XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Deuxième séance du jeudi 29 octobre 2020

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du jeudi 29 octobre 2020

Présidence de Mme Laetitia Saint-Paul
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Projet de loi de finances pour 2021

    Seconde partie (suite)

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (nos 3360, 3399).

    Action extérieure de l’État

    Mme la présidente

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    Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’action extérieure de l’État (no 3399, annexes 1 et 2 ; no 3400, tome II ; no 3403, tomes I et II).
    La parole est à M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Nos diplomates sont, partout, les ambassadeurs et les vigies des valeurs de la France. À ce titre, ils sont des cibles, comme l’attaque au couteau à l’entrée du consulat général de France à Djeddah, en Arabie Saoudite, nous l’a rappelé ce matin même. Nous gardons dans nos pensées et dans nos cœurs la personne qui a été victime de cet odieux attentat.
    Depuis le début de la législature, à chaque examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », nous avons mesuré, monsieur le ministre, votre détermination à donner à nos services diplomatiques et consulaires des moyens à la hauteur des enjeux. Cette volonté se révèle payante dans la durée, puisque les crédits de la mission connaîtront en 2021 une hausse de 66 millions d’euros, soit 2,3 %. C’est là un fait inédit, car il ne s’agit pas une mesure de périmètre : vous dégagez de nouveaux moyens en soutien à l’action diplomatique et consulaire.
    Ce soutien est mérité – chacun a pu constater à quel point dès le printemps, au pic de la pandémie, période pendant laquelle la mobilisation, la solidité et l’adaptabilité de nos services ont attesté du bon dimensionnement de notre réseau de 160 ambassades et de 89 consulats généraux. Cette efficacité a distingué la France de bon nombre de ses homologues. Les personnels du Quai d’Orsay ont fait la preuve de leur entière mobilisation en facilitant le retour de plus de 370 000 Français de passage à l’étranger, dont près de 12 500 dans des vols affrétés directement par le centre de crise et de soutien du ministère, allant jusqu’à faciliter leur pré-acheminement vers les aéroports dans des conditions parfois ahurissantes, depuis les îlots des Philippines jusqu’aux confins des Andes. Depuis lors, les agents du ministère continuent d’assurer la permanence de l’appui à nos compatriotes, en leur fournissant un soutien sanitaire – doublé si nécessaire d’un soutien social – ou en déployant l’important plan pour l’enseignement français à l’étranger que nous avons adopté dans la troisième loi de finances rectificative – LFR – pour 2020.
    De la même façon, nos diplomates en poste en administration centrale et dans les organisations internationales œuvrent sans relâche depuis des années pour défendre les intérêts de la France tout en soutenant le multilatéralisme. Cette mission est plus que jamais essentielle alors que la pandémie actuelle révèle la brutalisation du monde – certains voulant en faire un nouveau ferment de divisions internationales, quand elle appelle à l’évidence une réponse concertée.
    Tous ces constats imposent, plus que jamais, de doter notre outil diplomatique et consulaire de moyens d’agir. Le budget pour 2021 apporte ces moyens. C’est pourquoi la commission des finances en a adopté les crédits sans y apporter de modifications : grâce à votre investissement jamais démenti depuis 2017, vous êtes parvenu à un bon équilibre.
    Alors que le Quai d’Orsay a diminué ses effectifs de 10 % depuis 2007, il bénéficie cette année d’un schéma d’emplois stable. Il engrange ainsi tous les gains d’efficience permis par le pilotage ministériel des réseaux de l’État à l’étranger, tout en étant dispensé de supprimer les quatre-vingt-cinq emplois prévus dans le cadre du programme Action publique 2022, ce qui protège le réseau de la rupture. Par ailleurs, le centre téléphonique et numérique de contact consulaire, installé à Nantes, soulagera les consulats en leur réservant les seules demandes exigeant un suivi de terrain et une expertise locale.
    On sait également que l’entretien lourd de l’immobilier à l’étranger était structurellement sous-financé par le caractère aléatoire des produits de cessions immobilières. Le budget pour 2021 y consacrera 24 millions d’euros supplémentaires. Cette hausse de 139 % permettra de financer des chantiers qui n’ont rien d’opérations de prestige, même s’ils concernent parfois des lieux prestigieux.
    Le ministère peut également opérer un réinvestissement salutaire dans le financement des organisations internationales, avec 17 millions d’euros de contributions volontaires dans les domaines de la non-prolifération des armes nucléaires et chimiques, et dans des fonds dédiés du département des opérations de paix des Nations unies. Il conviendra de prolonger cet effort dans la durée, afin de financer les acteurs les mieux qualifiés pour intervenir dans la zone grise que constituent les sorties de crise – je songe en particulier à notre partenariat structurant avec le Comité international de la Croix rouge, le CICR, qui renforce la résilience des sociétés marquées par la violence. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.
    Enfin, s’agissant de la diplomatie culturelle et d’influence, nous consolidons le soutien à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – AEFE –, en confirmant la hausse opérée l’an dernier : malgré les baisses d’effectifs dans les pays les plus touchés par la crise, de nouvelles homologations, dont douze nouveaux établissements, ont ajouté 5 000 élèves au réseau. Par ailleurs, si la crise atteint les ressources propres des instituts français et des alliances françaises, les ambassades ont pu redéployer en leur faveur 9 millions d’euros pour soutenir les trésoreries les plus fragiles. Pour 2021, les dotations sont maintenues et le réseau bénéficie de 3 millions d’euros supplémentaires pour financer une stratégie numérique qui permettra d’accroître l’offre de cours à distance et de contenus culturels en ligne.

    Mme la présidente

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    Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Enfin, le nombre d’étudiants étrangers accueillis en France, qui chute de 30 % malgré la hausse du nombre de candidatures sur la plateforme « études en France » en début d’année, constitue une alerte. Afin que la crise sanitaire ne sacrifie pas des générations d’étudiants étrangers, qui sont les futurs ambassadeurs de la France dans leur pays et de leur pays en France, ce contexte nous invite à accélérer et à bien cibler le déploiement des projets de nouvelles universités franco-étrangères, particulièrement dans des campus franco-africains, dans une double logique de renforcement des capacités des établissements africains et de rayonnement international des établissements français.

    Mme la présidente

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    Merci, monsieur Ledoux.

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Pardonnez-moi, madame la présidente, mais il n’est pas toujours facile de s’exprimer avec un masque.

    M. Michel Herbillon

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    Nous devrions avoir droit à trente secondes supplémentaires en raison du masque ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    Vous êtes toujours dans la négociation, monsieur Herbillon… La parole est à Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Dans la période que nous vivons, j’ai d’abord une pensée profonde pour les victimes de l’acte terroriste barbare qui a mis fin à la vie de trois innocents ce matin à Nice. Notre affliction collective ne suffit plus. Je souhaite de tout cœur que le Gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de nos concitoyens sur tout le territoire national. C’est malheureusement dans ce contexte, auquel s’ajoutent les annonces de reconfinement, qu’il nous appartient de commenter et d’évaluer le projet de budget pour 2021. Bien que cela puisse sembler dérisoire au regard de la situation actuelle, il convient de poursuivre notre travail parlementaire, car c’est aussi la survie de tout un secteur de l’économie et de millions d’emplois qui est en jeu.
    Le tourisme est sans contexte le secteur le plus touché, au plan économique, par la crise sanitaire que nous traversons, et les nouvelles mesures de restriction nous font craindre le pire pour les entreprises de ce secteur et pour les emplois qui y sont liés. La chute du tourisme au premier semestre de  2020 a été sans précédent : alors que 94 millions de touristes étaient attendus en 2020, ils ne furent finalement que 36 millions. Les recettes touristiques étaient évaluées à 61 milliards d’euros ; elles n’ont finalement atteint que 24 milliards. La perte globale pour le secteur en 2020 était estimée à 40 % du chiffre d’affaires et à 64 % de la profitabilité des entreprises touristiques. Au vu des mesures annoncées par le Président de la République, les pertes devraient être encore plus importantes.
    Au moins la saison estivale aura-t-elle été meilleure qu’espérée, grâce aux Français et aux touristes européens de proximité. Ainsi, 94 % des partants français sont demeurés en France, majoritairement sur le littoral, en montagne et à la compagne. Voilà trois ans que j’insiste sur le formidable potentiel du tourisme domestique, qui est insuffisamment pris en considération dans la politique touristique, cette dernière restant essentiellement tournée vers le tourisme international. Je souhaite que nous en tirions collectivement les leçons à l’avenir.
    La bonne fréquentation estivale n’a toutefois pas permis aux entreprises touristiques de compenser leurs pertes et n’a malheureusement pas du tout bénéficié aux régions les plus dépendantes de la clientèle étrangère, comme l’Île-de-France. Après un automne durant lequel la fréquentation n’a cessé de se dégrader, une inquiétude profonde et majeure traverse désormais les hommes, les femmes et les territoires qui vivent du tourisme d’hiver. Quel sera l’avenir des acteurs du tourisme de la montagne, des stations, des centaines de milliers d’emplois saisonniers qui y sont liés et des entreprises qui ont déjà perdu 30 % de leur chiffre d’affaires en raison de la fin anticipée de la dernière saison d’hiver ? Je sais que ces questions ne ressortissent pas tout à fait de votre champ de compétences, monsieur le ministre, mais, en tant que rapporteure spéciale pour le tourisme, je me dois d’évoquer ces sujets d’actualité et d’inquiétude pour nos entreprises.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Bien sûr.

    Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale

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    Ces dernières, affaiblies, ne se relèveront que difficilement d’une nouvelle saison à l’arrêt ou au ralenti.
    La question qui se pose est la suivante : le projet de loi de finances pour 2021 que nous examinons prévoit-il les mesures d’accompagnement économique d’urgence propres à garantir un deuxième sauvetage des entreprises du tourisme ? Malheureusement, la réponse est non – en tout cas, pas en l’état. Si le Gouvernement a fait preuve de réactivité dans sa politique d’accompagnement des entreprises en prenant des mesures d’urgence à travers les trois projets de loi de finances rectificatives – mesures que j’ai votées et que je salue –, je crains malheureusement que ces actions soient désormais insuffisantes pour sauver des entreprises qui ont déjà un genou à terre. Je regrette que ces dispositions ne figurent pas dans le projet de loi de finances, ce qui nous aurait permis de les commenter et de les amender. J’espère que des amendements pourront être adoptés au cours de l’examen des crédits de la mission « Économie ».
    Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous fournir des éléments d’information sur le budget qui sera consacré en 2021 aux mesures de soutien aux entreprises du tourisme et sur la façon dont ces dernières seront accompagnées l’année prochaine ? Qu’en sera-t-il des agences de voyage, dont le chiffre d’affaires est quasiment nul depuis des mois et qui ne pourront pas indéfiniment contracter des PGE – prêts garantis par l’État ? Qu’en sera-t-il des centres de vacances qui, partout en France, ont perdu 70 % de leur activité et dont beaucoup ne parviennent plus à payer leur loyer ?
    Je dirai malgré tout un mot du budget de l’opérateur de l’État dédié au tourisme, Atout France. Sa mission, qui est théoriquement de promouvoir le tourisme à l’international, a été réorientée vers la promotion du tourisme domestique dans le cadre de la crise sanitaire, ce qui était une bonne décision. Dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative, le PLFR 3, nous avions voté 5 millions d’euros de crédits supplémentaires pour renforcer la politique de promotion menée par Atout France aux côtés des régions en 2020 – je vous remercie d’avoir suivi ma préconisation en ce sens. Or, seul 1,2 million d’euros a effectivement été consommé par Atout France, qui thésaurise les crédits restants, en anticipation de pertes de recettes l’année prochaine. Je le regrette, car là n’était pas l’objectif de ce budget de crise, dont nous aurions souhaité qu’il soit consommé intégralement. Je déplore également la baisse de 2,2 millions d’euros des crédits alloués à Atout France par l’État. J’insiste sur le fait que, pour l’opérateur, cette diminution s’ajoutera, en 2021, à la perte de près de la moitié de ses recettes de partenariats privés, soit environ 20 millions d’euros, et à l’absence de recettes issues de la délivrance des visas. Nous devrons réviser ce budget en fonction de l’activité touristique.
    En l’absence de mesures plus précises, je m’abstiendrai donc, à titre personnel, sur les crédits attribués au tourisme, même si la commission des finances les a adoptés.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Rolland, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

    M. Vincent Rolland, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

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    Noire, noire, noire : 2020 aura été une année noire pour le tourisme, après plusieurs années déjà difficiles. Alors que nous attendions 94 millions de visiteurs internationaux et 60 milliards d’euros de recettes tirées du tourisme international, ces visiteurs ne seront finalement que 36 millions et ils créeront 24 milliards d’euros de recettes. Les pertes de recettes touristiques globales – domestiques et internationales – pourraient atteindre 30 % à 35 % sur l’ensemble de l’année 2020, soit 50 à 60 milliards d’euros. Pour les 313 000 entreprises et les quelque 2 millions d’emplois directs et indirects concernés, la situation est très difficile.
    Si les perspectives se sont momentanément éclaircies cet été, notamment grâce à l’essor du tourisme domestique, l’évolution du contexte sanitaire est particulièrement préoccupante, pour l’ensemble des professionnels, à l’approche de la saison d’hiver et surtout de la période de Noël. Le Gouvernement a, il est vrai, pris des mesures concrètes au cœur de la crise, à travers la mise en œuvre du chômage partiel, les allégements de charges ou encore le plan de relance pour le tourisme arrêté en mai 2020. Je veux d’ailleurs saluer l’implication du secrétaire d’État chargé du tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, sur ces questions.
    L’attente des professionnels du secteur quant à la prolongation de ces dispositifs et à la définition de nouvelles modalités d’accompagnement est toutefois très forte. Plusieurs annonces ont été faites le 12 octobre dernier à l’occasion du dernier comité interministériel du tourisme, notamment s’agissant du renforcement du fonds de solidarité ou de la prise en charge de l’intégralité des indemnités de chômage partiel jusqu’au 31 décembre 2020.
    Nous devons toutefois aller plus loin : nous ne pouvons pas laisser les professionnels du tourisme dans la situation dramatique qui est la leur. Le contexte actuel impose notamment la prolongation des mesures de chômage partiel bien au-delà du 31 décembre, car chacun sait qu’à cette date, la situation sera très loin d’être redevenue normale. L’application du dispositif de chômage partiel aux nouveaux contrats saisonniers doit en particulier être envisagée, car elle permettrait d’encourager certaines embauches. Par ailleurs, la prolongation des dispositifs d’exonération de charges paraît également indispensable pour les entreprises dont la trésorerie est très fragilisée et le restera durablement. Il faut enfin envisager l’extension du PGE saison, destiné à intégrer davantage d’entreprises dont l’activité est saisonnière.

    M. Vincent Rolland, rapporteur pour avis

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    Le budget pour 2021 que nous présente le Gouvernement me paraît loin d’être à la hauteur des enjeux. Une nouvelle fois, la subvention pour charge de service public d’Atout France diminue de 2,2 millions d’euros. La réduction est certes compensée par des crédits d’intervention d’un montant équivalent, mais ces derniers n’ont vocation qu’à financer la participation à des événements ponctuels et ils ne seront donc pas reconduits à l’avenir. Je regrette toutefois, comme Émilie Bonnivard, qu’Atout France n’ait pas consommé l’intégralité des crédits, d’un montant de 5 millions d’euros, qui lui avaient été alloués par la troisième loi de finances rectificative, afin d’assurer notamment la promotion du tourisme au sein du marché domestique.
    Au-delà de la seule dimension budgétaire, il me semble nécessaire d’envisager cette crise, aussi difficile soit-elle, comme un tremplin vers la construction du tourisme de demain, à même de satisfaire les souhaits d’une clientèle qui, assurément, aura changé. Ce tourisme durable répond à une demande croissante, qui, cependant, peine encore aujourd’hui à se concrétiser. Le chantier est vaste, mais les opportunités nombreuses et les professionnels seront, je n’en doute pas, au rendez-vous. Les pouvoirs publics devront l’être également.
    L’urgence du moment reste le sauvetage de nos entreprises touristiques, très affaiblies par la crise sanitaire. Il faut aller plus loin, et rapidement, en baissant la TVA sur les CHR, les cafés, hôtels et restaurants, et en élargissant le plan tourisme à toutes les activités des commerces situés dans les stations classées de tourisme. Les professionnels comptent sur vous comme vous pouvez compter sur notre engagement.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je vous remercie.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

    M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

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    Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a été mis à rude épreuve par la crise sanitaire. Notre réseau à l’étranger a été frappé sur toute sa surface, par une épidémie dont la première caractéristique a été d’être mondiale. Parmi les effectifs de l’administration centrale, 90 %  ont basculé en télétravail ; à l’étranger, la quasi-totalité des postes a fonctionné en mode dégradé.
    Dans ce contexte difficile, les personnels du ministère ont fait preuve d’une mobilisation exceptionnelle pour gérer une crise inédite tant par son ampleur que par sa durée. Le centre de crise et de soutien a aidé des centaines de milliers de Français bloqués à l’étranger à regagner notre pays. Les diplomates ont redonné force au multilatéralisme, seule méthode efficace face à une crise qui dépasse largement les États. Les agents consulaires ont réparti – et continuent de le faire – les 100 millions d’euros ouverts en faveur des communautés françaises de l’étranger, au titre de l’aide sociale et de l’aide à la scolarité.
    À tous ceux qui le voyaient comme un ministère dont les missions n’ont qu’un lointain rapport avec leur quotidien, le Quai d’Orsay a démontré qu’il était un ministère du service public, au service des intérêts français et de nos concitoyens. Ayant auditionné des diplomates en poste durant la crise, je peux vous assurer, monsieur le ministre, qu’ils étaient animés par l’esprit du service public et de l’équipe de France. À travers vous, je souhaite les remercier.
    Le budget pour 2021 tire aujourd’hui les leçons de la crise. C’est le fait le plus marquant : aucune réduction de personnel n’est programmée, pour la première fois depuis vingt ans.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    En effet !

    M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis

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    Après la crise que nous avons vécue, il n’aurait pas été opportun de poursuivre la baisse des effectifs. Il faut espérer que l’on s’en souvienne l’année prochaine et les suivantes, en ayant à l’esprit que le ministère a déjà réalisé 80 % des objectifs du programme Action publique 2022.
    Le budget du programme 151 reste stable. Alors que la crise s’installe vraiment, il faudra rester vigilant à l’égard de ceux qui, parmi nos compatriotes de l’étranger, s’avèrent les plus fragiles.
    Les moyens prévus dans le cadre du programme 105 seront renforcés sur le plan de l’immobilier, de la sécurité et du numérique. Autant de chantiers prioritaires pour le ministère.
    Le budget permettra en particulier d’engager la transformation numérique du ministère, un projet sur lequel je souhaite m’attarder, la crise ayant montré à quel point il était nécessaire. Combien de consuls généraux et d’ambassadeurs ont-ils été contraints, dans l’urgence de la crise, de recourir à des outils non sécurisés, de WhatsApp à Google Docs en passant par Zoom ? Combien d’agents n’ont-ils pu basculer en télétravail qu’au prix d’efforts très laborieux ? La crise a mis en lumière l’inadéquation des moyens numériques du ministère.
    Celui-ci a pourtant réalisé récemment des progrès. D’importants chantiers de dématérialisation ont ainsi été lancés dans le domaine consulaire, comme le vote par internet ou le dispositif France Visas. Ces projets prennent toutefois du temps, la crise sanitaire ayant en outre conduit à reporter leur échéance.
     
    Le ministère est aux prises avec des rigidités qui ont jusqu’ici freiné la transition numérique. Ne nions pas l’importance de la menace qui pèse sur la sécurité des systèmes d’information du Quai d’Orsay. Mais ne nions pas non plus que la sécurité informatique, telle qu’elle a été appliquée jusqu’à aujourd’hui, a rigidifié les usages numériques, au détriment des agents et des utilisateurs.
    L’histoire le montre : le secteur public n’évolue fortement que sous l’effet des crises. Saisissons-nous de l’opportunité que représente celle que nous traversons actuellement pour que le ministère opère enfin sa transformation numérique. Alors qu’un plan numérique doit voir le jour d’ici à la fin de l’année, il ne faut pas sous-estimer les difficultés d’application. Pour réussir, il sera nécessaire de dépasser les réticences qui existent à l’intérieur même du ministère.
    Par ailleurs, un seul budget ne suffira pas à achever la transformation numérique du Quai. Réjouissons-nous de l’augmentation de 22 % des crédits consacrés au numérique en 2021, effort d’investissement qui devra se poursuivre sur une base pluriannuelle. Mais c’est en assurant un pilotage à haut niveau et l’octroi de moyens dans la durée que le ministère aura les meilleures chances de réussir sa révolution numérique. De ce succès dépend en partie notre capacité à mener une action diplomatique et consulaire à la hauteur des ambitions que nous avons pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

    M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

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    Pour la troisième année consécutive, les crédits de la diplomatie culturelle et d’influence progressent. Cette augmentation est d’autant plus remarquable que l’on peut s’apercevoir, en l’analysant en détail, qu’elle porte beaucoup plus sur les crédits d’intervention et sur les opérateurs de terrain que sur l’administration centrale.
    Même si cela ne concerne pas le PLF pour 2021, je salue une nouvelle fois, monsieur le ministre, le plan de soutien à ces réseaux élaboré dans le cadre de la crise du covid-19 ainsi que le travail que nous avons mené avec vos services en commission. Nous en surveillons à présent l’application jusqu’au dernier kilomètre.
     
    Comme l’ont rappelé les précédents orateurs, ce PLF marque enfin la fin du cycle du rabot et la reconnaissance que ce petit budget de l’État ne peut plus être diminué dans la même proportion que les autres sans que son essence même soit atteinte.
    Monsieur le ministre, nous avons le sentiment, au sein de la commission des affaires étrangères, de vous avoir toujours soutenu sur ce sujet et nous saluons – sur tous les bancs, me semble-t-il – votre engagement personnel dans cette embellie, aussi visible dans la diplomatie culturelle et d’influence que dans les autres programmes de l’action extérieure de l’État.
    Nous avons donc avancé depuis trois ans, et ce malgré les crises, les incompréhensions et la fureur du monde. Oui, monsieur le ministre, la nécessité du pilotage de ces outils, dont je déplorais l’absence il y a trois ans, est manifestement prise en considération à présent par vos services. Oui, j’ai vu, à Jérusalem il y a deux ans, en Irak et au Kurdistan l’an passé et en Égypte cette année, une diplomatie culturelle cohérente, pilotée par les agents en poste et par les COCAC, les conseillers de coopération et d’action culturelle, dans l’esprit du discours du Président de la République aux ambassadeurs en août 2019. Vous devez être des généralistes, des chefs d’orchestre. Servez-vous de tous nos spécialistes en fonction de stratégies adaptées aux différents pays.
     
    Les plans dédiés à l’école ou à la francophonie fleurissent. Ils sont discutés dans chaque pays avec les différentes parties intéressées, les élus des Français de l’étranger et les non-Français. Il faudra encore du temps avant que cela devienne la règle partout, je le sais, mais cela va dans le sens d’une vraie diplomatie globale du XXIe siècle. D’ailleurs, pourquoi continuer à faire la différence entre diplomatie d’influence et diplomatie traditionnelle, alors qu’elles interagissent en permanence ?
     
    Mais ces avancées doivent également atteindre aujourd’hui nos opérateurs. Certains ont réussi leur mue, à l’image d’Expertise France, que je cite souvent, et qui, en six ans, a regroupé toutes les compétences auparavant disséminées non seulement aux quatre coins du budget de l’État mais aussi dans les collectivités territoriales et les associations, jusqu’à devenir un vrai outil de présence de la France dans le monde grâce à son expertise.
     
    D’autres doivent faire cette mue : le réseau culturel – nous en avons souvent parlé – ainsi que le réseau d’enseignement français à l’étranger, sur lequel je voudrais m’attarder quelques instants. Le premier travail de l’AEFE, lancée en 1990, consistait bien à harmoniser des situations totalement hétéroclites. En vingt ans, elle a relevé ce défi que représente la création d’un réseau, grâce à la subvention pour charge de service public, en harmonisant les différents statuts, en regroupant les établissements homologués au sein d’un ensemble où le partenariat et les échanges fonctionnent.
     
    Elle connaît cependant aujourd’hui un déséquilibre structurel entre le petit nombre d’établissements qu’elle gère directement et l’immense majorité des établissements indépendants. De surcroît, c’est elle qui est chargée aujourd’hui de mettre en œuvre l’objectif du Président de la République de doubler les élèves accueillis dans le réseau en 2030. De facto, elle exerce donc aujourd’hui trois métiers très distincts, très clairs, mais qui ne structurent plus son action.
    Le premier consiste à développer les effectifs, le deuxième à garantir l’excellence de l’enseignement dispensé dans les 522 établissements – j’ai bien dit 522 – en particulier en mettant à leur disposition des cadres et des enseignants titulaires de l’éducation nationale. Ces derniers sont extrêmement minoritaires dans le réseau puisqu’on en compte entre 5 000 et 6 000 pour un total d’environ 35 000, mais ils en sont le levain et ce sont eux qui représentent l’outil central de transmission des valeurs de notre modèle non seulement aux élèves mais aussi à toutes les communautés éducatives et aux parents d’élèves du réseau. Son troisième métier consiste, pour des raisons historiques ou diplomatiques, à gérer directement un petit nombre de ces établissements. C’est autour de ces trois métiers que l’AEFE doit aujourd’hui se réorganiser.
    J’ai placé en annexe de mon rapport un document exposant mon point de vue sur l’avenir de l’Agence et sur sa réorganisation, qui a été engagée avant même la crise actuelle, grâce au rapport de ma collègue Samantha Cazebonne. Il faut absolument poursuivre cette réforme, la crise sanitaire représentant plutôt une raison supplémentaire de la mener à bien qu’une fausse excuse pour l’abandonner. L’AEFE doit poursuivre sa mue et confier ses trois métiers à trois piliers de son organigramme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur le banc des commissions.)

    Mme la présidente

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    Nous allons à présent entendre les porte-parole des groupes. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Le budget de la mission « Action extérieure de l’État » est enfin en augmentation. Il était temps. Ce ministère est depuis vingt ans la victime d’une austérité aveugle qui lui a fait perdre des moyens matériels considérables et près de la moitié de ses effectifs. Peu de ministères ont été de si bons élèves de Bercy, ce qui est parfaitement regrettable !
    Les 13 500 agents du Quai d’Orsay étant sous tension, les quatre-vingt-dix recrutements sont évidemment positifs. Mais ils ne changent rien aux préoccupations que nous avions exprimées l’an dernier à propos d’une administration « à l’os », pour reprendre une expression que vous-même avez employée, monsieur le ministre. Ces tensions ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Si le ministère prend au sérieux ces problèmes internes, ces recrutements ne devraient être que la première phase d’un redressement du ministère. Mais les députés communistes en doutent.
    Les alertes des syndicats au sein du Quai sont nombreuses et inquiétantes. Les articles parus dans la presse – dans Le Monde diplomatique le mois dernier, dans Le Monde cette semaine – décrivent une institution en surchauffe, minée par des tensions liées au manque d’effectifs comme à l’hyperactivité vaine du Président de la République. « Notre diplomatie est en surrégime par rapport aux ambitions du Président, on arrive au bout d’un modèle », estime un ambassadeur cité dans un article du Monde publié pas plus tard que lundi. Compte tenu de la loyauté du corps diplomatique, une telle déclaration démontre la gravité de la situation.
    La diplomatie du zapping menée par le chef de l’État – partout dans le discours mais nulle part dans les actes – n’est donc pas gérable. D’un côté, il lance de vibrants appels au respect de l’environnement à la tribune des Nations unies, de l’autre il refuse d’avancer au niveau national. Il tente d’occuper de nouveau une position indépendante entre les États-Unis et la Russie avant de retrouver le penchant atlantiste de ses prédécesseurs. Il veut être le premier au Liban, résoudre la crise libyenne, reprendre la main dans le conflit syrien et être le patron de l’Union européenne. Finalement, rien n’en ressort.
    Les ambitions du chef de l’État doivent se doter de moyens pérennes. Sinon, ce n’est que du vent. Le Quai ne peut pas suivre tous les chantiers ouverts sur un coup de tête élyséen, du moins avec des moyens aussi faibles, qui n’ont cessé de diminuer jusqu’en 2017.
    Ce n’est pas en recourant aux vacations et autres contrats occasionnels que les effectifs seront stabilisés, dénoncent les syndicats, mais en embauchant, comme c’est prévu cette année, des agents formés et pour du long terme. Mais la crainte que j’ai exprimée en commission des affaires étrangères et qui justifie l’abstention du groupe communiste sur ce budget, c’est que cette année ne soit qu’une pause dans la lente agonie de votre ministère.
    Il ne faut pas se satisfaire de l’évolution sur un seul budget : il faut un plan pluriannuel, peut-être un Libre blanc de la diplomatie, avec des objectifs à la hausse, des crédits et des embauches afin de redorer l’image de notre réseau diplomatique, un des plus importants du monde, comme nous le savons tous. La voix de la France n’est rien sans ceux qui la portent. Il est donc fondamental de les préserver et de les renforcer.
    La mondialisation ultralibérale est en train de connaître un véritable bouleversement depuis le début de la crise de la covid-19 et des changements en profondeur sur le plan international ont lieu en ce moment même. La diplomatie économique et culturelle, et la présence française dans les instances multilatérales devront en conséquence être renforcées pour que notre pays soit à la hauteur de ce qui se joue aujourd’hui. Que la voix de la France ne s’affaiblisse pas parce qu’à Bercy, on a estimé que tout cela coûtait trop cher.
     
    Cette analyse vaut exactement pour les réseaux consulaires et pour la gestion des Français de l’étranger. Les extraordinaires efforts du Quai d’Orsay pour rapatrier plus de 200 000 ressortissants français de mars à juin ont démontré combien cet outil était incroyablement puissant quand il est motivé, et le ministre s’associait à nous récemment pour en féliciter encore les personnels. Mais ce travail a épuisé les troupes, tout comme le personnel soignant l’a été par la première vague. Sachons préserver ces forces pour les moments à venir, car ceux-ci pourraient être aussi violents que les précédents comme le montre la situation présente. On a évoqué l’attentat de Nice, mais je veux aussi avoir une pensée pour le vigile du consulat général de France à Djeddah, en Arabie Saoudite, victime ce matin d’un attentat au couteau ; pensons à lui, à tous ceux qui travaillent à ses côtés et aux agents du ministère sur place.
     
    Les députés communistes demandent que le ministère fasse des propositions de renforcement des moyens humains et financiers dévolus au Quai sur plusieurs années, seule manière pour nous d’avoir confiance en une véritable remontée en puissance de la diplomatie française. Tant que nous n’aurons pas plus de détails à ce sujet, nous ne pourrons pas donner un blanc-seing au Gouvernement dans le cadre de cette mission. Le groupe GDR s’abstiendra donc, ce qui pour lui est un effort important (Sourires sur les bancs des commissions) sur ce budget, monsieur le ministre.

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Ça méritait presque des applaudissements de notre part !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous auriez dû ! (Sourires.) 

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marion Lenne.

    Mme Marion Lenne

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    Permettez-moi de partager avec vous la vision du groupe La République en marche sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » : ils incarnent l’engagement tenu par le Président de la République et le Gouvernement, dans le contexte mondial et national que nous connaissons tous. Au plus fort de la première phase de la crise sanitaire, le pragmatisme, la résilience et la disponibilité de notre réseau diplomatique ont été remarquables. À l’heure où nous en votons les crédits affectés, je tiens ici, devant la représentation nationale, à saluer le dévouement de ses personnels et vous prie, monsieur le ministre, de leur transmettre notre profonde reconnaissance. Alors que nos emprises extérieures sont l’objet d’attaques barbares, comme ce matin encore à Djeddah, la représentation nationale a le devoir de leur signifier son soutien et son engagement sans faille pour leur sécurité.
    Aussi, constater que la mission « Action extérieure de l’État » met fin aux réductions de postes, de règle depuis des années, est une excellente nouvelle. Cette mission, déclinée à travers les programmes 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires » et 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », présente un budget réaliste, adapté à l’année singulière que nous traversons.
     
    Le programme 105 tient compte des enseignements de la crise de la covid-19 sur le plan des effectifs et des moyens du ministère, comme je viens de l’évoquer. Ce programme augmentera en effet de 4 %. Le numérique y est à l’honneur car, à l’image de nombreux autres domaines, la pandémie a mis en lumière l’obsolescence, voire les vicissitudes d’un système informatique extrêmement protégé – peut-être trop –, empêchant le développement du télétravail tout en faisant appel à des moyens d’échange non sécurisés. Au passage, je note que la digitalisation du ministère permet aux Français résidant à l’étranger, et dont le rôle est fondamental pour le rayonnement de notre pays, de voter par voie électronique… Que cela inspire les législateurs que nous sommes !
     
    Le programme 151 contribue à la confiance, ainsi réaffirmée, dans notre réseau diplomatique et consulaire. Depuis la fin du mois de janvier, il a montré son rôle central en permettant le maintien d’un dialogue constant avec ses interlocuteurs grâce à une pugnacité sans faille. Cette universalité du réseau a démontré dans l’adversité que nous pouvons nous appuyer sur lui. Nous avons aussi tiré des enseignements de la crise, notamment à travers les 100 millions d’euros additionnels votés en loi de finances rectificative de juillet 2020 pour les bourses scolaires et pour l’aide sociale. Ces enveloppes ayant été peu utilisées, le reliquat se reportera sur le budget de l’année prochaine et, désormais, les revenus des parents vont être pris en compte en année N et non plus N moins 1 pour l’attribution des bourses scolaires. Nous atteindrons ainsi l’évaluation des situations en réel.
    À l’instar des deux précédents, le programme 185 consacre l’ambition de la France en termes de diplomatie culturelle et d’influence. La trajectoire pour 2021-2030 de l’enseignement français à l’étranger est maintenue, cet enseignement qui promeut à travers le monde les valeurs de l’égalité, de la liberté, de la fraternité, de la laïcité et de la solidarité, valeurs qu’il nous incombe aujourd’hui plus que jamais de réaffirmer. Ainsi, les 408 millions de soutien à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger en 2021 confirment la hausse de 25 millions d’euros de l’année écoulée. Il en va de notre responsabilité.
    Enfin, la filière tourisme continuera à bénéficier du plan de relance et les ressources allouées à Atout France dans ce programme vont permettre d’accélérer le développement de solutions nouvelles, d’accompagner leur déploiement à une plus large échelle afin que les entreprises touristiques les intègrent rapidement pour la poursuite de leur activité, et de relancer l’attractivité de la destination France en contribuant à bâtir le tourisme de demain, notre groupe y veillera, un tourisme durable comme seule voie de pérennisation du secteur et aspiration ô combien partagée par la population et par les territoires.
     
    Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche approuvera le budget de la mission « Action extérieure de l’État », et s’investira pleinement dans l’exercice du contrôle parlementaire de ses crédits, soyez-en assurés, monsieur le ministre, mes chers collègues. (M. Jean-Charles Colas-Roy applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Herbillon.

    M. Michel Herbillon

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    Il aura donc fallu attendre la quatrième année du quinquennat pour que vous puissiez, monsieur le ministre, nous présenter un budget de la mission « Action extérieure de l’État » en légère augmentation et sans nouvelle suppression de postes. Depuis 2017, nous assistions, budget après budget, à une baisse des moyens d’action de votre ministère qui avait déjà largement contribué à l’effort de la réduction de la dépense publique depuis près de dix ans, au point de connaître aujourd’hui une situation très difficile. Le groupe Les Républicains réclamait depuis longtemps des moyens supplémentaires. Mais il serait illusoire de croire que ceux-ci pourraient répondre aux attentes et aux besoins, tant la pénurie accumulée est grande.
    Au printemps dernier, nos ambassades et nos consulats, l’ensemble de notre réseau diplomatique et d’influence, ont été lourdement impactés par la crise de la covid-19. Mais cette crise sanitaire mondiale a été un révélateur supplémentaire de l’inadéquation entre les moyens affectés et les missions dévolues à l’ensemble du personnel diplomatique. Et si notre système a tenu malgré sa rigidité et ses lourdeurs, c’est parce que le personnel du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et de notre réseau diplomatique et consulaire s’est mobilisé d’une façon remarquable. Je tiens, au nom des députés du groupe Les républicains, à leur rendre hommage et à saluer leur action, et je vous demande, monsieur le ministre, de leur transmettre nos félicitations.
    Mais le système D qui a prévalu dans des circonstances exceptionnelles ne peut tenir lieu de politique de gestion durable pour le Quai d’Orsay, surtout quand les défis auxquels nous faisons face sont si nombreux. Au-delà de votre action personnelle et de votre engagement, que je sais sincère et déterminé, monsieur le ministre, seul compte aujourd’hui la question des moyens de vos ambitions et des résultats de votre action diplomatique. Donnez-vous à la diplomatie française des moyens à la hauteur de ses ambitions, sachant que celles-ci sont nombreuses et élevées ?
    Je ne peux que saluer ici la volonté présidentielle de replacer la France et sa diplomatie au cœur du concert des nations… mais pour quels résultats ? Depuis le début du quinquennat, on a certes eu droit à de beaux discours, notamment aux discours flamboyants du Président de la République, à de beaux sommets, à des opérations de communication rondement menées, à des incantations diverses et réitérées, en tout cas à un activisme certain en matière de communication. Le nouveau monde nous parlait de révolution, d’une diplomatie de l’audace, de disruption, de prise de risque, de réinvention… Hélas, une fois encore, le retour à la réalité est cruel.
    Que reste-t-il de la relation surjouée avec le président Trump ? Rien. Les États-Unis ont quitté l’accord de Paris sur le climat tout comme l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien alors qu’Emmanuel Macron se faisait fort de les y faire revenir. Où en est-on de la nouvelle relation avec la Russie ? L’idée d’un dialogue stratégique avec ce grand pays voisin de l’Europe est aujourd’hui au point mort, alors que c’est pourtant un élément essentiel au regard de la situation que nous connaissons dans de nombreux points du globe et y compris aux portes de l’Europe, en Biélorussie. Mais l’activisme présidentiel n’a de cesse de se démultiplier, que ce soit au Proche-Orient –  au Liban entre autres – ou au Moyen-Orient, mais aussi dans le Haut-Karabakah où nos frères arméniens se font tuer, ou encore sur les questions de l’OTAN – Organisation du traité de l’Atlantique Nord – et même en Europe et en Méditerranée. Mais tout cela pour quels résultats ? Force est de constater que les grands chantiers lancés par le Président de la République ne progressent pas, que l’influence de la France en Europe et dans le monde recule. Car à force de vouloir être partout, nous finissons par nous retrouver nulle part.
    Trop souvent, on observe que la croisade solitaire du Président de la République isole toujours plus notre pays, alors que nous, nous préférerions qu’il fédère davantage pour faire front commun. Cela commencerait évidemment par éviter que le Président de la République exprime sa défiance envers les diplomates et envers le Quai d’Orsay, qualifié d’« État profond ». Monsieur le ministre, notre diplomatie est aujourd’hui en surrégime par rapport aux moyens qui lui sont accordés et par rapport aux objectifs qu’elle doit atteindre, d’autant plus qu’à force de les multiplier, on peine à en voir les priorités et à déceler la cohérence de votre action diplomatique.
     
    Si ce budget 2021 rompt enfin avec les errements du début du quinquennat, notre groupe considère qu’il n’a pas pour autant tiré les conséquences de la crise, qu’il n’anticipe pas suffisamment les difficultés qui attendent notre pays l’année prochaine et qu’il n’est pas à la hauteur de l’action diplomatique qu’on est en droit d’attendre d’un grand pays comme la France. C’est pourquoi nous nous opposerons au budget ici présenté. Au moment où je termine mon discours, je tiens à rendre hommage aux victimes de l’attentat barbare de Nice et de celui qui a frappé le consulat général de France en Arabie Saoudite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Fuchs.

    M. Bruno Fuchs

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    Dans les moments dramatiques que vit notre pays, il est difficile de se mobiliser ici pour une discussion budgétaire, mais je crois que c’est notre devoir et notre honneur que de faire face à nos engagements. Je commencerai mon intervention par une pensée fraternelle et solidaire pour les victimes du terrorisme et pour leur famille.
    Je voudrais également, s’agissant du programme 105, saluer le travail de l’ensemble du personnel du ministère de l’Europe et des affaires étrangères au début de la crise sanitaire. Au nom des dizaines de familles de ma circonscription qui ont pu reprendre une vie après être restées bloquées dans différents pays du monde, je remercie les agents du ministère pour la mobilisation et la détermination dont ils ont fait preuve pendant ce printemps si particulier.
    La crise sanitaire est venue renforcer une idée que le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et Démocrates apparentés a toujours défendue : baisser les effectifs du ministère n’est pas souhaitable. Mes collègues et moi saluons donc la stabilisation de la masse salariale au sein du Quai d’Orsay – une première pour ce budget depuis vingt ans, monsieur le ministre. La baisse tendancielle qui prévalait jusqu’à aujourd’hui constituait un non-sens au regard de la possibilité de voir ressurgir des crises internationales, de l’ambition française de rester un moteur du multilatéralisme et de l’accroissement du nombre de francophones à travers le monde. Ces défis n’étant pas limités à l’année 2021, il faudra continuer la démarche de stabilisation de la masse salariale, voire entreprendre une augmentation des effectifs du Quai d’Orsay après 2022. Que ce gel ne soit donc pas un geste fugace de Bercy !
    Nous voterons évidemment les crédits du programme 105.
    Le budget du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » est en légère hausse de 3 millions d’euros par rapport à 2020. On ne peut que s’en féliciter dans le contexte de crise que nous traversons ; mais ce budget doit également être mis en rapport avec les enjeux, les besoins et l’efficacité de nos politiques publiques. En effet, je crains que les défis liés à l’épidémie de covid-19 n’éclipsent les enjeux structurels de la diplomatie culturelle et la nécessité de déployer des moyens bien plus importants.
    Dans son rapport, Frédéric Petit a pris l’exemple de l’action culturelle de la France en Égypte, mettant en évidence l’augmentation de nos capacités d’enseignement en français ; mais n’oublions pas que la population égyptienne augmente de 2 millions de personnes par an ! On mesure la différence d’échelle et l’importance des besoins, donc des moyens qu’il faudrait mettre en œuvre pour faire face à une démographie très dynamique – la population africaine devrait tripler d’ici à 2100. La France doit être au rendez-vous de ces évolutions démographiques, mais aussi de la concurrence : d’autres acteurs comme la Chine, la Turquie ou encore la Russie sont de plus en plus présents. Même si le budget de la diplomatie culturelle est en augmentation, il faut convenir qu’il n’est pas adapté aux mutations que nous allons connaître. Il faut l’admettre en toute clairvoyance : dans de nombreux endroits du monde, notre influence culturelle faiblit ou régresse.
    Dans son discours de Ouagadougou comme dans le plan « Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme » de 2018, ou encore dans le plan de développement de l’enseignement français à l’étranger de 2019, le Président de la République a pris des engagements forts pour l’action de la France à l’étranger dans le domaine éducatif et culturel, en mettant la Francophonie au centre de sa stratégie. À l’horizon de 2030, la diplomatie culturelle française vise la création de dix nouvelles Alliances françaises par an et le doublement du nombre d’élèves scolarisés dans le réseau des écoles françaises. En formulant de tels objectifs, le Président de la République a fait de la diplomatie culturelle un des axes majeurs de notre stratégie d’influence. C’est par le renforcement du réseau éducatif francophone que notre pays pourra rayonner ces quinze ou vingt prochaines années, que ses valeurs demeureront universelles, que ses intérêts pourront prospérer.
    Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et Démocrates apparentés et moi-même voterons les crédits de la mission. Dans les années à venir, il faudra pourtant voir plus grand – en matière de budget, mais aussi en matière de méthode et d’outils. Si nous ne comprenons pas l’urgence de la situation, parions que les ambitions du chef de l’État – nos ambitions ! – resteront des vœux pieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    Les crédits de la mission budgétaire « Action extérieure de l’État » sont relativement stables par rapport à la loi de finances 2020, en augmentation de 59 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 66 millions en crédits de paiement. Cette augmentation est principalement due à celle du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », qui croît de 58 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 65 millions en crédits de paiement. Au sein du programme 105, c’est l’action « Réseau diplomatique » qui augmente le plus, avec 35 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement et 49 millions en crédits de paiement, suivie de l’action « Soutien », qui augmente de 20 millions en autorisations d’engagement et 11 millions en crédits de paiement.
    En résumé, pour les députés du groupe Socialistes et apparentés, l’augmentation somme toute relative des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » par rapport à 2020 vient essentiellement de la sécurisation des emprises françaises à l’étranger, des actions immobilières et de la rénovation du fonctionnement de nos ambassades. Dans le contexte post-covid-19 et à un moment où la France subit une forte défiance dans certaines régions du globe, il aurait sans doute été plus judicieux d’envisager un effort budgétaire supplémentaire afin de maintenir notre ambition d’influence ou, selon le terme consacré, de soft power.
    Le Quai d’Orsay fait partie des ministères qui respectent le plus strictement les objectifs d’effectifs imposés chaque année par Bercy, les dépassant même parfois. Cependant – nous en convenons régulièrement au cours de nos travaux avec nos collègues de la commission des affaires étrangères – tous les acteurs s’accordent pour souligner que cette logique a atteint ses limites si l’on veut maintenir le rôle et la présence française à l’étranger. Les suppressions de postes prévues dans le cadre du plan Action publique 2022 devraient à notre sens faire l’objet d’un moratoire en 2021 et 2022.
    Une autre tendance lourde dans le financement des missions du ministère est de remplacer les crédits budgétaires classiques par un recours de plus en plus fréquent à de l’auto-financement, ce qui pose de nombreuses questions.
    Enfin, le groupe Socialistes et apparentés considère qu’il conviendrait d’augmenter substantiellement les crédits de protection et d’action sociale pour faire face aux conséquences de la covid-19. Nous présenterons quelques amendements, notamment pour abonder le budget de l’aide sociale aux Français de l’étranger, dont les besoins sont accrus par la crise sanitaire, et les ressources de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
    En tout état de cause, nous nous orientons vers une abstention sur les crédits de la mission.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. M’jid El Guerrab.

    M. M’jid El Guerrab

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    Dans un contexte international instable et incertain, marqué par la multiplication des zones de crise et de conflit, la mission « Action extérieure de l’État » confiée au ministère de l’Europe et des affaires étrangères est au cœur de la diplomatie d’influence de la France. Tout au long du confinement, le programme 151 a été au cœur de l’action du Quai d’Orsay, alors que nous oublions bien souvent que près de 3,5 millions de nos compatriotes résident à l’étranger. Aujourd’hui, l’attentat dont a été victime un garde posté à l’entrée de notre consulat général à Djeddah, dont je salue le courage, vient nous rappeler les conditions de sécurité de plus en plus précaires dans lesquelles ils vivent. Nous avons également tous en mémoire l’assassinat perpétré cet été contre huit humanitaires au Niger. Dans cette perspective, nous ne pouvons que nous réjouir de la réapparition lors du dernier remaniement d’un secrétariat d’État aux Français de l’étranger : ce fut un signal important adressé à la communauté française qui réside à l’international.
    Il est commun de parler du caractère universel de notre réseau diplomatique et consulaire sans que l’on puisse en appréhender toute la dimension. Or nul autre pays que la France ne peut se targuer d’avoir permis le retour de plus de 370 000 de ses citoyens, qui s’étaient retrouvés du jour au lendemain bloqués partout dans le monde sans aucune possibilité de rapatriement. Monsieur le ministre, nous tenions alors des réunions quasiment hebdomadaires, et je mesure votre engagement et votre implication dans ces retours. Tout le long de ces semaines, le Quai d’Orsay a fait preuve d’ingéniosité et de disponibilité pour répondre à une série de situations dramatiques, pour lesquelles nous avons presque tous été sollicités dans nos circonscriptions. J’ai en mémoire le consul de Tanger monté sur une caravane avec un micro pour haranguer les camping-caristes et leur expliquer la procédure.
    À l’étranger, la France a un visage : celui des hommes et des femmes qui composent notre réseau consulaire. Nos compatriotes ont ainsi pu mesurer tout l’engagement de nos diplomates en général, et de nos agents consulaires en particulier. Avec un total de 136 millions d’euros hors dépenses de personnel, les moyens de l’action consulaire se trouvent stabilisés. Les conséquences économiques de la pandémie sur les Français de l’étranger ont fait l’objet de mesures budgétaires anticipées dans le cadre du PLFR de juillet 2020. Ainsi, 100 millions d’euros additionnels ont été ouverts sur le programme 151, dont 50 millions d’euros pour l’aide à la scolarité et 50 millions d’euros pour le financement d’un secours occasionnel de solidarité à nos compatriotes de l’étranger affectés par la crise sanitaire.
    Ces aides ont été plus que salutaires pour notre réseau d’établissements français à l’étranger et pour les parents d’élèves, que je rencontre à chacun de mes déplacements – tout récemment encore au Niger et au Maroc. En effet, fin septembre, 100 % du budget annuel de l’enveloppe de bourses ont été consommés, alors qu’habituellement le ratio est de 70 % à la même époque.
    Le projet de loi de finances 2021 porte la dotation pour les affaires sociales à 20 millions d’euros. Elle est en hausse de 2,9 millions d’euros, soit 17 %, par rapport à l’année 2020, afin de constituer une provision face aux incertitudes économiques, variables selon les pays.
    La crise sanitaire a affecté le fonctionnement de notre démocratie. Ce fut le cas pour les élections municipales, sur le territoire national, mais également à l’étranger, pour les élections consulaires, différées en raison de la pandémie. Le programme bénéficiera d’un report des crédits votés en 2020 sur 2021. Ce contretemps doit toutefois accélérer notre réflexion sur l’introduction du vote électronique, prévu pour ces élections. Il s’agit là d’une véritable urgence démocratique, à l’heure où, d’élection en élection, le taux d’abstention ne cesse d’augmenter, surtout parmi les Français vivant à l’étranger.
    Nous profitons de l’occasion qui nous est donnée pour saluer le travail quotidien, souvent méconnu, qu’effectuent nos élus consulaires auprès de 3,5 millions de nos compatriotes. Ces ambassadeurs du savoir-faire et du savoir-être français ne comptent pas leurs heures de présence au plus près de la communauté française, alors que les enjeux éducatifs, sécuritaires, environnementaux, culturels et économiques se multiplient. Je vous remercie, monsieur le ministre, de les avoir reçus dernièrement au Mali.
    L’Europe et la dimension internationale sont profondément ancrées dans l’ADN du groupe Agir ensemble. Nous avançons ainsi l’idée d’une convention des Français de l’étranger, qui pourrait être organisée très prochainement afin de réunir tous les acteurs politiques, associatifs, administratifs ou encore civils qui traitent du sujet.
    Attentif à ce que la tendance à la hausse de ce budget soit pérennisée, voir amplifiée dans les prochains PLF, le groupe Agir ensemble votera les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens, ainsi que sur plusieurs bancs des groupe REM et DEM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Meyer Habib.

    M. Meyer Habib

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    « Dites à mes enfants que je les aime », tels sont les mots prononcés dans son dernier souffle par une paroissienne massacrée par la barbarie islamiste à Nice, dans la ville même où des enfants qui assistaient à un feu d’artifice furent massacrés il y a peu. Stop aux bougies ; stop aux minutes de silence ! Nous sommes en guerre. Il faut les détruire : c’est eux ou nous !
    Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », qui s’élèvent à 2,9 milliards d’euros, sont en légère progression après des années de baisse. C’est une évolution encourageante alors que la pandémie a fortement touché notre réseau diplomatique et consulaire qui est, je le rappelle, le troisième du monde, avec 160 ambassades, 89 consulats généraux et 112 sections consulaires.
    Pour la première fois depuis vingt ans, le ministère des affaires étrangères ne connaîtra pas de baisse d’effectifs. Le groupe UDI et indépendants appelle de ses vœux la pérennisation de cette tendance et souhaite que ce budget marque l’abandon durable de la politique du rabot qui a épuisé les services et appauvrit notre outil diplomatique.
    J’en viens à quelques remarques sur les trois programmes qui composent la mission. Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » englobe à lui seul 63 % des crédits. Il traite de la mise en œuvre opérationnelle des grandes orientations de notre politique étrangère, grâce notamment à l’action européenne, aux organisations internationales ou encore à la coopération en matière de sécurité.
    Après des années de diminution, puis une stabilisation des crédits de ce programme dans le projet de loi de finances pour 2020, ils sont, cette année, en hausse de 3,27 %. L’effort significatif reste toutefois à mon sens toujours insuffisant à ce stade. En fait, l’augmentation de 60 millions d’euros ne compense pas les 100 millions d’euros supprimés en 2018-2019. La qualité de nos personnels n’est évidemment pas en cause : ce sont les moyens alignés qui ne sont pas à la hauteur des ambitions, d’autant que la moitié de l’augmentation se concentre sur le budget immobilier. Qu’il faille sécuriser nos représentations diplomatiques est une évidence, comme en témoigne l’attaque qui a eu lieu ce matin même devant le consulat de France de Djeddah, mais d’autres projets d’investissement ne présentent pas le même caractère prioritaire.
    Le groupe UDI et indépendants accueille en revanche favorablement la hausse des crédits alloués à la coopération de sécurité et de défense, dans le sillage de l’effort engagé en 2019.
    Les crédits du programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires » reste stable et s’élève à 373 millions d’euros. Nous avons également à leur sujet un avis mitigé. En effet, l’action 01 « Offre d’un service public de qualité aux Français à l’étranger », relative aux services consulaires, voit à nouveau ses crédits budgétaires diminuer. La diminution est légère, certes, mais elle est bien réelle. Cette stagnation à la baisse est difficilement compréhensible quand on sait la mobilisation remarquable des personnels consulaires, à tous les niveaux hiérarchiques, face à la pandémie – je l’ai souligné en commission la semaine dernière –, d’autant plus que le réseau a consenti, ces dernières années, un très lourd effort de transformation, notamment dans le cadre du programme Action publique 2022. Malgré des résultats tangibles des réformes de modernisation, la crise sanitaire a provoqué des retards, ce qui est bien normal. Ainsi l’expérimentation d’une plateforme d’accueil consulaire a été repoussée à 2021, de même que la mise en place du registre de l’état-civil électronique. Dans ce contexte, notre groupe défendra un amendement qui vise à abonder l’enveloppe dédiée au réseau consulaire.
    Les crédits de 105 millions d’euros de l’action 02 « Accès des élèves français au réseau AEFE », relatifs à l’aide à la scolarité, restent stables, mais ce n’est pas suffisant. Certes, il convient d’y ajouter la fameuse soulte de 15 millions, ainsi que l’enveloppe de 50 millions, débloquée dans le cadre du plan de soutien exceptionnel voté dans le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020.
    Alors que de nombreuses familles sont frappées de plein fouet par la crise, aucun enfant français ne doit être exclu pour des raisons financières – je sais que nous partageons la même position sur ce sujet, monsieur le ministre. C’est la raison pour laquelle je défendrai un amendement qui prévoit une hausse de 10 millions d’euros du budget des bourses. Par ailleurs, la sous-consommation chronique des crédits est inquiétante : un problème persiste concernant des critères de répartition.
    Comme beaucoup de mes collègues, je suis fréquemment saisi par des parents, issus de la classe moyenne, trop riches pour prétendre aux aides, mais trop pauvres pour payer des frais de scolarité qui explosent. J’appelle inlassablement depuis sept ans à une révision des critères et je demande un rapport du Gouvernement sur le sujet.
    Pour ce qui est du soutien au tissu associatif des Français de l’étranger ou STAFE, notre groupe regrette que les dotations restent stables à 2 millions d’euros, très en deçà des 3,34 millions alloués aux parlementaires. Nous avons déposé un amendement pour accroître les subventions.
    Enfin, avec 718 millions d’euros, soit une très légère hausse, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » reflète de grandes ambitions sans traduction budgétaire.
    Monsieur Habib, il faut conclure !
    Je termine, madame la présidente. Dans cet ensemble, le groupe UDI et indépendants prend acte avec satisfaction de la hausse des crédits alloués à l’AEFE, qui affichent une progression de 18 millions d’euros. Cette évolution positive reste toutefois encore insuffisante.
    Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et indépendants a décidé de s’abstenir.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bertrand Pancher.

    M. Bertrand Pancher

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    La crise sanitaire a mis en lumière l’importance pour les Français de l’étranger de disposer d’un service consulaire adapté et d’accès rapide. Si la baisse des mobilités justifie une baisse des crédits de certaines missions du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », le programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires » prévoit une reprise progressive des activités en 2021, ce qui semble justifier une stabilisation des crédits alloués à ses actions, en particulier son action 03 « Instruction des demandes de visa » dont le budget est en légère augmentation par rapport à l’année 2020.
    Monsieur le ministre, cette stabilisation est plutôt une bonne chose, alors que vous nous avez annoncé, lors de votre dernière audition en commission, une baisse de 71 % des demandes de visa par rapport à l’année dernière pour cause de crise sanitaire, et alors que nous pouvons craindre que la trajectoire ne soit la même pour les mois à venir.
    Il est particulièrement bienvenu que l’enveloppe dédiée aux aides aux Français vivant à l’étranger ait été augmentée. Cependant, nous pouvons nous interroger sur les crédits dédiés aux OLES, les organismes locaux d’entraide et de solidarité. En effet l’évolution de la crise sanitaire en 2021 est incertaine et, comme l’indique le projet de loi de finances pour 2021, « indépendamment de la crise sanitaire, une partie des Français résidant à l’étranger continue de se paupériser ». Aussi, selon nous, la dotation de 410 000 euros, réservée aux OLES, qui reste stable par rapport à 2020, alors que ces organismes ont été fortement mobilisés pour venir en aide à nos compatriotes fragilisés par la crise sanitaire, devrait être augmentée.
    Au sein du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », l’action 02 « Coopération culturelle et promotion du français », et l’action 05 « Agence pour l’enseignement français à l’étranger » bénéficient d’une augmentation de leurs crédits par rapport à l’année 2020, mais ce sont les seules du programme, ce qui renforce le décalage avec les autres actions du programme, l’action 03 « Objectifs de développement durable », l’action 04 « Enseignement supérieur et recherche », ou l’action 07 « Diplomatie économique et développement du tourisme », cette dernière action enregistrant la plus forte baisse de crédits du programme, soit près de 10 % par rapport à 2020.
    La crise sanitaire explique en partie cette diminution : elle a eu des conséquences fortes sur les mobilités scientifiques et universitaires, remises à plus tard voire totalement annulées. Une telle situation pourra se poursuivre en 2021.
    Je reviens un peu plus précisément sur deux actions.
    Les crédits de l’action 03 « Objectifs de développement durable », ou ODD, diminuent de 4,17 % par rapport à 2020. Si cette baisse peut sans doute s’expliquer par un manque de mobilité durant une longue période, et que par conséquent les crédits alloués aux bourses dites ODD, et aux échanges d’expertises n’augmenteront pas en 2021, les échanges indispensables d’expertises sur des sujets particulièrement importants, notamment en période de crise sanitaire, devront avoir lieu grâce à d’autres outils qu’il faut bien financer.
    Le projet de loi de finances indique s’agissant de l’action 06 « Soutien » du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » que « les incertitudes liées à la crise sanitaire ne permettent pas de prévoir une diminution des frais de missions des services en France dans la mesure où, même dans l’hypothèse d’une diminution du nombre de missions, le coût des déplacements est en augmentation ». L’argument serait également valable pour les mobilités des autres programmes, pourtant il n’est pas repris.
     
    Je rappelle que, parmi les dépenses d’intervention de l’action 03, on compte les dotations pour opérations aux EAF – établissements à autonomie financière – pluridisciplinaires, qui permettent la mise en place d’actions locales et régionales dans les domaines de la préservation de l’environnement et de la recherche médicale.
    Quant à l’action 04 « Enseignement supérieur et recherche » du programme 185, elle subit également une diminution de ses crédits de 5,33 % par rapport à 2020. Les bourses délivrées par le Gouvernement français sont les plus touchées par cette baisse. Comme pour la diminution des crédits de l’action 03, ce recul est lié au report ou à l’annulation des mobilités.
    Cependant, tout en diminuant de façon importante les crédits alloués aux bourses du Gouvernement français, le PLF précise qu’« afin de suivre au plus près l’actualité internationale, des moyens devront être dégagés afin de soutenir la mobilité des étudiants provenant de zones en crise » comme la Syrie et le Liban.
    La diminution drastique de ces crédits est donc paradoxale par rapport aux objectifs retenus, mais aussi par rapport aux arguments développés concernant d’autres programmes, alors qu’il est reconnu dans le PLF que le réseau des instituts français de recherche à l’étranger a été particulièrement utile pour analyser les grands bouleversements sociaux, économiques et politiques en cours.

    Mme la présidente

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    Il faut conclure, monsieur le député !

    M. Bertrand Pancher

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    En définitive, le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères se trouve malgré tout conforté. Étant donné le contexte économique et sanitaire, alors que nous avons vu les agents du ministère déployer des efforts considérables pour rapatrier nos compatriotes disséminés partout dans le monde, cela peut être de nature à nous satisfaire. En conséquence, le groupe Libertés et territoires votera les crédits qui nous sont proposés.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    La crise sanitaire a jeté un coup de projecteur bienvenu sur l’activité de notre ministère de l’Europe et des affaires étrangères, rappelant qu’il était au service de nos concitoyens éparpillés partout sur le globe. Le covid-19, en mobilisant l’ensemble de notre réseau diplomatique, a donné à voir, hier et aujourd’hui encore, combien il est important pour la France de soigner ses ramifications consulaires.
    Je tiens, avant toute chose, à saluer la mobilisation de tous les fonctionnaires qui ont œuvré et œuvreront, jour et nuit, pour faciliter le rapatriement de nos concitoyens. Je veux croire que la stabilisation des effectifs, inédite depuis vingt ans, revient à reconnaître leur importance en tant que chevilles ouvrières de notre action internationale.
    Cette reconnaissance, tardive mais nécessaire, nous n’avons cessé de l’appeler de nos vœux. Depuis que je suis élue, avec mon collègue Jean-Paul Lecoq, nous avons inlassablement répété en commission qu’il fallait consolider notre corps diplomatique et ne plus le vider de ses forces en réduisant les personnels. J’ose espérer, si tant est que l’on puisse attendre quoi que ce soit d’un gouvernement englué dans le dogme néolibéral, que la nouvelle tendance se verra confirmée à l’avenir.
    Je vous rappelle que quatre-vingt-cinq emplois auraient dû être supprimés cette année : il aura donc fallu une crise sanitaire exceptionnelle pour vous contraindre à ranger l’austérité dans le carton duquel vous vous apprêtiez à la sortir !
    Je vous rappelle aussi qu’en trente ans, le Quai d’Orsay a perdu 53 % de ses effectifs. Depuis trente ans, le ministère se retrouve ainsi à faire le grand écart, soumis à une sorte d’injonction contradictoire qui le somme de faire toujours plus avec toujours moins – nous parlons de ce qu’Emmanuel Macron appelait, en 2018, la « diplomatie agile ». Dans cette gymnastique douloureuse, la crise sanitaire offre donc, d’une certaine manière, un répit. Mais jusqu’à quand, monsieur le ministre ? Ce que vous faites cette année, Bercy ne le défera-t-il pas l’année prochaine ?
    Je m’arrête sur la promotion du rayonnement culturel français, qui fait partie des priorités du ministère. À la rentrée 2020, le Gouvernement s’est ému de constater une baisse de 30 % des étudiants étrangers en France en raison de la crise sanitaire. Mais comment regretter chez nous ce que nous encourageons ailleurs ? La hausse brutale des frais de scolarité pour les étudiants étrangers au nom de l’attractivité des universités ne participe-t-elle pas d’un travail de sape de notre rayonnement culturel ? La suppression de la chaîne France Ô, qui permettait à notre culture de rayonner et d’être entendue de l’océan Pacifique à l’océan Indien en passant par l’océan Atlantique, ne contribue-t-elle pas à la mise en sourdine de notre voix riche de sa diversité ?
    Enfin, j’ai le sentiment, devant ce budget, de lire un ajustement conjoncturel en réponse à une crise qui ne serait que passagère. Il est question d’investir dans l’immobilier et dans la sécurité, de moderniser l’accès au numérique, mais, évidemment, tout cela devrait être au service d’une orientation politique. Il y a aussi les questions que l’on ne trouve nulle part, et que je souhaite vous poser. Où interroge-t-on l’action du ministère lorsqu’il vole au soutien de LVMH pour lui permettre de casser le rachat de Tiffany ? Où est-il question de l’action du ministère lorsqu’Emmanuel Macron, de façon particulièrement condescendante, va promettre l’improbable au peuple libanais – improbable au point que ce peuple a vu Saad Hariri devenir Premier ministre pour la troisième fois ?
    Tout cela pour vous dire qu’un budget ne fait pas une politique. Si je me félicite du maintien des effectifs du Quai d’Orsay, encore faudrait-il que nous nous accordions sur la nature de leur travail et le sens de leur action, et je crois qu’en la matière, il est peu de dire que nos désaccords sont profonds. Mais comme nous ne sommes pas dogmatiques et que nous voulons que les choses avancent, le groupe de la France insoumise s’abstiendra sur ce budget, en espérant que la marche enclenchée, consistant à redresser un peu le budget et à cesser de faire fondre le personnel de notre corps diplomatique, trouve à se traduire dans le budget de l’année prochaine. (M. Jean-Paul Lecoq applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Pour faire face aux désordres et aux défis du monde d’aujourd’hui, la France a besoin d’une diplomatie forte. Ce monde est un monde de crises, comme la crise pandémique du covid-19 qui frappe encore si durement notre pays et notre continent. C’est un monde de rapports de force brutaux, dans lequel notre souveraineté française et européenne se trouve chaque jour mise à l’épreuve. Et c’est un monde éminemment dangereux, comme nous ne le savons que trop et comme viennent de le rappeler l’attentat terroriste qui ce matin à Nice a coûté la vie à trois de nos compatriotes et l’attaque au couteau dont a été victime, la nuit dernière, l’un des agents qui assurait la garde de notre consulat à Djeddah.
    Ce sont des faits extrêmement graves, permettez-moi d’en dire un mot avant d’aborder les questions strictement budgétaires. Dans ce monde dangereux, la haine prend des visages nouveaux, elle se propage par des voies nouvelles, se pare de prétextes nouveaux, mais une chose ne change pas : la haine continue à tuer parce que la haine, même en ligne, est le premier mot de la violence. C’est pourquoi nous ne saurions accepter que certains dans le monde puissent s’employer, quitte à jouer avec le feu, à semer la confusion, à manipuler les opinions publiques et à instrumentaliser des mouvements d’émotion populaire. Nous ne saurions accepter qu’ils fassent passer notre engagement en faveur des libertés fondamentales pour une atteinte à la liberté de culte, alors que ceux qui connaissent l’histoire de notre République savent bien que ces libertés sont pour nous au contraire autant de moyens de garantir la liberté de croire ou de ne pas croire et la coexistence apaisée des religions au sein de l’espace public.
     
    Disons-le très clairement, une fois pour toutes : les musulmans de France appartiennent de plein droit à notre communauté nationale. Notre République laïque leur reconnaît la même légitimité à exercer leur culte qu’aux pratiquants des autres religions, comme elle reconnaît le droit à l’athéisme. Nous ne saurions donc accepter ces campagnes de désinformation et de manipulation, parce qu’elles visent à dénaturer et travestir ces réalités, et parce que nous voyons bien, dans le drame, qu’on passe vite de la haine virtuelle à la violence réelle.
     
    Je veux aujourd’hui faire passer trois messages très clairs, dont j’espère qu’ils seront entendus et compris dans toutes leurs implications bien au-delà de cette enceinte.
     
    Le premier, c’est que les propos et les actes ont des conséquences et engagent leurs auteurs en responsabilité, et que la France n’oublie jamais.
     
    Le deuxième, c’est que les Européens et, bien au-delà de l’Europe, de très nombreux États de bonne volonté ne sont pas dupes. Nous voyons bien, et nos partenaires voient bien, que ce qui est en cause, c’est d’abord un combat essentiel, presque existentiel, contre l’extrémisme et le radicalisme religieux.
     
    Le dernier message, c’est que nous ne transigerons jamais sur nos valeurs humanistes de liberté et notre modèle de démocratie et de pluralisme. En ce nouveau jour d’épreuve pour la nation, ces valeurs et ce modèle doivent rester notre boussole, et rien ne serait pire que de tomber à notre tour dans les pièges qui nous sont tendus, les pièges de l’amalgame, les pièges de la confusion.

    M. Michel Herbillon

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    Très bien !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    C’est pourquoi je veux également adresser un message de paix au monde musulman, pour lui dire que la France n’est pas le pays du mépris ou du rejet mais le pays de la tolérance. N’écoutez pas les voix qui cherchent à attiser la défiance. La religion et la culture musulmanes font partie de notre histoire française, européenne, nous la respectons ; alors ne nous laissons pas enfermer dans les outrances d’une minorité de manipulateurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et DEM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Agir ens, SOC, GDR et FI.)
    Vous l’aurez compris, mesdames et messieurs les députés, dans un monde comme celui-ci, nous avons besoin d’une diplomatie forte, c’est-à-dire d’une diplomatie qui ait les moyens humains et financiers de défendre nos intérêts, nos valeurs, en agissant la main dans la main avec nos partenaires de l’Union européenne et de tous les continents qui le souhaitent, dans un multilatéralisme renouvelé.
     
    Je ne suis pas le seul à me réjouir que le PLF 2021 nous donne ces moyens. Je ne vais pas revenir sur l’ensemble des dispositions de ce PLF et de la mission « Action extérieure de l’État ». Les rapporteurs, Vincent Ledoux en particulier, ont dit l’essentiel. Je voudrais simplement rappeler quatre points.
     
    Tout d’abord, dans ce budget pour 2021, nous gagnons en efficacité, en moyens. Merci d’avoir reconnu que, pour la première fois depuis vingt ans, le ministère conservera le même nombre d’emplois. Nous en avons perdu beaucoup. Je suis convaincu que, comme presque tous vous l’avez dit, la détermination des femmes et des hommes du Quai d’Orsay qui ont travaillé jour et nuit pour assurer le retour de plusieurs centaines de milliers de Français surpris à l’étranger, a contribué à cette prise de conscience de leur rôle, et je vous remercie du soutien que vous leur avez apporté.
    Pour moi, ce n’est pas une pause ; c’est, je l’espère, la fin de l’hémorragie et le début du redressement.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous l’espérez, nous aussi !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Parmi les bonnes nouvelles, qui ne sont pas nombreuses en ce moment, j’ai cru comprendre que M. Lecoq et Mme Autain voteraient peut-être le budget l’année prochaine, et que M. Herbillon s’abstiendrait peut-être. La logique que nous avons engagée est reconnue par les uns et les autres.
    Deuxième remarque : sur l’immobilier, nous avons changé de portage.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il était temps !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Il était temps mais ça y est. Nous avons pu augmenter le programme 105 à cet égard et nous avons aussi pu bénéficier une nouvelle fois d’un droit de retour à 100 % du produit de cession sur le compte d’affectation spéciale 723. Nous sommes donc sur une nouvelle logique et je m’en réjouis.

    M. Michel Herbillon

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    Très bonne nouvelle !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    C’était important.
    Sur la sécurité, vous avez été plusieurs à remarquer que nous poursuivons notre vigoureuse politique en vue d’assurer la sécurité des postes à l’étranger. C’est essentiel. La mise en œuvre du plan quadriennal aboutira dans les ambassades dès 2021 et dans les lycées dès 2022, avec 9 millions d’euros supplémentaires affectés à ce sujet à l’AEFE.
     
    Nous avons engagé sur le numérique une modernisation significative pour répondre aux besoins de sécurité et assurer l’évolution technique indispensable.
     
    Grâce aux orientations de ce budget, nous pourrons poursuivre notre engagement en faveur de la préservation de la paix et de la défense du multilatéralisme. Nos engagements financiers, dans le cadre du programme 105, aux contributions internationales de la France sont respectées, avec même un bonus, d’une certaine manière, puisque, grâce au renforcement de l’euro face au dollar, nous avons une disponibilité de 16 millions d’euros que nous affectons aux organisations du multilatéralisme, c’est-à-dire, en particulier, à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, à l’Agence internationale de l’énergie atomique et au Fonds pour la consolidation de la paix.
     
    Troisièmement, nous allons renforcer notre action consulaire. Même si les chiffres restent à peu près stables, cette stabilité masque l’important effort financier engagé en 2020 pour répondre aux conséquences économiques et sociales de la crise pour les Français de l’étranger. Vous avez bien voulu rappeler que 100 millions d’euros additionnels ont été, grâce à votre action, à votre soutien et à votre interpellation, débloqués fin juillet pour apporter à nos compatriotes de l’étranger l’appui social et éducatif nécessaire aux nouveaux besoins de 2020 et 2021. Nous voulons inscrire ce soutien dans la durée par une augmentation des moyens de l’aide sociale de 17 % en 2021 mais aussi par le report, rappelé par Mme Lenne, des crédits inscrits dans le plan de relance à cet égard.
     
    Enfin, je souligne l’importance des nouvelles batailles de l’influence. Vous les avez évoquées les uns et les autres. Il nous faut consolider davantage nos outils de diplomatie culturelle et d’influence.
    Je vois trois sujets prioritaires. Le premier est la promotion et la diffusion de la langue française, qui seront essentielles en 2021, l’année où nous fêterons les cinquante ans de la francophonie. Le renforcement des moyens de l’AEFE est à cet égard tout à fait indispensable, y compris, monsieur Frédéric Petit, dans les trois missions de l’AEFE.
     
    Le deuxième chantier est le rayonnement culturel et artistique, avec l’importance de la diffusion et de l’exportation de nos industries culturelles et créatives, les ICC.
     
    Enfin, il s’agit de la mise en place de partenariats universitaires et scientifiques, singulièrement dans le développement de campus universitaires. Vous avez parlé des campus franco-africains. C’est tout à fait essentiel pour gagner cette bataille de l’influence.
     
    Voilà en quelques mots, mesdames et messieurs les députés, comment nous comptons employer ces moyens renforcés pour apporter, avec l’ensemble de nos partenaires, des réponses diplomatiques à toutes les grandes questions internationales qui engagent le quotidien et l’avenir des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Mme la présidente

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    Nous en arrivons aux questions.
    Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
    La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

    Mme Samantha Cazebonne

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    Monsieur le ministre, dès les premiers temps de la crise covid-19, la France, par le biais de votre ministère, a montré que la solidarité s’étendait à tous les Français, y compris au-delà des frontières, en mettant en place un dispositif, unique au monde, d’aide sociale avec des règles d’attribution récemment allégées afin que ces aides atteignent plus facilement les ressortissants français de l’étranger durement touchés.
    Par ailleurs, votre ministère, à travers une augmentation conséquente des crédits prévus pour les établissements français à l’étranger et pour les bourses scolaires, à hauteur de 100 millions d’euros, a entendu les familles et les équipes pédagogiques pour que les enfants de toute nationalité puissent continuer de franchir les portes d’écoles où se déploient les valeurs républicaines, l’esprit critique et la liberté d’expression, si nécessaires pour traverser ensemble ces temps troublés.
     
    Nous le savons, la crise est loin d’être derrière nous. Votre ministère continuera-t-il à être au rendez-vous pour soutenir les Français de l’étranger ainsi que le réseau d’enseignement français frappés par la crise ? Soutiendra-t-il également les mesures en vue d’aider davantage les organismes locaux d’entraide et de solidarité, les alliances françaises ainsi les associations FLAM – français langue maternelle – particulièrement éprouvées ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Depuis le début de la pandémie, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour venir en aide à nos compatriotes les plus démunis. À ce jour, grâce au dispositif que j’ai évoqué tout à l’heure, près de 2 millions d’euros ont été dépensés en secours occasionnels et 1,6 million au profit des associations venant en aide à nos compatriotes, dont je salue l’engagement au côté de nos postes. En 2020, 112 millions d’euros – soit 13 millions de plus que l’enveloppe déléguée à l’AEFE dans le cadre de la LFI pour 2020 – ont été consacrés aux bourses scolaires pour nos ressortissants.
    En 2021, nous allons poursuivre cet effort sur tous les points, parce que nous savons que la situation reste très dégradée pour nos compatriotes ; les demandes, beaucoup plus nombreuses depuis quelques semaines, le montrent.
    S’agissant de l’aide sociale aux Français de l’étranger, nous entendons maintenir l’effort engagé en 2020 en direction de nos compatriotes en difficulté et des associations, ce dont témoigne l’augmentation de près de 3 millions de l’enveloppe dite « d’affaires sociales ». Nous avons par ailleurs, vous le savez, demandé le report sur 2021 d’une partie des crédits ouverts au mois de juillet. Ma réponse est donc positive, y compris pour les associations FLAM, fragilisées par la crise sanitaire : le soutien financier exceptionnel dont elles ont fait l’objet de la part de l’AEFE sera reconduit, car elles jouent un rôle essentiel.
    Ma réponse est tout aussi affirmative pour l’aide à la scolarité. Les crédits votés lors de l’examen du PLFR 3 sont reportés sur 2021 pour soutenir les bourses scolaires. Votre interpellation était opportune, mais je crois que ma réponse est claire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    Depuis plusieurs années, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger subit une baisse de crédits importante. En raison de la diminution des financements publics, le total des dépenses de l’AEFE est chaque année, depuis 2015, supérieur à ses ressources. Pour les établissements confrontés à l’atonie des financements publics, l’ajustement budgétaire consiste donc principalement en l’augmentation des frais de scolarité, en hausse de 25 % depuis 2012 et atteignant presque 5 300 euros en moyenne. Or la crise du coronavirus affecte également nos compatriotes à l’étranger ; ils sont susceptibles de désinscrire leurs enfants de nos établissements si le niveau de l’aide à la scolarité n’est pas augmenté.
    Nous avons bien noté que dans le cadre du plan de soutien aux Français à l’étranger, 50 millions avaient été débloqués par la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 en vue d’une mobilisation renforcée des dispositifs de bourse scolaire. Mais le maintien par le projet de loi de finances pour 2021 de la dotation dédiée aux bourses scolaires à 105 millions d’euros, soit au même niveau que dans la loi de finances pour 2020, ne permet pas d’anticiper les difficultés liées à l’évolution du coronavirus.
    Dans ces conditions, monsieur le ministre, seriez-vous prêt à abonder le budget de l’AEFE ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je l’ai dit il y a quelques instants, les moyens de l’AEFE connaîtront une hausse de 9 millions en 2021, pour intégrer, il est vrai, les crédits liés à la sécurisation des écoles. Permettez-moi cependant d’observer que je m’étais engagé l’an dernier à ce que la mesure exceptionnelle de 26,4 millions que vous aviez adoptée en faveur du développement de l’enseignement français à l’étranger soit maintenue à l’avenir comme base budgétaire. Les parlementaires qui ont cru en cet engagement ne devaient pas être nombreux et pourtant, il a été tenu ! Nous avons relevé de manière significative le niveau de financement de l’AEFE pour soutenir son rôle d’accompagnement du développement du réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger, en particulier dans les pays où les communautés françaises se développent rapidement. L’objectif a été atteint, puisque déjà quinze homologations supplémentaires ont été enregistrées depuis le début de l’année. J’étais la semaine dernière en Tunisie, où j’ai pu constater la force de cette dynamique.
    S’agissant de la crise sanitaire liée à la covid-19, comme je l’ai déjà dit, un plan d’urgence a été élaboré pour le réseau scolaire français à l’étranger. Les établissements scolaires ont reçu 100 millions d’aides directes, 50 millions pour les bourses scolaires et 50 millions pour le réseau de l’enseignement français à l’étranger, sans oublier les 50 millions d’avance de l’Agence France Trésor. Toutes ces mesures permettront de tenir le cap. Par ailleurs, il a été décidé de mettre en œuvre, dès à présent, la deuxième phase du plan d’urgence, qui prévoit une aide à tous les établissements du réseau pour la prise en charge des dépenses supplémentaires liées à la crise sanitaire et une aide spécifique pour ceux qui ont perdu le plus grand nombre d’élèves.
    Vous le voyez, l’AEFE dispose de moyens importants et continuera demain d’en disposer. Il y va de la présence de la France à l’étranger. (M. Yves Daniel applaudit.)

    Mission « Action extérieure de l’État » (état B)

    Mme la présidente

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    J’appelle les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », inscrits à l’état B.
    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 780 et 1054.
    La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement no 780.

    M. Meyer Habib

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    Il vise à relever de 10 millions la dotation budgétaire de l’action 02 « Accès des élèves français au réseau AEFE » du programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires ». Il s’agit, comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, d’abonder le budget en faveur de l’aide à la scolarité des enfants français inscrits dans les établissements du réseau de l’AEFE.
    Notre pays dispose d’un réseau scolaire exceptionnel à l’échelle internationale : ce réseau constitue le fleuron de la France à l’étranger, mais je suis inquiet pour lui. La crise sanitaire a eu pour conséquence une baisse des ressources financières de certaines familles françaises qui ont fait le choix de scolariser leurs enfants dans les établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger et qui ne sont plus en mesure de régler les frais de scolarité. Les premières remontées des établissements après la rentrée de septembre 2020 révèlent une diminution du nombre d’élèves de 2 600 enfants, soit 0,8 % des effectifs.
    Je suis contacté par de nombreuses familles qui vont être obligées de retirer leurs enfants du système scolaire car elles n’ont plus les moyens de payer les frais de scolarité de leurs enfants. En septembre, des parents d’élèves du lycée Pierre Loti d’Istanbul m’ont fait part de leur désarroi. J’ai écrit au directeur de l’AEFE, Olivier Brochet, le 6 octobre dernier – j’ai d’ailleurs adressé copie de ce courrier au secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, Jean-Baptiste Lemoyne.
    Un Français d’Instanbul m’a confié son désespoir en ces termes : « Même si nous ne sommes pas sur le territoire français, où la scolarité est gratuite et obligatoire, je pense qu’aucun enfant français ne devrait être exclu de l’école française et de ses racines juste à cause de difficultés financières. » Malheureusement, j’ai reçu des témoignages comme celui-ci par dizaines.
    Monsieur le ministre, vous le savez mieux que quiconque : à l’étranger, l’accès à l’enseignement français permet souvent le maintien du lien avec la France. Face au risque de déscolarisation massive au sein du réseau de l’AEFE, je vous demande d’augmenter de 10 millions le budget d’aide à la scolarité pour les enfants scolarisés dans ce réseau.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 1054.

    M. Alain David

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    L’objet de cet amendement déposé par le groupe Socialistes et apparentés vise à compenser la stagnation des crédits par rapport à la loi de finances pour 2020. Il propose donc d’abonder le budget en faveur de l’aide à la scolarité des enfants français inscrits dans les établissements du réseau de l’AEFE. Des frais de scolarité de 5 300 euros par an sont très lourds pour les familles. Tout ce qui pourra être fait pour diminuer cette participation sera bienvenu.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    L’amendement no 1054 a été rejeté par la commission des finances, qui n’a pas examiné l’amendement identique no 780. Il n’est pas nécessaire, à ce stade, d’inscrire 10 millions d’euros supplémentaires sur les aides à la scolarité des élèves français de l’enseignement français à l’étranger. M. le ministre l’a rappelé, l’enveloppe actuelle de 105 millions est supérieure de 4 millions au montant consommé en 2019, ce qui nous garantit une marge de sécurité.
    Nous constatons cependant déjà, après la réunion de septembre de la commission nationale des bourses, un dépassement de 2,5 millions par rapport au budget initialement prévu pour l’année 2020. En outre, 1,5 million de recours gracieux ont été pris en charge au troisième trimestre, avant même la tenue des conseils consulaires des bourses scolaires – CCB – d’automne.
    Je rappelle que 50 millions ont été alloués par la LFR 3 pour des aides aux familles françaises fragilisées par la crise, au besoin en révisant les critères de revenu ou de patrimoine pris en compte pour définir les montants ou les quotités de bourse – ce qui nous laisse beaucoup de marge, monsieur Habib. Nous aurons l’occasion de faire le point lors de la tenue de la seconde commission nationale des bourses. Un niveau élevé de consommation des crédits de l’enveloppe exceptionnelle pourrait indiquer que les besoins récurrents deviennent durablement supérieurs aux années passées, mais nous ne disposons pas de suffisamment de recul à ce stade.
    J’ajoute, enfin, que le budget maintient un fonds de roulement de l’AEFE au titre des bourses, la fameuse soulte résultant de trop-versés pour des exercices antérieurs, qui permet de couvrir le risque de charges sur les prestations et de répondre à des sollicitations imprévues. Cette soulte s’élevait à 20 millions en début d’année. Il me semble donc préférable de ne pas accroître les crédits de cette enveloppe : ce serait les exposer au risque d’être annulés faute d’être dépensés. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    J’ai déjà répondu, je crois, à ces amendements dans mon propos liminaire et dans ma réponse à Mme Cazebonne. Les crédits prévus pour la mission « Action extérieure de l’État » en 2021 permettront de répondre aux préoccupations exprimées.

    M. Meyer Habib

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    Pas à toutes !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Les 50 millions d’aides prévus par la LFR 3 pour les familles fragilisées par la crise restent en partie disponibles, ainsi que les 105 millions de la dotation dédiée aux bourses scolaires et la soulte potentielle que vient à l’instant d’évoquer M. le rapporteur spécial. Je suis défavorable à ces amendements, car ils proposent une mesure qui n’est pas nécessaire. Si un problème se posait, nous pourrions en parler, mais je n’en constate pas à ce stade, pas plus d’ailleurs que je n’en constatais l’année dernière – or nous ne disposions pas alors de la soulte de 50 millions d’euros…

    (Les amendements identiques nos 780 et 1054 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 1051.

    M. Alain David

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    Il vise à compenser les baisses antérieures de crédits décidées par le Gouvernement en abondant le budget par un montant équivalent en faveur de l’AEFE. Le groupe Socialistes et apparentés propose d’augmenter la subvention pour charges de service public de 4 millions, afin de rétablir les crédits à leur niveau de 2020 et d’éviter ainsi de recourir à l’augmentation des frais de scolarité. Une telle augmentation concorderait avec l’objectif ambitieux fixé par le Président de la République de doubler le nombre d’élèves scolarisés dans les établissements français à l’étranger.
    Je rappelle, une fois encore, le montant des frais de scolarité dans ces établissements : 5 300 euros par an, ce qui est énorme ! Je reconnais que le budget de l’AEFE a été abondé cette année, mais les frais de scolarité restent à la charge des familles. Or quelle famille a les moyens d’assumer un tel coût et de scolariser deux ou trois enfants dans les établissements du réseau de l’AEFE ?

    M. Meyer Habib

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    Absolument !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Cet amendement a été rejeté par la commission des finances. Comme je vous l’ai dit en commission, monsieur David, la subvention versée à l’AEFE ne baissera pas en 2021, mais augmentera de 9 millions, c’est-à-dire de 2 %. Cette hausse permettra de financer les travaux de sécurisation des écoles : c’est une mesure de sincérité budgétaire alors que ces dépenses devaient relever, les deux années précédentes, d’un mécanisme inopérant d’avances depuis le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
    Au total, la hausse de près de 25 millions de la subvention pour charges de service public opérée en 2020 est pérennisée. Il s’agit d’un rebasage, qui permet, sur la durée, de réduire le taux de la participation financière complémentaire des établissements, ramené de 7,5 % à 6 %, ce qui permet de financer la modernisation et l’extension des capacités des établissements – aucune inquiétude à avoir, donc, sur ce point. Ce rebasage permet, par ailleurs, de consacrer 5 millions d’euros à la création de postes de formateurs et à la structuration de seize pôles de formation, les « instituts régionaux de formation », effectifs le 1er janvier 2021. Enfin, il permet de soutenir les demandes d’homologation et de développer l’école numérique.
    À ces crédits pérennes s’ajoutent, depuis l’été dernier, 100 millions de soutien, dont 50 millions d’avance de trésorerie et une enveloppe de 50 millions d’euros de subventions. Dans ces subventions, 25 millions ont déjà été consommés : 12 millions sous forme d’aides aux établissements dès lors qu’ils diminuaient les droits de scolarité des familles étrangères en difficulté ; 7 millions sous forme de subventions aux établissements d’enseignement français de Beyrouth, touchés par l’explosion du 4 août ; 5 millions pour les familles étrangères au Liban. Le solde de 25 millions restant devrait permettre de financer les besoins des établissements dans quatre domaines : le renforcement de leur capacité numérique, l’accompagnement des élèves en difficulté, l’application des protocoles sanitaires et la formation des personnels à l’enseignement à distance.
    Le soutien renouvelé à l’AEFE ne fait donc pas de doute. Évitons de gonfler artificiellement les enveloppes budgétaires et utilisons au mieux les nouveaux leviers de développement. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    J’ai déjà répondu. Avis défavorable.

    (L’amendement no 1051 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 589 de la commission des affaires étrangères.

    M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis

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    Je tiens d’abord à préciser à mes collègues, s’agissant des amendements précédents, que l’AEFE gère un réseau de 522 lycées ; les mesures proposées n’auraient pu s’appliquer qu’à 70 d’entre eux. Les frais de scolarité s’élèvent certes en moyenne à 5 000 euros, mais, parmi les gens qui s’en acquittent, certains ne sont absolument pas aidés par l’État, tandis que d’autres le sont. Je propose, comme nous essayons de le faire depuis deux ans, de retravailler le fonctionnement de l’agence pour qu’elle soit bien en charge des 522 lycées et atteigne son objectif de doublement des effectifs au sein du réseau. La subvention qui lui est versée ne fera donc pas mécaniquement baisser le montant des écolages sur l’ensemble de la planète.
    Le présent amendement vise à restaurer la confiance des familles envers le réseau des établissements français à l’étranger, car celle-ci a été perdue. Il tend donc à créer, au sein de l’AEFE, un système de management qui pourrait être certifié dans les trois ou quatre années à venir. À l’occasion de la crise sanitaire, l’école a également connu un déficit de confiance en France ; elle a réagi en créant un outil de contrôle de la qualité, permettant d’observer et d’analyser les réponses apportées à la situation de crise. Mais à la différence des familles installées en France, celles qui vivent à l’étranger ont le choix, car la scolarité dans un établissement français n’y est pas obligatoire. Il faut donc créer un outil qui soit internationalement reconnu, susceptible de compenser ce manque de confiance.
    Par ailleurs, notre collègue Bruno Fuchs a tout à l’heure évoqué la concurrence subie par l’AEFE en matière d’influence ; elle n’est pas suffisamment organisée et développée pour y faire face. Elle est aujourd’hui plongée dans le grand bain, si j’ose dire, et se confronte à des systèmes de diplomatie, d’influence et de création d’écoles qu’elle a du mal à concurrencer. Nous devons l’aider à s’organiser pour correspondre aux besoins de la diplomatie du XXIe siècle.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Je voudrais d’abord saluer le travail accompli par notre collègue Frédéric Petit sur ce sujet, qui est essentiel pour les Français de l’étranger mais aussi pour la communauté française tout entière. La commission des finances a repoussé l’amendement, car le vecteur choisi pour dégager des crédits ne nous semble pas être le bon. À titre personnel, monsieur Petit, j’émettrai un avis de sagesse, sous réserve des précisions qui seront apportées par M. le ministre.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Comme vous le savez, les établissements d’enseignement français à l’étranger sont soumis à une exigence de qualité. L’homologation délivrée par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports établit la conformité de l’enseignement et de l’organisation des établissements avec les principes du système éducatif français, ce qui donne lieu à un dispositif efficace de contrôle de la qualité.
    Par ailleurs, l’AEFE s’engage dans les dispositifs d’évaluation élaborés par le ministère de l’éducation nationale. Le conseil d’évaluation de l’école, qui en dépend, propose aux établissements du second degré une auto-évaluation précédant leur évaluation externe. L’AEFE a indiqué, et c’est une bonne chose, qu’elle serait très intéressée par la mise en œuvre d’une telle démarche.
    L’AEFE est également engagée dans une démarche de labellisation AFNOR – Association française de normalisation ; dans le domaine budgétaire, un processus de certification externe des comptes a été instauré.
    Tout cela va dans le bon sens, mais je comprends votre préoccupation, monsieur le rapporteur pour avis, s’agissant de la qualité des homologations et des labellisations visant l’AEFE, en particulier concernant certaines de ses missions, que vous avez évoquées tout à l’heure. Comme M. le rapporteur spécial, je m’en remettrai donc à la sagesse des députés.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis.

    M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis

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    Je remercie le rapporteur spécial et M. le ministre de leur avis de sagesse. Il importe surtout de restaurer la confiance non pas envers l’agence en tant qu’outil technique et administratif, mais vis-à-vis du réseau des établissements français à l’étranger. Nous devons nous doter d’un outil qui prouve à n’importe quelle famille, quelle que soit sa nationalité et quel que soit le pays où elle vit, la qualité de tout établissement appartenant au réseau. Je rappelle que nous y avons intégré le programme FLAM et le « LabelFrancÉducation », qui fournit une sorte de pré-homologation aux établissements. Il faudrait que toutes les familles puissent savoir que dès lors qu’il s’agit d’un établissement français, c’est sérieux, c’est certifié, et ce qui est dit est fait.

    (L’amendement no 589 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 1053.

    M. Alain David

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    Il vise à retrouver le niveau des crédits qui étaient accordés aux grands opérateurs de l’État en 2019, en abondant de 5 millions d’euros le budget en faveur de la coopération culturelle, de la promotion du français et du tourisme.
    Les instituts français, établissements à autonomie financière qui sont désormais liés aux services culturels des ambassades et font également partie du réseau des alliances françaises, constituent les fers de lance de l’apprentissage de la langue française à l’étranger. La baisse de crédits, qui s’élève au total à 5 millions d’euros et touche toutes les composantes du réseau – instituts français et alliances françaises –, n’est pas appropriée ; elle est même contre-productive par rapport aux objectifs affichés de promotion de la langue française hors de nos frontières. Les pertes financières subies par ces organismes du fait de la crise du coronavirus plaident d’ailleurs pour un rétablissement des crédits.
    Il conviendrait donc au minimum de rétablir les crédits inscrits dans la loi de finances pour 2019, pour un montant de 5 millions d’euros.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Sur ce sujet, l’État est au rendez-vous. Les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » avaient fortement diminué – de 11 % – entre 2012 et 2017 ; cela peut sembler de l’histoire ancienne, mais il faut tout de même le rappeler. Pour 2021, les dotations des services culturels des ambassades augmentent de près de 2 millions d’euros pour atteindre 56 millions ; s’y ajoutent 7,3 millions d’euros de subventions aux alliances françaises et 28,8 millions à l’Institut français de Paris, qui est la tête du réseau des instituts.
    Les crédits du programme 185 ont déjà fortement augmenté en 2018 et en 2019 ; pour faire face à la crise, il bénéficie en 2020 d’une nouvelle hausse de 9 millions d’euros, dont 5 millions pour le tiers des instituts français dont les fonds de roulement étaient trop faibles pour tenir le choc de la crise, qui a considérablement réduit leurs ressources propres, 2 millions d’euros pour des alliances françaises, et 2 millions supplémentaires au titre d’une dernière enveloppe qui sera attribuée en fin de gestion.
    J’insiste donc : même si je comprends parfaitement votre préoccupation, vous n’avez pas d’inquiétude à avoir à ce sujet, car l’État est au rendez-vous. Il l’est d’une part pour préserver le réseau et éviter les fermetures définitives d’instituts ou d’alliances, qui seraient désastreuses ; et d’autre part pour maintenir le cap sur ce qui demeure notre grand objectif : le rayonnement de la langue française et des industries culturelles et créatives.
    Enfin, j’ajoute qu’il faut accompagner l’adaptation du réseau et poursuivre sa modernisation, en particulier pour accroître la part des services numériques. Je pense avoir répondu à vos inquiétudes ; avis défavorable.

    (L’amendement no 1053, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 1050.

    M. Alain David

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    J’ai bien entendu votre argumentation, monsieur le rapporteur spécial, mais il est inutile de rappeler ce qui s’est passé en 2012 ; je n’étais pas né. (Sourires.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Qui était au gouvernement, à cette époque ? (M. le ministre lève le doigt. – Sourires.)

    M. Alain David

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    Le présent amendement vise à abonder le budget en faveur de l’aide sociale aux Français de l’étranger les plus démunis, au sein du programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires », d’un montant équivalent à l’augmentation figurant dans la loi de finances pour 2020 par rapport à la loi de finances pour 2019.
    Ces crédits sont destinés à dispenser des aides sociales à nos compatriotes à l’étranger qui se trouvent dans le besoin, par l’intermédiaire des divers conseils consulaires pour la protection et l’action sociale – les CCPAS. Cette enveloppe permet de verser des aides mensuelles à nos compatriotes à très faibles revenus, âgés de plus de 65 ans ou handicapés, ainsi qu’à des enfants en détresse ; elle fournit aussi des aides ponctuelles à nos compatriotes en difficulté temporaire, qu’ils soient résidents, de passage ou détenus.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Le ministre s’efforce en permanence d’obtenir que les crédits de son ministère soient maintenus ; c’est essentiel, et il l’a rappelé. Votre intention est satisfaite, puisque le projet de loi de finances pour 2021 augmente déjà les crédits d’aide sociale à la main des consulats de 2,9 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 17 % et les porte à un montant de 20 millions.
    Cela semble suffisant, alors même qu’une enveloppe exceptionnelle de 50 millions d’euros a déjà été votée dans la troisième loi de finances rectificative sur le programme 151, afin de verser une aide ponctuelle d’urgence qui constitue l’équivalent de celle versée aux familles modestes en France au printemps 2020 ; elle s’élève à 150 euros par foyer, assortis d’un supplément de 100 euros par enfant à charge. Au 1er octobre, on comptait près de 10 000 bénéficiaires, pour 1,5 million d’euros consommés. S’y ajoutent des subventions aux associations de secours social, à hauteur de 1,5 million d’euros depuis mars.
    L’enveloppe de 50 millions d’euros ouverte cet été est très loin d’être épuisée. Du fait du prolongement des effets de la crise, les critères d’attribution de l’aide ont été assouplis en septembre, afin qu’elle puisse être versée jusqu’à quatre fois d’ici la fin de l’année 2020, à un rythme mensuel, ce qui permet de prévoir des versements plus importants dans certains consulats, notamment ceux de Moscou, de Bogota ou de Londres.
    Il ne nous semble donc pas nécessaire d’ouvrir des crédits supplémentaires : avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Le rapporteur spécial a bien exprimé mon sentiment. Je voudrais remercier Alain David de sa persévérance sur un sujet qui est essentiel, mais aussi rappeler qu’à ma connaissance, la France est le seul pays européen à avoir mis en place un tel système d’aide sociale au profit de ses expatriés ; composé d’aides qui peuvent être pérennes ou exceptionnelles, il est particulièrement généreux. Ce dispositif ne repose en droit interne sur aucune disposition d’ordre législatif ou réglementaire.
    Nous avons renforcé cette exception française au moment de la crise de la covid-19, puisqu’une enveloppe exceptionnelle de 50 millions d’euros a été votée au début de la crise en loi de finances rectificative, ce qui a permis de créer une aide spécifique sur la base des aides accordées en France. Un cadre général a été donné aux postes consulaires ; cependant, compte tenu de la diversité des situations et de la mobilisation de plusieurs députés représentant les Français de l’étranger – certains sont ici présents –, j’ai été amené à leur donner davantage de latitude pour qu’ils puissent agir en fonction de la réalité de la situation et non uniquement de critères établis en métropole.
    Par ailleurs, nous avons renforcé les moyens mis à disposition des associations pour qu’elles soient en mesure de répondre à des situations jugées préoccupantes.
    Le dispositif va continuer à fonctionner. Nous savons – aujourd’hui plus qu’hier – que la crise est vouée à durer, et je considère qu’avec le report de l’enveloppe de 50 millions d’euros, dont une partie reste à dépenser – elle n’a été utilisée que marginalement au début de la crise, mais elle commence désormais à l’être davantage –, ainsi que l’augmentation prévue par le PLF, rappelée par le rapporteur spécial, je pense qu’il est inutile de surabonder pour le moment. Si d’aventure une nouvelle augmentation s’avérait nécessaire, nous l’envisagerions, mais le problème ne se pose pas à l’heure actuelle.
    Même si votre constat de départ est tout à fait juste, j’émets donc un avis défavorable à l’amendement.

    (L’amendement no 1050 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement no 774.

    M. Meyer Habib

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    Il vise à augmenter de 3 millions d’euros la dotation budgétaire de l’action 01 « Offre d’un service public de qualité aux Français à l’étranger » du programme 151, afin de venir en aide à notre réseau consulaire. Ce sont 160 ambassades, 89 consulats généraux et 110 sections consulaires que – faut-il encore le rappeler – la crise sanitaire a fortement affectés. Je tiens d’ailleurs à saluer le dévouement et le professionnalisme de l’ensemble du personnel diplomatique au service des 2,5 millions de nos compatriotes qui sont établis hors de France, et que j’ai l’honneur de représenter dans cet hémicycle.
    Monsieur le ministre, j’ai pu ces derniers mois m’entretenir à de nombreuses reprises avec les consuls généraux de ma circonscription, et un constat s’impose. Les personnels sont à bout de souffle, ils viennent parfois à manquer, et beaucoup n’ont pas pris de congés depuis très longtemps.
    Outre l’organisation du retour en France des Français de passage à l’étranger, le réseau consulaire a dû faire face aux conséquences de la crise sanitaire pour les Français résidant à l’étranger, aux inquiétudes concernant leur prise en charge sanitaire et aux difficultés financières liées à la dégradation de la situation économique.
    Or l’action 01, qui représente 57 % du programme, voit ses crédits baisser de 0,25 % en autorisations d’engagement et de 0,11 % en crédits de paiement.
    Monsieur le ministre, cette baisse est mal comprise dans des postes consulaires sous tension face à la pandémie du covid-19. C’est pourquoi je propose d’orienter 3 millions d’euros supplémentaires vers cette action. Merci pour eux.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été présenté devant la commission des finances ; à titre personnel, je donnerai un avis défavorable.
    Ainsi que le ministre l’a rappelé, les moyens de fonctionnement de notre réseau consulaire sont préservés par le budget.
    Premièrement, le schéma des emplois du programme 151 est stable alors qu’il était en baisse au cours des années précédentes. Le plafond des emplois augmente même de neuf emplois, ce qui porte les effectifs à 3 246 personnes – et nous souhaitons que la tendance se maintienne l’an prochain.
    Deuxièmement, les crédits de fonctionnement hors titre 2 sont en légère hausse – 0,4 million d’euros –, mais la progression effective des dépenses en 2021 devrait être bien supérieure à ce montant, car la consommation des crédits hors titre 2 ouverts en 2020 devrait être inférieure d’environ 3 millions d’euros à ce qui était prévu, notamment parce que la crise a ralenti le développement de certains projets informatiques du consulat numérique.
    Soulignons que le vote par internet pourra être mis en œuvre pour les prochaines élections consulaires – celles qui auraient dû se tenir au printemps dernier et ont été reportées en raison de la crise.

    M. David Habib

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    Ce n’est pas gagné !

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Vous avez raison. Ce vote par internet constituera néanmoins un allégement pour les services. De même, la mise en place du centre de contact consulaire à Nantes permettra de mettre fin à la saturation des consulats, en réservant aux postes consulaires les seules demandes nécessitant un suivi de terrain et une expertise locale.
    J’émets donc un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Mon avis sera également défavorable.
    Tout d’abord, le montant de cette action est stable, voire légèrement supérieur par rapport à celui inscrit en loi de finances initiale pour 2020. Ensuite, la baisse de certains crédits n’est qu’apparente, notamment ceux qui ont trait aux élections – reportées en 2021. Lorsque les élections auront lieu, il y aura un report des crédits qui avaient été alloués à leur tenue et qui n’ont pas été utilisés en 2020. Enfin, la mise en œuvre de l’état civil électronique permet d’alléger les tâches et de réduire les coûts. Rien ne justifie donc l’augmentation que vous proposez.

    (L’amendement no 774 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement no 771.

    M. Meyer Habib

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    La loi pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017 a supprimé la réserve parlementaire. Chaque jour, je le regrette un peu plus.
    À l’époque, j’ai été le seul député à voter contre – peut-être parce que j’étais aussi le seul à avoir eu la chance d’être réélu.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    N’importe quoi !

    M. Meyer Habib

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    C’est un fait : mes dix autres collègues avaient été battus.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Le seul député des Français de l’étranger !

    M. Meyer Habib

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    Évidemment, je parle des députés des Français de l’étranger.

    M. Marc Le Fur

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    Nous aussi, nous avions voté contre !

    M. Meyer Habib

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    Merci, monsieur le président Le Fur.
    Cette suppression, vous devez le constater sur le terrain, a été un coup de poignard pour toutes ces associations françaises qui font vivre et briller la France à l’étranger et qui n’ont plus d’aides aujourd’hui.
    À l’époque, monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à associer les députés français au nouveau dispositif de STAFE. Personnellement, je n’ai jamais été consulté ni intégré.
    Résultat : on a détruit un lien essentiel entre les réalités locales et la représentation nationale. Pire : 1,34 million d’euros sont perdus chaque année.
    En circonscription, une colère gronde. Des associations vitales, dont je pourrais vous donner la liste, ne sont pas éligibles au STAFE. En 2017, lors d’une intervention devant l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, le président Emmanuel Macron invitait même le ministre des affaires étrangères à créer « un dispositif comparable » à la réserve parlementaire.
    Monsieur le ministre, considérez-vous que le dispositif STAFE est suffisant pour nos associations ? Alors que la crise sanitaire frappe le monde entier, nos compatriotes vivant à l’étranger ont plus que jamais besoin que ces associations françaises vivent.
    Ce sont ces associations, en mal de soutien financier, que je voudrais aider par le biais de cet amendement. (M. Marc Le Fur applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été présenté devant la commission des finances, mais j’ai l’impression que nous en avons longuement débattu à l’automne 2017, lorsque vous plaidiez avec fougue pour dimensionner à la hausse l’enveloppe des subventions aux associations françaises de l’étranger. Vous proposiez alors de la calquer sur les montants de la dernière année de mise en œuvre de la réserve parlementaire.

    M. Thierry Benoit

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    Ah, la réserve parlementaire !

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Cependant, cela aurait eu pour effet de transférer sur la mission « Action extérieure de l’État » des subventions aux associations porteuses de projets humanitaires à destination des populations locales – dépenses relevant de la mission « Aide publique au développement », dont les crédits disponibles sont en très forte hausse.
    À titre personnel, je donnerai donc un avis défavorable à cet amendement : l’enveloppe de 2 millions d’euros dédiée au STAFE me semble bien calibrée.
    En septembre 2018, la première campagne avait permis de retenir 233 projets, soit 74 % des dossiers présentés, pour environ 1,8 million d’euros de subventions. La deuxième campagne a donné lieu à une hausse de 22 % des demandes et permis de retenir 279 projets, soit cinquante-six de plus qu’en 2018, pour un montant total de 1,98 million d’euros.
    La crise sanitaire a conduit à reporter la campagne 2020, car les projets culturels n’auraient tout simplement pas pu être mis en œuvre. Ces crédits ont été redéployés à hauteur de 1,3 million d’euros vers les OLES, ainsi que d’autres associations apportant une aide sanitaire et sociale à nos compatriotes fragilisés par la crise.
    J’ajoute que le décalage du calendrier de la campagne 2021 au début de l’année prochaine va dans le sens des propositions faites par les élus des Français de l’étranger. La commission d’attribution des subventions aura lieu en mars au lieu de septembre. Cela simplifiera le travail des postes, comme celui des associations qui pourront réaliser leur projet sur l’année d’attribution de la subvention, ce qui sera plus logique sur le plan budgétaire.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Même avis. Le rapporteur a dit l’essentiel, mais je rappelle à M. Meyer Habib que je suis à l’origine de l’affectation des 2 millions d’euros, conformément à ce qu’il a indiqué.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    J’interviens en appui à notre collègue Meyer Habib pour souligner que, là comme ailleurs, la suppression de la réserve parlementaire fut une catastrophe.

    M. Meyer Habib

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    Bien sûr !

    M. Marc Le Fur

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    Chacun d’entre nous connaît son territoire, son terrain, peut identifier les difficultés et soutenir certaines structures associatives. On nous a privés de cette possibilité, au prétexte que quelques bureaucrates dans je ne sais quel bureau, au fond de je ne sais quel ministère, étaient plus compétents et plus légitimes pour attribuer ce type d’aides.

    M. Thierry Benoit

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    Quelle erreur !

    M. Marc Le Fur

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    C’était votre premier texte, chers collègues de la majorité ! Or tout mandat se juge à son premier texte. Dans celui-là, vous avez refusé toute confiance aux parlementaires. À présent, vous en récoltez les résultats. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-I, SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis.

    M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis

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    J’interviens en tant que député de la septième circonscription des Français établis à l’étranger et non pas en tant que rapporteur pour avis.
    Remarque générale : je soutiens toutes les associations qui demandent de l’aide dans le cadre du STAFE. Je les connais, je sais si elles ont réussi ou échoué à obtenir des fonds. C’est exactement le rôle d’un parlementaire de conduire des citoyens qui prennent des responsabilités vers un juge de paix – ce n’est pas moi, sinon je serais à la fois juge et partie.
    Remarque plus technique : le décalage du calendrier n’est pas seulement une bonne chose pour la comptabilité, il permet aussi de gagner six mois et d’avoir deux campagnes très rapprochées. Ceux de l’année précédente n’avaient pas encore appris qu’ils avaient perdu qu’ils pouvaient déjà commencer à réfléchir à cette année.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial.

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Monsieur Le Fur, dans mon rapport d’octobre 2019, j’avais apporté une précision qui n’a pas pu vous échapper : les projets ne sont pas examinés par des bureaucrates mais par des conseils consulaires exclusivement composés d’élus de proximité des Français de l’étranger…

    M. Éric Girardin

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    Eh oui !

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    …et sans intervention des parlementaires. Je tenais à apporter cette petite précision à la représentation nationale.

    (L’amendement no 771 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 1052.

    M. Alain David

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    Vous aurez de la peine à le refuser, celui-là !
    L’objet de cet amendement, déposé par le groupe Socialistes et apparentés, vise à financer à hauteur de 1 million d’euros le fonds citoyen commun créé par l’article 12 du traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle du 22 janvier 2019.
    Ce fonds est destiné à appuyer les projets conjoints d’acteurs de la société civile, notamment les initiatives citoyennes et les jumelages de communes – dans le cadre d’une coopération internationale toujours très intéressante.
    Il n’est pas destiné à soutenir de grands projets, mais plutôt une multitude de petits projets émanant des citoyens. L’étude d’impact précise, en effet, qu’il a « vocation à apporter une contribution financière à des acteurs de l’amitié franco-allemande souvent exclus de tout appui intergouvernemental. »

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    L’intention est très louable. Vous aviez déjà déposé cet amendement l’année dernière, et le ministre vous avait alors répondu que le financement du fonds citoyen commun franco-allemand serait prochainement défini. Parole a été tenue : le Fonds citoyen franco-allemand a été lancé le 16 avril 2020, malgré le contexte sanitaire. Son lancement sur internet a même été une réussite.
    Ce fonds est donc déjà financé, et il a été doté, dès 2020, d’un budget de 2,4 millions d’euros. Côté allemand, l’apport de 1,2 million d’euros vient du ministère fédéral de la famille, des femmes, des personnes âgées et de la jeunesse ; côté français, l’enveloppe de 1,2 million d’euros provient à hauteur de 0,6 million d’euros du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et de 0,6 million d’euros du Quai d’Orsay, sur le programme 185.
    Géré par l’Office franco-allemand pour la jeunesse – OFAJ –, le fonds soutient des projets transfrontaliers – par exemple, un projet de sport pour femmes victimes de violence, la création d’une plateforme digitale pour des jumelages ou encore un documentaire sur la vie de famille au temps du covid-19.
    Pour l’année 2021, la totalité de la contribution française émane du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse : 1,25 million d’euros sur le programme « Jeunesse et vie associative ». Il est donc inutile d’inscrire 1 million d’euros supplémentaires. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je suis d’autant plus vigilant à faire respecter le financement du fonds citoyen commun franco-allemand créé par le traité d’Aix-la-Chapelle que je suis signataire de ce traité.
    Pour le reste, je ne peux que répéter les propos du rapporteur spécial. Pour la partie française, ce fonds était initialement cofinancé par le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Il est désormais totalement financé par le ministère de l’éducation nationale, mais le montant reste le même. Nous sommes donc au rendez-vous.
    Après vous avoir fourni ces éléments d’information, que vous ne deviez pas avoir lors du dépôt de votre amendement, je vous suggère de le retirer : il n’a plus d’objet.

    Mme la présidente

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    Monsieur David, retirez-vous l’amendement ?

    M. Alain David

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    Non, je le maintiens.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis.

    M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis

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    L’Allemagne faisant partie de ma circonscription, je peux témoigner de l’attente immense que suscitait ce fonds. Je témoigne aussi du fait que l’OFAJ est constitué de tout sauf de bureaucrates : ce sont des gens de terrain qui, depuis cinquante ans, ont développé le franco-allemand dans les écoles.
    L’OFAJ est une structure qui fonctionne très bien. Ses personnels, que j’ai rencontrés il y a quinze jours, travaillent actuellement sur des projets franco-allemands dans des domaines où il n’y en a pas encore,…

    M. Marc Le Fur

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    Sauf l’enseignement !

    M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis

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    …, notamment la sécurité civile et les services d’incendie et de secours. Ils vont chercher les acteurs de la société civile qui n’ont pas de réflexes franco-allemands pour qu’ils en développent.

    (L’amendement no 1052 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 1519.

    M. Alain David

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    Cet amendement, déposé par Mme Josette Manin, vise à abonder le financement du projet de développement durable de la grande muraille verte. Quinze ans après son lancement, le projet de grande muraille verte, dont le but est d’ériger un rideau de verdure de près de 8 000 kilomètres du Sénégal à Djibouti, est à l’arrêt.
    Un rapport d’évaluation, commandé par la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification et dévoilé le 7 septembre 2020, a mis en évidence que seuls 4 millions d’hectares avaient été aménagés sur les 100 millions visés d’ici à 2030.
    Or le temps presse : si l’extension de la surface du Sahara de 10 % en un siècle, entre 1920 et 2013, constitue une source d’inquiétude grandissante pour les pays d’Afrique subsaharienne, ce phénomène a une incidence, avec des brumes de sable issues du Sahara et du Sahel, jusque dans l’arc caribéen, dont font partie la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
    Cet amendement d’appel vise à rappeler au gouvernement français l’importance de relancer et d’améliorer le pilotage de ce projet avec les pays africains concernés, tant il est stratégique pour la stabilité globale de cette région comme pour l’ensemble du monde.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été présenté devant la commission des finances. Je comprends qu’il s’agit d’un amendement d’appel, destiné à évoquer en séance publique notre stratégie concernant la grande muraille verte, cette ceinture de végétation multi-espèces qui doit traverser la bande sahélo-saharienne sur 7 000 kilomètres entre Dakar et Djibouti.
    Je vous propose de retirer l’amendement au bénéfice des explications que va nous apporter M. le ministre.
    Je rappelle que la grande muraille verte a été lancée par les chefs d’État et de gouvernement des États sahélo-sahariens en 2005 au Burkina Faso. La Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification prévoit de restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées, afin de séquestrer 250 mégatonnes de carbone et de créer 10 millions d’emplois verts.
    L’agence panafricaine de la grande muraille verte, qui siège à Nouakchott, coordonne cette initiative : un rapport récent indique que 200 millions d’euros de financement ont été consacrés à des projets sur le tracé de la ligne, dont 50 millions d’euros ont été pris en charge par les États africains eux-mêmes.
    Entre 2011 et 2017, les onze pays membres ont restauré collectivement environ 4 millions d’hectares, dont 2,3 millions pour la seule Éthiopie. C’est en effet très loin des objectifs, mais c’est tout de même le résultat de l’accumulation d’activités pilotes, initiées sur des largeurs de 15 kilomètres dans la zone d’intervention de chacun des États membres.
    Il faut donc aller plus loin et plus vite, mais avant de voter de nouveaux financements, il faut fixer des objectifs clairs et instaurer une gouvernance cohérente. Dans une tribune que j’ai rédigée cet été avec le professeur Mbaye Fall Diallo, j’ai plaidé pour que la grande muraille verte soit le catalyseur d’une agroécologie à l’appui des entreprises et des communautés locales. Il faut embarquer tout le monde, les communautés et les collectivités locales, pour garantir la sélection et le suivi des projets, pour créer de l’emploi dans le secteur informel et pour orienter les transferts de fonds des diasporas vers l’investissement durable.

    M. Stéphane Baudu

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je suis complètement d’accord sur l’importance de l’enjeu, monsieur David. Je soutiens la nécessité de continuer à renforcer l’objectif de la grande muraille verte, dans la mesure où le Sahel est une région prioritaire pour la France et son développement. La résilience des territoires les plus vulnérables demeure une priorité. Nous avons apporté un soutien politique et financier permanent : depuis 2016, le groupe AFD a mobilisé 650 millions d’euros pour le financement de projets liés directement ou indirectement à la grande muraille verte.
    Par ailleurs, l’Institut de recherche pour le développement – IRD – apporte également un soutien technique et scientifique à l’agence panafricaine de la grande muraille verte, qu’a évoquée à l’instant M. Ledoux.
     
    Nous poursuivrons ces projets et veillerons à ce que leur déploiement s’accélère : pour ce faire, l’ensemble des acteurs doivent davantage se mobiliser pour atteindre des objectifs, qui seront réactivés dans les prochains mois, d’après ce que disent les chefs d’État concernés.
     
    Le sujet est majeur, mais il ne dépend pas des crédits de la mission que nous sommes en train d’examiner, plutôt de ceux de la mission « Aide publique au développement ». Néanmoins, l’Agence française de développement et l’aide publique au développement sont au rendez-vous.
    Il serait dommage, si vous me permettez de persifler un peu, que vous nous demandiez de baisser les crédits de l’AEFE après avoir demandé tout à l’heure de les augmenter. Par souci de cohérence, je vous demande de retirer l’amendement, qui vise à diminuer de 500 000 euros l’action 5 « Agence pour l’enseignement français à l’étranger » du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence ». Je suggère que nous interprétions votre propos comme une intervention d’appel et de vigilance…

    M. Alain David

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    Tout à fait !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    …plus que comme une intervention technique, car cela ne passerait pas.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    J’ai présenté l’amendement dans cet esprit.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    D’accord.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale.

    Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale

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    Je ne souhaite pas que l’on achève l’examen des crédits de cette mission sans que le ministre ne nous éclaire sur le budget du tourisme. Vincent Rolland et moi-même l’avons évoqué et avons posé plusieurs questions.
    Le rattachement des crédits affectés au tourisme à la mission « Action extérieure de l’État » nous place dans une situation inconfortable : eu égard au contexte et à la transversalité du sujet, nous devons débattre du budget du tourisme pour l’année 2021 ici et maintenant.
     
    Monsieur le ministre, pouvez-vous faire certaines annonces ou, au moins, partager avec nous l’ambition du Gouvernement pour accompagner les entreprises en 2020 et soutenir l’attractivité de notre pays comme destination touristique, alors que le budget d’Atout France baisse ?

    (L’amendement no 1519 n’est pas adopté.)

    (Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », modifiés,sont adoptés.)

    Avant l’article 53

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement no 1075.

    M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial

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    Il vise à faire le point sur un partenariat essentiel de la France en matière d’aide humanitaire et de soutien aux populations vivant dans des zones de conflits, à savoir nos contributions au Comité international de la Croix-Rouge, le CICR, que j’évoquais en introduction tout à l’heure.
    Je rappelle que le CICR exerce des missions, conférées par le droit international public au fil des conventions de Genève, qui sont essentielles à la protection de la vie et de la dignité des victimes de conflits armés et de situations de violence. Le fort accroissement des conflits armés depuis le début de la décennie 2010 a conduit à un doublement du budget du CICR en dix ans, qui est passé de 1,1 milliard de francs suisses en 2012 à 2,2 milliards dans l’appel aux dons lancé au titre de l’année 2020.
    En tant qu’organisation impartiale, neutre et indépendante, le CICR est un acteur central de la zone grise de la sortie de crise, qui exige de renforcer la résilience des sociétés marquées par la violence avant de pouvoir y envisager de grands projets d’aide au développement.
    Cependant, les contributions des États donateurs, qui sont toutes volontaires, n’augmentent pas suffisamment pour accompagner les missions du CICR. La France a engagé des efforts ces dernières années et s’est hissée du onzième au dixième rang des donateurs, mais les contributions de notre pays sont éclatées. Il y a, tout d’abord, une contribution annuelle de la direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l’homme et de la francophonie, non affectée et inscrite au programme 105, dont le montant est stable, à 7,5 millions d’euros. Ensuite, plusieurs contributions sont affectées à des contextes ou à des projets spécifiques selon des montants et des échéanciers très variables, provenant, selon les cas, de la direction des Nations Unies, du centre de crise et de soutien, de l’aide alimentaire programmée ou de l’Agence française de développement.
    Il en résulte une forte variabilité des montants des contributions de la France au CICR, alors que l’organisation recherche une plus grande prévisibilité des financements de ses principaux donateurs. La part importante des contributions fléchées vers des projets contribue à rendre les financements plus rigides, alors que le CICR doit disposer de moyens pérennes pour rester flexible et mieux déployer sa stratégie d’intervention, tout en répondant aux situations d’urgence.
    L’amendement vise à ce que le Gouvernement présente un bilan des actions du CICR financées par la France, ainsi que les pistes de financement qui donneront plus de visibilité pluriannuelle et plus de flexibilité d’emploi aux contributions à inscrire dans les prochaines lois de finances.
    Il n’a pas été examiné par la commission des finances mais je donne, à titre personnel, un avis favorable à l’amendement de notre excellent collègue Ledoux (Sourires.)

    Mme la présidente

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    En toute humilité. (Sourires)
    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Il est difficile d’aller contre un rapporteur spécial frappé du don d’ubiquité.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est ça !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Sur le fond, je partage votre souhait de renforcer la contribution et la visibilité de la France au CICR. Nous avons des relations très étroites avec cet organisme, dont je rencontre régulièrement le président. Nous menons des actions communes de soutien très significatives, puisque la participation française au CICR est passée de 19 millions de francs suisses en 2017 à 35 millions de francs suisses en 2019, soit presque un doublement en trois ans. Grâce à l’action soutenue de mon ministère, la France est passée du quinzième au dixième rang des contributeurs du CICR, mais vous avez raison de souligner le besoin d’une plus grande souplesse. Le Comité attend de nous davantage d’aides non fléchées, chemin que nous essaierons d’emprunter. Je m’en remets à la sagesse de votre assemblée et ne m’oppose pas à la rédaction d’un rapport spécifique sur le sujet.
    Madame Bonnivard, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les interventions des deux rapporteurs, vous-même et M. Rolland, sur le tourisme. La situation actuelle fait que j’ai dû centrer mon intervention sur les événements récents : je m’excuse de ne pas avoir pu aborder la question du tourisme. Vous savez que je suis très vigilant sur le sujet, depuis longtemps comme dans mes fonctions actuelles.

    M. Marc Le Fur

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    Et déjà avant !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Merci, monsieur Le Fur. J’ai des témoins honorables, qui attestent de mon engagement.
    Au-delà du comité interministériel du tourisme du 14 mai, qui avait été important, comme vous l’avez reconnu l’un et l’autre, puisqu’il avait débouché sur la mobilisation de 18 milliards d’euros, et du comité interministériel du tourisme du mois d’octobre, qui a pris une série de mesures que vous avez bien voulu reconnaître dans vos propos, il y aura un quatrième projet de loi de finances rectificative, qui renforcera, après les déclarations du Président de la République d’hier, les mesures de soutien à un secteur qui a beaucoup souffert et qui représente un enjeu national essentiel.
    Mon secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne suit, comme vous avez bien voulu le rappeler, tout cela de très près. Je suggère qu’il soit auditionné,…

    Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale

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    Oui !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    …peut-être par une réunion conjointe de la commission des finances et de celle des affaires étrangères, avec les deux rapporteurs, pour que le débat qui n’a pas pu avoir lieu aujourd’hui puisse se tenir, car il s’agit d’un sujet essentiel.

    Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale

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    Merci beaucoup, monsieur le ministre.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne Genetet.

    Mme Anne Genetet

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    Je tiens à réagir à l’excellent amendement de notre excellent collègue Vincent Ledoux. Les zones de conflits ne cessent en effet de s’étendre depuis une dizaine d’années, si bien que les besoins augmentent considérablement. La France est une contributrice importante du CICR, et je partage tout à fait l’exigence de clarté que vous formulez à l’endroit des crédits affectés au Comité.
    Le CICR est également un outil du multilatéralisme, qui est essentiel. Le Président de la République a souvent rappelé son attachement au multilatéralisme, ainsi que la nécessité de le faire vivre.
    Je sais que les rapports, ce n’est pas forcément ce que préfère le Gouvernement, mais il en produit d’excellents, ce qui nous incite à en demander !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Merci !

    Mme Anne Genetet

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    En l’occurrence, il serait opportun d’illustrer combien le CICR est utile.
    Je voudrais évoquer la mission d’information sur le droit international humanitaire à l’épreuve des conflits, dont le rapport a été rédigé par Jean-François Mbaye. Les besoins relatifs au droit international humanitaire peuvent être mis en parallèle avec ceux du Comité international de la Croix-Rouge et avec le besoin de protection des humanitaires pendant leurs missions, qui sont de plus en plus difficiles – on le voit en ce moment. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. le rapporteur spécial applaudit aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean François Mbaye.

    M. Jean François Mbaye

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    Rendons à César ce qui appartient à César : j’étais corapporteur de cette mission d’information avec Moetai Brotherson, du groupe GDR. Nous avions expliqué dans notre rapport que nous serions particulièrement sensibles à ce que le ministre réfléchisse à la création d’un véritable statut du personnel humanitaire. Cela fait écho à l’amendement du rapporteur spécial Vincent Ledoux, que le groupe La République en marche soutiendra.

    (L’amendement no 1075 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État. »

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Aide publique au développement

    Mme la présidente

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    Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’aide au développement (no 3399, annexe 6 ; no 3403, tome III) et au compte d’affectation spéciale « Prêts à des États étrangers » (no 3399, annexe 6).
    La parole est à M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    Mme Cendra Motin

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    Très bon rapporteur ! (Mme Samantha Cazebonne applaudit.)

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » progressent considérablement, de 50,05 %, faisant de cette mission budgétaire celle qui enregistre la plus forte croissance pour 2021. Une part importante de cette croissance est toutefois due à la création du programme 365, « Renforcement des fonds propres de l’AFD », qui permet d’abonder les fonds propres de l’Agence française de développement. Nous avions envisagé de déposer un amendement visant à compléter cet abondement de 500 millions ; nous l’avons retiré, mais nous aurons peut-être ce débat ultérieurement. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur l’opportunité de ces 500 millions et sur le calendrier de leur attribution ?
    Pourquoi ces crédits supplémentaires ? Parce que l’AFD, comme toute banque, est confrontée à des règles prudentielles considérables, plus importantes que par le passé ; parce que la crise a eu des effets négatifs sur son résultat ; parce que la hausse de l’activité se traduit notamment par le renouvellement des locaux parisiens – veillons à éviter que tout cela ne soit exagérément dispendieux.
    L’objectif a été fixé dès 2018 par le Président de la République à l’occasion du CICID – Comité interministériel de la coopération internationale et du développement : 0,55 % du revenu national brut devait être consacré à l’APD. Il sera non seulement atteint, mais dépassé. Comme tout ratio, ce pourcentage résulte d’un rapport entre un numérateur et un dénominateur ; le numérateur augmente sensiblement et le dénominateur, c’est-à-dire notre revenu brut, s’effondre pour des raisons liées à la crise. De ce fait, nous atteindrons dès 2020 le taux de 0,55 % – même 0,56 % ; en 2021, nous serons à 0,69 %, un taux considérable qui n’était pas prévu.
    Nous respectons également les autres objectifs : plus d’aide bilatérale, ce qui est une bonne chose ; plus d’attention aux dix-neuf pays que nous avons considérés comme prioritaires – dix-huit pays africains et Haïti ; une croissance de l’aide humanitaire, en particulier de l’aide alimentaire. C’est très bien de parler du climat, mais pour certains pays, la priorité est l’alimentation. Les choses sont claires : du fait de la crise, 150 millions d’humains vont se retrouver dans des situations où l’alimentation sera pour eux le seul sujet. Je me réjouis que les choses aient déjà évolué à votre initiative ; on partait de très bas en matière d’aide alimentaire.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Très bas !

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Je me réjouis également que nous ayons enfin progressé en matière d’aide au PAM – programme alimentaire mondial –, puisque nous sommes passés de la 34e à la 26e place. Ce n’est pas encore la meilleure, mais la progression est là et le PAM a été salué, comme chacun sait, par le prix Nobel de la paix.
    Je voudrais évoquer trois sujets thématiques qui me tiennent à cœur. Premièrement, l’augmentation de l’aide publique au développement va se poursuivre du fait de l’annulation de la dette de plusieurs pays, qui interviendra beaucoup plus qu’on ne le pensait. Je pense en particulier à l’annulation de la dette du Soudan, envisagée pour 2022-2023, qui interviendra dès 2021 ; cela aura des effets considérables sur l’APD.
    Deuxièmement, on demande un effort considérable à nos concitoyens les plus pauvres, qui se sont encore appauvris depuis quelques mois. Comme tout effort, il doit être assorti de contreparties, que nous devons trouver dans la politique migratoire. Nos concitoyens sont très attentifs à ce sujet. Ils constatent, et nous sommes obligés de le constater avec eux, que des pays très aidés sont non seulement négligents, mais aussi malveillants à l’égard de nos demandes réitérées d’autorisations consulaires pour qu’ils récupèrent un certain nombre de leurs compatriotes. M. Pierre-Henri Dumont reviendra sur ce sujet.
    Troisièmement, je voudrais aborder un sujet plus géographique. Nous aurions pu parler du Liban, où la France est très en pointe – vous en parlerez peut-être, monsieur le ministre ; nous aurions pu parler de la Chine, avec laquelle il faut peut-être cesser une forme de naïveté. Mais je voudrais évoquer le cas de la Turquie : elle est le troisième pays aidé par la France, avec une somme considérable de 346 millions.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Ce n’est pas la même chose !

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Si. Que les choses soient claires : il s’agit de 340 millions.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Oui.

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Cette somme était concevable il y a encore quelques années, voire quelques mois. Or depuis plusieurs mois, les difficultés se multiplient avec ce pays : en Libye, en Grèce, dans le Caucase, à Chypre s’agissant de matières premières. Nous ne pouvons pas faire comme si rien ne s’était passé. Je le demande très clairement, non seulement en tant que rapporteur, mais aussi au nom du groupe LR : nous devons réviser notre position à l’égard de la Turquie, en matière d’aide comme de présence de l’encadrement de l’AFD. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous ayez des mots très clairs sur ce point.
    En tout état de cause, pour les raisons que j’évoquais, la commission a évidemment donné un avis favorable à ce budget, qui évolue conformément aux engagements initiaux pris par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM et Agir ens.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.

    Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères

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    Les crédits de la mission « Aide publique au développement » traduisent dans ce projet de loi de finances un effort historique en faveur de la politique de développement. Jamais notre pays ne s’était autant engagé et aussi rapidement en faveur de la solidarité internationale. Après une progression de 14 % des crédits de la mission entre 2017 et 2020, le projet de loi de finances pour 2021 amplifie cette augmentation, avec une hausse de 17 %. L’APD est ainsi la politique publique qui enregistre la plus forte hausse sur l’ensemble du quinquennat. Cet effort est d’autant plus nécessaire qu’il intervient dans un contexte particulier : après vingt ans d’une baisse tendancielle de l’extrême pauvreté, cette dernière est repartie à la hausse en 2020 en raison des conséquences de la crise de la covid-19.

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Tout à fait !

    Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis

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    Concernant le budget 2021, je me contenterai de souligner quelques traits saillants.
    Premièrement, il permet de respecter les engagements de la France, tant pour ce qui concerne les montants engagés que pour ce qui concerne les actions à mener. Ces engagements, qui ont marqué une rupture dans la trajectoire déclinante que connaissait l’APD française, ont été pris par le Président de la République puis réitérés dans le cadre du CICID de 2018. D’abord, la trajectoire annoncée est respectée ; la baisse de notre revenu national brut ne s’est pas traduite par une baisse en volume des crédits de l’APD. Bien au contraire, les objectifs du CICID sont dépassés : en consacrant au développement 0,69 % du RNB en 2021, nous sommes même sur le point d’atteindre les 07 % visés. Ensuite, les engagements concernant la composition de l’aide sont également respectés : l’augmentation de l’APD française est principalement allouée à l’aide bilatérale, en augmentation de 16,9 %, en particulier sous forme de dons. Des secteurs qui étaient jusque-là les parents pauvres de la politique de développement montent en puissance. Je pense notamment à l’augmentation de l’aide humanitaire et à l’effort en faveur de la santé, accru en raison de la crise sanitaire. Dans ce domaine, la France a pris la tête du combat contre le nationalisme vaccinal, en défendant un vaccin conçu comme un bien public mondial, notamment dans le cadre de l’initiative ACT-A – Access to Covid-19 Tools Accelerator.
    Cependant, je tiens à exprimer mon inquiétude quant à la fragilisation du financement du Fonds de solidarité pour le développement – FSD. Celui-ci finance les grands fonds « verticaux », comme le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme dans le domaine de la santé, le Partenariat mondial dans celui de l’éducation ou le Fonds vert pour l’environnement. Il est financé par un pourcentage plafonné de la taxe sur les billets d’avion – TBA – et de la taxe sur les transactions financières – TTF. Or la crise a fait chuter les recettes de la TBA. De son côté, le produit de la TTF a considérablement augmenté : la prévision pour 2020 était de 1,13 milliard d’euros, elle est réévaluée à 1,745 milliard d’euro. La prévision pour 2021 s’établit à un peu plus de 1,5 milliard. On pourrait donc s’interroger sur la légitimité même de définir un plafond pour la part affectée des taxes conçues pour lutter contre les excès de la mondialisation. Dans un contexte d’augmentation des recettes de la TTF, il conviendrait d’en affecter au moins 50 % à l’aide au développement. Ce serait un message plus fort encore de la France en faveur de la solidarité internationale.
    En outre, l’augmentation des moyens doit être accompagnée d’une refondation de la politique d’aide publique au développement, afin que les acteurs français du développement, que j’appelle « l’équipe France », disposent d’un mandat à la hauteur de leurs ambitions. L’équipe France, ce sont des femmes et des hommes, engagés en France et sur le terrain ; des structures diverses – agences, chercheurs, ONG, collectivités territoriales – réunies dans une volonté farouche de rendre notre APD la plus efficace possible.
    Deux ans après la présentation au Gouvernement par notre collègue Hervé Berville…

    M. Jean François Mbaye et Mme Cendra Motin

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    Notre excellent collègue !

    Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis

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    …de son rapport sur la modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale, la refonte de notre politique de développement reste au milieu du gué. Elle souffre encore de la dispersion des objectifs, de la complexité du dispositif institutionnel et du caractère insuffisamment stratégique de la tutelle de l’État sur l’Agence française de développement. Enfin, l’accroissement des moyens rend impérative l’amélioration de la redevabilité de l’aide publique au développement, afin de favoriser l’appropriation de ses enjeux par les citoyens.
    Pour toutes ces raisons, nous attendons avec impatience le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Bérengère Poletti applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes. La parole est à M. Hervé Berville.

    Mme Cendra Motin

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    Excellent Hervé Berville !

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    On va écouter M. Berville !

    M. Hervé Berville

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    Tout d’abord, comme nous tous, j’adresse une pensée aux victimes de cet effroyable attentat et à leurs familles. Je remercie et je salue les forces de l’ordre qui ont appréhendé les assaillants.
    La crise sanitaire et économique qui frappe le monde nous montre, si certains en doutaient encore, qu’aucun pays, aucune société, aucun citoyen ne peut aujourd’hui ignorer les grands défis globaux qui s’imposent à nous, car personne n’est à l’abri ; d’une manière ou d’une autre, nous sommes tous reliés les uns aux autres. Depuis trois ans, la France, sous l’impulsion du Président de la République, a fait de la solidarité internationale un pilier de sa politique étrangère. En effet, il ne peut y avoir de paix ni de stabilité internationale dans un monde où l’extrême pauvreté persiste et où les inégalités se creusent. Depuis trois ans, nos diplomates, partout dans le monde, sous l’égide du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, se battent dans les différentes instances auprès de nos partenaires européens, africains, asiatiques, pour que toujours la coopération soit l’option privilégiée, dans un contexte de crise du multilatéralisme et de repli des nations sur elles-mêmes.
    Depuis trois ans, dans cette assemblée, nous nous sommes collectivement engagés pour obtenir un budget à la hauteur des enjeux et des priorités stratégiques que nous avons définies ensemble. Cette année, nous ne pouvons que nous féliciter que les crédits soient encore une fois à la hausse, pour la troisième année consécutive, avec une augmentation de 684 millions. Avec ce budget, vous l’avez dit aussi, monsieur le rapporteur spécial, nous allons pouvoir atteindre et même dépasser l’objectif de 0,55 % du RNB…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est artificiel.

    M. Hervé Berville

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    …dédié à la solidarité internationale. Nous attendons désormais le projet de loi d’orientation et de programmation, qui dotera cette politique d’un cadre et l’inscrira dans le temps long, idéalement en 2025. Cette loi sera aussi la traduction législative de l’engagement de la France pour l’Agenda 2030 et pour l’accord de Paris.
    Cette politique doit également s’inscrire dans un cadre nouveau, notamment auprès de nos partenaires africains. Nous devons changer le regard que nous portons sur eux, et construire une approche véritablement partenariale, qui prenne en considération les aspirations des jeunesses africaines, qui sont diverses. Que ce soit au Mali, au Cameroun, en Guinée ou au Nigéria, nous avons le devoir d’entendre cette jeunesse qui ne demande qu’à prendre son destin en main et de l’accompagner pour relever tous les défis qu’elle rencontrera. Je salue donc le triplement des crédits alloués aux ambassades à travers le fameux FSPI – Fonds de solidarité pour les projets innovants –, qui sont passés de 24 millions d’euros en 2017 à plus de 70 millions d’euros, grâce notamment à l’action du ministre – on ne peut que le saluer. Je suis convaincu que si cette politique est bien orientée et attentive aux effets produits, elle fera une véritable différence pour des millions de personnes.
    Je voudrais ici évoquer deux sujets. Le premier concerne la lutte contre l’évasion fiscale, qui tient beaucoup à cœur à Jean-Paul Lecoq. La France est trop souvent isolée dans la bataille éminemment importante pour augmenter la mobilisation des ressources domestiques des pays partenaires et pour lutter contre l’évasion fiscale. Pour le seul continent africain, 89 milliards d’euros s’évadent chaque année : c’est 89 milliards d’euros de moins pour les services publics de ces pays et pour leurs services sociaux de base. En 2021, la France consacrera 70 millions d’euros à la lutte contre l’évasion fiscale, mais nous devons faire davantage et mobiliser nos partenaires européens pour qu’ils agissent de même.
    L’éducation constitue le second combat à mener, essentiel à mes yeux comme aux vôtres. La France a augmenté sa contribution au Partenariat mondial pour l’éducation,…

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Ah oui !

    M. Hervé Berville

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    …ainsi que sa part bilatérale, mais nous devons faire encore plus, eu égard au contexte international. Je pense notamment au renforcement du soutien à l’éducation dans les zones fragiles, traversant une crise humanitaire. Celles-ci sont malheureusement de plus en plus longues. Le prochain défi qui nous attend est de basculer définitivement d’une logique quantitative à une logique qualitative, de faire en sorte que l’évaluation et la recherche systématique d’effets soient placées au centre de cette politique. Beaucoup a également été fait depuis trois ans dans ce domaine, mais nous savons que nous devons encore apporter des améliorations. Je pense notamment à la concrétisation de la commission indépendante d’évaluation, grâce à laquelle nous parviendrons à davantage de transparence et de redevabilité vis-à-vis de nos concitoyens.
    La recherche d’efficacité passera également par l’innovation, comme l’illustrent les travaux d’Esther Duflo, qui a reçu le prix Nobel d’économie et dont le retour me réjouit. Je sais que ses travaux profiteront à tous les acteurs français du développement. Avec le projet de budget que nous examinons, ses moyens et ses objectifs, la France aura plus d’influence pour peser et défendre son action et ses valeurs à l’échelle internationale.
    Comme vous l’avez compris, le groupe La République en marche votera en confiance les crédits de la mission « Aide publique au développement » et attend avec la même confiance la présentation du projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Bérengère Poletti.

    Mme Bérengère Poletti

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    Le sujet de l’aide publique au développement est très révélateur de la difficulté avec laquelle les parlementaires travaillent. Entre les annonces tonitruantes du Président de la République, des ambitions louables, l’opacité et l’urgence dans laquelle nous travaillons et les résultats, il y a malheureusement beaucoup à dire. C’est vrai que le Gouvernement actuel est arrivé au pouvoir alors que l’aide publique au développement était au plus bas, avec 0,38 % du RNB.
    Je rappelle quand même qu’en 2010, nous étions à 0,5 % : se réjouir de l’augmentation de l’aide publique au développement de 344 millions d’euros en crédits de paiement, oui, mais parler d’une hausse historique, non ! En fait, cette hausse vient compenser la baisse drastique de ce budget entre 2012 et 2017.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Qui était au gouvernement ?

    Mme Bérengère Poletti

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    Au nom du groupe Les Républicains à la commission des affaires étrangères, je souhaite vous interpeller, monsieur le ministre, sur plusieurs sujets. Le premier concerne la transparence. Les députés devraient disposer de l’ensemble des éléments qui constituent l’APD. Ils sont colossaux et vont bien au-delà de la stricte analyse des programmes 110, « Aide économique et financière au développement », 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement », et du nouveau programme 365, « Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement ». Notre commission étudie le tiers du sujet du développement solidaire lors du budget. La crise sanitaire et budgétaire que nous traversons aura des conséquences sur les pays en développement dans les mois à venir. D’ores et déjà, l’AFD en a tenu compte dans ses soutiens auprès des pays pauvres. Les pays développés, dont la France, ne seront pas non plus épargnés par les conséquences de la covid-19, avec une chute de leur PIB dès le 1er semestre de 2021. Gardons cependant l’objectif ambitieux d’atteindre les 15 milliards d’euros en crédits de paiement et en valeur absolue pour l’année prochaine. Ce sont des montants importants, qui nous placent pourtant encore loin de l’objectif fixé par l’OCDE à 0,7 % du RNB. Ces moyens doivent satisfaire les besoins fondamentaux des populations pauvres : accès à la nourriture, aux soins, à l’éducation, protection contre les effets du changement climatique, accès au développement économique et à la création d’emplois et garantie de ne pas nourrir des réseaux de corruption qui empêcheraient ces moyens d’arriver aux populations.
    Selon l’index annuel de transparence, le verdict est sans appel : la France ne respecte pas ses engagements en matière de transparence de l’aide. Alors que l’AFD progresse de cinq places, atteignant la trentième place, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères recule à la trente-septième place sur quarante-sept. C’est la raison pour laquelle le projet de loi d’orientation et de programmation relatif à la solidarité internationale est si important. Nous l’attendons malheureusement depuis longtemps. Au-delà de la programmation des crédits, il doit permettre à la France d’améliorer la transparence et d’instaurer des évaluations externes, indépendantes et disponibles en permanence pour les parlementaires et nos concitoyens. C’est ainsi que nous pourrons obtenir l’adhésion de la population.
    Ma deuxième remarque porte sur la répartition de l’augmentation de l’aide publique au développement entre 2017 et 2019 : 98,6 % de l’augmentation des crédits sont allés financer notamment les conditions d’accueil des réfugiés sur notre territoire, les bourses, les instruments du secteur privé et les remises de dettes. Il ne s’agit pas de remettre en cause les critères établis par l’OCDE, monsieur le ministre, comme vous l’avez évoqué en commission, mais simplement de s’interroger sur les choix politiques du Gouvernement à l’origine de cette aberration. Le Président de la République avait, à juste titre, annoncé que les deux tiers de l’augmentation de l’aide devaient être consacrés à l’aide bilatérale et le dernier tiers à l’aide multilatérale. Il semblerait que cette directive ait disparu en cours de route.
    Ma troisième remarque concerne les remises de dettes. Il n’est plus question maintenant de procéder à des remises de dettes qui serviraient ensuite d’autres bailleurs, comme la Chine, ou des bailleurs privés. Le dernier moratoire sur les dettes a réussi cette union sacrée.

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Tout à fait !

    Mme Bérengère Poletti

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    Rien n’est encore décidé pour la suite. Cependant, il s’avère que l’année dernière, l’effet de la remise de dettes a atteint 224 millions d’euros pour la Somalie ; on s’apprêterait pour 2021 à pratiquer une remise de dette pour le Soudan, pour un montant précis de 4,426 milliards d’euros, ce qui est énorme et porterait l’effort français à 0,69 % du PNB.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Oui !

    Mme Bérengère Poletti

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    L’objectif de l’OCDE serait donc quasiment atteint, mais avec un geste unique, et non des politiques de fond.
    Même s’il salue l’augmentation conséquente des crédits de l’aide publique au développement, le groupe Les Républicains s’abstiendra. En effet, la transformation de l’APD aurait dû être déclenchée beaucoup plus tôt dans cette législature ; le problème de la transparence des politiques et de leur évaluation externe est encore patent ; le texte d’orientation tant attendu depuis des années n’est toujours pas là ; enfin, l’augmentation des budgets ne profite pas suffisamment aux populations pour les pays prioritaires ; sur l’équilibre bilatéral et multilatéral, le Gouvernement a renoncé ; la France suit mal les petits projets. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit

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    Les crédits de la mission « Aide publique au développement » connaissent une nouvelle fois une hausse très sensible, que nous tenons absolument à saluer.
    La commission des affaires étrangères, vous le savez, monsieur le ministre, a beaucoup travaillé non seulement sur l’aide publique au développement, mais aussi sur l’ensemble des enjeux qui sous-tendent la politique de développement : enjeux migratoires, enjeux sécuritaires ou enjeux démocratiques. Je mène en ce moment, avec Alain David, une mission qui tente de faire le lien entre les changements climatiques et les conflits dans le monde.
    La relance de cette politique a débuté déjà l’an dernier. L’augmentation considérable des crédits de paiement cette année atteste de la mise en conformité de nos engagements budgétaires.
    Je voudrais faire deux petites remarques mathématiques.
    Certes, beaucoup de gens considèrent avec un peu de mépris que l’augmentation de notre pourcentage d’aide au développement par rapport à notre revenu national brut – RNB – est automatique, donc peu noble puisque le RNB diminue.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pas de mépris, simple constat !

    M. Frédéric Petit

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    C’est un constat, qu’il faut faire, mais il ne change rien : nous avons choisi ce critère de mesure parce que c’est un critère juste. Il serait compliqué d’user de critères en valeur absolue dès lors que l’on parle de solidarité internationale : on donne ce qu’on a. Il faut être prudent.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas méprisant de le dire !

    M. Frédéric Petit

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    Les chiffres absolus sont nécessaires, mais si la France est en crise au point de perdre 11 % de son RNB, il est logique, au regard des règles internationales, que l’on continue à utiliser un critère proportionnel.
    S’agissant d’autre part de l’annulation de la dette, c’est en effet un one shot : ce n’est pas une action immédiate. Mais annuler une dette permet d’enlever d’un coup une chaîne à un pays, qui peut ainsi repartir !

    Mme Bérengère Poletti

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    Pas n’importe comment !

    M. Frédéric Petit

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    Nous avons été nombreux à militer pour des annulations de dette ; on ne peut pas toujours demander une chose et son contraire. Il faut être précis et analyser toutes les sources, j’en conviens, mais il ne faut pas prétendre qu’il s’agirait là d’une fausse aide publique au développement.

    Mme Bérengère Poletti

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    Tout dépend comment c’est fait !

    M. Frédéric Petit

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    Nous avançons donc vers une diplomatie globale à la hauteur du XXIe siècle.
    Je voudrais citer un point sur lequel je sais que d’autres sont aussi attentifs que moi : il s’agit des conseils d’administration de nos opérateurs, qui rassemblent tous les acteurs dont parlait Mme la rapporteure pour avis. Autour de la table s’asseyent des maires, des ONG, des administrations ou des représentants de la caisse primaire d’assurance maladie. C’est absolument passionnant et j’aimerais que ces conseils d’administration deviennent des outils plus politiques. J’avais déposé un amendement à ce sujet les deux dernières années ; je l’avais déposé à nouveau mais il a été annulé. Je souhaiterais que ces conseils d’administration, qui n’ont pas de gestion directe, soient présidés par une personnalité dont la nomination serait politique.
    On nous reproche parfois de ne pas aller assez vite, de ne pas mettre assez d’argent ; il faut, je crois, attendre maintenant la loi d’orientation. Tous les intervenants en ont parlé : elle devient urgente. On ne remet pas plus d’essence dans une voiture dont on veut réviser le moteur. Qu’il s’agisse du programme 185, du programme 151 ou du programme 105, il faut encadrer une politique qui n’est plus une politique d’administration centrale, mais une politique partenariale, une politique de réseau. Bien souvent, j’ai l’impression que, pour une partie de l’administration, ces derniers termes évoquent une politique d’administration centrale en mode dégradé. Non ! C’est une autre manière de travailler. C’est la manière de faire de la diplomatie au XXIe siècle.
    Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés votera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    En voilà une bonne nouvelle !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    Je l’ai dit lors de l’examen pour avis de cette mission en commission des affaires étrangères : l’aide publique au développement ne peut s’examiner en faisant abstraction de la singularité de l’année que nous venons de vivre, où les crises sanitaire, environnementale, sociale, humanitaire et sécuritaire sont venues compliquer la donne.
    Le groupe Socialistes et apparentés prend bonne note de la poursuite de la trajectoire qui doit conduire notre pays vers l’objectif de consacrer 0,55 % de notre RNB à notre aide publique au développement dès 2022. Néanmoins, nous commençons à nourrir quelques doutes en constatant le mouvement contradictoire qui affecte les programmes 110, « Aide économique et financière au développement », et 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement » : les autorisations d’engagement se contractent, puisqu’elles sont en baisse de 2,1 milliards, soit 30 %, quand les crédits de paiement sont en hausse de 1,6 milliard, soit 50 %. Et ce constat ne prend pas en considération le biais comptable de l’augmentation des fonds propres de l’AFD, inscrite au programme 365, « Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement », pour plus de 953 millions d’euros, ce qui constitue une opération neutre pour le budget de l’État.
    Ce double mouvement conduit à une baisse drastique de l’action 01, « Aide économique et financière multilatérale », du programme 110, qui ne nous semble pas judicieuse dans le contexte de crise mondiale que nous traversons. Il est important que la France maintienne sa capacité d’orientation des fonds gérés par les banques multilatérales de développement ; nous défendrons un amendement visant à rétablir, au moins partiellement, ces crédits supprimés.
    Je pointerai aussi le décalage entre la volonté de notre pays de s’ériger en champion du multilatéralisme et du soft power et le fait que nos contributions volontaires à certaines organisations internationales, comme le Fonds des Nations unies pour l’enfance – UNICEF – ou le Programme des Nations unies pour le développement – PNUD –, très sollicitées, ne sont pas à la hauteur de celles de certains de nos partenaires. Nous défendrons des amendements visant à abonder les crédits de l’aide publique au développement transitant par les ONG, et à renforcer l’aide économique et financière multilatérale.
    En tout état de cause, nous nous orientons vers une abstention sur les crédits de cette mission.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aina Kuric.

    Mme Aina Kuric

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    Le budget pour 2021 de l’aide publique au développement connaît une montée en puissance historique. Lors de la réunion du CICID en février 2018, a été annoncée une trajectoire conduisant les dépenses de solidarité de la France à représenter 0,55 % du RNB en 2022. La crise sanitaire et économique mondiale rend cet effort budgétaire plus nécessaire encore. Nous devons maintenir des objectifs d’augmentation en volume, tout en y intégrant la dégradation de nos finances publiques. Il s’agit là, ni plus, ni moins, de tenir les engagements internationaux de notre pays.
    Nous ne pouvons que nous réjouir de constater que l’APD, c’est-à-dire les programmes 110, « Aide économique et financière au développement », 365, « Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement », et 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement », est la politique publique qui enregistre la plus forte hausse sur l’ensemble du quinquennat. Après une progression de 14 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » entre 2017 et 2020, le projet de loi de finances pour 2021 amplifie ce mouvement, avec une hausse de 17 % des crédits.
    Nous vivons une crise inédite qui, ne l’oublions pas, est mondiale. Afin de répondre à la crise internationale due à la covid-19, les institutions internationales telles que le Fonds monétaire international – FMI – et la Banque mondiale se sont mobilisées de manière rapide, coordonnée et efficace. Au niveau bilatéral, notre aide a été en partie réorientée pour soutenir les États les plus vulnérables, notamment les États africains. De plus, la France a négocié, dans le cadre du club de Paris et du G20, un moratoire du service de la dette des pays les plus pauvres pour l’année 2020.
    Toutefois, notre politique d’aide publique au développement doit encore se moderniser pour s’adapter aux enjeux nouveaux. C’est ce que devrait faire le projet de loi de programmation relatif à la politique de développement et à la lutte contre les inégalités mondiales, toujours attendu au Parlement et pour lequel aucun calendrier n’est encore fixé.
    Les priorités thématiques et géographiques fixées en 2018 par le CICID continueront de bénéficier de crédits supplémentaires en 2021. C’est une bonne chose. Ainsi, les dix-huit pays prioritaires identifiés – situés en Afrique subsaharienne, à l’exception d’Haïti – seront les premiers bénéficiaires de moyens destinés à prévenir les crises, à lutte contre les effets du changement climatique, à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, à renforcer les systèmes de santé et à soutenir l’éducation.
    La crise sanitaire ne doit en aucun cas nous faire oublier la situation d’urgence climatique dans laquelle nous nous trouvons. À titre d’exemple, le sud de l’île de Madagascar connaît un épisode de sécheresse intense et exceptionnel : pas une seule goutte de pluie n’est tombée depuis plus d’un an, entraînant plus de 1,6 million de Malgaches vers la malnutrition sévère, malgré une aide française qui tente de s’organiser depuis l’île de La Réunion.
    Un accent particulier devra être porté sur la santé en 2021. Avec les engagements pris antérieurement à la crise sanitaire en faveur du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, 50 millions d’euros de la mission « Plan de relance », exceptionnellement en réponse à cette pandémie, permettront de financer, en complément du programme 209, des dispositifs de sécurité sanitaire et de déploiement de vaccins. À ce titre, 37,5 millions d’euros seront versés à l’initiative Access to COVID-19 Tools Accelerator, défendue par le Président de la République depuis le 4 mai dernier, et que le groupe Agir ensemble soutient fortement ; ces fonds contribueront également à financer Gavi, l’Alliance du vaccin.
    Conformément à l’objectif fixé par le CICID de consacrer 500 millions d’euros à l’aide humanitaire en 2022, les crédits qui lui sont consacrés augmentent de 82,4 millions, pour s’établir à 329 millions d’euros en 2021. Les trois principaux canaux d’acheminement de l’aide voient leurs crédits progresser respectivement de 32 millions d’euros pour les contributions volontaires aux Nations unies, de 30 millions d’euros pour le Fonds d’urgence humanitaire et de 20 millions d’euros pour l’aide alimentaire programmée.
    Le groupe Agir ensemble votera les crédits de la mission « Aide publique au développement ». Je souhaite toutefois conclure mon propos en rappelant que l’atteinte des dix-sept Objectifs du développement durable ne saurait en aucun cas être optionnel. Éradication de la pauvreté, lutte contre la faim, réduction des inégalités, lutte contre le changement climatique, accès à la santé : ils couvrent l’intégralité des enjeux de développement dans tous les pays. Nous devons, tous ensemble, État, secteur privé, acteurs de la société civile, redoubler nos efforts pour bâtir un monde en paix, prospère et durable d’ici à 2030. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens. – Mme la rapporteure pour avis et M. Rodrigue Kokouendo applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Meyer Habib.

    M. Meyer Habib

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    S’élevant à plus de 4,9 milliards d’euros en crédits de paiement, le budget pour 2021 de la mission « Aide publique au développement » marque un tournant. Il sera en effet en hausse de 690 millions d’euros, soit une augmentation de plus de 50 % par rapport à la loi de finances pour 2020.

    M. Marc Le Fur

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    Ce n’est pas rien !

    M. Meyer Habib

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    Cette inflexion majeure s’inscrit bien évidemment dans le contexte de la pandémie et des risques associés dans les pays en voie de développement, particulièrement vulnérables. À long terme, elle vise aussi à briser le cercle vicieux qui lie le sous-développement, la pauvreté et les migrations. Sur le plan budgétaire, cette évolution se traduit par la création du programme 365, « Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement ».
    Si un effort sans précédent est consenti dans le projet de loi de finances pour 2021 s’agissant du volume de l’aide publique au développement, des marges de progression subsistent en matière de gestion. En effet, pour que la politique d’aide au développement joue tout son rôle, l’augmentation de ses moyens, qui est une bonne chose, doit aller de pair avec une restructuration substantielle de son organisation. Dans un environnement morcelé, et les programmes étant souvent dispersés, il convient d’optimiser la contribution de tous les acteurs du développement dans le cadre d’une stratégie claire et cohérente.
    Le premier point d’attention concerne les priorités fixées. Se pose en particulier la question de la conditionnalité des aides, car la politique d’aide au développement constitue un instrument privilégié pour promouvoir nos intérêts et nos valeurs – je le répète, monsieur le ministre, nos valeurs.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Oui, oui.

    M. Meyer Habib

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    À cet égard, il faut, je le rappelle, une transparence totale et une vigilance renforcée concernant les bénéficiaires. Or je ne pense pas qu’à ce stade, le programme 209 satisfasse totalement ces exigences, et c’est pour moi une source d’inquiétude majeure.
    On me signale régulièrement, et je constate moi-même, que des subventions sont allouées à des ONG palestiniennes aux liens plus que suspects avec des organisations terroristes et islamistes. Je vous ai saisi récemment, monsieur le ministre, du cas d’une subvention de 400 000 euros attribuée à un prétendu centre socioculturel Al Bustan, très trouble. De même, l’AFD apporte une aide de 232 000 euros à un projet d’irrigation géré par une structure liée – écoutez bien – au FPLP, le Front populaire de libération de la Palestine, organisation terroriste responsable, entre autres, de l’attentat de la rue Copernic à Paris, il y a précisément trente ans.
    À l’heure où notre pays est touché dans sa chair, il n’est pas acceptable qu’on se fourvoie dans des programmes liés de près ou de loin à des organisations terroristes, même indirectement et, dirais-je, involontairement ! Je saisis l’occasion pour témoigner à mon tour mon émotion, ma tristesse et toute ma solidarité avec les victimes du terrible attentat de Nice, mais aussi pour exprimer ma colère, que vous partagez, j’imagine.
    Autre point d’attention essentiel : la politique d’aide au développement doit être un instrument de lutte contre l’immigration illégale, notamment en provenance d’Afrique. Il faut renforcer drastiquement la lutte contre ce fléau. Monsieur le ministre, le boucher barbare qui agi ce matin à Nice, Brahim A., était un clandestin tunisien, âgé de 21 ans, repêché en Méditerranée par un bateau de secours italien le 20 septembre dernier. Il avait débarqué à Lampedusa ou à Bari – cela reste à vérifier – et avait fait l’objet, en Italie, d’un arrêté d’expulsion.
    Je le répète, une plus forte conditionnalité doit être établie afin que les pays bénéficiaires coopèrent pleinement pour endiguer les flux migratoires et s’engagent d’une part à éradiquer les causes racines de ces migrations, notamment la corruption ou le terrorisme, d’autre part à prendre en charge leurs nationaux expulsés. (M. le rapporteur spécial applaudit.)
    Enfin, notre stratégie doit amplifier les efforts de coordination de tous les acteurs de l’aide au développement. En complément des ONG, des leviers puissants subsistent au niveau de la coopération décentralisée, de nos capacités de recherche ou encore du secteur privé et des acteurs philanthropiques.
    L’aide publique au développement poursuit un objectif magnifique, noble, de réduction de la pauvreté et de lutte contre la faim dans le monde. L’effort historique consenti dans le projet de loi de finances pour 2021 en fait aussi, plus que jamais, un instrument puissant au service de notre diplomatie d’influence. Cet instrument reste néanmoins fragile, pour les raisons que j’ai évoquées. Aussi le groupe UDI et indépendants a-t-il décidé de s’abstenir lors du vote des crédits de la mission. (M. Pierre-Henri Dumont applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bertrand Pancher.

    M. Bertrand Pancher

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    Hors dépenses de personnel, les crédits du ministère de l’Europe et des affaires étrangères consacrés à l’aide publique au développement progresseront de 344 millions d’euros, soit une hausse de 17 %.
    En 2019, notre pays a affecté à l’aide publique au développement 0,44 % de son revenu national brut – RNB –, contre 0,37 % en 2015. Cette proportion devrait en toute logique augmenter encore cette année, ce qui nous rapprocherait de l’objectif de 0,55 % fixé en février 2018 par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Cela s’expliquerait non seulement par l’augmentation des crédits en volume que j’ai évoquée au début de mon propos, mais aussi par le renoncement aux dettes de pays africains et par la contraction de notre propre richesse nationale à cause de la crise.
    En 2021, nous pourrions atteindre 0,69 % du RNB, ce qui s’expliquerait surtout par une reprise de dette exceptionnelle en faveur du Soudan, à hauteur de 4,4 milliards d’euros, sous réserve que les créanciers privés accordent à ce pays un traitement équivalent. En commission, monsieur le ministre, vous avez affirmé que vous ne vous satisferiez pas d’une hausse mécanique de ce pourcentage qui résulterait d’une baisse de notre propre richesse ; votre objectif est d’atteindre 0,55 % en 2022, sur la base du RNB français tel qu’il est prévisible. Nous avons bien noté vos propos et saluons bien évidemment cette approche.
    Au-delà de l’objectif pour 2022, nous devons absolument tendre vers 0,70 % du RNB, chiffre fixé en 1970 par l’Organisation des Nations unies. À cet égard, nous attendons avec impatience l’examen sans cesse reporté du projet de loi relatif au développement solidaire et à lutte contre les inégalités mondiales, dans lequel nous demanderons l’inscription de ces engagements, à l’instar de ce qui se fait au Royaume-Uni.
    S’agissant de la méthode de comptage de la part de RNB consacrée à l’aide publique au développement, monsieur le ministre, vous avez indiqué que c’était non pas vous qui fixiez les règles, mais l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Oui.

    M. Bertrand Pancher

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    Or le rôle prépondérant de l’OCDE en la matière est remis en question, notamment par le porte-parole d’Oxfam, qui appelle à « décoloniser l’aide ». Il rappelle que les règles relatives à l’aide publique au développement sont discutées, négociées et mises en œuvre par les pays riches. Il estime que ce processus aurait davantage de légitimité s’il se déroulait dans un système tel que celui des Nations unies, car les pays récipiendaires de l’aide et les sociétés civiles du Sud pourraient alors s’exprimer. Selon nous, cette proposition mérite réflexion, sachant qu’en 2016, les donateurs de l’OCDE ont destiné en moyenne 51 % de leurs fonds à des entreprises originaires de leur propre pays.
    Si les crédits de la mission « Aide publique au développement » augmentent de manière globale, nous estimons que l’accompagnement des initiatives de coopération décentralisée ne reçoit pas un soutien financier suffisant. Les crédits correspondants sont stabilisés à hauteur de 11,5 millions d’euros, alors que le pilotage de terrain entre acteurs locaux permet parfois d’obtenir des résultats plus pérennes, grâce à la confiance nouée par des contacts humains rapprochés entre donateurs et récipiendaires.
    L’aide publique au développement est devenue encore plus cruciale à un moment où les pays les plus pauvres sont étranglés par la dette et succombent dans la crise. Selon le Fonds monétaire international, l’Afrique subsaharienne, mise à l’épreuve par la pandémie, aura besoin d’ici à 2023 de 750 milliards d’euros de financements extérieurs, soit 55 % du PIB de la région. Tout en saluant l’instauration par le G20, en avril de cette année, d’un moratoire sur la dette et la décision récente de le prolonger jusqu’en juin 2021, le FMI estime que des actions plus audacieuses sont nécessaires, telles que la réduction des intérêts de la dette ou le rééchelonnement de toutes les échéances.
    En ce sens, nous regrettons de ne pas avoir pu, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, augmenter les recettes de la taxe sur les transactions financières, ni étendre son assiette aux échanges intrajounaliers. Il s’agissait du dernier projet de loi de finances du mandat présidentiel portant sur un exercice complet ; c’était une occasion unique, monsieur le ministre, d’ajuster les priorités de l’aide française, tout en augmentant les recettes qui alimentent le budget général de l’État.
    En définitive, nous constatons que l’aide publique au développement poursuit des objectifs nombreux, mal hiérarchisés et parfois contradictoires. Le manque de concentration sur les pays les plus fragiles et l’importance des financements en faveur des pays émergents brouillent le message, qui n’est pas compris de nos concitoyens. En outre, le pilotage politique de l’aide publique au développement est éclaté : la présente mission budgétaire ne rend pas compte de l’ensemble de nos engagements, ce qui en affaiblit la lisibilité.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Vous allez donc vous abstenir…

    M. Bertrand Pancher

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    L’augmentation des ressources publiques consacrées à l’aide au développement doit s’accompagner d’un effort particulier d’explication, pour que nos concitoyens s’approprient pleinement cette politique et prennent conscience que l’aide est utile à plus d’un titre.
    Malgré ces réserves, monsieur le ministre, le groupe Libertés et territoires approuvera les crédits de la mission – tout peut arriver un jour.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Merci !

    M. Bertrand Pancher

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    Nous apportons ainsi un soutien exigeant mais constructif, qui est une incitation à poursuivre les efforts.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    L’aide publique au développement a une nouvelle fois montré son importance, cruciale, pour la résistance des pays les plus exposés à la crise sanitaire, sociale et économique. Je regrette cependant que la hausse de ses crédits, conformément à la trajectoire dessinée en 2018, ne prenne pas en compte la nouvelle donne de l’état planétaire.
    Pour la première fois depuis vingt ans, mes chers collègues, l’extrême pauvreté va augmenter dans le monde. Il y a peu, en nous alertant à ce sujet, le président de la Banque mondiale a appelé les pays à se préparer à une économie différente après le covid-19. C’était présumer un peu tôt de notre capacité à nous extraire de la logique du profit, qui domine à travers le monde. Pour notre part, nous n’avons rien changé de structurel à notre économie – si nous faisons certaines choses de manière un peu différente, nous restons dans les clous d’une idéologie néolibérale. Plus que jamais, notre économie est au service des plus riches au détriment de l’intérêt général. Et nous n’avons en aucune manière non plus viré de bord en matière de solidarité internationale. Je pense d’ailleurs que les deux aspects sont assez liés.
    Le report répété, depuis 2019, de la révision de notre législation relative au développement et à la solidarité internationale est le signe d’un certain désamour du Gouvernement – qui a été plus prompt lorsqu’il a voulu supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune. Et le maintien de l’aide publique au développement à un niveau prévu dans un contexte pré-covid nous paraît incompréhensible. Cela revient à refuser de voir le mur quand on le touche.
    De belles annonces, en revanche, nous en avons, si je puis dire, à la pelle. Emmanuel Macron appelle à une « annulation massive » de la dette africaine, mais cela ne se concrétise que par une suspension de paiement et des processus d’allégement. Le Gouvernement se gargarise de ses investissements dans la lutte contre le climat, alors qu’au cours des dernières années, la part des subventions ne s’est élevée qu’à 3,3 % de notre aide en la matière, contre 36 % pour l’Allemagne.
    Lorsque l’on examine de plus près les projets financés par l’aide publique au développement, on s’aperçoit que nous ne sommes pas à un paradoxe près, pour le dire gentiment. L’utilisation de cette aide « au service de notre stratégie migratoire » revient une nouvelle fois à externaliser nos frontières, comme vous l’avez fait en finançant par un fonds européen les garde-côtes libyens, qui se sont rendus coupables de tant d’exactions. Le recours massif à l’agence Proparco – Promotion et participation pour la coopération économique –, qui achemine certains fonds via des paradis fiscaux et maintient une grande opacité sur ses transactions, fragilise tout l’édifice de notre aide publique au développement, puisque nous agissons ainsi comme un investisseur privé.
    Mes chers collègues, la crise que nous vivons cette année, qui prend des formes très inquiétantes, doit nous pousser à revoir l’ensemble des actions que nous soutenons. Alors que moins de 50 % de la population mondiale a accès aux services de santé essentiels, la France doit impérativement réinvestir les secteurs sociaux. En 2018, moins de 20 % de notre aide au développement a été fléchée vers ces secteurs – le chiffre est tout de même assez édifiant. Faut-il rappeler que les services publics, abordables et de qualité, sont les premiers socles du développement ? Qu’ils sont les vecteurs d’un développement plus inclusif, qui agit au plus près de la grande pauvreté pour mieux la combattre ? Plus que jamais, la question des biens communs va de pair avec celle de l’avenir des services publics.
    Telle est la logique à laquelle nous nous référons. Selon nous, le cœur d’une politique d’aide au développement devrait être de soutenir un développement plus humain, au service des populations, qui contribue à la réduction de la pauvreté et des inégalités ainsi qu’à l’essor de l’éducation. Or, je le répète, l’aide au développement est en train d’être dévoyée de son sens initial et s’éloigne de ces objectifs. Nous assistons à une sorte de réorientation qui vise essentiellement à développer des modèles économiques libéraux et à soutenir des entreprises, parfois au mépris des droits humains que nous devons pourtant défendre, singulièrement à un moment où nous faisons face aux djihadistes et aux terroristes se revendiquant de l’islamisme.
    Il nous faut donc défendre nos principes avec fermeté, non seulement lorsque nous faisons entendre la voix de la France à l’international, mais aussi en nous en montrant cohérents dans l’élaboration de nos politiques publiques.
    Je ne sais pas s’il faudra le faire encore longtemps, mais j’appelle à nouveau la France à recentrer son action de solidarité sur les populations les plus vulnérables et à consolider l’État de droit partout dans le monde.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Le débat que nous avons eu hier en commission a permis de démontrer que, si des avancées ont été réalisées en matière d’aide publique au développement, les manques demeurent beaucoup trop nombreux et graves pour que les députés communistes s’en satisfassent.
    Premièrement, je le dis depuis 2017, en matière d’aide publique au développement comme dans d’autres domaines, proposer des objectifs en points de PIB n’est pas une bonne idée en cas de récession – loin de moi l’idée, en disant cela, d’être désagréable à Frédéric Petit. Nous le voyons cette année : les objectifs n’ont plus de sens. Heureusement, d’ailleurs, que nous n’avons pas voté le projet de loi instituant un système universel de retraite, car le principe était le même.

    Mme Cendra Motin

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    Non, au contraire.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Nous nous rapprochons, pour l’année 2021, du fameux objectif de 0,7 % du PIB. Oui, mais en valeur absolue, ce n’est pas du tout satisfaisant ! Cet objectif doit être traduit par des engagements financiers. Il m’avait semblé important de le souligner en commission : si nous connaissons une récession dans notre pays, c’est que la situation dans le monde est, en règle générale, très mauvaise.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je vous avais répondu sur ce point.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    En 1945, nous avons eu la chance qu’un ministre communiste crée la sécurité sociale.

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Ce ministre faisait tout de même partie d’un gouvernement d’union nationale…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Elle permet d’absorber les chocs sociaux les plus violents et de soigner tout un chacun solidairement. Il faut imaginer l’ampleur des drames sociaux dans les États où le travail n’est pas protégé et où l’accès à la santé est payant. Or la trajectoire de l’APD pour 2021 ne semble que très faiblement prendre en compte l’urgence internationale à cet égard, ce qui est très regrettable.
    Certes, l’État français a contribué à lancer quelques initiatives internationales contre la covid-19, mais rien ne démontre une prise de conscience de l’urgence et de l’ensemble des enjeux sur le plan budgétaire.
    Il ne faut pas non plus oublier qu’une partie des crédits mobilisés pour lutter contre la crise sanitaire est redéployée depuis d’autres lignes budgétaires. Nous avons donc stoppé ou ralenti des programmes d’aide publique au développement pour en lancer de nouveaux. Si cela permet de faire de la communication et de montrer que l’on mobilise de l’argent, nous agissons au détriment d’autres programmes, ce qui n’est pas acceptable.
    Les députés communistes ne sont donc pas satisfaits de la gestion de l’APD en 2020, et ils craignent qu’il n’en aille de même en 2021. À cet égard, je ne reviens pas sur l’absence de connaissance précise de la ventilation de plus de 12 milliards d’euros d’ADP « non pilotable ». Ce n’est pas rien ! Nous sommes nombreux à avoir pointé ce problème en commission et j’adhère complètement aux propos que vient de tenir ma collègue Bérengère Poletti à ce sujet.

    M. Meyer Habib

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    Je commence à m’inquiéter… (Sourires sur les bancs du groupe LR.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Mentionnons également le scandaleux refus du Gouvernement d’augmenter la part de l’APD dans la répartition des recettes de la taxe sur les transactions financières, ainsi que son refus d’augmenter le taux et l’assiette de cette taxe, qui constitue l’une des principales sources du financement de l’APD.
    Je le rappelle, l’absence de décideur au plus haut niveau et le fait que le directeur de l’Agence française de développement soit, de facto, le ministre des affaires étrangères – qui a manifestement son propre agenda – sont de graves problèmes. De la même manière, l’absence d’une loi de coordination et de programmation de l’APD, maintes fois annoncée puis repoussée, prouve qu’il ne s’agit pas d’une priorité pour le Gouvernement. La période que nous connaissons aurait pourtant nécessité un ministre de plein exercice dédié à ce domaine et une vision budgétaire s’étalant sur plusieurs années afin d’engager un véritable travail politique.
    Enfin, l’action française en matière d’aide publique au développement demeure soumise à la théorie des « 3D » – diplomatie, défense, développement –, laquelle installe l’idée, pourtant mauvaise, selon laquelle il existe une continuité entre la diplomatie, la guerre et l’aide publique au développement.

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Il y a tout de même une certaine cohérence.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Les députés communistes s’insurgent contre cette théorie, qui monte en puissance chez les décideurs et qui est utilisée pour présenter les opérations militaires comme des actions d’aide humanitaire. À terme, peut-être essaiera-t-on de faire passer nos ingérences humanitaires pour de l’APD ? Souvenons-nous que le président Hollande, que vous avez bien connu, monsieur le ministre,…

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Il l’a très bien connu !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    …avait proposé que l’opération Serval soit comptabilisée dans le budget de l’APD !
    La trajectoire budgétaire de l’APD prévue en 2018 n’a été que légèrement modifiée par la crise internationale de la covid-19. Les crédits de cette mission, qui émanent d’autres lignes budgétaires, apparaissent insuffisants au regard des enjeux actuels et futurs, et l’augmentation de sa dotation se fait donc aux dépens d’autres budgets. Celui de l’APD est non pilotable et le Parlement est dans l’impossibilité d’en débattre. Le Gouvernement refuse obstinément de modifier la répartition des recettes de la taxe sur les transactions financières, ainsi que son taux et son assiette. Il n’existe aucun décideur en ce domaine au niveau interministériel. Le maintien de la théorie des « 3D » fait craindre une militarisation de l’APD. Et je ne reviens pas sur la question de l’évasion fiscale ; mes interventions successives sur ce point en commission semblent avoir convaincu Mme la rapporteure pour avis, membre du groupe majoritaire.
    Bref, les députés communistes ont cherché ce qui pourrait les faire voter le budget de l’APD, comme ils y ont été invités en commission, mais ils n’ont rien trouvé. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne votera donc pas les crédits de cette mission.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Dans un monde d’interdépendance – que j’évoquais tout à l’heure –, nous avons besoin d’une solidarité internationale accrue pour faire face à des défis qui, au sens le plus fort du terme, sont des défis communs. Loin de n’être qu’un simple acte de générosité – elle l’est néanmoins –, cette solidarité est aujourd’hui l’un des éléments majeurs de notre efficacité collective. C’est pourquoi j’aurai l’honneur de présenter très prochainement en conseil des ministres – j’ai indiqué l’échéance de la mi-novembre en commission – le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. « Enfin ! », me direz-vous. Oui, enfin, mais on y arrive !

    M. Philippe Michel-Kleisbauer

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    Très bien !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je ne pourrai répondre à tous les orateurs dans le temps qui m’est imparti, mais je rappelle que je me suis exprimé très clairement en commission sur la question de l’établissement des objectifs en points de PIB. J’ai dit que je n’étais pas pour une mécanique du pourcentage, et qu’il ne fallait pas figer les choses selon ce critère ; je sais très bien que les objectifs varient en fonction de la situation et de l’évolution du PIB. Le projet de loi de programmation contiendra donc les critères et les évolutions nécessaires pour l’aide publique au développement – je le dis pour Mme Poletti et M. Lecoq, qui ont appelé mon attention sur cette question.
    Toujours pour Mme Poletti, mais aussi pour d’autres députés qui se reconnaîtront, j’ajoute que le texte comportera un volet très étoffé sur la transparence. Au passage je vous précise, monsieur Lecoq, que je suis bien un ministre de plein exercice, au cas où vous en auriez douté.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Je ne l’ai pas mis en doute !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    De plein exercice, y compris s’agissant de l’aide publique au développement.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ça, je l’ai effectivement mis en doute.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Eh bien vous avez tort.
    Par ailleurs, le programme 209 de la mission « Aide publique au développement » connaît une augmentation très significative dans le PLF pour 2021. Contrairement à que vous pensez, madame Poletti, je n’ai pas dit« historique »,…

    Mme Bérengère Poletti

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    Si !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    …mais « très significative » – je préfère rester modeste –, y compris en commission.
    Quoi qu’il en soit, constatons que les crédits alloués au programme 209 seront en augmentation de 344 millions d’euros en 2021, pour atteindre 2,48 milliards, ce qui représente une progression très importante et conforme aux engagements que le Président de la République et moi-même avons pris.
    Je concentrerai d’ailleurs mon propos sur ce programme, même si M. le rapporteur spécial a débuté le sien en évoquant le programme 365, créé pour recapitaliser l’AFD à hauteur de de 953 millions d’euros. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir dans d’autres circonstances. S’agissant donc du programme 209, j’ai le sentiment d’être cohérent avec les engagements que j’ai pris depuis que je suis ministre de plein exercice dans ce domaine.
    J’avais annoncé le renforcement des aides bilatérales, orientation retenue dans le budget pour 2021 avec la poursuite de la hausse des moyens alloués à l’AFD pour les dons projets et les dons aux ONG. Ces dons continuent ainsi de constituer la ligne centrale de l’aide bilatérale, avec des crédits de paiement portés à 733 millions d’euros, ce qui représente une augmentation très significative. Pour la première fois, il s’agit du plus important poste budgétaire du programme 209, devant celui dédié au Fonds européen de développement.
    Cette logique est amenée à se poursuivre, étant donné que les crédits d’engagement relatifs aux dons projets de l’AFD demeurent supérieurs à 1 milliard d’euros pour 2021. Nous prolongerons donc notre action dans les secteurs prioritaires que sont la santé, les crises et fragilités, l’égalité femmes-hommes, l’éducation, le climat et l’environnement.
    Les fonds destinés à soutenir l’action de la société civile augmenteront également, tout comme les dons de l’AFD aux ONG, qui sont en hausse de 20 millions d’euros pour atteindre un total de 130 millions d’euros. Je maintiens ainsi le cap d’un doublement de l’APD transitant par les organisations de la société civile – je le rappelle, car je sais que M. Berville tenait à cette évolution.
    Notons que l’augmentation de la composante bilatérale de notre aide publique au développement concerne aussi le FSPI, qui permet aux ambassadeurs d’initier rapidement des projets très concrets, en conformité avec les engagements de Ouagadougou et en complément de l’action de l’AFD.
    Par ailleurs, comme Marc Le Fur et Valérie Thomas ont eu l’occasion de le souligner, l’aide humanitaire bénéficiera d’un nouvel effort budgétaire très significatif, puisque j’ai fixé comme objectif d’atteindre les 500 millions d’euros de crédits en 2022. Nous progressons pour réaliser cette ambition ; c’était tout à fait essentiel, car nous partions de très loin.
    Enfin, l’objectif que j’avais fixé de doubler, d’ici à 2022, l’appui à la coopération décentralisée sera atteint – j’ai récemment eu l’occasion de l’annoncer aux élus locaux.
    Je profiterai aussi de cette intervention pour apporter quelques précisions concernant l’aide bilatérale apportée à la Chine et à la Turquie – sujet auquel M. le rapporteur spécial a raison d’être sensible. Soyons clair, en aucun cas il ne s’agit pas de cadeaux que nous faisons à ces pays. S’ils sont effectivement recensés parmi les bénéficiaires de l’aide publique au développement de la France, c’est uniquement en raison d’un effet statistique lié au mode de comptabilisation de l’APD, lequel est défini par l’OCDE. Pour ces deux pays, nous ne parlons donc pas de subventions consacrées à des projets de développement, mais essentiellement de prêts dont les taux sont conformes aux cours du marché. Il ne s’agit donc en aucun cas de faveurs.
    Si nous agissons dans ces pays, c’est parce qu’il est dans notre intérêt de le faire, ainsi que dans celui des peuples : je dis bien des « peuples », et non de leurs dirigeants.

    M. Philippe Michel-Kleisbauer

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    Très bien !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Par exemple, dans notre combat contre le dérèglement climatique, il s’agit d’un moyen de bâtir des partenariats permettant d’orienter le premier émetteur mondial de carbone qu’est la Chine vers une économie bas carbone. Voilà, au fond, le sens de ces prêts non-concessionnels que nous accordons à ce pays.
    Pour ce qui est de la Turquie, pays à propos duquel je sais que M. le rapporteur spécial est très vigilant, j’ai déjà eu plusieurs occasions d’insister, devant cette assemble ainsi qu’au Sénat, sur la nécessité d’une clarification politique. Je ne reprendrai pas l’ensemble des mes déclarations car le temps me manquerait, mais, comme cette question est importante et d’une actualité brûlante, je vous rappelle que, début octobre, le Conseil européen a décidé de consacrer la séance de la mi-décembre à la Turquie. Des exigences, éventuellement assorties de sanctions en cas de manquement, seront publiquement formulées et une clause de rendez-vous sera fixée pour la vérification de leur respect.
    S’agissant spécifiquement de l’aide publique au développement, cela a été dit, je souhaite qu’il y ait une clarification de l’ensemble du dispositif et qu’elle soit communiquée au rapporteur spécial, pour que chacun soit bien informé de nos liens avec la Turquie. Je partage votre analyse, monsieur le rapporteur spécial, et pense avoir donné satisfaction sur ce point.
    Notre action en matière de développement répond à une logique multilatérale, que traduit notamment l’augmentation significative de notre contribution volontaire aux Nations unies. Cette logique est centrée sur trois priorités, la première étant accordée aux questions humanitaires. La deuxième concerne les biens publics mondiaux, au premier rang desquels nous mettons la santé – avec le dispositif de soutien à l’OMS et l’initiative ACT-A, décidée dans le cadre de la crise sanitaire –, mais aussi l’éducation, sur laquelle M. Berville a insisté dans son intervention, et le climat, dont nous reparlerons peut-être.
    La troisième priorité, ce sont les droits humains. Le projet de budget que nous proposons insiste sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui sera au cœur du Forum Génération Égalité, que la France co-organisera en 2021 avec le Mexique. Nous travaillons aussi à renforcer l’accès au crédit pour les femmes en Afrique en développant l’initiative AFAWA – Affirmative Finance Action for Women in Africa. Enfin, en ce cinquantième anniversaire de l’OIF, une partie importante de l’aide publique au développement sera dévolue à l’Organisation internationale de la francophonie et au soutien aux grands principes des droits humains que promeut la francophonie à travers le monde.
    Voilà les quelques aspects du budget que je voulais souligner devant vous, en remerciant Mme la rapporteure pour avis et M. le rapporteur spécial de leur contribution et de leur soutien à notre action. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Mme la présidente

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    Nous en arrivons aux questions.
    La parole est à Mme Cendra Motin.

    Mme Cendra Motin

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    Alors qu’une deuxième vague épidémique nous frappe, je souhaite souligner l’engagement de la France en matière de santé dans le monde. La pandémie est mondiale, et l’action de notre pays contribue à apporter des réponses aussi attendues qu’efficaces. Oui, l’action de la France est forte et constante, et nous démontrons notre capacité à conjuguer les différents canaux de l’aide publique au développement pour démultiplier les effets de notre action.
    Dans le cadre multilatéral, notre pays s’engage auprès de l’OMS par un soutien financier important dans le cadre de l’initiative ACT-A, qui vise à assurer une distribution mondiale équitable des diagnostics, des traitements et des futurs vaccins, ainsi qu’à renforcer les systèmes de santé. La France s’engage également par la gestion, sur le terrain, d’un fonds de solidarité pour des projets menés en coopération avec l’OMS dans le Sahel. La France est à l’initiative d’outils de financement innovants dans le cadre du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
    De même, le Fonds français Muskoka finance des projets dans le domaine de la santé reproductive, maternelle, néonatale et infantile dans dix pays d’Afrique de l’Ouest francophones en s’appuyant sur un cadre conjoint de planification, de suivi et d’évaluation entre les quatre agences des Nations unies qui le composent. Enfin, dans le cadre des actions de soutien en faveur des pays les plus sévèrement touchés par la crise de la covid-19, la France a lancé en avril 2019 l’initiative « Covid-19 – Santé en commun ». Ce dispositif complémentaire des actions des bailleurs de fonds multilatéraux et européens cible en priorité le continent africain.
    Ma question est donc simple, monsieur le ministre. À l’occasion de la discussion des crédits de la mission « Aide publique au développement », pouvez-vous partager avec la représentation nationale les actes de refondation du multilatéralisme de la santé dont la France est résolument à l’initiative ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Madame la députée, vous avez dit l’essentiel sur l’action de la France pour la refondation du multilatéralisme de la santé, dont elle est un pilier de longue date. En effet, c’est la France qui est à l’origine de la création du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, sous le président Chirac ; c’est la France qui est à l’initiative d’Unitaid ; la France est aussi un important acteur de Gavi, l’alliance du vaccin à laquelle nous verserons 500 millions d’euros entre 2021 et 2025 ; enfin, nous n’avons jamais manqué nos rendez-vous avec l’OMS, que nous appuyons depuis le début de la crise sanitaire et que nous soutenons encore davantage dans le cadre de la réponse au covid-19, puisque nous lui avons accordé 50 millions d’euros. Nous avons aussi pris l’initiative d’un très ambitieux projet d’Académie mondiale de la santé à Lyon, en relation avec l’OMS.
    La crise sanitaire a montré la nécessité d’aller au-delà du renforcement du multilatéralisme, nécessité qu’a traduite le lancement par le Président de la République de l’initiative ACT-A, relayée ensuite par d’autres acteurs, y compris par l’Union européenne. Vous avez défini les principes de cette initiative qui a pour objet de faire de la santé, et surtout des vaccins, un bien public mondial. La question a été évoquée tout à l’heure par Mme Autain : à court terme – j’espère le plus court possible –, quand les vaccins seront disponibles, il faudra nous méfier d’un nationalisme vaccinal qui nous ferait courir un risque majeur sans être efficace pour autant.

    Mme Cendra Motin

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    C’est sûr !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    En effet, si la pandémie continue ailleurs, le nationalisme vaccinal ne sert à rien. La solidarité mondiale est donc à la fois un acte de solidarité et une mesure de préservation de nos propres intérêts.
    Enfin, nous avons le projet de créer un Haut Conseil « Une seule santé », car l’une des conséquences que nous devons tirer de la crise que nous traversons est que la santé animale et la santé humaine sont interdépendantes.

    Mme la présidente

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    Merci, monsieur le ministre. Acta, non verba.
    La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Notre pays fait l’effort, année après année, de renforcer l’aide publique qu’il dirige vers les pays en voie de développement, principalement en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Nous soutenons cette politique qui tend à rapprocher le montant de cet accompagnement nécessaire de l’objectif de 0,7 % du RNB, faisant ainsi de la France le cinquième pourvoyeur mondial d’aide publique au développement.
    Seulement, monsieur le ministre, une politique publique représentant plus de 10 milliards d’euros par an ne peut pas léviter, de manière déconnectée, sans être un levier puissant des actions de nos autres politiques publiques, en particulier de la politique migratoire. Il y a aujourd’hui en France, au bas mot, plus de 400 000 clandestins, que les pays que nous aidons par l’aide publique au développement refusent de reprendre sur leur sol.
    Comment accepter que la France ait donné 220 millions d’euros au Sénégal en 2018, et que, dans le même temps, le Sénégal n’ait délivré que 66 laissez-passer consulaires sur les 1 139 obligations de quitter le territoire français – OQTF – prononcées contre ses ressortissants ? Comment tolérer que la France ait donné 317 millions d’euros au Cameroun en 2018 et que, dans le même temps, le Cameroun n’ait repris que 50 de ses ressortissants, sur les 626 OQTF prononcées par la justice de notre pays ? Comment entendre que le nombre de soldats français tués ou blessés au Mali soit supérieur au nombre de ressortissants maliens en situation irrégulière en France et dont le Mali a accepté le retour ces dernières années ?

    M. Meyer Habib et Mme Marie-Christine Dalloz

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    Absolument.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Cela n’est plus acceptable, cela n’est plus tolérable, cela n’est plus entendable. Sur les trois premiers mois de l’année 2020, le nombre de bénéficiaires de l’AME – aide médicale d’État – a augmenté de 5 %, et son montant dépasse pour la première fois de l’histoire le milliard d’euros annuel. Monsieur le ministre, l’entraide doit aller dans les deux sens : oui à l’aide publique au développement, mais celle-ci doit être strictement conditionnée au retour des clandestins dans leur pays. Pourquoi refusez-vous de faire pression sur les pays que nous aidons et de faire de l’aide publique au développement un véritable outil de gestion de la politique migratoire française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Meyer Habib applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Nous avons un désaccord, monsieur le député : constatons-le.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Oui, manifestement !

    M. Jean François Mbaye

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    Un désaccord profond !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Quand on coupe les crédits de l’éducation, de la santé, des services sociaux de base, qui cela affecte-t-il ? Les dirigeants de ces pays ? Pas du tout ; mais les populations, oui. Pour appeler un chat un chat, créer la conditionnalité négative que vous réclamez entre migration et aide publique au développement nous priverait de leviers fort utiles, y compris pour la maîtrise migratoire. Ainsi, sans aide au développement, on ne pourrait pas aider le Niger à mettre en place un état civil, à maîtriser ses frontières et à lutter contre les filières de passeurs. Je ne suis donc pas favorable à la conditionnalité négative.
    En revanche, pour aller dans le sens d’une partie de votre propos, je suis tout à fait en faveur d’un lien entre le nombre de réadmissions et l’octroi de visas, car il s’agit là de responsabilités gouvernementales sur lesquelles nous devons être exigeants. De plus, cette forme de conditionnalité est efficace. Je vous ferai parvenir les chiffres qui montrent le rapport entre l’évolution de la délivrance de visas et l’évolution des laissez-passer consulaires de retour : ils indiquent que l’action en ce domaine paie, à l’inverse de la conditionnalité négative, laquelle donnerait les résultats inverses de ceux que vous imaginez. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Michel-Kleisbauer.

    M. Philippe Michel-Kleisbauer

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    L’aide publique au développement est un levier puissant de notre diplomatie. Elle est une manière de nous présenter au monde, de nous y projeter et d’établir des relations fortes et durables avec d’autres États. Cette approche constructive est un trait culturel chez nous, et elle a toujours représenté une ambition de notre politique étrangère. Elle est donc une force grâce à laquelle nous n’avons pas à craindre le dialogue, ni les exigences des États avec lesquels nous concluons des accords et des partenariats ; une force, aussi, grâce à laquelle nous n’avons pas davantage à craindre d’affirmer nos valeurs et nos principes dans un monde particulièrement bouleversé et en manque de repères. Nous avons même le devoir de défendre ces principes et ces valeurs qui s’expriment dans le cadre démocratique et au nom de l’État de droit, lesquels sont aujourd’hui malmenés, voire contestés.
    Je rebondis sur le dialogue que vous avez eu tout à l’heure avec M. le président de la commission pour vous poser la question suivante : comment pouvons-nous poursuivre la défense de nos valeurs démocratiques et celle de l’État de droit à travers la politique de l’aide publique au développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Cendra Motin applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Merci pour cette question essentielle, monsieur le député. La France est pleinement engagée en faveur de la promotion de l’État de droit en Afrique, qui est un axe essentiel de notre coopération. La priorité accordée à la promotion de la gouvernance démocratique et de l’État de droit est d’ailleurs inscrite dans le rapport annexé au projet de loi de programmation dont nous débattrons bientôt, et elle est la condition essentielle de l’efficacité du développement.
    Nos actions visent d’abord à renforcer et à soutenir une justice impartiale et efficace, à promouvoir des institutions judiciaires transparentes et à combattre l’impunité. En outre, nous nous sommes dotés d’une stratégie interministérielle « droits humains et développement » pour faire de la politique de développement un levier en faveur des droits humains défendus par notre diplomatie. Cette stratégie passe aussi par le soutien à l’égalité hommes-femmes, déclarée grande cause du quinquennat, et aux efforts liés à l’éducation et à l’accompagnement des processus électoraux en Afrique : en relation avec l’Organisation internationale de la francophonie et l’Union européenne, nous appuyons autant que possible les processus électoraux sensibles pour faire progressivement de la démocratie un outil de transparence politique indispensable à ces pays.
    Merci encore pour cette question sur la promotion de l’État de droit, question centrale dans l’action de développement menée par la France.

    Mission « Aide publique au développement » (état B)

    Mme la présidente

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    J’appelle les crédits de la mission « Aide publique au développement », inscrits à l’état B.
    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 1049.

    M. Alain David

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    Il vise à rétablir l’aide économique et financière multilatérale à son niveau de 2020 en affectant 100 millions d’euros au programme « Aide économique et financière au développement ».

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Cher collègue, je ne partage pas votre analyse. J’ai le sentiment que nous devons, au contraire, mettre le paquet sur le bilatéral, c’est-à-dire sur ce qui est géré par le ministère, plutôt que sur le multilatéral. En effet, si l’on se fixe comme objectif le Sahel, le bilatéral est la meilleure solution pour s’assurer que les crédits que nous allouons iront bien vers les dix-neuf pays concernés, dont dix-huit sont africains.
    Vous dites par ailleurs que l’aide multilatérale risque de pâtir de ce projet de budget en 2021. C’est bien plutôt que le budget en la matière a connu une forte hausse en 2020, je vous le rappelle. En effet, cette année-là, des crédits appelés très occasionnellement, qui abondent des fonds multilatéraux tous les trois ou cinq ans, étaient très nombreux.
    Nous devons donc maintenant revenir à l’objectif défini en 2018 : privilégier très clairement l’aide bilatérale, les dons et les pays jugés prioritaires. Ces trois objectifs étant cohérents, vous me pardonnerez de ne pas être en phase avec votre proposition. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Même avis. Le budget de l’année dernière constituait une exception, car il fallait alors abonder les trois grands fonds multilatéraux. C’est ce qui explique la diminution des crédits sur laquelle vous vous interrogez. Monsieur le rapporteur spécial vous a répondu ; je n’ai pas de complément à apporter.

    (L’amendement no 1049 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 1047.

    M. Alain David

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    Il vise à augmenter les crédits de l’aide publique au développement qui transitent par les organisations de la société civile, notamment les organisations non-gouvernementales.
    Les crédits d’engagements transitant par les ONG via le guichet dédié de l’AFD dépassent le palier de 130 millions d’euros dans ce projet de budget.
    Cela étant, en 2019, la part de l’APD bilatérale transitant par la société civile était de 6,7 % en France, alors que, dans les pays de l’OCDE, la part qui transite par les ONG avoisine les 16 % en moyenne.
    Si les chiffres montrent une amélioration, la tendance n’est donc pas encore satisfaisante.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Vous me pardonnerez de ne pas partager, une fois encore, votre analyse. Nous augmentons sensiblement, d’environ 10 %, les crédits destinés aux ONG dans ce projet de budget pour 2021.
    Il faut prendre en compte les trois grands vecteurs de l’aide. Le premier est la Banque mondiale, pertinente pour les très grands projets, parce qu’elle est professionnelle et implantée dans le monde entier. Le deuxième est le réseau diplomatique, que le Gouvernement a décidé de renforcer ; il doit gagner en importance, avec la création et le développement du FSPI. Le troisième est constitué par les ONG, que nous n’oublions pas.
    En tout état de cause, si nous voulons donner un tour plus politique à notre aide, respecter les engagements que j’ai indiqués concernant le canal bilatéral, l’Afrique et le Sahel, et mieux lier l’aide à notre stratégie diplomatique et de défense – pardonnez-moi, M. Lecoq de ne pas être d’accord avec vous sur ce point –, il faut que notre réseau diplomatique joue un rôle plus important dans l’attribution de l’aide publique au développement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Ce qui me surprend, monsieur David – mais peut-être m’apporterez-vous des explications après la levée de la séance –, c’est la contradiction entre cet amendement et le précédent. Par le no 1049, vous proposiez de transférer des crédits du programme 209 vers le programme 110, et dans celui-ci, vous proposez l’inverse. Vous êtes difficile à suivre ! Selon moi, il convient plutôt de renforcer le programme 209.
    Avec ce projet de budget, en tout cas, nous renforçons, dans le programme 209, les crédits destinés aux OSC – organisations de la société civile –, conformément à la logique que j’ai annoncée dès le départ.
    Alors que nous partions de loin, les OSC représentent aujourd’hui 6,7 % de l’APD bilatérale, comme vous avez raison de le souligner. Mon objectif est d’atteindre 10 % ; j’avais indiqué que je doublerai ce pourcentage et je ne cesse de l’augmenter.
    Comme indiqué tout à l’heure, l’enveloppe destinée aux OSC passera de 110 millions à 130 millions en 2021, ce qui confirme notre volonté de coopération avec la société civile.
    C’est vrai, nous sommes en retard – et nous l’étions sur tellement de sujets ! Mais le rattrapage a lieu. C’est en particulier le renforcement de l’aide humanitaire, à laquelle les ONG participent beaucoup, qui explique cette progression des crédits ; nous poursuivrons ce mouvement. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    Puisque vous adoptez un ton un peu polémique, monsieur le ministre, je vous rappelle que vous étiez bien placé, sous la précédente législature, pour agir sur le sujet dont nous parlons.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Oui, mais pas du tout au même poste !

    M. Alain David

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    Certes, mais une partie du retard est donc de votre fait.

    (L’amendement no 1047 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l’amendement no 1481.

    Mme Clémentine Autain

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    Par cet amendement d’appel, nous voulons interpeller le Gouvernement sur le fonds vert pour le climat. On se souvient que le président Macron, lors du sommet du G7 à Biarritz, avait annoncé le doublement de la contribution française à ce fonds, mesure qu’il présentait comme extraordinaire alors qu’elle ne représente que 2 pauvres milliards d’euros.
    Or, dans ce projet de budget, avec 1 238 millions d’euros de dons et 310 millions de prêts, non seulement le compte n’y est pas, mais en plus la contribution française n’est pas intégralement constituée de dons !
    Surtout, que représente le doublement du fonds vert si, « en même temps », plus de 100 milliards d’euros de subventions annuelles continuent d’être versées pour les énergies fossiles à l’échelle de l’Union européenne ? Outre que le fonds vert ne peut absolument pas faire le poids, la France continue à financer des secteurs « climato-incompatibles ».
    Si nous avons bien noté que les financements français pour la transition énergétique augmentent un peu, ils ne représentent encore qu’une goutte d’eau face à l’ampleur des efforts nécessaires. C’est une forme de greenwashing, d’écologie de pure communication. Non seulement les crédits sont trop faibles, mais ils sont, de surcroît, contrariés par d’autres investissements massifs, dans des énergies et des politiques destructrices du point de vue environnemental.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Avis défavorable.
    La priorité accordée au climat est affirmée, réaffirmée ; elle transparaît dans notre politique de dons et de prêts. Elle a été définie à une époque où la croissance était générale. Or nous vivons un moment très particulier. Comme l’a souligné l’étude de la Banque mondiale, 150 millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté. Leur priorité, pardonnez-moi de le dire, ce n’est pas le climat, c’est de pouvoir manger, au jour le jour.
    Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez renforcé la priorité accordée à l’aide alimentaire, qui était complètement oubliée il y a trois ans encore – malgré quelques évolutions du fait de crises comme celle de l’Irak.
    Quoi qu’il en soit, l’aide alimentaire doit devenir la priorité des priorités. Je suis donc défavorable à votre amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Nos engagements sont tenus. Conformément à l’annonce, lors du G7 de Biarritz, d’un doublement de la contribution française au fonds vert, 1,5 milliard d’euros seront versés entre 2020 et 2023.
    Je vous ferai remarquer que la part des prêts dans la contribution française a diminué, pour atteindre 20 % contre 37 % auparavant. On voit bien qu’au moment d’activer l’aide, c’est la part des dons qui est tout à fait essentielle ; elle a plus que doublé. Si c’était bien votre question, oui, nous sommes au rendez-vous des financements, conformément aux annonces du Président de la République.
    Par ailleurs, il faut mentionner d’autres actions de financement français en faveur du climat, qui passent par le canal bilatéral de l’AFD, dont au moins 50 % des financements octroyés doivent avoir des cobénéfices en matière de climat.
    Enfin, la France est fortement engagée en faveur de l’alignement de l’ensemble des flux financiers sur l’objectif de l’accord de Paris et sur l’Agenda 2030. Cette exigence est inscrite dans tous nos engagements financiers et dans tous nos partenariats.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    Les engagements ne sont pas totalement tenus, même si les crédits ne sont pas très loin des 2 milliards d’euros – mais enfin, je ne chipoterai pas sur ce point.
    Face à ces 2 milliards, on estime qu’en 2016, 825 milliards de dollars ont été investis, à l’échelle mondiale, dans les énergies fossiles et les secteurs générant des gaz à effet de serre. C’est considérable ! Vous voyez bien qu’il y a deux poids, deux mesures, ce dont les Français n’ont pas toujours pleinement conscience.
    On annonce avec tambours et trompettes des milliards d’euros, des investissements formidables dans le fonds vert, or il faudrait évaluer l’importance réelle de ces sommes et la rapporter à celle des investissements dans des énergies qui vont à l’encontre du même fonds vert. C’est vraiment la logique des pompiers pyromanes !
    Il faut changer profondément les politiques publiques afin d’investir dans les secteurs propices à la nécessaire transition énergétique. Or vous vous contentez de vous donner bonne conscience avec du saupoudrage, alors que la structure générale de notre économie et de notre modèle de production est soutenue par le Gouvernement, dans une logique productiviste.

    (L’amendement no 1481 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l’amendement no 1482.

    Mme Clémentine Autain

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    Monsieur le ministre, nous avons déjà eu l’occasion, en commission des affaires étrangères, d’échanger sur un amendement d’appel similaire.
    Il s’agit de vous alerter sur le lien de plus en plus étroit entre aide publique au développement et immigration. La corrélation que vous introduisez entre les deux s’inscrit dans le dévoiement dont je parlais dans mon intervention liminaire.
    Subordonner l’attribution de l’aide publique à la bonne conduite des pays d’où proviennent les principaux flux migratoires constitue une forme de chantage, un moyen de pression. En somme, vous dites aux pays concernés : « Faites attention, empêchez le départ de réfugiés, aidez-nous à maintenir l’étanchéité des frontières, et nous vous donnerons de l’argent. »
    Il nous semble que l’attribution de l’aide publique au développement ne doit aucunement être soumise à ce type de conditions. Je ne suis pas la seule à le dire. Vous savez sans doute qu’un grand nombre d’ONG alertent à ce sujet depuis un certain temps. C’est selon nous un manquement assez grave du Gouvernement aux objectifs humanitaires et de solidarité qui devraient être assignés à l’aide publique au développement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Votre amendement a le mérite de poser le débat, déjà introduit par nombre de collègues. Ma position est diamétralement opposée à la vôtre. C’est le même pays, la France, qui, d’un côté, aide, et, de l’autre, est confronté à ces flux migratoires : ces deux hémisphères ne sont pas distincts !
    D’une manière ou d’une autre, l’aide doit prendre en compte les préoccupations liées à la migration. J’ai bien entendu votre réponse sur ce point, monsieur le ministre. Toutefois, quand je les interroge, mes interlocuteurs, y compris à l’AFD, non seulement n’opèrent pas ce lien entre aide et migration, mais, en plus, il ne leur vient même pas à l’esprit – c’était du moins le cas il y a quelques mois, alors que tous devraient y penser.
    Si nous aidons des pays très pauvres, notre pays lui-même s’est appauvri en quelques mois. Selon les informations du ministère de l’économie, des finances et de la relance, les Français ont perdu 10 % de leur pouvoir d’achat. Et c’est à eux que l’on demande d’augmenter l’aide au développement ? Très bien, mais à la condition que l’on réponde aussi à leurs préoccupations !
    Par ailleurs, chère collègue, je n’admets pas le fond de votre logique : vous partez du principe que la migration serait favorable aux pays d’origine, alors qu’elle les saigne, qu’elle leur fait perdre leurs élites, les compétences ! Voilà la question !
    Je suis originaire d’une région que connaît bien le ministre et qui, pendant des années, a vu partir toutes ses élites et tous ses jeunes. Un jour, le mouvement s’est arrêté, les habitants ont décidé de rester sur place et la région s’est développée. L’histoire de l’Irlande est la même : c’est à partir du moment où les Irlandais ont décidé de ne plus émigrer que le pays s’est développé.
    La migration n’est pas favorable aux pays d’origine : regardez leur situation.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    J’ai répondu tout à l’heure à M. Dumont, qui abordait ce sujet mais sous un angle radicalement opposé au vôtre. Je n’ai pas changé de point de vue, je suis défavorable à la conditionnalité négative – je l’ai dit l’an dernier, je l’ai dit commission. Il ne saurait donc être question d’une conditionnalité qui serait inefficace et porterait préjudice aux populations civiles.
    En revanche, on peut parler de lien, car, grâce à l’aide au développement, nous permettons aux pays concernés de maîtriser leurs flux migratoires. En améliorant leurs services d’état civil, en luttant contre les réseaux de passeurs, en développant leurs territoires les plus défavorisés et en améliorant l’accès aux services de base, ils stabilisent la population. Ce lien, nous en discutons sur chaque projet, toujours avec le souci de l’état de droit.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    Le jeu sur les mots est habile. Positive ou non à vos yeux, la conditionnalité reste la conditionnalité.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    J’ai parlé de lien !

    Mme Clémentine Autain

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    Nous estimons, nous, qu’il n’y a pas à y avoir de conditionnalité, et le débat reste donc entier. Nous considérons surtout que l’aide publique au développement ne doit pas servir à l’externalisation de nos frontières. C’est une question de principe sur laquelle nous ne parviendrons pas à nous mettre d’accord, mais nous continuerons à mener ce combat budget après budget.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit

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    Je suis ravi, madame Autain, que vous considériez qu’il ne saurait y avoir de conditionnalité à l’aide : c’est vrai pour l’aide au développement, ça l’est aussi pour la relance. (Mme Cendra Motin applaudit.) Le ministre vient de le dire, il n’y a pas de conditionnalité.

    Mme Clémentine Autain

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    Mais si !

    M. Frédéric Petit

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    Non, ce terme appartient à l’opposition. En revanche, la commission des affaires étrangères et sa présidente sont très attachées à l’idée que, puisque l’aide et les migrations sont deux phénomènes liés, nous devons revoir les conditions de l’immigration légale et la question des doubles visas. Cela permettrait de lier politique migratoire et politique de solidarité envers ces pays, qui, en effet, se retrouvent pillés de leurs ressources humaines.

    (L’amendement no 1482 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l’amendement no 1483.

    Mme Clémentine Autain

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    Cet amendement reprend l’une des batailles que nous menons contre le manque de transparence de Proparco, dont nous contestons non seulement l’utilité et les modes d’action mais le fait que, de plus en plus, elle ressemble à une espèce d’officine privée, qui s’éloigne des missions qui devrait être celle de l’aide publique au développement.
    Entre 2007 et 2013, Proparco aurait acheminé plus de 505 millions de dollars destinés aux pays en développement via des paradis fiscaux ; selon Mediapart, cela continuerait en 2017. Il semble donc que l’agence Proparco participe, dans les pays en développement, à une privatisation de la santé et de l’éducation dont elle est le bras armé, ce qui constitue un dévoiement de l’aide publique au développement.
    Sans doute est-ce cohérent avec la manière dont vous concevez l’aide publique au développement, mais nous pensons que ce n’est pas là l’objectif qui doit lui être assigné. Par ailleurs, la transparence de Proparco est en cause, et nous aimerions avoir davantage de lisibilité et de précisions sur son action.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Une fois encore, je ne partage pas du tout votre approche. Le développement ne se résume pas à de grands projets étatiques, tels les grands projets d’assainissement ou autres ! Il implique aussi la société civile et les entreprises locales.
    Lorsqu’un jeune Africain passe de l’économie informelle à la création d’une vraie PME qui va se développer et créer de l’emploi, c’est un développement formidable que nous devons applaudir, et si Proparco y concourt d’une manière ou d’une autre, c’est très bien !

    Mme Elsa Faucillon

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    Pas de n’importe quelle manière !

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Dans notre logique, le développement doit aussi passer par le monde de l’entreprise, la création d’activités et la transformation du secteur informel. Peut-être l’action de Proparco n’est-elle pas parfaite, mais le fait qu’elle contribue à développer une économie plus efficace, nous paraît une excellente chose.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    La politique de soutien au secteur privé mise en œuvre par Proparco est avant tout orientée vers le développement des très petites et petites entreprises locales, de l’entrepreneuriat local social et solidaire, dans les pays du Sud.
    Tout cela est très encadré : les projets de Proparco doivent respecter les critères d’efficacité appliqués par l’AFD ; ils doivent répondre à des besoins spécifiques – difficultés d’accès au crédit, déficit d’investissement – et cibler des objectifs de développement clairement identifiés – création d’emplois durables, accès à des biens et des services essentiels.
    Vous dénoncez un manque de transparence. Je vais essayer de faire en sorte que les choses soient plus claires pour vous, mais elles semblent l’être pour l’ensemble des acteurs. Proparco participe de notre politique de développement en aidant l’entrepreneuriat local, sans lequel il n’y a pas de développement.

    (L’amendement no 1483 n’est pas adopté.)

    (Les crédits de la mission « Aide publique au développement » sont adoptés.)

    Article 53

    (L’article 53 est adopté.)

    Après l’article 53

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 358 et 1590, portant article additionnel après l’article 53.
    La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l’amendement no 358.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Nous manquons de données, ce qui est un problème dans la mesure où nous ne sommes pas d’accord sur ce que nous estimons devoir être l’aide publique au développement dans notre pays et ce que vous estimez, vous, au regard de la politique migratoire de la France.
    Nous souhaitons donc, par cet amendement déposé par Marc Le Fur, obtenir des chiffres clairs mettant en corrélation pour chaque pays, d’une part, les montants d’aide publique au développement attribués par la France et ses opérateurs et, d’autre part, le nombre de laissez-passer consulaires obtenus dans des délais utiles.
    Cela nous semble un moyen efficace de constater l’évolution dans le temps du taux de délivrance de ces laissez-passer consulaires et de les comparer au nombre d’OQTF prononcées par le juge. En règle générale, les demandes de laissez-passer consulaire ne sont faites que lorsqu’on est à peu près sûr de les obtenir ; lorsque ce n’est pas le cas, les OQTF sont souvent mises de côté, ce qui est problématique. Un rapport sur le sujet permettrait au Parlement d’exercer la mission de contrôle qui lui est dévolue.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1590 de Mme Constance Le Grip est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    La commission n’a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j’y suis évidemment favorable ! (Sourires.) Ce n’est pas grand-chose que de demander un rapport sur une question aussi essentielle.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est vrai.

    Mme Bérengère Poletti

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    C’est une bonne idée !

    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial

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    Nous sommes dans une année particulière, une année où, grâce à vos efforts, l’aide au développement s’accroît comme jamais mais où, dans le même temps, le pouvoir d’achat de nos compatriotes s’effondre. Je veux donc bien leur expliquer que l’aide publique au développement va augmenter, mais à la condition qu’ils y trouvent aussi leur compte !
    Si certains pays – comme le Mali ou le Sénégal, qui sont par ailleurs des pays amis – ne jouent pas le jeu, d’autres, comme le Niger, font des efforts pour rapatrier leurs ressortissants, ce qui veut dire que c’est possible.
    Avoir un minimum de transparence sur cette question, qui va nous être posée par nos compatriotes, est donc la moindre des choses. Ils voudront des contreparties à cette augmentation de l’aide au développement concomitante à une baise de 10 % de leur pouvoir d’achat, et la politique migratoire fait partie de l’aide au développement.
    Passer à côté de ce sujet serait une erreur politique, même si j’entends bien qu’il existe d’autres éléments pouvant concourir à faire évoluer ces pays.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je suis opposé à cette idée qui pourrait être perçue comme une forme de mise à l’index ou de provocation à l’égard des populations concernées. Je suis donc défavorable – Mme Autain ne me croira pas, mais je le dis quand même – à un rapport sur la conditionnalité négative.
    Je maintiens en revanche qu’il y a un lien entre la politique migratoire et la politique de développement et, si le Niger a une politique d’accueil de ses ressortissants qui étaient chez nous en situation irrégulière ou qu’il accepte même le retour de personnes qui étaient en situation régulière, c’est parce que ce pays mène, depuis longtemps, un effort de développement collectif qui le permet : j’ai pu moi-même le constater à plusieurs reprises.
    Par ailleurs, je suis très exigeant sur le fait que les laissez-passer consulaires, les OQTF et les visas soient corrélés. Cela doit être un moyen de pression sur les dirigeants des pays concernés, qui doivent prendre leurs responsabilités, et je suis, en l’espèce, prêt à agir avec beaucoup de force. Je le fais d’ailleurs à chacune de mes visites dans ces pays, qu’il s’agisse de pays de départ ou de pays de transit.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Bérengère Poletti.

    Mme Bérengère Poletti

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    Je partage votre analyse et pense qu’il ne faut pas que nous nous coupions des pays dont nous aidons la population, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation. Néanmoins se pose la question des aides budgétaires directes que verse l’AFD à ces pays et qui ne concernent pas directement la population.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    C’est très marginal !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean François Mbaye.

    M. Jean François Mbaye

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    Je suis assez surpris, même si j’entends vos motifs, que vous prôniez, avec cet amendement, une telle conditionnalité, dans la mesure où cela constitue une forme de détournement de la philosophie de notre aide publique au développement et qu’elle aboutirait à pénaliser les peuples et non leurs dirigeants. Or je sais, pour avoir abordé le sujet avec vous lors de déplacements, que ce n’est pas votre souhait.
    Cela étant dit, nous pourrions reprendre, de manière transpartisane, l’excellent travail effectué par notre rapporteur général Laurent Saint-Martin et notre collègue Jean-Luc Warsmann sur la possibilité, par exemple, de procéder à des restitutions du produit des cessions des biens mal acquis, dans le prolongement de la proposition de loi examinée en 2019 par le Sénat.
    Voilà un travail que nous pouvons engager : nous compléterions ainsi le cadre normatif applicable à ce que l’on nomme les biens mal acquis – notion qui, comme vous le savez, recouvre les avoirs et les biens publics détournés du budget d’un État et placés à l’étranger à des fins personnelles. Nous pouvons nous rejoindre sur ce point, mais il est hors de question, vous l’aurez compris, que le groupe de La République en marche soutienne un tel amendement, dont l’adoption, je le répète, détournerait totalement la philosophie de l’aide publique au développement en France.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Un rapport ne ferait aucun mal !

    M. Jean François Mbaye

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    On sait ce que cela peut donner !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Le fait de rédiger un rapport ne conduirait pas nécessairement à la conditionnalité de l’aide !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Vous avez retiré l’amendement que vous aviez déposé sur ce thème avant son examen en séance, monsieur Mbaye, parce que l’analyse des possibilités de restitution des biens mal acquis à l’État d’origine des fonds n’est pas achevée. Je peux vous assurer que le Gouvernement était très favorable à la proposition de loi examinée au Sénat en mai 2019 ainsi qu’aux conclusions du rapport rendu par les députés Warsmann et Saint-Martin en novembre 2019. La question est quelque peu complexe juridiquement, mais les travaux progressent, et je crois que la discussion prochaine du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales nous permettra de mener à bien la démarche engagée aujourd’hui. Le dispositif retenu devra cependant être complètement sécurisé sur le plan juridique.

    (Les amendements identiques nos 358 et 1590 ne sont pas adoptés.)

    Compte d’affectation spéciale « Prêts à des États étrangers » (état D)

    Mme la présidente

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    J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Prêts à des États étrangers », inscrits à l’état D.

    (Les crédits du compte d’affectation spéciale « Prêts à des États étrangers » sont adoptés.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé l’examen de la mission « Aide publique au développement » et du compte d’affectation spéciale « Prêts à des États étrangers ».
    La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
    Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 : examen des crédits des missions « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics » et « Direction de l’action du Gouvernement ».
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

    Le Directeur du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Serge Ezdra