XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Séance du vendredi 10 mai 2019

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet (nos 1881, 1918, 1885).
La parole est à Mme Michèle Victory. Tous les points d’inquiétude sur l’article 8 ont déjà été évoqués lors de la discussion générale. Aussi je serai brève.
Cet article porte sur la création d’un établissement public au sujet duquel de nombreux doutes se sont fait jour quant à son utilité et à sa gouvernance. Outre la Ville de Paris et le diocèse de Paris dont vous avez parlé, d’autres instances y seront-elles associées ? Et pourquoi cette référence assez incompréhensible à une limite d’âge à laquelle vous dérogez pour le conseil scientifique ? Bref, il faudrait que vous nous expliquiez plusieurs points qui n’ont pas beaucoup de sens à nos yeux.

En fait – et j’utiliserai une expression que je n’aime pas beaucoup – quelle usine à gaz ! J’ai cru comprendre – vous me corrigez si je me trompe – que l’établissement public est adossé au ministère et qu’un conseil scientifique dans lequel siègent des vice-présidents mais aussi le diocèse et dont la composition exacte sera fixée définitivement plus tard est adossé à l’établissement public. À côté de ces trois structures, il y aura un comité scientifique dont la liste des membres sera fixée par décret. J’avoue que je suis un peu perdue.

N’y aura-t-il pas finalement doublon entre le comité scientifique et les autres structures ? Tout à l’heure, il a été question de simplification, mais je ne la retrouve vraiment pas ici.

Parmi les personnes qui pourraient siéger dans les différentes structures, les députés ne sont pas beaucoup représentés. Or il me semblait que certains de nos collègues étaient spécialistes du patrimoine et qu’ils avaient un regard intéressant à apporter.

Voilà beaucoup de questions auxquelles vous n’avez pas vraiment répondu.

Quant au choix de légiférer par ordonnances, il ne nous rassure pas car nous ne sommes sûrs d’être ni dans la transparence ni surtout dans la simplification. Tout cela demeure confus, en tout cas dans mon esprit. Mais nous y reviendrons.
La parole est à M. Raphaël Gérard. L’article 8 prévoit de créer un établissement public ad hoc. C’est plutôt une bonne idée parce que cela permettra d’incarner la volonté politique et opérationnelle de ce projet et de concentrer les énergies de façon à atteindre l’objectif et l’ambition affichés par le Président de la République de mener un chantier exemplaire dans un délai optimal de cinq ans.
C’est aussi un moyen de donner corps à l’unité nationale qui s’est créée le soir du 15 avril dernier. Contrairement au CMN, le Centre des monuments nationaux, cet établissement public doit permettre d’associer dans une dynamique partenariale la Ville de Paris et le diocèse de Paris. Toutefois, nous devons rester extrêmement vigilants quant à la manière d’associer ces deux partenaires au projet de reconstruction de Notre-Dame qui reste malgré tout un monument de l’État, et nous devons à tout prix veiller à ne pas casser les équilibres de la loi de 1905. Nous devons prendre garde également au risque jurisprudentiel que pourrait créer l’adjonction à un établissement public d’une collectivité territoriale, même s’il s’agit de la Ville de Paris. Veillons à garantir le bon fonctionnement des procédures héritées de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

Enfin, j’en profite pour rendre hommage au travail exemplaire effectué à la fois par le Centre des monuments nationaux et par l’OPPIC, l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture. Ces exemples témoignent de ce que notre dispositif législatif compte déjà beaucoup de ressources. Il faut effectivement créer un établissement public, tout en demeurant vigilants sur les points que je viens d’évoquer.
La parole est à Mme Constance Le Grip. L’article 8 cristallise beaucoup de nos inquiétudes et de nos réticences. Nous sommes très dubitatifs et les discussions qui ont eu lieu la semaine dernière en commission n’ont pas levé nos réserves, nos réticences et nos doutes sur le bien-fondé et la pertinence de créer un nouvel établissement public.
Si nous ne sous-estimons pas le caractère historique de ce chantier de restauration de Notre-Dame de Paris, nous sommes quelque peu marris de constater que l’on met de côté l’expertise et la mission d’établissements publics existants dont nous comprenons qu’ils seront associés d’une manière ou d’une autre, peut-être dans le conseil scientifique.

Beaucoup de doutes subsistent et un certain nombre de clarifications nécessaires n’ont pas été assez apportées lors de nos discussions en commission des affaires culturelles, notamment en ce qui concerne la mission, le périmètre d’action et le champ de compétences de ce nouvel établissement public. En tant que parlementaires, nous sommes bien évidemment toujours réservés quant au recours aux ordonnances.

Tout cela explique notre regard extrêmement critique sur la pertinence et le bien-fondé de cet article 8 qui vise à créer un nouvel établissement dont nous pensons qu’il n’est pas absolument indispensable.
La parole est à M. Marc Le Fur. Nous sommes opposés à cet article dont le but est de déroger à toutes les règles et de créer des instances particulières, tout cela pour aller vite, pour se caler sur le calendrier voulu par le Président de la République en raison des Jeux olympiques. Nous considérons, au contraire, qu’il faut respecter les règles. Êtes-vous certain que vous parlez bien de l’article 8 ? Je parle des articles 8 et 9 (« Ah ! sur les bancs du groupe LaREM), comme j’y suis autorisé. Il s’agit de créer un établissement public de l’État alors qu’il existe déjà un dispositif parfaitement cohérent. On déroge donc bien à des règles. Vous avez failli me mettre en porte-à-faux, monsieur le président de la commission, mais ce n’est pas le cas ! (Rires.)
Personnellement, je ne m’oppose pas à la désignation de celui qui est appelé à prendre la tête de cet établissement public et pour lequel il est prévu des règles de dérogation d’âge. Je considère que le choix du général Georgelin puisque c’est de lui qu’il s’agit, est un bon choix. C’est un grand militaire.
En revanche, je le répète, il existe déjà un dispositif parfaitement cohérent. C’est pourquoi nous sommes opposés à l’article 8.
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain. Après la catastrophe, la sidération et l’émotion, des questions se posent. Faut-il restaurer Notre-Dame à l’identique ? Est-ce possible ? Est-ce souhaitable ? Faut-il restaurer la flèche avec une nouvelle structure en bois ou opter pour des techniques modernes avec une structure métallique, éternelle querelle entre les Anciens et les Modernes ? Nous sommes sur l’article 8, pas sur l’article 1er ! Est-ce ici le lieu pour imaginer ou décider à quoi ressemblera Notre-Dame ? Non, je ne le crois pas. Nous sommes ici pour créer les conditions d’une conservation, d’une restauration, d’une renaissance permettant la planification des nombreux processus qui conduiront à l’achèvement définitif du projet et détermineront sa nature. Nous sommes là pour créer les conditions de la reconstruction, dont l’envergure doit être proportionnelle à ce que ce chef-d’œuvre architectural représente pour la nation.
Il nous faut être responsables, à la hauteur du chantier, du symbole et de l’histoire. Ici, les dérogations aux procédures administratives ont avant tout un caractère salvateur. Il nous faut faire bien. Il s’agit de sauver un chef-d’œuvre porteur de l’âme de la nation.
La parole est à M. Gilles Lurton. Comme mes collègues Constance Le Grip, Marc Le Fur mais aussi Jean-Louis Bourlanges, je m’interroge vraiment sur l’opportunité de créer un établissement public de l’État chargé de concevoir et réaliser des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale. Je considère qu’une telle mission assignée à cet établissement public relève déjà du Centre des monuments nationaux et de l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture.
Que signifie la création d’un tel établissement ? Pourquoi une telle exception pour la cathédrale de Paris, même si celle-ci mérite une très belle restauration à l’identique, comme l’a fort bien dit Mme Rixain et dont nous avons longuement parlé à l’article 1er ? Je pense, pour ma part, que cette restauration relève des organismes qui ont été créés pour cela. Quand je vois comment l’architecte en chef des monuments historiques de Rennes a suivi la restauration du parlement de Bretagne, je me dis qu’il existe déjà dans notre pays toutes les structures pour pouvoir assumer une telle mission.
Nous en venons aux amendements.
Je suis tout d’abord saisie de trois amendements identiques, nos 29, 54 et 96.
Sur ces trois amendements identiques, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 29.
Il est défendu. La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 54. C’est un amendement particulièrement important que je défends au nom du groupe Les Républicains. Il s’agit de supprimer l’article 8 qui prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour créer un établissement public aux fins de concevoir, de réaliser et de coordonner les travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier.
De nombreuses interrogations et inquiétudes ont été soulevées en commission, et encore aujourd’hui dans mon intervention lors de la discussion générale, et par mes collègues tout au long de la discussion des articles. Face à celles-ci, Mme la rapporteure s’était engagée à proposer une nouvelle rédaction de cet article afin de clarifier le rôle et la composition de l’établissement public.

Les députés du groupe Les Républicains considèrent qu’il n’appartient pas à l’établissement public de concevoir les travaux. Les choix à venir en termes de projet ne sont pas de sa compétence. Même si l’on peut comprendre qu’il faille une structure permettant de coordonner les travaux, on peut s’interroger sur la création d’un établissement public. Celle-ci ne nous semble pas indispensable, voire peut même être source de redondance comme je l’ai expliqué tout à l’heure. Les députés de notre groupe souhaiteraient également avoir des précisions sur le budget de fonctionnement.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l’amendement no 96. Je m’associe aux propos de ma collègue Mme Kuster. Je ne comprends pas pourquoi il est prévu de créer un établissement public ad hoc. Il me semble qu’il existe déjà des instances susceptibles d’accompagner la reconstruction de Notre-Dame, comme le Centre des monuments nationaux qui est chargé de plusieurs rénovations d’envergure. Nous avons besoin d’éclaircissements sur le but de cette création. Pourquoi créer un doublon alors que l’on invoque souvent la simplification ?
Enfin, madame Rixain, venir après le dîner faire une vidéo pour la diffuser sur Facebook alors qu’on n’a assisté à aucune minute des débats, ce n’est pas vraiment nouveau monde, ni renaissance !
C’est nul de dire cela ! La parole est à Mme Anne Brugnera, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour donner l’avis de la commission. Cet article 8 propose donc d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur la création d’un établissement public dédié au chantier de conservation et de restauration de Notre-Dame de Paris. Vous vous interrogez sur la pertinence de cette création, c’est une question que nous avons, bien évidemment, abordée lors des auditions pour préparer ce texte.
Pour ma part, j’ai retenu que la possibilité de confier à un établissement public dédié la réalisation et la coordination des travaux participe de deux objectifs principaux. D’une part, cela offre une meilleure transparence, puisque cet établissement sera exclusivement chargé de ce chantier et que les fonds qu’il aura à gérer ne seront que ceux issus de la collecte de dons. À mon sens, cette spécificité participe de la transparence de l’opération. D’autre part, cela donne la possibilité d’associer d’une autre façon un certain nombre d’institutions ou de personnalités morales à la gouvernance de l’établissement.

S’agissant de la définition des missions de l’établissement public, pour répondre à Mme Kuster, je proposerai par la suite un amendement no 316, qui précisera ce sujet, sur lequel nous nous étions interrogées puisque, madame Le Grip, nous en avions discuté en commission.

Par ailleurs, plusieurs amendements proposent de créer un conseil scientifique afin d’éclairer les décisions de cet établissement, de lui apporter l’expertise des sachants et des professionnels spécialistes du patrimoine.

Vous comprendrez donc que je sois défavorable à vos amendements de suppression.
La parole est à M. le ministre de la culture, pour donner l’avis du Gouvernement. Très clairement, la restauration de monuments historiques est et restera au cœur des missions du ministère de la culture. Donc, la restauration de Notre-Dame est au cœur des missions de mon ministère. Cela dit, pour gérer la maîtrise d’ouvrage de la restauration des monuments historiques, le ministère de la culture use de différents moyens.
Pour les monuments gérés par le Centre des monuments nationaux, c’est celui-ci qui assure la maîtrise d’ouvrage des travaux nécessaires à leur restauration. En l’occurrence, Notre-Dame de Paris ne fait pas partie des monuments gérés intégralement par le Centre des Monuments nationaux. Ce dernier ne gérait que les visites du beffroi, sans avoir la responsabilité juridique de Notre-Dame de Paris.

La maîtrise d’ouvrage peut également être assurée par un établissement public, comme l’OPPIC, l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture. C’est le cas pour la BnF – Bibliothèque nationale de France –, qui, aujourd’hui, sur le site de Richelieu, est restaurée dans le cadre d’une maîtrise d’ouvrage déléguée, assurée par l’OPPIC.

Enfin, le ministère de la culture peut assurer directement la maîtrise d’ouvrage, par le biais de son administration centrale ou déconcentrée. C’est souvent par l’administration déconcentrée des DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, qu’est gérée la maîtrise d’ouvrage de la restauration des monuments historiques, la maîtrise d’œuvre étant assurée, elle, par les architectes en chef des monuments historiques.

Pour ce qui est de Notre-Dame de Paris, nous n’avons pas encore décidé si la maîtrise d’ouvrage serait directement assurée par le ministère – soit par son administration centrale, soit par son administration déconcentrée –, ou si nous serait créé un établissement public spécifique. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’être habilités à prendre une ordonnance afin de créer éventuellement cet établissement public qui offrirait tous les avantages très bien décrits par Mme la rapporteure. Cet article s’inscrit donc parfaitement dans la lignée de l’action traditionnelle du ministère de la culture.
(M. Pacôme Rupin applaudit.)
La parole est à Mme Constance Le Grip. Nous vous avons bien entendu, monsieur le ministre. Donc, à l’heure où nous parlons, ce soir, vendredi 10 mai, à quelque 22 heures, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, vous nous dites qu’aucune décision n’a encore été prise sur la question de savoir si la maîtrise d’ouvrage serait confiée de manière classique, soit directement au ministère soit par une autre procédure à tel ou tel établissement public existant, exerçant traditionnellement, et d’ailleurs excellemment, des maîtrises d’ouvrage, ou si, en tant que de besoin, pourrait se faire jour le souhait de décider par ordonnance la création d’un nouvel établissement public. Comprenez que tout cela ne soit pas de nature à éclairer le paysage, ni à nous rassurer.
Par ailleurs, la presse s’en fait abondamment écho, le général Georgelin s’est déjà installé ; il consulte, organise des réunions, auditionne, s’exprime, dispose déjà de moyens, dans une espèce de vide juridique dont je comprends qu’il est susceptible de se prolonger jusqu’à ce que le chef de l’État ou une autre instance décide de l’opportunité de créer l’établissement ad hoc qui serait confié au général Georgelin.

Tout cela dit bien le flou dans lequel nous nous trouvons et n’augure pas très bien de la suite de nos travaux. En tout cas, cela nous conforte plutôt dans l’idée que, pour certaines dispositions du présent projet de loi – je ne parle pas des dispositions fiscales ou de celles créant la souscription nationale –, il y a bien précipitation et approximation.
La parole est à M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, puisque vous avez fait preuve de transparence en nous indiquant qu’à l’heure où nous parlons, la décision n’est pas prise, pour prolonger l’intervention de notre collègue Constance Le Grip, pourriez-vous nous dire pourquoi il a été envisagé de créer éventuellement un nouvel établissement public ? Quel est le facteur limitant en termes de compétence expliquant que cette mission pourrait ne pas être confiée à l’administration du ministère, centrale ou déconcentrée ? Pourquoi avoir écarté cette solution plutôt que de créer un établissement public ? Pourquoi réservez-vous encore votre choix à l’heure actuelle ?
Ce ne peut pas être le Centre des monuments nationaux qui exerce cette mission, vous en avez très bien expliqué les raisons. Mais quelles raisons vous incitent à vous donner cette nouvelle possibilité ? J’imagine que si vous avez souhaité pouvoir en disposer, c’est que certains facteurs limitants empêchaient les acteurs existants de mener à bien, le plus rapidement possible, cette opération.

Disons qu’il s’agit seulement d’éclairer la représentation nationale à ce moment du débat.
La parole est à M. le ministre. Madame Le Grip, ne soyez pas surprise. Le texte n’impose pas la création de cet établissement, il donne seulement la possibilité au Gouvernement de pouvoir le faire.
Par ailleurs, nous ne sommes pas dans la précipitation. Vous ne pouvez tout à la fois nous reprocher de ne pas avoir encore décidé de l’organisation et dire que nous agissons dans la précipitation. Preuve que nous ne sommes pas dans la précipitation : nous prenons le temps de trouver la meilleure organisation possible.

Pour autant, les choses sont claires : depuis le 15 avril au soir, les services de l’État sont mobilisés. C’est la DRAC qui assure la maîtrise d’ouvrage de la conservation et de la sécurisation de Notre-Dame de Paris. Il y a donc une continuité de l’action de l’État.

Ensuite, nous réfléchissons, monsieur Vigier et madame Le Grip, à la meilleure articulation possible pour ce chantier dont chacun s’accorde à dire qu’il est spécifique, pour permettre la meilleure restauration de Notre-Dame de Paris, en associant les acteurs que sont le diocèse et la Ville de Paris et en faisant en sorte, comme l’a très clairement dit le Président de la République, que le général Georgelin en soit le chef de projet. Cette organisation n’est pas encore définitivement tranchée, car il s’agit de se doter du meilleur dispositif juridique et organisationnel, mais la maîtrise d’ouvrage sera exercée soit par l’établissement public qui sera placé sous la tutelle du ministère de la culture, soit directement par le ministère, au travers de son administration centrale ou déconcentrée. L’incendie a eu lieu il y a trois semaines seulement. Laissez-nous encore quelques jours pour vous proposer la meilleure organisation possible.
La parole est à Mme Brigitte Kuster. Très sincèrement, vous nous demandez du temps que nous sommes tout disposés à vous accorder. C’est vous qui avez déposé ce texte en engageant la procédure accélérée. Nous sommes vendredi soir, le vote interviendra en pleine nuit, alors que la France entière, ou tout au moins un grand nombre de Français s’intéressent à ce débat. Ce ne sont pas là de bonnes conditions.
Je pense que cela aurait pu attendre quelques jours, d’autant que vous auriez peut-être, entre-temps, pu faire votre choix. Proposer une ordonnance alors que vous ne savez pas vous-mêmes ce que vous voulez mais que dans le même temps a d’ores et déjà été nommé un responsable en chef qui, apparemment, est déjà installé dans des bureaux de l’État, voilà qui ne tourne pas rond !

Il faut être franc et transparent. Ce mot est tellement utilisé sur tous les bancs de cet hémicycle qu’il serait bon, monsieur le ministre, que vous fassiez effectivement preuve de transparence : que fait actuellement le général Georgelin ? Comment cela se passe-t-il ? Êtes-vous sûr que la nouvelle structure ne créera pas de doublons, comme nous le pensons, nous ? En avez-vous analysé le coût ? Je n’ai pas entendu de réponse dans vos arguments. Il existe un décalage entre ce que vous nous dites quant à l’urgence de ce texte et la nécessité de recourir aux ordonnances pour aller plus vite, et, parallèlement, le fait de souhaiter prendre le temps, ce que je peux comprendre, et de ne pas savoir encore quelle voie sera choisie. Il y a là un imbroglio législatif comme rarement nous en aurons vu.
La parole est à Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre, nous attendions des clarifications, mais cela semble encore plus compliqué après votre réponse. Il est un point que je ne comprends absolument pas : vous nous expliquez, tout comme Mme la rapporteure, que rien n’est prêt, que les diagnostics ne sont pas faits, qu’il faut rester prudent. Vous nous dites que vous ne savez rien, que vous n’avez pas encore décidé et ne comprenez pas que nous cherchions à savoir ce que vous allez décider plus tard.
Nous vous répondons, justement, qu’il n’y a pas d’urgence. Pourquoi nous présentez-vous ce texte alors que vous n’êtes pas prêts ? Franchement, c’est assez choquant. Vous nous dites que vous n’êtes pas prêts, mais que nous devons vous laisser la possibilité de décider plus tard. Non, justement, si vous n’êtes pas prêts, revenez quand vous le serez. Vous serez alors transparents et chacun, sur ces bancs, saura être responsable si vous précisez vos besoins. Nous vous expliquons que, sur ces sujets, les Français ont besoin de transparence. S’agissant des dons, nous constatons également que s’exprime la volonté de ne pas les affecter exclusivement à Notre-Dame de Paris. Il convient de rassurer les Français.

Je note que le général Georgelin travaille, mais sans aucun titre pour le faire. Donc, certains travaillent sans être habilités à le faire quand d’autres, habilités, qui devraient pouvoir travailler, ne le font pas. En tout cas, rien n’est clair dans votre réponse !
La parole est à Mme la rapporteure. Quelques précisions sur la temporalité de ce projet de loi, des travaux en cours et des travaux à venir.
Cela me semblait assez clair, mais je vais le préciser à nouveau : il y a une certaine urgence à sécuriser la collecte de dons et à mettre à disposition les fonds collectés pour la sécurisation de la cathédrale. C’est l’urgence du moment, c’est l’urgence de ce projet de loi. En revanche, en ce qui concerne les travaux à venir, qui nécessiteront des diagnostics et la mise en place d’une organisation, il est besoin d’un peu plus de temps. Le ministre a été très clair. Ce sont bien deux temporalités qui sont à gérer.
Très bien ! La parole est à M. Marc Le Fur. Je suis surpris car je pensais que l’établissement public était un projet, monsieur le ministre. Or, à vous entendre, il semblerait que ce ne soit qu’une hypothèse de travail. Si j’ai bien compris, vous n’avez pas encore choisi entre une maîtrise d’ouvrage exercée par l’établissement public, une maîtrise d’ouvrage directement exercée par la DRAC, et une maîtrise d’ouvrage exercée par le Centre des monuments nationaux.
Quels seront vos critères de choix et pour quelles raisons écarteriez-vous les dispositifs existants ? La création d’une structure est longue, coûteuse et complexe. La mise en place d’une administration prend du temps. Tous ces éléments ne vont pas dans le sens de l’urgence voulue par le Président de la République.

Quels éléments présideront au choix de la structure qui sera le maître d’ouvrage délégué de cette opération ?
La parole est à M. le ministre. Vous êtes formidable, monsieur Le Fur, car les réponses sont dans vos questions. C’est vrai, un EPIC présente des inconvénients et des avantages. Si sa mise en place prend du temps, la gestion des dons y serait plus claire et transparente qu’au sein de l’administration. Lorsque nous aurons fini de peser le pour et le contre, nous vous ferons très rapidement connaître la décision de l’État.
S’il n’avait pas été urgent de régler la question des dons, nous vous aurions sans doute présenté un texte plus tard, au cas bien sûr où nous aurions décidé de créer un EPIC – sinon, aucun texte n’aurait été nécessaire. Mais dans la mesure où nous avions besoin que soit traité rapidement l’aspect financier, nous avons intégré dans le texte le sujet de l’EPIC pour nous donner la possibilité éventuelle de le créer sans avoir à vous soumettre un nouveau texte.

Je le redis, la restauration des monuments historiques est au cœur des responsabilités du ministère de la culture. La maîtrise d’ouvrage des opérations peut être exercée par un établissement public ou confiée directement à l’administration. En l’espèce, le Centre des monuments nationaux ne peut pas être le maître d’ouvrage car Notre-Dame ne fait pas partie des monuments qu’il gère. L’OPPIC pourrait éventuellement l’être, mais il gère déjà plusieurs grands chantiers de restauration comme le site Richelieu de la BnF et le Grand Palais. Ce pourrait aussi être un nouvel EPIC, qui serait donc à créer – c’est ce dont nous parlons. Mais la maîtrise d’ouvrage pourrait également être confiée à l’administration, centrale ou déconcentrée. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe actuellement puisque la maîtrise d’ouvrage des travaux actuels est assurée par la DRAC d’Île-de-France. Voilà qui est, me semble-t-il, assez clair.

Madame Dumas, madame Le Grip, nous ne pouvons pas être plus transparents quant aux hypothèses d’organisation et aux critères de choix.
Ce n’est pas ce qui est écrit. La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges. Je ne comprends rien à l’argumentation de la rapporteure et du ministre. On nous explique qu’il est urgent de sécuriser les fonds mais il y aurait trente-six manières de le faire sans avoir besoin ni d’une loi ni d’un établissement public. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LR.) On nous explique ensuite que la création d’un établissement public prendra du temps ! Cela va prendre du temps d’être urgent ! Ce n’est pas logique, voyons !
Ce débat était, semble-t-il, urgent à vos yeux. Pourquoi faut-il qu’il ait lieu ce soir alors que, vous le dites vous-mêmes, il vous faudra du temps pour créer cet établissement public, dont je pense, je m’exprime là à titre personnel et non au nom de mon groupe, qu’il est inutile.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 29, 54 et 96.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 42
Nombre de suffrages exprimés 41
Majorité absolue 21
Pour l’adoption 12
Contre 29
(Les amendements identiques nos 29, 54 et 96 ne sont pas adoptés.) Sur l’amendement à venir no 224, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 221, 224, 316, 170 et 245, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements 170 et 245 sont identiques.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l’amendement no 221.
Je défendrai également l’amendement de repli no 245. Il me semblait nécessaire, ce que le ministre a fait depuis, de préciser la notion de maîtrise d’ouvrage déléguée. Un amendement de la commission des affaires culturelles et de l’éducation tend au même objectif, aussi laisserai-je Mme la rapporteure le soin de le présenter. La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l’amendement no 224. Devinant le sort qui serait réservé aux amendements de suppression de l’article 8, j’ai, dans un esprit constructif, essayé d’apporter ma contribution à cette démarche de clarification et de précision en définissant clairement le périmètre des compétences de ce nouvel établissement public – qui verra le jour ou non. Cet amendement tend, par conséquent, à substituer, à la première phrase de l’alinéa 1, aux termes « de concevoir, de réaliser et de coordonner les travaux de conservation et de restauration », les mots « d’assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, sous l’égide de l’architecte en chef des monuments historiques ».
En commission des affaires culturelles, nous avons demandé, sur tous les bancs, que la rédaction de l’article 8 évolue pour définir clairement la mission allouée à cet éventuel établissement public.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 316 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cet amendement vise à clarifier les missions de l’établissement public qui pourrait être créé en substituant aux mots « de concevoir, de réaliser et de coordonner les travaux de conservation », les termes « d’assurer la conduite, la coordination et la réalisation des études et des opérations concourant à la conservation ».
L’article 8 confère au Gouvernement la possibilité de créer un établissement public par ordonnance. Nous sommes nombreux à avoir déposé des amendements pour en clarifier les missions. Je vous invite, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à adopter celui-ci.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 170. En effet, il convient de revoir la définition des missions de cet établissement dont on ne sait toujours pas s’il sera créé un jour ! C’est assez particulier !
Le Conseil national de l’ordre des architectes considère, à raison, que la rédaction de l’article 8 entretient, en l’état, une grande confusion entre la fonction dévolue à l’établissement public, la maîtrise d’ouvrage, et celle relevant, par exemple, de l’architecte en chef des monuments historiques, la maîtrise d’œuvre. Cet amendement vise, par conséquent, à énoncer aussi clairement que possible et à délimiter rigoureusement les missions attribuées à l’établissement public, en substituant aux termes « de concevoir, de réaliser et de coordonner les travaux de conservation » les termes « d’assurer la maîtrise d’ouvrage de la conservation ».

La notion de maîtrise d’ouvrage ne figure malheureusement pas dans votre amendement, madame la rapporteure.
L’amendement no 245 de M. Raphaël Gérard a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Je partage les préoccupations exprimées. Nous devons, en effet, clarifier les missions de l’établissement public. Je vous invite à retirer vos amendements au profit de l’amendement no 316. L’architecte en chef de Notre-Dame a vocation à jouer un rôle éminent dans le chantier, ce qu’il a commencé à faire d’ailleurs. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis que Mme la rapporteure qui a parfaitement précisé les contours des missions de cet établissement public.
(Les amendements nos 221 et 245 sont retirés.) La parole est à Mme Brigitte Kuster. Je voudrais que les choses soient claires. Relisez l’amendement : il n’y est pas fait mention de la maîtrise d’ouvrage. Par ailleurs, je ne suis pas convaincue de la nécessité de mettre en place un EPIC. En quoi cet amendement améliore-t-il la rédaction de l’article 8 ? La parole est à Mme la rapporteure. Le terme « concevoir » a été supprimé. Et c’était bien là, je crois, ce qui vous préoccupait. La parole est à Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure, vous ajoutez aux missions de cet établissement public la réalisation d’études, qui relèvent d’ordinaire de la maîtrise d’œuvre, et non de la maîtrise d’ouvrage.
Or, le ministre vient de nous confirmer que la maîtrise d’œuvre serait confiée à l’architecte en chef des monuments historiques. La confusion entretenue dans votre amendement entre maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage ne contribue pas à clarifier ce texte.
La parole est à M. le ministre. Je veux bien que l’on passe la soirée à déplorer l’absence de clarté de ce texte alors que nous passons notre temps à vous donner toutes les explications nécessaires. Les architectes en chef des monuments historiques assurent et assureront la maîtrise d’œuvre. Nous ne pouvons pas être plus clairs.
S’agissant de l’EPIC, Mme la rapporteure propose un amendement en définissant très précisément les missions.
La parole est à M. Marc Le Fur. Il faut employer des termes clairs et précis. L’État assure la maîtrise d’ouvrage, nous avez-vous déclaré, monsieur le ministre. Il peut la déléguer, c’est tout à fait normal, à un établissement public, à ses services déconcentrés, au Centre des monuments nationaux. C’est un choix que vous vous réservez pour l’avenir. Tout à fait ! Quant au maître d’œuvre, il s’agira d’un architecte des monuments historiques, comme vous venez de le confirmer, ce qui me réjouit car il disposera des compétences très pointues nécessaires. Nous devons employer les termes idoines. « Coordonner les travaux » n’est pas un terme juridique. À qui l’État délèguera-t-il la maîtrise d’ouvrage ? Nous n’en savons rien encore.
Je suis également un peu surpris par votre réponse, car il est question dans le texte d’un établissement public, alors que vous avez évoqué, vous, monsieur le ministre, un EPIC, c’est-à-dire un établissement public industriel et commercial.
Je vous ai dit que je ne pouvais pas vous dire tout de suite quel type d’établissement public serait choisi. Monsieur le ministre, vous avez bien prononcé le mot EPIC. Or, selon moi, la logique voudrait plutôt un établissement public administratif – EPA. Il n’y aura en effet pas ou peu de recettes commerciales. Chassez les marchands du temple ! (Sourires.) Je voudrais, donc, monsieur le ministre, pour que les choses soient parfaitement claires, que vous retiriez le terme d’EPIC, qui a une signification très précise. Un EPIC n’est pas un EPA.
Dites-nous donc clairement les choses : puisque l’État assure comme vous l’avez dit la maîtrise d’ouvrage, à qui la délègue-t-il ? Vous réservez votre réponse pour la suite. Pour ce qui est de la maîtrise d’œuvre, vous avez répondu.

Le terme EPIC, moi, me pose question parce qu’il ne figure pas dans le texte alors que vous l’avez mentionné dans votre propos. Il me semble qu’il serait bon, pour que les choses soient claires, que vous le retiriez.
La parole est à M. le ministre… …qui demande de retirer les amendements, alors que M. le député demande que le ministre retire ses propos. (Sourires.)
Je plaisante ! Un établissement public peut effectivement prendre la forme d’un EPA ou d’un EPIC.
Le mot EPIC ne figure pas dans le texte du projet de loi ! Il se trouve qu’en termes de recrutement, il est objectivement plus rapide et plus simple de créer un EPIC, qui est de droit privé, plutôt qu’un EPA, mais cela n’est pas tranché définitivement. Nous nous orientons plutôt vers un EPIC. Quoi qu’il en soit, il s’agira d’un établissement public. Ce n’est pas ce que dit le texte ! C’est exactement ce que dit le texte. Monsieur Le Fur, nous pouvons certes entrer dans des détails qui n’en sont pas, mais à partir du moment où on dit qu’il s’agit d’un établissement public, il peut s’agir d’un EPIC. Ce n’est pas un détail ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Si. Le texte dit exactement ce que je vous dis. Monsieur le ministre… Monsieur Le Fur, vous ne pouvez pas reprendre indéfiniment la parole. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Allez, c’est bon ! On passe au vote ? Monsieur Le Fur, vous avez obtenu une réponse de M. le ministre. Elle vous convient ou non, mais il n’y a pas à reprendre la discussion. Il vous a répondu.
Je mets aux voix l’amendement no 224.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 42
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l’adoption 12
Contre 30
(L’amendement no 224 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 316 est adopté et l’amendement no 170 tombe.) Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 46, 75, 97, 107 et 125.
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l’amendement no 46.
Il est défendu. Les amendements identiques no 75 de M. Éric Ciotti et no 97 de M. Pierre-Henri Dumont sont défendus.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 107.
Je ne suis pas au clair s’agissant de cet établissement public. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM. – Rires sur les sur les bancs du groupe LR.)
Il ne s’agit pas d’un détail, monsieur le ministre.
Si. Il est vrai que le texte ne fait mention ni d’établissement public administratif, ni d’établissement public industriel et commercial. Ça figurera dans les ordonnances ! Vous en tirez argument pour dire qu’il est possible qu’il s’agisse d’un établissement industriel et commercial. Soit, mais il faut que tous nos collègues soient bien conscients que ce n’est pas du tout la même chose. Effectivement, ce sont deux structures juridiques différentes ! Un établissement public industriel et commercial a vocation à réaliser des recettes commerciales : or, en l’espèce, je n’en vois pas. Il a également vocation à embaucher des personnels de droit privé. J’avais, pour ma part, autre chose à l’esprit.
La distinction est fondamentale. Dans le cas d’un établissement public administratif, nous aurions la garantie que seraient employés des personnels du type de ceux des DRAC ou des conservatoires. La logique d’un établissement public industriel et commercial est tout à fait différente.

Vous avez employé le terme EPIC. C’est donc que vous avez l’idée présente à l’esprit. Pourquoi pas ? Chacun doit simplement être conscient qu’une telle organisation se situe aux antipodes des processus habituels de maîtrise d’ouvrage en matière de monuments historiques.
L’amendement no 125 de Mme Valérie Boyer est défendu.
(Les amendements identiques nos 46, 75, 97, 107 et 125, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Sur l’amendement no 279 à venir, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour le soutenir.
Par cet amendement, notre collègue Jean-Louis Thiériot souhaite compléter la première phrase de l’alinéa 1 par les mots : « menés conformément aux termes de la Charte de Venise ».
Nous pensons important, s’agissant d’un projet de loi dédié à la conservation et à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, de faire expressément référence aux principes de cette charte. Le fait qu’il y soit expressément fait référence dans le texte même emporterait plusieurs conséquences, notamment au niveau du concours international d’architecture. Le chef de l’État a évoqué un éventuel « geste architectural contemporain ». Mais je rappelle que la flèche de Viollet-le-Duc est un élément constitutif du monument tel qu’il a été classé monument historique. Aux termes mêmes de la Charte de Venise, l’ensemble du monument classé monument historique est la cathédrale, avec sa flèche, si bien que, cette flèche étant parfaitement documentée, la restauration doit en être réalisée à l’identique.

Les possibilités ouvertes dans la charte concernant l’ajout d’éléments complémentaires ne sont en l’espèce pas offertes pour ce que le chef de l’État ou d’autres acteurs peuvent vouloir entendre par « geste architectural contemporain ».

Nous souhaitons donc qu’il soit expressément fait référence à la Charte de Venise.
Très bien ! Quel est l’avis de la commission ? Chère collègue, s’il n’est pas d’usage de faire référence à une convention internationale dans un projet de loi, il n’entre pas dans les intentions du Gouvernement de s’affranchir des principes de la Charte de Venise en matière de restauration.
J’ai bien étudié cette charte, et il me semble relever une contradiction dans vos propos, lorsque vous parlez de restauration à l’identique. En effet, la Charte de Venise ne parle pas de restauration à l’identique.

Son article 11 dispose en effet que : « Les apports valables de toutes les époques à l’édification d’un monument doivent être respectés, l’unité de style n’étant pas un but à atteindre au cours d’une restauration. Lorsqu’un édifice comporte plusieurs états superposés, le dégagement d’un état sous-jacent ne se justifie qu’exceptionnellement […]. »

Quant à son article 12, il dispose que « Les éléments destinés à remplacer les parties manquantes doivent s’intégrer harmonieusement à l’ensemble, tout en se distinguant des parties originales, afin que la restauration ne falsifie pas le document d’art et d’histoire. »
Justement ! Mon avis est donc défavorable sur l’amendement no 279. Cela n’a rien à voir ! Au contraire : cela a tout à voir ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Bourlanges, ne vous mettez pas en colère.
Cela répond aux éléments avancés par les députés du groupe Les Républicains : Mme la rapporteure explique juste qu’effectivement, la reconstruction à l’identique n’a rien à voir avec la Charte de Venise. Celle-ci dit en effet plutôt l’inverse.
(Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.)
On écoute le ministre sans s’énerver ! En tout cas, la Charte de Venise autorise des modifications par rapport à l’état antérieur du monument. Elle les réclame même, puisqu’elle souhaite que l’on puisse distinguer les différentes les périodes de restauration. Vous voyez bien, Mme la rapporteure l’a très bien expliqué, que ce n’est pas là du tout le sujet.
En revanche, nous avons longuement répondu tout à l’heure lors de l’examen de l’article 1er à tous vos autres arguments, madame Le Grip : je n’y reviens donc pas.

L’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement.
Je mets aux voix l’amendement no 279.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 42
Nombre de suffrages exprimés 40
Majorité absolue 21
Pour l’adoption 10
Contre 30
(L’amendement no 279 n’est pas adopté.) La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l’amendement no 276. Il s’agit d’un amendement de notre collègue Jean-Louis Thiériot qui est en route vers notre hémicycle qu’il atteindra sans doute avant que nous n’ayons achevé l’examen de ce texte, puisque nous avons encore des articles importants à examiner ensemble et que nos débats devraient prendre encore quelques heures.
Puisque vous avez rejeté notre proposition de faire référence à la Charte de Venise, cet amendement-ci vise à ce que soient respectés « les canons de l’architecture gothique et néogothique ».

Pourquoi ? Parce que nous sommes toujours effrayés par les propos qui ont été tenus tant par le Président de la République que par le Premier ministre à propos de la restauration, voire de la « reconstruction », pour reprendre les termes qui ont été employés, de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Le Président de la République, on le sait, appelle de ses vœux « un geste architectural contemporain ». Le Premier ministre a même indiqué qu’il souhaitait l’organisation d’un concours international d’architecture afin de doter Notre-Dame de Paris d’une nouvelle flèche « adaptée aux techniques et aux enjeux de notre époque ».

Je suis désolé, mais je ne sais pas du tout ce qu’il faut entendre par une flèche « adaptée aux techniques et aux enjeux de notre époque » : cela ne veut absolument rien dire.

C’est tellement flou que nous souhaitons poser des garde-fous. Le respect de l’architecture qui était celle de Notre-Dame de Paris au moment du drame nous semble être un bon point de départ. Il sera toujours possible, notamment si le collège d’experts l’estime nécessaire, d’améliorer certains points, tout en conservant l’harmonie de l’édifice et en évitant, nous l’avons dit et nous le répétons, les délires dont il a pu être fait état dans la presse et que nous déplorons. On a en effet pu découvrir des promenades sur le toit ou des piscines à l’étage : de tout cela, nous ne voulons pas et souhaitons que cela soit inscrit dans le marbre de la loi.
(L’amendement no 276, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) L’amendement no 278 de M. Jean-Louis Thiériot est défendu.
(L’amendement no 278, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 207 à venir, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Michèle Victory, pour le soutenir.
Il s’agit d’aspects qui concerneraient plutôt, en principe, l’article 9, mais comme nous subodorons que celui-ci sera probablement voté dans sa rédaction actuelle, avec tout ce qu’il offre comme énormes possibilités de dérogation – lesquelles nous inquiètent beaucoup –, nous voudrions compléter la première phrase de l’alinéa 1 de l’article 8 par les mots : « dans le respect de la réglementation environnementale ».
Vous nous avez indiqué à plusieurs reprises que ce n’était pas parce que des dérogations étaient prévues qu’elles seraient utilisées : pourquoi donc en reparler ? Mieux vaudrait qu’il n’en soit pas fait mention pas dans le projet de loi.

Nous souhaitons vraiment que l’exigence du respect des normes environnementales soit inscrite dans le marbre de la loi et que le futur établissement public ne puisse s’en affranchir.
Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement a déjà été examiné en commission : je réitère là mon avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Marc Le Fur. Je reviens un instant sur la Charte de Venise, car nous sommes au cœur du sujet. Tout à fait. J’en veux pour preuve un tweet récent de La Tribune de l’art . Personne ici ne contestera La Tribune de l’art, qui est une référence dans ce domaine. Que dit ce tweet ? « Et une fois de plus le ministre et la rapporteure racontent n’importe quoi avec la Charte de Venise. Invraisemblable. […] » J’ai le texte de la charte sous la main. Je vous relis à mon tour l’article 11 de la Charte de Venise : « Les apports valables de toutes les époques à l’édification d’un monument doivent être respectés ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que l’apport du XIIIe siècle doit certes être respecté, mais qu’il faut aussi respecter celui du XIXe siècle – c’est-à-dire la flèche. Qui s’est effondrée, rappelons-le… Il s’agit de faire une restauration non pas en l’état du XIIIe siècle, mais en l’état du 15 avril au matin. Voilà ce que dit la Charte de Venise.
Madame la rapporteure, vous induisez l’Assemblée en erreur.
Non, je ne crois pas. Les choses sont en effet très claires. Je vous renvoie à LaTribune de l’Art , qui le dit fort bien. Et moi, je vous renvoie à la Charte de Venise ! On a déjà eu ce débat à l’occasion d’autres chantiers. Doit-on restaurer un édifice dans l’état qui était le sien au Moyen-Âge ? La réponse est non : il faut intégrer les apports de la période baroque, de la période romantique, etc. On obtient ainsi une restauration de l’édifice dans l’état où il se trouvait avant le drame. C’est logique – et c’est ce que nous préconisons.
Or, d’après ce que vous venez de dire, nous ne disposons d’aucune garantie en la matière. Ce que je souhaite, monsieur le ministre, c’est qu’on ne fasse pas n’importe quoi.
On ne fera pas n’importe quoi ! Nos compatriotes vont donner de l’argent. Pour nombre d’entre eux, ils prendront sur le nécessaire : il y a des dons qui proviennent de gens très modestes. Ces gens-là ont une exigence : retrouver Notre-Dame telle qu’ils l’ont connue. Respectons cette volonté ! La parole est à M. Raphaël Gérard. Il s’agit de toute évidence d’un débat passionnant, qui peut nous occuper jusqu’au bout de la nuit, voire jusqu’au bout du week-end.
Il me semble important de ne pas perdre de vue que la Charte de Venise préconise de prendre en considération la totalité de l’histoire d’un bâtiment, avec les apports successifs.
Précisément : cela inclut l’apport du XIXe siècle ! Cela inclut l’apport du XIXe siècle, mais, sauf erreur de ma part, celui-ci a disparu en grande partie durant la nuit du 15 avril. Eh bien, restaurons-le ! C’est douloureux pour chacun d’entre nous, mais cette nuit-là fait désormais partie intégrante de l’histoire du monument. On ne peut pas nier cet événement : ce serait falsifier l’histoire et tronquer la lecture historique du monument.
Il y a des personnes dont le métier est de réfléchir sur ces questions. N’engageons pas leur décision en inscrivant dans la loi des mesures que nous pourrions regretter par la suite. Faisons-leur confiance. Mettons-nous en situation de créer le comité scientifique, qui aura toute latitude pour réfléchir en profondeur sur ces sujets et prendre une décision. Ne faisons pas ce soir, à vingt-deux heures trente, des choix qui ne nous appartiennent pas.
La parole est à Mme Cathy Racon-Bouzon. Un mot de plus pour essayer de rassurer M. Le Fur.
Nous avons voté, il y a quelques heures, un amendement à l’article 2, tendant à préciser que « les travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris financés au titre de la souscription nationale mentionnée au premier alinéa visent à préserver l’intérêt historique, artistique et architectural du monument ».
C’est trop vague ! Il me semble que ce garde-fou montre que nous n’avons pas l’intention de faire n’importe quoi à l’occasion de cette restauration. La parole est à M. Pierre-Henri Dumont. Ce que je retire des interventions du ministre, de la rapporteure et des membres de la majorité, c’est qu’en refusant de faire référence à la Charte de Venise, vous signifiez que vous ne désirez pas reconstruire à l’identique la flèche de Viollet-le-Duc. Voilà ce dont on parle ! Ce qui est certain, c’est qu’on ne parle pas de l’amendement… Ce que vous dites ce soir, c’est que vous ne voulez pas reconstruire à l’identique la flèche de Viollet-le-Duc. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Admettez que l’interrogation est légitime ! Non : cela n’a rien à voir avec l’amendement ! C’est en tout cas ce qui ressort de vos interventions.
Quand le Premier ministre dit qu’il veut une nouvelle flèche adaptée aux enjeux de notre époque, qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie-t-il que les saints qui encadrent la flèche devront être à parité des hommes et des femmes ?
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Cela signifie-t-il que la nouvelle flèche renfermera une éolienne ? (Mêmes mouvements.) Cela signifie-t-il que la flèche devra collecter de l’eau pour que l’on puisse créer de petits potagers bios autour ? (Mêmes mouvements.)
C’est ridicule ! Éclairez-nous ! Pour l’heure, on ne comprend rien ! Madame la présidente, pourrait-on revenir à l’amendement ? Je vous rappelle en effet, chers collègues, qu’il faut débattre sur l’amendement en cours d’examen.
Je mets aux voix l’amendement no 207.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 40
Nombre de suffrages exprimés 32
Majorité absolue 17
Pour l’adoption 2
Contre 30
(L’amendement no 207 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour soutenir l’amendement no 287. Afin de garantir la conformité du contenu des travaux à l’affectation cultuelle de l’édifice, le présent amendement prévoit que le diocèse de Paris, en tant qu’affectataire de l’édifice, devra donner son accord exprès et préalable aux projets retenus pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Quel est l’avis de la commission ? Chère collègue, la cathédrale Notre-Dame est propriété de l’État. Les travaux d’entretien, de restauration et de conservation sont donc de sa responsabilité.
Certes, il apparaît légitime d’associer le diocèse de Paris aux travaux, afin de tenir compte de ses observations en tant qu’affectataire du bâtiment. Le diocèse ne saurait pour autant détenir un droit de veto sur les projets. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.
(L’amendement no 287, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Céline Calvez, pour soutenir l’amendement no 297. Cet amendement tend à compléter les missions de l’établissement public créé par le présent article, en cohérence avec les dispositions de l’article 7 du projet de loi.
En effet, si l’article 7 prévoit que « l’établissement public désigné à cet effet gère les fonds recueillis », cette mission ne figure pas au titre de l’article 8, qui énumère pourtant les missions qu’aura à accomplir ledit établissement public. Je propose donc de compléter la première phrase de l’alinéa 1 par les mots : « ainsi que de s’assurer de la bonne gestion des fonds récoltés mentionnés à l’article 3 de la présente loi ».
Quel est l’avis de la commission ? Chère collègue, comme vous venez de le dire, l’article 7 prévoit que la mission de gérer les dons et versements est confiée à cet établissement public, lequel en rend compte à un comité de suivi ad hoc. Selon moi, il n’est pas nécessaire de le répéter. Votre amendement me semble satisfait. Je vous propose donc de le retirer ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis.
(L’amendement no 297 est retiré.) La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l’amendement no 244. Au début de la discussion sur l’article, je soulignais l’intérêt d’associer d’une manière ou d’une autre la Ville de Paris et le diocèse de Paris à l’établissement public. Toutefois, je souhaiterais que l’on limite la portée de cette association, et que l’on supprime les mots « et d’administration », de façon à ne pas associer la Ville de Paris et le diocèse de Paris à des décisions qui relèvent à mon sens de la stricte maîtrise d’ouvrage, donc de l’État. J’y vois un précédent qui pourrait poser problème pour la restauration des autres cathédrales de France, la collectivité pouvant être associée au rôle de maître d’ouvrage, alors que celui-ci ne lui revient pas. Quel est l’avis de la commission ? Associer la Ville de Paris et le diocèse de Paris aux travaux de restauration et à l’établissement public suppose de les associer au fonctionnement de ce dernier. Cela signifie non pas qu’ils détiendront un droit de veto, mais qu’ils doivent pouvoir faire valoir leur point de vue et leurs observations. Je ne trouve donc pas cet amendement opportun. Je vous propose de le retirer ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis.
(L’amendement no 244 est retiré.) Je suis saisie de deux amendements, nos 231 et 249, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l’amendement no 231.
Lors de sa conférence de presse, le Président de la République, présentant sa quatrième orientation, a dit que ce qui était important, c’était de « réaffirmer les permanences du projet français », et qu’une de ces permanences était la laïcité. « La laïcité, a-t-il ajouté, c’est la possibilité de croire en Dieu ou de ne pas y croire, de pouvoir vivre ensemble dans la concorde, le respect et de respecter absolument les règles de la République, de n’être jamais ennuyé par ce que l’on croit mais de ne jamais imposer à la société sa religion ou déroger aux règles de la République pour ce faire. À ce titre, la loi de 1905 est notre pilier. Elle est pertinente, elle est le fruit de batailles, elle doit être réaffirmée et pleinement appliquée – je le dis ici avec force. » Il serait bon de passer des discours aux actes.
On a là une volonté d’associer, au sein de l’établissement public et pour des décisions relevant de la maîtrise d’ouvrage, le diocèse de Paris, ainsi que la Ville de Paris. Vous avez indiqué, madame la rapporteure, qu’ils ne disposeraient pas de droit de veto et ne pourraient pas prendre de décision, mais qu’il fallait qu’ils soient consultés et puissent donner leur point de vue. Ce que nous proposons, c’est qu’ils le fassent dans le cadre du comité scientifique. Ils n’ont pas à être associés à l’établissement public. S’il faut réaffirmer les permanences de la République, dont la laïcité, c’est le moment de le faire ! À travers Notre-Dame de Paris, c’est l’ensemble de nos valeurs et de nos symboles qui doivent être affirmés fermement, pour que personne ne puisse l’utiliser un jour à d’autres fins.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l’amendement no 249. Il est assez proche du précédent. Je crains qu’en associant le diocèse de Paris à la maîtrise d’ouvrage, on n’entre en conflit avec les principes posés par la loi de 1905. L’État est le propriétaire du bâtiment, le diocèse de Paris l’affectataire. Je pense que la dimension cultuelle, qui est éminemment liée à l’usage du bâtiment, gagnerait à être intégrée au comité scientifique, qui a vocation à prendre position sur les questions tant scientifiques que culturelles. Cela permettrait de prendre en considération la dimension cultuelle du bâtiment sans être en porte-à-faux avec les grands principes de la laïcité. Quel est l’avis de la commission ? Il me semble au contraire indispensable d’associer le diocèse de Paris et la Ville de Paris à l’établissement public. Le diocèse n’est certes pas propriétaire, mais il est affectataire de l’édifice. Il n’est pas envisageable de l’ignorer et de ne pas entendre les observations qu’il a à faire sur la restauration de Notre-Dame – de même que lors de la restauration du Parlement de Bretagne, l’affectataire, à savoir le ministère de la justice, avait pu exprimer ses besoins. Il est tout aussi légitime que la Ville de Paris prenne part aux réflexions. C’est un point important – je pense que Pacôme Rupin en sera d’accord.
C’est en mettant tous les acteurs au travail ensemble, dans le cadre d’un partenariat, que ce chantier sera géré de la façon la plus efficace et la plus adaptée possible.

En ce qui concerne l’amendement no 249, j’entends l’inquiétude de M. Gérard. Il est juste de dire que l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 distingue les prérogatives de l’affectataire et celles du propriétaire, à savoir l’État. Néanmoins, ni le principe de laïcité ni aucune disposition de la loi de 1905 ne fait obstacle à l’association d’un représentant du culte affectataire de la cathédrale à l’établissement public.

J’espère que cela vous aura rassurés. Je demande le retrait des amendements ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Agnès Thill. Je remercie Mme le rapporteur pour l’intervention qu’elle vient de faire.
L’amendement de notre collègue Raphaël Gérard, qui vise, tout comme l’autre amendement en discussion commune, à supprimer la présence du diocèse de Paris au sein du conseil d’administration du futur établissement public chargé des travaux, m’oblige à rappeler le quotidien de cette cathédrale. Des hommes y sont ordonnés tous les ans. Des hommes y font don de leur vie tous les ans. Des offices y sont célébrés à longueur de semaine et de journée. Des hommes et des femmes y sont en prière à longueur de journée. Certes, les murs appartiennent à l’État et le diocèse n’en est que l’affectataire, mais, mes chers collègues, que cela vous plaise ou non, il n’y aurait jamais eu de cathédrale Notre-Dame de Paris sans la foi au Christ dans notre pays. Pourquoi la France et ses élus devraient-ils avoir honte de ce que la foi au Christ a permis de merveilles intellectuelles et artistiques ?
(Murmures.)

Il est demandé, à travers cet amendement, d’écarter l’Église de tout pouvoir de décision concernant la maîtrise d’ouvrage. Je vous rassure, mes chers collègues cosignataires de l’amendement : le diocèse n’aurait aucun pouvoir de décision à lui seul – absolument aucun ; il ne pourrait certainement rien empêcher. C’est donc le seul plaisir d’exclure, de nier, de rejeter et de piétiner qui est présent dans l’amendement.
(Mêmes mouvements.)

Je veux conclure en disant ce qu’a apporté de formidable cet incendie, car il faut bien voir le bon côté des choses. Cet incendie a eu ceci de formidable qu’il a assemblé, mis à l’unisson toutes les confessions religieuses, Français, étrangers, jeunes, âgés, croyants et laïcs. Et cet amendement réussit à exclure, à diviser, à désunir, à rejeter ce que cet incendie avait réussi à unir. Bravo, félicitations ! Pas mieux !
La parole est à M. Marc Le Fur. Notre collègue Gérard se trompe complètement sur la loi de 1905. Celle-ci protège l’affectataire ! L’affectataire n’est pas choisi par l’État, il est de droit, que ce soit pour les cathédrales, les églises paroissiales ou les chapelles. L’affectataire est donc chez lui mais, comme il ne dispose plus des moyens lui permettant d’assurer la réparation immobilière, cette tâche est confiée à l’État. Dans la plupart des réparations d’édifices religieux il n’y a aucun problème car tout se passe très bien entre les clergés et les professionnels, qui ont l’habitude de ces échanges ; mais, puisque vous entendez chasser les conservateurs et les architectes, il peut ici y en avoir un.
Ces échanges, vous voulez donc les interdire. Je crois, mon cher collègue, que vous vous trompez d’époque. En tout cas, ce que vous dites ne correspond ni à la réalité, ni à la logique de la loi de 1905 : votre logique est plutôt celle d’un laïcisme combattant.
La parole est à Mme Frédérique Dumas. Nous sommes ici dans le symbole. Si, comme on le répète, le diocèse et la Ville de Paris doivent être entendus, ils pourront tout à fait l’être au sein d’un comité scientifique. Ce n’est donc pas parce que nous demandons à les exclure de l’établissement public qu’ils ne seront pas entendus.
Je crois, en tout état de cause, que nous avons besoin de clarté : évitons donc les confusions que nous entendons depuis tout à l’heure, sur de multiples sujets. Il s’agit ici d’une loi d’exception, ce qui est un problème en soi ; à ce titre, elle sera de surcroît revendiquée, demain, par les uns ou par les autres.

Il est tout à fait normal que la Ville et le diocèse de Paris soient entendus, mais il existe des lieux pour cela : nul n’est besoin de le faire au sein de l’établissement public.
La parole est à M. Raphaël Gérard. Ne nous méprenons pas : l’idée n’est pas d’écarter le diocèse, mais de ne pas l’associer aux décisions relatives à la maîtrise d’ouvrage. C’est là mon seul objectif, monsieur Le Fur. Je ne conteste nullement la nécessité de consulter le diocèse sur la dimension cultuelle et sur l’usage du monument. Vous maintenez donc votre amendement, mon cher collègue ? Oui, madame la présidente.
(Les amendements nos 231 et 249, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) Je suis saisie de deux amendements, nos 282 et 27, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Anne Brugnera, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 282.
Cet amendement tend à substituer, à la seconde phrase de l’alinéa 1, aux mots : « la Ville de Paris et le diocèse de Paris », les mots : « des représentants de la Ville de Paris et du culte affectataire en application de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes ».
L’affectation légale au culte catholique de la cathédrale Notre-Dame de Paris découle de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907, en lien avec les dispositions de l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905.

Il apparaît néanmoins utile de préciser la rédaction de l’article 8 en remplaçant la référence au diocèse de Paris – lequel n’a pas de personnalité juridique en droit français – par la référence au représentant du culte affectataire. Par l’usage de la notion de « culte », traditionnelle en droit français et employée dans de nombreux textes législatifs et réglementaires, l’amendement souligne également la parfaite conformité du choix retenu avec le principe de laïcité et la loi de séparation des églises et de l’État du 9 décembre 1905.
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour soutenir l’amendement no 27. Cet amendement de notre collègue Breton vise à substituer, à la seconde phrase de l’alinéa 1, aux mots : « le diocèse », les mots : « l’association diocésaine », expression juridiquement plus précise. Quel est l’avis de la commission ? Je vous propose, madame Bazin-Malgras, de retirer votre amendement au profit du mien, car l’expression de « culte affectataire » est plus juste que celle d’« association diocésaine ». Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Marc Le Fur. Pardonnez-moi, madame la rapporteure, mais l’amendement no 282 relève de ce que j’appelle une tartuferie laïque ! (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe LaREM.) Il consiste en effet à dire la même chose en ne mentionnant ni le mot « église », ni le mot « diocèse ». Or le vrai terme est celui proposé par notre collègue Breton : « l’association diocésaine » – peut-être pas en Alsace-Moselle, monsieur le président Studer, mais cette région obéit à une autre logique… Maintenez-vous votre amendement, madame Bazin-Malgras ? Oui, madame la présidente.
(L’amendement no 282 est adopté et l’amendement no 27 tombe.) Je suis saisie de deux amendements, nos 296 et 200, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l’amendement no 200, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Céline Calvez, pour défendre l’amendement no 296.
Tel qu’il est rédigé, le projet de loi n’associe le Parlement, à travers les présidents des commissions des affaires culturelles et des finances, qu’au titre du contrôle de la gestion des fonds recueillis dans le cadre de la souscription nationale. Le présent amendement a pour objet d’associer les commissions chargées des finances et des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat à la conception et au suivi des travaux de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le suivi et le contrôle s’en trouveraient renforcés. La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir l’amendement no 200. Cet amendement a exactement le même objet que celui de Mme Calvez, qui l’a très bien défendu. De fait, il importe que les commissions visées soient associées au suivi des travaux de restauration et de conservation. Quel est l’avis de la commission ? L’article 7 prévoit déjà d’associer les présidents des commissions des affaires culturelles et des finances des deux assemblées à un comité chargé de veiller au bon usage des fonds et à leur gestion. Le Parlement dispose par ailleurs de moyens pour contrôler ce type d’établissement public et entendre ses responsables. Je suggère donc le retrait ; à défaut, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Il me semble un peu contradictoire de demander un contrôle du Parlement tout en installant des parlementaires au sein de l’établissement public. Ceux-ci, dès lors, seraient moins dans une situation de contrôle que dans celle, un peu délicate, d’être juges et parties.
Je continue à penser, comme lorsque j’étais parlementaire, qu’il convient d’être très clair sur le rôle des députés, auxquels il ne revient pas, en l’occurrence, d’occuper des fonctions exécutives au sein d’établissements publics : ils doivent plutôt les contrôler ou, en tout cas, contrôler la façon dont l’État exerce sa tutelle sur ces établissements. Avis défavorable.
La parole est à Mme Céline Calvez. Je prends au mot, monsieur le ministre, votre encouragement à nous voir exercer davantage notre mission de contrôle, notamment dans le cadre de ce projet de loi. J’invite d’ailleurs mes collègues à répondre à cette invitation, et retire mon amendement.
(L’amendement no 296 est retiré.) Je mets aux voix l’amendement no 200.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 41
Majorité absolue 21
Pour l’adoption 5
Contre 36
(L’amendement no 200 n’est pas adopté.) La parole est à M. Pacôme Rupin, pour soutenir l’amendement no 123. Je salue la possibilité de création de l’établissement public dont nous parlons, car il permettra d’associer des acteurs aussi importants que la Ville de Paris et le diocèse de Paris. Mais certaines personnes seront aussi touchées au quotidien par l’immense chantier ouvert pendant un certain nombre d’années : je veux bien sûr parler des commerçants et des riverains de la partie gauche de l’édifice, qui habitent ou travaillent rue du Cloître-Notre-Dame ou derrière cette rue.
Je propose donc d’associer à l’établissement public un représentant des commerçants de l’Île de la Cité et un représentant de ses riverains, mais aussi un représentant de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, puisque l’Hôtel-Dieu partage le parvis avec la cathédrale : des relations entre l’un et l’autre contribueraient à une gestion optimale du chantier. Toutes les parties prenantes seraient ainsi prises en compte.
Quel est l’avis de la commission ? Nous abordons plusieurs amendements visant à associer un certain nombre de membres à l’établissement public chargé de gérer les travaux de conservation et de restauration.
Votre amendement prévoit ainsi, monsieur Rupin, d’associer à l’administration de cet établissement, en plus du diocèse et de la mairie de Paris, « un représentant des commerçants de l’Île de la Cité, un représentant des riverains de l’Île de la Cité, un représentant de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et toute partie prenante de l’Île de la Cité directement concernée par ces travaux ».

Il ne me semble opportun, ni d’énumérer trop précisément dans la loi les différents représentants qui ont vocation à être associés à l’administration de cet établissement, ni d’en étendre trop la composition, car cela risquerait de nuire à son efficacité.

L’habilitation prévoit d’associer la Ville de Paris et le diocèse car ce sont deux parties incontournables dans la mise en œuvre du chantier. Je comprends votre préoccupation quant aux riverains et aux commerçants de la zone : il est bien entendu primordial qu’ils soient complètement informés des travaux par une publicité ad hoc, ainsi que de l’activité de l’établissement public, lequel agira en toute transparence sur le site de la cathédrale. L’association de la Ville de Paris à l’établissement public, je pense, le permettra. Je suggère donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Mme la rapporteure a raison, il est compliqué d’associer les riverains et les commerçants à la gouvernance et à l’organisation mêmes de l’établissement public. En revanche, monsieur Rupin, vous m’avez souvent sollicité, comme M. Griveaux, sur les problèmes qu’ils peuvent malheureusement rencontrer depuis cette soirée du 15 avril. Il est donc essentiel de définir très précisément les modalités de leur consultation sur l’avancée des travaux. C’est ce que nous ferons dans le cadre de l’ordonnance en cas de création d’un EPIC ; et, même en l’absence d’EPIC, il est clair qu’ils seront de toute façon associés à la restauration de la cathédrale, d’une manière ou d’une autre.
Mais, comme l’a fort bien rappelé Mme la rapporteure, il ne nous apparaît pas opportun de les intégrer à l’administration même de l’EPIC. Aussi je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
La parole est à M. Pacôme Rupin. Je vais retirer cet amendement d’appel, qui visait à assurer la bonne prise en compte des problèmes rencontrés par les riverains et les commerçants, lesquels vivront près du chantier : en recueillant leur avis, on leur évitera un certain nombre de désagréments.
(L’amendement no 123 est retiré.) La parole est à Mme Maud Petit, pour soutenir l’amendement no 140. Cet amendement de notre collègue Sophie Mette vise à associer les fondations à la gouvernance de l’établissement public en tant que représentants des donateurs. En effet, la représentation des fondations au sein de l’établissement public qui pourrait être créé répond à la nécessité de leur permettre de respecter les statuts et les règles qui les régissent, mais aussi de faire valoir la volonté des donateurs. Leur association à la gouvernance de l’établissement est indispensable. Quel est l’avis de la commission ? Je partage votre idée d’associer les fondations mais cette association doit passer par des conventions signées avec l’État. Nous avons d’ailleurs adopté un amendement de Mme Mette prévoyant ces conventions. Enfin, il me semble préférable de ne pas multiplier les membres du conseil d’administration du futur établissement public. Je demande le retrait de l’amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable. Je rappelle que lorsqu’un amendement est retiré, je ne peux pas donner la parole. C’est pourquoi, madame Dumas, je ne vous l’ai pas donnée sur l’amendement précédent ; mais vous l’avez à présent puisque Mme Petit n’a pas retiré celui-ci. On voit bien ici la confusion et même l’absence de clarté de ce projet de loi d’exception : on nous dit qu’on ne peut pas associer beaucoup d’organismes à l’établissement public dont on envisage la création, car il n’est pas possible de les associer à sa gouvernance, à son organisation, à son administration, donc à la maîtrise d’ouvrage, quand bien même on a fait ce geste pour le diocèse de Paris. On constate donc bien qu’il ne s’agit pas seulement de connaître le point de vue des uns et des autres mais bien de participer, j’y insiste, à la gouvernance même, à l’organisation, l’administration de l’établissement, à la maîtrise d’ouvrage – pour reprendre vos mots. La parole est à M. le ministre. Mme Dumas ne cesse de parler, depuis le début de la discussion, de « loi d’exception ». Or ce n’est pas un projet de loi d’exception, mais un texte qui prend en compte un problème spécifique, ce qui s’est passé à la cathédrale Notre-Dame de Paris, et qui entend y apporter une réponse précise. L’expression « loi d’exception », je le répète, n’est pas du tout adaptée en l’espèce. C’est un projet de loi d’exceptions – au pluriel ! La parole est à Mme Frédérique Dumas. Il vous faut accepter, monsieur le ministre, qu’on ne soit pas d’accord avec vous. Je ne suis du reste pas la seule à évoquer un projet de loi d’exception – M. Bourlanges a employé cette expression, mais également les Français : c’est le cas, d’après un sondage, de 77 % des personnes interrogées. (Sourires sur de nombreux bancs du groupe LaREM.) Mais il est vrai que vous persistez à ne pas vouloir écouter ni entendre.
Par ailleurs, on tâche d’accorder ses actes avec ses discours. Ainsi ne suis-je pas fondamentalement favorable, moi non plus, à la présence de parlementaires au sein des conseils d’administration. C’est pourquoi du reste, depuis que je suis députée, je ne participe à aucun conseil d’administration – parce qu’on ne saurait en effet, en même temps, exercer une mission de contrôle... Or le texte prévoit un conseil d’administration où – par exception –, il n’y aura pas de parlementaires. Il s’agit donc bien, même si cela va ici dans le bon sens, d’un projet de loi d’exception.
(L’amendement no 140 n’est pas adopté.)