maternité pour les femmes agricultrices, qu’il faut améliorer. Avec votre politique, en l’état de ce PLFSS, les familles sont pénalisées : elles perdent du pouvoir d’achat. Avec la sous-indexation du complément de libre choix du mode de garde, vous augmentez le reste à charge pour les familles. La politique familiale était pourtant un des atouts singuliers de la France par rapport à nos voisins. J’aimerais, madame la ministre, que le Gouvernement se préoccupe davantage des familles. Je vous invite à mener une véritable politique familiale car il y va de l’avenir de la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer
Je voudrais dire quelques mots sur le problème de la non-compensation par le budget de l’État des exonérations sociales votées dans le cadre du PLFSS. Il s’agit d’un vrai sujet de société, d’un vrai sujet politique.
Le PLFSS est financé à 61 % par des cotisations, lesquelles portent essentiellement sur le travail. Le travail doit-il payer la solidarité nationale ? C’est la question qu’il faut se poser. Notre groupe a toujours estimé qu’un certain nombre de mesures de solidarité devaient être financées par l’impôt, c’est-à-dire par l’ensemble des Français, de façon à ce que les revenus provenant d’autres sources que le travail – les revenus issus des transactions financières, par exemple – financent eux aussi la solidarité nationale.
La non-compensation par l’État des exonérations votées dans le cadre du PLFSS accentue la situation actuelle : ce sont les cotisations prévues dans le PLFSS qui devront payer ces exonérations. Autrement dit, les exonérations que nous votons tous ensemble afin de remédier à ce que nous considérons comme une injustice sociale seront financées par les revenus du travail. Ce n’est pas notre conception de la société. À notre sens, un certain nombre de mesures de solidarité doivent être payées par l’impôt et par l’ensemble des Français. (M. Meyer Habib applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
Je souhaite répondre à un certain nombre de questions posées par les orateurs inscrits sur l’article. Cela nous permettra peut-être, à Agnès Buzyn et à moi-même, d’être plus rapides lorsque nous donnerons nos avis sur les amendements à l’article 19 – je réponds ainsi à l’inquiétude exprimée par M. Door quant au nombre d’heures qu’il nous reste à passer ensemble dans le cadre de l’examen de ce PLFSS.
Monsieur Dharréville, vous nous avez renvoyés à l’article 34 de la Constitution, mais l’article 19 ne contrevient pas à cette disposition constitutionnelle. Permettez-moi ce raisonnement par l’absurde : nous continuons d’examiner un PLFSS, ce qui montre bien qu’il y aura pour 2019 à la fois un PLF et un PLFSS. Ce sera aussi le cas pour 2020 et les années suivantes.
Nous ne revenons pas sur l’autonomie des comptes de la sécurité sociale, qui est un principe constitutionnel, comme vous l’avez rappelé. Cependant, nous regardons les choses en face : nous voyons que la loi de 1994, qui pose le principe de la compensation, a été appliquée de manière extrêmement diverse et inégale, et que ce n’est pas la première fois qu’un certain nombre d’exonérations ou de diminutions de recettes de la sécurité sociale ne sont pas compensées strictement par le budget de l’État.
Vous avez rappelé vous-même, monsieur Dharréville, l’importance des transferts budgétaires de l’État vers la sécurité sociale – Mme Rabault a cité le chiffre de 51 milliards d’euros. Dans le PLFSS pour 2019, l’intégralité des allègements généraux et exonérations sont compensés par l’État, par le biais de l’affectation d’une fraction de TVA. L’article 19 que nous examinons, associé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 que vous avez discutée l’an dernier, prévoit une trajectoire extrêmement progressive pour la prise en charge d’un certain nombre de pertes de recettes par le budget de la sécurité sociale, dans le cadre de son retour à l’équilibre et compte tenu de sa capacité à générer des excédents.
La loi de programmation a posé le principe de rétrocession des excédents de chacune des branches de la sécurité sociale au budget de l’État pour participer au désendettement de la France – si le PLF et le PLFSS sont deux textes distincts, nous savons que les déficits et les dépenses publiques sont pris en compte de manière globale. Ce principe de rétrocession s’accompagne d’un principe de compensation des exonérations. Afin de suivre les recommandations du rapport évoqué, un certain nombre de pertes de recettes pourraient être assumées directement par la sécurité sociale de manière à simplifier un peu – je dis bien « un peu » – les tuyauteries du schéma élaboré il y a deux ans et que la présidente Rabault a rappelé tout à l’heure.
Nous voulons donc à la fois préserver l’autonomie de la sécurité sociale – nous ne sommes pas dans une logique de fusion du PLF et du PLFSS – et faire contribuer les comptes sociaux, dans le cadre d’une trajectoire progressive, au désendettement de notre pays et à la maîtrise de nos comptes publics.
Je termine par un point important, qui renvoie aux deux questions posées par M. Ramadier sur le niveau d’intervention et la capacité d’action de la CNSA ainsi que sur les moyens dont disposent les administrations de sécurité sociale pour le financement de l’APA ou de la PCH. L’article 19 et les amendements déposés sur cet article se caractérisent par une rédaction extrêmement technique – nous en convenons tous –, mais la réponse à vos deux questions est « oui », tout simplement. Je ne peux pas faire mieux ! J’espère ainsi vous rassurer.
Lors de la discussion de certains amendements, nous aurons l’occasion de revenir sur l’intervention de M. Meyer Habib, notamment sur l’application de la jurisprudence De Ruyter. Je garde mes explications pour le débat sur les amendements en question.
Mme la présidente
Nous en venons aux amendements identiques nos 1272 et 1345, tendant à supprimer l’article 19.
Sur ces deux amendements, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l’amendement no 1272.
M. Joël Aviragnet
L’article 19 vise à assurer un transfert de recettes entre la sécurité sociale et l’État et entre les régimes de sécurité sociale. Il organise le siphonnage des ressources de la sécurité sociale, notamment des branches famille et maladie, pour financer des baisses de cotisations et la baisse du coût du travail.
Il n’est pas acceptable que vous organisiez la mise à mort de notre modèle social. Vous nous parlez sans cesse de justice sociale, mais où est cette justice quand on assomme les retraités, quand on diminue les prestations sociales et quand on s’attaque même à notre modèle social ?
M. Thibault Bazin
Eh oui !
M. Joël Aviragnet
Par cet article, vous ouvrez une brèche qui n’est pas près de se refermer.
Le groupe Socialistes et apparentés s’oppose fermement à cette mesure, qui n’est pas cohérente avec le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle nous demandons sa suppression.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l’amendement no 1345.
Mme Caroline Fiat
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, alors que les comptes de la sécurité sociale sont repassés au vert et que nous étions en droit d’attendre la fin de la logique austéritaire qui prédomine depuis des années, le Gouvernement semble décidé à remettre en difficulté notre modèle social en lui faisant porter le poids des prochaines exonérations.
De façon inédite et totalement injustifiée, le Gouvernement va faire peser le poids de la désocialisation des heures supplémentaires et de la suppression du forfait social sur la sécurité sociale. Ces deux réformes, totalement hasardeuses quant à leurs effets sur l’emploi, sont surtout avantageuses pour le patronat, qui bénéficiera d’une plus grande souplesse et pourra compter sur le mode de rémunération alternatif qu’est l’épargne salariale pour réduire ses cotisations.
Pour la sécurité sociale, la fin du forfait social représente une perte de 440 millions d’euros. Ce coût serait encore plus élevé à l’avenir, à mesure que les entreprises se saisiront du dispositif et que la masse salariale augmentera.
Avec la fin de la compensation des exonérations par le budget de l’État, nous assistons à une « politique des caisses vides » que les chercheurs anglais surnomment « starving the beast » – « affamer la bête » en français. Cette stratégie désormais bien connue est adoptée par les gouvernements qui souhaitent réduire les dépenses publiques ou sociales mais qui craignent que ces réformes soient impopulaires et politiquement coûteuses. Elle consiste à générer d’abord du déficit, pour ensuite justifier politiquement la réforme au nom de la bonne gestion. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 19.
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements de suppression.
M. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales
L’article 19 relatif aux relations entre l’État et la sécurité sociale transfère des crédits du budget de l’État vers celui de la sécurité sociale ; il prévoit également des règles de non-compensation d’un certain nombre d’exonérations votées dans le cadre du PLFSS. Ce principe n’est pas nouveau : nous l’avons déjà mis en œuvre pour d’autres dispositifs et d’autres années. L’année dernière, par exemple, nous avions déjà acté une non-compensation pour le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS.
La décision prise par le Gouvernement vise non seulement à financer les dépenses de protection sociale et même à en créer de nouvelles – je pense à la feuille de route « grand âge et autonomie » dont l’immense chantier a démarré et qui permettra d’engager, à terme, plusieurs milliards d’euros pour venir en aide aux personnes âgées et aux aidants qui prennent soin d’elles au quotidien –, mais aussi à envisager le remboursement d’une dette que personne n’avait prévu de rembourser ! La dette de l’ACOSS, supérieure à 20 milliards d’euros, était jusqu’ici une sorte de no man’s land car personne ne l’avait prise en charge. Le Gouvernement a prévu, avec le soutien de la majorité, de se mettre en capacité de rembourser cette dette sociale, inhérente à la sécurité sociale, avant de réfléchir à l’usage qu’il pourrait faire des excédents.
Cela dit, une partie des excédents de la sécurité sociale pourront aussi permettre de rembourser une partie de la dette de l’État. Cela peut faire l’objet de débats – personne ne l’a caché ici, et j’ai moi-même eu l’occasion de rappeler au ministre de l’action et des comptes publics le souhait d’une partie d’entre nous d’engager des dépenses dans le champ de la protection sociale, de l’écologie, de la qualité de vie au travail ou des transports collectifs afin d’améliorer la situation sanitaire et sociale de notre pays.
Mes chers collègues, je vous appelle à voter l’article 19 et à rejeter les amendements nos 1272 et 1345, car la suppression de l’article ôterait du PLFSS le transfert de plusieurs dizaines de milliards d’euros de recettes de TVA du budget de l’État vers celui de la sécurité sociale. Autrement dit, nous mettrions tout simplement en banqueroute notre système de protection sociale pour l’année à venir. La commission a donc donné un avis défavorable à ces amendements de suppression.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Il est évidemment défavorable. Je voudrais ajouter trois éléments.
Tout d’abord, je remercie M. le rapporteur général d’avoir salué notre volonté de rembourser la dette de l’ACOSS. Cette mesure est importante et constitue un gage de pérennité de notre système social.
Par ailleurs, il nous est difficile d’entendre que le Gouvernement organiserait la disparition de la sécurité sociale alors même que nous avons le projet d’élargir la couverture des risques pris en charge dans le cadre de la feuille de route « grand âge et autonomie » suivie par Agnès Buzyn, que nous voulons instaurer un reste à charge zéro et que nous souhaitons octroyer à toutes les femmes les mêmes droits au congé maternité – tout cela démontre notre volonté d’universalité des droits.
Enfin, M. le rapporteur général a eu raison de rappeler que le principe de compensation n’a pas toujours été respecté et que d’autres exonérations n’ont pas été compensées. Ainsi, la prime accordée en 2013 et 2014 en contrepartie de dividendes, la réduction de la cotisation minimale maladie du RSI pour les travailleurs indépendants, l’exonération en faveur des personnes employées en chantier d’insertion n’ont pas été compensées. De même, institué par la loi de finances pour 2017, le CITS n’a pas non plus été compensé – pour un montant d’un peu plus de 500 millions d’euros. Je le dis d’autant plus librement que j’ai voté ces mesures et ces PLFSS, comme vous, monsieur Aviragnet.
M. Joël Aviragnet
Non, monsieur le secrétaire d’État, je n’ai voté que le PLFSS pour 2015 car je n’ai siégé qu’une année sous la précédente législature !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Peut-être, monsieur Aviragnet, mais vous étiez, comme moi, solidaire de la majorité.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1272 et 1345.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 41
Majorité absolue 21
Pour l’adoption 11
Contre 30
(Les amendements identiques nos 1272 et 1345 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Nous en venons aux amendements identiques nos 203 et 1143, sur lesquels je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 203.
M. Pierre Dharréville
Tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, vous avez parlé de « la décision prise par le Gouvernement ». Mais si nous sommes ici aujourd’hui, c’est justement pour prendre des décisions et ne pas les laisser au Gouvernement !
Sans préjudice aucun pour mes collègues, je veux souligner la subtilité de mon amendement par rapport aux deux amendements de suppression que nous venons d’examiner, et que j’ai votés par ailleurs. (Sourires.) En effet, monsieur le rapporteur général, pour répondre à l’un de vos arguments, l’amendement no 203 vise à supprimer le seul alinéa 2 de l’article 19. Il s’attaque évidemment à cette logique de non-compensation des exonérations que vous prévoyez et qui prolifèrent d’ailleurs d’année en année, à chaque examen d’un nouveau PLFSS.
Pour nous, la sécurité sociale appartient aux assurés. C’est d’ailleurs l’une des particularités de notre modèle, qui a été décidée lors de sa création à la Libération.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
C’est une question importante pour nous que de savoir à qui appartiennent les œuvres sociales et qui, en leur sein, doit décider. Ce lien de propriété est une question fondamentale. Le droit de propriété occupe régulièrement une partie de nos débats : en l’occurrence, on est en train de remettre en cause un droit de propriété des assurés sociaux sur leurs institutions et leurs œuvres sociales.
Cela n’exclut pas que certains mécanismes de solidarité nationale viennent par ailleurs se greffer, pour toute une partie de la population, sur les institutions sociales telles que nous les connaissons, qui existent déjà et que mon propos ne vise aucunement à nier.
Monsieur le secrétaire d’État, quel est votre projet réel ? Vous avez dit qu’il ne s’agissait pas de la fusion entre le PLF et le PLFSS, mais c’est pourtant le chemin que vous semblez emprunter et c’est pourquoi je me suis permis de poser ces questions.
Vous nous avez répondu pour cette année et j’espère qu’il en ira de même l’année prochaine et que nous n’aurons pas non plus, à la faveur de la réforme constitutionnelle, de mauvaises surprises, mais je suis quelque peu perplexe devant le chemin que nous empruntons avec la fiscalisation. Vous avez évoqué la compensation des exonérations par une part de la TVA, qui est l’impôt le plus injuste. Là aussi, je me permets de douter que nous empruntions le bon chemin pour financer les prestations sociales dans notre pays.
Mme la présidente
Il faut conclure, monsieur Dharréville.
M. Pierre Dharréville
Je termine, madame la présidente. Compte tenu de ce que je viens de dire, c’est, selon nous, un problème que, dans l’ensemble des caisses, un vote négatif ait été émis sur le PLSS. Cela doit nous interroger sur le chemin que vous êtes en train d’emprunter. Pour nous, il s’agit d’une mesure de pillage et de siphonage.
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l’amendement no 1143.
M. Joël Aviragnet
L’article 19 organise les circuits de compensation. Le Gouvernement propose, comme cela vient d’être dit, de ne pas faire compenser par l’État le manque à gagner en cotisations résultant de la désocialisation des heures supplémentaires.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous parlez du gouvernement précédent, mais je n’ai, pour ma part, siégé qu’un an et je pense que vous êtes mieux à même que moi d’en parler. Vous devez certainement vous souvenir vous aussi – même si décidément, bien des membres de ce gouvernement ont une mémoire sélective ! – qu’à l’époque, les comptes n’étaient pas excédentaires, ce qu’ils seront désormais : c’est là que se situe le changement de situation.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Avis défavorable, pour les raisons évoquées tout à l’heure. Monsieur Dharréville, vous évoquez l’évolution de la protection sociale. C’est un débat que nous avons déjà eu dans le cadre de la réforme constitutionnelle, où un bien mauvais procès a été fait à cette majorité, dont la volonté n’est pas de restreindre ou de supprimer le champ de la protection sociale, mais précisément de l’entériner pour ce qu’il est : la sécurité sociale complétée de la question de la perte d’autonomie. Si c’était sur vos bancs qu’avait germé cette idée, vous auriez été les premiers à la promouvoir, car c’est une idée de justice sociale.
Pour ce qui est de la proposition formulée dans le rapport de MM. Charpy et Dubertret d’une fusion des parties « recettes » du PLF et du PLFSS ou, du moins, d’une discussion générale commune, vous aurez peut-être remarqué que, dans cette première année, nous n’avons pas instauré de discussion générale commune à la commission des finances et à la commission des affaires sociales. Pour le dire avec une pointe d’ironie, l’acte fondateur de la fusion, voulue par certains, des budgets de l’État et de la sécurité sociale aura été l’amendement cosigné par le rapporteur général de la commission des finances et par moi-même, qui visait à supprimer une disposition budgétaire déposée par le Gouvernement, précédent qui pourrait éviter à celles et ceux qui en avaient envie une fusion totale des deux budgets.
N’ayez pas d’inquiétude : sachez que, sur ces bancs, nous défendrons mordicus l’intégrité du budget de la sécurité sociale – et demain, je l’espère, du budget de la protection sociale.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
Madame la présidente, je serai bref, pour compenser. (Sourires.) Monsieur le rapporteur général, vous prenez aujourd’hui cet engagement, mais nous mettons le doigt dans un engrenage : qu’adviendra-t-il demain, notamment sous d’autres majorités ? Nous prenons une orientation très discutable, qui peut nous entraîner, à l’avenir, sur des chemins dont nous ne voulons pas.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements nos 203 et 1143.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l’adoption 9
Contre 33
(Les amendements identiques nos 203 et 1143 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 564 et 782, je suis saisie par le groupe UDI, Agir et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Les quatre amendements nos 1260, 1261, 1307 et 1308, sont rédactionnels.
M. Olivier Véran, rapporteur général
Tout à fait madame, la présidente.
(Les amendements nos 1260, 1261, 1307 et 1308, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 564 et 782.
La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement no 564.
M. Meyer Habib
Comme je le disais en m’exprimant sur l’article, le ministre Gérald Darmanin, au cours de la séance de questions au Gouvernement du 16 octobre dernier, s’est engagé à une série de mesures fiscales en faveur des Français de l’étranger, en particulier à l’exonération des prélèvements CSG et CRDS – dont acte –, mais « pour un certain nombre de Français résidant à l’étranger (…) dans l’Union européenne ou en Suisse ». Et les autres, monsieur le ministre ? Voilà cinq ans que nous dénonçons dans cet hémicycle – ou plutôt, que je dénonce, car mes collègues de l’opposition ne sont, hélas, plus avec moi – cette fiscalité abusive. On fait payer aux Français de l’étranger un régime de protection dont, dans leur immense majorité, ils ne bénéficient pas. Voilà des années qu’on les prend pour des vaches à lait, alors qu’ils ne sont ni des rentiers, ni des exilés fiscaux, ni des vaches à lait.
Je me réjouis donc, évidemment, de cette annonce, mais pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ? Sur les 3 millions de Français établis à l’étranger, 1,8 million restent concernés. Pourquoi créer une inégalité de traitement injustifié entre les Français résidant en Europe et les autres ? Monsieur le ministre, l’égalité devant la loi fiscale est un principe constitutionnel. Soyez sûr que cette rupture d’égalité alimentera un contentieux lourd et coûteux pour les finances de l’État.
Mon amendement vise à exonérer de CSG et de CRDS l’ensemble des Français de l’étranger, qu’ils résident à Abidjan, à Genève, à New York, à Jérusalem, à Agadir ou ailleurs – et peut-être même bientôt à Londres. C’est une question de principe, mais le raisonnement est également économique.
De grâce, réfléchissez : il faut favoriser l’investissement immobilier des non-résidents chez eux, en France. Comme je le disais tout à l’heure, les Français ne veulent plus investir dans leur propre pays, car ils sont sur-fiscalisés. C’est le monde à l’envers !
Nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement et trois millions de Français nous regardent. L’exonération doit s’appliquer à tous nos compatriotes : voilà le sens de mon amendement et, même si c’est vous qui en avez le crédit, le principal est que nous y parvenions. Votez cet amendement, car il est vraiment important pour nos compatriotes de l’étranger.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Genetet, pour soutenir l’amendement identique no 782.
Mme Anne Genetet
Une explication me semble utile, car la situation n’est peut-être pas claire pour tout le monde : les prélèvements sociaux, notamment la CSG, sont prélevés sur différents types de revenus. Dans le cas des contribuables non-résidents, dont un certain nombre de Français, ces prélèvements ne sont pas dus, car ces personnes ne sont pas affiliées à un régime de protection sociale obligatoire en France. Depuis 2012, ces prélèvements sociaux sont prélevés sur les seuls revenus de leur patrimoine, et en particulier de leur patrimoine immobilier.
La Cour de justice de l’Union européenne a retoqué cette mesure et critiqué notre pays : la France risque à nouveau d’être condamnée, ce qui entraînerait un contentieux lourd pour le budget de l’État. C’est pour cela que nous avons demandé et que je demande,…
M. Meyer Habib
Vous n’avez pas voté mon amendement l’année dernière !
Mme Anne Genetet
…au nom de tous mes collègues député des Français de l’étranger – notamment de Roland Lescure, qui est actuellement à Montréal, d’Alexandre Holroyd, qui est assis derrière moi, et de tous les autres –, qu’au nom de l’équité, ces personnes, puisqu’elles ne bénéficient pas d’un système de protection sociale, puissent être exonérées de ces prélèvements sociaux, comme c’était le cas avant 2012.
J’ai remis au Premier ministre un rapport dans lequel j’ai proposé une grande réforme de la fiscalité des contribuables non-résidents, qui comportait un ensemble de mesures parmi lesquelles figurait celle-ci, au même titre que la réforme de l’imposition sur les revenus de ceux qui disposent de revenus de source française. Il est un peu dommage que manque, dans cette grande réforme, le dernier petit pas. Le dispositif actuellement proposé oppose ceux qui résident dans l’Union européenne et ceux qui n’y résident pas. Or, pour ma part, représentant les Français de l’étranger hors Union européenne, je ne me sens pas être une sous-députée ni une sous-citoyenne et je n’ai pas très envie d’être opposée aux autres.
Nous avons tous le projet et la même envie de participer au projet de transformation de la France, et c’est ce que nous faisons avec détermination et volontarisme, en saluant tous les efforts qu’accomplit Gouvernement dans un très grand nombre de domaines. Il manque, dans ce domaine précis, un petit pas : c’est la raison pour laquelle je défends la suppression de ces prélèvements sociaux pour l’ensemble des citoyens résidant hors de nos frontières, et pas seulement pour ceux qui résident dans l’Espace économique européen.
M. Meyer Habib
Ravi que vous nous rejoignez mais vous avez voté contre l’année dernière !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Madame Genetet, il n’y a évidemment pas de députés qui auraient moins de poids ou de valeur que d’autres. Comme M. Meyer Habib, vous représentez les Français de l’étranger et c’est une fonction très noble. Nous pouvons nous enorgueillir d’avoir des parlementaires très actifs et nous pouvons le reconnaître année après année, PLFSS après PLFSS – ce n’est pas moi qui dirai le contraire. Vous déployez une très grande activité et défendez parfaitement les Français qui vous ont élus.
Cette question est récurrente. Comme le savent en effet les députés qui siégeaient dans la législature précédente, la question de la fiscalité applicable aux Français résidant à l’étranger se pose tous les ans : faut-il qu’ils paient des impôts sur le revenu et s’acquittent d’une fiscalité sur leur patrimoine par le biais notamment de la CSG et de la CRDS ?
Pour ceux qui résident dans l’Union européenne et en Suisse,...
M. Meyer Habib
Et les autres ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
…des procédures ont été lancées, auprès de la Cour de justice européenne de l’Union européenne, laquelle, année après année, renforce le niveau de pression sur la France pour que notre pays remplisse les objectifs fixés à l’échelon communautaire. C’est la raison pour laquelle le groupe La République en marche – et je devance en cela un peu le débat que nous devrions avoir tout à l’heure, mais cela me permet de faire, madame la présidente, une réponse groupée sur ces amendements – présentera un amendement visant à régulariser la situation de la France au regard de ses obligations rappelées par la Cour de justice de l’Union européenne.
À titre personnel, ce n’est pas de gaieté de cœur que je le voterai, car il se traduit par une perte de recettes de 180 millions d’euros et on peut se demander s’il est légitime que de gens qui sont souvent hébergés à titre professionnel n’aient pas à s’acquitter de prélèvements sociaux destinés à des dépenses sociales en France. Il importait cependant que la France régularise sa situation au regard de ses obligations européennes et je voterai donc évidemment, tout à l’heure, l’amendement du groupe.
Pour ce qui est, en revanche, d’une extension de cette mesure à l’ensemble des Français de l’étranger, et au-delà du fait qu’elle représenterait pour l’État une perte de recettes considérable et non compensée, vous ayant répondu que ce n’est pas de gaieté de cœur que, du fait de nos obligations, je voterai ce dispositif au niveau de l’Union européenne, j’émettrai un avis défavorable dès lors que la France ne se trouve pas sous le coup d’une procédure de justice internationale.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Pour faire écho aux propos de Mme Genetet, je confirme qu’un grand nombre des propositions de son rapport sont mises en œuvre. Gérald Darmanin s’était engagé ici même, le 16 octobre, non seulement à donner suite à une large partie de vos préconisations, mais également à régler et sécuriser la situation après la jurisprudence dite « De Ruyter ».
Il faut rappeler que tous les revenus du capital de source française sont actuellement soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, que le bénéficiaire soit fiscalement domicilié en France ou non. La rédaction actuelle, rétroactive jusqu’en 2012, ne permet même pas d’exonérer tous les revenus du capital, car le placement est exclu.
L’assujettissement de ces revenus à la CSG résulte du principe d’universalité de l’assiette de cette contribution, dans une logique de solidarité nationale que le rapporteur vient de rappeler et à laquelle nous souscrivons. Cela vise à inclure l’ensemble des revenus de source française dans le financement de notre système de protection sociale. Par conséquent, les non-résidents ne peuvent être exonérés de CSG sur les revenus du capital réalisés en France.
En revanche, et je l’ai dit à l’instant, le Gouvernement est favorable à une clarification juridique de l’application des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, compte tenu de la jurisprudence de Ruyter de la Cour de justice de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons, bien évidemment, l’amendement n° 1487 rectifié, déposé par plusieurs députés de la majorité, qui garantit la conformité de la législation française avec les règlements européens. Il s’agit donc d’exonérer de CSG et de CRDS l’ensemble des personnes affiliées au régime de sécurité sociale d’un autre État membre de l’espace européen, que ces personnes résident ou non en France.
En 2016, l’État a essayé de répondre à cette jurisprudence en affectant cette CSG et cette CRDS au Fonds de solidarité vieillesse, qui finance le minimum vieillesse, mais les juridictions administratives françaises ont considéré que ce système ne sécurisait pas assez la situation au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que j’ai rappelée.
Il faut aussi souligner que, chaque fois que les juridictions administratives françaises ont eu à se prononcer sur cette situation, le principe d’équité, que plusieurs d’entre vous ont rappelé, n’a pas été retenu, mais qu’aucune jurisprudence en la matière, au-delà de l’interrogation sur la clarification de notre situation vis-à-vis de la jurisprudence De Ruyter, n’a jamais retenu les arguments présentés ainsi.
Nous nous sommes donc engagés à mettre en œuvre certaines recommandations de votre rapport indépendamment de cette question de l’assujettissement aux prélèvements sociaux et nous vous proposons aujourd’hui – c’est du reste la raison pour laquelle nous souscrivons à l’amendement déposé par M. Mesnier –la clarification de la situation pour les non-résidents établis dans un autre pays de l’Union européenne, dans un pays de l’Espace économique européen ou en Suisse, considérant qu’ils dépendent d’un autre système de protection sociale, mais nous ne pouvons pas souscrire, y compris au regard de ce principe d’universalité, à la demande formulée pour les résidents non communautaires et résidant en Suisse.
C’est la raison pour laquelle – peut-être sans espoir – je sollicite le retrait des amendements déposés, au profit de l’amendement numéro no 1487 rectifié. À défaut de retrait, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Meyer Habib.
M. Meyer Habib
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, j’ai écouté avec attention vos arguments : ils ne m’ont absolument pas convaincu. Tout d’abord, l’année dernière, nous vous avions parlé de la législation européenne et, pour autant, la mesure n’avait pu être votée. Mais mieux vaut tard que jamais !
En l’occurrence, vous nous dites : « On est obligés en Europe mais ailleurs, on s’en fout ! » Cela fait 1,8 million de Français que l’on jette en pâture ! De plus, c’est une hérésie économique : ils n’investiront plus un euro en France, chez eux ! C’est incroyable ! Je vois bien que Mme Genetet évolue, peut-être parce que des élections se rapprochent – ou pas, d’ailleurs – ; en tout cas, c’est une bonne chose.
Mais je vous demande de prendre vos responsabilités : cela concerne près de 2 millions de Français ! 2 millions de Français qui n’oublieront pas ! C’est extrêmement important ! Je me rends de temps en temps dans des salons consacrés à l’investissement des Français de l’étranger : aujourd’hui, il n’y en a plus un qui veut investir chez lui, en France ! Ce n’est ni moral, ni économiquement justifiable ! Il faut aller jusqu’au bout. Vous êtes en train de faire une différence entre les Français habitant à Abidjan ou à Jérusalem et ceux habitant à Bruxelles ou à Genève, ce qui est tout à fait incroyable et illogique.
Nous avons demandé un scrutin public : nous regarderons avec attention qui vote quoi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Je vous rappelle qu’il y a 2 millions de Français de l’étranger...
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere
C’est une menace ?
M. Meyer Habib
Ce n’est pas une menace, c’est une question de morale ! C’est une question fondamentale pour 2 millions de Français ! Ils ne bénéficient pas de prestations sociales, ils n’y ont pas droit et pourtant ils les payent : ce n’est pas normal, c’est illogique !
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Genetet.
Mme Anne Genetet
Je veux juste préciser que nous sommes absolument sensibles à la notion de solidarité nationale ; je l’avais d’ailleurs écrit dans mon rapport. La réforme fiscale que j’avais proposée permettait de parvenir à un équilibre, les contribuables non-résidents participant également à cet effort de solidarité nationale, auquel ils sont sensibles. C’est juste une histoire de cohérence globale et je regrette un tout petit peu ce dernier pas qui manque. Cela autant, je veux saluer tous les efforts qui ont été faits par ailleurs. Il manque le dernier petit pas pour traverser le gué complètement : j’aurais aimé ce petit effort supplémentaire.
Mme la présidente
Maintenez-vous votre amendement ?
Mme Anne Genetet
Je maintiens donc mon amendement car, je le répète, nous tenons au principe de solidarité nationale et nous le respectons.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 564 et 782.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 47
Nombre de suffrages exprimés 46
Majorité absolue 24
Pour l’adoption 15
Contre 31
(Les amendements identiques nos 564 et 782 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 191 et 373.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 191.
M. Thibault Bazin
Par cet amendement de notre éminent collègue Éric Pauget, nous vous proposons qu’une fraction du produit de la CSG, que vous avez considérablement augmentée – de 25 % pour les retraités –, soit versée à la Caisse nationale d’assurance vieillesse ainsi qu’au régime unifié de retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, afin de compenser financièrement la perte de recettes occasionnée.
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 373.
M. Stéphane Viry
Défendu.
(Les amendements identiques nos 191 et 373, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Holroyd, pour soutenir l’amendement no 1487 rectifié.
M. Alexandre Holroyd
L’objet de cet amendement est de tirer enfin un trait sur cette jurisprudence de Ruyter en remplissant l’un des objectifs fondamentaux de ce paquet budgétaire, qui est de « sincériser » les comptes publics. Cette affaire, devenue le plus grand contentieux de l’État en nombre de dossiers, doit trouver son terme. Je veux remercier ma collègue Anne Genetet pour le travail remarquable qu’elle a accompli dans son rapport. Elle a trouvé auprès de ce gouvernement l’écoute que M. Meyer Habib n’avait pas obtenue des gouvernements précédents. Cela nous permet aujourd’hui, je l’espère, de sortir de ce contentieux dans lequel nous sommes entrés il y a maintenant cinq ans.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Avis favorable, sans entrain mais par nécessité.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Le Gouvernement est évidemment favorable à cet amendement, pour les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure de mise en conformité avec la jurisprudence de Ruyter. Nous levons donc le gage en vue de l’adoption de cet amendement.
(L’amendement no 1487 rectifié, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Mme la présidente
Les deux amendements, nos 1309 et 1315, sont rédactionnels, monsieur le rapporteur général.
M. Olivier Véran, rapporteur général
En effet, madame la présidente.
(Les amendements nos 1309 et 1315, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 1318.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
C’est une simple correction d’erreur matérielle.
(L’amendement no 1318, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’article 19, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Les amendements nos 1317, 1316, 1319, 1310, 1312 et 1321 sont rédactionnels.
M. Olivier Véran, rapporteur général
Ce sont en effet des amendements de coordination.
(Les amendements nos 1317, 1316, 1319, 1310, 1312 et 1321, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 19.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 45
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 33
Contre 12
(L’article 19, amendé, est adopté.)
Après l’article 19
Mme la présidente
Sur l’amendement no 204 portant article additionnel après l’article 19, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir l’amendement no 204.
M. Alain Bruneel
Cet amendement vise à limiter la création de dispositifs d’exonération de cotisations sociales en prévoyant que chaque nouveau dispositif entraînera la suppression d’un dispositif existant pour un montant équivalent. Les différents dispositifs d’exonération de cotisations sociales représentent aujourd’hui à 46 milliards d’euros en 2018 avant l’intégration du CICE, 70 milliards d’euros après sa transformation en baisse de cotisations.
Aujourd’hui, on dénombre près d’une centaine de dispositifs différents. Si certains peuvent avoir leur utilité, comme les exonérations ciblées pour soutenir un secteur d’activité en particulier ou des territoires rencontrant des difficultés économiques, l’inflation de ces dispositifs depuis 1990 impose de réviser le maquis des niches sociales, comme le préconise la Cour des comptes. Outre leur coût exorbitant pour les finances publiques, les dispositifs d’allègements généraux ne permettent pas une élévation du niveau de la qualification des travailleurs de notre pays, en les maintenant à de bas niveaux de rémunération. C’est donc un enjeu en termes d’emplois mais également en termes de montée en gamme de notre économie. Je vous propose donc de prévoir un mécanisme permettant de limiter l’inflation des niches sociales, qui fragilisent le financement par cotisations de la sécurité sociale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 204.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 40
Majorité absolue 21
Pour l’adoption 6
Contre 34
(L’amendement no 204 n’est pas adopté.)
Article 20
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Door, premier orateur inscrit sur l’article 20.
M. Jean-Pierre Door
Nous sommes tous engagés, sur tous les bancs, à ce que l’équilibre des comptes soit rétabli. Ce qui est annoncé pour les comptes de 2019 est donc une bonne nouvelle. La Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, devra s’éteindre en 2024, comme prévu par la loi organique, et ne peut évidemment pas être prolongée. Or la Cour des comptes, dans son dernier rapport, juge incompatibles les nouvelles perspectives de financement du régime général de la sécurité sociale avec la trajectoire pluriannuelle proposée dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Cette loi de programmation prévoyait un excédent de 20 milliards d’euros en 2021, un chiffre ramené à 9,5 milliards d’euros suivant la nouvelle projection dans le PLFSS pour 2019. Le manque à gagner cumulé serait donc important, d’autant qu’une partie notable de celui-ci devait être imputée à la CADES pour achever son extinction. Dès lors, quid de la nouvelle projection entre 2019 et 2024 compte tenu du manque à gagner qui est très important par rapport à ce que vous aviez prévu ? La Cour des comptes l’a signalé : que répondez-vous à son interprétation ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat
Cet article vise à faire reprendre par une caisse le déficit de la sécurité sociale. La Caisse d’amortissement de la dette sociale reçoit, année après année, les déficits des différentes branches du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse. Fin 2019, la CADES doit amortir une dette de 89 milliards. Les gouvernements successifs ayant procédé à des exonérations de cotisations, c’est l’ensemble des contribuables qui paye cette dette à travers la CSG et la CRDS.
Il est important de bien comprendre qu’en transférant ainsi un déficit normalement remboursé par des cotisations à une caisse abondée par la CSG et la CRDS, ce sont de plus en plus les retraités, les personnes malades ou handicapées, les personnes sans emploi, les plus fragiles d’entre nous qui paient à la place des actifs. Ce transfert mine la cohésion sociale dans notre pays, en mettant à mal la solidarité.
Par ailleurs, une deuxième chose devrait nous inquiéter : dans un rapport d’Attac datant du 16 septembre 2017, nous apprenons que la CADES est autorisée à spéculer sur le taux de change des monnaies et sur les marchés à terme ; elle réalise des émissions d’obligations ; elle émet des papiers commerciaux sans aucun contrôle, notamment à la City de Londres et au Luxembourg. C’est l’ordonnance no 96-50 du 24 janvier 1996 qui autorise la CADES à émettre des titres financiers avec l’argent public sans rendre compte au contribuable des opérations exactes qu’elle réalise. Ainsi, une partie des recettes fiscales destinées à rembourser sa dette est utilisée pour payer des intérêts et des commissions aux banques privées, qui spéculent dessus. En 2017, la CADES avait remboursé depuis sa création 140 milliards d’euros de dettes sociales grâce aux impôts essentiellement et elle avait, dans le même temps, versé 52 milliards d’euros d’intérêts à ses créanciers. Je tiens donc, à l’occasion de l’examen de cet article, à souligner l’opacité qui règne concernant cette caisse. Si nous savons avec quelles banques privées la CADES signe des contrats, nous n’avons aucune idée de ce que cet argent public devient ensuite. Je suis heureuse de remarquer que M. Véran arrive à discuter et en même temps à écouter les orateurs !
Mme la présidente
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Je veux juste dire un mot pour rassurer M. Door : les hypothèses de croissance, les hypothèses de recettes, les hypothèses sur les flux financiers entre la sécurité sociale et l’État font l’objet d’une prévision dans la loi de programmation des finances publiques mais seront systématiquement réajustées en fonction de l’ajustement des prévisions. Il est hors de question, si l’on peut dire les choses ainsi, de ne pas regarder l’évolution réelle des recettes et du solde que nous espérons de la sécurité sociale lors de l’ajustement des différents flux. Nous ferons donc en sorte de tenir compte de la réalité car notre volonté est bien de maintenir durablement l’équilibre de la sécurité sociale.
(L’article 20 est adopté.)
Après l’article 20
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 20.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 1334.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
C’est un amendement de coordination et d’harmonisation. Il s’agit de faire bénéficier les élèves marins des conditions dont bénéficient les autres étudiants en matière de coût et d’exonération d’un certain nombre de cotisations.
(L’amendement no 1334, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement no 869.
M. Éric Woerth
Je présente à nouveau cet amendement que j’avais déjà présenté lors de l’examen du projet de loi PACTE parce que je le pense très structurant.
La CADES sera probablement mise en extinction à partir des années 2020-2024, si évidemment elle n’est pas appelée à combler de nouveaux déficits d’ici là. C’est une bonne nouvelle : le produit de la CRDS et les autres recettes affectées au remboursement de cette dette seront de ce fait disponibles.
Nous avons dans le domaine de la retraite plusieurs sujets dont celui de pouvoir compléter le régime par répartition par un régime par capitalisation plus clair qu’il ne l’est aujourd’hui. La volonté du Gouvernement de poursuivre la fusion des différents régimes de retraite, engagée depuis longtemps, est évidemment une bonne chose. Il faut maintenant mettre un terme à ce débat sur la convergence des régimes. Le fait qu’il y ait un seul régime public par capitalisation trouverait à ce moment-là toute sa place.
Je ne vais pas entrer dans les détails techniques, ce n’est pas le lieu, mais je pense qu’il serait opportun de voter un amendement qui précise les principes de la création d’un régime public de retraite par capitalisation au profit des Français sur la base des cotisations de CRDS.
Il y a évidemment d’autres possibilités d’affectation de la CRDS. Il est possible de ne rien en faire, de la supprimer tout simplement. L’autre possibilité évidente est de l’affecter au financement de la dépendance, sachant qu’on peut également développer une vision assurantielle en la matière.
Un fonds public de capitalisation retraite est quelque chose d’essentiel. Vous allez me renvoyer à la prochaine réforme des retraites – j’ai lu vos notes ! – mais je pense que le Gouvernement pourrait en acter le principe dès aujourd’hui au travers de ce PLFSS pour 2019, ce qui en rehausserait la qualité.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 869, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Votre amendement soulève la question tout à fait légitime de l’avenir du Fonds de réserve pour les retraites, dont les actifs s’élèvent actuellement à 36 milliards d’euros, une fois que sa mission de financement de la dette de la CADES sera achevée en 2024 et que se posera la question du devenir de la part respective de CRDS et CSG aujourd’hui affectée à la CADES.
Je me félicite que vous ayez évoqué l’hypothèse d’un financement de la dépendance. Cette solution me semblerait élégante mais il ne m’appartient pas de rendre de tels arbitrages, pas plus qu’à vous d’ailleurs.
Sur la question des retraites et de ce que vous appelez une capitalisation publique, le Haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a déjà exprimé son souhait de proposer à la ministre de la santé et des solidarités un projet de réforme laissant toute sa place à la retraite par répartition. J’ai cru comprendre qu’il n’avait pas totalement fermé la porte à l’idée d’un complément du type capitalisation mais les choses ne sont pas sur la table et à l’heure où je vous parle, je ne connais pas plus que vous le projet de réforme des retraites.
En un mot, même s’il est intéressant d’évoquer ce débat à l’occasion de l’examen du PLFSS, cette réforme fondamentale ne saurait se faire par l’entremise d’un amendement portant article additionnel. C’est pourquoi la commission a donné un avis défavorable. Encore une fois un peu de patience : dans quelques semaines, quelques mois tout au plus, nous aurons l’occasion de débattre de ce projet de réforme en toute sérénité dans cet hémicycle.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Le Haut-commissaire travaille actuellement à cette réforme des retraites. Puisque nous la coconstruisons avec les partenaires sociaux, il a été acté que nous allions vers un régime par répartition intégrant à la fois le régime de base et les retraites complémentaires.
Le schéma alternatif que vous proposez ne s’inscrit pas du tout dans la trajectoire que nous avons choisie, même si à terme on pourrait y intégrer d’autres types de mécanismes. S’agissant de l’apurement de la dette de la CADES, je reprends à mon compte ce qu’a dit le rapporteur général : il pourrait être intéressant d’intégrer ce type de financement à la réforme de la dépendance en cours. Nous y travaillons aussi dans le cadre d’une grande consultation. Votre amendement est donc prématuré par rapport aux choix que le Gouvernement va faire pour ces deux réformes majeures. J’y suis donc évidemment défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
C’est effectivement un débat important que celui sur notre système de retraite. L’exposé sommaire de l’amendement de notre collègue précise qu’« il s’agit d’introduire une part de financement par capitalisation dans notre système de retraite en créant un mécanisme d’épargne-retraite obligatoire et collective qui s’ajouterait à notre système par répartition. »
C’est sans doute un peu différent de ce qui est envisagé par le Gouvernement mais cela a pour moi une résonance un peu particulière, au-delà de mon opposition à la montée en puissance de systèmes par capitalisation, qui acteraient la faiblesse aujourd’hui avérée du système par répartition – nous parlons depuis ces derniers jours de la faiblesse de certaines pensions de retraite. En effet, le slogan « chaque euro cotisé doit donner les mêmes droits » évoque pour moi une forme de capitalisation rampante. Nous aurons donc ce débat de toute façon.
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth
Je ne propose aucun système alternatif, madame la ministre. Je ne crois pas qu’il faille changer de système car je crois au système par répartition bien évidemment. On doit l’améliorer, en continuant à fusionner les droits, les caisses, en rapprochant public et privé. Les trois-quarts du chemin ont été faits, faites le quart restant.
Mais il est évident qu’il faut, à côté du système par répartition, un système plus personnel par capitalisation. Cela pourrait être un système public, financé par des versements que les Français effectuent déjà – ce qui n’amputerait donc pas leur pouvoir d’achat. On pourrait imaginer une répartition trois quarts-un quart ou quatre cinquièmes-un cinquième entre un système de solidarité intergénérationnel et un système plus « privé », avec appropriation d’une capitalisation.
Je pense par ailleurs qu’il n’est jamais trop tôt pour aborder de tels débats. Je vois bien que le Gouvernement discute beaucoup avec les partenaires sociaux mais sur une réforme aussi structurante que celle des retraites, qui intéresse tous les Français, vous pourriez aussi débattre en amont avec les parlementaires. Il n’y a pas que les partenaires sociaux, il y a aussi la démocratie politique. On pourrait avoir des débats très en amont avant que vous ne présentiez un texte. (M. Gilles Lurton applaudit.) C’est l’objectif de cet amendement, dont je souligne qu’il n’a pas été déposé et n’est pas discuté nuitamment, et que je l’avais déjà présenté lors de l’examen du projet de loi PACTE.
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
Le bureau de la commission des affaires sociales s’est saisi du débat sur les retraites. Il va créer un groupe de travail transpartisan comme il l’a fait pour la formation professionnelle et l’apprentissage.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 869.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l’adoption 13
Contre 40
(L’amendement no 869 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 1330.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Il s’agit de tirer les conséquences de la décision du Conseil d’État du 17 mars 2017 d’exclure du statut de collaborateur occasionnel du service public l’ensemble des experts judiciaires, qui seront donc considérés comme des experts indépendants devant s’affilier au régime social des indépendants pour cette activité accessoire sans rattachement à leur activité principale. Cet amendement vise donc à sécuriser ce cadre juridique.
(L’amendement no 1330, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1256.
Mme Agnès Buzyn, ministre
Cet amendement vise la ratification de deux ordonnances de simplification du droit en matière de prélèvements sociaux liées à la suppression du régime social des indépendants.
La première tire les conséquences rédactionnelles pour l’ensemble des codes de la suppression de ce régime. La prise en considération de la spécificité des travailleurs indépendants au sein du régime général est ainsi rendue plus lisible et plus facilement accessible pour les cotisants. La deuxième ordonnance procède à la réécriture et à l’harmonisation des dispositions relatives à l’assiette des cotisations et des contributions sociales. Elle permettra elle aussi de rendre plus lisible et plus accessible le droit, et de sécuriser les cotisants.
Nous vous proposons donc de ratifier ces deux ordonnances.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer
Notre groupe va bien évidemment voter en faveur de cette ratification mais nous voudrions souligner l’impréparation du Gouvernement. Ces ordonnances devaient être ratifiées dans les six mois et on nous demande de le faire par le biais d’un amendement au PLFSS ! Un peu de respect pour le Parlement !
(L’amendement no 1256 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 65.
M. Thibault Bazin
En 2014, votre majorité socialiste, monsieur le rapporteur général, madame la présidente de la commission, monsieur le secrétaire d’État, avait mis fin au droit d’option des travailleurs transfrontaliers ayant fait le choix d’une couverture maladie en France entre une assurance privée au premier euro et l’affiliation à la sécurité sociale. À l’époque vous aviez mis en avant le gain pour la sécurité sociale.
Cet amendement de notre éminent collègue Martial Saddier tend à ce qu’avant le 1er octobre 2019 le Gouvernement nous remette un rapport sur le bilan du basculement vers le régime de la sécurité sociale des travailleurs frontaliers depuis la fin du droit d’option au 1er juin 2014. Nous pourrions ainsi évaluer l’évolution du coût de la protection sociale et le nombre de travailleurs frontaliers qui ont fait le choix de s’assurer à l’assurance maladie suisse.
(L’amendement no 65, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1094 à venir, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir cet amendement.
M. Gilles Lurton
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 avait prévu l’affiliation obligatoire à la sécurité sociale française des gens de mer, marins et non marins, résidant en France et travaillant à bord de navires battant pavillon étranger. Nous avions constaté que les marins naviguant à bord de bateaux battant pavillon étranger et résidant en France – ceux par exemple qui résidaient à Saint-Malo et naviguaient sur la compagnie Condor Ferries – n’avaient pas de couverture sociale en cas de maladie ou d’accidents familiaux. Mme Touraine avait alors proposé un système d’affiliation obligatoire de ces marins à un régime d’assurance maladie.
Afin de garantir une couverture sociale équivalente à celle prévue par le droit français à tous les gens de mer résidant en France, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 avait, sous l’impulsion d’une de nos collègues, modifié les dispositions de l’article L. 5551-1 du code des transports pour prévoir des conditions plus restrictives pour les navires battant pavillon étranger non soumis au droit de l’Union européenne.
Selon moi, ces mesures allaient dans le bon sens mais elles ont un inconvénient : l’obligation d’affilier à un régime de sécurité sociale les marins français vivant sur le territoire français fait que les compagnies étrangères semblent ne plus en recruter.
Ne pouvant procéder que par voie d’amendement pour évaluer la situation, je souhaite que le Gouvernement nous remette un rapport sur l’application des dispositions que nous avons votées en 2016, notamment sur la capacité ou non de ces sociétés à recruter, donc sur l’employabilité des marins français à bord de ces navires battant pavillon étranger.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Je crois comprendre que vous souhaitez moins un rapport qu’une discussion sur cette question.
M. Gilles Lurton
Je veux également un rapport !
M. Olivier Véran, rapporteur général
Certes, mais j’ai bien compris que si vous obtenez des réponses, le rapport n’est peut-être pas absolument indispensable.
Vous avez évoqué la réforme de la protection sociale et des régimes de cotisations de ceux que l’on appelle les gens de mer. Je laisse la ministre vous répondre sur le fond mais la commission a émis un avis défavorable à votre demande pour les raisons habituelles, que vous connaissez.
M. Gilles Lurton et M. Thibault Bazin
C’est dommage !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre
Peut-être vais-je vous rassurer, monsieur Lurton. La réforme date de 2016 et une concertation a été organisée au début de 2018 à propos de son application autour de laquelle un consensus s’est fait jour parmi l’ensemble des acteurs.
La prise en compte des modifications du statut de ces marins fait donc l’objet de mesures très récentes et il nous semble un peu prématuré de réexaminer, dans le cadre d’un rapport, la façon dont les choses se sont passées. Peut-être pourrons-nous en discuter à nouveau dans un an mais, compte tenu de cet historique, d’une concertation très nourrie et consensuelle, nous vous proposons d’en rester là.
Je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je déposerai donc à nouveau cet amendement dans le PLFSS pour 2020.
Tout cela témoigne tout de même des difficultés que nous éprouvons à suivre les mesures que nous avons votées dans les précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale – de ce point de vue-là, nous devons nous améliorer, monsieur le rapporteur général !
J’ajoute que nous avons besoin non seulement d’un rapport d’application mais d’un rapport d’évaluation des lois de financement de la sécurité sociale.
(L’amendement no 1094 est retiré.)
M. Olivier Véran, rapporteur général
D’accord pour retravailler ensemble !
Article 21
(L’article 21 est adopté.)
Après l’article 21
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 225, portant article additionnel après l’article 21.
Sur cet amendement, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Pierre Dharréville
L’annexe 5 du PLFSS, qui fait état des différentes mesures d’exonérations de cotisations sociales, reste très sommaire s’agissant de l’évaluation de ces dispositifs. Le plus souvent, elle se réduit à deux phrases.
Aussi peut-on lire à la page 58 de l’annexe 5 à propos de la réduction générale de cotisations sociales – qui représente tout de même la modique somme de 23 milliards : « Ce dispositif est pleinement efficient selon le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011. Ce dispositif n’a pas fait l’objet d’une évaluation dans sa version issue de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014. »
Voilà tout ce que nous pouvons trouver dans l’annexe 5. Rien sur les objectifs de créations d’emplois, sur les salaires ou l’impact sur l’investissement des entreprises !
Avec la transformation du CICE en réduction pérenne de cotisations sociales, le montant total des exonérations – allègements généraux, exonérations ciblées, exemptions d’assiette – estimé aujourd’hui à 46 milliards d’euros selon l’annexe 5 sera augmenté de 22 milliards, ce qui représente plus de 70 milliards d’exonérations – c’est ce que nous appelons la « prolifération des exonérations » – sans qu’aucune contrepartie ne soit demandée aux employeurs qui en bénéficient.
Au regard des sommes en jeu, il nous paraît nécessaire que la représentation nationale ait une connaissance plus fine de l’usage que les entreprises font de ces dispositifs. Ce serait aussi une manière de prolonger le processus de suivi et d’évaluation mis en place pour le CICE depuis 2013, évaluation qui a fait la preuve de son utilité.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Je profite de cette prise de parole pour rebondir sur ce que M. Lurton a dit tout à l’heure et, bien sûr, pour répondre à M. Dharréville.
La commission des finances, notamment à l’initiative marquante de ma collègue Amélie de Montchalin, a mis en place le « printemps de l’évaluation ». Il s’agit ainsi de prendre du temps, en dehors de tout calendrier budgétaire, pour regarder ce qui a été fait, quelles sont les applications possibles des décisions prises, quelles sont les éventuelles carences auxquelles il faudrait remédier. Il s’agit de se donner du temps, hors du rush
Nous avons déjà un temps fort avec le RALFSS, le rapport d’application de la loi de financement de la sécurité sociale. Derrière ce superbe acronyme, nous pouvons ainsi évaluer au mois d’août certains articles et de voir s’ils ont été suivis ou non de leurs décrets d’application ! Il faut également compter avec les travaux de la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sous l’impulsion de notre collègue, très active, Annie David… pardon, Annie Vidal (Sourires) ! Annie David était une sénatrice communiste de l’Isère et comme je regardais M. Dharréville, songeant qu’il pourrait la saluer à l’occasion… (Sourires)
Avec Mme la présidente Annie Vidal, donc…
Un député LR
Et le coprésident Lurton !
M. Olivier Véran, rapporteur général
Evidemment ! M. Lurton se trouve toujours où il est question d’évaluation !
Il me semble plus intéressant de travailler à la mise en place d’une organisation – il n’y a pas de raison que nous n’y parvenions pas – plutôt que de demander au Gouvernement de remettre des rapports au Parlement. Nous devons nous emparer de cette mission d’évaluation. Certains collègues commencent à le faire dans d’autres domaines et, encore une fois, nous pouvons y arriver en ce qui concerne la sécurité sociale.
Je vous invite à nous laisser un peu de temps, pour commencer au mois de janvier à travailler tous ensemble.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Compte tenu des arguments du rapporteur, je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement. A défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Je précise simplement que la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, sous l’impulsion de ses deux coprésidents, a commencé à réfléchir sur cette question. D’ici à la fin de l’année, nous proposerons à la commission des affaires sociales de mettre en place une autre organisation pour mieux évaluer les mesures phares des PLFSS qui incarnent notre politique. (M. Laurent Pietraszewski applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
Monsieur le rapporteur général, hier ou avant-hier, à deux reprises, vous avez vous-même pris l’initiative de demander des rapports au Gouvernement sur des sujets inédits et ce dernier a répondu favorablement.
Je me suis, quant à moi, permis de vous faciliter la tâche en formulant une demande en direct. Il me semble que vous pourriez la valider, sur un thème qui n’est pas mineur : nous parlons de milliards d’euros ! Le concours de l’administration me semble nécessaire pour que nous puissions disposer d’une évaluation un peu fine sur de tels enjeux.
Cela complète utilement les propositions que j’ai faites, hélas repoussées, visant à créer le fameux ONDEC, Objectif national de dépenses d’exonérations de charges. Son installation, l’année prochaine je l’espère, nécessite de disposer d’évaluations précises.
Je me permets donc de maintenir cette demande de rapport.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 225.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 35
Majorité absolue 18
Pour l’adoption 7
Contre 28
(L’amendement no 225 n’est pas adopté.)
Article 22 et annexe C
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 623.
M. Stéphane Viry
Cet amendement vise à rectifier ce qui constitue, me semble-t-il, une erreur matérielle, une erreur de calcul, dans ce PLFSS.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Comme chaque année, monsieur le député, ce que vous pensez corriger résulte en fait d’une règle d’arrondi qui s’applique dans tous les textes budgétaires. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement, de même que l’amendement suivant no 624, comparable. À défaut, avis défavorable.
Comme le rapporteur général l’a dit, les chiffres sont présentés en milliards d’euros avec une décimale. Le cumul des chiffres arrondis fait que les sommes peuvent différer d’un dixième sans que leur total soit faux. Il n’y a donc pas d’erreur matérielle.
(L’amendement no 623 n’est pas adopté.)
(L’article 22 et l’annexe C sont adoptés.)
Article 23
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Bagarry, première oratrice inscrite sur l’article.
Mme Delphine Bagarry
Pour la première fois depuis 2001, nous procédons à l’examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui prévoit pour toutes les branches du régime général un excédent de 700 millions d’euros.
Cela résulte d’efforts constants. Depuis plusieurs années, un travail important a été accompli pour assurer la pérennité de notre sécurité sociale.
Un tel excédent a vocation à se répéter les prochaines années, dépassant à partir de 2019 le milliard d’euros. Toutes les branches de notre régime général seront concernées à partir de 2020.
Maîtrise des dépenses et préservation des recettes nous permettent d’œuvrer, au service des Français, à la mise en place d’un équilibre structurel.
Outre que c’en est fini des déficits, nous travaillons en même temps à l’apurement de la dette portée par la CADES, lequel semble probable d’ici à 2024 – telle est la position du Haut conseil de financement de la protection sociale.
Par ailleurs, il convient de s’interroger sur l’objet des excédents que nous créerons à partir de l’an prochain. Devront-ils contribuer au remboursement de la dette de la CADES, être investis dans le plan de transformation de notre système de soins ou, encore, comme le préconise la Cour des comptes, permettre à la sécurité sociale de mettre en place son propre fonds de compensation ?
Nous devrons répondre à cette question, bien sûr, mais n’oublions pas non plus que nous devrons aussi nous interroger sur le financement d’une possible cinquième branche, celle de la dépendance.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Mon intervention rétablira sans doute un équilibre après les propos de Mme Bagarry.
On pourrait se réjouir de la stratégie mise en place mais la réalité, c’est le déficit de la branche maladie. Le retour à l’équilibre peut s’opérer de deux façons : soit on engage des réformes structurelles – nous attendons impatiemment de formuler nos propositions – soit on rabote, de PLFSS en PLFSS, et il semble que cela soit la voie choisie pour le moment.
J’appelle votre attention sur un point, madame la ministre, à propos des tableaux d’équilibre de cet article 23 présentés en annexe : dans le cadre de ce PLFSS, vous voulez économiser 150 millions sur la partie des dispositifs médicaux en ville au travers de baisses de tarifs des dispositifs médicaux et des prestations associées, nous l’imaginons bien.
Or, cela semble contradictoire avec les ambitions du plan que vous avez présenté, « ma santé 2022 » – il faudrait d’ailleurs prévoir avant « ma santé 2019 », « ma santé 2020 », etc. ! En quoi ces économies permettront-elles, madame la ministre, de répondre aux besoins s’agissant de ces soins de proximité que vous mettez en avant ? Cela semble un peu incohérent et contradictoire avec le virage ambulatoire promu ainsi qu’avec la volonté des patients de rester le plus longtemps possible à domicile.
Nous voyons bien, c’est une question de bon sens, que nous avons besoin de ces dispositifs médicaux et, surtout, des entreprises de proximité qui sont présentes sur tous nos territoires afin d’assurer, d’une certaine manière, ce service public.
Madame la ministre, pourriez-vous nous rassurer ? Pourriez-vous nous préciser où se situeraient les économies sur ces dispositifs et les prestations qui leur sont associées ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre
Monsieur le député Bazin, peut-être pourrions-nous réserver cette discussion sur les dispositifs médicaux à l’article 42, où nous parlerons de l’innovation. Tout cela se tient, bien évidemment. Je vous propose donc de remettre à un peu plus tard notre discussion.
M. Olivier Véran, rapporteur général
Très bien.
(L’article 23 est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1280, à l’article 26, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Articles 24 et 25
(Les articles 24 et 25 sont successivement adoptés.)
Article 26 et annexe B
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet
L’article 26 organise la trajectoire pluriannuelle des régimes obligatoires de base pour les quatre années à venir. Or cette trajectoire prévoit notamment une participation de la sécurité sociale à la prise en charge du renforcement des allègements généraux.
Ce qui est en jeu ici, ce sont les relations financières entre l’État et la sécurité sociale et le transfert des excédents de la sécurité sociale dans les caisses de l’État. Éviter les excédents, c’est, quoi qu’on en dise, continuer à exercer une pression sur les salariés, sur les retraités et sur les hôpitaux publics. Nous connaissons tous la situation des hôpitaux publics et des autres établissements de santé. Madame la ministre, vous avez visité avec moi, il y a quelques mois, un EPHAD dans ma circonscription, et vous avez entendu le personnel. Tout le monde est unanime : nous souffrons d’un manque de personnel et de moyens, et ce n’est pas une réorganisation qui pourra le compenser. Nous avons atteint une limite.
Nous allons dégager des excédents – une de nos collègues a évoqué la somme de 700 millions d’euros – et il s’agit de savoir ce que nous voulons en faire. Au-delà des questions techniques et des bons sentiments, c’est un choix de société que nous devons faire. Nous devons regarder en face la question de la dépendance.
Monsieur le rapporteur général – si vous voulez bien lever le nez de vos notes – je n’oublie pas que vous avez tenté, dans la réforme constitutionnelle, de substituer aux mots « sécurité sociale » les mots « protection sociale », ce qui n’est pas neutre. J’entends bien que vous voulez intégrer la question de la dépendance dans le champ de la sécurité sociale et de la protection sociale en France. Néanmoins, il faut savoir à quoi on s’engage et ce que cela peut signifier. Autrement dit, le risque, c’est que le train déraille et que le privé se saisisse d’un certain nombre de secteurs.
Nous allons dégager des excédents et nous ne pouvons pas nous contenter de mesures qui relèvent de la réorganisation. Il faut aussi faire un choix de société. Vous parlez de justice sociale : nous y sommes, agissons ! (Mme Caroline Fiat et M. Pierre Dharréville applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door
J’ai évoqué tout à l’heure l’alerte de la Cour des comptes au sujet de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Vous aviez d’abord prévu 20 milliards d’excédents en 2021, qui ont été ramenés à 9 milliards. Vous m’avez répondu qu’il était normal de rectifier ces prévisions, en fonction des aléas du climat économique, qui peut varier d’une année à l’autre.
Cet article pose cependant une question majeure : que deviendront les excédents, lorsque la CADES sera en voie d’extinction, en 2024 ? Plusieurs scénarios sont possibles – songeons à l’Allemagne, où l’assurance maladie est en excédent depuis des années. On peut supprimer la CRDS et la CSG, on peut réduire les cotisations sociales des assurés, mais on pourrait aussi utiliser ce trésor d’excédents annuels pour augmenter les prestations sociales. Ce que vous prévoyez, c’est de reverser ces budgets excédentaires de l’assurance maladie dans le budget de l’État, mais le problème, c’est de savoir ce que l’État en fera après 2024.
Ce sont des questions majeures auxquelles il faut répondre sans attendre 2024, qui va arriver vite. Tout à l’heure, Éric Woerth a proposé que ces sommes soient destinées à la prise en charge la dépendance. Mme la ministre a répondu sur la question de la dépendance et M. le rapporteur général sur la question des retraites. Mais tout cela, ce sont des prévisions. (Mme la présidente donne un coup sec sur le micro.) Dites-donc, cela m’a secoué ! Cela prouve que je ne suis pas sourd…
M. Olivier Véran, rapporteur général
Cela prouve que vous êtes long !
M. Thibault Bazin
C’est un sujet important !
M. Jean-Pierre Door
…et que je n’ai pas besoin d’audioprothèse : j’ai cette chance-là, malgré mon âge.
Mme la présidente
Merci de conclure, monsieur Door.
M. Jean-Pierre Door
Je reconnais que j’ai été un peu long, mais je sais, monsieur Véran, que vous êtes d’accord avec moi.
M. Olivier Véran, rapporteur général
Laissez-moi vous répondre et vous verrez.
M. Jean-Pierre Door
Il faut anticiper ce qui se passera dans quelques années. Du reste, c’est le sens de l’article 20.
Mme la présidente
La parole est à Mme Monique Iborra.
Mme Monique Iborra
Je voudrais seulement répondre à M. Aviragnet.
M. Joël Aviragnet
Ah ! Mme Iborra !
Mme Monique Iborra
Nous nous connaissons bien, monsieur Aviragnet, et nous pouvons nous parler franchement.
M. Joël Aviragnet
Vu votre grande expérience, je compte sur votre lucidité.
Mme Monique Iborra
Ne faites pas de procès d’intention, et surtout pas sur la dépendance. Une consultation est en cours, des ateliers sont organisés et il y aura bientôt des débats régionaux. Le financement de la dépendance est effectivement un problème important, et c’est pourquoi trois ateliers vont explorer les possibilités qui s’offrent à nous. Alors, ne tirez pas des conclusions avant que la discussion ait eu lieu, dans la transparence la plus complète. Attendez un peu : je suis sûre que vous serez satisfait.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Olivier Véran, rapporteur général
Monsieur Door, je ne vais pas vous répondre sur ce que nous ferons quand nous aurons remboursé notre dette. Si, à la fin du mois, après avoir payé tous vos frais fixes, il vous reste par miracle 200 euros, mais que vous avez un emprunt de 300 millions d’euros à rembourser, vous n’allez pas vous demander comment dépenser ces 200 euros, mais plutôt essayer de réduire votre endettement. C’est un peu la situation de la France : notre pays a accumulé 2000 milliards de dettes et, avant de nous demander comme utiliser un excédent, il faut d’abord regarder ce qu’il nous reste à rembourser. Vous parlez des générations futures : il vaut mieux leur laisser des finances saines qu’une dette abyssale.
Monsieur Aviragnet, je veux bien que nous ayons le même débat cinquante-cinq fois : nous sommes au Parlement et nous sommes là pour débattre. Vous avez le droit d’être dans le cliché et la caricature permanente, même si je le regrette, à titre personnel.
M. Thibault Bazin
Ce n’est pas très gentil de parler ainsi à un ancien camarade !
Mme Danièle Obono
Vous dites toujours qu’on caricature quand vous n’êtes pas d’accord !
M. Olivier Véran, rapporteur général
Un mot tout de même : quand vous dites que nous voulons supprimer la sécurité sociale et la remplacer par la protection sociale, ou bien vous n’avez pas compris, ou bien vous n’avez pas lu le texte.
M. Joël Aviragnet
Alors dites-nous ce que vous comptez faire !
M. Olivier Véran, rapporteur général
Ce qui a été proposé, lors de la première lecture de la réforme constitutionnelle, c’est que le « projet de loi de financement de la sécurité sociale » devienne le « projet de loi de financement de la protection sociale ». Le terme auquel nous faisons allusion ne remonte pas aux années d’après-guerre : les lois de financement de la sécurité sociale ont été créées par Alain Juppé en 1996. Je suis ravi que vous défendiez l’œuvre d’Alain Juppé : c’est un peu surprenant, mais c’est votre droit. Confondre un budget avec ce qu’il est destiné à financer, confondre la loi de financement de la sécurité sociale avec la sécurité sociale elle-même, c’est un peu fort. À force de crier au loup, vous allez vraiment faire peur aux gens et c’est dommage, car c’est une belle réforme.
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet
Monsieur le rapporteur général, vous m’avez déjà fait le coup hier, à propos du rapport de la Cour des comptes. La rédaction de l’article 10 est très précise, mais vous m’avez expliqué qu’il fallait comprendre autre chose. Vous n’allez pas me refaire le coup aujourd’hui ! (Mme Danièle Obono applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l’amendement no 1280.
Mme Gisèle Biémouret
Cet article organise la trajectoire pluriannuelle des régimes obligatoires de base pour les années 2018 à 2002. Or cette trajectoire pluriannuelle des régimes obligatoires de base prévoit notamment une participation de la sécurité sociale à la prise en charge du renforcement des allègements généraux, comme le préconisait le rapport de MM. Charpy et Dubertret sur les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, et qui vise à transférer les excédents de la sécurité sociale dans les caisses de l’État.
Le groupe Socialistes et apparentés s’oppose à cette confiscation par l’État des excédents du budget de la sécurité sociale. Nous sommes au contraire favorables à l’autonomie financière de la sécurité sociale : c’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Sans entrer dans un débat sur le fond et sur notre différence d’appréciation, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement pour une raison de forme. Si cet article était supprimé, le projet de loi de financement de la sécurité sociale deviendrait inconstitutionnel, puisque cet article est obligatoire.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1280.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l’adoption 6
Contre 31
(L’amendement no 1280 n’est pas adopté.)
(L’article 26 et l’annexe B sont adoptés.)
Vote sur l’ensemble de la troisième partie
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
(L’ensemble de la troisième partie du projet de loi est adopté.)
Quatrième partie
Mme la présidente
Nous abordons la quatrième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux dépenses pour l’année 2019.
Article 27
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Si l’objectif premier des établissements de santé est de dispenser des soins de qualité, cela s’appuie bien évidemment sur une politique qualité affirmée et formalisée intégrant l’ensemble des processus qui contribuent à cette qualité et qui permet de valoriser les bonnes pratiques.
Depuis 1999, la procédure de certification des établissements de santé a suscité de nombreuses démarches d’amélioration continue de la qualité, et elle est en constante évolution. Cela a bien évidemment été possible grâce à des incitations financières, telles que l’incitation financière pour l’amélioration de la qualité – IFAQ – et la rémunération sur objectifs de santé publique – ROPS – qui ont permis des améliorations notables qu’il est légitime de vouloir appliquer à d’autres champs.
Cet article propose donc d’étendre le dispositif de paiement à la qualité, qui concerne aujourd’hui les activités de médecine, chirurgie, obstétrique – MCO –, de soins de suite et de réadaptation – SSR – et d’hospitalisation à domicile – HAD – aux établissements psychiatriques, sous trois ans. Il propose également une meilleure prise en considération de l’expérience des patients : ceux-ci doivent être placés au cœur de notre système de santé, car ils sont une force de proposition pour de nouvelles pistes d’amélioration. Dans ce but, le budget alloué à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins sera considérablement augmenté en 2019, puisqu’il sera multiplié par cinq.
Dans le même temps, il convient d’inciter davantage les établissements qui n’atteignent pas les seuils de qualité attendus à se mettre à niveau, afin de préserver l’image de la majorité des établissements qui se sont engagés dans ces démarches qualité, et surtout pour garantir la qualité et la sécurité des soins. Après notification des écarts constatés, et à la fin du délai octroyé de trois ans, ces établissements se verront appliquer une pénalité. Parce qu’il est de notre responsabilité de créer les conditions de l’amélioration continue de la qualité des soins, nous voterons cet article qui soutient la qualité comme un outil au service du mieux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono
Je voulais profiter de cette discussion sur l’article 27 pour relayer ici l’appel des personnels de santé de la psychiatrie parisienne, qui sont mobilisés depuis le mois de septembre contre les conséquences négatives de la fusion de leurs établissements au sein d’un groupement hospitalier universitaire. Ces personnels ont publié l’appel suivant, à destination des usagers et des usagères, mais également des élus : « Chaque année, un Français sur cinq est affecté par un trouble psychiatrique. Nous sommes donc tous potentiellement concernés, directement ou non, par ce qui est en train de se dérouler au sein des trois établissements psychiatriques parisiens : un nouvel accord sur le temps de travail qui, en l’état, entraînera une nette dégradation de la qualité des soins. Désormais, par souci d’économies, nous allons perdre ce temps qui, jusqu’ici, nous permettait d’élaborer des projets personnalisés pour les patients, d’échanger sur des situations complexes en équipes pluridisciplinaires.
C’est cela que l’on souhaite, des soignants qui n’ont plus le temps de réfléchir ? Nous allons perdre ce temps qui, jusqu’ici, nous permettait d’accompagner au quotidien les patients qui le nécessitent afin de favoriser le retour de leur autonomie, d’être là pour recueillir la parole des patients, qui n’ont que nous pour les écouter. C’est cela que l’on souhaite, des soignants qui n’ont plus le temps d’être présents aux côtés des patients ? Nous allons perdre ce temps qui, jusqu’ici, nous permettait de récupérer, nous qui sommes en contact permanent avec la souffrance psychique, à qui l’on demande une écoute et une patience monumentales, tous les jours. C’est cela que l’on souhaite, des soignants épuisés, incapables de prendre du recul ? Nous allons perdre ce temps qui, jusqu’ici, nous permettait de recevoir les familles au téléphone, en entretien, sauf peut-être à la volée, entre deux prises de sang et une injection. C’est cela que l’on souhaite, des soignants qui n’ont plus le temps de rassurer les familles ? Nous ne comptons déjà pas nos heures. Qui pense à prendre soin des professionnels de soin ? »
Cet appel explique en partie pourquoi nous voterons contre cet article. Aujourd’hui, rien dans ce projet de loi ou dans le discours de la ministre ne nous permet de penser que la qualité des soins, le suivi des patients et l’accompagnement des soignants seront assurés. Il est donc important de soutenir les soignants et soignantes en lutte à Paris et ailleurs, en France, en s’opposant à l’adoption de cet article.
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
J’ai souhaité m’inscrire sur cet article, qui est le premier du titre Ier de la quatrième partie : « Transformer le système de soins ».
Ce sont les mesures prévues à ce titre qui devront permettre de concrétiser l’engagement du Président de la République d’ici 2022 : un médecin référent par Français et un accès aux soins primaires adapté dans la journée.
On ne peut transformer sans méthode, sur laquelle j’insisterai car elle est peut-être plus importante que l’objectif. Les clés de la transformation sont aujourd’hui confiées à des structures, les agences régionales de santé, qui ont succédé aux agences régionales de l’hospitalisation. Si j’en crois les experts, elles seraient devenues des techno-structures, des fabricants de circulaires, des outils de listes d’indicateurs à observer. Certains disent qu’elles agissent en silo. Pour ma part, je les baptiserais volontiers du nom de monstres froids.
Transformer un système de santé, comme tout projet du reste, nécessite méthode, empathie, bienveillance, connaissance globale du territoire, absence de fonctionnement en silo. D’ailleurs, je lis les publications du corps préfectoral : nos préfets se plaignent de ne pas être écoutés en dépit des notes qu’ils adressent au ministre de l’intérieur et au premier ministre, mais rien ne change.
Les méthodes utilisées par les ARS pour faire évoluer ou fermer des services, sont très compliquées à comprendre pour les élus car l’empathie n’est plus au rendez-vous. Il arrive même que l’on recrute des professionnels de santé pour un centre de périnatalité qui n’est pas encore créé puisqu’une mission d’expertise doit au préalable se prononcer sur la viabilité de la maternité.
Je sais combien vous êtes attachée, madame la ministre, à la mise en œuvre des politiques publiques, mais n’oubliez pas combien il est essentiel que les bras armés chargés d’appliquer ces politiques soient au service des habitants et que ces politiques soient comprises. Je compte sur votre engagement politique personnel pour qu’il en soit ainsi.
Mme la présidente
La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton
Cet article 27 prévoit d’étendre le dispositif adopté dans le cadre du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2018 qui organisait le paiement à la qualité des établissements de santé. Il vise à enrichir le processus de démarche qualité de nos établissements de soins en l’étendant au secteur de la psychiatrie et en proposant de prendre en compte l’expérience du patient. Ces dispositions vont dans le bon sens, ne serait-ce que parce que la France est très en retard dans le contrôle de la qualité de ses établissements de soins.
Je ferai néanmoins plusieurs remarques.
Tout d’abord, la question des pénalités financières prévues par cet article pour les établissements de santé qui feraient preuve de « non-qualité » pendant trois années consécutives nous inquiète.
En effet, dans un contexte de contraintes financières très fortes pour nos établissements de soins, le manque de moyens est souvent à l’origine d’une dégradation de la qualité. Aussi, en pénalisant financièrement les établissements, vous les faites entrer dans un cercle vicieux puisqu’ils ne pourront améliorer leur niveau de qualité et se trouveront contraints de fermer.
Bien sûr, en commission, monsieur le rapporteur général, vous nous avez assuré que ce système de pénalité, mis en place en concertation avec les ARS, n’avait pas cet objectif et que l’ensemble des causes et des conséquences seraient prises en compte avant toute pénalité. Cependant, en l’absence de critères lisibles pour l’exercice de ce contrôle, donc de garanties de la volonté de préserver les établissements de soins dans tous nos territoires, nos inquiétudes demeurent.
Par ailleurs, si nous sommes tous d’accord pour reconnaître que nos établissements de soins doivent se soumettre à un véritable contrôle de qualité, il est important que ce contrôle soit transparent et lisible pour tous. Le rapport d’information remis par Mme Vidal en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale fournit d’ailleurs des pistes d’amélioration.
C’est pourquoi nous souhaitons que les critères de qualité soient précisément définis et identiques pour tous les établissements, en particulier celui de la prise en compte de l’expérience du patient qui doit être au cœur de ce contrôle qualité et qui, par conséquent, ne saurait être un critère facultatif, soumis au bon vouloir de l’établissement.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
Ce dispositif est assez cohérent avec la logique de ce projet de loi, dans le prolongement de celui de l’année dernière. Nous venons d’adopter un ONDAM de compression des dépenses de santé, aussi faut-il bien se donner les moyens de l’appliquer, après avoir compressé les ressources.
La logique est implacable. Si les établissements sont économes, au niveau des prescriptions ou des transports en particulier, ils seront récompensés. Dans le cas contraire, ils seront pénalisés. Nous sommes face à une logique de chantage, et il nous paraît indécent de s’inscrire dans une telle démarche quand on connaît l’état de nos hôpitaux aujourd’hui : nus avons visité de nombreux établissements au cours de notre Tour de France et la situation est quasiment la même partout.
C’est indécent. Si seule la mauvaise volonté des personnels ou des directions était en cause, les choses seraient plutôt simples, mais leur bonne volonté est indéniable. Ces dispositions sont donc hors sujet. Les mesures de pénalités ne font qu’ajouter des difficultés à ceux qui en ont déjà suffisamment.
Vous vous contentez de donner à l’ARS des outils pour gérer la pénurie et l’austérité.
L’extension à la psychiatrie des dispositifs déjà amorcés l’an dernier n’en finit pas de nous laisser perplexes. La psychiatrie était déjà bien connue pour être le parent pauvre mais vos mesures ne l’aideront pas à s’en sortir !
Nous serons toujours vent debout contre des mesures de ce genre, d’autant plus qu’elles risquent de conduire à des évaluations arbitraires. Nous proposerons un amendement pour supprimer cet article.
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 205 et 1273, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat
Cet article prévoit un dispositif pour inciter à la qualité des soins par l’extension du chantage au financement aux établissements psychiatriques. De surcroît, une pénalité financière est prévue au cas où l’objectif de qualité des soins ne serait pas atteint.
Prenons l’exemple du centre hospitalier Philippe Pinel, à Amiens. Vous aviez vous-même reconnu, madame la ministre, que l’une des difficultés majeures serait de trouver des psychiatres pour cet hôpital. Le personnel n’en est pas responsable ! Fera-t-il l’objet d’une pénalité financière ? Les objectifs de qualité de soins ne pourront être atteints, en effet, puisqu’ils n’ont pas les moyens d’engager le nombre nécessaire de psychiatres.
En voulant inciter à la qualité des soins, vous insinuez que la qualité ne serait pas au rendez-vous, du fait de la mauvaise volonté des personnels de santé. Rappelons que la direction de ces établissements, tout comme les personnels, n’obéissent qu’à un seul leitmotiv, celui de soigner dans la dignité. Mais si vous ne donnez pas les moyens à ces établissements de travailler correctement, comment voulez-vous parler de qualité de soins ? Toujours moins pour toujours plus : la situation devient réellement compliquée !
Madame Vidal, j’ai bien compris que les pistes d’améliorations étaient nombreuses, mais n’oublions pas que les patients peuvent être acteurs et avoir beaucoup d’idées, eux aussi. Ce fut d’ailleurs l’objet d’une demande que j’ai adressée au directeur de l’ARS Grand Est car toutes les décisions concernant le CHU de Brabois sont prises sans les soignants. Il est terrible de ne pas prendre en compte les premiers concernés, avec les patients.
Mme la présidente
Nous abordons l’examen des amendements.
Je suis saisie de deux amendements de suppression, nos 205 et 1273.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir l’amendement no 205.
M. Alain Bruneel
Nous sommes dans une situation sociétale compliquée. L’hôpital psychiatrique est souvent considéré comme le parent pauvre de la santé pour ce qui est du financement. Nous avions déjà voté contre ce dispositif l’année dernière et nous n’avons pas changé d’avis, d’autant que vous l’étendez aujourd’hui à l’hôpital psychiatrique ! Cela étant, c’est une manière pour vous de reconnaître que ce secteur est en proie à de graves difficultés. Je ne rappellerai pas les différents mouvements par lesquels les acteurs du terrain ont essayé de témoigner de leur souffrance. Le besoin d’argent est crucial mais il est tout aussi nécessaire de restructurer les bâtiments.
N’oublions pas que les personnels de ces établissements doivent accueillir aussi des adolescents. Faute d’hébergement qui leur soit réservé, ces jeunes se retrouvent avec des adultes, y compris au moment des repas. Le même problème se pose pour les détenus : les personnels ne sont pas formés pour les prendre en charge au cours de leurs sorties, de leurs loisirs.
Le problème est grave et le chemin que vous empruntez n’est pas forcément celui qui nous permettra de résoudre la souffrance exprimée au sein de ces établissements publics. Il faut leur consacrer les moyens financiers nécessaires.
Vous accordez bien volontiers 200 milliards au CICE mais il serait souhaitable de ne pas tout placer dans les exonérations et d’accorder une part de ces milliards aux hôpitaux publics et aux EHPAD.
M. Olivier Véran, rapporteur général
200 milliards ? Vraiment ?
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l’amendement no 1273.
M. Joël Aviragnet
La qualité dans le domaine des soins est bien évidemment une question essentielle que nous ne nions pas. Pour la promouvoir, nous convenons tous qu’il faut pouvoir mesurer la qualité. Dans ce domaine, la France a pris un retard considérable, elle ne dispose quasiment pas d’indicateurs de résultat, mais seulement d’indicateurs très partiels de procédure.
Aussi, la mesure présentée par le Gouvernement pourrait avoir pour effet de pénaliser et de sanctionner financièrement les établissements déjà en difficulté. Le groupe Socialistes et apparentés s’oppose, en toute logique, à cette double peine infligée aux établissements en difficulté.
Monsieur le rapporteur général, vous parliez de cliché et de caricature. Je ne vous demanderai même pas de rester correct mais je répondrai à celui qui, hier, nous expliquait qu’en 2012, il avait voté la suppression de la désocialisation des heures supplémentaires, dispositif qu’il a rétabli hier. Je pourrais également évoquer le tiers payant.
Je me contenterai, monsieur le rapporteur général, de vous rappeler que, pour ce qui me concerne, je garde ma liberté de parole.
M. Thibault Bazin
Il y a de l’ambiance, entre les camarades !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Véran, rapporteur général
Vous gardez votre liberté de parole et personne ne vous l’enlève. Vous pourriez aussi garder de la cohérence, puisque vous proposez de supprimer un dispositif de financement à la qualité mais dans deux minutes vous défendrez un amendement visant à renforcer le dispositif d’évaluation à la qualité pour y inclure des indicateurs-patients. Je serai heureux, du reste, d’y donner un avis favorable. Le système de financement à la qualité n’est donc pas si mauvais puisque vous proposez vous-même de l’enrichir et de l’améliorer. Fin de la discussion à ce propos ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
D’ailleurs, ce n’est pas nous qui avons instauré le système de financement à la qualité puisqu’il est entré en vigueur il y a quelques années, et prévaut depuis encore plus longtemps à l’étranger. La France accusait un retard en ce domaine. Multiplier par cinq les crédits alloués au financement à la qualité ne me paraît pas autre chose qu’un gage donné par cette majorité à l’amélioration de la qualité, de la sécurité, sans sacrifier la proximité des soins.
M. Jolivet a fait allusion à une situation qui lui est chère : nous savons très bien qu’il est très difficile de conjuguer proximité, qualité et sécurité des soins. Il existe un indicateur, le taux de fuite, qui mesure la différence entre le taux de fréquentation théorique d’un établissement d’un territoire de santé par la population qu’il couvre et le taux réel, une partie de la population préférant se déplacer plus loin pour obtenir des soins jugés plus sécurisants : un taux de fuite qui atteint 80 %, comme il arrive parfois, n’est pas dépourvu de signification.
Le paiement à la qualité n’est ni une prime à la bonne conduite ni une sanction. Il a pour objet d’accompagner les établissements de santé dans leur démarche visant à renforcer la qualité et la sécurité des soins. Cette démarche, qui est essentielle, a été fortement enrichie en commission par des indicateurs qui ne relèvent pas que des processus. Vous avez raison, monsieur Aviragnet, de souligner que les process sont aujourd’hui trop favorisés par rapport aux résultats : c’est pourquoi il est indispensable de développer les indicateurs. Vous-même souhaitez, je l’ai dit, les renforcer par la prise en considération de l’avis des patients et des soignants. Il y a aujourd’hui une vraie émulation autour de la question de la qualité : il ne faut pas en avoir peur.
Quant à la question du malus, qui fait l’objet de la désapprobation de M. Bruneel, je tiens à souligner qu’il ne sera instauré que progressivement par les agences régionales de santé. Comme cela a été précisé en commission, il s’agit pour une ARS non pas de pénaliser un hôpital qui est déjà en difficulté, mais de comprendre pourquoi des établissements n’offrent pas une qualité suffisante. Lorsqu’une maternité, qui fait entre 200 et 300 accouchements, n’a pas suffisamment d’activité pour être attractive et réussir à recruter des obstétriciens, des pédiatres ou des anesthésistes, il n’y a pas de responsabilité collective à établir ou de faute à sanctionner. Il convient en revanche de se demander si cet établissement a la possibilité de se rendre plus attractif en relançant l’activité ou s’il n’est pas préférable de raisonner selon une logique de territoire pour conjuguer proximité et qualité des soins.
Des drames se sont produits dans différents établissements du pays, qui ont recruté à tout prix des médecins étrangers sans vérifier qu’ils avaient les diplômes nécessaires pour exercer leur mission. La qualité est essentielle : elle n’est pas une plus-value, elle n’est pas la cerise sur le gâteau. Elle est inhérente à la sécurité des soins qui sont pratiqués dans les établissements de santé. Nous devrions tous nous féliciter de cette volonté de développer l’évaluation et l’accompagnement des établissements qui rencontrent des difficultés.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre
Ces amendements de suppression me permettent de rappeler la philosophie globale de la réforme « ma santé 2022 » : améliorer l’offre de soins au bénéfice de la population française. Cet article est très important. Je tiens à rappeler que les hôpitaux, auparavant, était financés par la dotation globale : ils recevaient chaque année la même somme, qu’ils travaillent bien, qu’ils travaillent mal, qu’ils travaillent beaucoup. Or il est apparu qu’une telle dotation n’est pas un mode de financement vertueux. On est alors passé à la tarification à l’activité, la T2A. Ainsi, les hôpitaux qui accomplissaient une grande quantité d’actes étaient mieux financés, ce qui a entraîné des dérives : on peut faire beaucoup d’actes sans que ces actes soient utiles ou correctement effectués.
C’est pourquoi nous changeons de philosophie pour diversifier les modes de financement des hôpitaux publics, de façon à y adjoindre des critères de qualité, dans l’intérêt réel des patients. Nous visons des actes plus pertinents – nous y reviendrons –, dont les indications sont sûres et qui ne soient pas inutiles. Nous prenons également en considération la sécurité et la qualité de la prise en charge des patients dans l’hôpital. Je pense notamment à la sécurité du circuit des médicaments ou à celle du patient au bloc opératoire : la check-list a-t-elle été remplie avant l’opération, pour vérifier si tous les bilans ont été pratiqués ? Ces critères de qualités sont définis scientifiquement dans tous les pays du monde. La qualité fait d’ailleurs désormais l’objet d’importants congrès internationaux. Ces critères sont définis scientifiquement par la Haute autorité de santé.
Alors que ces critères de qualité étaient naguère très procéduraux – lavage des mains, circuit des médicaments –, progressivement y ont été adjoints des critères qui prennent en considération le ressenti des patients en matière d’accueil et de prise en charge : les explications ont-elles été suffisantes au lit du malade, la raison de son transfert d’un service à un autre lui a-t-elle été expliquée ? L’expérience du patient enrichit désormais les critères de qualité sur lesquels les établissements de santé sont jugés. C’est la méthode du patient traceur : les établissements sont désormais certifiés sur la qualité du suivi du patient et de son accueil, sur la façon dont on lui parle ou dont sa sortie a été organisée, sur les informations qui sont transmises au médecin traitant. Ces critères de qualité parlent aux Français. C’est pourquoi nous avons décidé d’augmenter le budget alloué à la qualité afin d’inciter les établissements à améliorer l’accueil des patients et la sécurisation des soins. Ces incitations sont vertueuses.
Il est vrai que nous avons prévu non seulement la carotte, mais également le bâton. La carotte est importante : le budget alloué à la qualité et à son incitation est considérablement renforcé. En revanche, les établissements qui, durant deux ou trois ans, ne rempliront pas les seuils minimum exigés en termes de qualité se verront attribuer un malus. En effet, si un établissement se moque complètement de la qualité durant plusieurs années consécutives, la question se pose de savoir s’il a encore le droit de soigner des patients. Voilà pour la philosophie du plan « ma santé 2022 ».
La psychiatrie, vous avez raison, est un problème majeur : nous faisons le même constat. Le problème réside dans son financement : elle reçoit une dotation globale qui, de plus, est historiquement mal répartie entre les régions. Dès mon entrée en fonctions, l’année dernière, j’ai pris deux décisions, en raison de mon inquiétude relative à la situation de la psychiatrie française. J’ai tout d’abord sanctuarisé les financements de la psychiatrie, contrairement à ceux de la plupart des établissements, qui ont vu leurs financements diminuer. La psychiatrie française n’a pas été touchée par les diminutions de dotations : elle a conservé le même budget. J’ai également demandé qu’il soit travaillé à une répartition plus équitable des budgets entre les départements – certains sont sur-dotés quand d’autres sont sous-dotés –, afin d’aboutir à l’équité territoriale entre les établissements – nous le vérifierons.
Je tiens également à souligner que la psychiatrie ne répond absolument pas, aujourd’hui, à des critères de qualité. Elle a été mise à l’écart des méthodes d’évaluation des autres établissements. C’est d’ailleurs la psychiatrie qui fait aujourd’hui l’objet du plus grand nombre d’alertes de la part du contrôleur des lieux de privation de liberté ou de la Haute autorité de santé en matière de certification. S’il existe d’excellents établiss