Troisième séance du jeudi 04 octobre 2018
- Présidence de M. Sylvain Waserman
- 1. Croissance et transformation des entreprises
- Discussion des articles (suite)
- Article 57
- M. Cédric Roussel
- M. Philippe Bolo
- Mme Olivia Gregoire, présidente de la commission spéciale
- Amendement no 337
- Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale
- M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances
- Amendement no 2656
- M. Roland Lescure, rapporteur de la commission spéciale
- Amendements nos 173, 221, 1585, 800, 176, 195, 197, 819, 2398, 1890, 2217, 1865, 2520, 651, 837, 1200, 457, 1201, 459, 820, 1943, 838, 821, 822, 839, 1893 et 652
- Après l’article 57
- Suspension et reprise de la séance
- Amendements nos 1335, 1584, 2397 rectifié, 1951, 2894 (sous-amendement), 2070, 2479 rectifié, 2523, 2925 (sous-amendement), 1738, 1800, 1945 rectifié et 782
- Article 57 bis
- Article 58
- Article 59
- M. Cédric Roussel
- M. Dominique Potier
- Amendements nos 340, 2657, 606, 1587, 840 et 841
- Article 59 bis
- Après l’article 59 bis
- Article 59 ter
- Amendements nos 1564, 1565
- Après l’article 59 ter
- Amendements nos 1801 et 2431 rectifié
- Article 59 quater
- Article 60
- Article 61
- Article 57
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sylvain Waserman
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Croissance et transformation des entreprises
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (nos 1088, 1237).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures sept minutes pour le groupe La République en marche, dont 166 amendements sont en discussion ; deux heures dix-huit minutes pour le groupe Les Républicains, dont 229 amendements sont en discussion ; une heure et trente et une minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 28 amendements sont en discussion ; une heure vingt-six minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 59 amendements sont en discussion ; une heure trente-neuf minutes pour le groupe Socialistes et apparentés, dont 52 amendements sont en discussion ; une heure pour le groupe La France insoumise, dont 30 amendements sont en discussion ; trente-six minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 14 amendements sont en discussion.
Il ne reste plus de temps de parole disponible pour les députés non inscrits, dont 38 amendements sont en discussion.
Discussion des articles (suite)
M. le président
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 57.
Article 57
M. le président
Avant de donner la parole au premier orateur inscrit sur cet article, je vous indique qu’à la demande de la commission spéciale, vous est actuellement distribué un document de travail pour éclairer l’article 57 du projet de loi. Il s’agit d’un texte sur l’ordonnance du 17 août 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l’expansion des entreprises.
La parole est à M. Cédric Roussel.
M. Cédric Roussel
En France, l’épargne salariale constitue, avec l’individualisation des rémunérations, l’un des principaux moteurs de mutation de nos politiques de rémunération. Le constat est pourtant simple : actuellement, bien que fortement encouragée par l’État grâce à une législation fiscale et sociale avantageuse, l’épargne salariale reste encore l’apanage des grandes entreprises.
C’est pour cette raison qu’il semble important et opportun de la réformer en instaurant des mesures au plus près des attentes de chacun, en particulier des très petites et des petites et moyennes entreprises – TPE et PME.
Le financement est la clé de cette réforme : pour reprendre les mots que vous avez eus lors de la discussion générale de ce projet de loi, monsieur le ministre, il ne peut y avoir de capitalisme sans capital. C’est donc clair : il faut mettre l’épargne salariale au service de l’économie en apportant des capitaux aux entreprises.
L’article 57 vise à encourager la mise en place de dispositifs d’épargne salariale dans les entreprises de moins de 50 salariés, et à développer la conclusion d’accords d’intéressement dans celles comptant de 50 à 250 salariés.
Concrètement, ces accords d’intéressement permettent aux primes de suivre la croissance de l’entreprise : ce sont donc de véritables outils dans le renouveau du dialogue social.
Vous me permettrez, chers collègues, de conclure, en ce jour du soixantième anniversaire de notre Constitution, sur ces mots du général de Gaulle : « La solution française est dans l’association digne de ceux qui mettraient en commun, à l’intérieur d’une même entreprise, soit leur travail, soit leur technique, soit leurs biens, et qui devraient s’en partager, à visage découvert et en honnêtes actionnaires, les bénéfices et les risques ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Bolo.
M. Philippe Bolo
Cet article 57, très important, considère l’entreprise comme un vaste ensemble composé non seulement de salariés et de dirigeants – jusque là, c’est l’image et le modèle de l’entreprise que nous avons tous en tête – mais qui comprend également les investisseurs, les co-traitants et les sous-traitants, les acteurs du territoire, auxquels elle est liée par un ensemble d’interactions.
Cet écosystème – c’est ce que cet article vise à appréhender – est créateur de valeur ajoutée, laquelle n’aura de véritable valeur que dans le respect de l’environnement comme de l’ensemble des parties prenantes.
Cette valeur ajoutée doit également être partagée : c’est déjà le cas aujourd’hui, notamment entre les facteurs de production que sont les salariés, les dirigeants et les actionnaires. Plus largement, aujourd’hui, le partage se fait également avec les collectivités et l’État, au travers de l’impôt sur les sociétés ainsi que d’autres taxes dont le produit leur permet de mener les politiques et de réaliser les investissements qui sont les leurs. Il convient désormais, avec cet article, d’aller plus loin, en facilitant l’intéressement.
Le groupe MODEM sera particulièrement vigilant sur un point : le développement de l’intéressement ne doit pas se traduire par des lourdeurs administratives supplémentaires pour les entreprises. Nous proposerons donc des amendements visant à simplifier les procédures donnant accès à l’intéressement au plus grand nombre.
M. le président
La parole est à Mme Olivia Gregoire, présidente de la commission spéciale.
Mme Olivia Gregoire, présidente de la commission spéciale
Sans paraphraser notre collègue Cédric Roussel, je tenais tout d’abord à remercier le secrétariat général de la présidence de l’Assemblée nationale, ainsi que vous-même, monsieur le vice-président, d’avoir accepté, exceptionnellement, que soit distribué un document en début de séance, en ce jour du soixantième anniversaire de la Constitution de la Ve République.
Il s’agit du rapport au Président de la République sur l’ordonnance de 1967 relative à l’intéressement, dont je trouvais intéressant de partager, en ouverture de l’examen de cet article 57, le deuxième paragraphe : « […] il apparaît désormais qu’une étape nouvelle doit être franchie : il faut faire participer les travailleurs à l’expansion des entreprises et les y intéresser directement, et cela d’autant que le Ve Plan subordonne justement la croissance économique à une augmentation des investissements dus principalement à l’autofinancement ; dès lors, le progrès, œuvre de tous, doit être pour tous une source d’enrichissement, ce qui signifie que tous doivent prendre une part de l’accroissement du capital qu’il entraîne. »
L’entreprise du XXIe siècle est donc sans doute née au XXe siècle, quand des hommes ont souhaité dépasser la simple réflexion sur le travail et la rémunération et se sont véritablement intéressés aux moyens d’inclure les salariés dans la vie de l’entreprise et d’opérer un véritable partage de la valeur entre parties prenantes, c’est-à-dire quand on a commencé à voir l’entreprise non pas uniquement comme un lieu de labeur, au sens propre du terme, mais comme une collectivité humaine pouvant se fixer des buts de partage, de co-construction et d’enrichissement collectif mutuel.
L’intéressement et la participation découlent de cette réflexion : ils renvoient en effet à une préoccupation d’égalité entre salariés et de reconnaissance de leur rôle de premier plan dans la fabrication de la valeur.
Ce que nous propose cet article 57, qui traduit un engagement présidentiel pris il y a de nombreux mois, c’est cela, c’est la relance de cette ambition au travers de ces dispositifs.
Je serai rapide en ne vous donnant qu’un seul chiffre : en 2013, selon la DARES – la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques –, seuls 20 % des salariés des entreprises de 10 à 49 salariés et 10 % de ceux des entreprises de moins de 10 salariés étaient couverts par au moins un de ces dispositifs.
Nous ne pouvons nous en satisfaire. Nous ne pouvons rester inactifs lorsque des dispositifs que nous souhaiterions voir profiter à tous les salariés échappent ainsi au trop grand nombre, parfois d’ailleurs, comme le disait notre collègue Philippe Bolo, pour des raisons liées à la complexité de leur mise en œuvre. Nous ne pouvons fermer les yeux sur les inégalités d’accès à ce qui, pour beaucoup, représente un complément de pouvoir d’achat, mais qui demeure encore, pour un trop grand nombre de salariés, une chimère.
Compte tenu de l’encouragement que représente la diffusion des dispositifs d’épargne salariale, j’espère très sincèrement que nous observerons, sur tous les bancs, un large consensus en faveur d’entreprises plus justes, plus inclusives, plus modernes et de salariés mieux intéressés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président
Nous en venons aux amendements.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 337, tendant à supprimer l’article.
M. Pierre Dharréville
J’ai vu, chers collègues, que vous aviez décidé de faire beaucoup de storytelling autour de ce sujet. Vous faites beaucoup de mousse autour de cette histoire. Pour ma part, je ne suis pas venu participer à une soirée mousse. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Si l’épargne salariale doit être complémentaire du salaire, elle n’a pas vocation à le remplacer.
Or en supprimant le forfait social – une contribution affectée à la sécurité sociale – pour les entreprises de moins de 250 salariés, afin d’encourager l’intéressement et la participation, cet article 57 contribue à favoriser le développement de l’épargne salariale au détriment de l’augmentation du salaire brut, c’est-à-dire du salaire socialisé, celui qui ouvre des droits à des prestations sociales.
Le coût de cette mesure, et donc le manque à gagner pour les caisses de la sécurité sociale, est loin d’être négligeable : selon l’étude d’impact, il représentera en effet 510 millions d’euros en 2019 et 660 millions en 2020. À cela s’ajoute que la nouvelle exonération que vous mettez en place ne sera plus compensée par le budget de l’État, comme le prévoit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Autant d’argent qui manquera pour soutenir le financement des retraites, puisque le forfait social est une contribution affectée au financement de l’assurance-vieillesse.
Pour nous, il est temps de stopper l’hémorragie : le montant des exonérations de cotisations sociales s’élève déjà, avant bascule du CICE – crédit d’impôt compétitivité emploi –, à 46 milliards d’euros par an. Si certaines sont compensées par l’État, avec ces exonérations, c’est de l’argent qui manque pour financer d’autres politiques publiques.
Loin d’être opposés à l’épargne salariale, nous refusons qu’elle constitue un instrument d’évitement du salaire ainsi qu’une nouvelle niche sociale.
Pour toutes ces raisons, nous demandons, je suis au regret de vous le dire, la suppression de cet article.
M. le président
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale
Chers collègues, monsieur Dharréville, parce que nous entamons un nouveau chapitre du projet de loi, qui s’intitule « Des entreprises plus justes », permettez-moi de prendre un peu de recul.
Il est en effet important de comprendre le sens de nos débats et de resituer dans un contexte plus large mes propos sur cet amendement de suppression. Que faut-il retenir de ce chapitre III ?
Il initie un double mouvement, un double tempo. Il s’agit d’abord de reconnaître enfin par la voie législative, ici, ce soir, dans cet hémicycle, ce que des centaines d’entreprises pratiquent déjà, et ce depuis des années, voire des décennies. Il s’agit ensuite d’inciter celles qui n’ont pas encore mis en place de tels dispositifs à se lancer, à se les approprier, à aller de l’avant, bref à être plus vertueuses.
Avec les deux sections de ce chapitre III, il s’agit d’une part de renforcer le partage de la valeur créée en entreprise, d’autre part de renforcer la création de valeur partagée par tous.
La section 1 s’intitule : « Mieux partager la valeur ». De quoi s’agit-il ? Précisément, d’associer les salariés à la valeur créée par l’entreprise, que ce soit sous la forme de l’épargne salariale ou sous la forme de l’actionnariat salarié.
Le Président de la République déclarait récemment : « Actuellement, l’épargne salariale n’est pas un droit, c’est un privilège. Travailler à l’extension de l’épargne salariale dans les PME, c’est essayer de lutter contre le constat que 10 % des salariés seulement ont accès à ces dispositifs. » Nous sommes effectivement confrontés, depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, à une montée des inégalités, dont l’accroissement des écarts de rémunération, dont nous pourrons reparler.
Il me semble que le projet de loi PACTE entend, particulièrement dans ce chapitre, donner une place plus importante aux parties prenantes.
Qu’il s’agisse des salariés ou des dirigeants des petites ou des grandes entreprises, notre volonté est bien de concilier ce que des caricatures hélas chercheraient à opposer. Au sein d’une entreprise, nous contribuons tous à la même œuvre : sa croissance et au-delà, la prospérité de la France entière. Nous ne ferons donc pas ici de grands discours théoriques, ni ne formulerons d’incantations : notre ambition est d’améliorer concrètement la vie des salariés et des entreprises.
Lorsque nous facilitons l’accès à l’épargne salariale, nous permettons à des centaines de milliers de salariés d’être reconnus comme des acteurs à part entière de la réussite de l’entreprise. Il existe en effet de nos jours, comme l’a souligné la présidente de la commission spéciale, une inégalité de fait entre les structures, selon leur taille.
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, environ 87 % des salariés sont couverts par l’un des dispositifs d’épargne salariale, contre seulement 0,4 % des salariés dans les structures de moins de 50 salariés, tous dispositifs cumulés. Ainsi, monsieur Dharréville, lorsque nous réduisons le forfait social pour les entreprises de moins de 50 salariés, nous luttons contre une injustice qui oppose les salariés des grandes structures et ceux des petites ; et lorsque nous poussons cet effort jusqu’aux entreprises de 250 salariés pour celles qui ont conclu ou qui concluront un accord d’intéressement, là encore nous gommons au maximum les différences et les inégalités structurelles qui peuvent exister entre petites, moyennes et grandes entreprises.
En matière d’intéressement aussi, les situations ne sont pas toujours équitables – nous pourrons en reparler.
Nous donnons ainsi une incitation globale, tout en motivant davantage les salariés, parce qu’à notre sens, la réussite des uns ne peut ni ne doit se faire sans celle des autres.
Favoriser l’épargne salariale, c’est aussi, ne l’oublions pas, permettre la stabilisation et le développement de l’investissement de l’entreprise. Il nous faut lui permettre de se développer plus vertueusement, plus rapidement et plus durablement.
Pour conclure, et pour résumer cet esprit de progrès et d’équilibre qui anime ce texte et ce chapitre en particulier, je voudrais citer – sans grande originalité – le général de Gaulle, qui déclarait en 1967 : « Il faut, enfin, que dans les entreprises la participation directe du personnel au résultat, au capital et aux responsabilités devienne une des données de base de l’économie française. Très vaste transformation sociale dans laquelle la participation, qui est maintenant prescrite par la loi, constitue une importante étape. » Je suis très fière que nous continuions ce soir.
Avis défavorable à l’amendement no 337. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances
Je voudrais d’abord remercier la Conférence des présidents d’avoir fait le choix de donner le temps nécessaire au débat. Il me semble que nous avons déjà passé suffisamment de temps en commission spéciale et sur les bancs de cet hémicycle pour que nous puissions poursuivre l’étude dans le détail de chacun des articles de ce projet de loi fondamental, en laissant à chacun la possibilité de s’exprimer librement et longuement s’il le souhaite.
L’article que nous étudions maintenant est un des articles fondamentaux du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Il n’y a pas de succès pour les entreprises sans succès pour les salariés. Il ne peut pas y avoir de résultats et de bénéfices pour les entreprises si les salariés ne sont pas les premiers gagnants. C’est une question de justice – et je considère que la justice est au cœur du succès économique et qu’il n’y a aucun succès économique durable qui soit bâti sur davantage d’inégalités ou sur de l’injustice. Si une entreprise obtient des résultats, c’est d’abord parce que les salariés se sont engagés pour les obtenir. Si elle fait un bénéfice, c’est parce que les salariés ont fait le nécessaire pour que les produits soient de qualité, qu’ils soient vendus et que le bénéfice soit au rendez-vous.
Cette idée de l’intéressement et de la participation est une singularité française. C’est une idée qui, lorsqu’elle a été proposée au général de Gaulle, était une idée révolutionnaire et il fallut le caractère révolutionnaire du général de Gaulle pour affirmer que l’intéressement et la participation étaient indispensables au succès de l’économie française à une époque où l’on pensait que les salariés, les ouvriers, les travailleurs importaient peu et que seul comptait le résultat de l’entreprise. Eh bien, cette révolution, nous la poursuivons avec notre projet de loi, en renforçant les dispositifs d’intéressement et de participation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
C’est une question de justice. Les chiffres, qui ont été rappelés par la présidente Olivia Gregoire, sont accablants pour notre économie : près de 70 % des salariés ont accès à un dispositif d’intéressement ou de participation dans les entreprises de plus de 250 salariés, contre moins de 10 % dans les plus petites entreprises. La messe est dite : l’intéressement et la participation, c’est pour les grands, ce n’est pas pour les petits. Eh bien, nous, nous allons achever la révolution engagée par le général de Gaulle en nous fixant comme objectif qu’à terme, la totalité des salariés des TPE et PME françaises aient accès à un dispositif d’intéressement et de participation. Les 70 %, ce ne doit plus être uniquement pour les salariés des entreprises de plus de 250 salariés, ce doit être pour tous les salariés.
Comment allons-nous faire ? D’abord, nous allons supprimer le forfait social, terme élégant pour dire « taxe ». Comment voulez-vous qu’un chef d’entreprise qui a quelques salariés puisse verser de l’intéressement quand il sait qu’à chaque fois qu’il versera 100 euros, ce sont 120 euros qu’il aura à payer ? Nous avons donc décidé de supprimer ce forfait social qui n’a cessé d’augmenter depuis des années, passant de 2 % à 5 %, puis à 8 %, puis à 15 % et enfin à 20 %. Il en est toujours ainsi en France : quand on crée une taxe, on prétend que ce sera indolore, à hauteur de 0,1 % ou 0,3 %, mais ça finit par augmenter et par atteindre des chiffres extraordinaires. Nous, nous allons supprimer ce forfait social, cette taxe. Bonne chance à celui qui voudra revenir sur cette décision ! Une fois que les entrepreneurs et les salariés auront pris l’habitude de développer l’intéressement et la participation, je suis convaincu que personne ne pourra revenir en arrière.
M. Stanislas Guerini
Eh oui !
M. Bruno Le Maire, ministre
D’ailleurs, le propre des belles révolutions, c’est qu’on ne revient jamais en arrière.
Nous allons en outre mettre à la disposition des salariés et des entrepreneurs, branche par branche, des accords d’intéressement simplifiés, afin que chacun puisse conclure un accord d’intéressement et de participation dans les meilleures conditions possibles. Nous allons encore ouvrir la voie à l’actionnariat salarié, auquel je crois profondément. De même que nous avons donné tout à l’heure la possibilité aux citoyens français d’entrer au capital de la Française des jeux ou d’Aéroports de Paris, nous rendons possible et facilitons le développement de l’actionnariat salarié, afin que les salariés soient des acteurs de la vie de leur entreprise.
Derrière tout cela, il n’y a pas seulement des questions comptables, il y a une vraie philosophie de l’économie. L’économie, c’est une vision de la société. Il n’a pas, d’un côté, les salariés, de l’autre, les entrepreneurs, d’un côté, les ouvriers, de l’autre, les patrons, les uns étant en conflit avec les autres, il y a la volonté de construire une société commune, où chacun sert l’intérêt de son entreprise et l’intérêt général.
Je ne dis pas que nous y arriverons du jour au lendemain. Je ne mésestime pas les arguments de M. Dharréville. Il est évident que l’intéressement et la participation ne doivent pas se substituer au salaire. Il est évident que la question des cotisations sociales est une question importante, que l’on ne peut écarter d’un revers de la main. Il n’est pas question pour nous de dire que l’un va se substituer à l’autre. Je crois profondément que ce que nous faisons aujourd’hui est essentiel pour les salariés français, pour notre vision de l’économie et pour notre société. « Ni le vieux libéralisme ni le communisme écrasant. Autre chose. Quoi ? Quelque chose de simple, de digne et de pratique qui est l’association des travailleurs aux résultats de l’entreprise. » C’est le général de Gaulle qui disait cela ; c’était en 1958. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle
Nous pouvons nous retrouver sur l’objectif. Les chiffres sont terribles : la part réservée aux salariés dans la distribution des bénéfices dans notre pays n’a cessé de diminuer depuis vingt ans. C’est dramatique, et c’est injuste. Les salariés, qui ont participé au succès de l’entreprise, qui ont, avec leur travail, contribué au bénéfice doivent pouvoir en profiter. Qu’une partie de ce bénéfice aille aux actionnaires est parfaitement normal ; qu’une autre aille à l’investissement, c’est indispensable ; mais une partie doit aussi revenir aux salariés. J’avais cité des chiffres précis en commission spéciale ; si vous le souhaitez, je pourrai vous les redonner, mais c’est affligeant.
Quant à savoir si ce projet de loi justifie les grandes envolées qui viennent d’être faites,…
M. Dominique Potier
La réponse est non !
M. Daniel Fasquelle
…je ne le crois pas. Pour ma part, je n’ai pas envie de participer à une soirée mousse. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Vous vous êtes fait plaisir. Certes, il y a de petites avancées dans votre texte, mais ça ne justifie certainement pas ces grandes envolées. Expliquer que la suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés, forfait qui n’existait pas avant 2008, est une révolution… Franchement ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Pourtant, c’est très exactement ce qu’a dit M. le ministre : il a parlé de « révolution » à propos de la suppression du forfait social. Permettez-moi d’en sourire ! L’intéressement, la participation étaient-ils si répandus auparavant en France ? La création du forfait social y a-t-elle mis un coup d’arrêt ? Non. C’est bien de le supprimer ; j’ai d’ailleurs déposé un amendement pour qu’on le fasse progressivement pour toutes les entreprises.
Vous invoquez le général de Gaulle. Cela aussi me fait sourire. J’imagine mal le général de Gaulle invitant le président américain, qui plus est quand celui-ci s’appelle Donald Trump, à participer aux festivités du 14 juillet à l’Élysée et lui déroulant le tapis rouge. (Exclamations sur les bancs des groupe LaREM et MODEM.) Je l’imagine mal faire la visite que M. Macron a faite aux États-Unis. Je l’imagine mal singer en permanence le président américain, notamment en mettant en scène sa signature des projets de loi.
M. Erwan Balanant
Révisez vos cours d’histoire !
M. Daniel Fasquelle
Je l’imagine mal allant en Bretagne dire aux ouvrières de Gad qu’elles sont illettrées.
M. le président
S’il vous plaît, chers collègues !
M. Daniel Fasquelle
Laissez donc le général de Gaulle là où il est. Travaillons sérieusement sur le texte et acceptez nos amendements pour que ce soit une vraie révolution, et non des effets de manche et des effets d’annonce !
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas
Vous êtes jaloux parce que c’est nous qui le faisons !
M. le président
La parole est à M. Stanislas Guerini.
M. Stanislas Guerini
Ce soir, les choses sont claires : chacun a choisi son camp. Monsieur Dharréville, vous avez choisi le camp de l’idéologie. Nous, nous avons choisi le camp des salariés, le camp de la vraie vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Votre idéologie est un peu « moussante », si je puis dire. Quand on est dans la vraie vie, il faut être précis – ce sera aussi ma réponse à M. Fasquelle. Vous dites que l’intéressement et la participation seraient une manière déguisée de pratiquer une substitution au salaire. Sur ce point, nous avons un profond désaccord. Quand on est précis, on voit comment sont faits les plans d’intéressement. Ils ont un caractère d’imprévisibilité. Ils sont négociés, mis aux voix et doivent être adoptés par les deux tiers des salariés, pour une durée de trois ans. C’est aussi cela la démocratie dans l’entreprise. La thèse selon laquelle les accords d’intéressement et de participation seraient de la rémunération déguisée ne tient pas. Elle n’est d’ailleurs pas partagée par toutes les organisations syndicales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Monsieur Fasquelle, vous dites que l’instauration du forfait social puis sont augmentation n’ont rien changé, mais c’est que vous n’avez pas regardé les choses dans le détail. En l’occurrence, les détails ont de l’importance. Dans ce projet de loi, nous prenons aussi de nombreuses mesures de simplification.
M. Bruno Le Maire, ministre
Très juste !
M. Stanislas Guerini
Nous supprimons l’obligation de mettre en place les instances représentatives du personnel avant le plan d’intéressement.
M. Pierre Dharréville
Par idéologie !
Mme Olivia Gregoire, présidente de la commission spéciale
Non, par pragmatisme !
M. Stanislas Guerini
Nous favorisons les accords d’intéressement de projet. Nous favorisons les accords de branche pour proposer des accords-types d’intéressement. Ce sont autant de petites mesures peut-être techniques, mais qui feront la différence.
Nous, nous sommes dans la vraie vie, nous sommes dans le réel et, surtout, nous sommes du côté des salariés ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
(L’amendement no 337 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l’amendement no 2656.
M. Adrien Quatennens
J’adore voir le ministre Bruno Le Maire, mes collègues de la majorité ainsi que la droite verser de chaudes larmes de crocodile en déplorant le fait que, depuis de trop nombreuses années, les salariés ne reçoivent pas leur dû. Je suis mille fois d’accord avec eux ! Le problème, c’est qu’on ne peut pas ne pas voir que l’épargne salariale est effectivement un moyen détourné d’éviter de faire ce que vous ne voulez absolument pas faire, à savoir augmenter les salaires.
M. Hervé Berville
C’est faux !
M. Adrien Quatennens
Si vous vous offusquez du niveau insuffisant de rémunération des salariés, vous pourriez augmenter les salaires. Or quelle différence y a-t-il entre augmenter les salaires et faire ce que vous faites, à savoir développer l’épargne salariale, l’intéressement et la participation ? Vous le savez fort bien. La différence réside dans les cotisations. Et puisque M. Guerini en appelle à la précision, puisqu’il affirme qu’il est du côté des salariés, soyons donc précis ; les salariés sauront ensuite juger par eux-mêmes.
Quand le Gouvernement, dans ses éléments de langage – et récemment encore, M. Darmanin sur un plateau de télévision – explique à tous les salariés français que leur salaire va augmenter parce que leurs cotisations sociales seront diminuées ou supprimées, comme vous, il ment. C’est un mensonge éhonté. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Je regrette qu’il faille rappeler cette vérité essentielle, y compris devant d’éminents professeurs d’économie ! Les cotisations sociales sont une partie intégrante du salaire : elles sont du salaire, en l’occurrence différé, du salaire socialisé, notamment destiné au financement de la Sécurité sociale.
Ce que vous voulez faire en développant l’intéressement et la participation, c’est mettre en difficulté la Sécurité sociale et son financement. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Erwan Balanant
Mais non !
Mme Nadia Hai
Comme il est facile de dire n’importe quoi !
M. le président
S’il vous plaît, mes chers collègues…
M. Adrien Quatennens
Non, ma chère collègue. Vous pouvez ne pas être d’accord, mais cela ne vous empêche pas de l’être dans le calme. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Erwan Balanant
On a vu de quoi vous étiez capable sur ce plan !
M. le président
S’il vous plaît, mes chers collègues, nous écoutons M. Quatennens.
M. Adrien Quatennens
Tout va bien se passer, mes chers collègues, rassurez-vous…
Votre affaire de suppression du forfait social va coûter la bagatelle de 440 millions d’euros par an à la sécurité sociale : voilà la réalité que vous taisez. Vous n’expliquez pas aux gens que, ce que vous leur donnez d’une main, vous le leur reprendrez de l’autre. À moins que vous nous expliquiez comment vous entendez compenser cette mesure !
Tout à l’heure, le Président de la République s’est en effet laissé aller à dire, dans l’une de ses envolées lyriques coutumières, que ceux qui n’aiment pas l’État sont ceux qui veulent une VIe République. Bien évidemment, votre humble serviteur, parmi d’autres, s’est senti visé… Eh bien, j’ose le dire à celles et ceux qui nous regardent ce soir : ceux qui n’aiment pas l’État, ce sont ceux qui affaiblissent la Sécurité sociale. (Mêmes mouvements.) Ceux qui n’aiment pas l’État, ce sont ceux qui privatisent à tour de bras, affaiblissant l’État et ses capacités d’intervention ; ceux qui n’aiment pas l’État, ce sont ceux qui libéralisent à tour de bras ; ceux qui n’aiment pas l’État, ce sont ceux qui défendent à tout bout de champ cette affreuse loi PACTE. Voilà la vérité ! (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Ceux qui n’aiment pas l’État, ce sont ceux qui, depuis tout à l’heure, se disent du côté des salariés alors qu’en réalité, ils affaiblissent le financement de la Sécurité sociale. Voilà quelques vérités, monsieur Guerini, qu’il fallait rappeler à cette heure.
M. le président
Mes chers collègues, nous sommes appelés à siéger ensemble pour un bon moment encore. Je vous invite donc à la sérénité et au respect des orateurs.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement en discussion ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Je conçois que ce débat soit pour vous l’occasion d’une tribune, monsieur Quatennens.
M. Adrien Quatennens
Arrêtez ! Répondez au mois avec de vrais arguments ! C’est insupportable ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Ne nous trompons pas de sujet. Tant que vous répéterez des erreurs ou des choses fausses, je ne cesserai de répéter ce qui est l’objet même du chapitre dont nous parlons : assurer un meilleur partage de la valeur créée ; associer les salariés au résultat et au bénéfice de l’entreprise ; consentir des efforts fiscaux que nous décidons et assumons collectivement, au bénéfice des salariés. Ce dispositif est loin d’être une erreur : il est un instrument de solidarité et de partage de la valeur créée, je le répéterai cent fois s’il le faut ce soir. Ce dispositif, non seulement il ne faut pas le fustiger, mais il faut s’en féliciter. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Défavorable.
Je sens que la soirée mousse a bien commencé : chacun est dans un état d’agitation extrême... (Rires.) Personnellement, je ne suis guère branché soirée mousse : elles ne correspondent pas trop à mon genre de beauté, cela ne vous surprendra pas…
Mme Laure de La Raudière
Il faut essayer, monsieur le ministre ! (Rires.)
M. Bruno Le Maire, ministre
Non merci, il y a des choses que je préfère ne pas essayer… (Sourires.)
M. le président
Ne vous laissez pas distraire, monsieur le ministre… (Sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre
Revenons aux cotisations d’assurance chômage et d’assurance maladie… Je suis en désaccord profond avec M. Quatennens sur deux points de fond. Lorsqu’un salarié reçoit sa feuille de paie, que regarde-t-il ? Le net et le brut. Et il se dit que, si le second est convenable, le premier, c’est-à-dire la somme versée sur son compte en banque, ne représente pas grand-chose. Après avoir considéré son salaire brut, il regarde toutes les lignes correspondant à ce qui en est déduit : une cotisation ici, une autre là…
Vous, monsieur Quatennens, vous êtes favorable à ces cotisations : vous venez de le dire, vous les assimilez à du salaire différé. Pour ma part, je ne le pense pas. Elles sont plutôt des ponctions devenues excessives, et qui empêchent les salariés de toucher un salaire digne pour vivre correctement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Je suis donc fier de ce que nous avons décidé. Gérald Darmanin n’a pas menti : il a dit vrai. La suppression des cotisations d’assurance maladie et d’assurance chômage, qui prend effet au 1er octobre de cette année, nous permettra de redistribuer 3 milliards d’euros aux salariés : c’est un fait, dont nous pouvons être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Nous avons donc deux visions différentes, mais je défendrai mordicus celle que je viens d’exposer, car ce que regardent aujourd’hui les salariés, c’est leur salaire net, au bas de leur feuille de paie.
Deuxième point de désaccord : plutôt que de soutenir l’intéressement et la participation, dites-vous, nous ferions bien mieux d’augmenter les salaires, par exemple en donnant des coups de pouce massifs au SMIC. Mais cette solution, on l’a essayée, monsieur Quatennens ! Et c’est l’une des raisons pour lesquelles le chômage de masse a explosé en France depuis trente ans ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
On avait fait croire aux salariés que la compétitivité-coût n’avait pas d’importance, que l’on pouvait verser les salaires que l’on voulait, que cela n’avait aucune incidence sur la concurrence avec nos partenaires et nos voisins. Et nous avons subi de plein fouet l’échec de cette politique économique, qui consiste à faire croire que l’on peut donner toujours plus sans se soucier de l’impact que cela aura sur l’emploi.
Au moins avons-nous le mérite de dire les choses clairement. Nous préférons une augmentation de l’intéressement et de la participation à une augmentation des salaires, en particulier du SMIC, à travers des coups de pouce artificiels qui ne conduisent qu’à deux choses : le chômage de masse et la smicardisation de la société française. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Descrozaille.
M. Frédéric Descrozaille
Je dirai un mot sur l’aspect théorique, et un autre sur l’aspect plus pratique.
À entendre ceux qui siègent avec vous de ce côté-ci de l’hémicycle, monsieur Quatennens, on a l’impression que rien ne s’est passé depuis cinquante ans. Vous évoquiez, de façon théorique, des politiques de relance, que ce soit par le biais du budget, de la demande, des salaires ou des nationalisations. Tout cela, on l’a fait en 1981. Et il n’a pas fallu un an et demi au Gouvernement de l’époque pour prendre le virage de la rigueur, dont le parti socialiste, d’ailleurs, n’a jamais expliqué s’il s’agissait d’une conversion ou d’une parenthèse. En réalité, c’était une vraie conversion.
En 1976, les statuts du FMI – Fonds monétaire international – ont été modifiés. La référence à l’or a été supprimée, au profit des taux de change flottants. Le fait est que le keynésianisme ne marche plus.
M. Adrien Quatennens
Et le libéralisme, ça marche ?
M. Frédéric Descrozaille
Nationalisation, dévaluation, relèvement des minimas sociaux, politique budgétaire : tout cela se solde par une chute de la rentabilité des capitaux sur le territoire.
Je fais peut-être de la théorie, mais nous sommes dans un monde financiarisé, je le rappelle, et cela relève des statuts du FMI, dont nous faisons partie. Nous dépendons donc de nos partenaires et, dans cette économie, cette théorie de gauche qui date du XXe siècle, voire du XIXe, ne marche pas.
D’un point de vue plus pratique, les Français ont épargné 7 milliards d’euros l’an dernier. Et la France souffre d’un défaut de culture sur tout ce qui touche à la prise de risques, à l’initiative et à l’entreprise. Or il est bon que cette épargne finance de l’activité économique, et que les gens ne se disent pas qu’ils se feront des rentes de bas de laine ou d’acquisitions immobilières déconnectés de l’activité économique. Voilà ce que nous faisons. De l’épargne, il y en a toujours, et à des niveaux significatifs. Nous voulons donc l’orienter vers l’investissement productif, vers l’économie, car les politiques de relance, qui présupposent que nous vivrions dans une économie fermée, que nous pourrions retenir les capitaux et assurer leur rentabilité, sont totalement dépassées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien Quatennens
Merci, mon cher collègue, pour votre démonstration très utile. Il vous reste néanmoins à démontrer que le libéralisme, lui, fonctionne ! Cela fait quinze, vingt, trente ans que l’on applique, à des nuances plus ou moins marquées, les recettes que vous préconisez. Et, que je sache, on n’a pas constaté que ça fonctionnait !
N’oubliez pas, dites-vous, que nous vivons dans une économie financiarisée, comme si elle tombait du ciel. Mais elle résulte de décisions politiques ! Et le projet de loi dont nous discutons aggravera la financiarisation de notre économie.
De même, vous parlez d’une économie ouverte, comme si cela aussi tombait du ciel, comme si nous n’y pouvions rien. Mais ne voyez-vous pas que la majorité à laquelle vous appartenez accélère cette ouverture en allant toujours plus avant dans le libre-échange ? En témoignent le JEFTA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Japon décidé cet été sans que le Parlement puisse en dire un mot, ou cette autre décision, prise par M. Macron au niveau de l’Union européenne, selon laquelle aucun parlement national n’aura à se prononcer sur les accords de libre-échange.
Ces paramètres, dont vous faites des arguments d’autorité pour nous expliquer que rien d’autre n’est possible, c’est vous-même et la majorité à laquelle vous appartenez qui les avez créés. Vous ne pouvez vous plaindre des causes tout en proposant d’y remédier par leurs nécessaires conséquences.
Vous dites, monsieur le ministre, que le salarié ne s’intéresse qu’au chiffre en bas à droite de sa feuille de paie, celui du salaire net, sur lequel vous l’invitez d’ailleurs à fixer sa loupe pour occulter tout le reste. Bien entendu, les yeux sont d’abord rivés sur le chiffre en bas à droite. Néanmoins, vous ne pouvez, sinon commettre l’erreur de dire – car vous savez très bien ce qu’il en est –, du moins prétendre que les cotisations sociales ne sont pas partie intégrante du salaire, et les résumer à des taxes ou à des charges.
Le salarié français, dont vous voudriez fixer les yeux sur le chiffre en bas à droite de sa fiche de paie, sait pourquoi ces cotisations y figurent le jour où il entre à l’hôpital, où il est pris en charge à la suite d’un accident de la vie, comme la maladie, où il est remboursé de quelque dépense de santé que ce soit.
Je vous mets donc en garde contre cette vision instantanée, par le petit bout de la lorgnette. D’autre part, vous le savez, c’est tout notre système social, notamment notre système de santé, que vous mettez ici en difficulté. Peut-être que les salariés qui, demain, constateront une augmentation de quelques dizaines d’euros sur leur fiche de paie verront-ils aussi, à l’autre bout de la chaîne, ce qui se passe lorsque l’on aggrave les comptes de la Sécurité sociale, lorsque la prise en charge par les services publics diminue, lorsque l’on ne peut plus se soigner sans souscrire des complémentaires santé très onéreuses.
M. Jean-Michel Fauvergue
C’est faux !
M. Adrien Quatennens
Ils verront ce qui se passe quand le niveau de la Sécurité sociale passe sous la barre des 50 %, tant et si bien qu’aujourd’hui, trois Français sur dix renoncent à se soigner pour des raisons financières. Tout cela est intimement lié. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Les démagogues de la bande, c’est bien vous ! Quand vous dites que seul le salaire net compte, vous savez que c’est faux ! Je vous mets donc en garde, et prends à témoin toutes celles et tous ceux qui nous écoutent : faites attention aux discours qui vous disent que seul votre salaire net importe. Ce n’est pas vrai : les cotisations font partie intégrante du salaire ; elles sont indispensables au financement de notre modèle social, et il est essentiel que ce message soit entendu.
M. le président
La parole est à M. Roland Lescure, rapporteur général de la commission spéciale.
M. Roland Lescure, rapporteur de la commission spéciale
Je serai bref, afin de ne point trop prolonger les débats.
Vous avez raison, monsieur Quatennens, nous ne sommes pas d’accord sur le modèle économique. Vous pensez qu’il faut partager les ressources avant de les créer.
M. Adrien Quatennens
Mais non !
M. Roland Lescure, rapporteur
Je vous ai religieusement écouté faire votre prêche : écoutez-moi à votre tour, une seconde seulement. De fait, votre propos était très intéressant.
Nous considérons, disais-je, qu’avant de partager les ressources, il faut les créer. En relançant l’activité économique, nous créerons donc de la valeur que l’on pourra ensuite partager. Là où je vous rejoins, c’est que le libéralisme, depuis trente ou quarante ans, a échoué.
M. Erwan Balanant
Eh oui !
M. Roland Lescure, rapporteur
Mais, comme le disait Churchill à propos de la démocratie, le libéralisme est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres. Nous avons donc le choix : essayer de le corriger de l’intérieur ou renverser la table. Je vous entends beaucoup renverser la table, et beaucoup moins proposer autre chose…
Mme Danièle Obono
Oh !
M. Adrien Quatennens
Si !
M. Roland Lescure, rapporteur
…que les modèles qui ont échoué les uns après les autres depuis un siècle ou deux.
Ce que nous proposons, de notre côté, c’est de garder le meilleur, la libre entreprise, la créativité, l’innovation, tout en assurant la pérennité du système de sécurité sociale, dont les comptes, cette année, seront dans un état meilleur qu’ils ne l’ont jamais été en France depuis vingt ans. En même temps, nous souhaitons que les ressources, aussitôt qu’elles sont créées, soient partagées avec les salariés qui, comme M. le ministre l’a dit, ont participé activement à la création de valeur.
Ce cercle vertueux est parachevé par la mesure qui permettra à l’épargne des mêmes salariés de financer les entreprises, en particulier les PME – dont on sait qu’elles manquent cruellement de capitaux –, et de créer plus de valeur encore. C’est simple ! Nous ne sommes pas d’accord sur ce point mais permettez-moi de vous dire que, sur le fondement de ce raisonnement, nous restons défavorables à votre amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle
Mes chers collègues, je comprends que des séances supplémentaires aient dû être ouvertes demain, mais si nous continuons ainsi, il va falloir en programmer d’autres samedi et dimanche : vous avez situé le débat à un niveau stratosphérique ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Erwan Balanant
Faudrait savoir : tantôt il faut réformer, tantôt il ne faut pas réformer parce qu’il ne faut pas débattre ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
Voyons, voyons, monsieur Balanant… (Sourires.) Vous avez la parole, monsieur Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle
Ça va, vous vous amusez bien ?
M. Erwan Balanant
Et vous ?
M. le président
Allez-y, monsieur Fasquelle. Vous seul avez la parole.
M. Daniel Fasquelle
Vous reprochez à M. Quatennens de faire de cette assemblée une tribune, vous qui avez commencé la soirée en faisant exactement la même chose, avec vos grandes envolées ! Vous récoltez ce que vous avez semé. Ne reprochez donc pas à M. Quatennens ses propos : ils étaient du niveau de ceux que vous avez tenus avant lui. Soyons donc sérieux.
En ce qui concerne le débat proprement dit, il y a les salariés et il y a ceux qui, après une vie de travail, veulent pouvoir profiter de leur retraite. Ceux-là, vous les avez complètement oubliés, sauf quand il s’est agi de les ponctionner, ce que vous avez fait deux fois – par l’augmentation de la CSG et en ne revalorisant pas les pensions de retraite à la hauteur de l’inflation. Pensez aussi à eux !
Quant aux salariés, vous oubliez tous ceux qui vivent dans les zones rurales et subissent l’augmentation du coût du gazole – avant celle du prix du fioul, du gaz et de diverses autres taxes que vous avez maintenues.
Mme Patricia Mirallès
Et la taxe d’habitation ?
M. Daniel Fasquelle
Quant aux salariés qui paient l’impôt sur le revenu, ils ont eu à supporter les hausses d’impôt et le matraquage fiscal de François Hollande, dont plusieurs d’entre vous étaient complices.
Mme Olivia Gregoire, présidente de la commission spéciale
Oh !
M. Daniel Fasquelle
Vous l’avez bien vite oublié en vous recyclant dans le groupe La République en marche ; mais moi, je n’oublie rien, et je reconnais vos visages !
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere
On peut en venir à l’article ?
M. Daniel Fasquelle
Vous avez d’ailleurs poursuivi ce matraquage, puisqu’en 2018 ce sont 4,5 milliards d’euros d’impôts supplémentaires qui sont tombés sur la tête des Français.
Si vous voulez vraiment faire bouger les lignes, il faut lancer une vraie politique d’économies. Or la dépense publique augmente encore cette année. Tant que vous ne vous attaquerez pas sérieusement à ce problème, vous ne ferez que prendre dans la poche des uns pour donner aux autres, mais vous ne dégagerez pas le pays de cette chape – des prélèvements obligatoires beaucoup trop élevés, une fiscalité qui handicape nos entreprises. Voilà ce qu’il faut pourtant faire si l’on veut que les entreprises, que la croissance aillent mieux. Monsieur le ministre, vous citez des chiffres, mais vous ne parlez jamais de ceux de la croissance. Celle-ci est en berne alors que vous êtes au pouvoir depuis un an et demi : il doit bien y avoir des raisons à cela.
Mme Patricia Mirallès
Et vous, combien de temps êtes-vous restés au pouvoir ?
M. Daniel Fasquelle
Peut-être votre politique n’est-elle pas la bonne.
Assurément, certaines de vos mesures vont dans la bonne direction ; nous les avons approuvées : j’ai voté la réforme du marché du travail et celle de la SNCF,...
Mme Olivia Gregoire, présidente de la commission spéciale
Votez PACTE !
M. Daniel Fasquelle
...et je ne suis pas toujours d’accord avec M. Dharréville ni avec M. Quatennens, fort heureusement. Dans la loi PACTE aussi, on trouve des mesures qui vont dans le bon sens. Le problème, je le répète, est que vous ne faites pas vraiment bouger les lignes, et vous ne le ferez que lorsque vous serez en mesure de réduire les dépenses publiques.
Si vous vouliez entendre un autre point de vue, venu de ce côté-ci de l’hémicycle, sur ces beaux sujets de macroéconomie, le voilà !
M. Bruno Le Maire, ministre
C’est très bien, c’était très utile !
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Pour notre part, il nous semble avoir été sobres ; mais après l’emphase et les procès d’intention qu’il nous a été donné d’entendre, j’aimerais évoquer trois éléments totalement absents de nos débats et, ce faisant, dégonfler un peu les effets d’annonce qui ont entouré les mesures que nous nous apprêtons à examiner.
Il n’y a rien dans le texte sur les écarts de salaire.
M. Roland Lescure, rapporteur
On y arrive ! Un peu de patience !
M. Dominique Potier
On fait comme si ces derniers n’étaient pas un problème.
On fait aussi comme si l’on n’observait pas, depuis les années quatre-vingt-dix, une distorsion croissante entre la part des dividendes et celle des salaires.
Enfin, on oublie peut-être un peu vite, faute de comptabilité, l’effet péréquateur de toutes les cotisations... (Brouhaha.)
M. le président
S’il vous plaît, mes chers collègues, soyons respectueux de la parole de chacun, sans quoi nous n’avancerons pas. Monsieur Potier, vous et vous seul avez la parole.
M. Dominique Potier
Je parlais du mépris dans lequel nombre d’entre vous tiennent la redistribution que représentent les cotisations sociales, troisième élément totalement oublié.
Voilà qui devrait tempérer l’enthousiasme exagéré que suscitent chez vous les mesures proposées.
Vous prétendez croire à la participation ; nous allons justement vous proposer des mesures très concrètes qui favorisent la participation plutôt que l’intéressement. Nous verrons alors si votre projet révolutionnaire est authentique ou non.
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
Je m’étais promis de m’exprimer de manière économe, car il nous reste peu de temps de parole, mais, après tout ce que j’ai entendu, cela me démangeait d’intervenir.
D’abord, si je suis dans l’idéologie, vous êtes parfois carrément dans la mythologie ! Cela dit, le mot d’idéologie ne me fait pas peur : je ne crains pas les idées et j’espère que chacun ici en manie – fût-ce sans le savoir, comme M. Jourdain, mais je ne saurais vous faire l’injure de le supposer. C’est donc un débat d’idées qui a lieu dans cet hémicycle, ce qui est plutôt sain : mieux vaut assumer nos désaccords. Et il s’applique au réel : c’est de là que part mon idéologie – j’espère que la vôtre aussi –, et je fais constamment l’effort de l’y ramener.
Pour le reste, M. Descrozaille a développé tout à l’heure un point de vue que je ne partage absolument pas, mais qui était limpide : nous vivons dans un monde financiarisé, prenons-en acte ; tout le reste en découle. Je pense au contraire qu’il faut combattre cette financiarisation, parce qu’elle produit des dégâts monumentaux dans notre société et que nous ne pouvons pas nous laisser gouverner par l’empire de la finance.
M. Roland Lescure, rapporteur
Exactement ! C’est pour cela que nous allons prendre la main !
M. Pierre Dharréville
Vous avez ensuite évoqué la prise de risque par les salariés : vous voulez les pousser à prendre des risques avec leur épargne. Ce sont, là aussi, des idées que l’on peut défendre. Je ne suis pas certain qu’elles soient partagées sur tous les bancs de la majorité, et elles m’inquiètent pour l’avenir : comment l’épargne des Français va-t-elle être gérée, notamment par la Caisse des dépôts et consignations ? J’indique au passage, pour faire bonne mesure, que la gestion de l’épargne populaire pose bel et bien un problème.
M. Roland Lescure, rapporteur
C’est vrai.
M. Pierre Dharréville
Aujourd’hui, le livret A fait perdre de l’argent à des millions de Français : c’est un problème auquel le Gouvernement ferait bien de s’attaquer. Mais ce n’est pas par ce type de loi que l’on y parviendra.
Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que nous voudrions répartir la valeur avant qu’elle ne soit créée. Mais il y a bien aujourd’hui de la création de valeur, et cette valeur est inégalement répartie, ce à quoi vous contribuez par toutes les mesures que vous avez prises depuis un an. On ne peut pas réécrire l’histoire de la sorte !
Enfin, monsieur le ministre, vous avez déclaré qu’aucun résultat ne pouvait être fondé sur l’injustice. Banco ! Allons-y ! Il y a un an, j’ai proposé de limiter l’échelle des salaires ; vous avez refusé. L’injustice, en effet, ce gouvernement la connaît bien !
(L’amendement no 2656 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 173, 221, 1585, 800, 176, 195 et 197, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 173 et 221 sont identiques.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 173.
M. Daniel Fasquelle
Puisque vous n’aimez pas les seuils, monsieur le ministre, je vous propose de ne pas en créer un de plus et de supprimer progressivement le forfait social pour toutes les entreprises. Ce sera également le sens de mon amendement no 176.
M. le président
La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement identique no 221.
M. Éric Straumann
Défendu.
M. le président
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1585.
Mme Laure de La Raudière
Monsieur le ministre, vous nous avez dit en substance en commission que vous rêveriez de supprimer le forfait social. Il est vrai qu’il serait très coûteux de le supprimer totalement ; c’est pourtant ce que propose Charles de Courson dans cet amendement que nous avons cosigné au nom de notre groupe.
En effet, il n’y a aucune raison de supprimer le forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés et de le conserver pour les entreprises de plus de 250 salariés – aucune, sinon le coût de la mesure. Mais nous faisons tous la même erreur depuis des années : ne pas être capables de maîtriser nos dépenses publiques.
Quand le forfait social a été instauré, en 2008, c’était pour compenser le trou de la Sécurité sociale. Aujourd’hui, d’après les annonces du Gouvernement, ses comptes seront à l’équilibre dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019.
Dès lors, il serait bon d’assurer une équité de traitement entre les salariés des entreprises qui en comptent plus de 250 et ceux des entreprises qui en ont moins de 250.
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 800.
M. Daniel Fasquelle
Défendu.
M. le président
La parole est à nouveau à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 176.
M. Daniel Fasquelle
Je l’ai déjà défendu.
M. le président
La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement no 195.
M. Éric Straumann
Défendu.
M. le président
La parole est à nouveau à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement no 197.
M. Éric Straumann
Défendu.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Mes chers collègues, vos amendements conduisent tous à supprimer progressivement le forfait social sur l’intéressement et la participation dans la totalité des entreprises, en procédant par étapes – 2020, 2021 et 2022. Il me semble important de rappeler que le coût de cette mesure atteindrait vraisemblablement plusieurs milliards d’euros par an, alors qu’un effort non négligeable est acté par le projet de loi et collectivement supporté.
Cet argument financier mis à part, nous l’avons dit, il s’agit de réparer l’inéquité de traitement entre petites et plus grandes structures. À cette fin, l’effort doit continuer de bénéficier aux TPE et PME.
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Même avis.
(Les amendements identiques nos 173 et 221 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 1585, 800, 176, 195 et 197, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 819 de coordination.
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Il est défendu.
(L’amendement no 819, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l’amendement no 2398.
M. Boris Vallaud
Cet amendement vise à maintenir un forfait social au taux bonifié de 8 % là où le texte prévoit son exonération intégrale : dans les entreprises de moins de 50 salariés, sur les versements issus des primes d’intéressement et de participation, ainsi que sur les abondements employeurs ; dans les entreprises de 50 à 250 salariés qui disposent d’un accord d’intéressement ou en concluent un. À l’inverse, et par cohérence, il tend à ramener de 10 % à 8 % le taux de forfait social applicable à l’abondement employeur sur les fonds d’actionnariat salarié.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Monsieur Vallaud, votre amendement atténuerait sensiblement la portée du signal que nous souhaitons adresser aux structures dans le but de développer l’intéressement et la participation. En 2016, selon la DARES, moins de 5 % des entreprises de moins de 50 salariés avaient instauré la participation, moins de 10 % l’intéressement, et moins d’un tiers des entreprises de moins de 250 salariés avaient négocié un accord d’intéressement.
Avis défavorable.
(L’amendement no 2398, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1890.
Mme Laure de La Raudière
Il est défendu.
(L’amendement no 1890, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Bolo, pour soutenir l’amendement no 2217.
M. Philippe Bolo
Cet amendement, dont le premier signataire est Mme Justine Benin, vise à éviter toute erreur d’interprétation de l’article 57 en confirmant que les SCOP de moins de 50 salariés sont également concernées par l’exonération du forfait social.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Il s’agit d’une idée tellement brillante que nous avons déjà adopté un amendement en ce sens en commission. Votre amendement étant satisfait, je demande son retrait.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Même avis.
M. le président
Monsieur Bolo, retirez-vous votre amendement ?
M. Philippe Bolo
Je le retire.
(L’amendement no 2217 est retiré.)
M. le président
Vous conservez la parole, monsieur Bolo, pour soutenir l’amendement no 1865. À l’alinéa 4, le mot « prévus » doit être écrit au masculin, est-ce bien cela ?
M. Philippe Bolo
En effet, l’amendement est rédactionnel.
(L’amendement no 1865, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l’amendement no 2520.
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Nous avions soutenu cet amendement en commission avant de le retirer. Il vise à diminuer le forfait social jusqu’à 10 % pour les abondements employeurs si les investissements sont orientés vers des fonds labellisés « investissement socialement responsable » – ISR. Cette ristourne est destinée à encourager les employeurs à abonder les plans d’épargne entreprise – PEE – de leurs salariés lorsque les sommes placées sur ce plan sont investies dans des fonds qui garantissent un investissement socialement responsable.
Monsieur le ministre, avez-vous pu évoluer sur le sujet, et aboutir à une conclusion ? Les discussions que nous avons eues en examinant le chapitre II vous conduisent-elles à demander le retrait de l’amendement ?
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Grâce à l’excellent travail effectuée par Mme Bénédicte Peyrol – elle n’est pas là, mais vous lui transmettrez mes propos –, nous avons fléché une partie de l’épargne vers l’ISR. Il me semble en conséquence que le point important que vous aviez soulevé est désormais satisfait.
M. le président
Madame la rapporteure, retirez-vous l’amendement ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Je le retire.
(L’amendement no 2520 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 651.
M. Daniel Fasquelle
M. Arnaud Viala en est le premier signataire. Il est de la même veine que tous ceux que nous avons déposés à l’article 57. Nous souhaitons aller plus loin que ce que le Gouvernement propose. C’est une question de choix et de moyens. M. le ministre nous a expliqué en commission spéciale que l’adoption de nos amendements coûterait trop cher. Tout est là, je le disais : avec une vraie politique d’économies, vous auriez les moyens de votre politique, mais tel n’est pas le cas.
Certes, vous supprimez le forfait social, mais sans aller au bout de ce que vous pourriez faire, car vous n’en avez pas réellement les moyens. Notre collègue n’avait pas tout à fait tort tout à l’heure de parler de soirée mousse. Les députés du Nord pourront éventuellement vous inviter un peu plus tard à la buvette pour poursuivre cette discussion autour d’une mousse, mais, à ce stade, je constate que si vous aviez vraiment voulu faire bouger les lignes, il aurait fallu aller beaucoup plus loin. C’est ce que nous proposons avec nos amendements.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Je me demande jusqu’où se poursuivra ce débat de début de texte.
M. Charles de Courson
Jusqu’à la fin ! (Sourires.)
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Je constate une volonté assez systématique de relever les seuils de 50 à 100 salariés, mais cela conduirait à priver les entreprises employant 50 à 100 salariés des mesures dont elles doivent bénéficier pour améliorer l’intéressement. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Stanislas Guerini.
M. Stanislas Guerini
Une intervention rapide sous forme de témoignage, et de réponse à notre collègue Boris Vallaud qui nous proposait de ne pas fixer le forfait social à zéro, mais à 8 %.
M. le ministre nous a témoigné sa confiance en nous demandant de formuler des propositions en amont du projet de loi afin de le préparer. Pour ma part, sur cette question, j’avais également imaginé de faire passer le forfait social à 8 %. Le Président de la République a fait un choix beaucoup plus puissant en le fixant à 0 %. C’est le signal le plus important que nous pouvions adresser au monde économique.
Monsieur Fasquelle, à chaque fois que je présente ce projet de loi à des chefs d’entreprise, ils ne réagissent pas du tout comme vous le dites sur le passage du forfait social à 0 % pour la participation et l’intéressement ; ils m’interrogent plutôt pour savoir comment mettre en place un plan d’intéressement.
M. Daniel Fasquelle
Ceux qui ne peuvent pas en bénéficier ne vous font pas cette réponse !
M. Stanislas Guerini
Le signal que nous envoyons avec le forfait social à zéro est on ne peut plus fort. Il ne serait raisonnable ni de le fixer à 8 %, ni de retenir les propositions que vous nous soumettez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien Quatennens
Oui, monsieur Guerini, le Président de la République, Emmanuel Macron, a fait un choix fort : il n’a pas choisi de diminuer le forfait social qui sert à financer la Sécurité sociale, il l’a carrément supprimé. Voilà son choix ! Il me semble que pour être tout à fait précis, il fallait apporter cet éclairage, et compléter ainsi votre intervention.
(L’amendement no 651 n’est pas adopté.)
M. le président
Madame la rapporteure, votre amendement no 837 est rédactionnel.
Mme Coralie Dubost, rapporteure
En effet, monsieur le président.
(L’amendement no 837, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 1200, 457 et 1201, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 457 et 1201 sont identiques.
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l’amendement no 1200.
Mme Sarah El Haïry
M. Mohamed Laqhila, qui en est le premier signataire, souhaite faciliter la mise en place d’un accord d’intéressement sur décision unilatérale de l’employeur dans les entreprises de moins de 250 salariés. Cela faciliterait le dispositif, lequel s’alignerait sur le plan d’épargne entreprise et le plan d’épargne pour la retraite collectif – PERCO. L’opportunité de cette simplification pourra être saisie sans que le dispositif soit obligatoire.
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 457.
M. Daniel Fasquelle
Il est défendu.
Monsieur Guerini, je reviens sur vos propos : cela m’a beaucoup amusé de vous voir dénoncer le forfait social avec autant de zèle et défendre sa fixation à zéro, alors qu’il a été alourdi par une majorité à laquelle appartenait M. Macron, qui a été le conseiller économique de François Hollande puis ministre de l’économie. C’est un fait, M. Macron a, en la matière, beaucoup de choses à se faire pardonner, et je comprends pourquoi vous vous exprimez avec autant d’ardeur au regard des fautes commises durant le précédent quinquennat.
M. le président
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l’amendement no 1201.
Mme Sarah El Haïry
Il s’inscrit dans la même logique que celle de l’amendement no 1200 que je viens de soutenir s’agissant, cette fois, des entreprises de moins de 50 salariés.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Ces amendements proposent de mettre en place des accords d’intéressement de façon unilatérale. De façon globale, une logique prévaut dans le code du travail qui suppose la négociation. Ce n’est qu’en cas d’échec de cette dernière qu’une décision unilatérale de l’employeur peut être prévue. Ce principe de substitution est valable pour les dispositifs obligatoires, comme la participation au-delà de 50 salariés. L’intéressement étant par nature toujours facultatif, le dispositif proposé n’est pas cohérent avec le code du travail. Mon avis est donc défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre
J’ajoute un point majeur à l’excellent argumentaire de Mme la rapporteure dont je partage l’avis. Si l’entrepreneur est autorisé à mettre en place des accords d’intéressement de façon unilatérale, le risque de substitution de l’intéressement au salaire serait élevé. Je suggère donc que ces amendements soient retirés.
M. le président
Madame El Haïry, monsieur Fasquelle, retirez-vous vos amendements ?
Mme Sarah El Haïry
Je les retire.
M. Daniel Fasquelle
Je ne me sens pas autorisé à retirer un amendement dont Mme Véronique Louwagie est la première signataire.
(Les amendements nos 1200 et 1201
(L’amendement no 457 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 459.
M. Daniel Fasquelle
Il s’agit de l’amendement de repli qui vise à réduire à un mois le délai d’examen des accords d’intéressement par l’administration.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Un délai d’un mois serait bien trop court. Les DIRRECTE ne seraient plus en mesure d’exercer un contrôle sur les accords d’intéressement ou de participation déposés auprès d’elle. Notre collègue Stanislas Guerini proposera un dispositif plus équilibré comprenant un délai au terme duquel le silence de l’administration vaudra accord. Cela permettra d’aller de s’assurer pleinement de la qualité des accords. S’il n’est pas retiré, je serai défavorable à l’amendement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Même avis.
(L’amendement no 459 n’est pas adopté.)
M. le président
Madame la rapporteure, l’amendement no 820 est rédactionnel.
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Tout à fait, monsieur le président.
(L’amendement no 820, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, pour soutenir l’amendement no 1943.
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere
En commission, nous avons adopté un excellent amendement de notre collègue Stanislas Guerini portant le plafond des montants distribuables au titre de l’intéressement à trois quarts du plafond annuel de la sécurité sociale. L’amendement vise à porter le plafond fiscal au même niveau : dans l’esprit de l’article 57, il s’agit d’encourager les salariés à placer les sommes en provenance de l’intéressement dans les dispositifs d’épargne salariale.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Je remercie ma collègue et le groupe La République en Marche d’avoir été attentifs à ce point que nous n’avions pas examiné en commission. C’est parfaitement cohérent, et je donne un avis très favorable à l’amendement.
(L’amendement no 1943, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
Madame la rapporteure, l’amendement no 838 est rédactionnel.
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Tout à fait, monsieur le président.
(L’amendement no 838, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
Les amendements nos 821 et 822, quant à eux, opèrent une coordination juridique.
Mme Coralie Dubost, rapporteure
En effet, monsieur le président.
(Les amendements nos 821 et 822, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
M. le président
L’amendement no 839 est rédactionnel.
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Oui, monsieur le président.
(L’amendement no 839, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. Daniel Fasquelle
Je crains que deux amendements n’aient été oubliés, monsieur le président !
M. le président
Vous avez raison, et je prie l’Assemblée de bien vouloir m’excuser. Ils s’étaient glissés entre des amendements rédactionnels.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1893. En vous présentant toutes mes excuses.
Mme Laure de La Raudière
Vous êtes tout excusé, monsieur le président. Vous avez raison de vouloir accélérer les débats. Il faut maintenant que nous avancions.
Cet amendement propose de laisser la négociation principale au niveau interprofessionnel comme cela a été le cas avec l’accord UNAPL, l’Union nationale des professions libérales, du 27 novembre 2002, considéré comme un accord national interprofessionnel. En effet, ce niveau apparaît beaucoup plus efficace et approprié, car son périmètre est stable. D’une part, la négociation de branche sur le sujet a été extrêmement pauvre depuis quinze ans, d’autre part, les branches sont prisonnières de l’objectif de rapprochement imposé par le Gouvernement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
En fait, la définition d’un accord-type d’intéressement dans les plus petites entreprises peut prendre des formes très différentes selon les branches. Il faut pouvoir mettre en avant les critères de performance et les modalités de calcul qui ont le plus de sens selon la branche concernée. Il y aura probablement des différences entre l’accord-type de la branche du BTP et celui des professions juridiques et comptables, et l’on pourrait citer bien d’autres exemples. Je rappelle que l’on compte aujourd’hui quelques centaines de branches.
Le relèvement au niveau interprofessionnel ne garantirait pas que ce sujet rencontre plus de succès que laissé aux mains des branches. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Même avis.
(L’amendement no 1893
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 652.
M. Daniel Fasquelle
Il est défendu.
(L’amendement no 652, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 57, amendé, est adopté.)
Après l’article 57
M. le président
Je suis saisi de six amendements, nos 2047, 460, 1346, 1366, 466 et 2224, portant article additionnel après l’article 57 et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 460, 1346 et 1366 d’une part, 466 et 2224 d’autre part, sont identiques.
La parole est à M. Benoit Potterie, pour soutenir l’amendement no 2047.
M. Benoit Potterie
Cet amendement prévoit la possibilité pour les salariés de débloquer leur épargne salariale en cas de dépendance d’un proche dont ils auraient la charge. La perte d’autonomie et la manière dont nous allons accompagner l’évolution démographique de notre société constituent un grand enjeu d’avenir pour notre pays.
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 460.
M. Daniel Fasquelle
Il est défendu.
M. le président
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l’amendement identique no 1346.
Mme Sarah El Haïry
Cet amendement cherche, dans le même esprit, à répondre aux nouveaux enjeux de société : le vieillissement de la population et la transformation des familles. Face au risque de perte d’autonomie des ascendants, qui vivent plus longtemps, il s’agit de permettre de débloquer l’épargne salariale. Nous devons adapter nos outils à la réalité des situations et des territoires ; ainsi, ce déblocage renvoie à la nécessité de répondre au problème de la dépendance.
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement identique no 1366.
M. Charles de Courson
Les cas de déblocage actuellement prévus correspondent aux événements heureux et malheureux de la vie ; la dépendance – qu’on n’y avait pas incluse – en fait partie. L’idée est d’ajouter un dixième cas aux neuf existants.
M. le président
Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques au sein de cette discussion commune.
La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l’amendement no 466.
M. Ian Boucard
Nous nous associons aux propos de nos collègues. Cet amendement, qui a vocation à interpeller le Gouvernement, prévoit explicitement la situation de dépendance d’un ascendant comme nouveau cas de déblocage de l’épargne salariale, dans le cadre de la partie réglementaire du code du travail.
M. le président
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l’amendement identique no 2224.
Mme Sarah El Haïry
Cette variante de l’amendement répond non à la dépendance liée à l’âge, mais à celle liée au handicap. Adapter un logement coûte de l’argent et tout le monde n’a pas la possibilité de financer ces travaux. Il s’agit encore une fois de répondre aux besoins de la société.
M. Pierre Dharréville
La solution est simple : il faut 100 % de logements adaptés !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Je tiens avant tout à dire qu’à titre personnel, je suis très sensible à ce sujet et très heureuse de constater que nous sommes plusieurs à l’être. Malheureusement, il renvoie à un débat spécifique qui doit encore avoir lieu. J’avais d’ailleurs moi-même réfléchi à un amendement de ce type concernant la dépendance et la perte d’autonomie, mais suis revenue sur l’idée d’en déposer un car ces notions restent trop larges pour en faire des catégories. Il y a également un argument plus technique, mais d’autant plus concret : les cas de déblocage anticipé ne sont pas prévus par la loi, mais relèvent du domaine réglementaire, donc on ne peut pas en décider ici. Je suggère le retrait de ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Je demande également le retrait. Il ne faut pas fermer la porte à cette réflexion sur la dépendance, laquelle est d’ailleurs d’ores et déjà engagée et va se poursuivre au début de l’année 2019. Pour prendre de telles mesures, qui entrent en effet dans le domaine réglementaire, il faut bien délimiter les choses, savoir comment on définit les situations de dépendance et dans quelles conditions on autorise le déblocage. Les cas actuellement prévus sont liés à une situation personnelle ; là, vous liez cette possibilité à la situation d’un tiers, ce qui change assez fondamentalement le champ de la disposition. Je ne ferme pas la porte à cette invitation, mais il faut poursuivre la réflexion avant de trancher. Comme l’a rappelé la rapporteure, la décision relève du niveau réglementaire, donc nous pourrons revenir là-dessus quand nous le souhaitons.
M. le président
Monsieur Potterie, retirez-vous votre amendement ?
M. Benoit Potterie
Je le retire l’amendement.
(L’amendement no 2047 est retiré.)
M. le président
Madame El Haïry, retirez-vous les vôtres ?
Mme Sarah El Haïry
Les amendements nos 1346 et 2224, dont l’esprit est le même, répondent à un vrai besoin de société : l’accompagnement de la dépendance dans nos familles, sur nos territoires. Aujourd’hui, le financement de la dépendance représente un vrai défi. Il peut passer par la solidarité nationale – et je crois que nous sommes à la hauteur de l’enjeu –, mais aussi par une responsabilité plus personnelle. Permettre le déblocage de l’épargne salariale faciliterait la solidarité familiale. Vous dites, monsieur le ministre, qu’il s’agit d’un tiers ; en effet, mais le foyer fiscal reconnaît ce tiers lorsqu’il est à la charge du contribuable. Ce sont des amendements d’appel, mais si vous nous confirmez au banc que la question du déblocage de l’épargne salariale en ce cas sera bien étudiée, je les retire. Aujourd’hui, on manque de financements ; la question est de savoir où trouver les ressources pour faciliter la solidarité familiale qui fait, de nos jours encore, la beauté et la fierté de notre République.
(Les amendements nos 1346 et 2224 sont retirés.)
(Les amendements identiques nos 460 et 1366 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 466 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 235.
M. Daniel Fasquelle
En début de soirée, vous avez tous fait profession de gaullisme. La présente proposition est très gaulliste et nous met tous au pied du mur : il s’agit de savoir si on veut vraiment le partage de la valeur et des bénéfices dans l’entreprise. Cette idée avait été proposée par Nicolas Sarkozy en février 2009, mais n’avait pas pu être mise en œuvre en raison de la crise économique. Elle lui avait été soufflée par le directeur général de l’INSEE à l’époque, Jean-Philippe Cotis, qui avait travaillé sur le sujet pour constater que les bénéfices allaient de moins en moins aux salariés et de plus en plus aux actionnaires – et les choses se sont encore aggravées depuis. Cela ne me convient pas ; je suis un vrai gaulliste, non un gaulliste de pacotille ou d’improvisation. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Je le suis depuis toujours et je trouve amusant que des socialistes qui ont combattu le général de Gaulle s’en réclament aujourd’hui. Pourquoi pas, mais alors il faut reprendre nos idées !
Nous proposons, s’agissant des bénéfices de l’entreprise après impôt, de faire un vrai geste en faveur du partage de la valeur en adoptant la règle des trois tiers : un tiers serait versé aux actionnaires – c’est tout à fait normal –, un tiers, réservé aux investissements et un tiers, distribué aux salariés. Pour ne pas bloquer le développement de l’entreprise et lui laisser des marges de manœuvre, cette règle s’appliquerait sur une période de cinq ans. En effet, une année, l’entreprise peut avoir besoin d’investir davantage que l’année suivante. Monsieur le ministre, l’application, lissée sur cinq ans, de cette règle des trois tiers représenterait une vraie révolution, qui montrerait aux salariés de ce pays qu’ils pourront demain être réellement récompensés à la hauteur de leur investissement et du travail qu’ils fournissent.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Monsieur Fasquelle, on anticipe sur un débat qui viendra plus tard, mais je vous répondrai avec ma casquette de juriste. Les discussions de ce soir montrent que la propriété de l’entreprise fait l’objet d’une confusion. En tant que juriste, vous savez nécessairement que personne n’est propriétaire de l’entreprise. Les actionnaires ne le sont pas puisqu’une action ne constitue pas un titre de propriété sur la société, mais uniquement sur une toute petite partie de celle-ci ; les salariés ne le sont pas non plus.
M. Pierre Dharréville
Ça, c’est sûr !
Mme Coralie Dubost, rapporteure
Cette confusion entraîne les débats qui s’engagent des deux côtés de l’hémicycle. Au fond, l’entreprise n’appartient qu’à elle-même. (Rires sur les bancs du groupe FI.) J’irai même plus loin : en droit, une personne morale peut-elle avoir un propriétaire ? Je ne le pense pas. Propriétaire d’elle-même, l’entreprise est un ensemble de parties prenantes et donc le lieu de la discussion et de la négociation, dont sortent les décisions : c’est la démocratie de l’entreprise. C’est donc ainsi que les choses doivent se passer en matière de dividendes : une discussion, une décision et une répartition selon la volonté propre de l’entreprise, sans ingérence de l’État.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Même avis. (Rires sur divers bancs.)
M. Charles de Courson
Ce n’est pas possible !
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle
Cette proposition mérite mieux que les éclats de rire du ministre et la réponse alambiquée de la rapporteure !
Mme Coralie Dubost, rapporteure
C’est une réponse concrète !
M. Daniel Fasquelle
Libre à vous de le prendre sur ce ton, mais cette proposition aurait réellement permis de faire bouger les choses. Évoquée un jour par un président de la République, elle avait suscité pas mal de débats et certaines entreprises avaient commencé à s’y préparer ; elle n’était donc pas si absurde. Je retravaillerai le dispositif pour le déposer sous forme d’une proposition de loi car c’est le seul qui permettrait demain de faire bouger les lignes. Vous dites de laisser le débat s’installer dans l’entreprise ; mais on voit ce que cela donne. Regardez les chiffres concernant le partage des bénéfices dans l’entreprise depuis vingt ans : la part réservée aux salariés n’a cessé de diminuer, et cela va continuer.
M. Adrien Quatennens
Fasquelle, viens t’asseoir avec nous !
M. Daniel Fasquelle
Je suis très bien là où je suis : la participation est une idée gaulliste, comme cela a été rappelé au début de cette soirée où l’on nous a distribué l’ordonnance de 1967. Seulement vous n’en faites pas grand-chose. On peut être d’accord avec les aménagements techniques, monsieur Guerini, mais vous ne faites pas vraiment bouger les lignes. Vous n’en avez pas les moyens parce que vous ne menez pas une politique économique qui vous redonnerait des marges de manœuvre. Vous n’osez pas prendre les vraies mesures qui permettraient, demain, de réserver aux salariés la part des bénéfices qui leur revient dans l’entreprise. C’est une vraie idée gaulliste, elle vient de ces bancs et j’en suis fier.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Roland Lescure, rapporteur
C’est l’économiste qui va parler, donc il sera forcément moins convaincant… Si le général de Gaulle avait voulu mettre cette idée dans la loi, je ne doute pas qu’il l’aurait fait. Que se passe-t-il en cas de pertes ? Les partage-t-on également ? Que se passe-t-il quand une entreprise a une stratégie sur cinq ans et qu’elle vise d’investir sur toute la période ? Si les profits baissent une année, arrête-t-elle les investissements ? Je pense qu’il s’agit d’un vœu intéressant et qu’il faut inciter à une meilleure répartition avec des mesures telles que la participation et l’intéressement, mais on ne peut pas décréter dans cet hémicycle qu’on va partager les bénéfices en trois : cette proposition se heurte à la réalité qui la rend impossible à mettre en œuvre.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre
On a ce soir un beau débat sur le gaullisme. C’est intéressant, mais pour moi, le gaullisme ne se confond pas avec le dirigisme étatiste. Je constate à nouveau qu’il y a, dans cet hémicycle, de l’écho entre Les Républicains et l’aile gauche.
M. Adrien Quatennens
Et pourquoi pas ?
M. Bruno Le Maire, ministre
En effet, pourquoi pas. J’estime qu’imposer cette répartition-là est voué à l’échec. Un précédent président de la République avait voulu le faire – on en avait discuté à l’époque –, mais ne l’a pas fait. Il croyait pourtant à cette idée ; s’il ne l’a pas appliquée, ce n’est pas uniquement à cause de la crise, mais tout simplement parce qu’à un moment donné, il s’est rendu compte de son caractère irréaliste. Je préfère avancer sur des idées nouvelles plutôt que de ressortir des idées vieilles de dix ans, qui n’ont pas été appliquées.
M. le président
La parole est à M. Daniel Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle
Quand le président de la République Nicolas Sarkozy a avancé cette idée, je ne vous ai pas entendu la critiquer, monsieur le ministre ! Sachez par ailleurs qu’il l’a reprise à son compte dans le cadre de la primaire, alors que vous étiez l’un de ses compétiteurs – avec le succès que l’on sait. C’est une idée importante ; vous avez raison, monsieur Lescure, de suggérer de retravailler le dispositif pour le préciser, et je suis prêt à le faire avec tous ceux qui le souhaitent. Pourquoi ne pas allonger la période de cinq ans si cela ne suffit pas, ou aménager la disposition autrement ? Mais si on ne l’adopte pas, on restera sur le terrain des vœux pieux, des grandes déclarations, bref de la mousse qu’on a entendue ce soir. Si on veut être dans le concret, il faut avancer dans cette direction. J’ai écrit, il y a deux ans, un livre intitulé La France juste ; je vous l’enverrai. Je pense que l’idée de justice est une valeur de droite et que la droite doit la revendiquer. La vraie justice, c’est ce partage des bénéfices en trois entre les actionnaires, l’investissement et les salariés : c’est ce vers quoi on doit tendre.
M. le président
La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono
Je ne me revendique pas du tout du gaullisme, mais je sais reconnaître, à tout le moins, la cohérence de la pensée de M. Fasquelle comme de la tradition politique à laquelle il se rattache. Et il ne s’agit pas là seulement d’aspects juridiques ou économiques, mais bien politiques. Je trouve assez édifiante la position de la rapporteure : elle reflète bien, dans sa pureté, l’idéologie néolibérale, laquelle prétend inventer quelque chose qui est en réalité vieux comme le capitalisme – un gros mot que vous réhabilitez d’une manière éclairante. Alors que vous prétendez vous garder de toute idéologie, vous êtes entièrement guidés par elle. De fait, expliquer que les entreprises n’appartiennent à personne, c’est reprendre la vieille lune de la main invisible du marché. Vous n’avez absolument rien inventé.
Et par rapport à cela, le raisonnement de M. Fasquelle et celui de la tradition politique qu’il représente peut apparaître décalé. Dans le contexte actuel d’ultra-financiarisation de l’économie, vous partagez, monsieur Fasquelle, nos constats sur la part prise par le capital au détriment du travail et proposez une mesure de bon sens pour rééquilibrer les choses. Mais c’est proprement impossible pour les tenants du néolibéralisme, qui se rattachent en fait à un courant de pensée du XIXe siècle. Le choix qui est fait n’est pas neutre, ne résulte pas d’une négociation entre égaux, mais constitue la décision d’une minorité financiarisée qui impose son rapport de forces.
Monsieur Fasquelle, vous défendez une forme d’égalitarisme gaullien, un capitalisme prêt à accepter des concessions. Mais la pointe avancée du libéralisme financiarisé, représenté aujourd’hui par notre ministre-là, bute sur cette vision.
M. Bruno Le Maire, ministre
Merci pour le ministre-là, madame la députée-là !
Mme Danièle Obono
Ce n’est pas si stratosphérique que cela, c’est très concret et cela illustre bien l’impasse dans laquelle vous vous trouvez. Comme vous l’avez dit – M. le ministre ne l’ignore pas –, ce sont les mêmes lunes que celles que l’on vantait sous Sarkozy – et qu’on nous présente d’ailleurs depuis fort longtemps –, et vous foncez dans le même mur. La finance n’est pas près de partager, et il faudra le lui arracher. Et j’en viens là, à mon tour, à une autre lune de la lutte des classes : le rapport de forces social et économique.
(L’amendement no 235 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 2521.
Mme Coralie Dubost, rapporteure