XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019
Séance du jeudi 22 novembre 2018
- Présidence de M. Maurice Leroy
- 1. Programmation 2018-2022 et réforme de la justice
- Discussion des articles (suite)
- Après l’article 20
- Article 21
- Article 22
- Article 22 bis
- Amendement no 611
- Article 23
- Avant l’article 24
- Article 24
- Après l’article 24
- Article 25
- M. Pierre Morel-À-L’Huissier
- Amendements nos 9 et 684
- Article 25 bis A
- M. Ugo Bernalicis
- Amendements nos 181 et 1460, 1612
- Après l’article 25 bis A
- Amendements nos 540 rectifié, 541 rectifié, 10 rectifié et 542 rectifié
- Article 25 bis
- Article 25 ter
- Article 25 quater
- Après l’article 25 quater
- Rappels au règlement
- M. Philippe Gosselin
- M. Sébastien Jumel
- M. Ugo Bernalicis
- Mme Cécile Untermaier
- M. Pierre Morel-À-L’Huissier
- M. Stéphane Mazars
- M. Sébastien Jumel
- M. Antoine Savignat
- Mme Danièle Obono
- M. Philippe Gosselin
- M. Éric Ciotti
- M. Sébastien Huyghe
- M. Jean Terlier
- M. le président
- M. Sébastien Jumel
- M. Ugo Bernalicis
- Mme Emmanuelle Ménard
- Après l’article 25 quater (suite)
- Article 26
- Rappels au règlement
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
3e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (nos 1349, 1396).
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1477 portant article additionnel après l’article 20.
L’amendement no 1477 n’est pas défendu.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 170 portant article additionnel après l’article 20. Bien que plus général, cet amendement rejoint la logique d’un amendement précédent portant sur la sécurité sociale. Il vise à réduire d’un mois à quinze jours le délai de réponse aux recours administratifs préalables obligatoires, pour faire en sorte que l’administré reçoive une réponse rapide de l’administration. Il s’agit donc de contraindre l’administration à mobiliser des moyens humains suffisants pour répondre aux recours.
Au-delà, il convient d’éviter que certaines administrations utilisent le délai d’un mois et un accès plus limité au juge administratif ou au juge judiciaire pour ne pas appliquer la loi le plus strictement ou le plus loyalement possible. La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. Avis défavorable. Ce délai me semble trop court. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Vous parlez d’un délai trop court, mais de quel point de vue vous placez-vous ?
Pour l’administré qui interroge l’administration, quinze jours ne sont pas un délai trop court ; un mois, cela commence à faire long. Quinze jours, c’est un peu court. Mais c’est déjà un peu long par rapport à une semaine ! (Sourires) L’idée de cet amendement est d’améliorer la relation de l’administration aux administrés : il s’agit de faire mieux, d’être disruptive, de libérer les énergies… (L’amendement no 170 n’est pas adopté.) L’amendement no 672 est défendu. (L’amendement no 672, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l’amendement no 960. Il est défendu, monsieur le président. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Pour ma part, je suggère le retrait de l’amendement. (L’amendement no 960 est retiré.)
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 170 portant article additionnel après l’article 20. Bien que plus général, cet amendement rejoint la logique d’un amendement précédent portant sur la sécurité sociale. Il vise à réduire d’un mois à quinze jours le délai de réponse aux recours administratifs préalables obligatoires, pour faire en sorte que l’administré reçoive une réponse rapide de l’administration. Il s’agit donc de contraindre l’administration à mobiliser des moyens humains suffisants pour répondre aux recours.
Au-delà, il convient d’éviter que certaines administrations utilisent le délai d’un mois et un accès plus limité au juge administratif ou au juge judiciaire pour ne pas appliquer la loi le plus strictement ou le plus loyalement possible. La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. Avis défavorable. Ce délai me semble trop court. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Vous parlez d’un délai trop court, mais de quel point de vue vous placez-vous ?
Pour l’administré qui interroge l’administration, quinze jours ne sont pas un délai trop court ; un mois, cela commence à faire long. Quinze jours, c’est un peu court. Mais c’est déjà un peu long par rapport à une semaine ! (Sourires) L’idée de cet amendement est d’améliorer la relation de l’administration aux administrés : il s’agit de faire mieux, d’être disruptive, de libérer les énergies… (L’amendement no 170 n’est pas adopté.) L’amendement no 672 est défendu. (L’amendement no 672, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l’amendement no 960. Il est défendu, monsieur le président. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Pour ma part, je suggère le retrait de l’amendement. (L’amendement no 960 est retiré.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 173 et 1330, qui tendent à supprimer l’article.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 173. Cet amendement vise à limiter le recours aux magistrats honoraires. Il nous semble que par définition, ils n’apportent pas autant de garanties que les magistrats statutaires : parce qu’ils sont magistrats honoraires, ils peuvent être remerciés rapidement.
D’un autre côté, ils peuvent aussi apporter davantage de garanties que les magistrats temporaires : ayant exercé la profession de magistrat une bonne partie de leur vie, ils ont l’expérience du métier.
En la matière, comme dans de nombreux autres domaines, il serait de toute façon temps que ceux qui ont un emploi passent la main aux suivants. L’emploi ne regorgeant pas dans ce pays, mieux vaudrait libérer les énergies à l’École nationale de la magistrature et embaucher des jeunes. Je suis sûr que de nombreux étudiants en droit n’attendent qu’une chose : entrer dans la magistrature, devenir magistrat. Peut-être s’en trouve-t-il même dans cet hémicycle ?
Nous vous proposons donc d’éviter d’étendre à tout va le recours aux magistrats honoraires, afin de pourvoir au recrutement de magistrats statutaires. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l’amendement no 1330. Cet amendement vise également à ne pas systématiser le recours aux magistrats honoraires, qui ne sont pas la réponse à privilégier. Ils pourraient en revanche devenir des bénévoles, engagés dans la conciliation, voire la médiation, en constituant un pool gratuit pour remplir une mission d’intérêt général, ce qui corrigerait les conséquences de ce projet de loi en matière de privatisation de certaines fonctions régaliennes de l’État. Excellent ! Par ailleurs, le Syndicat de la juridiction administrative est hostile aux dispositions de l’article permettant aux chefs de juridiction de confier à des magistrats honoraires des fonctions d’aide à la décision qui, par nature, n’ont pas vocation à être confiées à des magistrats. Au bout du compte, cela est déshonorant pour des personnes qui ont exercé ces fonctions lorsqu’elles étaient en activité.
Le sens de cet amendement est donc le suivant : libérer les énergies et favoriser l’insertion des jeunes. Le droit administratif est passionnant. J’en ai fait l’expérience dans une autre vie. Il faut donc permettre à des jeunes de s’investir dans cette mission d’intérêt public, comme magistrat statutaire au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Quel est l’avis de la commission ? Vous le savez, nous aimons libérer les énergies, mais nous aimons aussi le renouvellement, qui consiste à mettre des personnes différentes autour de la table, en particulier des personnes ayant de l’expérience, qui pourront alimenter les tribunaux administratifs, aider les juridictions et concourir à la prise de décision ou à la rédaction d’actes. Cette demande est commune aux magistrats et aux juridictions.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. Je rappelle que les juridictions administratives ont connu une augmentation sans précédent de leur plafond d’emplois dans les dernières années.
Il ne s’agit donc pas de diminuer les recrutements de juges administratifs, mais au contraire de soutenir l’activité des tribunaux administratifs en recrutant des magistrats à titre honoraire.
Les dispositions que nous proposons donnent des compétences élargies à ces magistrats et encadrent leur déontologie. C’est important pour pouvoir bénéficier de leur expérience. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Certes, on peut dire que les magistrats honoraires représentent un renouvellement, mais cela revient – quel exemple pourrais-je donner ? – à nommer Gérard Collomb ministre de l’intérieur : c’est bien une nouvelle tête à ce poste, mais sans grand renouvellement. (Sourires.) Au-delà de la facilité de l’argument, qui reste tout de même pertinent, vous nous dites qu’il n’y a jamais eu autant de créations de postes dans les juridictions. C’est donc qu’il faut encore faire un effort : votre budget est sous-doté, puisque vous en venez à élargir le champ de l’utilisation des magistrats honoraires.
Il y a déjà des magistrats honoraires, notamment dans le contentieux du droit des étrangers. Mais comme votre politique conduit à augmenter ce contentieux, il faut davantage de monde !
Une politique différente de prise en charge des personnes en situation irrégulière dans le but de régulariser leur situation éviterait un grand nombre d’affaires. Si vous travailliez à régler les causes, peut-être n’en serions-nous pas à dire qu’il faut davantage de magistrats honoraires ! Encore une fois, faites confiance à la jeunesse ! Magistrat est un beau métier, de nombreux jeunes souhaitent l’exercer. Le droit administratif les intéresse, comme il a pu m’intéresser dans une vie passée et peut-être future – qui sait ? Pourquoi pas tout de suite ? En termes de garanties statutaires, vous encadrez la déontologie. Il est bon que vous voyiez qu’il peut y avoir une difficulté en la matière. Ces magistrats sont désignés sur une liste arrêtée par le vice-président du Conseil d’État, mais il n’y a pas de processus transparent. Ils ne peuvent être désignés que pour une durée de trois ans renouvelable. En termes d’inamovibilité, ce n’est pas terrible. C’est même nul !
Ces magistrats peuvent être sanctionnés de la même manière que les autres magistrats sur la discipline assurant le bon exercice de leurs fonctions. En termes de garanties statutaires, je suis pour être au maximum. Je suis donc favorable à l’embauche de magistrats qui puissent faire leur office.
Enfin, les magistrats honoraires ont droit comme tout le monde à une retraite paisible qu’ils peuvent consacrer à l’intérêt général, en faisant par exemple, comme l’a suggéré Sébastien Jumel, de la conciliation ou de la médiation. Il y a tellement de belles choses à faire dans la vie ! (Les amendements identiques nos 173 et 1330 ne sont pas adoptés.) C’est bien dommage ! La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 5. Voici la solution, madame la rapporteure : pour le renouvellement, vous prenez de jeunes magistrats administratifs et pour l’expérience, vous créez une passerelle entre la profession d’avocat et celle de magistrat administratif. (L’amendement no 5, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 86. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. J’avais demandé la parole sur l’amendement précédent, monsieur le président, mais vous ne m’avez pas vu – je suis dans l’angle mort. Le passage d’une fonction à l’autre – de magistrat à avocat, du parquet au siège – peut faire débat. Je regrette que cette discussion n’ait pas lieu, car elle permettrait de redéfinir ce que nous entendons par justice, indépendance ou impartialité. (L’amendement no 86 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 6. Il est défendu, monsieur le président. (L’amendement no 6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 21 est adopté.)
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 173. Cet amendement vise à limiter le recours aux magistrats honoraires. Il nous semble que par définition, ils n’apportent pas autant de garanties que les magistrats statutaires : parce qu’ils sont magistrats honoraires, ils peuvent être remerciés rapidement.
D’un autre côté, ils peuvent aussi apporter davantage de garanties que les magistrats temporaires : ayant exercé la profession de magistrat une bonne partie de leur vie, ils ont l’expérience du métier.
En la matière, comme dans de nombreux autres domaines, il serait de toute façon temps que ceux qui ont un emploi passent la main aux suivants. L’emploi ne regorgeant pas dans ce pays, mieux vaudrait libérer les énergies à l’École nationale de la magistrature et embaucher des jeunes. Je suis sûr que de nombreux étudiants en droit n’attendent qu’une chose : entrer dans la magistrature, devenir magistrat. Peut-être s’en trouve-t-il même dans cet hémicycle ?
Nous vous proposons donc d’éviter d’étendre à tout va le recours aux magistrats honoraires, afin de pourvoir au recrutement de magistrats statutaires. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l’amendement no 1330. Cet amendement vise également à ne pas systématiser le recours aux magistrats honoraires, qui ne sont pas la réponse à privilégier. Ils pourraient en revanche devenir des bénévoles, engagés dans la conciliation, voire la médiation, en constituant un pool gratuit pour remplir une mission d’intérêt général, ce qui corrigerait les conséquences de ce projet de loi en matière de privatisation de certaines fonctions régaliennes de l’État. Excellent ! Par ailleurs, le Syndicat de la juridiction administrative est hostile aux dispositions de l’article permettant aux chefs de juridiction de confier à des magistrats honoraires des fonctions d’aide à la décision qui, par nature, n’ont pas vocation à être confiées à des magistrats. Au bout du compte, cela est déshonorant pour des personnes qui ont exercé ces fonctions lorsqu’elles étaient en activité.
Le sens de cet amendement est donc le suivant : libérer les énergies et favoriser l’insertion des jeunes. Le droit administratif est passionnant. J’en ai fait l’expérience dans une autre vie. Il faut donc permettre à des jeunes de s’investir dans cette mission d’intérêt public, comme magistrat statutaire au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Quel est l’avis de la commission ? Vous le savez, nous aimons libérer les énergies, mais nous aimons aussi le renouvellement, qui consiste à mettre des personnes différentes autour de la table, en particulier des personnes ayant de l’expérience, qui pourront alimenter les tribunaux administratifs, aider les juridictions et concourir à la prise de décision ou à la rédaction d’actes. Cette demande est commune aux magistrats et aux juridictions.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. Je rappelle que les juridictions administratives ont connu une augmentation sans précédent de leur plafond d’emplois dans les dernières années.
Il ne s’agit donc pas de diminuer les recrutements de juges administratifs, mais au contraire de soutenir l’activité des tribunaux administratifs en recrutant des magistrats à titre honoraire.
Les dispositions que nous proposons donnent des compétences élargies à ces magistrats et encadrent leur déontologie. C’est important pour pouvoir bénéficier de leur expérience. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Certes, on peut dire que les magistrats honoraires représentent un renouvellement, mais cela revient – quel exemple pourrais-je donner ? – à nommer Gérard Collomb ministre de l’intérieur : c’est bien une nouvelle tête à ce poste, mais sans grand renouvellement. (Sourires.) Au-delà de la facilité de l’argument, qui reste tout de même pertinent, vous nous dites qu’il n’y a jamais eu autant de créations de postes dans les juridictions. C’est donc qu’il faut encore faire un effort : votre budget est sous-doté, puisque vous en venez à élargir le champ de l’utilisation des magistrats honoraires.
Il y a déjà des magistrats honoraires, notamment dans le contentieux du droit des étrangers. Mais comme votre politique conduit à augmenter ce contentieux, il faut davantage de monde !
Une politique différente de prise en charge des personnes en situation irrégulière dans le but de régulariser leur situation éviterait un grand nombre d’affaires. Si vous travailliez à régler les causes, peut-être n’en serions-nous pas à dire qu’il faut davantage de magistrats honoraires ! Encore une fois, faites confiance à la jeunesse ! Magistrat est un beau métier, de nombreux jeunes souhaitent l’exercer. Le droit administratif les intéresse, comme il a pu m’intéresser dans une vie passée et peut-être future – qui sait ? Pourquoi pas tout de suite ? En termes de garanties statutaires, vous encadrez la déontologie. Il est bon que vous voyiez qu’il peut y avoir une difficulté en la matière. Ces magistrats sont désignés sur une liste arrêtée par le vice-président du Conseil d’État, mais il n’y a pas de processus transparent. Ils ne peuvent être désignés que pour une durée de trois ans renouvelable. En termes d’inamovibilité, ce n’est pas terrible. C’est même nul !
Ces magistrats peuvent être sanctionnés de la même manière que les autres magistrats sur la discipline assurant le bon exercice de leurs fonctions. En termes de garanties statutaires, je suis pour être au maximum. Je suis donc favorable à l’embauche de magistrats qui puissent faire leur office.
Enfin, les magistrats honoraires ont droit comme tout le monde à une retraite paisible qu’ils peuvent consacrer à l’intérêt général, en faisant par exemple, comme l’a suggéré Sébastien Jumel, de la conciliation ou de la médiation. Il y a tellement de belles choses à faire dans la vie ! (Les amendements identiques nos 173 et 1330 ne sont pas adoptés.) C’est bien dommage ! La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 5. Voici la solution, madame la rapporteure : pour le renouvellement, vous prenez de jeunes magistrats administratifs et pour l’expérience, vous créez une passerelle entre la profession d’avocat et celle de magistrat administratif. (L’amendement no 5, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 86. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. J’avais demandé la parole sur l’amendement précédent, monsieur le président, mais vous ne m’avez pas vu – je suis dans l’angle mort. Le passage d’une fonction à l’autre – de magistrat à avocat, du parquet au siège – peut faire débat. Je regrette que cette discussion n’ait pas lieu, car elle permettrait de redéfinir ce que nous entendons par justice, indépendance ou impartialité. (L’amendement no 86 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 6. Il est défendu, monsieur le président. (L’amendement no 6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 21 est adopté.)
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier, inscrit sur l’article.
Madame la ministre, vous avez souligné qu’il y avait eu de nombreux recrutements dans les juridictions administratives. Malgré l’apparition des référés, celles-ci souffrent d’un mal endémique : la lenteur. L’oralité devant un juge administratif est toute relative, les magistrats n’en ayant guère l’habitude.
Vous faites appel à des magistrats honoraires, vous repoussez l’âge de la retraite et vous recrutez des juristes assistants. Vous créez une nouvelle fonction de juriste assistant ouverte aux titulaires d’un doctorat ou d’un bac +5. De deux choses l’une : soit les juristes sont assez nombreux dans les juridictions administratives, soit il en manque. Je ne comprends pas votre choix. Il existe un concours exceptionnel ouvert aux étudiants jusqu’à l’âge de vingt-sept ans pour l’accès aux fonctions de juge administratif. Pourquoi ne pas ouvrir davantage de postes à ce concours ? Je suis saisi de deux amendements identiques de suppression, nos 179 et 1332.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 179. J’ai déposé un amendement de suppression de cet article, ce que je n’avais pas fait pour la réunion de la commission. Pourquoi ? Parce que j’ai réfléchi. La fonction de juriste assistant me fait penser à un autre dispositif en discussion, celui d’aide-soignant assistant. Apparemment, c’est la mode de créer des assistants pour tout alors que des métiers existent déjà dans les administrations pour assurer ces fonctions.
Les greffiers doivent pouvoir remplir le rôle que vous voulez confier aux juristes assistants. J’ai cru comprendre que dans nombre de cas, les juristes assistants disposeraient d’une voie plus royale que les greffiers pour devenir magistrat. Au lieu de créer une sous-catégorie de personnels venant en aide aux magistrats, il faut renforcer la fonction de greffier et en embaucher davantage. Celui qui est censé apporter de l’aide aux magistrats, c’est le greffier. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l’amendement no 1332. Dans le même esprit, il s’agit d’éviter une différenciation parmi ceux qui exercent la fonction de magistrat. Il ne peut y avoir de sous-magistrat, de semi-magistrat ou d’apprenti magistrat. Lorsqu’on est magistrat, on exerce une compétence pleine et entière.
À défaut de recruter des magistrats de tribunaux administratifs ou de cours administratives d’appel de plein exercice, il faudrait réfléchir à intégrer au sein des fonctionnaires de catégorie A ceux qui, aux greffes des tribunaux, assistent les magistrats.
Je pense qu’il est dangereux de déréguler de manière progressive le statut de magistrat dans les juridictions administratives. Quel est l’avis de la commission ? Ce projet de loi ne crée pas le statut de juriste assistant. Il a été institué en 2016 par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle pour l’ordre judiciaire. Il s’agit donc d’étendre à l’ordre administratif ce dispositif qui fonctionne bien et donne satisfaction. Avis défavorable à ces deux amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Jumel, nous ne dérégulons pas le statut de magistrat, nous n’y touchons pas. Parce que les magistrats le demandent, nous plaçons simplement à côté d’eux des personnels. Les magistrats ont besoin de cette équipe autour d’eux.
Les juristes assistants sont diplômés – le plus souvent, ils sont docteurs en droit. Après cette expérience professionnelle de deux années, ils postulent très souvent au concours de la magistrature pour l’ordre judiciaire ou au concours pour devenir conseillers de tribunaux administratifs. Cette expérience les aide à intégrer ces fonctions.
Le dispositif est donc très intéressant à ce double titre. La parole est à M. Ugo Bernalicis. En commission, nous avions déposé un amendement visant à interdire aux juristes assistants de rédiger les jugements à la place des magistrats. Les professionnels avec lesquels j’ai discuté reconnaissaient que de facto, les choses se passaient ainsi : les juristes assistants rédigent les jugements et le magistrat appose sa signature, notamment dans le contentieux des étrangers ; ils se font la main et passent ensuite le concours de magistrat. Ce faisant, ils privent de débouchés les greffiers qui sont censés être les assistants des magistrats.
Je ne dis pas que les magistrats ne réclament pas de l’aide. Ils la demandent, mais c’est précisément le rôle du greffier que de préparer les éléments permettant au magistrat de rédiger son jugement.
Les juristes assistants sont diplômés. Très bien, mais les greffiers le sont aussi. Il me semble que vous créez une sous-catégorie de personnels à exploiter, comme cela a été fait en matière judiciaire – vous avez raison de le rappeler, ce n’est pas une nouveauté. On joint l’utile à l’agréable : ils sont exploités et s’ils sont bons, ils auront le concours. Ce n’est pas sérieux ! Je défends l’existence de métiers, de qualifications et de parcours. Le parcours royal reste encore d’être greffier pour devenir magistrat.
Je n’ai rien contre les juristes assistants. Sans doute font-ils très bien leur métier, mais au regard de la philosophie du système judiciaire, il ne leur appartient pas de rédiger les jugements. C’est au magistrat de le faire, car il s’engage par sa signature. La parole est à M. Sébastien Jumel. Pardonnez-moi, madame la ministre, je vous écoutais de l’oreille droite tandis que mon oreille gauche écoutait Cécile Untermaier, parce que je voulais me nourrir de son expérience de magistrat administratif pour compléter mon argumentation.
Les magistrats bénéficient d’une indépendance garantie par la Constitution, ce qui n’est pas le cas des juristes assistants – ce n’est pas neutre.
Je souhaite prendre un exemple un peu décalé qui concerne les personnels qui nous accompagnent au quotidien. Si nous laissons faire la privatisation rampante des services de l’Assemblée – ceux qui épaulent quotidiennement les parlementaires –, tout ce qui constitue le statut – la neutralité, l’indépendance, l’obligation de discrétion, le devoir de réserve… Quel est le rapport ? Si vous me laissez poursuivre, vous comprendrez. Ce qui permet l’exercice de la démocratie parlementaire, c’est le statut.
Le fait de privatiser ou de faire appel à des emplois précaires, comme cela est envisagé, pour exercer les missions de sécurité et d’accueil à l’Assemblée – les employés changeront tous les ans – ne constitue pas, me semble-t-il, une garantie satisfaisante pour assurer la sécurité non pas des députés – moi, je n’ai peur de rien – mais de la démocratie.
L’idée selon laquelle un statut n’est pas étroitement lié à une mission correspond à une vision libérale que je ne partage pas. C’est vrai pour les magistrats comme pour le personnel de l’Assemblée, et plus généralement pour la fonction publique, dont le statut engendre des droits, mais aussi des obligations.
Voilà le lien que j’établis, madame la rapporteure. Je ne crois pas être décalé en disant cela. Un magistrat est un magistrat, un fonctionnaire est un fonctionnaire. Chacun dispose de prérogatives et obéit à des sujétions de service qui sont inhérentes à ses fonctions. C’est la raison pour laquelle la privatisation ou la précarisation de certaines missions n’est jamais bonne pour l’exercice de celles-ci dans la durée. (Les amendements identiques nos 179 et 1332 ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 313, 7 et 681, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 7 et 681 sont identiques.
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 313. L’article 22 vise à autoriser le recrutement de juristes assistants dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. L’amendement de notre collègue Reda a pour objet d’élargir le recrutement aux titulaires du certificat d’aptitude à la profession d’avocat – CAPA – depuis au moins trois ans. La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 7. Il est presque identique. Les titulaires du CAPA ne possèdent pas toujours un diplôme de master 2, puisque vous risquez de m’opposer cet argument. L’amendement no 681 est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Je demande le retrait de ces amendements. À défaut, mon avis sera défavorable non pas parce que les avocats ont un master 2 – vous avez raison, madame Meunier, ce n’est pas toujours le cas – mais parce que pour obtenir le CAPA, il faut avoir fait un master 1, qui sanctionne quatre années d’études, puis l’école de formation du barreau pendant dix-huit mois, ce qui représente au total cinq années et demie d’études, soit la durée requise pour solliciter le statut de juriste assistant. Rien n’empêche aujourd’hui un titulaire du CAPA d’être juriste assistant. Les amendements sont donc satisfaits. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je demande également le retrait de ces amendements. La parole est à Mme Cécile Untermaier. Le groupe Socialistes et apparentés a déposé un amendement de même nature, mais sur le projet de loi organique, dont j’ignore le jour et l’heure d’examen. (Sourires.) J’interviens maintenant, ce qui me permettra d’être beaucoup plus brève dimanche à vingt-trois heures trente . Je souscris aux interrogations qui se sont exprimées. Vous avez raison, madame la rapporteure, de vouloir la diversité. La diversité dans une formation collégiale est la source de la qualité du jugement.
Je ne suis pas avocate, mais j’ai eu l’occasion de travailler avec des avocats au sein d’une chambre administrative. C’est passionnant. Mais la passerelle pour les avocats expérimentés n’existe pas. C’est impossible pour des raisons matérielles : il leur faut économiser pendant deux ans avant, le cas échéant, d’être acceptés en tant que magistrats. L’inverse n’est pas vrai. Lorsqu’on est magistrat, on devient avocat très facilement ; lorsqu’on est conseiller d’État, à la retraite, on devient avocat au Conseil d’État ou à la Cour de cassation.
Je crois qu’il y a là un enjeu : il faut absolument harmoniser les procédures d’intégration ; les professionnels du droit doivent être rassemblés. Dans l’intérêt de la magistrature, judiciaire comme administrative, il faut rendre réelle la passerelle pour les avocats, qui pourraient apporter une expertise tout à fait passionnante, notamment dans les chambres commerciales. La parole est à M. Ugo Bernalicis. J’ai parlé à plusieurs reprises des greffiers. Ce n’est pas complètement innocent : les greffiers peinent à trouver des débouchés et à être reconnus dans leur métier. Il y a des juristes assistants qui arrivent, notamment des avocats qui sont nommés dans ces fonctions, et qui prennent leur place. Il convient de valoriser la filière des greffiers en interne. C’est en tout cas le message que nous ont fait passer les organisations syndicales de greffiers. Cette reconnaissance passe aussi par le renforcement de leur statut, plutôt que par la création de voies d’accès supplémentaires ou parallèles.
Si vous voulez de la diversité dans les administrations, c’est au moment du recrutement qu’il faut se fixer cet objectif. Dans l’administration, on sait tout de même recruter des profils divers au concours ; on ne porte pas de telles œillères – en tout cas, je l’espère. Regardez : on m’a bien recruté ! La parole est à M. Sébastien Jumel. À chaque audience solennelle de rentrée du tribunal de Dieppe – tribunal de plein exercice, qui le restera, je l’espère –… Cela dépendra de ce que vous ferez, monsieur le député ! (Sourires.) C’est une menace ou une promesse ? (Sourires.) …le parquet et le président du tribunal ne manquent jamais l’occasion de souligner le rôle essentiel du chef et de l’ensemble du personnel du greffe pour la diligence, l’efficience, la réactivité, le sérieux et l’ordonnancement des jugements. ll est bon de rendre hommage aux greffiers lors de ces audiences solennelles, mais il serait mieux encore que nous reconnaissions et valorisions cette filière, que nous lui donnions la place qui convient, que nous ne laissions pas se développer le sentiment larvé que nous inventons ou bricolons des professions qui seraient de nature à affaiblir ou à détricoter leur statut. Tel était le sens de l’intervention de mon collègue Ugo Bernalicis, que je souhaite appuyer par ces propos. (L’amendement no 313 n’est pas adopté.) (Les amendements identiques nos 7 et 681 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 87. Il vise à rendre homogènes les durées pour lesquelles les juristes assistants sont nommés. Le plafond fixé lors de travaux précédents resterait le même, six ans, mais on pourrait y parvenir autrement : les juristes assistants seraient nommés pour une période maximale de deux ans, renouvelable deux fois. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, précisément par souci d’homogénéité avec les juristes assistants de l’ordre judiciaire, qui sont nommés pour une durée maximale de trois ans, renouvelable une fois. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je suis défavorable à cet amendement, mais j’en profite pour répondre à Mme Untermaier : je suis extrêmement favorable, bien entendu, à ce que les avocats puissent intégrer l’École nationale de la magistrature. C’est déjà possible. Le Conseil national des barreaux travaille actuellement sur la question de la formation et des passerelles. Pour ma part, je trouverais très utile que nous avancions sur ce sujet. Compte tenu des explications fournies par Mme la rapporteure, je retire l’amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) (L’amendement no 87 est retiré.) Il ne faut pas désespérer de l’opposition ! Ni de la majorité ! (L’article 22 est adopté.)
Vous faites appel à des magistrats honoraires, vous repoussez l’âge de la retraite et vous recrutez des juristes assistants. Vous créez une nouvelle fonction de juriste assistant ouverte aux titulaires d’un doctorat ou d’un bac +5. De deux choses l’une : soit les juristes sont assez nombreux dans les juridictions administratives, soit il en manque. Je ne comprends pas votre choix. Il existe un concours exceptionnel ouvert aux étudiants jusqu’à l’âge de vingt-sept ans pour l’accès aux fonctions de juge administratif. Pourquoi ne pas ouvrir davantage de postes à ce concours ? Je suis saisi de deux amendements identiques de suppression, nos 179 et 1332.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 179. J’ai déposé un amendement de suppression de cet article, ce que je n’avais pas fait pour la réunion de la commission. Pourquoi ? Parce que j’ai réfléchi. La fonction de juriste assistant me fait penser à un autre dispositif en discussion, celui d’aide-soignant assistant. Apparemment, c’est la mode de créer des assistants pour tout alors que des métiers existent déjà dans les administrations pour assurer ces fonctions.
Les greffiers doivent pouvoir remplir le rôle que vous voulez confier aux juristes assistants. J’ai cru comprendre que dans nombre de cas, les juristes assistants disposeraient d’une voie plus royale que les greffiers pour devenir magistrat. Au lieu de créer une sous-catégorie de personnels venant en aide aux magistrats, il faut renforcer la fonction de greffier et en embaucher davantage. Celui qui est censé apporter de l’aide aux magistrats, c’est le greffier. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l’amendement no 1332. Dans le même esprit, il s’agit d’éviter une différenciation parmi ceux qui exercent la fonction de magistrat. Il ne peut y avoir de sous-magistrat, de semi-magistrat ou d’apprenti magistrat. Lorsqu’on est magistrat, on exerce une compétence pleine et entière.
À défaut de recruter des magistrats de tribunaux administratifs ou de cours administratives d’appel de plein exercice, il faudrait réfléchir à intégrer au sein des fonctionnaires de catégorie A ceux qui, aux greffes des tribunaux, assistent les magistrats.
Je pense qu’il est dangereux de déréguler de manière progressive le statut de magistrat dans les juridictions administratives. Quel est l’avis de la commission ? Ce projet de loi ne crée pas le statut de juriste assistant. Il a été institué en 2016 par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle pour l’ordre judiciaire. Il s’agit donc d’étendre à l’ordre administratif ce dispositif qui fonctionne bien et donne satisfaction. Avis défavorable à ces deux amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Jumel, nous ne dérégulons pas le statut de magistrat, nous n’y touchons pas. Parce que les magistrats le demandent, nous plaçons simplement à côté d’eux des personnels. Les magistrats ont besoin de cette équipe autour d’eux.
Les juristes assistants sont diplômés – le plus souvent, ils sont docteurs en droit. Après cette expérience professionnelle de deux années, ils postulent très souvent au concours de la magistrature pour l’ordre judiciaire ou au concours pour devenir conseillers de tribunaux administratifs. Cette expérience les aide à intégrer ces fonctions.
Le dispositif est donc très intéressant à ce double titre. La parole est à M. Ugo Bernalicis. En commission, nous avions déposé un amendement visant à interdire aux juristes assistants de rédiger les jugements à la place des magistrats. Les professionnels avec lesquels j’ai discuté reconnaissaient que de facto, les choses se passaient ainsi : les juristes assistants rédigent les jugements et le magistrat appose sa signature, notamment dans le contentieux des étrangers ; ils se font la main et passent ensuite le concours de magistrat. Ce faisant, ils privent de débouchés les greffiers qui sont censés être les assistants des magistrats.
Je ne dis pas que les magistrats ne réclament pas de l’aide. Ils la demandent, mais c’est précisément le rôle du greffier que de préparer les éléments permettant au magistrat de rédiger son jugement.
Les juristes assistants sont diplômés. Très bien, mais les greffiers le sont aussi. Il me semble que vous créez une sous-catégorie de personnels à exploiter, comme cela a été fait en matière judiciaire – vous avez raison de le rappeler, ce n’est pas une nouveauté. On joint l’utile à l’agréable : ils sont exploités et s’ils sont bons, ils auront le concours. Ce n’est pas sérieux ! Je défends l’existence de métiers, de qualifications et de parcours. Le parcours royal reste encore d’être greffier pour devenir magistrat.
Je n’ai rien contre les juristes assistants. Sans doute font-ils très bien leur métier, mais au regard de la philosophie du système judiciaire, il ne leur appartient pas de rédiger les jugements. C’est au magistrat de le faire, car il s’engage par sa signature. La parole est à M. Sébastien Jumel. Pardonnez-moi, madame la ministre, je vous écoutais de l’oreille droite tandis que mon oreille gauche écoutait Cécile Untermaier, parce que je voulais me nourrir de son expérience de magistrat administratif pour compléter mon argumentation.
Les magistrats bénéficient d’une indépendance garantie par la Constitution, ce qui n’est pas le cas des juristes assistants – ce n’est pas neutre.
Je souhaite prendre un exemple un peu décalé qui concerne les personnels qui nous accompagnent au quotidien. Si nous laissons faire la privatisation rampante des services de l’Assemblée – ceux qui épaulent quotidiennement les parlementaires –, tout ce qui constitue le statut – la neutralité, l’indépendance, l’obligation de discrétion, le devoir de réserve… Quel est le rapport ? Si vous me laissez poursuivre, vous comprendrez. Ce qui permet l’exercice de la démocratie parlementaire, c’est le statut.
Le fait de privatiser ou de faire appel à des emplois précaires, comme cela est envisagé, pour exercer les missions de sécurité et d’accueil à l’Assemblée – les employés changeront tous les ans – ne constitue pas, me semble-t-il, une garantie satisfaisante pour assurer la sécurité non pas des députés – moi, je n’ai peur de rien – mais de la démocratie.
L’idée selon laquelle un statut n’est pas étroitement lié à une mission correspond à une vision libérale que je ne partage pas. C’est vrai pour les magistrats comme pour le personnel de l’Assemblée, et plus généralement pour la fonction publique, dont le statut engendre des droits, mais aussi des obligations.
Voilà le lien que j’établis, madame la rapporteure. Je ne crois pas être décalé en disant cela. Un magistrat est un magistrat, un fonctionnaire est un fonctionnaire. Chacun dispose de prérogatives et obéit à des sujétions de service qui sont inhérentes à ses fonctions. C’est la raison pour laquelle la privatisation ou la précarisation de certaines missions n’est jamais bonne pour l’exercice de celles-ci dans la durée. (Les amendements identiques nos 179 et 1332 ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 313, 7 et 681, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 7 et 681 sont identiques.
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 313. L’article 22 vise à autoriser le recrutement de juristes assistants dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. L’amendement de notre collègue Reda a pour objet d’élargir le recrutement aux titulaires du certificat d’aptitude à la profession d’avocat – CAPA – depuis au moins trois ans. La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 7. Il est presque identique. Les titulaires du CAPA ne possèdent pas toujours un diplôme de master 2, puisque vous risquez de m’opposer cet argument. L’amendement no 681 est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Je demande le retrait de ces amendements. À défaut, mon avis sera défavorable non pas parce que les avocats ont un master 2 – vous avez raison, madame Meunier, ce n’est pas toujours le cas – mais parce que pour obtenir le CAPA, il faut avoir fait un master 1, qui sanctionne quatre années d’études, puis l’école de formation du barreau pendant dix-huit mois, ce qui représente au total cinq années et demie d’études, soit la durée requise pour solliciter le statut de juriste assistant. Rien n’empêche aujourd’hui un titulaire du CAPA d’être juriste assistant. Les amendements sont donc satisfaits. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je demande également le retrait de ces amendements. La parole est à Mme Cécile Untermaier. Le groupe Socialistes et apparentés a déposé un amendement de même nature, mais sur le projet de loi organique, dont j’ignore le jour et l’heure d’examen. (Sourires.) J’interviens maintenant, ce qui me permettra d’être beaucoup plus brève dimanche à vingt-trois heures trente . Je souscris aux interrogations qui se sont exprimées. Vous avez raison, madame la rapporteure, de vouloir la diversité. La diversité dans une formation collégiale est la source de la qualité du jugement.
Je ne suis pas avocate, mais j’ai eu l’occasion de travailler avec des avocats au sein d’une chambre administrative. C’est passionnant. Mais la passerelle pour les avocats expérimentés n’existe pas. C’est impossible pour des raisons matérielles : il leur faut économiser pendant deux ans avant, le cas échéant, d’être acceptés en tant que magistrats. L’inverse n’est pas vrai. Lorsqu’on est magistrat, on devient avocat très facilement ; lorsqu’on est conseiller d’État, à la retraite, on devient avocat au Conseil d’État ou à la Cour de cassation.
Je crois qu’il y a là un enjeu : il faut absolument harmoniser les procédures d’intégration ; les professionnels du droit doivent être rassemblés. Dans l’intérêt de la magistrature, judiciaire comme administrative, il faut rendre réelle la passerelle pour les avocats, qui pourraient apporter une expertise tout à fait passionnante, notamment dans les chambres commerciales. La parole est à M. Ugo Bernalicis. J’ai parlé à plusieurs reprises des greffiers. Ce n’est pas complètement innocent : les greffiers peinent à trouver des débouchés et à être reconnus dans leur métier. Il y a des juristes assistants qui arrivent, notamment des avocats qui sont nommés dans ces fonctions, et qui prennent leur place. Il convient de valoriser la filière des greffiers en interne. C’est en tout cas le message que nous ont fait passer les organisations syndicales de greffiers. Cette reconnaissance passe aussi par le renforcement de leur statut, plutôt que par la création de voies d’accès supplémentaires ou parallèles.
Si vous voulez de la diversité dans les administrations, c’est au moment du recrutement qu’il faut se fixer cet objectif. Dans l’administration, on sait tout de même recruter des profils divers au concours ; on ne porte pas de telles œillères – en tout cas, je l’espère. Regardez : on m’a bien recruté ! La parole est à M. Sébastien Jumel. À chaque audience solennelle de rentrée du tribunal de Dieppe – tribunal de plein exercice, qui le restera, je l’espère –… Cela dépendra de ce que vous ferez, monsieur le député ! (Sourires.) C’est une menace ou une promesse ? (Sourires.) …le parquet et le président du tribunal ne manquent jamais l’occasion de souligner le rôle essentiel du chef et de l’ensemble du personnel du greffe pour la diligence, l’efficience, la réactivité, le sérieux et l’ordonnancement des jugements. ll est bon de rendre hommage aux greffiers lors de ces audiences solennelles, mais il serait mieux encore que nous reconnaissions et valorisions cette filière, que nous lui donnions la place qui convient, que nous ne laissions pas se développer le sentiment larvé que nous inventons ou bricolons des professions qui seraient de nature à affaiblir ou à détricoter leur statut. Tel était le sens de l’intervention de mon collègue Ugo Bernalicis, que je souhaite appuyer par ces propos. (L’amendement no 313 n’est pas adopté.) (Les amendements identiques nos 7 et 681 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 87. Il vise à rendre homogènes les durées pour lesquelles les juristes assistants sont nommés. Le plafond fixé lors de travaux précédents resterait le même, six ans, mais on pourrait y parvenir autrement : les juristes assistants seraient nommés pour une période maximale de deux ans, renouvelable deux fois. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, précisément par souci d’homogénéité avec les juristes assistants de l’ordre judiciaire, qui sont nommés pour une durée maximale de trois ans, renouvelable une fois. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je suis défavorable à cet amendement, mais j’en profite pour répondre à Mme Untermaier : je suis extrêmement favorable, bien entendu, à ce que les avocats puissent intégrer l’École nationale de la magistrature. C’est déjà possible. Le Conseil national des barreaux travaille actuellement sur la question de la formation et des passerelles. Pour ma part, je trouverais très utile que nous avancions sur ce sujet. Compte tenu des explications fournies par Mme la rapporteure, je retire l’amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) (L’amendement no 87 est retiré.) Il ne faut pas désespérer de l’opposition ! Ni de la majorité ! (L’article 22 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 611, tendant à supprimer l’article 22 bis.
Il est défendu.
(L’amendement no 611, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 22 bis est adopté.)
(L’article 23 est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3 et 682, portant article additionnel avant l’article 24.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 3. Il est défendu. L’amendement no 682 est défendu. (Les amendements identiques nos 3 et 682, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 3. Il est défendu. L’amendement no 682 est défendu. (Les amendements identiques nos 3 et 682, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 24.
La parole est d’abord à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. L’article 24 ouvre la possibilité de recourir à la collégialité en matière de référé précontractuel et contractuel. Il me semble que le référé correspond à l’urgence ou à l’évidence. On ne voit pas trop l’intérêt de renvoyer à une formation collégiale des affaires de référé, examinées dans le cadre d’une procédure écrite, sur lesquelles un juge unique est à même de statuer. La parole est à Mme Émilie Guerel. L’article 24 vise à améliorer la qualité et l’efficacité de la justice administrative. Il est en effet proposé de permettre aux juges des référés précontractuels et contractuels de statuer en formation collégiale. La loi no 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires permet désormais de réunir des formations collégiales en matière de référé d’urgence lorsque la nature de l’affaire le justifie. La complexité du contentieux de la commande publique et les enjeux économiques qui s’y attachent exigent que de telles formations collégiales puissent être réunies également en matière de référé précontractuel et contractuel. (M. Didier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, applaudit.) La parole est à M. Jean Lassalle. Je poursuis ma réflexion. Je me demande depuis longtemps, et de plus en plus, comment il se fait que des hommes et des femmes qui disposent de telles capacités intellectuelles, qui font preuve d’un tel dévouement, qui consentent de tels sacrifices, qui ont un cœur tellement puissant qu’il expédie la lave rouge de leur sang jusqu’à la dernière de leurs cellules et un cerveau aussi froid qu’un iceberg qui n’a pas connu de réchauffement climatique depuis vingt-cinq milliards d’années (Sourires) n’arrivent pas à trouver une forme d’accomplissement dans leur mission. Il s’agit pourtant des missions les plus importantes de la République.
Commençons par nous, les politiques : nous faisons ce que nous pouvons, nous consacrons beaucoup de temps à notre tâche et acceptons de nombreux sacrifices, mais nous n’avons aucun pouvoir. Les très hauts fonctionnaires, eux, en ont peut-être un peu trop ; en tout cas, ils ne passent jamais devant les urnes. Quant aux journalistes, ils bavardent beaucoup, mais cela a peu d’effet. Qu’en est-il des magistrats ? Lorsqu’on observe un tribunal de l’intérieur, on a l’impression que cela fonctionne bien. Pour ma part, le jour de la rentrée de la cour – je reviens sur ce qu’a dit M. Jumel –, je me sens bien. En revanche, lorsque l’on parle de la justice à l’extérieur, on ne rencontre que des gens mécontents : c’est trop long ; on n’y arrive pas.
Je ne parviens pas à comprendre pourquoi il y a cette forme de désenchantement au niveau de toutes les élites,… Car on ne met pas de pognon ! …qui font l’objet d’un même verdict de la part du peuple : elles ont toutes perdu totalement sa confiance.
Je ne vois effectivement qu’une solution : comme je le dis souvent ici, il manque, dans notre espace public, les finances nécessaires… Eh oui ! …pour recréer un grand élan. En outre, nous n’occupons plus l’espace politique.
Je me permets de le dire, madame la garde des sceaux, car, en toute franchise, vous n’y êtes pour rien : vous héritez de trente ans de laisser-aller incommensurable. Si cette loi permettait de retrouver un peu ce chemin-là – il n’est pas si éloigné, à mon avis –, on bouleverserait le cours suivi par notre pays et notre société. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Jean Lassalle à propos des finances publiques : on ne met pas suffisamment de pognon, si ce n’est pour construire des places de prison. Je l’ai déjà dit cinquante fois et le dirai encore.
Pour le reste, je vais dire une chose que je dis rarement (« Ah ! » sur plusieurs bancs ) : je suis d’accord avec vous (Sourires et applaudissements sur quelques bancs) car, pour une fois, vous dites qu’il faut de la collégialité. Je ne peux que le remarquer et le faire remarquer, sachant que, dans tant de domaines où elle était la norme, elle est devenue l’exception. À croire que nous n’avons pas tiré les enseignements du traitement d’un certain nombre de faits divers, ne serait-ce que du procès d’Outreau, qui a eu l’effet d’un électrochoc et a remis la collégialité au cœur des débats.
Oui, c’est bien qu’il y ait de la collégialité. Oui, c’est bien qu’elle redevienne la norme. Malheureusement, cette mesure n’est qu’une exception dans votre texte. Nous en venons aux amendements à l’article 24.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 8, tendant à supprimer l’article. La collégialité, c’est bien, certes, mais, en matière de référé, c’est surprenant. Et s’il faut trouver trois juges pour statuer en référé dans une petite juridiction, cela se complique. Oui ! On ne nous a pas communiqué de bilan montrant comment cette collégialité pourrait fonctionner. C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 24. Quel est l’avis de la commission ? La mesure prévue à l’article 24 sera particulièrement utile en matière de contentieux complexes, notamment de contentieux de la commande publique. L’objectif est de conjuguer collégialité et célérité. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable également. Cette disposition ne jouera qu’à titre exceptionnel… C’est bien le problème ! …lorsque la question sera soit techniquement complexe, soit politiquement sensible. En réalité, il est apparu important de prévoir cette possibilité devant le juge administratif après l’affaire Dieudonné, à l’occasion de laquelle des magistrats avaient été mis en cause. Voilà ! La parole est à Mme Frédérique Meunier. Je comprends tout à fait l’objectif, qui est louable, mais c’est l’application de la mesure qui pose problème : il sera difficile de trouver trois juges pour statuer en référé. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je m’oppose à cet amendement de suppression. Ma foi, pour une fois que l’on promeut la collégialité !
Cependant, la collégialité restera malheureusement l’exception, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux. Au cours de nos débats sur l’ open data , nous avons relevé qu’il pouvait y avoir un problème de profilage des magistrats en fonction de leurs décisions. Or, avec la collégialité, cela ne peut pas arriver. C’est pour cela qu’elle devrait être la norme en toute circonstance. Le juge unique devrait être l’exception. La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Je ne suis pas du tout convaincu par les arguments de Mme la rapporteure. Ne me parlez pas de complexité à propos de la commande publique ou des marchés publics : tout magistrat administratif connaît la question par cœur. Je ne vois pas pourquoi on ferait appel en la matière à une formation de trois juges administratifs, alors qu’ils ont bien d’autres choses à faire. Le référé est une procédure d’urgence. Un juge unique est suffisamment compétent pour statuer sur un problème de commande publique. La parole est à M. Sébastien Huyghe. J’irai dans le même sens que M. Morel-À-L’Huissier. Le référé est une procédure d’urgence qui ne vise pas à statuer sur le fond, ce que l’on fera par la suite. Mieux vaudrait une collégialité quand on se saisit du fond, particulièrement si les dossiers sont complexes. La parole est à M. Jean Terlier. Quand nous examinions les articles sur la procédure civile, nos collègues de l’opposition n’ont cessé de rappeler que supprimer la présence d’un juge était très grave, que nous déjudiciarisions la justice et que nous la privatisions. Mais quand, sur des contentieux complexes, nous prévoyons de mettre trois juges au lieu d’un, ils nous répondent que c’est chose impossible et que ce n’est pas ainsi qu’il faut s’y prendre. À un moment donné, il faut faire preuve d’un minimum de cohérence ! Pour une fois, ce n’est pas nous qui sommes en cause ! (L’amendement no 8 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1459. Il est rédactionnel. (L’amendement no 1459, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 24, amendé, est adopté.)
La parole est d’abord à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. L’article 24 ouvre la possibilité de recourir à la collégialité en matière de référé précontractuel et contractuel. Il me semble que le référé correspond à l’urgence ou à l’évidence. On ne voit pas trop l’intérêt de renvoyer à une formation collégiale des affaires de référé, examinées dans le cadre d’une procédure écrite, sur lesquelles un juge unique est à même de statuer. La parole est à Mme Émilie Guerel. L’article 24 vise à améliorer la qualité et l’efficacité de la justice administrative. Il est en effet proposé de permettre aux juges des référés précontractuels et contractuels de statuer en formation collégiale. La loi no 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires permet désormais de réunir des formations collégiales en matière de référé d’urgence lorsque la nature de l’affaire le justifie. La complexité du contentieux de la commande publique et les enjeux économiques qui s’y attachent exigent que de telles formations collégiales puissent être réunies également en matière de référé précontractuel et contractuel. (M. Didier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, applaudit.) La parole est à M. Jean Lassalle. Je poursuis ma réflexion. Je me demande depuis longtemps, et de plus en plus, comment il se fait que des hommes et des femmes qui disposent de telles capacités intellectuelles, qui font preuve d’un tel dévouement, qui consentent de tels sacrifices, qui ont un cœur tellement puissant qu’il expédie la lave rouge de leur sang jusqu’à la dernière de leurs cellules et un cerveau aussi froid qu’un iceberg qui n’a pas connu de réchauffement climatique depuis vingt-cinq milliards d’années (Sourires) n’arrivent pas à trouver une forme d’accomplissement dans leur mission. Il s’agit pourtant des missions les plus importantes de la République.
Commençons par nous, les politiques : nous faisons ce que nous pouvons, nous consacrons beaucoup de temps à notre tâche et acceptons de nombreux sacrifices, mais nous n’avons aucun pouvoir. Les très hauts fonctionnaires, eux, en ont peut-être un peu trop ; en tout cas, ils ne passent jamais devant les urnes. Quant aux journalistes, ils bavardent beaucoup, mais cela a peu d’effet. Qu’en est-il des magistrats ? Lorsqu’on observe un tribunal de l’intérieur, on a l’impression que cela fonctionne bien. Pour ma part, le jour de la rentrée de la cour – je reviens sur ce qu’a dit M. Jumel –, je me sens bien. En revanche, lorsque l’on parle de la justice à l’extérieur, on ne rencontre que des gens mécontents : c’est trop long ; on n’y arrive pas.
Je ne parviens pas à comprendre pourquoi il y a cette forme de désenchantement au niveau de toutes les élites,… Car on ne met pas de pognon ! …qui font l’objet d’un même verdict de la part du peuple : elles ont toutes perdu totalement sa confiance.
Je ne vois effectivement qu’une solution : comme je le dis souvent ici, il manque, dans notre espace public, les finances nécessaires… Eh oui ! …pour recréer un grand élan. En outre, nous n’occupons plus l’espace politique.
Je me permets de le dire, madame la garde des sceaux, car, en toute franchise, vous n’y êtes pour rien : vous héritez de trente ans de laisser-aller incommensurable. Si cette loi permettait de retrouver un peu ce chemin-là – il n’est pas si éloigné, à mon avis –, on bouleverserait le cours suivi par notre pays et notre société. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Jean Lassalle à propos des finances publiques : on ne met pas suffisamment de pognon, si ce n’est pour construire des places de prison. Je l’ai déjà dit cinquante fois et le dirai encore.
Pour le reste, je vais dire une chose que je dis rarement (« Ah ! » sur plusieurs bancs ) : je suis d’accord avec vous (Sourires et applaudissements sur quelques bancs) car, pour une fois, vous dites qu’il faut de la collégialité. Je ne peux que le remarquer et le faire remarquer, sachant que, dans tant de domaines où elle était la norme, elle est devenue l’exception. À croire que nous n’avons pas tiré les enseignements du traitement d’un certain nombre de faits divers, ne serait-ce que du procès d’Outreau, qui a eu l’effet d’un électrochoc et a remis la collégialité au cœur des débats.
Oui, c’est bien qu’il y ait de la collégialité. Oui, c’est bien qu’elle redevienne la norme. Malheureusement, cette mesure n’est qu’une exception dans votre texte. Nous en venons aux amendements à l’article 24.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 8, tendant à supprimer l’article. La collégialité, c’est bien, certes, mais, en matière de référé, c’est surprenant. Et s’il faut trouver trois juges pour statuer en référé dans une petite juridiction, cela se complique. Oui ! On ne nous a pas communiqué de bilan montrant comment cette collégialité pourrait fonctionner. C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 24. Quel est l’avis de la commission ? La mesure prévue à l’article 24 sera particulièrement utile en matière de contentieux complexes, notamment de contentieux de la commande publique. L’objectif est de conjuguer collégialité et célérité. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable également. Cette disposition ne jouera qu’à titre exceptionnel… C’est bien le problème ! …lorsque la question sera soit techniquement complexe, soit politiquement sensible. En réalité, il est apparu important de prévoir cette possibilité devant le juge administratif après l’affaire Dieudonné, à l’occasion de laquelle des magistrats avaient été mis en cause. Voilà ! La parole est à Mme Frédérique Meunier. Je comprends tout à fait l’objectif, qui est louable, mais c’est l’application de la mesure qui pose problème : il sera difficile de trouver trois juges pour statuer en référé. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je m’oppose à cet amendement de suppression. Ma foi, pour une fois que l’on promeut la collégialité !
Cependant, la collégialité restera malheureusement l’exception, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux. Au cours de nos débats sur l’ open data , nous avons relevé qu’il pouvait y avoir un problème de profilage des magistrats en fonction de leurs décisions. Or, avec la collégialité, cela ne peut pas arriver. C’est pour cela qu’elle devrait être la norme en toute circonstance. Le juge unique devrait être l’exception. La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Je ne suis pas du tout convaincu par les arguments de Mme la rapporteure. Ne me parlez pas de complexité à propos de la commande publique ou des marchés publics : tout magistrat administratif connaît la question par cœur. Je ne vois pas pourquoi on ferait appel en la matière à une formation de trois juges administratifs, alors qu’ils ont bien d’autres choses à faire. Le référé est une procédure d’urgence. Un juge unique est suffisamment compétent pour statuer sur un problème de commande publique. La parole est à M. Sébastien Huyghe. J’irai dans le même sens que M. Morel-À-L’Huissier. Le référé est une procédure d’urgence qui ne vise pas à statuer sur le fond, ce que l’on fera par la suite. Mieux vaudrait une collégialité quand on se saisit du fond, particulièrement si les dossiers sont complexes. La parole est à M. Jean Terlier. Quand nous examinions les articles sur la procédure civile, nos collègues de l’opposition n’ont cessé de rappeler que supprimer la présence d’un juge était très grave, que nous déjudiciarisions la justice et que nous la privatisions. Mais quand, sur des contentieux complexes, nous prévoyons de mettre trois juges au lieu d’un, ils nous répondent que c’est chose impossible et que ce n’est pas ainsi qu’il faut s’y prendre. À un moment donné, il faut faire preuve d’un minimum de cohérence ! Pour une fois, ce n’est pas nous qui sommes en cause ! (L’amendement no 8 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1459. Il est rédactionnel. (L’amendement no 1459, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 24, amendé, est adopté.)
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 552 portant article additionnel après l’article 24.
L’amendement vise à permettre au juge administratif chargé de l’instruction d’une affaire d’informer le procureur de la République qu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer un crime ou un délit et, le cas échéant, de lui transmettre les éléments du dossier qui y sont relatifs. On rendra ainsi le rôle du juge plus effectif. J’y reviendrai quand nous examinerons l’article 25.
Quel est l’avis de la commission ?
L’amendement me semble satisfait par les dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale, qui prévoit l’obligation pour toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit d’en informer sans délai le procureur. Je vous suggère donc de retirer l’amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Même avis.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier.
En tant qu’avocat, je connais bien l’article 40 du code de procédure pénale. Le problème est qu’on ne s’expose à aucune sanction en ne l’utilisant pas. Je souhaite qu’un juge administratif ou un président de TA ayant connaissance d’un problème pouvant aboutir à une qualification juridique soit obligé de saisir le procureur de la République.
(L’amendement no 552 n’est pas adopté.)
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 553.
Cet amendement vise à ce qu’une copie des décisions des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel relatives à l’annulation d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir soit immédiatement transmise au président du tribunal judiciaire et au procureur de la République territorialement compétents.
Dans la mesure où les champs de compétence des juridictions administratives et judiciaires peuvent coexister dans ces domaines, donc où des procédures peuvent intervenir parallèlement sur une même affaire, il convient de prévoir une information du juge administratif à destination du juge judiciaire, sans préjudice du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.
Là encore, il s’agit de rendre le rôle du juge administratif plus efficient. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Je comprends le sens de l’amendement, mais ce dispositif risque de poser des difficultés pratiques liées notamment à l’identification des juridictions compétentes. En outre, l’efficacité de la mesure est incertaine : il paraît compliqué d’exploiter les transmissions automatiques de documents entre juridictions. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’aboutis aux mêmes conclusions que Mme la rapporteure pour des raisons légèrement différentes. L’amendement me semble déjà satisfait par des dispositions de nature réglementaire, notamment par les articles R. 751-10 et 751-11 du code de justice administrative, qui impose cette obligation aux TA et aux cours administratives d’appel. La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. J’apprends que cette disposition existe. En quinze ans d’activité professionnelle, je n’ai jamais vu un seul tribunal administratif transmettre une de ses décisions à un procureur de la République ou une autorité judiciaire.
Les juridictions administratives sont lentes, même si le Conseil d’État prétend l’inverse. Si l’on dépose un recours en annulation contre un permis de construire, il faut trois ans pour obtenir la décision. Quand elle est saisie, la cour d’appel met deux ans à se prononcer. Or une action civile de démolition ne peut être introduite que dans les cinq ans suivant la construction. C’est ce qui explique qu’on puisse annuler un permis de construire relatif à une construction impossible à démolir. C’est un vrai problème. Ne pas l’admettre, c’est manquer d’honnêteté envers des citoyens. (L’amendement no 553 n’est pas adopté.)
Dans la mesure où les champs de compétence des juridictions administratives et judiciaires peuvent coexister dans ces domaines, donc où des procédures peuvent intervenir parallèlement sur une même affaire, il convient de prévoir une information du juge administratif à destination du juge judiciaire, sans préjudice du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.
Là encore, il s’agit de rendre le rôle du juge administratif plus efficient. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Je comprends le sens de l’amendement, mais ce dispositif risque de poser des difficultés pratiques liées notamment à l’identification des juridictions compétentes. En outre, l’efficacité de la mesure est incertaine : il paraît compliqué d’exploiter les transmissions automatiques de documents entre juridictions. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’aboutis aux mêmes conclusions que Mme la rapporteure pour des raisons légèrement différentes. L’amendement me semble déjà satisfait par des dispositions de nature réglementaire, notamment par les articles R. 751-10 et 751-11 du code de justice administrative, qui impose cette obligation aux TA et aux cours administratives d’appel. La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. J’apprends que cette disposition existe. En quinze ans d’activité professionnelle, je n’ai jamais vu un seul tribunal administratif transmettre une de ses décisions à un procureur de la République ou une autorité judiciaire.
Les juridictions administratives sont lentes, même si le Conseil d’État prétend l’inverse. Si l’on dépose un recours en annulation contre un permis de construire, il faut trois ans pour obtenir la décision. Quand elle est saisie, la cour d’appel met deux ans à se prononcer. Or une action civile de démolition ne peut être introduite que dans les cinq ans suivant la construction. C’est ce qui explique qu’on puisse annuler un permis de construire relatif à une construction impossible à démolir. C’est un vrai problème. Ne pas l’admettre, c’est manquer d’honnêteté envers des citoyens. (L’amendement no 553 n’est pas adopté.)
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier.
Une fois n’est pas coutume. Je tenais à remercier le Gouvernement pour cet article, grâce auquel les juridictions administratives gagneront en efficacité.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 9 et 684.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 9. Il est défendu. La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir l’amendement no 684. Il est défendu. (Les amendements identiques nos 9 et 684, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) (L’article 25 est adopté.)
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 9. Il est défendu. La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir l’amendement no 684. Il est défendu. (Les amendements identiques nos 9 et 684, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) (L’article 25 est adopté.)
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
Nous voilà de nouveau confrontés à un article qui traduit, dans ce projet de loi sur la justice, une disposition de la loi relative à la protection du secret des affaires, à laquelle nous nous sommes opposés.
Lors de son examen, nous avions pointé le risque que ce texte augmente l’opacité des jugements. Nous savions du moins qu’il ne faciliterait ni la transparence ni l’accès, pour les journalistes ou les simples citoyens, au contenu des dossiers. Nous y voilà ! C’est pourquoi nous avons déposé un amendement no 181 tendant à supprimer l’article. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 181. Par cet amendement, nous proposons de faire primer la justice et le droit des justiciables sur le secret des affaires des entreprises.
L’article 25 introduit en effet dans le code de justice administrative des dispositions présentes dans le code du commerce, qui restreignent non seulement les droits procéduraux des parties durant une instance, mais aussi le principe même du contradictoire.
L’article tend à ce qu’au nom du secret des affaires, « les exigences de la contradiction » soient « adaptées à celles de la protection du secret des affaires ». En l’espèce, dans le cadre d’une instance administrative, le principe du contradictoire prévoit que les pièces transmises par une partie le soient aussi à l’autre partie si elles ont un effet sur la résolution du litige.
Or l’article permet aux entreprises, au nom du secret des affaires, de bloquer le contradictoire. Un document soumis, selon elles, au secret des affaires ne sera pas automatiquement transmis, puisque, si le juge décide par ordonnance sa transmission, il faudra attendre l’expiration d’un délai de recours avant que l’autre partie puisse y avoir accès ou non.
Cela signifie, ce qui est encore plus problématique, que le juge peut se fonder sur des documents et informations dont l’autre partie ne pourra jamais être destinataire, et qu’elle ne pourra donc jamais contester.
Dans le cas du redressement fiscal d’une grande entreprise, qui sera examiné au tribunal administratif de Montreuil, l’administration fiscale ne pourra avoir accès aux justifications de la société qui a fait l’objet du recouvrement si celles-ci sont couvertes par ce fameux secret des affaires.
Ainsi, une loi adoptée par la majorité oblige à ne plus faire confiance à l’État et à privilégier les entreprises. Nous parlons bien d’une défiance, non envers un particulier ou une société concurrente qui aurait engagé la procédure, mais envers l’État lui-même, ce qui nous semble particulièrement grave. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer l’article. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, dans un souci de cohérence. Cohérence avec quoi ? Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. On va en venir à des situations ubuesques, dans lesquelles, au nom du secret des affaires, il n’y aura plus ni contradictoire avéré ni communication des pièces. En commission, M. Terlier nous a expliqué – je crois que c’était à propos de cet article – que, si certains documents susceptibles d’être couverts par le secret des affaires peuvent être communiqués immédiatement au tribunal, l’entreprise peut ensuite faire un recours en prétendant qu’ils n’auraient jamais dû lui être transmis.
Faut-il les transmettre, chers collègues ? Tout dépend du point de vue que l’on adopte. Du point de vue du secret des affaires, non, non, non. Du point de vue du justiciable, du citoyen attaché à la vérité et à la transparence, oui, oui, oui.
C’est pourquoi, après nous être opposés à la loi sur la protection du secret des affaires, nous vous conjurons de voter l’amendement. On ne peut pas permettre aux grandes entreprises de cacher aux citoyens, au nom du secret des affaires, des vérités qui peuvent avoir trait à l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) (L’amendement no 181 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 1460 et 1612, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure, pour les soutenir. Ils sont rédactionnels et de cohérence. (Les amendements nos 1460 et 1612, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.) (L’article 25 bis A, amendé, est adopté.)
Lors de son examen, nous avions pointé le risque que ce texte augmente l’opacité des jugements. Nous savions du moins qu’il ne faciliterait ni la transparence ni l’accès, pour les journalistes ou les simples citoyens, au contenu des dossiers. Nous y voilà ! C’est pourquoi nous avons déposé un amendement no 181 tendant à supprimer l’article. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 181. Par cet amendement, nous proposons de faire primer la justice et le droit des justiciables sur le secret des affaires des entreprises.
L’article 25 introduit en effet dans le code de justice administrative des dispositions présentes dans le code du commerce, qui restreignent non seulement les droits procéduraux des parties durant une instance, mais aussi le principe même du contradictoire.
L’article tend à ce qu’au nom du secret des affaires, « les exigences de la contradiction » soient « adaptées à celles de la protection du secret des affaires ». En l’espèce, dans le cadre d’une instance administrative, le principe du contradictoire prévoit que les pièces transmises par une partie le soient aussi à l’autre partie si elles ont un effet sur la résolution du litige.
Or l’article permet aux entreprises, au nom du secret des affaires, de bloquer le contradictoire. Un document soumis, selon elles, au secret des affaires ne sera pas automatiquement transmis, puisque, si le juge décide par ordonnance sa transmission, il faudra attendre l’expiration d’un délai de recours avant que l’autre partie puisse y avoir accès ou non.
Cela signifie, ce qui est encore plus problématique, que le juge peut se fonder sur des documents et informations dont l’autre partie ne pourra jamais être destinataire, et qu’elle ne pourra donc jamais contester.
Dans le cas du redressement fiscal d’une grande entreprise, qui sera examiné au tribunal administratif de Montreuil, l’administration fiscale ne pourra avoir accès aux justifications de la société qui a fait l’objet du recouvrement si celles-ci sont couvertes par ce fameux secret des affaires.
Ainsi, une loi adoptée par la majorité oblige à ne plus faire confiance à l’État et à privilégier les entreprises. Nous parlons bien d’une défiance, non envers un particulier ou une société concurrente qui aurait engagé la procédure, mais envers l’État lui-même, ce qui nous semble particulièrement grave. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer l’article. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, dans un souci de cohérence. Cohérence avec quoi ? Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. On va en venir à des situations ubuesques, dans lesquelles, au nom du secret des affaires, il n’y aura plus ni contradictoire avéré ni communication des pièces. En commission, M. Terlier nous a expliqué – je crois que c’était à propos de cet article – que, si certains documents susceptibles d’être couverts par le secret des affaires peuvent être communiqués immédiatement au tribunal, l’entreprise peut ensuite faire un recours en prétendant qu’ils n’auraient jamais dû lui être transmis.
Faut-il les transmettre, chers collègues ? Tout dépend du point de vue que l’on adopte. Du point de vue du secret des affaires, non, non, non. Du point de vue du justiciable, du citoyen attaché à la vérité et à la transparence, oui, oui, oui.
C’est pourquoi, après nous être opposés à la loi sur la protection du secret des affaires, nous vous conjurons de voter l’amendement. On ne peut pas permettre aux grandes entreprises de cacher aux citoyens, au nom du secret des affaires, des vérités qui peuvent avoir trait à l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) (L’amendement no 181 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 1460 et 1612, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure, pour les soutenir. Ils sont rédactionnels et de cohérence. (Les amendements nos 1460 et 1612, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.) (L’article 25 bis A, amendé, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 540 rectifié portant article additionnel après l’article 25 bis A.
Il est défendu.
(L’amendement no 540 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 541 rectifié.
Il est défendu.
(L’amendement no 541 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 10 rectifié.
En un mot, il s’agit d’ouvrir plus de postes au concours de conseiller de tribunal administratif dans les juridictions ultramarines.
Quel est l’avis de la commission ?
L’amendement vise à supprimer la présence des magistrats judiciaires dans les juridictions administratives de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ces dispositions exceptionnelles répondent à des situations géographiques très spécifiques, qui ne peuvent être régies par des dispositions de droit commun naturellement applicables en métropole. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à l’amendement.
(L’amendement no 10 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l’amendement no 542 rectifié.
Il est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
C’est un avis défavorable, le dernier que j’émettrai ce soir.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Quel est l’avis du Gouvernement ?
J’émets pour ma part un avis défavorable, en attendant le suivant.
(Sourires)
(L’amendement no 542 rectifié n’est pas adopté.)
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 180, portant article additionnel après l’article 25 quater.
Par cet amendement, nous proposons d’abroger les dispositions les plus illégitimes et les plus disproportionnées de la loi sur le renseignement du 24 juillet 2015.
Nous souhaitons en effet revenir à l’état antérieur du droit, puisque les dispositions de la loi Renseignement les plus liberticides n’ont apporté la preuve ni de leur utilité ni de leur efficacité. Elles visent les moyens d’interception de sécurité, d’accès aux données de connexion, de balisage de véhicules ou d’objets, de sonorisation ou de captation d’images dans des lieux privés ou encore de captation de données informatiques.
Notre position est à l’opposé des dispositions du projet de loi, puisque vous souhaitez permettre au procureur d’utiliser ces techniques, dès lors que sont en jeu des peines d’au moins trois ans d’emprisonnement, ainsi que les techniques d’enquête anonyme pour tout crime ou délit qui relève d’une peine de prison.
Que chacun se rassure : notre idée n’est pas de désarmer l’État ni de renoncer à employer ces techniques. Il faut seulement qu’elles soient utilisées dans le mode judiciaire, aux mains d’un juge d’instruction indépendant et dans le cadre d’une information judiciaire. On garantira ainsi les libertés individuelles.
Nous pensons en effet qu’il faut sortir de l’ère du soupçon qui ne nous amènera nulle part, sinon à instaurer un univers digne d’un roman d’Orwell, ce que nul ne souhaite. (Mme Mathilde Panot applaudit) La parole est à M. Didier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. Vous avez raison, monsieur le député : votre proposition va à l’opposé tant du projet de loi que de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, sur laquelle vous voulez revenir. Vous avez déposé d’autres amendements allant dans ce sens.
La loi de 2015 a parfaitement défini les conditions d’exercice des activités liées au renseignement en France. Elle a d’ailleurs été validée par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises. Elle apporte des garanties qui n’étaient pas aussi bien définies auparavant. Je me demande comment on pourrait faire comprendre au peuple français qu’aujourd’hui, il n’y a plus de menaces et qu’il n’y a donc plus besoin de renseignement. L’avis est évidemment défavorable, monsieur Bernalicis. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je pensais avoir pris quelques précautions dans la défense de mon amendement en disant que le problème ne tenait pas à l’usage des techniques en tant que telles ; la question est de savoir qui les emploie et dans quel cadre. C’est là toute la différence entre nous. Je ne prétends pas qu’il n’y a pas de menace – elle existe bel et bien –, mais je dis que pour y faire face, il faut utiliser les moyens les plus protecteurs qui soient des libertés individuelles. À cet égard, nous manquons de juges d’instruction et de moyens pour conduire des enquêtes. Aujourd’hui, seules 3 % – je dis bien 3 % – des enquêtes sont menées par un juge d’instruction. Le juge d’instruction est réduit à peau de chagrin, alors qu’il devrait avoir toute sa place, notamment en cette matière, particulièrement attentatoire aux libertés individuelles. Rappelez-vous que lors de la mise en œuvre de l’état d’urgence, 4 300 perquisitions ont été effectuées, qui n’ont pas conduit à 4 300 arrestations de terroristes. N’importe quoi ! Ces moyens particulièrement attentatoires aux libertés individuelles… Mais non ! …n’ont d’ailleurs pas donné lieu, la plupart du temps, à des mesures de réparation de l’État en faveur de ces gens qui avaient l’air dangereux et qui – malheureusement pour eux, heureusement pour nous – ne l’étaient pas. En attendant, ce sont eux qui se sont fait fracasser leur porte, ont vu arriver les policiers, et j’en passe. Pour notre part, nous rendons hommage aux forces de l’ordre, monsieur Bernalicis !
Nous souhaitons en effet revenir à l’état antérieur du droit, puisque les dispositions de la loi Renseignement les plus liberticides n’ont apporté la preuve ni de leur utilité ni de leur efficacité. Elles visent les moyens d’interception de sécurité, d’accès aux données de connexion, de balisage de véhicules ou d’objets, de sonorisation ou de captation d’images dans des lieux privés ou encore de captation de données informatiques.
Notre position est à l’opposé des dispositions du projet de loi, puisque vous souhaitez permettre au procureur d’utiliser ces techniques, dès lors que sont en jeu des peines d’au moins trois ans d’emprisonnement, ainsi que les techniques d’enquête anonyme pour tout crime ou délit qui relève d’une peine de prison.
Que chacun se rassure : notre idée n’est pas de désarmer l’État ni de renoncer à employer ces techniques. Il faut seulement qu’elles soient utilisées dans le mode judiciaire, aux mains d’un juge d’instruction indépendant et dans le cadre d’une information judiciaire. On garantira ainsi les libertés individuelles.
Nous pensons en effet qu’il faut sortir de l’ère du soupçon qui ne nous amènera nulle part, sinon à instaurer un univers digne d’un roman d’Orwell, ce que nul ne souhaite. (Mme Mathilde Panot applaudit) La parole est à M. Didier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. Vous avez raison, monsieur le député : votre proposition va à l’opposé tant du projet de loi que de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, sur laquelle vous voulez revenir. Vous avez déposé d’autres amendements allant dans ce sens.
La loi de 2015 a parfaitement défini les conditions d’exercice des activités liées au renseignement en France. Elle a d’ailleurs été validée par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises. Elle apporte des garanties qui n’étaient pas aussi bien définies auparavant. Je me demande comment on pourrait faire comprendre au peuple français qu’aujourd’hui, il n’y a plus de menaces et qu’il n’y a donc plus besoin de renseignement. L’avis est évidemment défavorable, monsieur Bernalicis. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je pensais avoir pris quelques précautions dans la défense de mon amendement en disant que le problème ne tenait pas à l’usage des techniques en tant que telles ; la question est de savoir qui les emploie et dans quel cadre. C’est là toute la différence entre nous. Je ne prétends pas qu’il n’y a pas de menace – elle existe bel et bien –, mais je dis que pour y faire face, il faut utiliser les moyens les plus protecteurs qui soient des libertés individuelles. À cet égard, nous manquons de juges d’instruction et de moyens pour conduire des enquêtes. Aujourd’hui, seules 3 % – je dis bien 3 % – des enquêtes sont menées par un juge d’instruction. Le juge d’instruction est réduit à peau de chagrin, alors qu’il devrait avoir toute sa place, notamment en cette matière, particulièrement attentatoire aux libertés individuelles. Rappelez-vous que lors de la mise en œuvre de l’état d’urgence, 4 300 perquisitions ont été effectuées, qui n’ont pas conduit à 4 300 arrestations de terroristes. N’importe quoi ! Ces moyens particulièrement attentatoires aux libertés individuelles… Mais non ! …n’ont d’ailleurs pas donné lieu, la plupart du temps, à des mesures de réparation de l’État en faveur de ces gens qui avaient l’air dangereux et qui – malheureusement pour eux, heureusement pour nous – ne l’étaient pas. En attendant, ce sont eux qui se sont fait fracasser leur porte, ont vu arriver les policiers, et j’en passe. Pour notre part, nous rendons hommage aux forces de l’ordre, monsieur Bernalicis !
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.
Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 1. Nous venons de changer de rapporteur ; je voudrais saluer l’arrivée de Didier Paris et le départ provisoire de Laetitia Avia. Nous en venons à présent à la procédure pénale, sur laquelle nous allons examiner un certain nombre d’amendements dans les heures qui viennent.
Je souhaite en particulier revenir sur l’amendement no 1644 du Gouvernement portant article additionnel après l’article 52, qui concerne la réforme de l’ordonnance de 1945. C’est, me semble-t-il, le moment d’en parler – surtout si son examen intervient dans la nuit de dimanche à lundi. Je voudrais à nouveau dénoncer la manière de procéder du Gouvernement. Nous avons appris hier, lors des questions au Gouvernement, que le Parlement se dessaisirait et habiliterait le Gouvernement à modifier le texte de 1945 par ordonnance, sur la base de l’article 38 de la Constitution. Cette procédure va nous tomber dessus, alors que nous conduisons actuellement des auditions dans le cadre de la mission d’information sur la justice des mineurs. Nous n’avons eu connaissance du texte de l’amendement que cet après-midi. Je lis que cette réforme se fera « dans le respect des principes constitutionnels » – la belle affaire ! Heureusement que nous respectons, ici, l’État de droit ! C’est la moindre des choses ! Je voudrais appeler votre attention sur le fait qu’il ne s’agira pas d’une codification à droit constant, mais d’une profonde modification, de changements substantiels. Je voudrais que nous soyons les uns et les autres en alerte, à l’occasion de ce changement de rapporteur, sur cette perspective et cette façon de procéder. À l’occasion de l’arrivée du nouveau rapporteur, j’estimais nécessaire d’exprimer ce coup de gueule – il n’y a pas d’autre terme – contre le déroulement inacceptable de nos travaux. Les modifications à venir porteront sur le fond et iront donc bien au-delà d’une codification à droit constant. Elles n’étaient prévues ni dans les travaux du Sénat, ni dans ceux que nous avons menés, la semaine dernière, en commission des lois. Je souhaite que, de tout cela, il soit dressé procès-verbal, afin que cela ait une incidence sur la suite de nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Sébastien Jumel. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 1, et a trait à l’organisation de nos travaux. Quant à la forme – ça devient une habitude –, le Parlement est bafoué, le Parlement est humilié, le Parlement est discrédité. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) En l’occurrence, le Sénat est méprisé en plein congrès des maires. Vous balayez les sénateurs. Continuez ainsi, c’est bien : après les corps intermédiaires et les classes populaires, il y aura les parlementaires. La boucle est bouclée et illustre la volonté du nouveau monde de s’asseoir sur tout ce qui fait la cohésion de la République. Du point de vue de la forme, alors qu’une mission d’information conduit ses travaux à l’Assemblée, on sort du chapeau une refonte de l’ordonnance de 1945 sans que le Gouvernement n’ait écrit la moindre ligne directrice sur le sujet. Quant au fond – ce n’est pas moi qui le dis, ni Philippe Gosselin, ni même, pour anticiper ses propos, Ugo Bernalicis –, mais l’ensemble des acteurs qui, au quotidien, sont mobilisés au service de l’intérêt des enfants. Je les cite : « Consternation » face à un « coup de force » disent les syndicats de magistrats et d’éducateurs, qui jugent « scandaleuse » la volonté du Gouvernement de réformer la justice des mineurs par voie d’ordonnance. « C’est la cerise sur le gâteau de ce processus parlementaire : à deux jours de la fin des débats, la ministre décide de légiférer sur un sujet sensible, sans que personne n’ait été entendu. Là aussi, la concertation n’est évidemment pas au rendez-vous. » juge Anaïs Vrain, juge pour enfants et secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature. Je citerai une autre personnalité, moins à gauche mais tout aussi légitime : Jacky Coulon, secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats, se dit, lui, « consterné » : « on ne voit pas où va le Gouvernement… Veuillez conclure, mon cher collègue ! …qui n’a jamais présenté de ligne directrice sur la justice des mineurs mais demande un blanc-seing » sur ce sujet. C’est un rappel au règlement, ça ? Vous vous asseyez sur nous donc, de temps en temps, on a le droit de se mettre en colère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Vous me permettrez, monsieur le président, de parler encore dix secondes. Vous demandez un blanc-seing alors que la copie est vierge, sur un sujet qui doit faire consensus, qui doit rassembler non seulement les acteurs concernés, mais aussi la communauté nationale, l’Assemblée nationale. De surcroît, cet amendement sera probablement discuté dans la nuit de samedi à dimanche, à quatre heures du matin, comme si c’était un petit sujet. Ce n’est pas la garde des sceaux toute seule qui a décidé de cela. Je pense que le Gouvernement veut faire de la diversion, de la triangulation ; il cherche un sujet pour détourner la colère. Mais les colères vont s’additionner, se coaguler, car la marque de fabrique de ce gouvernement, c’est de mépriser l’ensemble de ceux qui ont des choses à dire – en l’occurrence, ceux qui s’occupent des mineurs au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.) La parole est à M. Ugo Bernalicis. J’ai déjà poussé un coup de gueule tout à l’heure, car on me faisait remarquer que nous proposions des amendements qui n’avaient pas été discutés en commission, alors que nous avons au moins fait l’effort de respecter la procédure. On pourrait dire que c’est une petite modification de l’ordonnance de 1945, une sorte de toilettage, comme je l’ai entendu ici ou là. Pourtant, l’amendement qui a été déposé tout à l’heure par le Gouvernement – je dis bien tout à l’heure – a pour objet de « simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants ; accélérer leur jugement pour qu’il soit statué rapidement sur leur culpabilité ; renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine ; améliorer la prise en compte de leurs victimes […] » Ce n’est donc pas une petite modification : c’est extrêmement large, au-delà des bonnes intentions, toujours présentes, dans les formules. Même le Sénat n’en a pas discuté, ni en commission, ni dans l’hémicycle. On voit bien, parce que ce sera discuté après l’article 52, que l’objectif est que ça se fasse entre nous, sur la fin… En catimini ! …quand on en aura marre, quand on voudra rentrer chez soi. Oui, encore une fois, l’ordre du jour a été défini de telle sorte que tout soit condensé sur les derniers jours, pour nous contraindre à fermer nos bouches, comme d’habitude. On sait que l’ordonnance de 1945 est un totem et peut susciter des fantasmes à partir du moment où on commence à le toucher, à le bricoler – c’est aisément compréhensible, puisqu’il s’agit d’enfants, de mineurs. On peut se dire que vous avez voulu faire ça en vitesse, contourner les voies habituelles. De surcroît, vous avez lancé une mission d’information sur le sujet, dans cette assemblée. Vous devriez y participer davantage ! Elle n’a pas même achevé ses travaux que vous prévoyez déjà de rédiger une ordonnance ! Qu’est-ce que c’est que ces méthodes ? Qu’est-ce que c’est que ce travail ? Veuillez conclure, mon cher collègue ! Non, ce n’est pas acceptable ! Nous demanderons donc le retrait de cet amendement gouvernemental. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à Mme Cécile Untermaier. J’ai été également surprise par cette annonce. Nous avons vécu cela lors du précédent quinquennat, et nous l’avons combattu et regretté. Apprendre aujourd’hui qu’un amendement a été déposé, alors que la commission des lois s’est réunie la semaine dernière, me paraît particulièrement outrageant pour les parlementaires que nous sommes. Vous pouvez sourire… Ce n’est pourtant pas drôle ! …mais contrairement à ce qu’on a pu vous dire, le recours aux ordonnances entraînera notre dessaisissement… Un double dessaisissement ! …quelles que soient les précautions que l’on prendra. Je considère, pour ma part, que la justice des mineurs mérite le débat parlementaire. Vous l’aurez ! Mais en cas de recours aux ordonnances, nous n’avons pas les mêmes garanties. Je vous fais confiance, je sais que vous êtes une femme de dialogue, mais le fonctionnement de l’institution parlementaire doit être garanti. Si nous ne sommes pas d’accord, nous n’aurons aucun moyen pour peser sur le contenu du dispositif. Quand on m’a appris l’existence de cet amendement, j’ai pensé, sachant que je prends part de manière extrêmement fructueuse aux travaux de la mission d’information dont Jean Terlier et moi-même sommes les corapporteurs, que c’était une codification, et considéré que c’était envisageable. Nous avons procédé de la sorte pour le droit des contrats. En l’occurrence, nous avions eu au préalable un débat nourri, et les parlementaires qui n’en voulaient pas au départ ont été convaincus que l’ordonnance était la meilleure façon d’assurer cette codification. Compte tenu de la technicité de la matière, nous aurions en effet perdu beaucoup de temps dans l’hémicycle. Veuillez conclure, ma chère collègue ! En revanche, s’il ne s’agit pas d’une codification quasiment à droit constant de l’ordonnance de 1945, je pense qu’il serait extrêmement préjudiciable pour le Parlement que vous ne soyez pas tous associés à la réflexion. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et FI, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR, et parmi les députés non inscrits.) La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Je m’associe pleinement à ce que viennent de dire nos collègues. Alors que le Parlement s’est efforcé de travailler consciencieusement sur des problèmes compliqués, le comportement du Gouvernement est inacceptable. Monsieur Jumel, vous avez déjà fait un rappel au règlement. Pendant l’affaire Benalla, on en a fait 150 ! La parole est à M. Stéphane Mazars. Je tiens à rassurer notre collègue Sébastien Jumel : la majorité des députés présents dans cet hémicycle ne se sentent pas bafoués par cet amendement… C’est un point de vue ! Ce sont des béni-oui-oui ! …qui, au surplus, n’est pas d’actualité : nous ne sommes pas censés en discuter à ce stade de nos travaux. Ils sont aux ordres ! Nous en discuterons un peu plus tard – très certainement demain. C’est un amendement qui va habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance pour codifier, notamment, cette ordonnance de 1945, à laquelle nous sommes tous très attachés mais qui a subi, on le sait, de très nombreuses modifications ces dernières années. Il est nécessaire de toiletter cette ordonnance… Et d’en débattre !
Je souhaite en particulier revenir sur l’amendement no 1644 du Gouvernement portant article additionnel après l’article 52, qui concerne la réforme de l’ordonnance de 1945. C’est, me semble-t-il, le moment d’en parler – surtout si son examen intervient dans la nuit de dimanche à lundi. Je voudrais à nouveau dénoncer la manière de procéder du Gouvernement. Nous avons appris hier, lors des questions au Gouvernement, que le Parlement se dessaisirait et habiliterait le Gouvernement à modifier le texte de 1945 par ordonnance, sur la base de l’article 38 de la Constitution. Cette procédure va nous tomber dessus, alors que nous conduisons actuellement des auditions dans le cadre de la mission d’information sur la justice des mineurs. Nous n’avons eu connaissance du texte de l’amendement que cet après-midi. Je lis que cette réforme se fera « dans le respect des principes constitutionnels » – la belle affaire ! Heureusement que nous respectons, ici, l’État de droit ! C’est la moindre des choses ! Je voudrais appeler votre attention sur le fait qu’il ne s’agira pas d’une codification à droit constant, mais d’une profonde modification, de changements substantiels. Je voudrais que nous soyons les uns et les autres en alerte, à l’occasion de ce changement de rapporteur, sur cette perspective et cette façon de procéder. À l’occasion de l’arrivée du nouveau rapporteur, j’estimais nécessaire d’exprimer ce coup de gueule – il n’y a pas d’autre terme – contre le déroulement inacceptable de nos travaux. Les modifications à venir porteront sur le fond et iront donc bien au-delà d’une codification à droit constant. Elles n’étaient prévues ni dans les travaux du Sénat, ni dans ceux que nous avons menés, la semaine dernière, en commission des lois. Je souhaite que, de tout cela, il soit dressé procès-verbal, afin que cela ait une incidence sur la suite de nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Sébastien Jumel. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 1, et a trait à l’organisation de nos travaux. Quant à la forme – ça devient une habitude –, le Parlement est bafoué, le Parlement est humilié, le Parlement est discrédité. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) En l’occurrence, le Sénat est méprisé en plein congrès des maires. Vous balayez les sénateurs. Continuez ainsi, c’est bien : après les corps intermédiaires et les classes populaires, il y aura les parlementaires. La boucle est bouclée et illustre la volonté du nouveau monde de s’asseoir sur tout ce qui fait la cohésion de la République. Du point de vue de la forme, alors qu’une mission d’information conduit ses travaux à l’Assemblée, on sort du chapeau une refonte de l’ordonnance de 1945 sans que le Gouvernement n’ait écrit la moindre ligne directrice sur le sujet. Quant au fond – ce n’est pas moi qui le dis, ni Philippe Gosselin, ni même, pour anticiper ses propos, Ugo Bernalicis –, mais l’ensemble des acteurs qui, au quotidien, sont mobilisés au service de l’intérêt des enfants. Je les cite : « Consternation » face à un « coup de force » disent les syndicats de magistrats et d’éducateurs, qui jugent « scandaleuse » la volonté du Gouvernement de réformer la justice des mineurs par voie d’ordonnance. « C’est la cerise sur le gâteau de ce processus parlementaire : à deux jours de la fin des débats, la ministre décide de légiférer sur un sujet sensible, sans que personne n’ait été entendu. Là aussi, la concertation n’est évidemment pas au rendez-vous. » juge Anaïs Vrain, juge pour enfants et secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature. Je citerai une autre personnalité, moins à gauche mais tout aussi légitime : Jacky Coulon, secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats, se dit, lui, « consterné » : « on ne voit pas où va le Gouvernement… Veuillez conclure, mon cher collègue ! …qui n’a jamais présenté de ligne directrice sur la justice des mineurs mais demande un blanc-seing » sur ce sujet. C’est un rappel au règlement, ça ? Vous vous asseyez sur nous donc, de temps en temps, on a le droit de se mettre en colère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Vous me permettrez, monsieur le président, de parler encore dix secondes. Vous demandez un blanc-seing alors que la copie est vierge, sur un sujet qui doit faire consensus, qui doit rassembler non seulement les acteurs concernés, mais aussi la communauté nationale, l’Assemblée nationale. De surcroît, cet amendement sera probablement discuté dans la nuit de samedi à dimanche, à quatre heures du matin, comme si c’était un petit sujet. Ce n’est pas la garde des sceaux toute seule qui a décidé de cela. Je pense que le Gouvernement veut faire de la diversion, de la triangulation ; il cherche un sujet pour détourner la colère. Mais les colères vont s’additionner, se coaguler, car la marque de fabrique de ce gouvernement, c’est de mépriser l’ensemble de ceux qui ont des choses à dire – en l’occurrence, ceux qui s’occupent des mineurs au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.) La parole est à M. Ugo Bernalicis. J’ai déjà poussé un coup de gueule tout à l’heure, car on me faisait remarquer que nous proposions des amendements qui n’avaient pas été discutés en commission, alors que nous avons au moins fait l’effort de respecter la procédure. On pourrait dire que c’est une petite modification de l’ordonnance de 1945, une sorte de toilettage, comme je l’ai entendu ici ou là. Pourtant, l’amendement qui a été déposé tout à l’heure par le Gouvernement – je dis bien tout à l’heure – a pour objet de « simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants ; accélérer leur jugement pour qu’il soit statué rapidement sur leur culpabilité ; renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine ; améliorer la prise en compte de leurs victimes […] » Ce n’est donc pas une petite modification : c’est extrêmement large, au-delà des bonnes intentions, toujours présentes, dans les formules. Même le Sénat n’en a pas discuté, ni en commission, ni dans l’hémicycle. On voit bien, parce que ce sera discuté après l’article 52, que l’objectif est que ça se fasse entre nous, sur la fin… En catimini ! …quand on en aura marre, quand on voudra rentrer chez soi. Oui, encore une fois, l’ordre du jour a été défini de telle sorte que tout soit condensé sur les derniers jours, pour nous contraindre à fermer nos bouches, comme d’habitude. On sait que l’ordonnance de 1945 est un totem et peut susciter des fantasmes à partir du moment où on commence à le toucher, à le bricoler – c’est aisément compréhensible, puisqu’il s’agit d’enfants, de mineurs. On peut se dire que vous avez voulu faire ça en vitesse, contourner les voies habituelles. De surcroît, vous avez lancé une mission d’information sur le sujet, dans cette assemblée. Vous devriez y participer davantage ! Elle n’a pas même achevé ses travaux que vous prévoyez déjà de rédiger une ordonnance ! Qu’est-ce que c’est que ces méthodes ? Qu’est-ce que c’est que ce travail ? Veuillez conclure, mon cher collègue ! Non, ce n’est pas acceptable ! Nous demanderons donc le retrait de cet amendement gouvernemental. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à Mme Cécile Untermaier. J’ai été également surprise par cette annonce. Nous avons vécu cela lors du précédent quinquennat, et nous l’avons combattu et regretté. Apprendre aujourd’hui qu’un amendement a été déposé, alors que la commission des lois s’est réunie la semaine dernière, me paraît particulièrement outrageant pour les parlementaires que nous sommes. Vous pouvez sourire… Ce n’est pourtant pas drôle ! …mais contrairement à ce qu’on a pu vous dire, le recours aux ordonnances entraînera notre dessaisissement… Un double dessaisissement ! …quelles que soient les précautions que l’on prendra. Je considère, pour ma part, que la justice des mineurs mérite le débat parlementaire. Vous l’aurez ! Mais en cas de recours aux ordonnances, nous n’avons pas les mêmes garanties. Je vous fais confiance, je sais que vous êtes une femme de dialogue, mais le fonctionnement de l’institution parlementaire doit être garanti. Si nous ne sommes pas d’accord, nous n’aurons aucun moyen pour peser sur le contenu du dispositif. Quand on m’a appris l’existence de cet amendement, j’ai pensé, sachant que je prends part de manière extrêmement fructueuse aux travaux de la mission d’information dont Jean Terlier et moi-même sommes les corapporteurs, que c’était une codification, et considéré que c’était envisageable. Nous avons procédé de la sorte pour le droit des contrats. En l’occurrence, nous avions eu au préalable un débat nourri, et les parlementaires qui n’en voulaient pas au départ ont été convaincus que l’ordonnance était la meilleure façon d’assurer cette codification. Compte tenu de la technicité de la matière, nous aurions en effet perdu beaucoup de temps dans l’hémicycle. Veuillez conclure, ma chère collègue ! En revanche, s’il ne s’agit pas d’une codification quasiment à droit constant de l’ordonnance de 1945, je pense qu’il serait extrêmement préjudiciable pour le Parlement que vous ne soyez pas tous associés à la réflexion. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et FI, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR, et parmi les députés non inscrits.) La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Je m’associe pleinement à ce que viennent de dire nos collègues. Alors que le Parlement s’est efforcé de travailler consciencieusement sur des problèmes compliqués, le comportement du Gouvernement est inacceptable. Monsieur Jumel, vous avez déjà fait un rappel au règlement. Pendant l’affaire Benalla, on en a fait 150 ! La parole est à M. Stéphane Mazars. Je tiens à rassurer notre collègue Sébastien Jumel : la majorité des députés présents dans cet hémicycle ne se sentent pas bafoués par cet amendement… C’est un point de vue ! Ce sont des béni-oui-oui ! …qui, au surplus, n’est pas d’actualité : nous ne sommes pas censés en discuter à ce stade de nos travaux. Ils sont aux ordres ! Nous en discuterons un peu plus tard – très certainement demain. C’est un amendement qui va habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance pour codifier, notamment, cette ordonnance de 1945, à laquelle nous sommes tous très attachés mais qui a subi, on le sait, de très nombreuses modifications ces dernières années. Il est nécessaire de toiletter cette ordonnance… Et d’en débattre !