XVe législature
Session ordinaire de 2019-2020

Séance du mardi 29 octobre 2019

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 (nos 2272, 2301).
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des crédits relatifs à la justice (no 2301, annexe 29 ; no 2306, tomes IV et V), s’arrêtant à l’amendement no 659.
Nous en venons à une discussion thématique sur les amendements no 659 et suivants, qui portent sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Je propose que leurs auteurs les présentent successivement, avant que la commission, puis le Gouvernement, ne donnent leur avis sur chacun d’eux.
Je suis saisie de deux amendements, nos 659 et 657, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour les soutenir.
J’accepte volontiers de défendre en même temps ces deux amendements, mais les suivants portent sur des thèmes différents et je préférerais qu’ils ne fassent pas l’objet d’une présentation commune.
Il s’agit de tirer les conséquences des débats parlementaires qui se sont tenus il y a quelques jours au sein de notre assemblée et de l’adoption, à l’unanimité, de la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille. Notre responsabilité, aujourd’hui, est tout aussi lourde, puisque nous devons faire en sorte que les moyens budgétaires mobilisés seront à la hauteur de l’ambition que nous avons défendue dans la proposition de loi. Chaque étape est en effet essentielle.
Les amendements nos 659 et 657 visent à appeler l’attention de la représentation nationale sur la nécessité de renforcer les moyens des juges aux affaires familiales, les JAF.
Vous avez, madame la garde des sceaux, annoncé la création de nouveaux postes de magistrats, mais pas un seul poste supplémentaire de juge aux affaires familiales n’est prévu. Vous nous l’avez confirmé lors de votre audition en commission et nous ne pouvons que le déplorer. Il convient donc de déployer des moyens supplémentaires pour renforcer leur présence.
L’édifice de protection des femmes est en effet fondé, dans notre pays, sur le juge civil, c’est-à-dire le juge aux affaires familiales. Je ne reprendrai pas le débat que nous avons eu le 15 octobre, mais je soulignerai simplement qu’il nous faudra tôt ou tard – le plus tôt sera le mieux, selon moi – en venir à une juridiction spécialisée dépassant le seul cadre civil et pénal. Pour le moment, nous avons fait le choix du juge civil.
Avec le renforcement des ordonnances de protection, nous faisons le pari optimiste que de plus en plus de femmes demanderont à bénéficier de cette mesure et seront protégées. Il est absolument capital qu’elles reçoivent une réponse à la hauteur de l’ambition portée par le texte. Ces deux amendements d’appel vous invitent donc, madame la garde des sceaux, à porter une attention particulière et déterminée au déploiement de moyens supplémentaires pour les juges aux affaires familiales.
L’urgence n’est peut-être pas telle qu’il faille agir dès cette année, mais il le faudra manifestement l’année prochaine. En tout état de cause, il faut y réfléchir dès maintenant.
Sur l’amendement no 662, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Il en est de même de l’amendement no 653, à l’initiative du même groupe.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Ces amendements, qui n’ont pas été examinés par la commission, soulèvent une question importante, dans le prolongement de la proposition de loi que M. Pradié a défendue lui-même, avec plusieurs de ses collègues, et qui a été adoptée.
Ils posent une question légitime, mais j’ai noté avec intérêt que M. Pradié les a qualifiés d’amendements d’appel. La procédure parlementaire nous oblige en effet à réduire les crédits sur certains postes pour compenser de nouvelles dépenses. En l’occurrence, l’amendement no 659 conduirait à redéployer 51 millions d’euros du programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » vers le programme 166 « Justice judiciaire », et l’amendement no 657 une vingtaine de millions d’euros. Les mesures proposées auraient donc pour effet de restreindre la capacité d’action de l’administration centrale, et plus spécifiquement du secrétariat général, à hauteur de 70 millions au total, ce qui est problématique.
Il n’en reste pas moins nécessaire, pour le Gouvernement, de tirer les conséquences de l’adoption de la proposition de loi. Vous avez d’ailleurs annoncé, madame la ministre, que la chancellerie prendrait des mesures afin que le texte soit appliqué aussitôt sa promulgation, qui devrait intervenir, souhaitons-le, l’année prochaine. De ce point de vue, les amendements d’appel sont donc tout à fait légitimes. C’est pourquoi je m’en remets à leur sujet à la sagesse de l’Assemblée.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement. Monsieur le député Pradié, comme je l’ai déjà dit, je serai extrêmement attentive à ce que la proposition de loi que vous avez défendue et à laquelle nous avons apporté notre soutien se traduise en mesures concrètes.
Nous souhaitons, tout comme vous, développer l’usage de l’ordonnance de protection, mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire, au moment où nous parlons, d’accroître, par une mesure immédiate, le nombre de juges aux affaires familiales. Deux raisons m’incitent à le penser.
La première tient à l’évolution générale du nombre de magistrats, puisque le projet de budget pour 2020 prévoit cent postes supplémentaires. Certes, ces nouveaux magistrats seront affectés à d’autres priorités de politique judiciaire, la protection des mineurs et la lutte contre la délinquance financière. Il n’en demeure pas moins le nombre de vacances de postes se réduit globalement dans les juridictions. Elles représentent aujourd’hui moins de 1 %, elles sont donc frictionnelles, ce qui donne aux juges davantage de latitude dans les fonctions qu’ils exercent et ce qui leur permet de mieux prendre en charge les dossiers qui leur sont soumis.
Je pense par ailleurs, et c’est la deuxième raison que je souhaitais faire valoir, qu’il ne s’agit pas tant d’une question numérique que d’une question d’organisation. À l’instar du tribunal de Créteil, nous souhaitons développer les procédures d’urgence pour le traitement des violences faites aux femmes.
Je serai néanmoins très attentive à ce que nous ayons, à l’avenir, la capacité de conduire la politique de lutte contre les violences au sein de la famille que nous appelons tous de nos vœux.
Pour toutes ces raisons, j’émets, à ce stade, un avis défavorable.
La parole est à M. Antoine Savignat. Nous avons voté un texte de loi qui va dans le bon sens et dont nous savons tous qu’il constitue une grande avancée pour notre société, mais nous ne nous donnons pas les moyens de le mettre en œuvre !
Il s’agirait d’un problème d’organisation et non de moyens… Je crains, madame la ministre, que vos explications ne hérissent les juges aux affaires familiales !
Actuellement, quand on saisit un juge aux affaires familiales, il faut trois mois, au mieux, pour obtenir une date d’audience, et six à huit mois dans le pire des cas. Même pour une ordonnance de protection, il n’est pas rare que la décision soit rendue plus d’un mois après l’audience, parce qu’il n’y a pas assez de magistrats et que chacun d’eux est surchargé de dossiers.
Le problème n’a rien à voir avec les vacances de postes – nous l’avons dit dès la discussion sur la loi de programmation et de réforme pour la justice. Il vient du fait qu’il n’y a pas assez de postes ouverts pour répondre à la demande.
La proposition de loi tend à créer une nouvelle demande en faveur d’une intervention urgente de la justice, et prévoit des délais de traitement extrêmement courts, mais les moyens de l’appliquer ne sont pas alloués. Si rien ne change, nous pourrons considérer que nous avons voté ce texte pour nous donner bonne conscience et que rien ne sera fait pour le mettre en application. C’est extrêmement dommage !
Ce n’est pas faux ! La parole est à M. Aurélien Pradié. J’ai bien noté vos propos, madame la ministre : vous serez très attentive à ce que le texte soit bien appliqué l’année prochaine. Permettez-moi toutefois de resituer la question.
Aujourd’hui, les ordonnances de protection représentent un volume marginal dans notre pays. Nous le savons tous, cet outil est très peu utilisé au regard du nombre de violences faites aux femmes. Certaines juridictions ne l’utilisent même pas du tout – 10 % d’entre elles n’ont jamais délivré une telle ordonnance. Or malgré ce faible volume, il faut tout de même plus d’un mois et demi pour les délivrer. C’est parce qu’il est nécessaire d’intervenir beaucoup plus rapidement que nous avons fixé, dans la proposition de loi, un délai incompressible de six jours.
Si les JAF ne sont déjà pas capables de faire mieux que de délivrer une ordonnance de protection dans un délai d’un mois et demi, ils auront le plus grand mal, demain, à tenir le délai de six jours ! C’est d’autant plus vrai que le volume des ordonnances à délivrer sera plus important : l’adoption de la proposition de loi va provoquer un appel d’air, d’ailleurs tout à fait souhaitable, quand les femmes concernées constateront que cette procédure peut vraiment les protéger.
Ces juges devront donc décider vite, mais aussi décider bien. Or l’ordonnance de protection est, si vous me permettez un tel raccourci, une procédure quasi-pénale pourtant confiée – c’est une singularité de l’organisation de notre justice – à des juges civils, dont ce n’est pas le cœur de métier. Il faudra donc parmi les JAF des juges quasiment spécialisés pour décider vite et bien.
Bien sûr, nous n’observerons peut-être pas dès l’année prochaine une bousculade au portillon, mais il est certain que dès l’année suivante, des problèmes se poseront qui exigerons des moyens humains supplémentaires. Au-delà des besoins de réorganisation, au-delà des choix de priorité que pourraient faire les JAF, la question se posera dès 2021. Si des moyens supplémentaires ne sont pas prévus, les délais que nous, la représentation nationale, avons fixés par la loi, ne seront pas tenables.
J’ai entendu, madame la ministre, votre conclusion. Je m’en souviendrai, nous nous en souviendrons tous dès l’année prochaine car les JAF doivent être une priorité dans le prochain budget de la justice.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) La parole est à M. Stéphane Peu. La réponse de Mme la ministre me pousse à intervenir parce qu’elle m’a à la fois surpris et énormément déçu. L’hémicycle résonne encore du débat que nous avons eu il y a deux semaines sur la proposition de loi de M. Pradié relative aux violences conjugales et de la belle unanimité qui s’est dégagée autour cette grande cause, mais bien évidemment. Mais tout le monde l’avait dit au cours de la discussion du texte : celui-ci devra trouver une traduction concrète, ce qui suppose que soient prévus les moyens judiciaires nécessaires à son application, sans quoi il ne sera qu’un vœu pieu. Or la proposition de loi prévoit que l’ordonnance de protection devra être délivrée en six jours, contre un délai moyen de quarante-cinq jours aujourd’hui.
Vous dites, madame la ministre, que les amendements de M. Pradié sont des amendements d’appel. Vous pourriez lui répondre que, s’il est difficile d’accéder à sa demande dans ce projet de budget, l’importance de la cause et l’ampleur des moyens nécessaires pour appliquer la loi lorsqu’elle sera définitivement adoptée et promulguée exigent de s’y pencher à nouveau à l’avenir. Mais votre réponse, c’est qu’il n’y a pas de problème relatif aux effectifs, uniquement des questions d’organisation. Mais à qui peut-on faire croire cela, à quel justiciable et à quelle juridiction ? Nous devons nous retrouver cette semaine au tribunal de grande instance de Bobigny : je suppose que vous ne pourrez pas tenir le même propos devant son personnel, qui manque de tout et avant tout – et cruellement – d’effectifs.
Très juste ! Et vous savez bien qu’elle n’est pas la seule. Si nous voulons nous donner des moyens à la hauteur de l’ambition que nous nous sommes donnée en adoptant presque unanimement cette proposition de loi, il faudra traiter la question des effectifs des juges aux affaires familiales. La parole est à M. Ugo Bernalicis. En commission, j’avais déjà souligné que parmi les créations de postes de magistrat prévues en 2020 – cent au total –, aucune ne concernait les juges aux affaires familiales. En effet, il est prévu soixante-dix juges pour enfants et trente juges contre la délinquance financière. Vous m’aviez alors répondu, madame la ministre, que le délai de six jours pour statuer sur l’ordonnance de protection serait de toute façon tenu parce que le sujet sera prioritaire pour les juges aux affaires familiales. Mais la masse de travail restera identique ! Elle va même s’accroître s’il y a davantage d’ordonnances de protection, ce que nous souhaitons, car cela prouverait que ce circuit court permet à davantage de femmes victimes de violences d’aller au commissariat et d’obtenir plus rapidement la protection de la justice. Mais comment prétendre, dans ces conditions, que cela pourra se faire avec le même nombre de magistrats ?
Au tribunal de grande instance de Lille, je constate déjà une crise des vocations pour devenir juge aux affaires familiales. Le métier est déjà difficile aujourd’hui, les délais déjà compliqués à tenir, et vous allez rajouter de la souffrance là où il y en a déjà beaucoup. En répondant aux mêmes questions qu’aujourd’hui, vous m’avez dit vous-même, madame la ministre, que l’effectif cible ne correspondait pas nécessairement aux besoins. Dès lors, le fait que l’on finisse, de budget en budget, par l’atteindre ne signifie pas que tout va bien se passer. Vous nous dites : « Ne vous inquiétez pas. Dormez sur vos deux oreilles. » Mais ce n’est pas possible.
Il est pénible de voter des textes de loi avant de se rendre compte que l’on n’aura pas les moyens de les appliquer.
Très juste ! C’est incohérent ! Nous allons générer de la frustration dans un domaine où s’est pourtant manifestée une unanimité sur l’ensemble des bancs.
Madame la ministre, vous avez fait mine de ne pas comprendre, tout à l’heure, quand je vous ai dit que le programme 166 « Justice judiciaire » n’augmentait par rapport à l’année dernière que de 0,32 % !
Veuillez conclure. C’est le chiffre qui figure dans le projet annuel de performance pour 2020. Est-ce cela, une ambition ? La réponse est non. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Philippe Gosselin. Je salue l’engagement de notre collègue Pradié, qui a rallié, on peut le dire, la totalité des bancs de cet hémicycle autour de sa proposition. C’est suffisamment rare pour être souligné. En votant cette proposition de loi, nous avons donné un signal à la société, à savoir que l’État, de façon ferme et claire, prend sous sa protection les personnes qui sont violentées au sein d’un couple. Mais en ne se donnant pas les moyens nécessaires, on passerait à côté du sujet. Au printemps dernier, lors de la discussion la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice, nous avions évoqué la nécessité de faire plus et rendez-vous avait été pris pour l’automne. Nous y sommes, madame la garde des sceaux !
Ainsi, à propos du dépôt de plainte électronique, lorsque nous avions souligné les difficultés qu’éprouvent certains justiciables face à un écran, vous aviez répondu que cette procédure permettrait justement de faciliter le dépôt de plainte et de donner à la victime davantage de possibilités de se faire entendre. Le signal donné au printemps était donc celui d’une meilleure prise en considération des victimes de violences conjugales, et il a été confirmé il y a quinze jours encore par le vote de la proposition de loi. Mais si à aucun moment les moyens ne suivent, si le nombre de juges aux affaires familiales n’est pas augmenté, ne serait-ce que dans la proportion relativement modeste prévue par ces amendements, c’est un contre-signal qui est ainsi envoyé, une véritable contre-politique, alors que nous étions tous d’accord pour prendre un nouvel élan. Je le regrette vraiment.
Le système de la carte judiciaire électoraliste est sans doute plus important ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Dimitri Houbron, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je ne comptais pas prendre la parole, mais je vois que le débat se fige sur les juges aux affaires familiales. Mais c’est un vrai sujet ! Il faut peut-être rappeler que la question des violences conjugales ne repose pas sur l’ordonnance de protection et sur le travail des JAF, l’un des premiers acteurs judiciaires à y être confrontés étant le procureur. (Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR.) Ce n’est pas la réalité ! Mais si, mon cher collègue. Car c’est le parquetier qui a l’opportunité des poursuites et qui peut prendre des mesures coercitives à l’encontre de l’auteur des violences. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.) La question n’est pas là ! L’objectif de votre proposition de loi était louable, raison pour laquelle tous les collègues, y compris dans la majorité, ont voté en sa faveur : développer le recours à l’ordonnance de protection, un beau dispositif insuffisamment utilisé. Sur ce point, nous sommes d’accord, mais affirmer qu’il n’y a pas assez de JAF et que la question des violences conjugales ne repose que sur ce problème d’effectifs, c’est mettre en exergue un faux problème et cibler le débat sous un angle polémique qui n’a pas lieu d’être aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs des groupes LR, GDR et FI.) Nous avons aussi déposé d’autres amendements sur d’autres sujets, monsieur le rapporteur pour avis ! La polémique, elle porte sur le fait que la loi ne sera pas appliquée ! La parole est à Mme la garde des sceaux. Je rappelle à M. le député Bernalicis et à M. le député Savignat que la réforme ne sera pas appliquée à effectifs constants. Évidemment puisqu’il y en aura moins, du moins là on ne vote pas convenablement ! Je le redis ici clairement : le budget de la justice me permet d’augmenter le nombre de magistrats dans les juridictions. Ce n’est pas vrai ! Vous ne pouvez pas prétendre cela ! Il n’augmentera que dans les ressorts politiquement compatibles avec la majorité ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Seule Mme la ministre a la parole. Cela se ressent vraiment sur le terrain : les juridictions bénéficiant d’un nombre plus important de magistrats éprouvent moins de difficultés qu’auparavant. Le travail des juges aux affaires familiales se trouvera ainsi soulagé par le seul fait que les postes en vacance dans d’autres services auront été pourvus.
Par ailleurs, quand une organisation adaptée est mise en place, la réponse judiciaire peut être plus rapide. J’ai ainsi en tête l’exemple du tribunal de Créteil, plusieurs fois cité, y compris par M. Pradié, qui s’est organisé pour traiter dans l’urgence ces questions de violences conjugales. L’augmentation du nombre de magistrats et une organisation adaptée sont donc les deux facteurs qui nous permettront de répondre aux exigences de la loi.
Pour conclure, quand vous dites, monsieur le député Pradié, que vous vous en souviendrez, rassurez-vous : je m’en souviendrai tout autant que vous et je n’ai pas l’habitude de faire des promesses qui ne soient pas suivies d’effet.
(Rires sur les bancs du groupe FI.) Vous promettiez une augmentation des crédits de 5 % par an il y a six mois ! Je verrai donc, dans le budget pour 2021, s’il est nécessaire d’augmenter le nombre de magistrats. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Patrick Mignola applaudit également.)
(Les amendements nos 659 et 657, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) Je suis saisie de deux amendements, nos 663 et 662, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour les soutenir.
Ces amendements successifs portent tous sur le même sujet, les violences au sein des familles. Mais si vous les avez lus, monsieur le rapporteur pour avis, et pas simplement survolés, vous savez qu’il n’y est pas seulement question des JAF. Ici, il s’agit de la formation des magistrats.
En effet, la formation est l’un des rares domaines, au sein de la mission « Justice », pour lesquels les crédits sont en baisse. Or la formation de tous les magistrats à la question des violences conjugales constitue un sujet important. En préparant le texte de la proposition de loi, j’ai en effet pu constater que si, bien souvent, les gendarmes et les policiers ne sont pas parfaitement au fait des situations, c’est aussi, parfois, le cas des magistrats.
Quant aux juges aux affaires familiales, une attention particulière devra être portée à leur formation, car ils vont avoir entre leurs mains des outils nouveaux. On sait ainsi que dans plus de 80 % des cas – vous vous en souvenez sûrement, monsieur le rapporteur pour avis, en raison du degré d’attention dont vous avez fait preuve lors de l’examen de la proposition de loi –, les juges aux affaires familiales n’utilisent que le quart des compétences qui leur sont attribuées par la législation en vigueur. Ils nous ont dit bien souvent, lors des auditions, à quel point ils ignorent la plénitude des possibilités que leur offre la loi.
La proposition de loi a corrigé le problème, mais il faut aller plus loin en prévoyant de former ces magistrats, y compris s’agissant des procédures spécifiques et des délais à respecter. Il est donc proposé ici d’augmenter les crédits de formation pour pouvoir les consacrer plus particulièrement aux juges aux affaires familiales et aux procureurs de la République. En effet, et contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur pour avis, la voie pénale, c’est-à-dire celle du parquet, n’est pas la voie principale en matière de protection judiciaire des femmes, car dans un grand nombre de cas, elles ne déposent pas plainte – ou bien, si elles le font, il n’y est pas donné suite. Nous avons en outre constaté que la plupart du temps, les parquets ne s’associent pas à la procédure civile alors qu’ils pourraient le faire de droit. Il est donc nécessaire de former non seulement les juges aux affaires familiales mais aussi les magistrats du parquet qui vont eux aussi, quand notre proposition de loi sera définitivement adoptée, disposer de prérogatives nouvelles, notamment pour imposer, en cas de refus de l’intéressé, le port du bracelet antirapprochement ou l’obligation de soins.
Voilà pourquoi il semble de bon sens de veiller à ce que les crédits de formation ne baissent pas, mais au contraire augmentent, et qu’ils soient singulièrement dédiés à ceux qui auront demain à traduire concrètement, sur le terrain, la loi que nous aurons votée ici.
(M. Raphaël Schellenberger applaudit.) Je vous propose de poursuivre l’appel de tous les amendements avant de donner la parole à M. le rapporteur spécial et à Mme la garde des sceaux. Vous avez défendu, monsieur Pradié, les amendements nos 663 et 662. Vous avez la parole pour défendre l’amendement no 656, que vous pouvez présenter communément, si vous en êtes d’accord, avec les amendements nos 654 et 653. Madame la présidente, je souhaite que nous dissociions les amendements nos 663 et 662, qui traitent de la formation, des amendements suivants, qui portent sur des sujets fondamentalement différents. Ce n’est pas vrai ! Il a déjà passé cinq minutes à défendre ses deux amendements ! Madame Bourguignon, je vois que vous semblez fâchée que nous souhaitions nous organiser avec méthode. Si tel est le cas, vous pouvez sortir boire une tisane et arrêter de râler. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Qu’est-ce que c’est que ces propos misogynes ? Sexiste ! Cela mériterait un rappel au règlement ! Je vous en prie, chers collègues, calmez-vous ! Monsieur le député, je demanderai l’avis du rapporteur spécial ainsi que celui du Gouvernement sur les amendements nos 663 et 662. En contrepartie, il faudra vous montrer plus rapide dans vos prises de parole. Je vous rappelle en effet que nous devons terminer l’examen des crédits de la mission « Justice » avant d’entamer une autre mission budgétaire ce soir. Je dois donc veiller à l’organisation des débats. Nous discutons des violences faites aux femmes : c’est une question importante ! Bien sûr, madame la députée ! Nous prendrons le temps qu’il faudra. Toutefois, si nous souhaitons modifier la méthode que nous avions prévue, chacun devra y mettre du sien.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 663 et 662 ?
Ces deux amendements n’ont pas fait l’objet de discussions en commission des finances. Je m’exprimerai donc à titre personnel.
La question de la formation est effectivement centrale et mérite d’être posée. Si nous considérons que la lutte contre les violences faites aux femmes doit constituer une préoccupation majeure, notamment pour le ministère de la justice, cela doit se traduire dans les faits. Pour ma part, je rejoins mon collègue Pradié. J’ai d’ailleurs cosigné ces amendements, considérant que le sujet était d’importance, et que l’on ne pouvait pas, dans cet hémicycle, prendre des décisions qui ne seraient pas suivies des moyens budgétaires correspondants.
Bravo ! Enfin un rapporteur cohérent ! Il est donc nécessaire de savoir comment ces moyens seront fléchés. Les deux amendements diffèrent par les montants mis en jeu : l’amendement no 663 vise à consacrer un budget de 15 millions d’euros à la formation, là où l’amendement no 662 constitue un amendement de repli, puisqu’il tend à n’y dédier que la moitié de cette somme dans le budget pour 2020.
J’émets un avis de sagesse sur ces deux amendements, et j’estime qu’il importe que le Gouvernement prenne position sur cette question.
Très bien ! Quel est l’avis du Gouvernement ? La formation est une question clef : nous nous accordons tous sur ce point. C’est la raison pour laquelle des évolutions importantes sont apportées en la matière, depuis plusieurs mois, en lien avec l’École nationale de la magistrature – l’ENM.
S’agissant d’abord de la formation initiale, de nombreuses actions spécifiques sont programmées, notamment concernant l’ordonnance de protection. Ces formations sont obligatoires pour tous les auditeurs de justice, qui les suivent donc de manière systématique. Au-delà, lorsque les auditeurs se spécialisent comme juge aux affaires familiales, comme substitut du procureur de la République – c’est la question que vous posiez – ou comme juge d’application des peines, ils reçoivent un complément de formation sur ce sujet. Nous tentons donc réellement de répondre à votre demande, d’abord de manière générale, puis, lorsque les magistrats choisissent les fonctions qu’ils auront à assumer, de manière spécifique.
Pour ce qui est de la formation continue, nous avons développé, depuis le mois d’octobre, un vaste plan de formation déconcentrée, avec de kits pédagogiques adaptés – d’une qualité remarquable – et des fiches « réflexes » précisant pour chaque magistrat les actions à accomplir. Ces modules sont, à ma connaissance, extrêmement appréciés.
Enfin, nous mettons en place des modules de formation continue transversaux à plusieurs corps de la fonction publique – je songe notamment aux magistrats et aux policiers. Ce point me semble également important.
Vous avez par ailleurs évoqué la question budgétaire. Le budget de la formation est fixé à 155 millions d’euros. Il est vrai qu’il apparaît en baisse en raison d’ajustements techniques, mais, dès qu’un besoin est identifié, la direction des services judiciaires délègue bien évidemment les crédits nécessaires à l’ENM. Il n’y a donc pas de difficultés budgétaires concernant la formation.
Je conclurai, monsieur Pradié, en vous disant que, moi non plus, je n’aime pas la tisane.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Vous n’aimez surtout pas les circonscriptions qui ne votent pas pour La République en marche ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) C’est insupportable ! Mes chers collègues, monsieur Schellenberger, s’il vous plaît !
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
Il paraît que la camomille a certaines vertus calmantes : je la recommande vivement ! Je comprends que certains collègues, dont la présence a été exigée spécifiquement sur ce thème afin que leur groupe soit majoritaire, puissent trouver ce débat pénible, mais ils devront le subir jusqu’au bout.
Reprenons : vous annoncez 100 créations de postes de magistrats pour l’année 2020 – nous sommes bien d’accord sur ce point, madame la garde des sceaux. Vous nous avez présenté, en commission des lois, la ventilation suivante : les 100 postes de magistrats créés incluent soixante-dix juges pour enfants et trente magistrats spécialisés dans la lutte contre la délinquance financière – soit aucun juge aux affaires familiales. Il n’est pas besoin d’avoir fait Saint-Cyr ou des études de comptabilité pour comprendre ce raisonnement purement mathématique.
Vous affirmez qu’en allouant des renforts aux juges pour enfants et à la lutte contre la délinquance financière, par le jeu d’un mécanisme de réorganisation interne, les juges aux affaires familiales auront moins de dossiers à traiter et pourront se concentrer sur les ordonnances de protection. Qui pensez-vous convaincre avec de tels arguments ? Rendez-vous au tribunal de grande instance de Lille pour tenter d’expliquer aux juges des affaires familiales qu’ils auront moins de travail à l’avenir ! Je vous mets au défi de leur faire cette démonstration. Personnellement, je n’en suis pas capable.
Je pourrais, il est vrai, contester le raisonnement de mes collègues siégeant sur les bancs de la droite selon lequel il faudra bien « trouver le pognon » quelque part. Je pense par exemple qu’on pourrait le trouver en ne construisant pas 7 000 places de prison supplémentaires – à moins qu’ils en souhaitent 6 000 ou 5 000, peu importe.
(Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Sur ce point, nous serons en désaccord. En revanche, nous nous rejoignons pour constater que les moyens sont insuffisants pour atteindre les objectifs affichés. Veuillez conclure, monsieur le député. Quant à l’argument de l’ajustement technique représentant 5 % du budget de la formation, on se pince pour le croire ! Des ajustements techniques conduisant à une baisse de 5 %, on s’en passerait ! La parole est à Mme Marie-George Buffet. Nous ne sommes pas ici pour parler de tisane, mais des violences psychologiques et physiques faites aux femmes. (« Très bien ! sur les bancs du groupe LR. – Applaudissement sur plusieurs bancs des groupes LaREM et SOC.)
Nous avons adopté, en 2010, une grande loi contre toutes les violences faites aux femmes, et avons constaté que, selon les départements et les situations, cette loi ne s’appliquait pas de la même façon, soit pour des raisons budgétaires, soit pour des raisons de formation.
Nous avons voté, quasiment à l’unanimité, en faveur de la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié. Il me semble normal, lorsque nous discutons du budget de la nation, que nous donnions à voir notre volonté de concrétiser cette loi contre la violence faite aux femmes dans les moyens budgétaires dédiés à la formation et à la création de postes. Si nous ne le faisons pas, nous perdrons toute crédibilité.
Nous avons créé, avec cette loi, un espoir parmi les femmes et les associations qui luttent au quotidien. Si, à travers le vote de ce budget, nous leur disons : « circulez, il n’y a rien à voir », nous découragerons ces femmes de porter plainte et d’obtenir justice. Je vous demande donc d’écouter les arguments de notre collègue Aurélien Pradié et de voter en faveur de ces amendements.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, UDI-Agir, SOC et FI.) La parole est à M. Aurélien Pradié. Le temps de quelques heures de débat dans cet hémicycle, nous avons, madame la garde des sceaux, appris à nous respecter mutuellement. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Vous savez, sur l’échelle des insultes, je ne crois pas que la tisane se classe dans la plus haute catégorie… Peut-être, mais c’était une remarque sexiste ! Vous n’auriez pas parlé ainsi à un homme ! Je veux dire, madame Bourguignon, que nous avons passé des heures à examiner une proposition de loi dont nous savions – je sais, madame la garde des sceaux, que vous ne l’avez jamais ignoré – qu’elle nécessiterait des moyens complémentaires pour être mise en application.
Nous avons débattu d’une série d’amendements portant sur l’augmentation du nombre de juges aux affaires familiales. Ce sujet sera fondamental, tôt ou tard. Il devrait à mon sens être traité dès cette année, mais s’il doit ne l’être que l’année prochaine, soit.
Nous en sommes à maintenant à veiller à ce que les magistrats déjà en poste bénéficient d’une formation spécifique et renforcée. Il s’agit donc, par ces amendements, de corriger la baisse de crédits de formation, qui n’est pas un ajustement technique, madame la garde des sceaux, puisqu’elle représente plus de 5 % du budget !
Eh oui ! Nous avons un problème. Il tient à l’incohérence totale des discours qui sont tenus. J’entends ce que vous dites, madame la garde des sceaux – le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse l’affirme lui aussi souvent, sur d’autres sujets : en cours d’exercice budgétaire, vous pourrez mobiliser les crédits supplémentaires dont vous auriez besoin. Mais je vous demande de mobiliser dès à présent des crédits supplémentaires de formation, même si vous ne le faites pas à la hauteur des montants évoqués dans mes amendements, car nous savons que nous en aurons besoin.
Quand bien même ils ne seraient pas immédiatement nécessaires, une telle décision serait un signal : elle répondrait à un souci de cohérence, et elle constituerait ce second geste que nous devons faire, après celui que nous avons esquissé en adoptant la proposition de loi. Ce débat n’a rien de délirant ou de démesuré : il est simplement raisonnable.
Voilà pourquoi je souhaite que nous examinions les amendements de manière disjointe, car le sujet le nécessite et l’impose.
(L’amendement no 663 n’est pas adopté.) Je mets aux voix l’amendement no 662.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 107
Majorité absolue 54
Pour l’adoption 39
Contre 68
(L’amendement no 662 n’est pas adopté.) Je suis saisie de trois amendements, nos 656, 654 et 653, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour les soutenir.
Nous en venons à un sujet plus essentiel encore : celui du financement des bracelets antirapprochement. Nous avons déjà eu ce débat dans l’hémicycle et en commission. J’ai consulté les déclarations faites par les uns et les autres, et notamment par l’exécutif, pour tenter de comprendre quel était son engagement financier précis sur ce sujet. Il se trouve que les chiffres ne concordent pas exactement. La secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes parle de 7 millions d’euros, le Premier ministre évoque 5 millions d’euros, et vous avez avancé, madame la garde des sceaux, le chiffre de 5,5 millions d’euros. Ayant plutôt tendance à croire en la rigueur de vos calculs qu’en ceux de la secrétaire d’État, je me baserai sur un montant de 5,5 millions d’euros à mobiliser.
La proposition de loi visant à agir contre les violences faites aux femmes sera examinée par le Sénat le 6 novembre et a toutes les chances d’entrer en application en début d’année prochaine. Il faudra donc, dès cette date, mobiliser des moyens pour acheter des bracelets, mais également pour déployer le dispositif, et notamment s’équiper en logiciels et développer les techniques d’ingénierie nécessaires.
Je vous ai donc interrogée très précisément en commission des lois, madame la garde des sceaux, sur la localisation précise de ces 5,5 millions d’euros dans le budget. Vous vous étiez engagée à me fournir une réponse complète. Je ne l’ai toujours pas reçue. Je renouvelle donc ma demande en séance, car votre engagement, que je ne remets pas en doute, ne suffit pas à éclairer la représentation nationale : le sujet est trop important. Nous devons savoir où sont précisément budgétés les 5,5 millions d’euros que vous entendez mobiliser.
Ma seconde question porte sur la ventilation de cette somme entre l’acquisition des bracelets eux-mêmes et l’utilisation des techniques d’ingénierie nécessaires.
Après vous avoir interrogée en commission et après l’avoir fait à nouveau ici, j’ose espérer que j’obtiendrai une réponse, non par obsession de vouloir vous piéger, mais parce qu’un engagement pris devant quelque député que ce soit doit être tenu.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également.) Sur l’amendement no 124, je suis saisie par le groupe UDI, Agir et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
Comme vient de l’indiquer M. Pradié, ils posent la question de l’application du dispositif des bracelets antirapprochement, destinés à renforcer la protection des victimes de violences conjugales.
Vous avez indiqué, madame la garde des sceaux, que vous souhaitiez rendre très rapidement ces bracelets disponibles, mais on ne trouve aucune information à ce propos dans le bleu budgétaire. Ces amendements sont donc légitimes, car ils posent une vraie question : lorsqu’un dispositif est adopté et que, de surcroît, le Gouvernement a fait des annonces au sujet de son application, il convient de savoir comment il sera financé. J’émets donc évidemment, sur ces trois amendements, un avis favorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Le dispositif BAR, ou bracelet antirapprochement, sera mis en œuvre en 2005. Je m’y suis engagée devant vous et nous en avons discuté longuement à l’occasion de l’examen de la proposition de loi.
Le déploiement de ce dispositif sera paramétré, dans une première mise en œuvre, sur la base de 1 000 mesures pour le territoire national, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer devant vous. Le dispositif sera développé et géré par l’administration pénitentiaire, déjà chargée du placement des personnes sous surveillance électronique mobile, dispositif très proche de celui dont il est ici question.
Au moment où je parle, monsieur Pradié, nous sommes en train de définir très précisément le cahier des charges et les modalités d’application du dispositif par l’administration pénitentiaire. Le texte dont vous êtes à l’initiative n’ayant pas été définitivement adopté, l’administration pénitentiaire travaille à la rédaction des marchés en avance de phase. C’est pourquoi il m’est très difficile de vous donner un chiffre absolument certain, même si j’estime en effet à environ 5,5 millions d’euros le coût de ce déploiement.
Ce coût sera pris en charge par le programme 107, « Administration pénitentiaire », et non par le programme 101, qui finance les téléphones grave danger.
Dans le cadre des mouvements de fin de gestion de l’exercice budgétaire 2019, nous avons décidé de reporter 5 millions d’euros de crédits sur l’exercice 2020, où cette enveloppe sera consacrée au bracelet antirapprochement et uniquement à cela. Vous pourrez en trouver la traduction dans le budget lorsque nous aurons fini l’exercice 2020.
Pour récapituler, nous évaluons à 5,5 millions d’euros la mise en place de ce dispositif pour 1 000 mesures. Il sera financé sur le programme 107 grâce à des reports de crédits pour 2019. Voilà pourquoi, à ce stade, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
La parole est à M. Ugo Bernalicis. Si je comprends bien, vous n’allez pas faire d’avenant au marché actuel et allez passer un nouveau marché, sur le programme 101, pour un dispositif qui existe déjà… Non ! …et qui, concrètement, dans le monde réel, sera géré par l’administration pénitentiaire. Non ! Ce n’est pas clair. Où sont les 5 millions d’euros ? Pourquoi n’en trouve-t-on pas de trace écrite dans le projet annuel de performance, qui détaille pourtant le coût précis de toutes sortes d’actions spécifiques ? J’ose espérer que sa rédaction a tenu compte des discussions parlementaires entourant la proposition de loi de M. Pradié. La parole est à M. le rapporteur pour avis. Je n’interviendrai pas sur le fond, mais plutôt sur la forme : je trouve particulièrement désolant que M. le rapporteur spécial nous donne trop souvent son avis personnel, et non pas celui de la commission. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) On appelle cela le libre arbitre ! En effet, alors que, sur plusieurs amendements, l’avis de la commission des finances était défavorable, il a exprimé un avis inverse. Je trouve dommage qu’il ne se montre pas plus honnête sur ce point. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Vives protestations sur les bancs des groupe LR et GDR.) Scandaleux ! Et M. Touraine, que faisait-il ? La parole est à M. le rapporteur spécial. Cher collègue, j’ai clairement indiqué, à propos de ces trois amendements, que je n’émettais un avis favorable qu’à titre personnel. Ils n’ont en effet pas été examinés par la commission des finances. Si ! Non. Celui qui a été examiné est le no 124, que nous n’avons pas encore évoqué. Lorsque vous remettez en cause un rapporteur spécial, soyez au moins sûr de vos informations ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.) C’est ce que l’on appelle être remis en place ! La parole est à M. Aurélien Pradié. Je confirme que ces amendements ne sont pas passés devant la commission, puisque je ne les ai déposés que pour la séance publique. Si vous le permettez, monsieur le rapporteur pour avis, revenons au fond, qui vous passionnera certainement plus que la forme.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Il n’y a aucune suspicion dans mon propos, mais je constate qu’elle contredit les éléments que vous m’avez communiqués en commission, lorsque, interrogée deux fois sur le même sujet, vous m’avez répondu que ces 5 millions ne seraient pris non sur le programme « Administration pénitentiaire », mais sur le programme « Justice judiciaire ».
En effet ! Je tiens mes notes à votre disposition, et vos collaborateurs, qui ont négligé de me transmettre les informations que je réclamais, auront sûrement le souvenir de celles qu’ils vous ont communiquées en commission et que vous nous avez livrées.
La question est trop grave pour que nous puissions demeurer dans l’imprécision. À quels types de reports allez-vous recourir pour financer le déploiement des bracelets antirapprochement ?
Encore un détail : 5 millions d’euros, c’est approximativement, en effet, la somme nécessaire pour lancer le marché d’acquisition du matériel pour 1 000 mesures. En revanche, cela ne permettra pas de couvrir le développement des applications informatiques dont l’administration pénitentiaire va devoir se munir. Il y aura donc un trou dans le financement.
Je vous réclame donc, madame la garde des sceaux, un engagement encore plus précis. Il ne s’agit pas que de nous rassurer, moi et la représentation nationale, mais de conforter celles et ceux qui nous écoutent et qui espèrent que la proposition de loi que nous avons adoptée se traduira par des actes.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
(Les amendements nos 656 et 654, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(À ce moment, M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis échangent de vifs propos au banc des commissions.)
Monsieur le rapporteur pour avis, vous n’avez pas à me mettre en cause de la sorte. C’est inacceptable ! Quand on se trompe, on se tait ! La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, je demande une suspension de séance de cinq minutes pour permettre à chacun de reprendre ses esprits. Le climat est absolument insupportable, notamment entre les deux rapporteurs. (Vives protestations sur les bancs des groupes LR et LT.) N’importe quoi ! La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente.) La séance est reprise.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l’amendement no 124.
Je crois que c’est par moi que le scandale est arrivé,… Exactement ! …car c’est bien mon amendement qui a été déposé et débattu en commission, et qui a fait l’objet du malheureux hiatus, désormais derrière nous, entre les deux rapporteurs. La question est cependant la même que celle qu’a très bien évoquée M. Pradié : il s’agit d’isoler, dans le projet de loi de finances pour 2020, des crédits destinés à la mise en place des bracelets antirapprochement.
Ce matin, Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a assisté, comme vous le savez, madame la garde des sceaux, à la remise des conclusions des onze groupes de travail œuvrant dans le cadre du Grenelle des violences conjugales. Les 70 à 80 propositions qui y sont formulées feront l’objet d’une annonce globale par le Premier ministre, sans doute le 25 novembre prochain. Plusieurs d’entre elles nécessiteront l’engagement de crédits encore non identifiés, en vue d’une application à partir de 2020.
Même si je peux le comprendre, je ne vois pas l’intérêt d’attendre des reports de crédits alors que nous pourrions, en votant ces amendements, nous doter dès à présent de la capacité financière nécessaire – d’autant que d’autres mesures potentiellement budgétivores apparaissent tout aussi indispensable –, exprimant ainsi la même unanimité que celle dont nous avons fait preuve en adoptant la proposition de loi de Mme Pradié et que nous manifesterons, j’en suis sûr, au moment de voter les dispositions inspirées du Grenelle.
Une telle confusion envoie un message négatif ; c’est ce qu’a voulu dire Mme Buffet tout à l’heure, et je suis sensible à cet argument. Face à un grave problème de société, nous avons collectivement envoyé un message de solidarité nationale – et je suis fier d’y avoir participé. Le Premier ministre a engagé, avec l’ensemble du Gouvernement et des parlementaires, des chantiers importants. Le signal contradictoire que nous envoyons ce soir, en se contentant d’envisager des crédits qui ne figurent pas vraiment dans le projet de budget, nuit à la qualité du message que nous avons envoyé au préalable. J’insiste donc simplement pour que ces 5,5 millions d’euros – puisque telle était votre estimation – soient réellement disponibles.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.) Quel est l’avis de la commission ? Que les choses soient claires, qu’il n’y ait pas la moindre ambiguïté : je m’exprime évidemment en tant que rapporteur spécial de la commission des finances. Il en est toujours ainsi dans la mesure où, lorsqu’on parle d’un budget, la commission au fond qui s’exprime est la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LT et FI.)
Si l’amendement a été examiné par la commission, je donne l’avis de celle-ci ; dans le cas contraire, je donne un avis personnel – et je prends systématiquement le soin de le préciser.
C’est normal ! C’est la pratique habituelle ! Si un collègue considère qu’une erreur est commise, il suffit de le dire – personne n’est infaillible. Mais attaquer ex abrupto quelqu’un qui fait son travail consciencieusement, ce n’est pas très sérieux. C’est pourquoi je me permets ici de rappeler nos règles, qui sont claires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Ceci étant dit, j’en viens au fond. La commission des finances a examiné l’amendement de M. Dunoyer – comme il l’a d’ailleurs rappelé lui-même. J’avais insisté à cette occasion sur la légitimité de son propos et indiqué que j’émettais pour ma part un avis de sagesse, mais la commission l’a finalement repoussé.
Quel est l’avis du Gouvernement ? J’émets, comme la commission, un avis défavorable. Je ne vois pas du tout en quoi nous envoyons un signal négatif. Nous envoyons au contraire un signal absolument positif puisque la volonté de mettre en place le bracelet antirapprochement émane non seulement des députés mais aussi du ministère de la justice, qui en assure le financement à hauteur de 5,5 millions. Je le dis clairement devant vous, en précisant que cette somme sera prélevée sur le programme 107. Nous recruterons du personnel à cet effet et prendrons en charge les dépenses nécessaires, ce dont vous trouverez évidemment la trace dans l’exécution du budget. L’engagement pour le bracelet antirapprochement est donc fort et ferme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Stéphane Peu. Ce dont nous discutons depuis tout à l’heure, c’est de notre capacité à faire appliquer une loi avec la même unanimité que celle dont nous avons fait preuve au moment de la voter – autrement dit, à passer de l’intention aux actes. C’est important pour la crédibilité de la représentation nationale.
Lorsque nous avons débattu des dispositions de la proposition de loi relatives au bracelet antirapprochement, tout le monde s’est référé à l’exemple espagnol. Dans ce pays plus petit que le nôtre, le gouvernement avait déboursé, en deux ans, 15 millions d’euros pour appliquer cette mesure. Et tout le monde s’est félicité du succès que l’Espagne a rencontré en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
Avec cet amendement, il s’agit de prendre des mesures à la hauteur des ambitions de la proposition de loi que nous avons votée, en prévoyant dès 2020, mais aussi pour les années suivantes, des moyens bien identifiés. La majorité ayant refusé de le faire, il nous semblerait bon qu’au minimum, le bracelet antirapprochement fasse l’objet d’un engagement financier visible.
La parole est à M. Ugo Bernalicis. Madame la ministre, lors de l’audition en commission, vous avez dit, à propos du montant des crédits consacrés aux actions de lutte contre les violences faites aux femmes en 2019 : « Il était sans doute moindre. Je ne suis pas en mesure de vous le dire, mais je m’engage à vous donner une réponse précise sur ce point. Je précise que le dispositif Téléphone grave danger relève du programme 101. » Jusqu’ici, tout va bien. « Quant au bracelet anti-rapprochement, qui sera financé à hauteur de 5 millions, il relève à la fois du programme 101 et du programme consacré au développement numérique du ministère », c’est-à-dire le programme 310. Jusqu’à présent, on a parlé du programme 107. J’aimerais donc bien savoir comment, sur cette question, on peut errer d’une semaine à l’autre du programme 101 au programme 107 en passant par le programme 310 !
À titre personnel – et mon groupe fera sans doute de même – je n’attendrai pas la loi de règlement, en mars 2021, pour savoir si vous avez correctement exécuté le budget 2020 et si vous avez bien affecté 5 millions à cette mesure. Nous aimerions entendre des engagements plus précis et plus concrets sur ce point. Sachant que, comme vous l’avez dit, il existe déjà un marché concernant le placement sous surveillance électronique mobile, allez-vous conclure un avenant ? Créer un nouveau marché ? Nous aimerions obtenir des réponses concrètes.
La parole est à M. Aurélien Pradié. Madame la ministre, ne laissez pas le moindre doute s’installer sur ce sujet. Je le dis sans volonté de vous piéger mais avec celle de comprendre, tant il existe des écarts entre les annonces de la secrétaire d’État, vos propos en commission et vos propos ici même. Vous nous dites aujourd’hui clairement que le montant de 5 millions sur lequel vous vous êtes engagée ne figurera pas dans le projet de budget puisque ce sont des crédits de report – dont personne aujourd’hui ne connaît l’ampleur – qui alimenteront éventuellement ce dispositif absolument essentiel.
Votre réponse n’est à la hauteur de la situation ni d’un point de vue politique ni d’un point de vue budgétaire. J’ai regardé attentivement quels avaient été les reports dans le programme 107 entre 2019 et 2020 : il n’y a eu aucun, puisqu’il a manqué 450 millions d’euros entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.
Devant une telle somme d’imprécisions, nous sommes conduits, vous le comprendrez, à vous demander solennellement d’inscrire dans votre projet de budget la ligne nécessaire. Le montant n’est tout de même pas colossal : 5 millions d’euros, pour financer une mesure voulue par la représentation nationale et que vous vous êtes engagée à appliquer.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) Je mets aux voix l’amendement no 124.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 49
Contre 78
(L’amendement no 124 n’est pas adopté.) Je mets aux voix l’amendement no 653.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 125
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 47
Contre 78
(L’amendement no 653 n’est pas adopté.) Je suis saisie de deux amendements, nos 693 et 700, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour les soutenir.
Madame la ministre, vous avez indiqué il y a quelques instants que les 5 millions d’euros serviraient à la fois au financement du matériel et au recrutement du personnel chargé de son emploi. Là, nous ne sommes plus d’accord. Si on établit une comparaison avec l’Espagne, et si vous vous fixez comme objectif la mise à disposition de mille bracelets, la somme de 5 millions ne suffira pas à couvrir la procédure de lancement du marché permettant l’achat de ces bracelets et le recrutement du personnel chargé de déployer le dispositif – à moins que certains, au sein du personnel de vos administrations, restent aujourd’hui inoccupés…
Ces deux amendements visent donc à appeler votre attention sur la nécessité d’inscrire les crédits nécessaires non seulement pour acquérir les bracelets, mais aussi pour développer les outils techniques indispensables à leur usage.
Me référant aux propos tenus tout à l’heure par M. Ugo Bernalicis, je précise que ces amendements sont très directement inspirés de ce que vous nous avez dit en commission. Vous aviez alors indiqué qu’une partie des crédits devait être réattribuée aux dispositifs informatiques du Gouvernement. Depuis tout à l’heure, vous évoquez le programme « Administration pénitentiaire » mais sans nous parler de crédits supplémentaires pour l’action informatique ministérielle du programme 310. Là encore, il existe un écart assez considérable entre les propos que vous avez tenus en commission et ce que vous venez de dire. Ces amendements que nous proposons vous permettront de mettre en conformité vos paroles et vos actes.
Quel est l’avis de la commission ? Ces amendements n’ayant pas été débattus en commission des finances, je m’exprimerai à titre personnel. Les arguments avancés ont du sens. En outre, les sommes envisagées sont tout à fait raisonnables. Il faut désormais se préoccuper de l’application de la mesure, c’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Se référant à l’exemple espagnol, M. Peu parlait d’une somme de 15 millions d’euros en deux ans, ce qui correspond à environ 7 millions par an. Je vous propose un montant de 5 millions d’euros sur une première année. Il faut être clair sur ce point, monsieur Pradié : comme je vous l’ai dit, ce montant doit être affiné puisque le dispositif législatif n’est pas voté, que le cahier des charges est en cours de rédaction et que nous allons bientôt passer les marchés.
Pour répondre à M. Bernalicis, les bracelets antirapprochement relèveront du programme 107, « Administration pénitentiaire », qui finance déjà les placements sous surveillance électronique mobile. Nous élaborerons donc très vraisemblablement un avenant pour modifier les marchés actuels.
Le dispositif est presque prêt, mais il demande à être affiné. Je m’engage absolument à y consacrer 5,5 millions d’euros dans le budget de 2020 : je ne puis vous dire mieux à ce stade, pour les raisons que je viens d’exposer, à savoir une loi non adoptée, des marchés qui ne sont pas encore passés et – j’aurais dû commencer par là – un cahier des charges qu’il faut encore préciser. Rien de plus logique, d’ailleurs, puisque nous coconstruisons le dispositif. Je le répète : je m’engage à y consacrer 5,5 millions.
Cette somme permettra assurément l’acquisition du matériel, et nous financerons le recrutement de 1 000 agents de surveillance de l’administration pénitentiaire, lesquels seront spécialement formés aux dispositions dont nous parlons.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Aurélien Pradié. Vous pouvez mieux faire, madame la ministre, en inscrivant, dans le cadre de cette discussion budgétaire, ces 5 millions d’euros dans le budget de la nation. Pardon d’y insister une dernière fois : je n’y vois toujours pas assez clair, non parce que je remettrais votre parole en cause, mais parce qu’il faut bien que nous nous y retrouvions tous.
Tout à l’heure, vous avez parlé de personnels dévolus à la surveillance ; je vous parlais, moi, de personnels nécessaires à la mise en œuvre du dispositif : non seulement les bracelets, c’est-à-dire l’équipement installé sur les compagnons violents, mais aussi les logiciels d’alerte, partant toute l’ingénierie nécessaire pour savoir où remonte l’information. C’est là une pratique très différente de celle à laquelle la justice est habituée avec le bracelet électronique : elle suppose, ou un prestataire extérieur, ou le développement d’une capacité interne.
De ce point de vue, 5,5 millions d’euros ne suffiront jamais à l’acquisition des bracelets, au déploiement des dispositifs d’ingénierie et au recrutement du personnel de surveillance. Jamais de la vie ! Les quelque 7 millions d’euros que l’Espagne a consacrés au dispositif couvraient les 1 000 mesures d’acquisition des dispositifs et le déploiement de l’ingénierie, en interne ou en provenance des prestataires. Il manque donc 2,5 millions !
Les fameux reports dont vous parliez, si l’on compare l’exercice budgétaire de cette année avec celui de l’an dernier, on ne les voit presque pas : nulle trace, même, d’un début d’engagement des 5 millions d’euros que je réclame ! Vous comprenez donc que, ne sachant où ces reports interviendront, je puisse m’inquiéter.
Vous comprenez aussi, je suppose, que la représentation nationale ne puisse se satisfaire, lorsqu’elle vote un budget, d’engagements sur d’hypothétiques reports, quelle que soit par ailleurs votre bonne volonté : nous voulons nous prononcer sur des crédits clairement identifiés. Je ne comprends donc toujours pas pourquoi vous n’accédez pas à ma demande, qui me semble d’une banalité et d’une évidence déconcertantes.
(Les amendements nos 693 et 700, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Aurélien Pradié, pour soutenir l’amendement no 664. C’est le dernier d’une longue série. Parmi les dispositifs que nous avons renforcés à travers la proposition de loi figure celui qui permet au juge aux affaires familiales de proposer un accompagnement sanitaire et psychologique à l’auteur des violences : sanitaire, parce que l’on sait que, dans 12 % des cas, les auteurs de violences sont sujets à des addictions à l’égard de l’alcool ou de stupéfiants divers et variés ; psychologique, parce que l’on sait aussi qu’il faut intervenir, dès le départ, sur l’auteur des violences autant que sur les victimes.
Si l’auteur des violences refuse les soins, c’est le juge pénal qui pourra les lui imposer ; auquel cas on entre dans le schéma de l’obligation de soins. Or les moyens dévolus à cette obligation, fondus dans un programme assez vaste, n’augmentent pas par rapport à l’an dernier. Le présent amendement vise donc à les rehausser de 12 %, notamment pour assurer une traduction budgétaire des objectifs fixés par la proposition de loi.
Là encore, je ne fais que me caler sur ce dernier texte, que nous avons adopté à l’unanimité. Il n’y a donc pas sujet à polémique : lorsque notre assemblée vote des dispositions législatives, la moindre des choses est de voter aussi, quelques jours après qu’elle l’eut fait, les moyens budgétaires qui leur correspondent.
Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement n’ayant pas non plus été débattu en commission, je m’exprimerai, une fois encore, à titre personnel.
Très clairement, l’amendement de notre collègue Pradié est en cohérence avec la proposition de loi adoptée par notre assemblée il y a deux semaines, la somme considérée, 432 000 euros, ne posant par ailleurs guère de problèmes budgétaires ; c’est pourquoi j’y suis personnellement favorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Il est certain que des obligations de soins peuvent être prononcées dans des cadres différents, notamment lors d’un suivi sociojudiciaire. Pour financer ces mesures, nous disposons d’une enveloppe, suffisamment large, dévolue aux frais de justice. Je ne vois donc pas pourquoi il nous faudrait dissocier ces frais en les inscrivant sur des lignes différentes : ils sont tous inclus dans le programme dédié, lequel répond par ailleurs aux obligations visées par votre proposition de loi, monsieur Pradié. Avis défavorable.
(L’amendement no 664 n’est pas adopté.) La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l’amendement no 125. Cet amendement s’inscrit dans le sillage d’un de ceux que j’avais déposés sur la proposition de loi de M. Pradié : il visait tout simplement à empêcher l’auteur présumé de violences de faire traîner la délivrance d’une ordonnance de protection, par exemple en n’allant pas retirer sa convocation à l’audience à laquelle il est prié d’assister par le juge aux affaires familiales. Celui-ci, en effet, dispose de moyens divers pour adresser cette convocation – voie administrative, lettre recommandée avec accusé de réception que l’on n’est pas obligé d’aller retirer et, parfois, huissier.
L’amendement vise donc à permettre au JAF de convoquer systématiquement à l’audience, par voie d’huissier, l’auteur présumé des violences, en vue de délivrer l’ordonnance de protection.
Le montant de cette mesure, tout à fait pharaonique, s’élève à 50 000 euros, à rapporter aux 9,4 milliards de la mission et aux 500 millions du programme concerné. Cette mesure produirait des effets bien plus grands que ne le laisse supposer son coût, somme toute modique, puisqu’elle permettrait d’éviter de trop grandes pertes de temps dans des situations qui, sans forcément aller jusqu’aux drames que nous avons tous en tête, augmentent la pression sur les victimes et leurs enfants, et nuisent à la bonne administration de la justice.
Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement vise à réduire les délais nécessaires à la remise des convocations adressées par le juge aux affaires familiales en vue de l’organisation d’une audience préalable à la délivrance d’une ordonnance de protection pour une personne affirmant être victime de violences.
À cette fin, l’amendement tend à financer la remise de cette convocation par voie d’huissier aux auteurs présumés de violences. Le financement de cette mesure donnerait lieu, comme M. Dunoyer vient de le préciser, à l’abondement des crédits du programme 166 par une somme de 50 000 euros, transférée depuis les crédits du programme 310.
La commission des finances a cru bon de repousser cet amendement. Toutefois, à titre personnel, j’y ai souscrit car il concerne un vrai sujet et n’a guère d’impact budgétaire : c’est plutôt un amendement d’appel à l’adresse du Gouvernement, pour lui demander de traiter le problème, comme l’ont souligné plusieurs collègues en commission, et comme vient encore de le rappeler M. Dunoyer.
Rapporteur spécial de la commission des finances, je me permets d’interpeller le Gouvernement à mon tour, car nous n’avons pas bien compris les motifs du rejet de l’amendement en commission : son adoption nous aurait permis de demander au Gouvernement qu’il nous explique comment améliorer les choses.
Quel est l’avis du Gouvernement ? M. le rapporteur spécial a raison, la question n’est pas budgétaire. Mon avis défavorable tient simplement à la nécessité de conserver des voies de convocation différentes.
Tout d’abord, monsieur Dunoyer, votre proposition ne concerne que les saisies de la juridiction par voie de requête, lesquelles ne représentent que six cas sur dix. Dans quatre cas sur dix, en effet, la convocation se fait déjà sous la forme d’une assignation par voie d’huissier – et dès lors, la question ne se pose plus.
Il est selon nous nécessaire de maintenir la convocation par requête, car c’est la solution la plus simple pour le justiciable, qui peut remplir le document avant de le déposer au greffe. Certaines juridictions, comme celle de Créteil, passent de manière assez systématique par voie d’huissier ; d’où l’intérêt de votre amendement.
Toutefois, rendre obligatoire la convocation par huissier exclurait de facto la possibilité d’une convocation par voie administrative. Or cette voie permet aux services d’enquête de remettre la convocation en mains propres ; utilisée en cas de danger imminent pour la sécurité de la personne concernée, elle est aussi très rapide puisque la convocation peut alors être délivrée dans la journée.
Il convient donc de réfléchir un peu plus avant à la proposition que vous faites : si elle vise à la rapidité, j’en conviens, elle ne doit pas, à mon sens, mettre fin à la convocation par voie administrative. À ce stade, l’avis est donc défavorable.
La parole est à M. Antoine Savignat. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais je n’ai pas bien compris votre explication. La saisine peut se faire par requête ou par assignation, c’est entendu ; mais l’amendement, si je l’ai bien lu, vise la convocation de l’auteur présumé des faits. À cette fin, il prévoit une prise en charge par le budget de la justice, pour un montant epsilonesque. Cela paraît assez logique puisque, aux termes de la proposition de loi que nous avons adoptée, l’ordonnance de protection doit être délivrée dans un délai de six jours. Il est évident que, dans ce délai, la victime ne pourra obtenir ni une décision du bureau d’aide juridictionnelle, ni le concours d’un huissier, pour obliger l’auteur des faits à répondre à sa convocation.
La convocation peut être faite par voie administrative, j’entends bien ; mais quand tel n’est pas le cas, pourquoi se priver de la possibilité ici envisagée, laquelle, en rendant le système plus efficace et plus rapide, permettrait du même coup de soulager la victime ? Cette mesure me semble relever du bon sens ; elle rendrait tout simplement efficientes les dispositions que nous avons récemment votées.
La parole est à M. Philippe Dunoyer. Merci pour vos explications, madame la garde des sceaux. Lors de l’examen de la proposition de loi, l’un de mes amendements avait été rejeté au motif qu’il grevait le budget. J’ai donc attendu le projet de loi de finances pour proposer cet abondement de 50 000 euros, en le soutenant par d’autres arguments, qui tiennent davantage à des motifs juridiques ou d’organisation.
Puisque nous n’avons pas modifié le code civil en la matière, les différentes voies de convocation, je le rappelle, subsistent. La mesure que je propose ne serait qu’une liberté supplémentaire offerte au juge en fonction des situations – et assortie des moyens budgétaires correspondants –, l’enveloppe de 50 000 euros représentant, selon des estimations qu’il nous faut affiner, de 2 000 à 2 200 convocations par an.
Rien n’interdit au juge d’utiliser, en fonction des circonstances, une autre voie de convocation. C’est une réponse a posteriori à l’objection budgétaire qu’on m’avait apportée en discussion juridique. Je le regrette et je maintiens l’amendement.
La parole est à M. le rapporteur spécial. En effet, madame la ministre, dans le cadre du débat budgétaire, on ne fait que flécher des sommes sans rien changer juridiquement. Les différentes voies de convocation restent toujours possibles : M. Dunoyer n’en fait pas une obligation, il souhaite simplement mettre l’accent sur la possibilité d’accélérer les procédures. L’argument consistant à dire qu’on ne veut pas en faire une voie exclusive ne tient pas dans le débat budgétaire. C’est pourquoi j’insiste une nouvelle fois sur la pertinence de l’amendement.
(L’amendement no 125 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 736. C’est à nouveau un amendement d’appel. Le budget 2020 prévoit de créer soixante-dix emplois de juges des enfants et cent postes de greffiers dans les tribunaux pour enfants. Cependant cet effort restera vain s’il n’est pas accompagné d’une augmentation des postes de fonctionnaires. Ainsi, à Béziers, la situation est tendue car le TGI est actuellement obligé de supprimer une audience par mois faute de fonctionnaires pour assister le juge des enfants. Il est urgent d’apporter des solutions concrètes à ce problème pour rendre notre système judiciaire accessible à tous et opérationnel. C’est particulièrement crucial en matière de justice des mineurs pour lesquels il est si important d’être présenté rapidement à un juge. Quel est l’avis de la commission ? Je n’ai rien à ajouter aux arguments qui viennent d’être présentés. Il s’agit d’un transfert de crédits à partir du budget de l’administration centrale du ministère de la justice. Nous en avons déjà débattu tout à l’heure ; je laisse donc le Gouvernement répondre. En tant que rapporteur, l’amendement n’ayant pas été débattu en commission, j’émets un avis de sagesse. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, j’ai déjà eu l’occasion de vous dire que pour accompagner le travail sur la prise en charge de l’enfance délinquante, le budget pour 2020 prévoit la création d’emplois supplémentaires : des magistrats, des greffiers, des postes à la protection judiciaire de la jeunesse. Ainsi, nous serons bien armés pour mener à bien la réforme, accélérer le traitement des dossiers et mieux répondre aux difficultés que rencontrent les tribunaux.
Par ailleurs, à ma connaissance, au moment où nous parlons, sur les soixante-six postes de fonctionnaires du tribunal de Béziers, seuls deux sont vacants – soit moins de 3 % de vacance d’emploi. Nous allons évidemment veiller à les pourvoir dans les meilleurs délais. Avis défavorable.
(L’amendement no 736 n’est pas adopté.) Je suis saisie de quatre amendements, nos 713, 936, 715 et 935, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 713.
Il porte sur les moyens pour l’accès au droit et à la justice, en diminution de 4 % par rapport à 2019. Les ressources extrabudgétaires de l’aide juridique, REBAJ, d’un montant total de 83 millions d’euros, étaient affectées au Conseil national des barreaux, CNB, afin d’être répartis entre les avocats ; désormais, elles seront affectées au budget de l’État, mais l’aide juridictionnelle ne recevra que 60,6 millions.
Par souci de transparence, je tiens à préciser que l’amendement nous est proposé par le Conseil national des barreaux, mais j’en apprécie la pertinence. En effet, l’aide juridictionnelle permet l’accès au droit ; quand on en connaît le plafond, on se rend compte que le dispositif n’est pas particulièrement généreux et ne garantit pas l’accès des plus précaires au droit. Nous devons veiller à ce que le budget de l’aide juridictionnelle soit au moins égal à celui de 2019, avec l’espoir de parvenir, dans la suite de la programmation budgétaire, à une augmentation de ces crédits indispensables pour garantir l’accès au droit des populations en difficulté financière.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 936. Madame la garde des sceaux, alors que vous aviez annoncé une réforme de l’aide juridictionnelle et que nous y avions travaillé avec ma collègue Naïma Moutchou, un véritable tour de passe-passe est réalisé. Jusqu’à présent, les REBAJ étaient affectées au CNB et représentaient 83 millions d’euros. Désormais, elles se retrouvent dans le budget de l’État et comme tout ce qui se retrouve dans le budget de l’État, elles passent à travers un tamis – dont les mailles sont assez serrées puisqu’elles laissent au passage, excusez du peu, 22,4 millions d’euros.
D’une part, une diminution de 13,4 millions anticipe une baisse importante de la dépense d’aide juridictionnelle, alors même que tous les professionnels, au-delà de quelques statistiques, disent que cela n’est pas près d’arriver. C’est d’autant plus improbable que nous souhaitons, grâce à la réforme que vous appeliez de vos vœux au printemps dernier, élargir la possibilité de bénéficier d’une aide juridictionnelle, qui permet l’accès à la justice du plus grand nombre, notamment des plus modestes.
Bravo ! D’autre part, 9 millions de droits de timbre se baladent sur un compte d’attente depuis maintenant cinq ans – cela commence à être long !
Nous souhaitons que le financement de l’aide juridictionnelle, plutôt que de subir une baisse importante, reste au moins égal à son niveau de 2019. Le présent amendement nous permet également de dénoncer le tour de passe-passe qui consiste à faire passer les REBAJ du CNB vers le budget de l’État.
Veuillez conclure. À défaut d’empêcher ce nouveau rattachement, restons-en au moins aux 83 millions. « Rendez-nous l’argent », aurais-je – comme d’autres – tendance à vous dire ! La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement no 715. Ma collègue a déjà souligné l’intérêt de maintenir le niveau des crédits de l’aide juridictionnelle. Le présent amendement propose de les abonder de 2,5 millions d’euros. En effet, les ressources jusque-là extrabudgétaires passent dans le budget de l’État, ce qui implique la constitution d’une réserve de précaution de 3 %, soit 2,5 millions – la somme même que l’amendement propose de réaffecter à l’aide juridictionnelle. Pour ne pas la prélever sur le programme 101 « Accès au droit et à la justice », nous espérons une levée du gage. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 935. Après le premier tour de passe-passe que nous venons de dénoncer – le passage des ressources de l’aide juridictionnelle de 83 à 60,4 millions, soit une perte de plus de 20 millions –, les REBAJ, désormais affectées au budget de l’État, subissent les foudres de la loi organique relative aux lois de finances qui oblige à mettre 3 % du budget de côté. Cela explique que 2,5 millions supplémentaires passent à la trappe ; au total, le budget de l’aide juridictionnelle est amputé de près de 25 millions dans le budget 2020. Par le présent amendement, nous souhaitons compenser au moins ces 2,5 millions de la réserve de précaution prévue à l’article 51 de la LOLF. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune ? Tous portent sur l’aide juridictionnelle, qui relève du programme 101. Les crédits de cette action passent d’un peu plus de 423 millions d’euros à 484 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. D’après le programme annuel de performances, ce dernier montant ne correspond pas à l’intégralité des ressources prévisionnelles. Il faut y ajouter un reliquat de 9 millions d’euros non versé au Conseil national des barreaux pour des raisons techniques et placé pour le moment sur un compte d’attente. Compte tenu de ces éléments, la dépense prévisionnelle est évaluée à 493,3 millions d’euros, en baisse de 13,4 millions par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2019. Il appartient à la ministre de la justice d’expliquer l’écart identifié par les auteurs des amendements nos 713 et 936. Ils n’ont pas été examinés par la commission des finances, mais de mon point de vue, on peut débattre d’un nouvel abondement du programme 101 ; il faut que le Gouvernement s’exprime sur cette question qui fait l’objet d’alertes de la part des professionnels. Très bien ! Quant aux amendements nos 715 et 935, ils montrent bien qu’à partir du moment où le dispositif passe dans le budget de l’État, la LOLF s’applique et le tamis qu’évoquait M. Gosselin retient 2,5 millions d’euros qui sont autant de moins pour le CNB. Ces deux amendements poursuivent le même but que les deux précédents ; les arguments sont les mêmes, mais il s’agit cette fois de traiter au moins la question de la réserve de précaution, en lien avec l’évolution juridique. Je vais laisser le Gouvernement répondre. Les amendements en discussion commune n’ont pas été débattus en commission ; à titre personnel, j’émets un avis de sagesse. Sur l’ensemble des amendements ? Oui. C’est un homme très sage ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Je serai un peu moins sage que M. le rapporteur spécial. Vous l’avez tous observé, mais je l’avais également souligné en commission : les crédits de l’aide juridictionnelle pour 2020 font l’objet d’une rebudgétisation qui concerne 83 millions d’euros de ressources affectées, mais ils n’augmentent que de 60,6 millions – et non de 60,4 millions. Les amendements en discussion commune visent à les abonder tout d’abord de 22,4 millions, pour qu’ils augmentent à due concurrence de la rebudgétisation, puis de 2,5 millions, pour tenir compte de la réserve de précaution.
Je rappelle que la rebudgétisation des taxes affectées répond à un souci de transparence : les crédits alloués à l’aide juridictionnelle seront désormais regroupés sous le budget du ministère de la justice. Comme je vous l’avais expliqué en commission, les crédits n’augmenteront en 2020 que de 60,6 millions d’euros par rapport à 2019, pour des raisons techniques. Cela ne signifie en rien une diminution de l’effort en faveur de l’aide juridictionnelle, mais résulte de deux paramètres qu’il convient de souligner.
D’une part, comme vous l’avez observé, le produit de la contribution pour l’aide juridique fait l’objet d’un apurement. Bloqué sur un compte d’attente, il sera réalisé d’ici la fin de l’année, apportant à l’aide juridictionnelle 9 millions de ressources supplémentaires.
D’autre part, nous avons constaté que la dépense, en 2018, n’avait été que de 464 millions d’euros, et pour tenir compte de l’évolution tendancielle de la dépense, nous avons réduit les crédits d’une vingtaine de millions.
Il n’en demeure pas moins qu’une enveloppe de 4,5 millions d’euros est prévue pour financer l’extension de la représentation obligatoire, et une autre de 5 millions d’euros pour développer la contractualisation avec les barreaux et financer notamment l’expérimentation de structures dédiées à la défense des personnes qui obtiennent l’aide juridictionnelle.
Il ne nous apparaît donc pas utile d’augmenter les crédits de 22 millions d’euros. Cela n’aurait pas d’effet sur les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. De même, il n’est pas nécessaire d’ajouter les crédits de la réserve de précaution parce que la dotation prévue en 2020 correspond à notre estimation du montant des dépenses. Si cela apparaissait nécessaire, nous pourrions ajuster ces crédits à la hausse en gestion. Voilà la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
La parole est à M. Philippe Gosselin. Je maintiens qu’il y a tout de même bien une baisse d’environ 25 millions d’euros. Je mets à part, effectivement, les 9 millions placés sur le compte d’attente – c’est un sujet un peu particulier, qui ne pose pas de difficulté. Pour le reste, je conteste votre évaluation de l’évolution des besoins de l’aide juridictionnelle. Elle est en contradiction avec la politique volontariste que nous souhaitons conduire. En outre, alors que des mesures en ce sens devaient être annoncées dans ce projet de budget, cette évaluation ne prend pas du tout en compte une éventuelle réévaluation des plafonds d’attribution de l’aide juridictionnelle.
Certes, les unités de valeur ont été réévaluées, il y a quelques années, au profit des avocats, mais il faudrait le faire de façon régulière. Il y avait ici la possibilité d’y procéder honnêtement, alors que nombre d’avocats, vous le savez très bien, travaillent en réalité à perte et, pour certains d’entre eux, rencontrent de grandes difficultés financières, notamment lorsqu’ils sont commis d’office.
Eh oui ! Il ne s’agit pas pour moi de défendre la corporation, mais de dire clairement que ces auxiliaires de justice assument à leur compte des missions de service public qui devraient être prises en charge par le budget de l’État. Nous avions ici, avec ces 25 millions, la possibilité de le faire. C’est pourquoi je trouve votre refus très regrettable. La parole est à Mme Cécile Untermaier. Je poursuivrai dans le sens des propos de M. Gosselin. C’est bien la première fois que j’entends dire que les crédits de l’aide juridictionnelle vont en définitive suffire à satisfaire les besoins. Le Conseil national des barreaux va apprécier ! Nous avons milité fortement, ces dernières années, pour que l’unité de valeur soit majorée, et elle l’a été, mais il fallait bien sûr poursuivre ce travail. Quand on connaît la situation des avocats commis d’office, d’une part, et d’autre part les difficultés des nombreuses personnes en situation précaire qui nous disent, dans nos permanences, qu’elles n’iront pas au tribunal parce qu’elles n’ont pas les moyens de se payer un avocat ; quand on connaît les plafonds actuels au-delà desquels on ne peut plus bénéficier à 100 % de l’aide juridictionnelle, on ne peut pas dire que l’on peut impunément diminuer ses crédits de plus de 20 millions d’euros… Vingt-cinq millions ! C’est une erreur. L’accès au droit pose un vrai problème. On se pose la question du premier ressort, pas celle de l’appel, parce que les justiciables en situation précaire n’osent pas aller en appel, et encore moins solliciter un avocat près le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Quand on parle de justice, on doit vraiment se poser la question de l’accès au droit. C’est pourquoi je considère que vous commettez une erreur majeure en diminuant les crédits du programme 101.
(Les amendements nos 713, 936, 715 et 935, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 310. Il vise à augmenter les crédits affectés à la protection judiciaire de la jeunesse. Le Gouvernement met en valeur une augmentation de plus de 2,3 %, mais on peut se demander si elle est suffisante, compte tenu de la constante augmentation du nombre de poursuites engagées contre des mineurs, non seulement devant le juge des enfants, mais aussi devant le juge d’instruction, ce qui est le signe d’une évolution vers des actes plus graves. En effet, si les actes qu’ils commettent sont plus nombreux et plus graves, l’accompagnement des mineurs doit être renforcé en proportion.
Dans ce domaine, la création de vingt centres éducatifs fermés supplémentaires ne peut suffire à qualifier d’ambitieuse la politique de protection de la jeunesse. Les parcours individualisés de réinsertion ne sont une solution que si le taux d’encadrement des jeunes est suffisant pour permettre un traitement individualisé par des professionnels d’éducation, d’enseignement, d’orientation, notamment.
Quel est l’avis de la commission ? Le renforcement des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse – PJJ – constitue évidemment un objectif sur lequel nous ne pouvons que nous accorder, et M. David et les cosignataires de l’amendement ont raison d’insister sur ce point.
En revanche – je m’exprime ici encore à titre personnel, puisque nous n’en avons pas débattu en commission –, l’amélioration du pilotage du ministère de la justice constitue évidemment aussi une nécessité. Vous savez que je ne suis pas toujours d’accord avec les orientations du Gouvernement, mais le présent projet de loi de finances prévoit un renforcement des crédits de la PJJ, avec notamment la création de quatre-vingt-quatorze emplois nouveaux en vue de l’application de la réforme de l’ordonnance de 1945.
Il me semblerait donc raisonnable d’évaluer d’abord l’exécution de la programmation pour 2020, afin de pouvoir émettre, pour 2021, un avis budgétaire en fonction de ce qui se sera effectivement passé l’année prochaine. J’aurais donc tendance, sur cet amendement, à procrastiner, mais cela n’engage que votre rapporteur spécial. Avis réservé, par conséquent, mais, là aussi, avis de sagesse.
Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ai déjà répondu tout à l’heure à ce sujet, sur lequel je suis en accord avec M. le rapporteur. Pour accompagner la réforme de l’ordonnance de 1945, donc la politique en faveur des jeunes, nous avons prévu, dans le budget pour 2020, des moyens supplémentaires pour la protection judiciaire de la jeunesse : quatre-vingt-quatorze éducateurs et des crédits supplémentaires qui se monteront à 10,5 millions d’euros, hors masse salariale. Ces crédits seront essentiellement fléchés vers le suivi en milieu ouvert.
Quant aux centres éducatifs fermés, la poursuite de cette politique ne m’empêche pas de souhaiter une diversification des mesures relatives à la justice des mineurs. Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.
La parole est à M. Antoine Savignat. J’exprimerai seulement un léger regret, madame la ministre : pour la réforme de la justice des mineurs, l’ordonnance a été prise, mais elle n’entrera en vigueur qu’après le débat sur sa ratification qui aura lieu dans cette assemblée. Or vous nous indiquez que, dans le budget pour 2020, des moyens ont déjà été prévus pour son application. À l’inverse, et bien que la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille ait été adoptée – même si le texte fera l’objet d’une seconde lecture –, vous n’avez pas été en mesure de nous expliquer où l’on trouverait les moyens de sa mise en œuvre. C’est un peu dommage, et je voulais vous exprimer ce regret au nom de mon groupe. La parole est à Mme Cécile Untermaier. Pour répondre à l’avis réservé, ou de sagesse, du rapporteur spécial, la procrastination qu’il appelle de ses vœux pour cet exercice a en fait déjà été appliquée. Il suffit de rencontrer des représentants de la protection de la jeunesse pour se rendre compte qu’ils sont d’ores et déjà en situation de déficit d’effectifs chronique. Il est inutile d’attendre l’achèvement de la réforme de l’ordonnance de 1945 pour mesurer les efforts qui doivent être faits en faveur de la réinsertion des mineurs.
(L’amendement no 310 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement no 443. Cet amendement d’appel vise à solliciter l’organisation d’assises nationales de la médecine légale et à obtenir des précisions sur la réforme évoquée dans le bleu budgétaire.
Le manque de praticiens est un fait, notamment dans les outre-mer. Pendant plusieurs années, et jusqu’en août 2019, un seul médecin légiste a ainsi exercé pour les deux territoires de la Martinique et de la Guadeloupe. C’est particulièrement insupportable pour les victimes, les familles et l’autorité judiciaire.
L’objet de cet amendement est donc de réintégrer pleinement la médecine légale dans l’organisation du système de santé, sans la soustraire pour autant à l’orbite judiciaire dont elle relève légalement.
Quel est l’avis de la commission ? Comme vient de l’indiquer M. Bricout, c’est un amendement d’appel puisque, budgétairement, nous parlons de 10 000 euros. La question de fond est celle du devenir de la médecine légale en France, et c’est effectivement un sujet préoccupant. M. Bricout a donc parfaitement raison, avec ses collègues, de poser la question, sur laquelle il serait important que le Gouvernement s’exprime. J’émets pour ma part un avis de sagesse, à titre personnel puisque l’amendement n’a pas été débattu en commission. Quel est l’avis du Gouvernement ? Si je ne suis pas favorable à l’amendement au sens budgétaire, parce que je n’en mesure pas bien, à ce stade, la pertinence, je dois en revanche vous indiquer que je suis absolument favorable à une révision du schéma directeur de la médecine légale.
Il faut évidemment que j’en parle avec ma collègue Agnès Buzyn, qui en est responsable, mais cette révision est tout à fait indispensable. Tel qu’il est conçu, le schéma ne répond pas à la réalité des besoins, notamment à celui de la proximité indispensable pour la prise en charge des victimes.
J’étais ce matin même à l’unité de médecine légale de Dax, et je mesure à quel point ce qui est expérimenté à Dax, ou à Bayonne, ou ailleurs encore, répond à de véritables besoins. Il n’est pas besoin d’inscrire 10 000 euros de crédits supplémentaires pour que nous nous engagions dans une véritable réforme, qui me semble indispensable. Mon avis est donc défavorable sur la forme, mais profondément favorable sur le fond.
(L’amendement no 443 n’est pas adopté.) Je suis saisie de deux amendements, nos 534 et 535, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour les soutenir.
Ces amendements de M. Reda concernent les psychologues judiciaires experts qui, vous le savez, jouent un rôle clé dans notre système judiciaire puisque les magistrats leur confient des missions d’évaluation psychologique. L’amendement no 534 propose le recrutement de nouveaux psychologues judiciaires experts pour les affaires civiles, et le no 535 pour les affaires pénales. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ? Ils peuvent être considérés comme des amendements d’appel puisqu’ils visent à interroger le Gouvernement sur le financement du recrutement de psychologues judiciaires experts supplémentaires, lequel relève aujourd’hui des frais de justice.
J’émets un avis de sagesse sur ces amendements qui soulèvent une question légitime.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ne peux que partager l’objectif de recourir à davantage d’experts psychologues dans le cadre des enquêtes pénales. L’élargissement du champ du recours à des experts psychologues rend en effet parfois difficile la conduite des enquêtes en matière d’infractions sexuelles.
Toutefois, le choix de confier une mesure d’instruction à un expert relève, tant au civil qu’au pénal, de la liberté du magistrat ou de la juridiction chargée du dossier. Aussi, outre le fait que le montant indiqué dans l’amendement ne correspond aucunement au coût, charges comprises, d’un salaire annuel de psychologue, un tel recrutement d’experts, qui deviendrait en quelque sorte des agents publics du ministère, est sujet à discussion car il interroge le positionnement de ces personnes, en particulier leur indépendance et leur impartialité.
La proposition, au demeurant intéressante, n’est pas suffisamment documentée à ce stade et mérite d’être approfondie par les services du ministère afin d’être compatible avec notre politique. Mon avis est donc défavorable.
(Les amendements nos 534 et 535, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) Je suis saisie de deux amendements, nos 537 et 538, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour les soutenir.
Ces deux amendements d’appel ont pour objet de systématiser le recueil d’éléments de personnalité sur la situation des prévenus dans toutes les procédures devant les tribunaux correctionnels afin d’éclairer au mieux le magistrat. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ? Ces amendements ont le mérite de la cohérence. Je laisse au Gouvernement le soin de répondre aux questions qu’ils posent. J’émets un avis favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? La loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice a étendu les hypothèses de recueil obligatoire de renseignements sur la personnalité des prévenus afin de permettre aux juridictions de jugement de prononcer une peine mieux adaptée. Il s’agit d’un élément important de la nouvelle politique des peines qui entrera en vigueur à partir de mars prochain. Les moyens opérationnels nécessaires à cette nouvelle ambition sont déjà en place, notamment grâce à la création d’emplois dans les services d’insertion et de probation dont j’ai eu l’occasion de parler précédemment.
J’émets donc un avis défavorable aux amendements, qui me semblent déjà largement satisfaits.
(Les amendements nos 537 et 538, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les crédits de la mission « Justice » sont adoptés.)
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 76. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 1092. Dans le cadre d’une expérimentation d’une durée de trois ans, l’article 31 de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique autorise le juge des enfants à prononcer cumulativement le placement d’un mineur à l’aide sociale à l’enfance et une mesure d’action éducative en milieu ouvert exercée par le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, dérogeant ainsi à l’article 375-4 du code civil.
Le bilan de cette expérimentation est jugé positif. Cette double mesure permet notamment une prise en charge renforcée des mineurs dans les situations les plus complexes, notamment pour ceux qui reviennent de zones de conflits et sont particulièrement vulnérables du fait des traumatismes subis. Elle permet également de soutenir les services départementaux dans la prise en charge des enfants très perturbés.
En outre, l’attribution de ces mesures d’assistance éducative en milieu ouvert au secteur public de la PJJ assure leur financement par l’État et d’éviter toute charge supplémentaire pour les conseils départementaux.
L’amendement vise à pérenniser le pouvoir donné au juge d’ordonner cette double mesure très utile et à assurer la continuité des prises en charge déjà décidées.
Quel est l’avis de la commission ? Tout d’abord, une remarque sur la méthode : si le Gouvernement peut à tout moment déposer des amendements, il est regrettable que la commission n’ait pas pu débattre d’un tel sujet.
L’amendement vise à préserver la possibilité pour le juge des enfants de prononcer cumulativement le placement d’un mineur à l’aide sociale à l’enfance et l’application d’une mesure d’action éducative en milieu ouvert au sein du secteur public de la PJJ. À cette fin, il complète l’article 375-4 du code civil. Ces dispositions s’appliquent aujourd’hui dans le cadre d’une expérimentation qui prendra fin en février 2020. Je m’étonne que la chancellerie découvre incidemment ce problème.
Après avoir entendu les arguments du Gouvernement et lu l’exposé sommaire, il apparaît que le sujet ne doit pas être négligé. Compte tenu de l’intérêt de cette procédure et de son coût très limité pour la mission « Justice », j’émets, à titre personnel, un avis favorable.
(L’amendement no 1092 est adopté.) La parole est à M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement no 728. Je présente au nom de la commission des finances cet amendement qui est également cosigné par Dimitri Houbron, et qui tend à prolonger d’une année l’expérimentation relative à la tentative de médiation familiale préalable obligatoire – Mme la garde des sceaux s’est exprimée sur ce sujet il y a quelques instants. Je crois m’exprimer également au nom de M. le rapporteur pour avis en disant à quel point la prolongation de ce dispositif nous semble pertinente, car c’est un sujet consensuel, y compris entre les deux commissions… Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis très favorable. Je me réjouis de cet avis sur un amendement qui fait consensus entre les deux rapporteurs ! (Sourires.)
(L’amendement no 728 est adopté.) La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l’amendement no 849. Il est un dispositif qui est au cœur de la justice et qui en est une préoccupation constante : l’aide juridictionnelle. Elle garantit l’accès de tous les citoyens à la justice. Nous y sommes tous très attachés. C’est un bon dispositif, mais plus de trente après sa création, il est victime de son succès : un million de bénéficiaires et un budget d’un demi-milliard d’euros. Je ne critique évidemment pas cette évolution, surtout si elle est le signe d’une meilleure protection des droits et libertés dans notre pays. Mais je constate qu’elle se traduit par un engorgement des bureaux d’aide juridictionnelle et par un allongement des délais de traitement, donc des procédures, au détriment du justiciable.
La réforme de l’aide juridictionnelle est donc une exigence démocratique si l’on veut améliorer l’accès à la justice et n’exclure personne. C’est ce à quoi Philippe Gosselin et moi avons travaillé dans le cadre d’une mission d’information. Nous avons remis un rapport en juillet dernier qui est, si je peux me permettre, non pas un énième rapport sur le sujet, mais un ensemble de trente-cinq mesures très opérationnelles visant à faciliter l’accès à l’aide juridictionnelle, à la revaloriser au bénéfice des justiciables comme des auxiliaires de justice, et à en assurer le financement.
Tel est, en partie, l’objet de l’amendement que nous présentons. En effet, il reprend certaines de nos propositions afin de moderniser et adapter le dispositif à toutes les évolutions qu’il a connues.
Il vise notamment à introduire la notion de revenu fiscal de référence pour uniformiser l’appréciation de la condition de ressources ; à lancer l’instruction dématérialisée de la demande d’aide juridictionnelle, dans le prolongement du volet numérique de la loi de programmation ; à assouplir l’organisation des bureaux d’aide juridictionnelle en ayant le souci constant de maintenir un lieu de proximité dans chaque tribunal ; à améliorer le recouvrement des dépenses de l’État.
Ces mesures sont de nature à nous aider à atteindre notre objectif d’une justice plus inclusive. Le projet de loi de finances est l’occasion d’avancer sur le sujet.
(M. Jean Terlier applaudit.) Quel est l’avis de la commission ? Je partage la nécessité d’une réforme d’ampleur du dispositif créé par la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Les arguments avancés dans l’exposé sommaire et dans le rapport coécrit par M. Gosselin et Mme Moutchou sont très convaincants. Toutefois, le projet de loi de finances ne me semble pas le cadre approprié dans la mesure où le sujet mérite un débat approfondi et dépasse les seules questions financières.
J’émets donc un avis réservé.