XVe législature
Session ordinaire de 2021-2022

Deuxième séance du mardi 01 février 2022

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du mardi 01 février 2022

Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Politique en faveur des personnes âgées dépendantes

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    À la suite des révélations publiées sur le groupe Orpea, la ministre déléguée chargée de l’autonomie a auditionné son président. Les faits sont gravissimes. Or cette affaire ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Il existe dans notre pays une maltraitance structurelle de nos aînés, qui oblige à s’interroger sur les politiques conduites depuis trente ans en matière de dépendance.
    En dépit des plans gouvernementaux successifs, les financements publics n’ont pas été à la hauteur. Ils ne l’ont pas été davantage ces cinq dernières années, alors que les professionnels ne cessent de vous alerter sur l’insuffisance du taux d’encadrement, sur la dégradation des conditions de travail et sur les difficultés qu’ils éprouvent à prendre en charge dignement les personnes âgées qu’ils accueillent.
    Sur ce terrain propice, une poignée de grands groupes se sont engouffrés, avec la bénédiction des pouvoirs publics. Ils possèdent désormais 20 % des places en EHPAD et dégagent d’énormes bénéfices, sur le dos des salariés et des usagers. Pour servir leurs actionnaires, ils n’hésitent pas à réduire les coûts des repas, à raréfier les soins, à comprimer les salaires.
    Nos aînés se trouvent ainsi pris en tenaille entre l’insuffisance des moyens publics et les exigences de rentabilité financière des acteurs privés. Comme d’autres avant vous, vous aviez promis une grande réforme de l’autonomie. Elle n’a pas vu le jour. (M. Jean-Hugues Ratenon acquiesce.)
    Ma question appelle bien évidemment une réponse sur le scandale Orpea et sur la nécessité de mettre au pas le marché privé des maisons de retraite. Plus largement, au-delà du saupoudrage du Ségur de la santé et des mesures d’affichage (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM), quels moyens concrets entendez-vous déployer pour soutenir les EHPAD publics et rendre enfin leur dignité à nos aînés en situation de perte d’autonomie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Je crois que nous avons tous été très frappés des accusations extrêmement graves portées contre le groupe Orpea. D’emblée, j’exprime ma compassion et ma solidarité aux résidents et à leurs familles, victimes de ces agissements.
    Vous l’avez dit, Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, a convoqué les dirigeants du groupe, qu’elle a reçus aujourd’hui même. Devant la représentation nationale, j’affirme que nous ne resterons pas inactifs. S’agissant du groupe visé, la ministre déléguée a annoncé des mesures de deux ordres. D’abord, elle a missionné une enquête des Inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS), relative notamment aux pratiques comptables et aux modalités de gestion du groupe. Ensuite, les agences régionales de santé (ARS) mèneront des contrôles dans tous les sites du groupe, au-delà de l’établissement où les faits dénoncés auraient été commis. Étant donné leurs compétences en matière d’établissements et de services dédiés aux personnes âgées, les conseils départementaux qui le souhaitent pourront s’y associer.
    Plus structurellement, j’ai demandé au ministre des solidarités et de la santé de m’adresser des propositions sur le contrôle de l’ensemble du secteur.
    Cher président Chassaigne, permettez-moi d’exprimer une nuance, que vous partagerez certainement : vous avez dit que cette affaire ne devait pas être l’arbre qui cache la forêt, mais il ne faudrait pas davantage jeter le bébé avec l’eau du bain. Vous le savez – vous connaissez ceux de vos territoires –, de nombreux EHPAD, partout en France, accueillent merveilleusement leurs résidents. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes Dem et Agir ens.)

    Mme Danielle Brulebois

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    Tout à fait !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Il ne faut pas tout mettre dans le même paquet.
    En revanche, vous avez raison de souligner que nous devons surveiller tout le monde, ce qui implique d’augmenter le nombre des contrôles et de les rendre plus performants.
    Les professionnels du secteur l’ont dit, il faut également revoir les procédures d’accréditation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    Ça fait cinq ans que vous êtes au pouvoir !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Celles des établissements du secteur médico-social, qui nous occupent, devront sans doute évoluer pour se rapprocher de celles des établissements sanitaires.
    Sur le fond, la prise en charge de la dépendance, il est exact que nous n’avons pas encore mené à bien la très grande loi autonomie, à laquelle nous aspirons tous. Néanmoins, nous avons posé des jalons essentiels. Nous avons créé la cinquième branche de la sécurité sociale (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM), et lui avons affecté 2,5 milliards de crédits afin de renforcer les personnels. Dans le cadre du Ségur, les EHPAD ont bénéficié d’une autre enveloppe de 2,5 milliards, pour améliorer les locaux, les conditions de travail du personnel et la prise en charge des résidents.
    Ce ne sont pas de petites mesures, monsieur Chassaigne. Nous sommes sur une trajectoire. Nous prenons cette affaire très au sérieux, car elle me scandalise autant que vous. Sur ce sujet comme sur les autres, mon Gouvernement sera au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. Pierre Cordier

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    Ça fait cinq ans que vous auriez dû y penser !

    Prix des carburants

    M. le président

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    La hausse du prix des carburants touche des millions de Français, qui doivent dépenser chaque mois 300 ou 400 euros, voire plus, pour se rendre au travail.
    Chacun sait que les taxes constituent la plus grande partie du prix des carburants. Naturellement, vous avez adopté des mesures, comme le chèque inflation ou le rehaussement du barème kilométrique pour le calcul des frais professionnels. Cependant, comme en 2018, le problème concerne la trajectoire fiscale liée à la transition énergétique. Nous avons tous en mémoire ce qui est advenu en 2018. Pourquoi le prix du litre de carburant à la pompe est-il 20 centimes plus cher qu’en 2008, alors que le prix du pétrole est inférieur de 62 % ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LR.)
    Le prix du carburant augmente pour la sixième semaine consécutive. La recette prévisionnelle des taxes afférentes, inscrite au projet de loi de finances pour 2022 que nous avons discuté et voté à l’automne, sera largement dépassée, puisque la hausse des prix augmente le montant des taxes collectées.
    Le Gouvernement est-il prêt à limiter l’inflation du carburant en fonction de la recette inscrite au budget de 2022, donc à prendre de nouvelles dispositions en ce sens ? En effet, la hausse devient inacceptable pour une bonne partie de nos concitoyens, qui n’ont pas d’autre choix que prendre la voiture, en particulier pour aller travailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

    Un député du groupe LR

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    On est sauvés !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

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    Vous le savez, les causes de la hausse des prix de l’énergie à laquelle nous sommes confrontés sont étrangères aux politiques que nous menons.

    M. Maxime Minot

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    « Tout va très bien, madame la marquise ! »

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Tous les pays du monde ou presque la subissent. En réponse, nous déployons des aides massives. Presque 6 millions de ménages modestes ont d’abord bénéficié de l’aide exceptionnelle du chèque énergie, d’un montant de 100 euros.

    M. Fabien Di Filippo

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    L’État fait des chèques en blanc !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Nous avons agi pour bloquer le prix du gaz à son niveau d’octobre 2021 et pour limiter à 4 % la hausse des tarifs réglementés de vente d’énergie, lors de la revalorisation de février 2022.
    Vous vous inquiétez, à juste titre, du prix des carburants à la pompe. Là encore, nous devions apporter une solution.

    M. Fabien Di Filippo

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    Ils ont augmenté les taxes, depuis 2018 !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    D’abord, je démens l’idée reçue selon laquelle le Gouvernement en tirerait bénéfice.

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Ben voyons !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Pour deux raisons évidentes : l’État est un gros consommateur d’énergie et nous déployons des dispositifs sans précédent pour accompagner les ménages.
    Pour limiter les conséquences sur leur budget du retour de l’inflation, notamment du prix du carburant, nous avons versé une indemnité inflation de 100 euros à tous les Français qui gagnent moins de 2 000 euros par mois. Nous en avons calculé le montant de manière à couvrir le surcoût, estimé selon la consommation moyenne des Français, à savoir entre 60 et 70 euros par véhicule. (Exclamations sur les bancs du groupe LR. – Mme Valérie Six fait un signe de dénégation.)

    M. Marc Le Fur

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    C’est une plaisanterie ?

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous avez fait technocratie, en deuxième langue ?

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Notre action est donc globale. Nous avons également revalorisé de 10 % le barème des frais kilométriques. Contrairement à d’autres dispositifs, les effets de cette mesure, qui devrait concerner 2,5 millions de foyers, interviendront rapidement. Au total, 15 milliards d’euros seront dépensés pour amoindrir les conséquences de la hausse du prix de l’énergie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Naturellement, je ne me satisfais pas de la réponse de la secrétaire d’État.

    Un député du groupe LR

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    Bien sûr !

    M. Thierry Benoit

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    Monsieur le Premier ministre, le coût du carburant place une bonne partie des Français dos au mur.

    M. Maxime Minot

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    Les gilets jaunes vont ressortir !

    M. Thierry Benoit

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    Pas plus qu’en 2018, ils n’ont de solution de rechange. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    Situation dans les EHPAD

    M. le président

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    La parole est à Mme Fadila Khattabi.

    Mme Fadila Khattabi

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    Comme vous, madame la ministre déléguée chargée de l’autonomie, nous avons découvert la semaine dernière, dans un grand quotidien national, les extraits d’une enquête journalistique qui nous interpelle toutes et tous, car elle relate des faits de maltraitance commis à l’encontre des résidents d’établissements privés, dont un se situe en région parisienne.
    D’abord, j’exprime toute mon indignation face à la gravité des faits relatés, mais aussi et surtout ma compassion envers les résidents de l’établissement mis en cause et leurs familles. Je sais que ces sentiments sont largement partagés sur l’ensemble de ces bancs ; dans cette affaire, nous devrons faire preuve du discernement le plus total, afin de faire toute la lumière sur ce qui s’est passé.
    Notre assemblée a un rôle essentiel à jouer dans le débat public qui suit ces révélations. Les Français attendent de nous de la clarté et de la transparence. Aussi ai-je décidé que la commission des affaires sociales organiserait un cycle d’auditions, afin d’entendre, dans un premier temps, les responsables du groupe Orpea, dès demain après-midi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Bien sûr, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur tout un secteur, ni sur les professionnels, dont la grande majorité – je dis bien : la grande majorité – effectue un travail considérable pour prendre soin quotidiennement de nos aînés, dans le contexte ô combien difficile de la crise sanitaire. L’objectif est d’entendre certains acteurs, afin de comprendre quelles raisons ont pu rendre une telle situation possible dans notre pays.
    Madame la ministre déléguée, vous avez reçu ce matin les dirigeants du groupe mis en cause. À la suite de cet échange, pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos premières conclusions, quelles actions vous comptez entreprendre pour faire toute la lumière sur cette affaire, et, surtout, comment améliorer les contrôles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Merci pour votre question, qui me donne l’occasion de vous dire que, bien évidemment, je partage votre révolte, votre émotion et votre écœurement face aux faits relatés dans cet ouvrage. Vous le savez, nous allons les vérifier. Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, m’a demandé de convoquer la direction d’Orpea, ce que j’ai fait ce matin. Force est de constater que nous avons obtenu peu d’explications, alors que j’ai insisté sur la nécessité de rendre compte aux résidents, aux familles et aux professionnels : nous allons lancer deux inspections – l’une relevant de l’Inspection générale des finances (IGF), l’autre de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) –…

    M. Marc Le Fur

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    Ah, s’il y a des inspections…

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    …sur le groupe ORPEA, et non pas seulement – il est important de la souligner – sur l’établissement qui avait été cité au départ de l’enquête.
    Nous allons aussi travailler, pendant les trois semaines à venir, sur les contrôles, qui doivent être renforcés – tout le monde en convient. À cet égard, la pierre ne saurait être jetée à qui que ce soit, car, je le rappelle, depuis des années, les contrôles n’ont pas été suffisamment renforcés.

    M. Pierre Cordier

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    Cela fait dix ans que vous êtes au pouvoir ! Qu’a fait Marisol Touraine ?

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Pour autant, le secteur n’a pas à être discrédité, notamment les EHPAD, qui font correctement leur travail, à longueur d’année (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem) : je m’exprime au nom de tous ces professionnels, qui ont très mal vécu, ces derniers jours, toutes les accusations, tous les jugements à l’emporte-pièce, toutes les préconisations venant de personnes qui ne connaissent absolument pas le secteur (MM. Julien Aubert et Ugo Bernalicis s’exclament), tout cela alors que nous avons financé une cinquième branche, dotée de 1 milliard d’euros par an pour le maintien à domicile et de 1,5 milliard d’euros par an pour les EHPAD, qui bénéficieront également d’une enveloppe d’investissement de 2,1 milliards d’euros (Exclamations sur divers bancs) – oui, cela fait mal à entendre – pour leur rénovation, eux qui ont beaucoup souffert de l’attentisme des années précédentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Nous n’avons aucune leçon à recevoir sur une réforme pour laquelle nous nous engageons : il y aura des inspections du travail et des contrôles inopinés des agences régionales de santé. Croyez-le, nous serons au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Situation dans les EHPAD

    M. le président

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    La parole est à M. Boris Vallaud.

    M. Boris Vallaud

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    La publication, la semaine dernière, d’un livre dénonçant les comportements indécents du leader mondial des EHPAD – le groupe Orpea – nous a glacés d’effroi et suscite, à juste raison, indignation et colère. Ce qui éclate est en effet indigne : des soins d’hygiène non réalisés, des prises en charge médicales défaillantes, des repas rationnés. Ce qui éclate est révoltant : le mépris des résidents, des familles et des personnels soignants, qui exercent le plus souvent avec conscience une tâche souvent rude ; des économies faites à toute force, au détriment de la qualité de vie des résidents, de la tranquillité d’esprit des familles, de la qualité de vie – notamment au travail – de femmes et d’hommes dévoués ; des économies pour gagner toujours plus d’argent, alors que la vieillesse n’est pas, et ne doit pas être, une marchandise (Mme Cécile Untermaier applaudit). J’ai, à cet instant, une pensée pour mon très cher prédesseur, Henri Emmanuelli, qui avait tôt fait le choix des EHPAD à but non lucratif (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC), un héritage que nous cultivons encore.
    En matière de prise en charge de la dépendance, monsieur le Premier ministre, nous devons tout à la fois être modestes, tant la tâche est immense : je veux saluer le travail excellemment accompli par ces femmes et ces hommes dans les EHPAD. Le sujet est grave et il y va de la dignité humaine, celle de nos grands-parents, de nos parents, et, bientôt, de nous-mêmes.
    Tout de même, cette alerte, monsieur le Premier ministre, n’est pas la première. Ma collègue, Christine Pires Beaune, vous a interpellé, en 2018, puis en 2019, sur les risques de maltraitance dans des établissements du secteur privé, notamment au lendemain d’un reportage d’un grand magazine d’investigation. Les faits rapportés étaient déjà graves et affligeants, appelant une prompte réaction. Par deux fois, vous nous avez répondu par la promesse – non tenue – d’une grande loi sur l’autonomie.

    M. Erwan Balanant

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    Vous êtes les spécialistes des promesses non tenues !

    M. Boris Vallaud

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    Monsieur le Premier ministre, quelles leçons aviez-vous alors tirées de ces alertes ? Quels contrôles supplémentaires aviez-vous ordonnés ? Quels moyens aviez-vous, à cet effet, accordés aux ARS, les agences régionales de santé ? Les contrôles que vous diligentez aujourd’hui n’auraient-ils pas déjà dû être menés hier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Erwan Balanant

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    En 2015 ?

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    M. Fabien Di Filippo

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    Les socialistes parlent aux socialistes !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Merci pour l’hommage que vous venez de rendre à un ancien président de votre département, qui a effectivement fait un travail remarquable sur la question de l’autonomie et de la dépendance. Je me suis d’ailleurs rendue dernièrement dans ce territoire, pour annoncer un investissement dans l’un de ses établissements.
    Je vous rappellerai tout de même qu’il y a eu des signalements en 2014, mais ils n’ont pas été suivis d’effet. Il y a eu une grande loi aussi, en 2015,…

    Quelques députés du groupe LaREM

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    Eh oui !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    …mais elle n’était pas assortie de contrôles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Quand les autorisations d’installation dans le secteur privé lucratif ont-elles été véritablement en hausse ? En 1997, dois-je vous rappeler cette cruelle vérité ? (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Michel Herbillon

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    C’est faux !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    C’est ainsi. Nous allons désormais travailler pour renforcer les contrôles. Vous pouvez toujours jeter l’anathème sur celui qui est en place au moment donné : je n’entre pas dans ce jeu, car la question est trop grave.
    Les résidents et les parents nous attendent, les familles nous regardent. N’entrons pas dans ces jeux politiciens, qui ne sont pas dignes de la classe politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La campagne électorale ne permet pas tout, monsieur. N’oubliez jamais d’où vous venez, moi je ne l’oublie pas. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Je vous le dis, en réponse à votre question, nous allons travailler sur les autorisations, sur les sanctions. (Mêmes mouvements.) Dans trois semaines, vous serez parfaitement informé de ce que nous avons décidé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Neutralité religieuse dans le sport

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Monsieur le Premier ministre, la charte olympique prévoit explicitement la neutralité religieuse (« Ah ! sur plusieurs bancs du groupe LaREM) dans les compétitions sportives. Cela signifie clairement : pas de signes ostensiblement religieux dans les compétitions. Ce ne sont rien de moins que l’égalité entre les femmes et les hommes, la laïcité et les valeurs fondamentales du sport qui sont en jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-I.)
    Or, par la faute des députés du groupe La République en marche, la loi de la République française sera désormais moins disante que le mouvement olympique, du point de vue de la laïcité.

    M. Maxime Minot

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    C’est une honte !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ils ont en effet décidé, hier, en catimini, lors d’une commission mixte paritaire (CMP), d’autoriser le hijab et les signes ostensiblement religieux dans les compétitions sportives. (Huées sur les bancs du groupe LR. – M. Christophe Castaner s’exclame.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    C’est la course au Zemmour ! C’est lamentable !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Comment le groupe La République en marche peut-il être à ce point dans la duplicité, avoir de grands discours sur le séparatisme et, en même temps, nourrir une forme de communautarisme au sein même des compétitions sportives ?
    Je connais personnellement les vertus extraordinaires du sport. Il est, comme l’école, un formidable vecteur d’émancipation, d’union et d’égalité entre les femmes et les hommes (Applaudissements sur les bancs du groupe LR), ce, tant pour la liberté réelle des femmes que pour les valeurs et l’image des femmes que l’on décide de transmettre à nos jeunes garçons. Nous devons être clairs sur nos valeurs fondamentales !
    Nous avons déjà trop reculé. Cette attitude complaisante du groupe La République en marche (Protestations sur les bancs du groupe LaREM. – M. Sacha Houlié s’exclame)…

    M. Rémy Rebeyrotte

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    La démagogie s’explique !

    Mme Émilie Bonnivard

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    …est d’une duplicité coupable, à quelques semaines des élections. Monsieur le Premier ministre, nous vous donnons l’occasion de cesser ce double langage sur la laïcité : allez-vous, oui ou non, revenir sur cette décision des députés du groupe La République en marche et empêcher le port de signes religieux ostentatoires dans les compétitions sportives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des sports.

    Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports

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    Merci de me permettre de rétablir la vérité sur cette loi ambitieuse soutenue par les parlementaires de la majorité et adoptée à la quasi-unanimité (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem), en première lecture, à l’Assemblée nationale.

    Quelques députés du groupe LR

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée

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    Elle a pour objectif de faire entrer le sport français dans l’ère moderne, de lui faire embrasser les enjeux de notre société, comme l’égalité entre les femmes et les hommes, en proposant la parité dans les instances sportives et en ouvrant la possibilité, pour les femmes, d’accéder au poste de présidente de fédération, en limitant le nombre de mandats (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM),…

    Les députés du groupe LR

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    Répondez à la question ! Un peu de courage politique !

    Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée

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    …en instaurant davantage de transparence et de démocratie au sein du mouvement sportif, bref, en promouvant le modèle du sport français aux yeux du monde entier, lorsque la France accueillera, dans deux ans, les Jeux olympiques.
    Lors de l’examen du texte au Sénat, les sénateurs de la majorité du groupe Les Républicains ont fait le choix d’introduire et de remettre sur le tapis un sujet, discuté dans les deux chambres, portant sur les signes religieux ostentatoires dans l’espace public. Le sport et le monde associatif étant considérés comme des espaces publics, les questions de la laïcité et de l’interdiction du port ostentatoire des signes religieux, ainsi que celle du prosélytisme dans le sport (Huées sur les bancs du groupe LR – Mme Constance Le Grip mime des mouvements de natation),…

    M. Maxime Minot

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    On parle des compétitions !

    M. Damien Abad

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    Vous ramez !

    Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée

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    …comme ailleurs dans la société, ont déjà fait l’objet d’une discussion et d’un vote.
    C’est pourquoi nous avons, avec cette loi, invité le monde sportif à s’engager à nos côtés, alors que nous n’y étions pas obligés : nous avons souhaité que les fédérations et le monde du sport s’engagent pour respecter le pacte républicain et pour le faire respecter aux clubs affiliés, aux entraîneurs et aux sportifs. C’est un manque de courage de la part des députés du groupe Les Républicains que d’avoir refusé d’aboutir à un accord en CMP et de faire barrage à la majorité de ce que veut le mouvement sportif : respectez les enjeux qui sont les nôtres, à deux ans des Jeux en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem. – Huées sur les bancs du groupe LR.)

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est la brasse coulée !

    M. le président

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    S’il vous plaît, mes chers collègues, laissez notre collègue s’exprimer et cessez de considérer cet hémicycle comme un stade où l’on hue et l’on hurle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)
    La parole est à Mme Émilie Bonnivard.

    Mme Émilie Bonnivard

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    En 2004, Jacques Chirac a eu le courage d’interdire le voile et les signes ostentatoires religieux à l’école, pour défendre la laïcité et l’égalité en son sein, pour protéger les jeunes filles. Nous l’avons fait dans toute l’école de la République. Vous refusez de le faire dans les compétitions sportives : quel renoncement ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)

    Crise de l’élevage porcin en Bretagne

    M. le président

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    La parole est à M. Hervé Berville.

    M. Hervé Berville

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    J’associe à ma question mes collègues députés bretons de la majorité, notamment Mme Melchior et MM. Bothorel, Kerlogot, Le Gac, Joncour, ainsi que le président Ferrand. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Les éleveurs de porcs, particulièrement en Bretagne, se trouvent dans des situations intenables : à la flambée des charges et des prix de l’alimentation, qui ont augmenté de 30 % en un an, s’ajoute une baisse du prix payé au producteur et un engorgement du marché européen. Une majorité des exploitations perd désormais, chaque mois, des milliers d’euros. Près d’un éleveur sur trois pourrait mettre la clé sous la porte d’ici un an.
    Cette crise, mes chers collègues, vient de loin. Elle porte aussi le nom de ceux qui tentent d’organiser l’échec des lois pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dites EGALIM. Elle porte le nom de ceux qui préféreraient le retour à la loi de modernisation de l’économie dite LME de 2008, sous Sarkozy, qui, je le rappelle, a dérégulé le secteur de l’alimentation (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur quelques bancs du groupe LR) et a fait des agriculteurs la variable d’ajustement de la guerre des prix. La conjugaison de tous ces éléments place les éleveurs dans une situation financière insoutenable, ce qui risque d’ailleurs d’entraîner la faillite de toute la filière. Derrière ce constat, il y a des femmes et des hommes qui se lèvent tôt, qui ont le goût du travail bien fait, qui nous nourrissent. Il y a des éleveurs à quelques mois de la retraite, qui voient leur rêve de transmission remis en cause. Il y a des jeunes, qui voient leurs projets d’installation paralysés.
    Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, vous êtes récemment venu visiter un élevage dans le Morbihan et dans les Côtes-d’Armor. Vous élaborez, depuis une semaine, des solutions à la crise, avec l’ensemble de la profession et avec les syndicats – je salue notamment les fédérations départementales des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), les Jeunes agriculteurs et la chambre d’agriculture –, pour ne laisser aucun éleveur dans l’impasse. Votre écoute et votre travail se sont concrétisés par la présentation, hier, d’un plan de 270 millions d’euros (Exclamations sur les bancs du groupe LR),…

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est la saison des investitures chez En Marche ?

    M. Hervé Berville

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    …comprenant des aides d’urgence, mais surtout des mesures permettant une application stricte des lois EGALIM. Celles-ci étaient un engagement fort du Président Emmanuel Macron ainsi que le seul moyen de garantir notre souveraineté alimentaire et de faire en sorte que les agriculteurs soient payés au juste prix : c’est la mère des batailles, sortir de la loi du plus fort, de la loi du prix le plus bas. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour détailler le plan d’urgence (M. Loïc Prud’homme s’exclame) et pour réaffirmer votre ambition pour la filière porcine française. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Géraldine Bannier applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    Vous avez raison, il y a aujourd’hui une crise inédite dans le secteur porcin. Face à elle, un plan d’urgence et, surtout, une mobilisation de tous sont nécessaires. Figurez-vous qu’en raison d’une augmentation des charges et d’un cours du porc structurellement bas et qui ne cesse de décroître, si rien n’est fait, pas moins de 30 % de nos éleveurs sont susceptibles de cesser leur activité dans les douze à dix-huit prochains mois. (M. Loïc Prud’homme s’exclame.)
    Alors oui, il faut un plan d’urgence. À la demande du Premier ministre, j’ai annoncé hier un plan d’envergure de près de 270 millions d’euros, pour venir épauler les jeunes agriculteurs, les éleveurs des territoires, dont la pérennité de l’activité est aujourd’hui menacée, ainsi que toutes celles et tous ceux qui en subissent ces conséquences. Mais il faut, au-delà de ce plan d’urgence, une mobilisation de tous, un appel à la responsabilité et que chacun assume ses responsabilités. La loi EGALIM 2 doit être appliquée par tous : le Gouvernement sera intransigeant et ne montrera absolument aucune tolérance envers toutes celles et tous ceux qui n’appliquent pas cette loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
    J’ai entendu dire ici que la loi EGALIM 2 ne marchera pas. Cette loi a été promulguée il y a trois mois. Cette loi vient réparer ce que vous avez fait en 2008. Certains ici déplorent les conséquences des causes qu’ils chérissent. C’est cela, la réalité ! Donc oui, nous nous battrons pour que cette loi EGALIM 2 soit appliquée et que tout le monde assume ses responsabilités.
    À mon tour, je voudrais saluer le soutien de nombreux parlementaires de la majorité : vous, monsieur le député, mais aussi les députés Bothorel, Kerlogot, Le Gac, Melchior et Joncour, vous êtes tous mobilisés pour faire face à la crise du porc. Il y va de la souveraineté de nos élevages, de nos territoires et de notre souveraineté agroalimentaire. Nous ne lâcherons rien ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Profits des entreprises du CAC40

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

    M. Jean-Hugues Ratenon

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    Plus de 95 % : tel est le taux de croissance de l’argent versé aux actionnaires par les groupes du CAC40 en 2021 par rapport à 2020. Plus concrètement, ce sont près de 70 milliards d’euros que le CAC40 versera aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’actions. Alors que la pandémie continue de frapper les Français dans leur vie quotidienne et leur chair, les profiteurs de crise, eux, ne cessent d’en profiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
    L’agence Bloomberg estime que les profits du CAC40 devraient connaître un boom pour atteindre près de 140 milliards d’euros. D’ailleurs, un nouveau record est en vue pour TotalEnergies, avec 15 milliards d’euros de résultat net ; du jamais vu pour une entreprise française ! Du cash pour les actionnaires et, pour les Français, la galère. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Les Français de l’Hexagone et d’outre-mer voient les prix à la pompe exploser pour les trajets quotidiens. Les queues à l’aide alimentaire ne désemplissent pas et les prix à la caisse ne cessent de croître. Votre bilan en matière de lutte contre la pauvreté, c’est plus de 400 000 personnes qui sont passées sous le seuil de pauvreté. La pauvreté s’est encore aggravée avec la crise sanitaire.
    Vous est-il possible de mener une politique de partage des richesses ? D’abord en taxant les profiteurs de crise (Applaudissements sur les bancs du groupe FI) – le Royaume-Uni augmentera la taxe sur les dividendes ; puis, en augmentant les salaires (Applaudissements sur les bancs du groupe FI) – vous pourriez commencer par augmenter le SMIC ; enfin, en augmentant et en étendant les droits sociaux au plus grand nombre – vous pourriez étendre le RSA aux jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Pour protéger les Français, il est nécessaire de bloquer les prix des biens de première nécessité et de l’énergie, et de mettre à contribution les actionnaires du CAC40.

    Plusieurs députés du groupe LaREM

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    Respire !

    M. Jean-Hugues Ratenon

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    Monsieur le Premier ministre, pourquoi faites-vous tant pour les riches et continuez-vous à emmerder les autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

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    Monsieur Ratenon, vous surjouez l’indignation et vous oubliez de regarder ce qui va bien dans notre pays.

    M. Hervé Berville

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    Eh oui !

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    Vous pourriez vous féliciter d’appartenir à une grande nation qui, pendant toute la crise du covid, a mobilisé ses finances publiques pour protéger le salaire des Français, en instaurant l’activité partielle prise en charge à 100 %. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Loïc Prud’homme

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    Ce n’est pas la question !

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    Vous pourriez vous féliciter de faire partie d’une grande nation qui, depuis trois ans, permet aux entreprises de verser une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat à ses salariés. Je vous le dis puisque c’est un chiffre nouveau : en 2021, ce sont près de 4 millions de salariés qui ont profité du versement d’une telle prime sur la base du volontariat, d’un montant minimum de 500 euros. Là aussi, c’est du pouvoir d’achat en plus.
    Vous pourriez aussi vous féliciter d’être l’élu d’une grande nation qui, au cours de ce quinquennat, a augmenté les minima sociaux. Je pense au minimum vieillesse (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Éric Coquerel proteste) et à l’allocation aux adultes handicapés qui a été revalorisée de 100 euros par mois et qui a complété les revenus des bénéficiaires en couple à hauteur de 110 euros par mois. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
    Vous pourriez vous féliciter d’appartenir à une grande nation où le chômage baisse lors d’une crise économique, alors que partout ailleurs il a flambé. Vous pourriez aussi vous féliciter que le pouvoir d’achat des Français ait augmenté deux fois plus vite au cours de ce quinquennat que pendant les dix dernières années et que, même pendant la crise, il ait continué à augmenter de 0,4 %.

    M. Éric Coquerel

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    Vous ne répondez pas à la question !

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    Mais vous avez un défaut terrible, vous ne voyez rien de ce qui est positif et de ce qui va bien. Vous entretenez un esprit de défaite et de misérabilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.) Regardez ce qui va bien, félicitez-vous de ce qui va bien, de la croissance et de la reprise de l’emploi dans notre pays plutôt que de vouloir toujours jeter de l’huile sur le feu. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

    M. Jean-Hugues Ratenon

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    Monsieur le ministre délégué, à mon sens, vous êtes mal réveillé, puisque vous n’avez rien compris à ma question. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) Vous pouvez vous féliciter d’enrichir les riches.

    Pouvoir d’achat

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Monsieur le Premier ministre, le pouvoir d’achat est la préoccupation de nos concitoyens. Alors que l’inflation augmente, que les prix de l’énergie explosent, comment vivre quand votre retraite n’augmente pas ou que votre salaire ne suit pas ?
    Aujourd’hui, le prix de l’électricité augmente de 4 %. Certes, vous avez jugulé cette hausse en créant un bouclier tarifaire, mais elle va coûter des milliards aux dépens d’EDF. Cette mesure n’est qu’une rustine pour tenir jusqu’aux élections, mais cela ne réglera rien. Au contraire, vous reportez la hausse dans le temps.
    Votre politique a été inadaptée : vous avez fermé Fessenheim et réduit la part du nucléaire dans le mix énergétique français, alors que c’est une énergie décarbonée et bon marché.

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Eh oui !

    M. Thibault Bazin

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    Les prix à la pompe atteignent des niveaux record, affectant directement des millions de Français qui doivent utiliser leur voiture pour aller travailler, mais aussi ceux qui en ont besoin au quotidien pour consulter un médecin ou faire des courses. (M. Marc Le Fur applaudit.) Ce sont tous les Français qui habitent nos territoires ruraux que votre politique oublie si souvent.
    Or êtes-vous revenu sur votre hausse massive des taxes sur les carburants votée au 1er janvier 2018 ?

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Eh non !

    M. Thibault Bazin

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    Non. Hausse de 8 centimes sur le prix du litre de diesel et de 4 centimes sur celui du litre d’essence ; hausse qui a rapporté 3,8 milliards d’euros de recettes aux caisses de l’État ; hausse que les Français continuent de subir alors que notre pays est le champion d’Europe des taxes et des impôts.
    Le Gouvernement, longtemps resté sans réaction, a enfin décidé de relever le barème de l’indemnité kilométrique, ce qui était d’ailleurs une bonne idée puisqu’elle venait de Valérie Pécresse… (Sourires sur les bancs du groupe LaREM.) Cette mesure arrive tardivement, il faut maintenant l’accompagner par une baisse de taxes. Je viens donc vous le demander, monsieur le Premier ministre : quand annulerez-vous votre hausse de taxes imposée aux Français depuis 2018 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

    Un député du groupe LR

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    Il ne roule pas au diesel !

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

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    Quand je vous écoute, je me demande si vous pensez que les Français vous croient…

    Un député du groupe LR

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    Oui !

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État

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    …quand ils vous entendent en permanence dire que nous ne dépensons pas assez et, en même temps, le lendemain, nous critiquer en expliquant que nous « cramons la caisse ». Soyez cohérents ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)
    Allez expliquer à nos voisins européens, aux Espagnols, dont la facture moyenne d’électricité passe de 1 000 à 1 700 euros, ou aux Italiens, pour qui elle passe de 1 000 à 2 200 euros, que ce que nous faisons en France, ce n’est rien. Nous avons limité la hausse de la facture d’électricité à 4 % alors qu’elle devait augmenter de 40 %. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.) C’est cela, la réalité.
    La réalité, c’est qu’il y a une augmentation massive des prix de l’énergie partout dans le monde, qui est due, vous le savez, à la reprise économique massive. La vérité, c’est qu’elle frappe tous les pays du monde mais que vous n’en trouverez pas un qui offre la réponse financière de la France pour la limiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)

    Mme Patricia Mirallès

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    Absolument !

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État

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    Nous avons limité à 4 % la hausse de l’électricité ; nous avons gelé l’augmentation des prix du gaz qui était prévue à 30 % ;…

    Une député du groupe LR

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    Jusqu’aux élections !

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État

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    …nous avons instauré une indemnité inflation de 100 euros pour tous les Français qui gagnent moins de 2 000 euros ; nous avons relevé le barème de l’indemnité kilométrique pour les Français qui roulent beaucoup. C’est près de 16 milliards d’euros qui sont investis pour limiter l’augmentation des coûts de l’énergie pour nos concitoyens.
    Plutôt que de critiquer en permanence et d’expliquer que rien n’est fait, saluez et valorisez ces mesures. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Quand nous allons sur le terrain et que nous discutons avec des Français qui en bénéficient, croyez-vous qu’ils disent que ces mesures sont nulles et n’existent pas ? Non, ils les voient et ils voient surtout le décalage entre ce que vous dites et la réalité de ce que nous faisons. Cela en dit long sur votre incapacité à répondre à ces problèmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Monsieur le secrétaire d’État, la vérité c’est que c’est vous qui êtes déconnecté de la réalité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) La vérité, c’est que vous menez une politique injuste qui pénalise ceux qui ont besoin d’une voiture tous les jours. Alors je dis juste une chose : vivement l’alternance pour le pouvoir d’achat des Français qui vivent dans nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Hervé Berville

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    Tout sonne faux !

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État.

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État

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    Monsieur le député, l’alternance caractérise surtout vos propos et ceux de votre famille politique, puisque vous annoncez une augmentation de salaire pour les Français et que vous revenez sur cette proposition deux semaines plus tard. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) La vraie alternance est chez vous.

    Menaces à l’encontre d’Ophélie Meunier et d’Amine Elbahi

    M. le président

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    La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.

    Mme Michèle de Vaucouleurs

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Parce qu’elle a exercé son métier de reporter, Ophélie Meunier a dû être placée sous protection judiciaire. Son reportage, consacré à l’islam radical, lui a valu des intimidations et menaces de mort. Le juriste et témoin Amine Elbahi a, quant à lui, vu son numéro circuler sur internet et des menaces de mort se diffuser massivement sur les réseaux sociaux.
    Cette situation est intolérable. Elle doit être condamnée avec force, car la liberté de la presse et, plus généralement, la liberté d’expression, sont des valeurs sur lesquelles on ne transige pas. Les faits mis en lumière par ce reportage sont tout aussi inquiétants. Qu’une association de soutien scolaire puisse dispenser des cours coraniques tout en bénéficiant d’un financement municipal ne peut et ne doit pas rester sans conséquence.
    Notre majorité n’a cessé de lutter contre l’islam intégriste et de préserver le principe de laïcité. Grâce au nouveau délit de séparatisme, nous pouvons poursuivre ceux qui veulent faire pression sur le service public pour en modifier le fonctionnement et nous sommes en mesure de dissoudre plus facilement les associations et les écoles privées hors contrat qui ne respectent pas nos valeurs fondamentales. S’agissant des menaces de mort, nous avons créé un délit de mise en danger de la vie d’autrui qui sanctionne la diffusion d’informations relatives à la vie privée. Nous avons, par ailleurs, redéfini la notion de cyberharcèlement pour l’adapter aux pratiques en vigueur sur les réseaux sociaux. Nous avons donc considérablement renforcé l’arsenal juridique à notre disposition…

    M. Sébastien Chenu

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    Quelle hypocrisie !

    Mme Michèle de Vaucouleurs

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    …pour que les valeurs de la République et la laïcité, au fondement de notre cohésion sociale, soient respectées sur tout le territoire.
    Dès lors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quels moyens sont engagés pour que ces dispositions soient appliquées, afin de prévenir et de sanctionner ces actes inadmissibles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

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    Ophélie Meunier est en effet menacée de mort, comme un certain nombre de personnes qui sont intervenues dans le reportage. Elles sont menacées de mort pour avoir eu le courage de travailler, de présenter et de diffuser sur une grande chaîne de télévision un reportage présentant la réalité du séparatisme en France.
    Sans aucune ambiguïté, au nom de tout le Gouvernement, je veux lui adresser notre entier soutien (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, SOC et Agir ens) et lui dire que nous serons toujours à ses côtés et à ceux de tous les journalistes qui seront menacés en France, pour les défendre et pour les protéger. Avec les autorités compétentes, le ministre de l’intérieur a d’ailleurs décidé de la placer sous protection policière, de même qu’un certain nombre de personnes qui ont témoigné dans ce reportage et qui ont été menacées. Ce reportage n’a fait que présenter la réalité de la menace que constitue l’islamisme radical aujourd’hui en France. Il a également montré la réalité du travail minutieux, sérieux et actif des services de l’État dans l’application de la loi confortant le respect des principes de la République que vous avez votée, mesdames et messieurs les députés.
    La liberté de la presse est un principe non négociable, fondamental de notre République et nous serons toujours aux côtés des journalistes menacés. De la même manière et avec la même force, nous refuserons toujours les amalgames. Je rappelle que des millions de musulmans vivent dans notre pays, dans le plus profond respect des lois de la République (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – M. M’jib El Guerrab applaudit également) et qu’ils n’ont pas à être tenus comptables des usages dévoyés qui sont faits de cette religion. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Situation au Mali

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Lassalle.

    M. Jean Lassalle

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Je tiens à rendre hommage au brigadier Alexandre Martin, 53e soldat français mort pour la France au Mali, (Applaudissements sur tous les bancs) et à l’ensemble de nos militaires engagés au Sahel.
    Nos relations avec les autorités maliennes, déjà mauvaises, se sont dégradées ces derniers jours. La décision du gouvernement militaire d’expulser notre ambassadeur est un camouflet diplomatique pour la France. Monsieur le ministre, vous vous êtes limité à prendre note de cette décision et à ordonner le rappel de notre ambassadeur. Il ne peut s’agir ici d’une réponse à la hauteur de la gravité de la situation et de l’histoire.
    Alors que nos militaires se battent et meurent depuis plus de dix ans au Sahel pour assurer notre sécurité et la stabilité de la région, la détérioration de la situation aurait dû nous alerter : expulsion de nos partenaires danois de la task force Takuba, expulsion de représentants au Mali de la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
    Au lieu de prendre les devants, vous avez été pris au dépourvu. Ce recul contribue à affaiblir notre position dans la région et dans le monde. Que restera-t-il de notre diplomatie au Mali après l’évacuation de notre ambassadeur ?
    Notre stratégie à court et à moyen termes est en cause. Quid de la présence du groupe Wagner ? Comment empêcher la déstabilisation de toute la région ? La situation au Burkina Faso sonne une nouvelle alerte.
    Monsieur le ministre, quelles réponses concrètes allez-vous apporter à cette crise diplomatique et militaire ? Il y va de la sécurité de toute la zone sahélienne et de notre crédibilité sur la scène internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur quelques bancs du groupe UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    J’étais ministre de la défense quand la décision a été prise d’envoyer nos soldats pour aider le Mali à garder son intégrité. J’ai le souvenir du premier mort, le chef de bataillon Boiteux ; vous avez évoqué le dernier mort, le brigadier Martin. Devant la ministre des armées et le Premier ministre, je voudrais dire toute mon émotion et marquer la reconnaissance que nous devons porter à l’armée française pour son action au Sahel. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.)
    Il ne faudrait pas que l’acte inopportun que vous avez évoqué fasse oublier les combats qu’ils ont menés avec les forces du G5 Sahel et qu’ils continuent de mener. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Encore récemment, les forces françaises ont mis hors d’action plusieurs dizaines de djihadistes.
    Monsieur Lassalle, le combat contre le terrorisme se poursuivra au Sahel. Il se poursuivra aussi avec l’accord des autres pays de la région. Nous soutiendrons les pays côtiers du golfe de Guinée car la porosité des frontières permet aux groupes terroristes de pénétrer au nord de ces territoires. Notre volonté est intacte. Ce n’est pas un événement, dû à l’irresponsabilité – j’y insiste – et à l’illégitimité du gouvernement issu d’un coup d’État, qui enrayera notre lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Conflit militaire russo-ukrainien

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Herbillon.

    M. Michel Herbillon

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    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, la tension entre l’Ukraine et la Russie ne cesse de monter : près de 120 000 soldats russes ont pris position le long de la frontière entre ces deux pays, avec un matériel offensif et logistique suffisant pour soutenir dans la durée un conflit militaire de grande ampleur.
    La Russie veut affirmer sa nouvelle doctrine pour préserver sa zone d’influence en limitant la souveraineté de ses pays voisins, qui sont aussi les nôtres. Aux déclarations martiales des Russes et des Américains succèdent depuis plusieurs jours des initiatives diplomatiques des Européens, souvent – hélas ! – en ordre dispersé.
    Plusieurs pays apportent des équipements et une aide militaire à l’Ukraine. La France, elle, a fait le choix d’envoyer des soldats en Roumanie dans le cadre d’un éventuel déploiement de l’OTAN.
    Cette escalade dangereuse peut rapidement dégénérer et entraîner un grave conflit à nos portes, dont les conséquences seront lourdes pour tout le monde, à commencer par les Européens.
    Cette crise ne surgit pas par hasard. Elle vient de loin et s’inscrit dans la durée. Elle met en jeu des réflexions stratégiques décisives : la volonté de la Russie de retrouver ses zones d’influence, la relation de l’Europe avec la Russie, la politique de défense et de sécurité commune en Europe, la refondation de la relation de l’Europe avec les États-Unis dans le cadre de l’alliance, la réforme de l’OTAN, la crise de l’énergie avec la mise en service du gazoduc Nord Stream 2.
    Dans cette situation, monsieur le ministre, on peine à voir la stratégie de la France et de l’Europe qui semblent être à la traîne alors qu’elles devraient être à l’initiative, d’autant plus que la France assure la présidence de l’Union européenne pendant six mois.

    Quelques députés du groupe LR

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    Exactement !

    M. Michel Herbillon

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    Un coup de téléphone entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ne saurait suffire.

    M. Damien Abad

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    Il est si tardif !

    M. Michel Herbillon

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    Monsieur le ministre, il est important que vous éclairiez la représentation nationale sur la stratégie de la France, sur les propositions avancées par la France au nom de l’Europe pour sortir de cette crise qui inquiète légitimement nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Monsieur Herbillon, je vous remercie tout d’abord pour la qualité de votre question. Vous avez raison de le dire : la situation est grave, voire très grave. Des dizaines de milliers de militaires russes sont positionnés à proximité des frontières de l’Ukraine ; des manœuvres de soldats russes et biélorusses auront lieu dans les jours qui viennent en Biélorussie. Nous partageons donc votre diagnostic : la situation est très tendue.
    Trois mots résument notre action : fermeté, solidarité, dialogue.
    Avec nos alliés, nous sommes résolus à la fermeté. Lors du Conseil des affaires étrangères qui s’est tenu le 24 janvier sous ma responsabilité, les États européens ont affirmé à l’unanimité que si d’aventure une atteinte nouvelle était portée à l’intégrité de l’Ukraine, celle-ci aurait des conséquences graves et que le pays qui en serait à l’initiative ferait l’objet de sanctions massives.
    Nous devons faire preuve de solidarité avec l’Ukraine. L’Union européenne a ainsi mis à son service des moyens financiers significatifs. Nous devons également faire preuve de solidarité entre les États européens, qui sont unanimes dans leur détermination. Enfin, nous devons faire preuve de solidarité envers nos alliés dont certains pourraient se sentir menacés. C’est la raison pour laquelle nous appuyons les actions de l’OTAN en Estonie et en Roumanie.
    Cependant, nous avons la volonté de poursuivre le dialogue. Le président Poutine doit dire s’il veut faire de son pays une puissance de déséquilibre ou s’il contribue à la désescalade. L’initiative prise par Président de la République de reprendre les négociations au « format Normandie », alors qu’il n’y avait pas eu de réunion depuis deux ans, est un bon signe. Il faut poursuivre ce dialogue de manière obstinée. Pour garantir la sécurité en Europe, il faut instituer un nouvel ordre, plus assuré, plus visible, dans lequel les évolutions soient mieux anticipées. La sécurité ne peut pas se diviser. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Situation au Mali

    M. le président

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    La parole est à M. M’jid El Guerrab.

    M. M’jid El Guerrab

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    Par le biais d’un communiqué lu hier à la télévision d’État malienne, les autorités du pays ont décidé d’expulser notre ambassadeur, M. Joël Meyer. Notre groupe – et je suis sûr que l’ensemble de la représentation nationale nous rejoindra – souhaite apporter tout son soutien à notre ambassadeur, ainsi qu’à tous nos agents diplomatiques et consulaires en poste au Mali.
    J’ai vu M. Joël Meyer sur le terrain, depuis 2018, œuvrer inlassablement à entretenir les meilleures relations possibles entre les deux pays dans un contexte sécuritaire très préoccupant.
    Enfin, en tant que député de la neuvième circonscription des Français de l’étranger, je voudrais également avoir une pensée pour nos ressortissants français établis dans le pays, au moment où la situation se tend chaque jour un peu plus.
    Monsieur le ministre, au lendemain de la décision du Danemark de retirer ses forces spéciales dont les autorités maliennes avaient jugé la présence indésirable, la France s’est montrée totalement solidaire de notre partenaire européen, et nous avons estimé que la situation au Mali devenait intenable.
    Ainsi, les pays partenaires du groupement européen des forces spéciales Takuba ont annoncé travailler d’ici à la mi-février à l’adaptation de leur dispositif au Mali, au regard de l’isolement progressif du pays. Alors que la France a déjà adapté sa présence sur le terrain, il faut rappeler que la sortie de crise au Sahel ne pourra se faire que de manière collégiale au niveau européen mais surtout en concertation avec nos partenaires africains. De fait, l’Union Européenne mobilise déjà l’ensemble de ses instruments, de l’aide humanitaire au soutien des forces de sécurité, pour soutenir les populations du Sahel, démarche qui sera amenée à se renforcer dans le cadre de l’établissement de la boussole stratégique.
    Monsieur le ministre, de quelle manière l’Europe compte-t-elle répondre aux enjeux géopolitiques et sécuritaires qui se dressent face à elle au Mali et au Sahel en général ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Monsieur El Guerrab, je vous remercie de l’hommage que vous rendez à notre ambassadeur Joël Meyer. J’ai constaté avec beaucoup de satisfaction que de nombreux hommages lui ont été rendus et qu’il a été soutenu par quasiment tous les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne. Je vous remercie également de rappeler la situation de nos ressortissants au Mali, à laquelle nous sommes évidemment très attentifs.
    Dans les circonstances actuelles, c’est le Mali qui s’isole. Nous ne sommes pas face à une question franco-malienne, mais à une question qui concerne les relations de la communauté internationale et du Mali, notamment les relations entre les pays africains, les pays européens et le Mali. Cela concerne notre sécurité collective. Comme je l’ai dit en répondant à M. Jean Lassalle, vous pouvez être sûr d’une chose : nous n’interromprons pas notre combat contre le terrorisme.
    Au Mali, on constate une rupture politique problématique : qu’est-ce que c’est que cette junte qui veut rester au pouvoir encore cinq ans après l’avoir occupé pendant deux ans après deux coups d’État successifs et qui vient donner des leçons de constitutionnalité ? On constate également une rupture militaire : les entraves au bon fonctionnement des opérations militaires s’accumulent depuis quelque temps, qu’elles soient réalisées par des militaires français ou par les militaires qui nous accompagnent, en particulier les Européens, comme les Danois qui ont dû quitter le territoire.
    Nous considérons que cette situation ne peut pas rester en l’état et nous avons ouvert des consultations avec nos alliés africains et européens pour établir quelles décisions nous devons prendre pour continuer à combattre le terrorisme, ce qui est notre seul objectif. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Politique française au Sahel

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Guinée, Mali, Burkina Faso : les changements de régime dans le Sahel vous obligent à modifier radicalement votre politique dans la zone. Au Mali et au Burkina Faso, les coups d’État militaire semblent moins contestés que la présence française ! Certains pensent même que la prise de pouvoir par les militaires est un gage de retour à la souveraineté. Entendez-le !
    Les sanctions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) contre le Mali ont été vécues comme ayant été pilotées par la France. Or elles vont appauvrir les Maliens et les peuples alentour. Cela aussi, vous devez l’entendre !
    Le résultat de votre obstination, c’est que notre ambassadeur a été expulsé du Mali. Les peuples du Sahel veulent se libérer d’un lien de subordination envers la France. Est-il monétaire, économique, ou militaire ? Les communistes pensent que ce lien repose sur ces trois dimensions à la fois.
    Il faut rebattre les cartes de la présence française au Sahel. Les sociétés privées de sécurité comme Wagner ne sont là que parce que la politique française sahélienne a failli. Malgré le courage de nos soldats au Sahel, l’armée française a échoué. En conséquence, annoncez un plan de retrait de nos troupes avec un agenda concerté. Plutôt que les accords d’Alger qui vont déchirer le Mali, soutenez le désarmement de tous les groupes armés, comme cela a été proposé dans la feuille de route de Lusaka. Rendez une deuxième fois leur indépendance à ces États : mettez fin au franc CFA et au pillage des ressources par les multinationales françaises ! Faites respecter la démocratie : écoutez les peuples et pas seulement leurs dirigeants.
    Les communistes et toutes les organisations de progrès sur place vous le demandent. Nous l’avons constaté avec la plus grande gravité lors du colloque Amath Dansokho qui s’est tenu à Dakar du 26 au 28 janvier 2022.
    Si vous aviez fait tout cela, ces coups d’État se seraient heurtés à une résistance populaire forte. Monsieur le ministre, n’est-il pas temps d’écouter enfin les forces de progrès ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Je suis surpris d’entendre M. Lecoq, pour qui j’ai par ailleurs une grande estime, reprendre mot pour mot ce que dit le colonel Goïta. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.) On croirait entendre le porte-parole de la junte !
    Je voudrais rappeler plusieurs choses à M. Lecoq. Premièrement, la présence de la France et de ses alliés, y compris celle du G5 Sahel, au Mali mais aussi au Sahel, pour combattre le terrorisme est approuvée chaque année à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies. Vous devriez regarder cela de près : vous constaterez que la communauté internationale valide tous les ans cette présence (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Elle l’a fait de nouveau le 29 juin dernier, en adoptant la résolution 2584, dont je vous recommande la lecture.
    Deuxièmement, j’ai dit tout à l’heure que le Mali se mettait au ban de l’Afrique : je constate – avec vous, je l’espère – que les quatorze pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest sont d’accord avec notre appréciation de la situation ; ils ont condamné fermement l’évolution du Mali et imposé un blocus afin d’obliger ce pays à revenir à la démocratie. Vous êtes d’accord, vous, monsieur Lecoq,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pas avec le blocus !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    …pour sept ans de junte sans consultation démocratique ? C’est ce qu’ils demandent !
    J’observe enfin que l’Union africaine dans son ensemble a validé les choix de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.
    L’isolement du Mali est tel aujourd’hui qu’il n’a plus qu’un seul partenaire : les mercenaires de Wagner (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) C’est tout ce qu’ils trouvent ! Tous les autres veulent que le Mali retrouve le chemin de la démocratie et du combat contre le terrorisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Politique de la ville

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Chalas.

    Mme Émilie Chalas

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    Madame la ministre déléguée chargée de la ville, ce samedi s’est tenu à Grenoble un nouveau comité interministériel des villes, occasion de faire plusieurs annonces s’inscrivant dans la continuité de l’action menée depuis cinq ans par le Gouvernement en faveur des quartiers.
    Présente à vos côtés lors de ce déplacement, je ne peux que déplorer l’accueil de quelques manifestants, qui n’habitent même pas le quartier de La Villeneuve. Les cris ne remplaceront jamais le débat, l’insulte la controverse, la violence le respect de l’autre. La Villeneuve, ce n’est pas cela !
    Oui, c’est vrai, les difficultés n’y manquent pas ; la fatalité et le renoncement l’emportent trop souvent. La plupart des habitants estiment que nous n’avons rien fait pour eux et que nous ne pourrons jamais rien faire pour eux. Gardons néanmoins en tête que leur force et leur énergie sont immenses, et que leur quotidien, c’est souvent de l’inventivité et de la débrouille, parfois la création d’une petite entreprise, mais aussi la conscience d’être trop souvent en marge de notre société.
    Entre orgueil et manque de confiance en soi, entre certains réseaux trop implantés et d’autres réseaux qui font défaut, entre l’intelligence individuelle et le poids du groupe, nous devons avant tout investir dans l’humain – plus encore que nous ne le faisons aujourd’hui, bien plus. La solidarité républicaine doit se faire par l’emploi, par l’accompagnement dans la construction d’un projet de vie, par une école dont les apprentissages et les valeurs doivent être toujours plus solides. Les habitants n’attendent pas la charité, mais, comme tout le monde, de la considération pour retrouver de l’espoir.
    Redonner du souffle, de l’espoir, voilà la clef, madame la ministre déléguée : la République doit tendre la main à chacun de ses citoyens, et surtout aux jeunes, pour faire redémarrer l’ascenseur social en panne depuis trop longtemps et pour que chacun trouve sa place. L’égalité des chances ne doit pas être seulement une promesse, mais aussi un progrès concret, palpable, pour tous.
    Madame la ministre déléguée, comment pouvons-nous ensemble redonner espoir aux habitants de La Villeneuve ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.

    Mme Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville

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    Vous avez raison, il faut donner de l’espoir et des perspectives positives aux habitants des quartiers. Ce n’est pas là un privilège que nous leur accordons : c’est ce que la République leur doit.
    Pour cela, il faut commencer par bannir les expressions telles que « nettoyer au Kärcher », « zones de non-France » ou « territoires perdus de la République ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Un député du groupe LR

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    « Emmerder » ?

    Mme Nadia Hai, ministre déléguée

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    Cette condescendance, ce mépris n’apportent rien. Ils ne font que contribuer à l’assignation à résidence, qu’alimenter d’un côté le sentiment de fatalisme qui règne bien trop souvent dans nos quartiers, de l’autre les discours haineux des ennemis de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    Et concrètement, que proposez-vous pour la sécurité et la lutte contre les trafics ?

    Mme Nadia Hai, ministre déléguée

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    Pour donner de l’espoir, la République doit tenir sa promesse. Elle doit transmettre une éducation de qualité, et c’est ce que nous faisons avec les cités éducatives. Elle doit assurer un emploi à chaque jeune, et c’est ce que nous faisons avec le plan « 1 jeune, 1 solution ». Elle doit offrir un cadre de vie agréable, et c’est ce que nous faisons quand nous relançons le programme national pour la rénovation urbaine ou quand nous intégrons de l’agriculture urbaine dans nos quartiers.
    Nous conduisons aussi une action déterminée pour assurer la tranquillité des habitants, pour réaffirmer l’autorité, la sanction, l’ordre et la justice dans nos quartiers.

    M. Pierre Cordier

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    Ah bon ?

    Mme Nadia Hai, ministre déléguée

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    Nous menons aussi des actions de prévention, afin d’assécher tous les viviers de recrutement que pourraient constituer ces jeunes dans nos quartiers.
    La liste de nos actions interministérielles est longue, sous l’impulsion évidemment du Premier ministre, qui a présidé ce comité interministériel des villes.
    Pour donner de l’espoir, nous nous attaquons sans hystérie et sans naïveté…

    Un député du groupe LR

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    Sans moyens !

    Mme Nadia Hai, ministre déléguée

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    …à la racine des problèmes, afin que la promesse républicaine soit derrière chaque porte de nos concitoyens, à la ville ou à la campagne – contrairement à d’autres, nous ne faisons pas le tri entre eux. Le Président de la République a souhaité que la France soit une chance pour tous : nous agissons chaque jour pour que la République tienne sa promesse d’égalité des chances ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Suicides de policiers

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart.

    Mme Laurence Trastour-Isnart

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    Monsieur le Premier ministre, depuis le 1er janvier, onze policiers se sont donné la mort. Je souhaite que nous ayons une pensée pour eux, pour leurs familles et pour leurs camarades. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I et LT.)
    Ces tragédies nous rappellent une triste réalité : les conditions de travail de la police sont de plus en plus difficiles, voire insupportables. Les effectifs sont insuffisants, et les policiers sont pris pour cibles dans de nombreuses cités, mais aussi stigmatisés par certains hommes politiques. Il est inadmissible que certains élus de la République tiennent des propos haineux envers nos forces de l’ordre.
    Notre police mérite toute notre considération : elle est la garantie de notre sécurité et de l’intégrité du territoire dans un contexte de tensions croissantes et d’explosion de la délinquance. Elle garantit la présence de la République dans des territoires où la sécurité est mise à mal.
    Le Gouvernement doit prendre le sujet à bras-le-corps et entendre cette détresse humaine. Nos forces de l’ordre ont besoin d’un soutien rapide et efficace. La cellule de soutien psychologique disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis 2019 n’est pas suffisante.
    La réponse pénale n’est pas non plus à la hauteur du travail de terrain de nos forces de l’ordre. Le voyou qui touche à un uniforme doit dormir le soir même en prison. Cela fait cinq ans que nous vous demandons de remettre de l’ordre dans la rue.
    Nous ne pouvons pas accepter que certains serviteurs de la République préfèrent la mort à la vie.
    Monsieur le Premier ministre, ma question sera simple : allez-vous enfin agir pour restaurer l’autorité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

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    Je tiens à vous remercier d’aborder ici ce sujet grave. Je me joins évidemment, comme l’ensemble du Gouvernement, aux pensées que vous avez pour ces personnes et leurs familles. Oui, le ministère de l’intérieur a enregistré douze suicides depuis le début de l’année, et je sais la douleur insupportable de leurs familles et de leurs collègues.
    Je veux commencer par saluer le travail mené par Christophe Castaner, alors ministre de l’intérieur, qui a eu le courage de s’attaquer à ce sujet tabou.

    M. Pierre Cordier

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    Ah oui ?

    M. Maxime Minot

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    Il est où, là ?

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    Franchement, sur ce sujet, s’il vous plaît, non !

    M. Hervé Berville

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    Et Christian Jacob, où est-il ?

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    C’est un sujet essentiel, que le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin et moi-même suivons personnellement. À notre demande, nous recevrons ce vendredi les syndicats policiers, mais aussi les associations qui se sont constituées pour travailler sur ce sujet.
    Nous accélérerons l’extension du réseau Sentinelles, que vous connaissez : des agents sont formés à la détection chez les policiers de ces moments de fragilité que nous pouvons tous connaître. En 2021, nous avons formé une quarantaine de sentinelles. Le ministère de l’intérieur dégagera les moyens nécessaires afin que près de 2 000 agents aient été formés à la fin de l’année 2022.
    À la demande du ministre de l’intérieur, j’ai d’ailleurs organisé dans le cadre du Beauvau de la sécurité une séquence autour de la question du suicide, sans communication, avec des membres des forces de l’ordre. Pour répondre à leurs propositions, le ministre Gérald Darmanin a souhaité annoncer le recrutement d’une vingtaine de psychologues, notamment dans les endroits les plus difficiles pour la police nationale. Les effectifs du service de soutien psychologique opérationnel, créé en 1996, année noire pour la police puisqu’elle avait été tristement marquée par soixante-dix suicides de policiers, s’élèvent maintenant à 120.
    Je sais à quel point l’écoute peut transformer des situations et sauver des vies. C’est pourquoi nous avons installé deux lignes d’écoute, avec une vraie cellule de soutien psychologique ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On a le droit d’aller mal et on a le droit d’appeler à l’aide. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Situation au Mali

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Monsieur le Premier ministre, la situation au Mali nous inquiète chaque jour un peu plus. Je veux commencer par témoigner du soutien et de l’admiration du groupe UDI et indépendants pour nos militaires qui se battent là-bas depuis tant d’années, et par avoir une pensée pour ceux qui ont été blessés ou sont décédés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Je veux dire aussi notre soutien à notre ambassadeur, qui relaie la parole du Gouvernement et de l’État et qui est aujourd’hui expulsé par ceux qui usurpent le pouvoir après deux coups d’État.
    C’est sur le jeu trouble de la junte que je veux vous interroger. Votre ministre des affaires étrangères l’a dit, la situation au Mali n’est plus tenable : notre ambassadeur en est chassé ; le pouvoir ne souhaite plus coopérer avec l’armée française, ne souhaite plus sa présence ; la population est montée, par une propagande indigne, contre la France et contre l’armée française, décrite comme une armée d’occupation alors qu’elle a empêché l’occupation du Mali, il y a de cela quelques années déjà.
    Monsieur le Premier ministre, ces constats doivent nous conduire à tirer des leçons. Si nous ne pouvons plus opérer au Mali dans quelques semaines, comme la ministre danoise l’a dit, des décisions devront être prises dans les quinze jours. Il faut nous réorganiser : nous sommes aujourd’hui au Mali face à un échec stratégique, mais c’est dans tout le Sahel que nous devons combattre le djihadisme.
    Notre groupe voudrait savoir quelles sont les perspectives stratégiques de redéploiement de la présence française au Sahel. Par ailleurs, les travaux de l’Assemblée nationale seront suspendus dans trois semaines : en cas de réorganisation de la présence française au Mali, vous engagez-vous, monsieur le Premier ministre, à convoquer le Parlement pour débattre de la situation et en tirer les conséquences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    La situation au Mali est en effet extrêmement préoccupante – M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères s’est déjà exprimé à plusieurs reprises dans cet hémicycle sur ce sujet.
    Vous l’avez dit, monsieur le président Lagarde : si nous sommes au Mali et dans la région subsahélienne depuis plusieurs années, c’est pour combattre le terrorisme. Le Mali n’est pas seul concerné ; n’oublions ni le Burkina, ni le Niger, où des combats importants ont eu lieu.
    En ma qualité de chef du Gouvernement, je m’associe évidemment à l’hommage que vous avez, les uns et les autres, rendu à nos troupes et aux soldats que nous avons perdus au cours de ces opérations indispensables pour défendre notre démocratie.
    C’est, depuis le départ, en accord avec les autorités du Mali que nous sommes présents. Un coup d’État a porté au pouvoir une junte qui n’a depuis cessé de multiplier les provocations, isolant son pays. Dois-je rappeler à la représentation nationale que le pouvoir issu de ce coup d’État avait promis de s’engager dans un processus électoral, et qu’il a lui-même annoncé qu’il ne tiendrait pas cette promesse ? Dois-je rappeler ici que ce régime a fait appel, dans des conditions que plusieurs d’entre vous ont rappelées, à un groupe de mercenaires bien connus – ou plutôt mal connus –, action qui porte en germe une perte de souveraineté du Mali ?
    Plus récemment, la junte a fait part de sa volonté de mettre fin à la mission de notre ambassadeur. Mais, M. le ministre des affaires étrangères l’a rappelé, ce n’est pas là un problème franco-malien : la junte s’est enfermée dans sa logique d’isolement et de confrontation en agissant de la même manière vis-à-vis de la CEDEAO, la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, dont elle a également expulsé le représentant à Bamako, et de ses autres partenaires internationaux, dont ceux de l’Union européenne – je pense en particulier à la demande de retrait du contingent danois de la force Takuba, justifiée par des motifs particulièrement infondés.
    Que faire face à cette situation, me demandez-vous ? Eh bien, nous agissons en partenariat avec nos alliés africains comme européens.
    Voilà quelle est la position de la France : elle a été rappelée à de multiples reprises.

    M. Hervé Berville

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    Eh oui !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Lors du sommet extraordinaire du 9 janvier dernier, la CEDEAO a – comme nous – clairement fait savoir que ce qui se passait au Mali était inacceptable. Comme vous le savez, elle a pris des mesures fortes et exceptionnelles. (M. Aurélien Pradié s’exclame.) Avec nos partenaires européens, nous avons exprimé notre solidarité. Un accord politique est intervenu le 24 janvier dernier lors du Conseil affaires étrangères de l’Union européenne, avec l’élaboration d’une première série de sanctions qui seront prises à l’encontre du Mali.
    C’est donc dans ce cadre multilatéral, africain et européen, que nous répondons à la situation au Mali, mais aussi à ce qui se produit actuellement dans toute la région. Nous nous réorganisons de façon à conserver l’objectif et la finalité de notre présence dans cette partie de l’Afrique, à savoir la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Meyer Habib

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    Contre l’islamisme !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Monsieur le Premier ministre, si la stratégie française au Mali change dans les semaines qui viennent, nous vous demandons de convoquer le Parlement pour en débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et Dem.)

    Bilan du plan de relance

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Duvergé.

    M. Bruno Duvergé

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    Il y a un an, le Gouvernement lançait le plan France relance avec une double ambition : relancer l’activité économique frappée par la crise sanitaire et bâtir la France de 2030. Ainsi ce plan, doté d’un budget total de 100 milliards d’euros sur deux ans, comprend-il 30 milliards d’euros dédiés à la transition écologique.
    Ce plan de relance inédit est en train de produire très concrètement ses effets sur la croissance, sur la réindustrialisation de notre pays,…

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Sur les dividendes !

    M. Bruno Duvergé

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    …mais également sur la transition écologique et énergétique : je le constate tous les jours dans ma circonscription lorsque je visite des entreprises.
    Dans le domaine de l’industrie agroalimentaire, la société Ingredia, basée à Saint-Pol-sur-Ternoise et spécialiste des ingrédients issus du lait, a bénéficié de 5,5 millions d’euros pour remplacer sa chaudière au gaz par une chaudière biomasse, en lien avec la filière agroforestière.
    Dans le même secteur, la start-up Nxtfood, située à Vitry-en-Artois, a reçu 2,2 millions d’euros pour créer une usine très novatrice dans le domaine de l’alimentation végétarienne.
    Mais des secteurs plus traditionnels tels que l’industrie automobile sont aussi concernés. Ainsi, l’usine Um Corporation de Biache-Saint-Vaast, qui fournira des pièces pour le châssis de la nouvelle Renault électrique, fabriquée à Douai, a investi dans une énorme presse d’emboutissage à chaud et de nouveaux robots, avec 100 emplois à la clé.
    Quant à l’entreprise DBT-CEV de Brebières, elle a reçu 800 000 euros pour développer sa production de chargeurs pour véhicules électriques et vient d’annoncer la création de son propre réseau de recharge.
    Ces quelques exemples très concrets, pris parmi de nombreux autres, démontrent que nos entreprises se réindustrialisent et accélèrent leur transition écologique, et plus particulièrement énergétique. À cet égard, je tiens à souligner la qualité de notre administration, qui a été très efficace dans le déploiement de ce programme.
    Comment entendez-vous désormais pérenniser ce remarquable élan donné à notre économie, qui associe réindustrialisation, transition écologique et croissance ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

    M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques

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    Je vous remercie pour votre question, qui nous donne l’occasion de revenir sur le bilan du plan de relance, et j’associerai à la fois Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher à ma réponse.
    Vous l’avez dit, ce sont plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers d’entreprises qui ont été soutenues au travers du plan de relance. Sur les 100 milliards d’euros prévus, près de 72 milliards ont déjà été engagés à ce jour.
    Je m’attarderai sur deux secteurs.
    S’agissant de l’environnement, d’abord, jusqu’à présent, sur 3 euros dépensés, 1 euro est allé à la transition écologique.
    Dans le domaine de l’industrie, ensuite, le plan de relance s’est accompagné d’une baisse des impôts de production. Au total, près de 733 000 entreprises ont été soutenues partout sur le territoire.
    Mais le plan de relance, c’est également de la relocalisation : près de 700 projets ont été accompagnés en ce sens.
    Et c’est aussi de l’innovation. Vous citiez des start-up : dans tous les territoires, elles ont été accompagnées.
    Je pourrais continuer de vous abreuver de chiffres, mais il me semble que ce qui dit le mieux la réussite du plan de relance, ce sont les indicateurs macroéconomiques. Je pense au taux de croissance, qui s’élève à 7 % – du jamais vu depuis les Trente Glorieuses.

    M. Maxime Minot

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    Historique ! Historique !

    M. Cédric O, secrétaire d’État

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    Je pense au taux d’emploi, qui n’a jamais été aussi haut dans notre pays depuis cinquante ans. Je pense aussi au million d’emplois créés au cours de ce quinquennat.

    M. Maxime Minot

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    Ah là là !

    M. Cédric O, secrétaire d’État

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    Je pense également à l’innovation. Nous avions trois licornes fin 2018 ; nous en avons aujourd’hui vingt-six. Nous étions classés dix-huitième pays le plus innovant du monde en 2016 ; nous nous situons désormais au onzième rang. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
    Ce n’est pas le Gouvernement qui affirme tout cela, mais la Commission européenne, le FMI – Fonds monétaire international – ou encore l’INSEE. Si bien que quand j’entends les oppositions critiquer le bilan du Gouvernement, je pense au philosophe Jacques Lacan, qui disait que « le réel, c’est quand on se cogne ». Eh bien, le réel est là ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Une députée du groupe LR

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    Et le commerce extérieur ?

    M. Pierre Cordier

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    Ah, il a vraiment été bon !

    Annulation de l’élection de Mme Lamia El Aaraje

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Je voudrais revenir sur l’exercice de la démocratie dans notre pays. Monsieur le Premier ministre, comme vous le savez, vendredi dernier, le Conseil constitutionnel a annulé les résultats de l’élection législative partielle qui s’est tenue en juin dans la quinzième circonscription de Paris, au motif qu’un candidat a altéré la sincérité du scrutin en présentant une identité plus ou moins inexacte et en faisant figurer sur son bulletin de vote le logo d’un parti politique qui ne lui avait jamais donné son investiture.
    En premier lieu, je tiens à exprimer toute mon amitié à Lamia El Aaraje et à l’ensemble de ses collaborateurs. Cette dernière avait été élue et n’a rien à voir avec l’objet de la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et GDR.)
    Au-delà, cette décision met en lumière une insécurité juridique majeure, dans la mesure où notre droit électoral n’empêche personne de se présenter sous une identité qui ne serait pas totalement exacte et en utilisant un logo sans en avoir l’autorisation.
    Or notre démocratie a besoin de règles claires, particulièrement en matière électorale. Ainsi, malgré le temps très contraint qui nous est laissé, le groupe Socialistes et apparentés présente une proposition de loi qui vise à introduire trois évolutions : qu’il y ait une vérification, afin que personne ne puisse se présenter à une élection sous un autre nom que son nom à l’état civil ou un nom d’usage dûment justifié ; qu’un candidat ne puisse apposer sur son bulletin le logo d’un parti politique qui ne lui aurait pas donné l’autorisation ; et que les bulletins de vote qui ne respecteraient pas ces prescriptions ne soient pas proposés aux électeurs. En effet, la commission électorale, qui s’était réunie avant l’élection législative en question, avait indiqué que les bulletins de la personne qui a altéré le scrutin n’étaient pas conformes.
    Nous souhaiterions donc que cette proposition de loi soit examinée très rapidement, afin que cette insécurité juridique – qui peut toucher chacun et chacune lors des prochaines élections – puisse être corrigée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Comme vous, j’ai pris acte de la décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier relative à l’élection législative partielle organisée en juin dernier dans la quinzième circonscription de Paris. Je vous répondrai d’abord qu’il ne m’appartient pas de commenter une décision rendue par le Conseil constitutionnel,…

    Mme Valérie Rabault

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    Tout à fait. À moi non plus.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …tout en vous donnant acte des conditions exceptionnelles, ou du moins inhabituelles,…

    M. Loïc Prud’homme

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    Rocambolesques !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …qui ont présidé au rendu de la décision, et des circonstances qui ont conduit le juge à considérer que la sincérité du scrutin, pour les motifs que vous avez rappelés, a été altérée.
    Vous l’avez dit rapidement, il est vrai que les manœuvres sanctionnées par le Conseil constitutionnel dans cette décision avaient été perçues par la commission de propagande électorale. C’est tout à fait exact, mais le fait est que le droit en vigueur ne permet pas à cette commission de faire plus que refuser la transmission par voie postale des bulletins non conformes. Ici réside donc une question pouvant être soulevée.
    Cela étant, vous me pardonnerez, madame la présidente Rabault, mais je découvre, par votre question, la proposition de loi que votre groupe a déposée à cet effet et à d’autres afin de faire évoluer le droit électoral. Vous m’autoriserez donc à ne pas vous répondre sur le fond, étant donné que je n’ai pu prendre connaissance de ce texte.
    Il convient en effet d’y réfléchir. Vous me l’accorderez, il est toujours délicat, dès qu’une décision est rendue, de changer immédiatement la loi,…

    M. Pierre Cordier

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    Réponse de techno, comme d’habitude !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …surtout en matière électorale et particulièrement en ce moment. Imaginez que je me présente devant vous en vue de changer le droit électoral : peut-être ne rencontrerais-je pas un accueil enthousiaste ! Mais je m’engage à étudier la proposition de loi que votre groupe a élaborée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et UDI-I.)

    Lutte contre le mal-logement et la pauvreté

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Pradié.

    M. Aurélien Pradié

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    Monsieur le Premier ministre, sommes-nous un grand pays ?
    Sommes-nous un grand pays lorsque 300 000 êtres humains n’ont pas de toit pour survivre ?
    Sommes-nous un grand pays lorsque 7 millions de personnes ont besoin de l’aide alimentaire pour se nourrir ?
    Sommes-nous un grand pays lorsque 8 000 enfants vivent dans un bidonville, ici en France ?

    M. Hervé Berville

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    Et vous, qu’avez-vous fait ?

    M. Aurélien Pradié

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    Sommes-nous un grand pays quand l’enfant d’une famille pauvre, quoi qu’il fasse, est condamné à le rester ?
    La France est-elle un grand pays lorsque 9 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, alors qu’ils ont un travail et donc un salaire ?
    En 2017, Emmanuel Macron annonçait fièrement qu’avec son quinquennat plus une seule personne ne mourrait dans la rue.

    M. Hervé Berville

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    Ça s’appelle une ambition !

    M. Aurélien Pradié

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    En cinq ans, ce sont pourtant 528 êtres humains qui sont morts dans la rue.
    Nous, nous savons que la France est un grand pays : le grand pays de l’abbé Pierre qui, il y a soixante-huit ans jour pour jour, lançait ce hurlement qui transperçait l’hiver 1954 ; celui du SAMU social de Xavier Emmanuelli et de Jacques Chirac ; celui de Geneviève de Gaulle-Anthonioz et de sa lutte acharnée contre la misère.
    Nous, nous croyons à la dignité, au salaire juste qui permet de nourrir sa famille. Nous croyons au mérite et à l’ascenseur social. Nous croyons à la main tendue vers ceux qui trébuchent et qui en ont besoin.
    Contrairement à Emmanuel Macron, nous ne pensons pas que certains Français réussissent et que d’autres ne sont rien.
    Je n’ai pas de question à vous poser, monsieur le Premier ministre, car vous ne ferez pas en deux mois ce que vous avez été incapables de faire en cinq ans. Il est inutile que vous fassiez semblant. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Hervé Berville

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    Et le programme de Fillon, il n’a jamais existé ?

    M. Aurélien Pradié

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    En revanche, j’ai une promesse à faire aux Français en notre nom : demain, nous nous battrons de toutes nos forces pour que chaque Français trouve la dignité. Nous ferons ce que vous n’avez pas fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement

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    Vous n’avez pas, ni vous ni aucune autre famille politique, de leçons à nous donner s’agissant de l’accueil des personnes en difficulté et de l’hébergement d’urgence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Eh bien si !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    Quand vous étiez au pouvoir,…

    M. Maxime Minot

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    C’était il y a dix ans !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    …il n’y avait que 118 000 places d’hébergement ouvertes, qui fermaient au 1er avril, dès les beaux jours, mettant les personnes à la rue. Les associations, avec lesquelles nous travaillons tous les jours et que le Premier ministre a encore reçues récemment, faisaient la trésorerie d’un budget qui n’était jamais financé. Un milliard d’euros étaient consacrés à cette politique. Aujourd’hui, 200 000 places d’hébergement sont ouvertes – et ce toute l’année – et ce sont 2,7 milliards d’euros que nous y consacrons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)
    C’est face à votre majorité que l’abbé Pierre est venu pour la dernière fois à l’Assemblée nationale, pour son dernier combat politique, pour demander solennellement le maintien de la loi SRU – loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains – que vous vouliez détruire. (Mêmes mouvements.)

    M. Éric Coquerel

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    N’essayez pas de récupérer l’abbé Pierre !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    Et c’est cette majorité qui a proposé de rendre permanente cette loi qui permet de produire du logement social partout où nous en avons besoin, aussi bien pour les salariés que pour les ménages modestes et la première ligne que vous aimez tant.

    M. Pierre Cordier

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    Retourne dans ton hôtel particulier !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    Non, vraiment, vous n’avez pas de leçons à nous donner sur ce sujet, ni sur aucun autre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Pradié.

    M. Aurélien Pradié

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    C’est votre majorité qui a baissé les APL – aides personnelles au logement – et qui a détruit une grande partie du logement social. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) C’est votre Président de la République qui a considéré qu’il y avait des Français qui réussissaient et d’autres qui n’étaient rien. (Mêmes mouvements.) C’est notre famille politique qui, avec Xavier Emmanuelli et Jacques Chirac, a fondé le SAMU social.
    Nous avons bien des leçons à vous donner et nous ferons demain ce que vous avez été incapables de faire ! (Mêmes mouvements.)

    Bilan du réseau France Services

    M. le président

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    Avant de lui donner la parole, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Jacques Rey, devenu député de la deuxième circonscription de Haute-Savoie le 30 janvier, en remplacement de Mme Frédérique Lardet. Cher collègue, vous avez la parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Jacques Rey

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    Je vous remercie, monsieur le président. Je suis très heureux d’intégrer cette docte assemblée.
    Ma question s’adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

    M. Jacques Rey

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    Depuis 2019, année de leur création, l’objectif des maisons France Services est à la fois simple et ambitieux : faire vivre les services publics dans les territoires, les faire revenir lorsque c’est nécessaire et répondre aux iniquités territoriales qui malmènent la cohésion sociale, nourrissant les discours d’une France coupée en deux. Permettre au citoyen habitant dans un quartier difficile, un territoire enclavé ou une zone rurale d’accéder près de chez lui à un guichet pour demander une aide, préparer sa retraite, déclarer ses revenus ou encore chercher un emploi : voilà quelle est, par-delà l’engagement tenu, notre réponse concrète à un problème réel du quotidien.
    Trois années après avoir été déployées, les maisons France Services fonctionnent ; elles fonctionnent même très bien.

    M. Pierre Cordier

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    Ah oui !

    M. Jacques Rey

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    L’objectif de 2 000 implantations a été atteint ; la densification du réseau et l’accroissement de la qualité du service rendu ont permis de porter l’activité à 3,5 millions d’actes en 2021. Cela témoigne de l’efficacité de ce programme. Pour cela, madame la ministre, je tiens à saluer votre engagement.
    L’année 2022 sera marquée par l’achèvement du déploiement territorial du programme. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la montée en gamme et la diversification prévue des services proposés ? La planification du déploiement des bus France Services pour cette nouvelle année est-elle déjà actée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

    Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

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    Permettez-moi tout d’abord, monsieur le député, de vous féliciter à mon tour pour votre entrée à l’Assemblée nationale.

    M. Pierre Cordier

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    Pour trois semaines !

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Vous avez bien voulu souligner le déploiement rapide des maisons France Services. Le Président de la République a lancé cette politique en avril 2019. Deux ans et demi après cette annonce, très exactement 2 055 espaces France Services sont labellisés, dont près des deux tiers dans les territoires ruraux. Nous avons donc atteint notre objectif, mais nous allons poursuivre : pour l’année 2022, nous avons un objectif de 500 nouveaux espaces France Services, ce qui est très important ; je suis sûre que nous l’atteindrons à la fin de l’année.
    Ces bons résultats sont dus à la mobilisation de nombreux acteurs, à commencer par les collectivités territoriales, les associations et les neuf opérateurs partenaires. Désormais, 95 % de nos concitoyens sont situés à moins de trente minutes d’une maison France Services. En outre, les lieux fixes sont complétés par des bus France Services, à la campagne comme en ville. Pas moins de 106 bus sont déjà en fonctionnement ; 30 bus supplémentaires seront déployés en 2022, avec l’appui financier de la Banque des territoires, l’idée étant d’« aller vers » nos concitoyens qui ne peuvent pas se déplacer ou qui ont du mal à le faire.
    Avec mon collègue Cédric O, nous déployons également 4 000 conseillers numériques France Services pour accompagner les usagers, en particulier les moins familiers d’entre eux… (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Pierre Cordier

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    Eh oui, c’est deux minutes ! Ça fait trente ans que c’est deux minutes !

    Gestion des flux migratoires

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne-Laure Blin.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Monsieur le Premier ministre, la pression migratoire explose dans notre pays, car vous ne maîtrisez tout simplement pas les flux. Depuis 2017, vous avez délivré près de 1,3 million de titres de séjour, soit une augmentation de 36 % par rapport au quinquennat de Nicolas Sarkozy. 2019 est même une année record, avec près de 300 000 titres délivrés et un niveau très élevé de demandes d’asile. En 2021, vous n’avez pas tout à fait battu ce record, mais vous n’en étiez pas loin, puisque quelque 272 000 titres ont été délivrés.
    Mais il y a bien pire que cela, monsieur le Premier ministre. Le quinquennat d’Emmanuel Macron s’illustre par un véritable échec de la politique d’éloignement des étrangers. Depuis 2019, le nombre de mesures d’éloignement a été divisé par deux ! En vérité, c’est la même politique que François Hollande.

    M. Pierre Cordier

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    C’était son ministre, d’ailleurs !

    Mme Anne-Laure Blin

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    Vous ne faites pas appliquer les décisions de reconduite à la frontière des étrangers en situation illégale. Le message que vous envoyez est dangereux, non seulement à l’égard des hommes et des femmes en détresse, qui pensent pouvoir être accueillis en France dans des conditions dignes, mais également à l’égard des Français et de la France.
    À la campagne, où il y a du bon sens, on sait que l’on ne peut pas accueillir chez soi une personne fragile sans douche, sans chauffage ou sans toit. Eh bien, c’est la même chose pour notre pays, monsieur le Premier ministre ! Votre manque de courage et votre laxisme dans la maîtrise de l’immigration sont coupables et conduisent inéluctablement à une intégration défaillante et au développement significatif de la violence. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
    Monsieur le Premier ministre, la France porte en son sein des valeurs de grande humanité, mais quand allez-vous comprendre que les Français ne veulent plus de l’immigration de masse ? (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

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    Madame la députée, j’entends votre intérêt permanent pour les chiffres. Vous en avez cité beaucoup, qui sont totalement faux (Protestations sur quelques bancs du groupe LR) et qui ne tiennent pas du tout compte du contexte. C’est par exemple le cas pour les reconduites à la frontière en 2019 : nous arrivions en période de covid – en 2020 – et les frontières n’étaient pas ouvertes.

    Mme Stella Dupont

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    Eh oui !

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    Il n’était donc pas possible de faire des reconduites à la frontière. Toujours sur les chiffres, vous avez dit des choses qui sont inexactes, voire fausses. Si vous voulez qu’on parle de chiffres, il y a eu cinq fois moins de visas délivrés au cours des cinq dernières années ; il y a eu aussi 10 % d’éloignements en plus.

    M. Loïc Prud’homme

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    Et vous vous en vantez ?

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    Là aussi, vos chiffres sont inexacts.
    Chère madame la députée, j’entends que vous avez une passion pour les chiffres ; moi, j’ai une passion pour les gens, voyez-vous. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.) C’est pour cette raison que j’étais ce matin avec les agents de la direction générale des étrangers en France et la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés. C’est une fierté pour ces agents – comme pour la France – d’accueillir ainsi les Afghans et les Afghanes qui sont persécutés (Mêmes mouvements) et qui, depuis la chute de Kaboul, sont venus en France par milliers.
    J’ai réuni des élus locaux,…

    M. Maxime Minot

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    Ah ! Tout va bien, alors !

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    …y compris dans des zones rurales, comme vous le dites : ils sont tout à fait partants pour accueillir ces réfugiés afghans et ces réfugiées afghanes,…

    M. Pierre Cordier

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    Il ne faut pas tout mélanger, madame la ministre !

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    …d’autant que certains d’entre eux sont médecins ou soignants et arrivent dans des déserts médicaux. Notre politique n’est pas guidée par les chiffres, mais par un devoir d’humanité. Contrairement à vous, nous regardons les étrangers pour ce qu’ils font et pas pour ce qu’ils sont. (Mme Michèle Peyron applaudit.) Nous ne considérons pas que des personnes immigrées sont mauvaises par nature parce qu’elles sont immigrées.

    M. Maxime Minot

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    Ce n’est pas ce qu’elle a dit !

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    Vous avez oublié un chiffre : celui des naturalisations, qui est en augmentation, et j’en suis fière. Savez-vous pourquoi ? Parce que nous avons décidé de naturaliser tous les travailleurs covid de la première ligne de nationalité étrangère – des nounous, des vendeurs, des livreurs, des agents de sécurité, des soignants, des médecins, qui ont permis au pays de tenir pendant le confinement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Pierre Cordier

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    Démago !

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    Sans les immigrés, le pays n’aurait pas tenu. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne-Laure Blin.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Madame la ministre déléguée, vous devriez être un peu plus compatissante à l’égard des femmes qui se battent pour ne pas porter le voile (Exclamations sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe LaREM), alors que les députés de la majorité En marche ont validé hier le port du hijab dans les enceintes sportives.

    Mal-logement

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Madame la ministre déléguée chargée du logement, il y a quatre ans, Emmanuel Macron prétendait vouloir « apporter un toit à toutes celles et ceux qui sont aujourd’hui sans abri. » C’est un échec et il en est le coupable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.) La Fondation abbé Pierre présentera demain son rapport 2022, qui dénombre encore plus de 4 millions de personnes mal logées en France, dont plus de 300 000 sans domicile. C’est deux fois plus qu’en 2012.
    Désormais, les classes populaires ne sont plus seulement chassées des centres-villes, elles le sont aussi de leurs périphéries. Elles sont contraintes au mal-logement, à l’insalubrité, à des temps de trajet toujours plus intenables ; parfois, elles n’ont plus de solution du tout. Même problème dans les zones touristiques, où l’augmentation des prix due à la spéculation et aux résidences secondaires arrache les logements aux locaux et rend impossible de vivre et de se loger au pays. Il y a de plus en plus de besoins et de demandes de logements sociaux – + 20 % depuis 2012 –, mais jamais aussi peu d’argent public n’a été consacré au logement, jamais on n’a construit aussi peu de logements sociaux !
    Au lieu d’agir pour qu’il y en ait plus, qu’avez-vous fait ?

    M. Loïc Prud’homme

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    Rien !

    M. Éric Coquerel

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    Vous avez encouragé les bailleurs sociaux à vendre leurs biens, avec la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN. Au lieu de mobiliser les 3,1 millions de logements vacants, qu’avez-vous fait ? Rien ! Ils n’ont jamais été aussi nombreux. Au lieu d’augmenter les aides au logement, qu’avez-vous fait ? 10 milliards d’économies depuis 2017 sur le dos des allocataires, qui y perdent en moyenne plus de 300 euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Enfin, au lieu de réguler sérieusement les prix du logement pour qu’ils cessent de grimper en flèche, vous laissez joyeusement chaque année les milieux immobiliers se féliciter de leurs profits records.

    M. Loïc Prud’homme

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    Eh oui !

    M. Éric Coquerel

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    Mesdames et messieurs les ministres, pour une fois, j’aurais aimé pouvoir dire que vous n’avez rien fait, mais la réalité est encore pire. Alors que l’espérance de survie d’une personne à la rue est de tout juste quinze ans, vous êtes responsables de ces 300 000 personnes sans domicile et des 15 millions de personnes touchées par la crise du logement. En attendant que la présidence de Jean-Luc Mélenchon (Sourires et exclamations sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem) permette enfin de garantir qu’un toit est un droit, ma question est donc simple : face aux conséquences de vos choix politiques, n’avez-vous pas honte ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

    M. Pierre Cordier

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    Et des hôtels particuliers…

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement

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    Les personnes à la rue, il y en a trop : entre 10 000 et 12 000 en France chaque année. Ce chiffre est issu du dernier recensement de l’INSEE.

    M. Éric Coquerel

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    Ce ne sont pas les chiffres ! Allez dire ça à la Fondation abbé Pierre !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    Cette année, pour la première fois depuis cinq ans, l’INSEE relancera un recensement.
    Le chiffre de 300 000 correspond aux personnes sans domicile qui sont hébergées :…

    M. Éric Coquerel

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    Arrêtez cette comédie ! C’est indécent !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    …200 000 le sont dans l’hébergement d’urgence et 100 000 – des demandeurs d’asile – sous la responsabilité du ministère de l’intérieur. L’année dernière, la Nuit de la solidarité à Paris a montré que le nombre de personnes à la rue avait diminué. Nous attendons les chiffres de la Nuit de la solidarité de cette année.
    Des personnes à la rue, ce sont toujours des personnes de trop (Exclamations sur les bancs du groupe FI), mais de grâce, ne confondons pas les chiffres.

    M. Éric Coquerel

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    Répondez sur les logements sociaux !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    Qu’avons-nous fait ? Le plan Logement d’abord, qui consiste à permettre aux personnes de passer de l’hébergement au logement.

    M. Éric Coquerel

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    Jamais on n’a aussi peu construit de logements sociaux !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    Depuis 2018, 330 000 personnes ont accédé, depuis l’hébergement d’urgence ou la rue, à un logement. À quel type de logement ? À des logements sociaux, à des pensions de famille, à de l’intermédiation locative. Nous avons augmenté le nombre de logements très sociaux :…

    M. Éric Coquerel

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    Arrêtez votre propagande !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    …nous en avons fait un peu plus de 30 000 par an pendant la législature, soit plus que sous la précédente. Alors ne tordez pas les chiffres (Mme Mathilde Panot et M. Éric Coquerel protestent), ne leur faites pas dire ce qu’ils ne disent pas. Nous agissons.
    En ce qui concerne les permis de construire, c’est la même chose : plus de permis de construire ont été délivrés sous cette législature que pendant toute la précédente.

    M. Maxime Minot

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    C’est faux !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    La relance de la construction, nous en avons besoin. Et puis, parlons des élus locaux : c’est dans les métropoles que nous avons le moins d’agréments de logements sociaux, là où les aides à la pierre sont déléguées.

    M. Pierre Cordier

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    Et les dents creuses ?

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    À Strasbourg, à Grenoble, à Rennes : dans toutes ces métropoles, les aides à la pierre ont été déléguées aux élus, qui ne s’en servent pas. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes FI et LR.)

    M. Pierre Cordier

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    C’est la faute des élus, alors !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    La responsabilité est collective : à nous tous d’agir.

    Agenda rural européen

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

    Mme Laurence Vichnievsky

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    Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en septembre 2019, vous présentiez un agenda rural visant à améliorer la vie quotidienne des Français dans les territoires ruraux, où résident près d’un tiers d’entre eux. Cet agenda s’est traduit par une série de mesures destinées à faciliter l’accès aux services publics et aux soins, à redynamiser les petites villes et les commerces, à assurer l’accès au numérique et à améliorer les mobilités. Certaines mesures ont déjà été déployées – notre collègue Rey y a fait allusion tout à l’heure en évoquant les maisons France Services –, avec des effets concrets pour les habitants des zones concernées s’agissant par exemple de la couverture numérique ou de la rénovation de certaines lignes ferroviaires. D’autres mesures sont en cours de réalisation.
    En juin 2021, la Commission européenne s’est prononcée en faveur d’une vision à long terme, pour des zones rurales plus fortes, connectées, résilientes et prospères à l’horizon 2040. Je rappelle que 137 millions d’Européens vivent dans des zones rurales, dont l’attractivité a par ailleurs été renforcée par la crise sanitaire. La présidence française du Conseil de l’Union européenne offre l’occasion de promouvoir un agenda rural européen, avec un plan d’action à suivre dans chacun des États membres.
    Madame la ministre, le Gouvernement a-t-il la volonté d’inscrire l’adoption d’un agenda rural européen dans les objectifs de la présidence française et d’encourager les États membres à le retranscrire dans leurs pays en prenant des mesures en faveur d’un meilleur équilibre entre les territoires ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

    M. Pierre Cordier

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    Et des maisons France Services !

    Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

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    Merci, madame la députée, d’avoir rappelé l’agenda rural français et le rôle de la Commission européenne, qui s’est prononcée sur une vision à long terme. Le 19 janvier, le Président de la République a présenté devant le Parlement européen les priorités stratégiques de la présidence française et souligné, dans ce cadre, une ambition forte de la conduite de la politique de cohésion au sein de l’Europe. Le huitième rapport sur la cohésion des territoires, qui sera prochainement publié, nous permettra indéniablement d’approfondir les termes du débat, en apportant des éclairages territoriaux très utiles.
    Concrètement, à l’occasion de la réunion ministérielle informelle qui se tiendra à Rouen au début du mois de mars, j’ai tenu à ce que le sujet des territoires ruraux soit au cœur des débats. Je l’ai notamment rappelé lors de ma récente audition devant la commission REGI, ou commission du développement régional, du Parlement européen, et cela a recueilli un large accord de tous les États membres.
    Vous aurez donc compris, madame la députée, que la France souhaite en effet mettre au cœur de sa présidence les réflexions sur l’idée d’un pacte rural européen. Je vous remercie de m’avoir posé cette question. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Irresponsabilité pénale et prise en charge des malades psychiatriques

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, en l’espace de dix jours, quatre individus considérés comme très dangereux et tous passés par une unité pour malades difficiles sont parvenus à s’échapper d’hôpitaux psychiatriques publics toulousains. Si ces informations ne suffisaient à inquiéter la population, ces fugues ne sont pas des cas isolés, d’après la présidente de l’Union syndicale de la psychiatrie, qui relate qu’il se produit en moyenne trois fugues par semaine dans le seul établissement dans lequel elle travaille. Ces incidents ne sont que la partie émergée de l’iceberg, reflétant la dure réalité de la psychiatrie, véritable parent pauvre de la médecine, et affectant les professionnels comme les patients.
    Certes, me direz-vous, un hôpital psychiatrique est un lieu de soins et non de détention, mais si on ne juge pas les fous, la décision d’irresponsabilité pénale de la justice doit s’accompagner, de la part du ministère de la santé, de garanties de soins et de protection pour le patient et la population. Sans surjouer la sécurité, nous savons tous que c’est à l’aune de ces obligations légitimes que l’irresponsabilité pénale est admise dans notre société. La situation de la psychiatrie étant ce qu’elle est, nous redoutons, dans ce cadre, la limitation de la durée des soins et la multiplication de sorties non voulues et potentiellement dangereuses.
    Monsieur le ministre, avec quels partenariats et quelles mesures comptez-vous garantir les exigences de soins dans la durée et de protection de la population qu’appelle la prise en charge psychiatrique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Madame la députée, merci pour votre question. Comme vous l’avez dit vous-même, il ne s’agit pas ici d’une évasion, mais bien d’une fugue. L’évasion, en effet, concerne un lieu d’incarcération. Or les malades que vous évoquez, bien qu’hospitalisés dans un établissement psychiatrique, ne sont pas incarcérés – c’est-à-dire, par exemple, qu’ils ne sont pas sous surveillance policière. Des fugues peuvent se produire, mais cela ne devrait pas être le cas.
    Je salue d’abord, comme vous l’avez fait, l’engagement de la communauté soignante, en psychiatrie notamment : face à des malades dans des situations difficiles et parfois soumise elle-même à des situations difficiles sur le plan humain, elle fait face et permet de maintenir la continuité des soins dans les meilleures conditions possibles dans les établissements de psychiatrie de notre pays.
    À Toulouse, quatre fugues en l’espace de dix jours, ce sont évidemment quatre fugues de trop et il n’a pas fallu attendre la quatrième de ces fugues pour que l’agence régionale de santé, l’ARS, se saisisse de cette question. Les premières mesures de sécurisation du site ont été mises en place. L’établissement dont nous parlons ici est entouré de 44 hectares de parc, ce qui représente des conditions de surveillance particulièrement difficiles. Parfois, la fugue fait suite à une permission accordée, et n’est pas un départ direct de l’établissement. Les malades concernés ont tous été identifiés et ramenés dans l’établissement pour la continuité de leurs soins. Nous allons continuer à travailler sur ce sujet épineux avec l’ARS Occitanie, avec qui j’ai été en lien, ainsi, évidemment, qu’avec la préfecture.
    Nous continuons également à travailler avec les professionnels. Dans le cadre des assises nationales de la santé mentale et de la psychiatrie, il a été question des conditions d’hospitalisation et des moyens significatifs ont été accordés à la psychiatrie. C’était également le cas pour le Ségur de la santé. Nous rénovons massivement les bâtiments relevant du champ de la santé mentale et de la psychiatrie, dont certains sont très vieux.
    Comme vous le savez, cette majorité parlementaire a voté le fait que l’augmentation des budgets alloués à la santé mentale et à la psychiatrie ne saurait être inférieure à l’augmentation générale du budget consacré à la santé. Il était temps. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Je vous remercie pour cette réponse et saisis cette occasion pour souligner la difficulté du partenariat entre le ministère de la justice et le ministère de la santé. Dès lors qu’une personne est déclarée irresponsable pénalement et dangereuse, nous devons tous être capables à la fois – les victimes et la population le demandent – de garantir la pérennité des soins, d’assurer que la sortie fasse l’objet d’un examen contradictoire au titre de la justice et de la santé et, enfin, d’éviter des sorties intempestives. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Soutien aux communes de Saint-Pierre-et-Miquelon

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Claireaux.

    M. Stéphane Claireaux

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    Monsieur le ministre des outre-mer, en réponse à la crise de la covid-19, un plan de relance exceptionnel de 100 milliards d’euros a été déployé par le Gouvernement afin de redresser durablement l’économie française. Dans ce cadre, 1,5 milliard d’euros bénéficieront à nos outre-mer d’ici à la fin de 2022.
    Malgré son statut de COM, ou collectivité d’outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon a été éligible à une partie des appels à projets du plan de relance. Néanmoins, les communes de Saint-Pierre-et-Miquelon se sont heurtées à un problème que connaissent beaucoup de petites collectivités ultramarines : le manque d’ingénierie – je pense ici particulièrement à la commune de Miquelon-Langlade.
    Un fonds de 15 millions d’euros a été alloué en 2021, puis renouvelé pour 2022 par l’intermédiaire de l’Agence française de développement, l’AFD, afin d’apporter un appui aux collectivités ultramarines pour la réalisation de leurs investissements d’infrastructures et d’équipements publics. Pouvez-vous me confirmer que la commune de Miquelon-Langlade pourra bénéficier en 2022 de ce fonds de soutien à l’ingénierie, qu’elle sollicite depuis l’an dernier et dont elle a cruellement besoin ?
    À cette carence en ingénierie s’ajoute le fait que le statut de COM, à l’opposé de celui de DROM, ou département et région d’outre-mer, n’ouvre pas accès à l’ensemble des mesures mises en œuvre dans le plan de relance. C’est pourquoi un dispositif comme le FEI, le Fonds exceptionnel d’investissement, est un levier de financement indispensable aux collectivités de l’archipel dans la mise en œuvre de leurs politiques publiques. Pouvez-vous me confirmer le maintien, à hauteur des montants alloués l’an dernier, du soutien de l’État aux communes par le biais du FEI pour 2022 ?
    Monsieur le ministre, lors de votre visite officielle à Saint-Pierre-et-Miquelon, en novembre dernier, vous avez rencontré longuement les maires Yannick Cambray et Franck Detcheverry. Vous savez combien les élus municipaux comptent sur vous et je ne doute pas que le maire que vous avez été a bien saisi les enjeux pour ces communes et leurs administrés. Je ne doute pas non plus que le ministre des outre-mer d’aujourd’hui soit très attentif à leurs attentes et qu’il saura y répondre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des outre-mer.

    M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer

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    Monsieur le député, permettez-moi de vous dire, au nom du Gouvernement, que nous sommes heureux de vous retrouver ici en bonne santé et avec bon moral (Applaudissements sur de nombreux bancs) après la lâche agression dont vous avez fait l’objet de la part de quelques personnes et qui nous appelle, une fois encore, à vous redire la solidarité de l’ensemble de la nation autour de votre personne et de la fonction que vous occupez.
    Les collectivités territoriales en outre-mer ont un rôle important dans l’exercice des missions de puissance publique et de service public. C’est vrai de la collectivité, mais ce l’est particulièrement des deux communes de Miquelon-Langlade et Saint-Pierre. Cela passe d’abord par une consolidation en matière de fonctionnement et de recettes. Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, y veille depuis le début du quinquennat : la DGF, ou dotation globale de fonctionnement, a ainsi augmenté à hauteur de 6 à 10 % sur les deux communes.
    Vous avez raison d’évoquer cette question, et le gouvernement de Jean Castex s’engage à ce que le Fonds exceptionnel d’investissement soit garanti dans son enveloppe la plus haute pour cette année 2022. L’enveloppe de 4 millions d’euros affectée l’année dernière à des projets en investissement sur l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est naturellement reconduite pour cette année 2022. Je crois savoir que la ministre de la mer s’était faite elle aussi le relais de ces préoccupations.
    L’ingénierie est un enjeu. S’il n’est pas propre à Saint-Pierre-et-Miquelon, car on peut aussi le retrouver dans l’Hexagone, il est clair que la situation est plus aiguë en outre-mer. Je puis donc vous annoncer, monsieur le député, qu’une enveloppe de 100 000 euros de l’AFD sera notifiée dans les tout prochains jours à la commune de Miquelon-Langlade (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM) pour débloquer l’exécution de certains projets pour ce territoire où les opportunités sont nombreuses, mais où l’on sait très bien aussi que les enjeux et les difficultés sont parfois légion.
    L’État fait bloc avec ces collectivités territoriales – la collectivité et les deux communes. C’est le sens de l’action du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Pollution marine par les plastiques

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Madame la ministre de la transition écologique, quel est le point commun entre la fosse océanique la plus profonde et le plus haut des sommets de nos montagnes ? Tous les deux contiennent de minuscules morceaux de plastique. Le plastique représente la fraction la plus importante, nuisible et persistante de la pollution marine : 85 % des déchets marins sont du plastique. Au cours des soixante-dix dernières années, le plastique a infiltré et pénétré tous les recoins de notre planète.
    Les plastiques polluent notre planète à des niveaux alarmants. Les effets sur la vie marine sont catastrophiques. Les toxines du plastique touchent toute la chaîne alimentaire, des milieux marins jusqu’à l’homme : on a retrouvé des microplastiques dans les poumons, la rate et les reins des humains. C’est aussi un problème climatique : plus nous produisons de plastiques, plus nous consommons d’énergies fossiles et plus nous aggravons la crise climatique – cycle infernal ! La croissance rapide de la production de plastique menace déjà les systèmes naturels de la Terre et cette menace ne fera que s’aggraver. Nous ne pouvons tout simplement pas faire comme si de rien n’était. Il est nécessaire de prendre de toute urgence des engagements et des mesures.
    Ces quelques phrases d’alerte sur les dangers de la pollution plastique ne sont pas les miennes : elles sont toutes issues du dernier rapport des Nations unies. Oui, toutes ! Je sais, madame la ministre, que vous partagez cette conviction qu’il y a urgence à agir. Il n’y a pas de solution miracle.
    Ma proposition de loi de lutte contre la pollution plastique, présentée ce 4 février, prévoit la création d’une Agence nationale du plastique, sur le modèle de l’OFB, l’Office français de la biodiversité, que vous connaissez bien. Cette Agence nationale du plastique a été plébiscitée par la quasi-unanimité des personnes auditionnées, qui l’attendent.
    Madame la ministre, comment pourrions-nous mettre en place une commission de travail pour définir les modalités de sa création – laquelle est indispensable pour agir à la hauteur de l’urgence ? (M. Jean Lassalle applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

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    Monsieur le député, merci de lancer à nouveau cette alerte relative aux pollutions par le plastique, phénomène dont la gravité nous mobilise collectivement et à propos duquel je sais votre engagement de longue date.
    Nous agissons à plusieurs niveaux, et nous y reviendrons dans le débat parlementaire sur la proposition de loi que vous avez bien voulu déposer à ce propos. Nous agissons, d’abord, au niveau international, comme vous le savez. En tant que vice-présidente de l’assemblée des Nations unies pour l’environnement, je défendrai dans les débats, croyez-le bien, le mandat le plus ambitieux pour un traité sur les usages de ces plastiques, qui doit nous mobiliser à l’échelle internationale. Tout le travail et les réflexions préparatoires menés avec les scientifiques et tous les acteurs au plus haut niveau aura lieu également dans le cadre du One Ocean Summit, qui se tiendra en février à Brest.
    Nous avons également une action significative au niveau européen. En effet, l’action française en matière de lutte contre les pollutions plastiques est très ambitieuse : nous sommes à la pointe, parmi les pays les plus ambitieux en la matière, et notre action européenne reprend cette dynamique, avec des restrictions en matière de mise sur le marché des plastiques à usage unique au niveau européen et, courant 2022, une révision du projet de directive européenne sur les emballages. Il y aura également, comme vous le savez, des mesures relatives au réemploi et au recyclage des emballages.
    Nous renforçons ainsi les exigences au niveau européen, comme nous l’avons fait dans la loi AGEC, ou loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Nous nous inspirons très largement des réflexions menées et des dispositions prises au niveau national. Ces engagements et ces objectifs annuels précis, notamment pour ce qui concerne les quantités d’emballages employés ou l’incorporation de matières recyclées dans les emballages, sont très ambitieux.
    Enfin, nous nous attelons également à cette tâche au niveau national. En réponse à la proposition que vous faites de la création d’une Agence nationale des plastiques, je rappelle que l’ADEME, l’Agence de la transition écologique, participe elle aussi très largement à ces politiques en déployant 370 millions d’euros pour la stratégie d’accélération du recyclage et 300 millions d’euros dans l’appel à projets France 2030, sur des objectifs visant notamment au recyclage des résines.
    L’action est volontariste et nous aurons ce débat dans l’hémicycle à propos de votre proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de Mme Laetitia Saint-Paul.)

    Présidence de Mme Laetitia Saint-Paul
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Influence de la diplomatie française

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat sur la feuille de route de l’influence de la diplomatie française présentée le 14 décembre 2021.
    La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
    La parole est à M. M’jid El Guerrab.

    M. M’jid El Guerrab (Agir ens)

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    « La France ne peut être la France sans la grandeur ». Dans un monde en ébullition et de compétition à outrance entre les nations, cette célèbre parole extraite des Mémoires de guerre du général de Gaulle nous invite à l’introspection et à la réflexion. À votre initiative, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, le Quai d’Orsay a tenté de répondre à cet appel le 14 décembre dernier, au siège de l’Alliance française, devant un parterre de diplomates, de conseillers culturels ou encore de dirigeants de grands opérateurs, au cours d’une cérémonie à laquelle j’ai eu le plaisir de participer. Vous y présentiez la feuille de route de l’influence de la diplomatie française, cherchant à répondre à la question somme toute gramscienne « Où s’arrête la puissance et où commence l’influence ? », partant du postulat que la conquête du pouvoir présuppose celle de l’opinion publique.
    Le recours fréquent à l’expression anglo-saxonne soft power a ainsi traduit une évolution dans les relations internationales : l’hégémonie symbolique compte autant dans la balance des pouvoirs que les déterminants matériels classiques que sont la démographie, l’armée ou encore l’économie.
    Si la France, depuis le Grand Siècle prolongé par celui des Lumières, a fait de son capital académique, linguistique et philosophique un outil puissant de son rayonnement, voire de son hégémonie culturelle jusqu’au tournant du XXe siècle, nombre de pays se sont depuis activés sur ce front afin d’accompagner leur montée en puissance économique, des États-Unis à l’ex-URSS, maintenant la Russie, du Japon à la Corée du sud, de la Chine à la Turquie.
    Cette feuille de route de l’influence rappelle les différents atouts de notre pays et présente les priorités que sont la langue française, l’éducation, l’insertion professionnelle, l’enseignement supérieur, la recherche, les médias français à l’international ou encore les think tanks à développer jusqu’en 2030. Elle montre surtout que le sujet des guerres d’influence qui s’annoncent émerge enfin au sommet de l’État.
    Mais l’influence est aussi une culture, longue à ancrer et coûteuse à entretenir. Elle suppose une inscription dans le circuit international des idées avec l’organisation d’événements internationaux ou la création de structures dédiées qui prendront du temps et exigeront des moyens financiers.
    Ancrant notre diplomatie dans un horizon fondamentalement européen, cette feuille de route ambitionne de répondre à trois objectifs majeurs. Premièrement, elle entend cibler les jeunes publics pour faire émerger de nouvelles générations de francophiles ; deuxièmement, elle prétend défendre notre modèle de manière plus assumée, voire plus offensive, comme nous le faisons déjà sur le terrain du développement où nos propositions de partenariat articulent solidarité et souveraineté ; troisièmement, elle aspire à écouter la diversité du monde et à s’en nourrir à travers une diplomatie de proximité et une diplomatie des sociétés civiles.
    Alors que le Quai d’Orsay n’a pas connu de réforme sous ce quinquennat hormis l’évolution de l’École nationale d’administration – ENA – et de la haute fonction publique, avec son corollaire qu’est la suppression du corps diplomatique, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a entendu moderniser son dispositif d’influence et son fonctionnement. Pour cela, il devient urgent d’accélérer la transformation numérique de notre réseau culturel, de développer nos capacités de projection dans les nouveaux espaces informationnels ou de réformer les ressources humaines du Quai d’Orsay. L’ouverture de l’accès aux métiers de la diplomatie à des profils plus divers, parfois atypiques ou issus de quartiers populaires, doit inscrire le ministère dans une politique audacieuse et agile en adéquation avec l’environnement mouvant qui l’entoure. La féminisation des postes d’encadrement au Quai d’Orsay doit encore se confirmer : dans ma circonscription, je ne compte que deux ambassadrices, trois consules générales et trois conseillères de coopération et d’action culturelle – COCAC – sur seize pays. Je voudrais saluer ici tout le dévouement et l’abnégation qu’elles mettent au service de leurs actions, dans des contextes politiques, sociaux et sécuritaires parfois difficiles. Je pense notamment à la Libye et à notre ambassadrice Béatrice Le Fraper du Hellen.
    Enfin, la création d’une véritable équipe de France de l’influence par un meilleur pilotage des opérateurs du Quai d’Orsay doit favoriser une plus grande synergie entre eux. Est ainsi envisagé un rapprochement entre l’Institut français de Paris et la Fondation des Alliances françaises, qui ferait suite à celui intervenu entre le CFI, l’agence française de développement médias, et France Médias Monde, ou encore entre Expertise France et le groupe Agence française de développement – AFD –, que notre assemblée a voté dans le cadre de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021.
    L’adoption à l’unanimité de ce texte emblématique, sur lequel notre groupe s’est fortement mobilisé, comme en témoigne l’adoption de plusieurs de ses amendements, démontre à quel point les élus de tous bords reconnaissent l’importance de disposer d’une stratégie d’aide publique au développement renouvelée et offensive. Le groupe Libertés et territoires a notamment fait adopter un amendement invitant le Gouvernement à agir pour que sa communication soit plus visible sur le terrain, là où certains de nos partenaires – qui ne nous veulent pas que du bien – soufflent sur les braises d’une question mémorielle parfois sensible.
    Certes, la feuille de route doit renouveler et renforcer nos pratiques en matière d’action extérieure pour les dix prochaines années au moins ; mais il y a aussi la réalité du terrain, monsieur le ministre. Nous ne pouvons que nous féliciter de la prise de conscience du rôle que joue l’influence dans les relations internationales, mais nous ne pouvons que regretter que la feuille de route n’accorde pas plus d’importance aux 3,5 millions de Français qui vivent à l’étranger – quasi inexistants dans ce document.
    Oui, la France possède le premier réseau culturel au monde, avec 125 instituts français et 830 alliances françaises ; le premier réseau éducatif au monde, avec 545 lycées accueillant 380 000 élèves dans 138 pays ; le troisième réseau diplomatique au monde, avec 163 ambassades, 16 représentations permanentes et 89 consulats généraux et consulats. Elle est aussi le cinquième pourvoyeur d’aide publique au développement, avec 14,6 milliards d’euros en 2022 – soit près de 5 milliards de plus qu’en 2017. Et le français est la cinquième langue la plus parlée dans le monde, avec 300 millions de locuteurs et potentiellement 750 millions d’ici à 2050. Tout cela, elle le doit en grande partie aux femmes et aux hommes qui ont fait le choix de représenter le savoir-être et le savoir-faire de notre pays à l’étranger.
    Dans notre France archipélagique, cette cinquième France internationale se trouve au-delà des quatre premiers cercles – urbain, périphérique, rural et ultramarin. Bien souvent oubliée, elle n’en reste pas moins représentée par des ambassadeurs qui, en toutes circonstances, savent porter haut ses couleurs. « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup […] y ramène », écrivait Jean Jaurès. J’ajouterai ceci : quand on a la France loin des yeux, elle est toujours près du cœur.
    Député de la neuvième circonscription des Français de l’étranger établis dans seize pays d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb, je sais combien nous pouvons compter sur eux pour incarner dignement notre pays au quotidien ; ils ne sont pas des Français à part, comme certains le voudraient, mais des Français à part entière.
    Il y a urgence à ce que les services de l’État répondent à la question que je leur pose régulièrement, en vain jusqu’ici : quelle est la part de la richesse nationale – qui fait de notre pays la sixième économie mondiale – que nous devons aux entrepreneurs français résidant à l’étranger ? N’ayant pas de réponse, je continuerai d’interpeller l’État.
    Où s’arrête la puissance et où commence l’influence ? Cette question, mantra de la feuille de route sur l’influence de la France, que notre groupe a proposée au débat dans le cadre de cette ultime semaine de contrôle de la législature, illustre à quel point les affaires internationales sont au cœur de notre ADN. C’est aussi une réponse à l’actualité, où l’on ne compte plus les réceptacles des multiples tensions internationales, du Sahel aux confins de l’Europe en passant par l’Indo-Pacifique et le Moyen-Orient.
    L’émergence de conflits dits hybrides – recrudescence des cyberattaques, présence d’officines de mercenaires sur plusieurs théâtres d’opérations, essor du numérique devenu objet central de médiation et de diffusion des informations – invite à repenser le concept là où les acteurs culturels internationaux ont été multipliés. Qu’ils soient publics – collectivités locales, universités, grandes écoles d’ingénieurs ou de commerce – ou parapublics, qu’ils soient des fondations ou des organisations non gouvernementales, de grands groupes de médias ou des entreprises, chaque jour ils remettent un peu plus en cause l’ordre westphalien et contraignent les appareils diplomatiques culturels à toujours plus d’adaptations.
    Je conclurai en citant le regretté Thomas Sankara, auquel le Président de la République lui-même a fait référence dans son discours de Ouagadougou. Il s’adressait avec ambition à son peuple par cette formule : « C’est cet avenir que vous osez inventer ». Dans un monde en bouleversement permanent, donnant l’illusion d’une fuite en avant qui mettrait la France et l’Europe hors jeu, par quels moyens notre diplomatie peut-elle contribuer à ce que notre pays invente un avenir dans lequel il tiendra encore son rang ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen (UDI-I)

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    La diplomatie d’influence s’affirme aujourd’hui comme un élément à part entière de notre politique étrangère. Elle devient à la fois un enjeu de compétition internationale et une source de puissance, au même titre – voire davantage – que la force militaire. D’un côté s’étend le domaine de la contrainte, de la force et de l’action ; de l’autre se situe le registre de l’autorité, de la persuasion, des valeurs et des principes.
    Si nous partons du postulat que la puissance se détient, que le pouvoir s’applique et que l’influence s’exerce, un constat majeur s’impose d’emblée : l’influence de la France dans le monde recule indéniablement. Ce recul s’explique par une crise des moyens de la puissance et de l’autorité morale du pays.
    Dans cette feuille de route, on trouve des objectifs et des actions ambitieuses dans certains domaines, comme la francophonie. On y trouve aussi un portrait plutôt idéalisé des manifestations de l’influence française sur la scène internationale. Au-delà des mots, le maintien de la France sur cette scène dépend notamment des moyens et de l’ambition qu’elle se donne en matière d’attractivité. La diplomatie culturelle et les échanges touristiques ne doivent pas servir de variables d’ajustement budgétaires.
    Ils ne sont pas davantage des acquis. Malgré la crise sanitaire qui a entraîné une chute de 74 % du tourisme mondial en 2020, la France a tout de même conservé sa première place sur le podium des destinations touristiques, avec 42 millions de touristes étrangers, devant l’Italie et devant le Mexique. Il faut tout faire pour consolider cette position.
    Autre condition de ce maintien : les partenariats que noue notre pays. Rappelons que la France possède le troisième réseau diplomatique mondial, juste derrière les États-Unis et la Chine. Présent dans 160 pays, le réseau diplomatique français s’appuie sur une diaspora de 2,5 millions d’expatriés. La France peut se targuer d’être présente sur de nombreux théâtres régionaux, notamment grâce à ses territoires ultramarins qui représentent une zone économique exclusive très importante – mon groupe parlementaire, qui compte les deux députés de la Nouvelle-Calédonie et une députée de la Polynésie, est très attaché aux outre-mer.
    Malgré tout, la France est moins audible sur la scène internationale : l’imbroglio des sous-marins australiens a été révélateur d’une perte d’influence française et a laissé des traces dans les relations bilatérales entre les puissances mondiales. L’Allemagne est considérée comme l’État le plus influent d’Europe par les Européens, devant le Royaume-Uni et la France – qui vient juste après. Si la diplomatie française dispose de nombreux atouts, il faut que son horizon soit fondamentalement européen, surtout dans le contexte de la présidence française du Conseil de l’Union européenne en ce premier semestre 2022.
    Tant la crise à la frontière ukrainienne que la situation des Ouïghours – que nous évoquons régulièrement dans cet hémicycle – sont la preuve flagrante que notre diplomatie, dans cette feuille de route, doit être fondamentalement européenne. Nous sommes convaincus que c’est uniquement avec l’Europe que nous pourrons répondre aux trois urgences internationales majeures : l’urgence technologique – pour que nous ne devenions pas une colonie numérique –, l’urgence climatique bien sûr, et l’urgence africaine, que la feuille de route a identifiée. Envers l’Afrique, il nous faut une vision nouvelle de notre coopération en réinvestissant tous les leviers d’influence dans un véritable partenariat.
    J’espère que les débats électoraux des prochains mois nous donneront l’occasion de réinventer une certaine idée de la France, de déterminer ce que nous voulons faire avec quels partenaires, et quels principes nous voulons défendre. Comme vous le soulignez, monsieur le ministre, nous devons construire un nouvel humanisme qui saura s’adapter aux bouleversements technologiques, environnementaux et géopolitiques du XXIe siècle, et donc aux trois urgences que j’ai évoquées.
    En août 2019, vous avez affirmé à la conférence des ambassadeurs qu’il n’y a plus de soft power, mais qu’il n’y a que du hard power. Permettez-moi de paraphraser le célèbre théoricien Joseph Nye : tout l’enjeu pour un État, finalement, c’est de savoir user de smart power en combinant à bon escient le hard et le soft power.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et la francophonie !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Nadot.

    M. Sébastien Nadot (LT)

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    La politique extérieure de la France est dans l’égarement. Le renvoi de l’ambassadeur de France au Mali par les autorités maliennes en raison de vos récents propos, monsieur le ministre, deux jours après que le porte-parole du gouvernement de transition du Mali a demandé à la ministre des armées de la France de se taire, n’est pas une anecdote. C’est un tournant de l’histoire de la présence française en Afrique. La France perd pied.
    Depuis plusieurs années, partout notre pays se comporte de manière arrogante et belliqueuse. Pas un conflit sur notre planète sans des armes made in France pour l’attiser et le rendre plus meurtrier. Du Yémen à l’Éthiopie, de la Birmanie au Sahel, du Haut-Karabakh à la Libye, notre pays arme très fréquemment le bras de la mort. C’est la signature française de ce début de siècle – quel malheur !
    Que dire de la violence de nombreuses dictatures que nous soutenons avec armes, logistique, renseignement et personnel humain contre la liberté des peuples, contre la dignité des femmes et des hommes de ces ailleurs maltraités ? Pour ces gens d’origine étrangère – les migrants – sans autre solution que de venir tenter un projet de vie en France, la maltraitance d’État. Mais pour les beaux yeux pleins de pétrole, de dollars et de contrats d’armement d’un dictateur ? La Légion d’honneur et les ors de la République, du Quai d’Orsay à l’Élysée.
    Que d’égarements ! Voilà bientôt cinq ans, en réalité, que notre pays a deux ministres de la guerre et aucun de la paix. Bientôt cinq ans que notre pays aime se payer de jolis mots et de beaux discours, en parfaite contradiction avec ce qu’on constate sur le terrain. Notre diplomatie est pourtant dotée d’atouts exceptionnels, mais qu’en avez-vous fait ? Qu’en faites-vous ?
    J’entends déjà vos arguments sur la Realpolitik, sur ce monde difficile où les valeurs universelles que devrait défendre notre pays ne remplissent pas les poches. Mais votre diplomatie de la Realpolitik montre des résultats tout aussi catastrophiques. En cinq ans : ni les valeurs, ni les principes démocratiques, ni la balance commerciale !
    La politique extérieure française est dans l’égarement : égarement lorsqu’elle poursuit, à l’encontre du droit international et en connaissance de cause, la vente assassine d’armes qui finissent par tuer les enfants du Yémen, péché originel du quinquennat ; égarement lorsque l’ambassadeur de France au Togo porte plainte contre deux journaux d’opposition de Lomé pour des articles qu’il considère comme n’étant pas assez respectueux des politiques de la place parisienne, conduisant ainsi à la suspension de leur publication – étrange conception de la liberté de la presse ; égarement lorsque vous prenez l’habitude de soutenir le troisième mandat de chefs d’État devenus dictateurs qui n’en demandaient pas tant à la France ; égarement criminel lorsque notre pays se refuse à reconnaître la terrible bavure commise par notre armée au Mali qui, en janvier 2021, a coûté la vie à dix-neuf civils à Bounti d’après une minutieuse enquête menée par les Nations unies – rien d’étonnant à ce que le gouvernement de transition humilie ensuite quotidiennement le drapeau bleu, blanc, rouge ; égarement lorsque vous vous affichez trop précipitamment au Tchad aux côtés du dernier chef de guerre autoproclamé chef d’État ; égarement lorsque vos services fabriquent un sommet françafricain de la com tout à la gloire d’un Président de la République bien solitaire à Montpellier ; égarement encore, monsieur le ministre, lorsque vous mentez devant la représentation nationale en faisant passer trois eurodéputés catalans pour des repris de justice alors qu’ils n’ont même pas été jugés ; égarement lorsqu’un contrat de vente aux Australiens mal ajusté nous ridiculise dans ce qui est devenu l’affaire des sous-marins ; égarement lorsqu’une grande entreprise française est autorisée à commercer avec la junte militaire birmane assassine ; égarement lorsque les autorités françaises laissent nos forces armées participer en Égypte, au nom de la lutte contre le terrorisme, à l’opération barbouze du nom de Sirli sans jamais la dénoncer ; égarement toujours lorsque la France continue à vouloir se faire faiseuse de rois au Cameroun. Je pourrais poursuivre cette énumération, car l’égarement est partout.
    Notre crédibilité auprès des autres peuples de la planète s’amenuise de jour en jour. Nos valeurs sont trahies. Et vous osez après cela appeler de vos vœux un nouvel humanisme du XXIe siècle dans votre feuille de route ! La politique extérieure de la France est dans l’égarement : elle ne sert plus notre pays, mais seulement quelques-uns de vos amis.
    Oui, monsieur le ministre, vous vous êtes égaré, mais je ne vous demanderai pas de démissionner car en réalité, vous l’avez déjà fait depuis bien longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Formidable !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

    M. Jean-Hugues Ratenon (FI)

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    Il y a quelques semaines, le ministre des affaires étrangères a présenté une feuille de route censée être la « première doctrine consolidée » en la matière, née de l’« urgence à repenser […] notre diplomatie culturelle et d’influence » – une urgence telle qu’il aura fallu attendre la fin du quinquennat.
    Cette question du calendrier n’est pas neutre, car ce document est à certains égards moins une doctrine qu’un bilan idéalisé du quinquennat d’Emmanuel Macron. On serait bien en peine d’y trouver une direction claire. Certes, la notion d’influence dans le domaine des relations internationales est elle-même difficile à cerner. Elle renvoie généralement à la capacité à faire triompher ses vues par des outils alternatifs, non coercitifs, ne relevant pas des attributs de la puissance telle qu’elle est habituellement définie.
    On ne dissertera pas ici de l’opposition très artificielle opérée entre hard power et soft power. Selon nous, la question de l’influence et de la puissance supporte mal la séparation canonique entre ce qui relève de l’action dite extérieure et ce qui relève de la politique dite intérieure.
    Au début de la pandémie, il est apparu aux yeux du monde que des décennies de néolibéralisme destructeur nous avaient rendus dépendants des importations pour 80 % de nos médicaments et dispositifs médicaux comme les masques. La responsabilité de cette réalité, désastreuse pour notre image, est-elle à chercher du côté de notre diplomatie d’influence ou de décisions prises ailleurs qu’au ministère des affaires étrangères ? Quant à la prétention du Gouvernement à œuvrer pour le climat, qu’en penser alors que la France a été attaquée pour son inaction climatique ? Et que dire quand ce même gouvernement affirme contribuer à la diffusion des droits humains et de la liberté alors que l’État français a été pointé du doigt par l’ONU du fait de la répression qu’il a organisée contre les gilets jaunes ? Que dire encore quand il appelle à préserver les biens communs tout en s’abritant derrière l’Union européenne pour bloquer la levée des brevets sur les vaccins à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ?
    Mais revenons-en à la feuille de route stricto sensu. Pour nous, l’influence repose sur trois éléments : elle suppose de déployer des moyens ; elle dépend de la capacité à parler de sa propre voix ; elle est inséparable de l’image que renvoie la France aux autres peuples.
    S’agissant des moyens, nous voyons bien que le bilan dressé dans la feuille de route s’apparente à un miracle, eu égard au sort réservé depuis trente ans au ministère des affaires étrangères : des effectifs diminués de 53 %, des biens immobiliers essentiels à la représentation de la France vendus à l’encan ! Les régions les plus sévèrement touchées ont été l’Afrique et l’océan Indien. Le ministre Le Drian s’est vanté d’avoir stoppé l’hémorragie : c’est oublier que le budget pour 2022 n’atteint même pas le niveau de celui de 2017.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Mais si !

    M. Jean-Hugues Ratenon

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    Dans ces conditions, force est de constater que l’influence de la France doit davantage à l’héritage de l’histoire et au poids toujours réel de la francophonie, laquelle appelle une politique davantage tournée vers les peuples, qu’à l’action de ce gouvernement.
    Prenons ensuite la capacité à parler de sa propre voix : la feuille de route affirme que « l’horizon de notre diplomatie est fondamentalement européen ». On retrouve ici la prétention à faire prospérer de dangereuses chimères telles que la souveraineté européenne. Il aurait pu être ajouté « fondamentalement atlantiste », puisque l’Union européenne l’est structurellement. Grave erreur, car l’efficacité diplomatique suppose unité de vues et de décisions, conditions qu’à l’évidence, l’Union européenne ne remplit pas : elle est traversée d’intérêts et de visions du monde contradictoires, ce qui la condamne à l’impuissance. Qui parmi les pays membres a réellement soutenu la France dans l’affaire de l’alliance AUKUS ? Comment ignorer que les timides initiatives de Macron en matière de désescalade avec la Russie se heurtent à l’alignement des pays de l’Est sur les options étasuniennes ?
    Enfin, nous considérons qu’on ne peut prétendre avoir de l’influence sans emporter l’adhésion des peuples. Or votre feuille de route passe sous silence les signaux envoyés par les peuples africains. L’enlisement militaire, votre façon d’agir selon une géométrie variable qui vous fait adouber certains dictateurs et en condamner d’autres en incluant les populations dans le périmètre des sanctions ne fait qu’encourager une désapprobation populaire de la politique française dans une région essentielle pour notre influence.
    Je regrette que cette feuille de route ne mentionne à aucun moment la nécessité de revoir profondément notre politique en Afrique, exemplaire des impasses actuelles.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq (GDR)

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    Cette feuille de route est jolie, mais elle est totalement vide de sens. Une simple lecture attentive conduit à relever deux éléments qui invalident l’intérêt même de cette démarche : à la toute première page, dans l’avant-propos, figure une citation de M. Le Drian selon laquelle « Il n’y a plus de soft power, il n’y a plus que du hard » ; à la page 63, il est précisé que « l’adaptation du réseau passe aussi par la pleine prise en compte des enjeux économiques » et que « la diplomatie économique est, en effet, l’un des piliers de la politique diplomatique française. ».
    Entrons davantage dans le détail de ce document : les lignes de force qu’il énumère renvoient à une hypocrisie absolue.
    La première porte sur la défense d’un « nouvel humanisme ». Entre les prisonniers politiques sahraouis ou palestiniens et les travailleurs quasi-esclaves au Qatar que vous refusez de soutenir et les multinationales que vous autorisez à faire ce qu’elles veulent en Afrique, il y a de quoi s’interroger. Votre « nouvel humanisme », c’est ce que nous appelons du néolibéralisme cynique.
    La deuxième ligne de force invoque les droits humains. Lorsque l’on voit les efforts déployés par la diplomatie française pour amoindrir la force du processus EWIPA – Explosive Weapons in Populated Areas – qui vise à limiter l’usage des armes explosives en zones peuplées, on se rend compte à quel point le décalage entre vos ambitions et la réalité du terrain est inquiétant.
    Il en va de même pour la défense de la laïcité, page 39. Je me suis demandé si cela avait à voir avec votre soutien sans faille aux théocraties du Golfe qui financent le djihadisme ou bien avec la mise en place de partenariats privilégiés d’HEC au Qatar ou de Sorbonne Université à Abu Dhabi. Les vrais défenseurs de la laïcité apprécieront !
    Après les lignes de force, viennent les priorités stratégiques. Là encore, nous n’en sommes plus à une contradiction près. La première est « la langue française au service du plurilinguisme ». On a du mal à croire que la bataille de la francophonie puisse être encore livrée, compte tenu des noms choisis pour certaines initiatives diplomatiques : One Planet Summit, Choose France, French Tech, Team France Invest et j’en passe.
    À la page 58, on apprend aussi que l’influence française passe par un partenariat noué avec les Émirats arabes unis autour de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH). Pardonnez-moi, mais en lisant cela, j’ai failli m’étouffer ! Comment le vendeur d’armes et le canonnier peuvent-ils faire croire qu’ils se préoccupent du patrimoine au Yémen, entre autres, alors qu’ils contribuent à détruire, affamer et assoiffer cet État et son peuple depuis près de six ans ? Un tel cynisme dépasse l’entendement !
    La seule boussole de la diplomatie française, c’est son portefeuille. Vous bâclez la définition des vrais enjeux et vous occultez les vrais besoins. Rien n’est dit des piliers sur lesquels doit reposer l’influence de notre pays, piliers que les députés communistes ont défendus depuis le début de la législature – cela fait cinq ans, monsieur le ministre, que vous m’entendez les rappeler.
    Il s’agit d’assurer le respect absolu du droit international, de mettre fin aux accords économiques dévastateurs pour les pays du Sud, d’utiliser l’influence française pour contribuer à réformer et démocratiser les Nations unies, notamment en favorisant les États africains, d’accroître notre réelle influence culturelle, artistique, scientifique, éducative autour du développement de coopérations sincères – notre pays a joué ce rôle par le passé et c’est sans doute ainsi qu’il a gagné la plus grande influence dans le monde. Il s’agit aussi – combien de fois ne l’a-t-on pas répété dans cet hémicycle – de lever les brevets sur les vaccins contre le covid afin que la France participe à l’amélioration de la santé mondiale, d’orienter l’aide publique au développement vers la construction de services fiscaux, base de la souveraineté étatique et outil indispensable pour permettre à chaque pays du Sud de lutter contre les flux financiers illicites, l’évasion fiscale, et faire en sorte que les entreprises multinationales paient leurs impôts à leur juste valeur afin de nourrir le développement économique.
    Le programme électoral que défend Fabien Roussel promeut une véritable influence, destinée à faire vivre la liberté et les droits humains, et non pas à laisser prospérer notre complexe industrialo-militaire – auquel nous pourrions confier d’autres productions utiles à notre pays – au détriment de la crédibilité de nos diplomates en poste à l’étranger. Ces derniers ont joué un rôle extraordinaire à l’occasion de nombreux moments critiques, notamment pendant la pandémie, et je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir leur transmettre, ainsi qu’à tous vos services, les salutations du groupe communiste.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Rodrigue Kokouendo.

    M. Rodrigue Kokouendo (LaREM)

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    Je tiens tout d’abord à dire que je regrette profondément que certains discours prononcés ici exaltent les ennemis de la France, d’autant qu’ils ne manqueront pas d’être applaudis à l’étranger et de tourner en boucle sur les réseaux sociaux. N’oublions pas que nous sommes là pour défendre la politique de notre pays et son honneur.
    Que pensez-vous, mes chers collègues, des 125 instituts français et 830 Alliances françaises qui ont continué à faire briller nos industries culturelles et créatives, faisant de la France le premier réseau culturel et éducatif au monde ? En coopération avec les 545 lycées français présents dans 138 pays, nous nous sommes employés à projeter l’excellence française au plus près de la jeunesse, et ce malgré la pandémie. Et cet engagement se poursuit, notamment grâce à la proposition de loi visant à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et à créer les instituts régionaux de formation, bientôt en discussion devant la commission des affaires étrangères.
    La loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a, quant à elle, donné un nouvel élan à notre politique de développement solidaire.
    L’influence de la France passe aussi par son attractivité économique. Rappelons qu’elle se place au premier rang en Europe pour l’accueil des investissements directs étrangers.
    Toutefois, notre pays, qui dispose d’une des diplomaties les plus anciennes au monde, doit transformer radicalement ses pratiques pour s’adapter aux évolutions du monde moderne. Il importe que la diplomatie d’influence, après avoir longtemps privilégié l’aspect économique des relations internationales, interagisse avec une multitude d’acteurs pour atteindre des objectifs de court, moyen et long terme.
    Cependant, la diplomatie n’est plus uniquement un dialogue d’État à État : elle vise également les acteurs non étatiques que sont partis politiques, faiseurs d’opinion, milieu intellectuel, décideurs économiques, diasporas. Il nous faut donc une parfaite maîtrise du champ du numérique, sans équivalent actuel en matière d’interactions humaines et professionnelles. Cet effort d’appropriation des outils numériques garantit la pérennité de notre dispositif d’influence : mieux informer et lutter contre la désinformation, telle doit être l’épine dorsale de notre diplomatie.
    Alors que dans un monde en perpétuel changement, les États n’ont d’autre choix que de repenser leur stratégie, la nouvelle feuille de route de l’influence de la diplomatie française, présentée le 14 décembre par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, prend acte du caractère essentiel des batailles d’influence que suscite l’émergence d’enjeux inédits. Dans ses trois dimensions – méthode, lignes de force, priorités stratégiques –, elle contribuera, pour citer le ministre, à « faire vivre au présent le modèle français et européen et à lui donner un rôle dans la construction du nouvel humanisme dont le XXIe siècle a besoin ». Sur le plan des valeurs et des idées, elle appelle en effet à défendre ce à quoi nous tenons le plus. La brutalisation du monde relègue au second plan discussions et compromis : ce phénomène est inacceptable. La démocratie constitue un bien commun qu’il faut préserver partout.
    Reste à définir les principaux objectifs de cette diplomatie d’influence. Le premier doit être l’humanisme, c’est-à-dire la prise en compte de la diversité au service de tous : ainsi, c’est une diplomatie résolument féministe que nous conduisons depuis le début du quinquennat. La lutte contre le dérèglement climatique constitue également un objectif majeur. Le One Planet Summit lancé à Paris en décembre 2017 est un bon exemple de notre capacité à faire émerger des solutions concrètes, en mobilisant des énergies nouvelles, dans notre intérêt commun : la préservation de la biodiversité et en dernier lieu de l’humanité. Le fait d’être présent partout dans le monde représente un atout pour notre pays, qui peut ainsi saisir la diversité, s’en nourrir, enrichir ses relations avec ses partenaires, s’adresser à leur jeunesse afin de changer le regard que l’Afrique, en particulier, porte sur la France et la France sur l’Afrique : c’est là l’un des enjeux de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
    Il convient en outre que l’affirmation de l’identité européenne joue un rôle important au sein de la feuille de route : la diplomatie d’influence nécessite de développer nos coopérations dans les domaines de la culture, de l’enseignement ou encore de la recherche. Aussi le multilatéralisme est-il indispensable. Les grands défis mondiaux ne seront relevés que grâce à une coopération internationale suivie et efficace ; c’est pourquoi la France doit s’imposer comme inspirant les organisations internationales. Il ne faut pas négliger pour autant la diplomatie économique, mais au contraire fédérer les acteurs publics et privés qui interviennent à l’échelle internationale en faveur du développement, afin de susciter des occasions et de valoriser l’offre française, comme le fait Business France.
    En guise de conclusion, je rappellerai ces propos du ministre à l’Assemblée nationale, le 17 février 2021 : « Dans un monde comme le nôtre, en état d’urgence écologique, sociale et désormais pandémique, la solidarité est un impératif d’efficacité en même temps qu’une exigence d’humanité et de justice. Enracinée dans nos valeurs, elle est aussi dictée par nos intérêts bien compris. » Je forme le vœu que ces considérations fondent l’ambition de notre diplomatie d’influence. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Herbillon.

    M. Michel Herbillon (LR)

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    Le 14 décembre, monsieur le ministre, vous présentiez, à l’occasion de la réunion annuelle des conseillers culturels, la feuille de route de l’influence de la diplomatie française : j’étais présent.
    Cet état des lieux de nos leviers d’influence dans le monde, assorti du plan d’action à suivre durant les prochaines années, était attendu. Même s’il est regrettable que nous ayons dû patienter jusqu’à la fin du quinquennat pour découvrir votre doctrine consolidée en matière d’influence, je veux avant tout saluer la qualité du travail que vous-même et vos équipes avez réalisé (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens), d’autant que nous en partageons le constat comme les objectifs. Il y a plus de trois ans, je vous remettais les conclusions et les 110 propositions de la mission d’information de la commission des affaires étrangères consacrée à notre stratégie en matière de diplomatie culturelle et d’influence pour les dix prochaines années, afin qu’elle devienne un puissant instrument de notre politique étrangère. Depuis l’importance géopolitique de l’espace francophone jusqu’au principe d’exception culturelle, en passant par l’Europe de la culture et des savoirs, cela fait longtemps que culture, au sens large, et diplomatie s’entrelacent.
    Je le répète, la culture, l’enseignement du français à l’étranger, la francophonie doivent être au cœur de notre action diplomatique. N’en déplaise à ceux qui pensent qu’il n’y a pas de culture française, notre image à l’étranger demeure positive ; nous existons dans le regard de nombreux pays. La France se perçoit, elle est perçue comme une nation de culture, un grand pays en matière de cinéma, de gastronomie, de mode, d’industries du luxe, mais aussi de débat d’idées et d’œuvres de l’esprit. Notre influence dépendra de notre capacité à répondre à la curiosité, aux attentes que suscite la France, et surtout à les entretenir, car les temps changent. Notre pays ne peut plus, ne doit plus se reposer sur ses lauriers, se contenter d’une rente de situation. La compétition mondiale de plus en plus vive lui impose de faire partager ses idées, ses œuvres culturelles, sa vision du monde, ses concepts, sa langue, y compris dans l’intérêt de son économie : exportations, attractivité touristique. Nous devons recourir fortement à l’outil de l’influence culturelle afin de créer les conditions d’un rapprochement profond, à long terme, avec les autres pays, et de tisser des liens qui pourront se révéler décisifs. En effet, si le travail des chancelleries permet d’avoir des alliés, la diplomatie culturelle permet de se faire des amis.
    Cette feuille de route trace un chemin, indique une direction, mais il ne s’agit là que de la première étape d’un long processus. Ce qu’il faut désormais, c’est l’appliquer, porter les moyens à la hauteur de nos ambitions, cesser de faire de la culture – de la culture seule – une variable d’ajustement. Au fil des années, un fossé s’est creusé entre des ambitions toujours plus grandes, toujours plus nombreuses, et des moyens financiers et humains éparpillés, souvent insuffisants. Monsieur le ministre, nous soutenons évidemment votre intention, à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, de progresser sur ce point ; je regrette seulement que l’élection présidentielle tombe en plein durant le semestre que durera cette présidence, qui sera immanquablement perturbée par nos échéances démocratiques, et donc amputée.
    Le temps vous étant compté, nous vous jugerons sur vos actes ; car en matière de diplomatie, hélas, nous avons pris depuis cinq ans l’habitude des grandes annonces présidentielles, des belles opérations de communication, d’un luxe de papier glacé auquel les résultats ne répondaient pas toujours. Il convient d’ailleurs de rendre hommage au travail et aux efforts des diplomates, de tous les agents de votre ministère, que je souhaite saluer et remercier, mais aussi à ceux du réseau culturel et d’influence, qui accomplissent tant avec si peu de moyens.
    Monsieur le ministre, c’est un changement complet de nos pratiques qu’il faudrait opérer, en plaçant l’influence au cœur de l’organisation du Quai d’Orsay, afin qu’elle irrigue l’ensemble des décisions. Sans arrogance ni défaitisme, nous devons prendre le sujet à bras-le-corps et montrer que la France est encore capable d’écrire l’histoire, luttant ainsi contre la muséification de notre image, de notre culture. L’influence constitue pour les nations une source de puissance ; rares sont celles qui possèdent une telle capacité de projeter, de communiquer leur vision du monde. Nous, membres du groupe Les Républicains, croyons en la France pour qu’elle soit forte, puissante, ambitieuse sur la scène internationale : une France qui rayonne par sa grandeur et qui n’a pas fini de tenir son rang dans le concert des nations. C’est cette vision que nous continuerons d’avoir ; c’est ce combat que nous continuerons de mener. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et Agir ens.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges.

    M. Jean-Louis Bourlanges (Dem)

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    Présentant en 2017, au nom de la commission des affaires étrangères, le rapport d’information sur la diplomatie d’influence, les rapporteurs – M. Herbillon, qui vient de s’exprimer, et Mme Sylla – y rappelaient que « la diplomatie n’est ni un gadget, ni un moyen de compenser notre puissance déchue, c’est un puissant vecteur de notre politique étrangère ». Ils avaient raison. La feuille de route que vous nous soumettez, monsieur le ministre, appelle en fait deux questions : qu’est-ce qu’une stratégie d’influence et, pour un pays comme la France, qu’est-ce que cette stratégie dans le monde actuel ?
    À la première question, j’apporterai une réponse simple : la diplomatie d’influence, pour un pays donné, c’est le choix de s’affirmer sur la scène internationale par ce qu’il y a de meilleur en lui. Ce n’est pas ce qu’il impose, encore moins ce qu’il détruit, mais ce qu’il crée, ce qu’il produit – des biens, des services, des idées, des œuvres de l’art et de l’esprit. Dans un monde saturé de violences en tous genres, ce n’est pas rien que de vouloir être au monde par la vie, par l’esprit, par la créativité, et non par la mort, l’intimidation…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Les canons !

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    …et le suivisme.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est vrai.

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    La diplomatie d’influence, c’est aussi une certaine idée des formes de l’action politique : une préférence pour l’échange, le dialogue, la coopération ; le refus de la contrainte, de la violence, de la brutalité. Qu’il s’agisse de commerce, d’éducation, de création scientifique, d’échanges artistiques ou des synergies de la recherche, la stratégie d’influence manifeste la supériorité de l’excellence, la force du talent, l’idée que la grandeur d’un pays peut ne pas tenir à ce qu’il domine les autres, mais au fait qu’il éclaire l’avenir et préfigure l’humanité de demain. Vouloir être par l’influence, c’est vouloir donner sa chance à ce qui fait l’essence de l’autorité, terme dérivé en latin du verbe augere : « augmenter, accroître ». C’est là le propre de celui qui se trouve en mesure de changer les choses, que l’on peut suivre parce qu’il est capable d’ouvrir une voie nouvelle.
    La seconde question se rapporte à la France : comment notre pays, puissance moyenne, trop petit pour imposer sa loi, mais rayonnant dans un monde qu’il a fortement contribué à faire advenir, doit-il se situer ? Ce que confirme le document établi par vos services, monsieur le ministre, c’est que la France reste fidèle à sa manière, bien à elle, de mener sa stratégie d’influence. Celle-ci pourrait se résumer en trois principes : l’universalité du message, une action qui se confond avec la promotion des valeurs de liberté et de démocratie, enfin l’aura des créations de l’esprit et de l’art, associée à celle du formidable vecteur d’universalité – là encore – qu’est la langue de Molière et de Voltaire.
    En effet, l’universalité n’aura jamais été si essentielle qu’en ces temps où les grands enjeux – la paix, la prospérité, le climat, pour ne citer qu’eux – sont indivis, où ils concernent des biens communs que nous ne pouvons sauvegarder qu’ensemble, dans un cadre multilatéral. La liberté, les droits fondamentaux, à commencer par ceux des femmes, sont partout battus en brèche : il convient de les défendre, de les promouvoir. Enfin, dans un monde où mon vieil ami, le regretté Pierre Hassner, constatait – pas pour s’en plaindre – le rendement décroissant de la guerre, qui dévaste tout sans servir à rien, nous avons le devoir d’entretenir entre les nations et les peuples des relations fondées sur autre chose que l’hostilité.
    La feuille de route que vous nous proposez entend adapter nos moyens, mais elle veut rester fidèle, sans naïveté, à ce qui fait la contribution spécifique de notre pays à la fabrication du monde de demain, un monde dans lequel il est essentiel que nous puissions nous reconnaître.
    Évoquant le sacrifice des résistants des Glières, Malraux nous disait : « Alors ceux qui nous aimaient encore surent que la France était de retour. » Contrairement à ce que les cyniques à courte vue peuvent penser, c’est par sa fidélité à ce qui nous unit à l’humanité toute entière que nous continuerons à mériter l’estime et le respect des peuples du monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – M.  Michel Herbillon applaudit également.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Du grand Bourlanges !

    M. Michel Herbillon

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    Exactement !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On parle de valeurs, pas de petit commerce !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David (SOC)

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    J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le sujet en commission des affaires étrangères ou en séance, lors de l’examen des crédits budgétaires consacrés à notre action extérieure et à notre diplomatie : l’influence d’un pays comme le nôtre, le fameux soft power, repose sur un cocktail d’ingrédients variés. Je citerai la tradition d’excellence de notre diplomatie, la qualité de notre réseau consulaire, la réputation culturelle de notre pays ou son attractivité touristique. Je citerai également des outils qui me tiennent à cœur, notamment notre audiovisuel extérieur – France 24, Radio France internationale (RFI), Monte Carlo Doualiya, composant France Médias Monde, ou TV5 Monde. Avec des millions de téléspectateurs, d’auditeurs et d’internautes, ces acteurs assurent la diffusion de la culture francophone et le rayonnement de la France et de nos valeurs démocratiques sur les cinq continents.
    Vous m’autoriserez à penser, mes chers collègues, que cette reconnaissance vient saluer également une certaine constance et l’approche multilatérale de nos différents ministres des affaires étrangères – vous, monsieur le ministre, mais aussi vos prédécesseurs –, reconnaissance qui avait culminé avec la réussite de la COP21 à Paris.
    Pour que cette influence française perdure, il faut effectuer les bons choix diplomatiques sur les sujets brûlants qui occupent les unes de la presse, mais également sur des sujets qui suscitent hélas moins d’attention. Je pense à la crise en Ukraine, qui impose que la France, présidente en exercice du Conseil de l’Union européenne, joue pleinement son rôle pour prévenir un embrasement. Je pense évidemment aux tensions dans la zone indo-pacifique, mais également à la situation en Birmanie, qui me tient particulièrement à cœur. Enfin, j’évoquerai bien sûr l’actualité la plus récente et le renvoi inacceptable de notre ambassadeur au Mali, qui en dit long sur l’impasse dans laquelle nous nous trouvons au Sahel.
    La junte malienne a décidé d’expulser notre ambassadeur à Bamako : Joël Meyer a été sommé lundi de quitter le pays sous 72 heures. Les autorités maliennes ont justifié cette décision par de prétendues déclarations « hostiles » de responsables français à leur encontre. Cet épisode vient tristement compléter une série d’incidents contre nos militaires de la force Barkhane, qui font l’objet d’une hostilité croissante des populations civiles. Cela s’est traduit également par les récentes manifestations au Burkina Faso et l’apparition impromptue dans celles-ci de drapeaux russes qui en disent long sur la nouvelle influence de la Russie dans la région, notamment par l’intermédiaire de la société Wagner.
    La semaine dernière, lors des questions d’actualité, j’ai alerté sur la situation en Ukraine et aux frontières orientales de l’Europe. Les troupes russes restent massées à la frontière et la guerre hybride des hackers désorganise l’économie et les services ukrainiens. Depuis 2014 et le déclenchement des velléités séparatistes au Donbass, l’Europe et la France se sont engagées avec constance en faveur de l’apaisement et du cessez-le-feu. Le président Hollande et la chancelière Merkel avaient été en première ligne en février 2015 pour négocier l’accord de Minsk II, qui avait permis un relatif statu quo malgré des épisodes funestes comme la destruction en vol du boeing de la Malaysia Airlines ou diverses reprises des combats.
    Le Président de la République a tenu à ce que le semestre de la présidence française de l’Union européenne percute la période de campagne présidentielle. Il doit désormais assumer ce rôle et réagir avec force. Les menaces de sanctions économiques ou diplomatiques sont manifestement insuffisantes pour ramener le président Poutine à la mesure. Il convient donc d’envoyer des messages clairs sur la détermination de la France et de l’Europe à œuvrer à la désescalade tout en garantissant l’intégrité de l’Ukraine.
    En Birmanie, près d’un an après le coup d’état militaire sur lequel j’avais alerté lors d’une séance de questions d’actualité, le gouvernement d’unité nationale en exil reste menacé et les militaires continuent d’imposer leur ordre par la violence et les atteintes aux droits de l’homme. Pour avoir reçu aujourd’hui même M. Aung Myo Min, ministre des droits humains de ce gouvernement d’unité nationale, dans le cadre des travaux du groupe d’amitié France-Birmanie, je souhaite qu’une réflexion soit engagée rapidement sur la reconnaissance de ce gouvernement d’unité nationale.
    Ces quelques sujets constituent un test grandeur nature pour la crédibilité de l’influence de notre diplomatie. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles sont vos intentions et celles de notre diplomatie sur ces différents dossiers ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Fin décembre, j’ai eu le plaisir de dévoiler à nos conseillers de coopération et d’action culturelle notre nouvelle feuille de route de l’influence, en présence de certains d’entre vous, notamment M. Herbillon, mais d’autres aussi. C’était un moment décisif de la vie de notre réseau. Je m’en félicite et je me réjouis qu’à l’initiative du groupe Agir ensemble, nous puissions poursuivre ce travail de réflexion dans cet hémicycle.
    Je ne vais pas répondre à celles de vos interrogations qui, comme celles exprimées par Alain David il y a un instant, portent sur des sujets d’actualité, d’abord parce que j’ai déjà longuement évoqué ceux-ci lors des questions d’actualité tout à l’heure et dans d’autres réunions, même si j’ai bien noté vos préoccupations, que je partage pour certaines d’entre elles. Je vais me concentrer sur les enjeux de la feuille de route de l’influence, considérant ce débat comme une première étape et un premier aboutissement.
    Je remercie tous ceux qui ont lu – parfois avec minutie, comme M. Lecoq, qui a fait référence à des pages précises – et tous ceux qui veulent bien contribuer à renforcer notre feuille de route ; car ce dont nous parlons aujourd’hui en parlant de l’avenir de notre diplomatie culturelle et d’influence, c’est bien de l’avenir de notre diplomatie elle-même. Elle en est en effet un pilier essentiel, tout autant que notre diplomatie du développement solidaire, dont nous avons débattu ici il y a un an, lors de l’examen du projet de loi, et qui contribue aussi à notre influence. Je trouve qu’on ne le dit pas assez.

    M. Michel Herbillon

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    C’est vrai.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    On ne le dit pas assez, notamment, sur les enjeux européens, la force européenne dans le domaine du développement dont nous sommes les acteurs principaux. Songez que l’Europe représente 60 % de l’aide publique au développement au niveau mondial, si on additionne les actions des différents États et de l’Union européenne. Nous ne mettons pas suffisamment en valeur cette force, ces enjeux qui ne correspondent pas à nos engagements financiers de premier plan.
    Je souhaite faire valoir au cours de la présidence française de l’Union européenne ce que fait l’équipe Europe dans le domaine du développement et indirectement dans le domaine de l’influence, et que l’on puisse se dire : nous sommes une force et nous devons pouvoir bénéficier des retombées diverses, y compris des retombées politiques et de développement. En Afrique, en particulier, l’Europe met beaucoup plus d’argent et de manière beaucoup plus saine, plus sereine et plus déontologique que d’autres, mais elle ne sait pas le dire. Sous la présidence française, nous allons essayer d’agir en ce sens.

    M. Michel Herbillon

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    Bonne idée !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Alors que certains voient encore dans la diplomatie d’influence une espèce de violon d’Ingres pour ambassadeurs en quête de supplément d’âme – j’ai pu constater que ce n’était pas votre perception –, la diplomatie culturelle et d’influence est en réalité un levier de puissance à part entière.
    C’est d’abord un levier de puissance de la vie internationale au sens où elle donne de la profondeur aux liens politiques que nous tissons avec nos partenaires. Dans certains cas, il est même frappant de voir qu’elle précède la constitution de liens politiques et qu’elle subsiste jusque dans les moments où ceux-ci ne sont plus tenables.
    Nous pouvons le constater en Afghanistan, où nous étions présents avant même de reconnaître ce pays et d’entretenir des relations diplomatiques avec lui, grâce aux archéologues français dépêchés sur place il y a un siècle. Aujourd’hui, nous accueillons sur notre sol les archéologues afghans que des générations d’archéologues français ont formés au cours de ces années. Cela montre bien ce que la diplomatie d’influence représente comme levier de puissance.
    Notre diplomatie d’influence est également un levier de puissance dans la compétition économique mondiale, au sens où elle sert l’attractivité touristique. Elle sert aussi la projection à l’international de nos industries culturelles et créatives, qui représentent plus d’un million d’emplois en France, font partie des secteurs les plus dynamiques à l’export et ont un rôle majeur à jouer pour aider à la relance internationale des filières culturelles françaises et francophones. Je pense à la coopération avec l’Inde dans le domaine du cinéma ; je pense aux séries françaises et à la consécration de Dix pour cent aux Emmy Awards de novembre dernier ; je pense au Gaming Summit Indonesia du 2 novembre 2021, première rencontre professionnelle franco-indonésienne pour les jeux vidéo en ligne. Tout cela permet à la fois de l’échange, de la compréhension, de l’influence, mais aussi de l’activité économique sur notre propre territoire.
    Surtout, la diplomatie culturelle et d’influence est un levier de puissance dans les nouvelles batailles de modèles et de valeurs, au sens où elle nous donne des outils concrets pour construire, avec nos partenaires du monde entier, une réponse humaniste aux grands défis environnementaux, technologiques et géopolitiques du XXIe siècle. Je ne pourrais pas mieux dire que ce qu’a dit tout à l’heure le président Bourlanges, n’ayant pas son talent oratoire, sur le fait que la diplomatie d’influence doit contribuer à la fabrication d’un modèle fondé sur l’échange.
    J’ajoute, puisque beaucoup d’entre vous ont évoqué le soft power et le hard power, ce que j’ai déjà dit à plusieurs reprises : à mon sens, cette distinction n’a plus beaucoup de sens aujourd’hui. Nous vivons dans un monde où la brutalisation et la déstabilisation se déploient de plus en plus en suivant les voies de l’hybridité stratégique et opérationnelle ; où des manipulations de l’information en ligne ont servi récemment à orchestrer des manifestations hostiles à notre pays et à ses intérêts ; un monde où les ruines de la cité antique de Palmyre ont servi aux mises en scène macabres de Daech avant de subir leur folie destructrice ; un monde où alors que les mercenaires de la société Wagner prenaient pied en Centrafrique, un long métrage à grand spectacle diffusé dans un stade de Bangui glorifiait cet engagement ; un monde où des séries télévisées pseudo-historiques initiées par la Turquie et le régime que représente M. Erdogan accompagnent le déploiement de stratégies révisionnistes qui déstabilisent des régions entières ; un monde où certaines puissances investissent massivement dans des universités étrangères pour y faire taire toute forme de critique à leur encontre.
    Il est donc clair à mes yeux que le soft power dans un tel monde est souvent du hard power qui ne dit pas son nom – M. Christophe Naegelen l’a rappelé tout à l’heure –, dans la mesure où aucun domaine n’échappe désormais à la compétition stratégique. Pour le dire autrement, le champ de l’influence constitue un nouvel espace contesté, au même titre que les océans ou le domaine spatial : dans cet espace de rivalité, nos compétiteurs sont prêts à engager des moyens considérables pour prendre le dessus – à titre d’illustration, je vous rappelle que, depuis 2017, l’agence de presse chinoise Xinhua a ouvert pas moins de vingt bureaux en Afrique ! Nous ne pouvons être exclus de cet espace d’importance stratégique, sous peine de devoir renoncer à peser dans la mondialisation. C’est pourquoi, dès 2017, j’ai fait du renforcement de notre outil d’influence une priorité de l’action de mon ministère.
    Une priorité budgétaire d’abord : je vous remercie de m’avoir soutenu dans ce combat jusqu’au projet de loi de finances pour 2022 qui consacre, après la stabilisation des dernières années, une augmentation significative des moyens alloués à notre réseau culturel et de coopération – même je ne suis pas d’accord avec certains des propos tenus par M. Jean-Hugues Ratenon, je le remercie d’avoir rappelé que j’avais mis fin à l’hémorragie des ressources humaines au Quai d’Orsay.
    Une priorité face à la crise sanitaire, ensuite : nous avons mobilisé énormément de moyens pour garantir la poursuite de l’activité du réseau scolaire français à l’étranger. Nous avons été l’un des seuls pays à le faire parce que nous disposons du premier réseau scolaire au monde et que des engagements financiers très significatifs ont été pris pour le maintenir.

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    C’est vrai.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Une priorité de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, enfin, qui permettra à la France, en raison de ses responsabilités, de donner les impulsions nécessaires en la matière. C’est dans ce cadre que j’ai ouvert hier au Louvre – je pourrais, monsieur Lecoq, vous donner des explications si ce n’est pas clair –, aux côtés de la ministre de la culture, la deuxième conférence des donateurs de l’ALIPH. L’objectif est de réhabiliter des sites qui ont été détruits par des attentats – tels que celui de Mossoul –, grâce aux financements que nous collectons. Cette initiative française menée par le Quai d’Orsay, que j’assume complètement, vise à permettre aux habitants de ces régions de retrouver leurs repères, leur histoire et leur culture : cette tâche est noble.
    Notre outil d’influence doit constituer également une priorité de longue durée pour le Quai d’Orsay : c’est tout le sens de la feuille de route de l’influence que vous avez évoquée les uns et les autres. Elle s’appuie sur une série de constats, qui font ressortir les atouts et les défis du dispositif d’influence français et qui appellent une modernisation de nos méthodes. La France occupe une place singulière et reconnue dans la géopolitique mondiale de l’influence – plusieurs d’entre vous l’ont souligné –, et nous devons moderniser notre action.
    Même si ce travail est engagé depuis 2017, nous devrons, dans les années à venir, faire émerger les prochaines générations de francophiles en allant au-devant de nouveaux publics et en projetant l’excellence universitaire française dans les pays d’Afrique – j’ai souhaité donner cette impulsion –, notamment au Sénégal avec le campus universitaire franco-sénégalais, en Côte d’Ivoire avec le hub franco-ivoirien ou encore à Maurice où des dispositifs proches sont déployés. Nous devons projeter l’excellence française en Afrique non seulement pour accroître notre attractivité vis-à-vis des jeunes africains mais également pour faire en sorte que la formation s’adresse aux Européens qui étudieraient au sein de l’université franco-sénégalaise que nous avons créée. Une initiative en ce sens est souhaitable.
    Dans le même ordre d’idées, il nous faut repenser nos pratiques en profondeur, comme nous l’avons fait en lançant il y a quelques mois une villa française d’un genre nouveau : la villa Albertine qui – si vous m’autorisez une métaphore en ces temps de covid-19 – a complètement déconfiné le concept même de résidence, en se projetant sur l’ensemble du territoire des États-Unis à partir de dix lieux différents, dans une logique « hors les murs » qui conduit nos artistes et nos intellectuels au cœur de la société américaine.
    Nous devons aussi tirer tous les enseignements de la crise pandémique et enrichir notre offre numérique, tant dans les domaines culturel qu’éducatif. Nous y travaillons, en lien avec l’Institut français de Paris qui est l’opérateur-pivot de notre diplomatie d’influence.
    Pour accroître la force de frappe française sur le terrain, nous devons renforcer l’unité et la coordination de « l’équipe France » de l’influence, en fédérant ses différents acteurs : je pense notamment – je sais qu’Alain David est très sensible à ce sujet – à l’intégration de CFI, l’agence française de développement médias, au groupe France Médias Monde – cette intégration essentielle a été opérée il y a peu de temps – pour donner une force supplémentaire à sa dynamique.
    Enfin, dans un contexte si concurrentiel et si compétitif, l’influence ne s’improvise pas : c’est pourquoi il nous faut, au sein du Quai d’Orsay, améliorer la formation aux métiers de l’influence, aussi bien pour constituer une vraie filière des « diplomates d’influence » que pour faire de ce concept un réflexe pour l’ensemble de nos agents. Ce sera l’une des missions de la nouvelle école diplomatique et consulaire que j’inaugurerai dans quelques semaines et qui permettra de renforcer considérablement les modules de formation initiale et continue destinés à tous les agents du Quai d’Orsay sur les sujets européens et internationaux.
    Au-delà de ces constats et de ces impératifs de méthode, notre feuille de route fixe des orientations stratégiques. Afin d’affirmer l’indispensable présence de la France dans le débat d’idées international, nous devons peser davantage sur la définition des nouvelles normes juridiques grâce à une politique active d’influence par le droit, qui me paraît un enjeu considérable pour les années à venir : le droit devient lui aussi un objet de compétition stratégique voire d’instrumentalisation à des fins politiques. (Mme Anne Genetet applaudit.) Nous devons tirer les dividendes politiques de nos engagements financiers dans les organisations internationales, pour faire valoir le droit et faire en sorte que les normes internationales répondent à notre conception de l’humanisme et des droits fondamentaux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
    Il faut aussi que nous poursuivions la valorisation de notre expertise culturelle et muséale – j’ai présidé hier matin avec Roselyne Bachelot le comité de suivi du projet d’Al-Ula en Arabie saoudite où devrait s’implanter le centre Pompidou – cette expérience très forte nous donne l’occasion de valoriser notre propre expertise – et, dans le même ordre d’idées, il nous faut soutenir à l’export nos industries culturelles et créatives dont j’ai déjà souligné l’importance.
    Sans revenir en détail sur chacune des orientations de la feuille de route dont vous avez pris connaissance, je voudrais évoquer quelques priorités supplémentaires : d’abord, la mise en place d’un enseignement d’excellence du français au service du plurilinguisme et de la jeunesse passe par le développement de l’enseignement français à l’étranger. Le doublement d’ici à 2030 des effectifs des écoles françaises à l’étranger reste notre objectif malgré la pandémie : après un léger recul des effectifs à la rentrée 2020, le nombre d’élèves accueillis est reparti à la hausse à la rentrée 2021, si bien que, depuis 2017, nous avons gagné 30 000 élèves supplémentaires – malgré la crise sanitaire, je le répète. Treize nouveaux établissements viennent par ailleurs de rejoindre notre réseau, ce qui est très encourageant. Ainsi, 552 établissements accueillent désormais 380 000 élèves répartis dans 138 pays ! La France dispose dans ce domaine du premier réseau mondial, ce dont nous pouvons être fiers.
    J’ai évoqué précédemment l’enseignement supérieur et la recherche scientifique : lors du forum ministériel de l’Indopacifique que nous organiserons le 22 février prochain dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, nous aurons l’occasion d’accroître notre action dans ce domaine et dans cette zone géographique.
    Un mot, enfin, sur la question cruciale de l’information qui est l’enjeu de batailles très intenses. Nous ne défendons pas, dans celles-ci, ce qui serait une ligne officielle de la France, comme le font certaines puissances qui s’appuient sur des organes de propagande au mépris de la liberté de la presse et de l’indépendance des journalistes, qui doivent être au cœur de tout État de droit, mais des principes et des exigences : la fiabilité d’une information dûment vérifiée et le pluralisme des médias. Dans cette perspective, l’audiovisuel extérieur revêt une dimension stratégique. C’est pourquoi, à ma demande, France Médias Monde renforcera son offre dans la zone arabophone et en langues africaines, car l’audience élevée des médias français montre que cette formule répond à un besoin dans le paysage international.
    C’est pourquoi nous sommes engagés dans le partenariat « information et démocratie » pour mettre les outils du nouveau multilatéralisme au service du combat contre les manipulations de l’information – M. Rodrigue Kokouendo l’a rappelé. M. Sébastien Nadot, qui n’est plus présent, aurait pu bénéficier des propos de son collègue, mais peut-être s’est-il égaré puisque le sujet de son intervention portait sur l’égarement. Nous agissons aussi en faveur de la formation des journalistes, à travers des projets engagés par CFI, et nous soutenons les médias indépendants, par exemple ceux qui sont menacés par le pouvoir biélorusse. C’est dans le même état d’esprit que nous avons exfiltré de Kaboul et accueilli en France des journalistes afghans en danger.
    Avant de conclure, je veux rendre hommage à celles et ceux qui font vivre le réseau culturel et d’influence français au quotidien et à qui il revient désormais de faire vivre au plus près des réalités et des opportunités de terrain notre nouvelle feuille de route : les conseillers d’action culturelle et de coopération ; les équipes des 830 alliances françaises à travers le monde ; les équipes des 125 instituts français pour lesquels je connais votre attachement, comme vous l’avez démontré en insérant dans la proposition de loi modifiant la loi organique relative aux lois de finances une disposition qui sécurise juridiquement ces instituts en leur qualité d’établissements à autonomie financière – mes prédécesseurs et moi-même nous sommes battus depuis très longtemps à ce sujet et cet amendement parlementaire a permis d’avancer en ce sens ; les professeurs et l’ensemble des personnels de l’enseignement français à l’étranger exerçant au sein de 552 établissements ; les 4 millions de Français à l’étranger, enfin, qui constituent aussi des ambassadeurs et qui relaient l’influence française, comme l’a rappelé M. M’jid El Guerrab.
    Ils ont tous fait preuve durant la crise pandémique d’un grand sens du service public et d’une inventivité admirable, grâce auxquels nous avons pu maintenir les liens inestimables qui nous unissent aux publics de nos établissements culturels et éducatifs. Ensemble, je veux que nous les remerciions de porter si haut une certaine idée de la culture, généreuse, ouverte, brillante et vibrante qui fait honneur à notre pays et qui nous permet d’être en première ligne dans les nouvelles batailles de l’influence. Je veux également vous remercier, mesdames et messieurs les députés, pour votre rôle dans la diplomatie culturelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem et Agir ens.)

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
    La parole est à M. M’jid El Guerrab.

    M. M’jid El Guerrab (Agir ens)

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    Le 5 janvier dernier, la commission des affaires étrangères a adopté l’avis relatif au projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) pour la période 2021-2023, présenté par notre collègue Frédéric Petit. Articulé autour de dix objectifs stratégiques, le COM est mis au service de la croissance d’un réseau qui est l’un des fleurons de la diplomatie culturelle de la France et l’un de ses principaux atouts en matière d’influence, et qui se trouve donc au cœur de la feuille de route de l’influence.
    Ainsi, entre 2010 et 2020, le nombre d’élèves – vous l’avez rappelé – a augmenté de plus de 30 % et le nombre d’établissements a progressé de 470 à 535. On dénombre actuellement 552 établissements homologués par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, dont 68 établissements en gestion directe, 163 établissements conventionnés et 321 établissements partenaires, qui scolarisent au total 375 000 élèves.
    Dans son discours du 20 mars 2018 à l’Institut de France, consacré à l’ambition pour la langue française et le plurilinguisme, le Président de la République a annoncé l’objectif de doubler les effectifs de l’enseignement français à l’étranger, c’est-à-dire d’accueillir 700 000 élèves d’ici à 2030. Cette ambition pose inévitablement la question du financement des nouveaux projets immobiliers, qui ne doit pas reposer sur les seuls parents d’élèves. Or l’AEFE ne peut recourir qu’aux avances de courte durée de l’Agence France Trésor. Aussi, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur les possibilités offertes à l’AEFE et à notre beau réseau de faire appel à des financements innovants, au mécénat ou à tout autre financement privé, afin que cette institution inscrive sa gouvernance et, plus largement, la francophonie, dans un cadre de gestion moderne et concurrentiel.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Ayant déjà évoqué cette question dans mon propos liminaire, je ne reviendrai pas sur la progression significative de l’enseignement du français à l’étranger. Les engagements que le Président de la République a pris dans son discours à l’Institut de France sont maintenus, l’objectif étant de doubler le nombre d’élèves à l’horizon de 2030. Le démarrage ayant toutefois été compliqué par la pandémie, nous n’avons pu accueillir que 30 000 élèves supplémentaires – progression qui reste néanmoins significative.
    Cette évolution indispensable nécessite plusieurs conditions, que nous voulons réunir de manière vigoureuse.
    Tout d’abord, il faut soutenir la formation des enseignants. Aussi entendons-nous créer des instituts régionaux de formation, en application de la proposition de loi de la sénatrice Samantha Cazebonne, visant à faire évoluer la gouvernance de l’AEFE ; ils contribueront à renforcer les capacités de formation des enseignants.
    Ensuite, les projets immobiliers doivent s’appuyer sur un dispositif financier offrant des garanties et permettant de contracter des emprunts lorsque des bâtiments neufs doivent être construits. Un nouveau mécanisme a été adopté en ce sens dans le cadre de la loi de finances pour 2021 : l’objectif est de sécuriser le mécanisme sur le plan juridique et de le moderniser, en octroyant une garantie d’État directement aux projets immobiliers. Cela devrait permettre de réunir les moyens financiers nécessaires pour accompagner les acteurs souhaitant lancer un projet immobilier. Par ailleurs, nous avons rendu plus agile l’appréciation des normes minimales à l’aune desquelles un établissement est reconnu par le dispositif français. Cette évolution non négligeable permettra d’agir positivement.
    Enfin, nous avons mobilisé les ambassadeurs et l’ensemble de nos services pour recruter de nouveaux élèves, dont je précise qu’ils ne sont pas uniquement français. La force de notre réseau est d’accueillir non seulement les enfants de nos ressortissants, mais aussi des jeunes d’autres nationalités. La nouvelle dynamique que nous avons lancée doit être renforcée.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen (UDI-I)

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    Si notre diplomatie est politique, culturelle et militaire, elle est aussi économique. Elle est certes une affaire de réseau et de rayonnement, mais elle est aussi qualifiée par des objectifs, des chiffres et des résultats. Au début du quinquennat a été fixé l’objectif de 200 000 entreprises exportatrices, qui semblait atteignable : l’Allemagne en possède 300 000 et l’Italie 220 000. Or nous ne comptons que 140 000 entreprises exportatrices. En outre, la balance commerciale de la France s’est dégradée : le déficit cumulé sur douze mois en 2021 s’élève à 77,6 milliards d’euros, soit 2,6 milliards de plus que le déficit annuel record de 2011. Je prendrai l’exemple de la filière textile, dont on sait combien elle est importante pour les Vosges : forte de 30 000 emplois dans les années 1970, elle n’en compte plus que 3 000, principalement en raison de l’ouverture du marché et de la concurrence de pays à faibles coûts de production. Grâce aux efforts des professionnels et à la qualité de ses produits, elle a toutefois de beaux jours devant elle. Néanmoins, étant insuffisamment accompagnée par l’État dans son développement international, son solde commercial s’est dégradé de 12,7 milliards d’euros entre 2000 et 2018, et ses exportations ont stagné.
    Comme de nombreux autres secteurs – je ne pourrai tous les citer –, le textile emporte des enjeux de souveraineté, condition essentielle d’une diplomatie crédible et d’un État influent. Monsieur le ministre, l’objectif de 200 000 entreprises exportatrices d’ici à la fin du quinquennat est-il maintenu ? Quelle politique voulez-vous mener pour accompagner davantage les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) exportatrices afin de redresser notre balance commerciale, sans se concentrer uniquement sur les grands groupes ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Il me sera difficile de répondre en deux minutes à cette question majeure. Certes, notre déficit commercial sur les biens s’accroît – vous l’avez rappelé –, mais il faut préciser que nous traversons une période de redémarrage de la demande intérieure et, par conséquent, des importations. En outre, l’aéronautique, qui était un secteur phare à l’export, est très affectée par la crise. Nous pâtissons de surcroît du renchérissement des matières premières, notamment énergétiques. Si le déficit commercial s’est accru au moment de la reprise, rappelons qu’il s’était creusé considérablement en 2017, du fait de la baisse de compétitivité et de la désindustrialisation du pays, et que nous l’avons redressé jusqu’en 2019, moment auquel la crise a éclaté, entraînant les difficultés que vous connaissez.
    Dès 2018, j’ai actionné les leviers essentiels pour que les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) développent leur activité exportatrice. Jusqu’alors, on avait trop souvent considéré que seuls les très grands groupes pouvaient jouer un rôle à l’export – tel n’est pas notre avis. Aussi avons-nous pris des mesures permettant aux régions de jouer tout leur rôle auprès de Business France pour lancer une dynamique positive d’exportation – c’est ce qu’on appelle la Team France Export, qui a déjà produit des résultats : le nombre d’entreprises exportatrices n’a jamais été aussi élevé ; il est passé de 120 000 en 2017 à 136 000 en 2021, pendant la crise pandémique. Ce mouvement se poursuit grâce à la dynamique nouvelle que nous avons instaurée avec les régions.
    Par ailleurs, la France est devenue le pays d’Europe le plus attractif pour les investissements directs étrangers. Son attractivité économique s’est renforcée chaque année depuis trois ans. Il reste néanmoins des efforts à accomplir, notamment pour que les PME et les ETI prennent conscience de leur capacité à exporter : il faut développer la culture de l’exportation, qui reste insuffisante en France.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert (LT)

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    Ma question porte sur la Caraïbe, en particulier sur l’île de Cuba, qui commémorera dans deux jours les soixante ans de l’embargo qu’elle subit de la part des États-Unis, et que l’administration du président Trump a aggravé avec pas moins de 243 mesures – soit une mesure tous les trois jours. J’ai une pensée particulière pour le peuple de Cuba, qui souffre.
    Cuba, c’est aussi un pays qui avance, notamment dans le domaine médical : il a développé plusieurs vaccins contre le covid – Abdala, Soberana et le fameux Mambisa qui sera bientôt disponible et qui pourra être dispensé par voie nasale.
    Cuba, c’est aussi un pays solide en matière de droits – en témoignent sa récente réforme constitutionnelle et sa forte protection de l’environnement. À mon initiative, en tant que président du groupe d’amitié France-Cuba, un colloque s’est tenu hier à l’Assemblée nationale, rassemblant des Français et des Cubains de très haut niveau, pour lancer une coopération dans le droit de l’environnement. Nous avons lancé l’initiative d’une loi modèle pour la protection de l’environnement dans la Grande Caraïbe, qui sera reprise par l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires dans la Caraïbe (OHADAC). Cette loi modèle doit être coconstruite avec les pays hispanophones – notamment Cuba –, anglophones et francophones pour répondre fidèlement aux aspirations de tous les pays de la Grande Caraïbe. Comme vous l’avez dit il y a quelques instants, monsieur le ministre, la diplomatie doit se saisir de toutes les pistes d’évolution qu’offre le droit. Or, qu’y a-t-il de plus important pour l’humanité que de hisser tous les pays au même niveau en matière de protection de l’environnement face aux risques que nous font encourir des modèles économiques capitalistiques faisant fi des particularités et des fragilités locales de certains territoires ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je ne sais pas exactement quelle est la question qui m’est posée…

    M. Pierre Cordier

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    M. Le Drian sait répondre aux questions qu’on ne lui pose pas !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    …mais je vous répondrai au sujet de Cuba, pays auquel j’ai senti que vous portiez un intérêt particulier, monsieur Lambert. Je m’y suis d’ailleurs rendu en tant que ministre des affaires étrangères – il est important de le souligner –, et j’ai eu des échanges approfondis avec les autorités cubaines. La France a noué avec Cuba un partenariat renforcé, qui s’appuie en particulier sur le fonds de contrevaleur franco-cubain, d’un montant de 217 millions d’euros – ce n’est pas négligeable, et cela permet d’agir. Nous entretenons en outre une relation spécifique avec Cuba, puisque l’AFD y a ouvert une mission. Elle devient, de fait, la première banque de développement d’un pays membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à intervenir dans l’île. Elle accompagne Cuba dans sa croissance verte et solidaire, reposant sur une trajectoire bas-carbone.
    Cuba est d’ailleurs un acteur important de l’accord de Paris : en publiant dès septembre 2020 sa nouvelle contribution nationale, le pays s’est placé à l’avant-garde de l’ambition climatique internationale ; il joue un rôle leader dans la région des Caraïbes, que nous accompagnons. Nous voulons en particulier agir en coopération avec Cuba et les pays de la zone caraïbe dans la lutte contre la déforestation. Cela pourrait constituer un projet pour l’Alliance pour la préservation des forêts tropicales et humides, lancée par le Président de la République lors du G7 à Biarritz, qui rassemble trente-deux États, mais aucun des Caraïbes. Nous pourrions donc élargir le champ d’action à cette occasion. Comme vous le savez – vous y avez fait allusion, je crois, à la fin de votre propos –, nous organisons des coalitions avec des pays qui partagent les mêmes objectifs. Dans le domaine climatique singulièrement, nous avons lancé avec le Costa Rica une initiative ambitieuse en matière de biodiversité ; une ouverture à Cuba serait tout à fait opportune.
    Citons un autre domaine de coopération dans la région des Caraïbes : la lutte contre les sargasses, espèce envahissante qui touche non seulement les côtes de la Guadeloupe, mais aussi de l’ensemble des pays de la zone. Nous voulons agir avec détermination dans ce domaine, avec le soutien de l’Union européenne.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

    M. Jean-Hugues Ratenon (FI)

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    Quels que soient nos désaccords sur les orientations de l’action extérieure de la France, nous nous retrouverons certainement pour dire qu’une politique d’influence implique d’avoir les moyens humains et matériels nécessaires. Comme je l’ai déjà observé, le bilan de l’influence française dressé par la feuille de route est miraculeux, sachant que les effectifs du ministère des affaires étrangères ont subi une coupe de 53 % en trente ans, et que son budget pour 2022 n’atteint même pas celui de 2017.
    Vous dites avoir mis fin à l’hémorragie, monsieur le ministre, mais vous n’avez pas su bloquer la destruction programmée du savoir-faire diplomatique qu’implique la réforme voulue par Emmanuel Macron, au prétexte d’ouvrir la haute fonction publique. Cette réforme prévoit la disparition du corps diplomatique. Pour la justifier, on ressort, ici ou là, les images d’Épinal d’une diplomatie prisonnière de vieilles habitudes sclérosées. C’est ignorer qu’en raison même de la multiplicité de ses missions, le Quai d’Orsay est l’une des administrations les plus diversifiées : 52 % de ses agents et 20 % de son encadrement ne sont pas membres du corps diplomatique. L’ouverture prônée est déjà une réalité.
    Bien sûr, il reste des progrès à accomplir. À l’image de toute la haute fonction publique, le recrutement des diplomates manque de diversité sociologique, mais la suppression du corps diplomatique n’améliorera en rien la situation. Les diplomates déplorent une réforme précipitée, qui fait fi des qualités requises pour réussir les concours spécifiques au ministère des affaires étrangères : l’excellence linguistique et la connaissance profonde de certaines zones géographiques. La réforme risque de détruire le métier de diplomate, fruit d’une longue histoire et d’un savoir-faire toujours renouvelé. Comptez-vous convaincre vos collègues du Gouvernement et le Président de la République d’arrêter cette réforme avant qu’il ne soit trop tard ? C’est en tout cas ce que nous ferions si nous arrivions au pouvoir.

    M. Pierre Cordier

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    Ça, c’est une condition !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Vous appelez mon attention sur la réforme du corps diplomatique. À l’automne 2019, j’ai engagé, en faveur de l’ensemble du personnel, une réforme des ressources humaines conduite selon trois principes. Le premier est l’ouverture, afin d’enrichir notre expérience en accueillant les compétences dont nous aurons besoin. Deuxièmement, la formation sera renforcée pour maintenir les savoirs et en acquérir de nouveaux. En effet, la diplomatie est un métier – j’ai déjà évoqué l’école diplomatique et consulaire que j’ai créée. Enfin, il s’agit de dynamiser et de fluidifier les carrières pour offrir à chacun davantage de perspectives d’évolution professionnelle.
    Bien entendu, j’ai veillé à articuler ces priorités avec la réforme de la haute fonction publique souhaitée par le Président de la République. Je lui ai demandé, ainsi qu’au Premier ministre, des garanties, que j’ai obtenues, en vue de préserver les compétences et les métiers des diplomates. Contrairement à ce qui a été annoncé, le concours dit d’Orient est maintenu ; il restera une voie d’accès directe et spécifique au Quai d’Orsay. Ensuite, les agents qui ont rejoint ce dernier en tant que secrétaires des affaires étrangères seront assurés de la revalorisation de leur parcours et de leur carrière, ce qui constituera un rouage essentiel au bon fonctionnement du ministère. Les conseillers des affaires étrangères et les ministres plénipotentiaires qui choisiront de ne pas devenir administrateurs de l’État ne seront pas pénalisés et pourront poursuivre leur carrière dans des conditions au moins comparables à celles qui prévalent aujourd’hui. Enfin, quels que soient leur statut et le concours qu’ils ont passé, les agents qui ont choisi la diplomatie seront assurés de pouvoir poursuivre leur carrière au Quai d’Orsay.
    J’ai donc fait avancer le dossier dans ces quatre domaines. Nous préparons les textes idoines à accompagner la réforme de la haute fonction publique ; ils intégreront très précisément les garanties que j’ai obtenues. Je ne partage pas votre logique, mais vous avez posé une question pertinente, à laquelle j’ai essayé de répondre.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq (GDR)

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    Monsieur le ministre, ma question vous surprendra peut-être, mais je n’en ai pas fait secret. La diplomatie s’évalue aussi selon les relations que les dirigeants politiques entretiennent avec ceux des multinationales, surtout quand on place l’économie au centre de sa politique extérieure. Or ces relations sont parfois très étroites.
    Ma question concerne l’offre d’achat de la multinationale Mediterranean Shipping Company (MSC) au groupe Bolloré Africa Logistics. Bolloré dispose en Afrique d’un empire logistique – ce point n’est plus à démontrer. MSC va racheter Bolloré Africa Logistics, qui détient des milliards d’euros de concessions portuaires et ferroviaires en Afrique de l’Ouest. Comme Bolloré Africa Logistics est surtout un concessionnaire, on est en droit de se demander ce qu’il vend réellement à MSC. En effet, nous savons ce que sont des concessions : dans beaucoup de contrats, la puissance concédante est propriétaire des biens dont elle concède l’exploitation, par exemple un port ou une ligne ferroviaire.
    Ainsi, le contrat relatif à l’exploitation de la ligne ferroviaire reliant Abidjan à Ouagadougou, au Burkina Faso, stipule que le concessionnaire doit gérer et exploiter lui-même le service concédé, conformément à la convention de concession, sous peine de déchéance de celle-ci.
    Bolloré vend-il donc des biens concédés ? Il s’agit d’une multinationale française : dans quelle mesure suivez-vous ces sujets ? Vous pourriez me répondre rapidement que cela relève du droit privé et ne vous regarde donc pas. Certes, mais vous pouvez aussi répondre qu’il s’agit d’une multinationale française, qui exerce une importante responsabilité en Afrique, en matière de logistique ainsi que pour les liens qui nous unissent aux pays concernés. Or les forces vives des pays en question se demandent ce qu’il y a à vendre, parce qu’elles considèrent que leurs États sont propriétaires des biens concernés.
    Il s’agit donc de répondre à des questions. M. Ahoua Don Mello, ancien ministre ivoirien, incite à les poser et affirme qu’il faut se battre pour que ces concessions ne passent pas d’une multinationale à une autre, mais reviennent aux États.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Vous avez quelque peu anticipé ma réponse.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Au bout de cinq ans, je commence à vous connaître !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Moi aussi ! Dans les fonctions que j’occupe, je ne peux pas faire de commentaires sur des négociations entre entreprises privées, encore moins dans le cas que vous évoquez, puisque des procédures judiciaires sont en cours. J’ajoute qu’il s’agit de concessions que des États ont délivrées à des partenaires qu’ils ont choisis en toute souveraineté. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères n’a pas à intervenir dans ce type de négociations.
    Toutefois, votre question concerne aussi l’importance des infrastructures de qualité en Afrique, lesquelles seront le grand sujet de demain.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il est extraordinaire !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Faute d’infrastructures, moins de 15 % des pays africains entretiennent des relations commerciales entre eux ; les projets d’intégration élaborés par la zone de libre-échange continentale africaine, la ZLECAF, dont les États africains ont décidé la réalisation le 1er janvier dernier, ne pourront pas être menés à bien, faute de moyens de commercer à l’intérieur de l’Afrique. Le commerce est possible avec l’extérieur, mais pas à l’intérieur.
    Ce point constitue l’un des enjeux du sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine (UE-UA), qui aura lieu à Bruxelles dans quelques jours. Il s’agit de mobiliser des financements européens pour construire des infrastructures de qualité en Afrique, et répondre ainsi à une demande forte des Africains. Les besoins sont colossaux : la Banque africaine de développement considère qu’il faudrait 170 milliards de dollars par an pour y satisfaire. C’est un enjeu majeur et votre question m’a offert l’occasion d’évoquer ce défi que nous devons relever avec les Africains.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade.

    M. Pieyre-Alexandre Anglade (LaREM)

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    Nos échanges se déroulent dans le contexte de menaces géopolitiques qui donnent à la France et à l’Europe une responsabilité particulière, face à des puissances autoritaires qui remettent en cause le multilatéralisme. Leur responsabilité doit aussi s’exercer en Syrie, en Ukraine et au Sahel, où les défis sont immenses. Je salue le rôle actif de la diplomatie française, qui se trouve au cœur des efforts de désescalade avec la Russie afin d’éviter un conflit armé à nos portes, en Ukraine. Je salue également l’engagement de notre pays et de nos militaires, à la pointe de la lutte contre le terrorisme, au Sahel encore, afin de protéger la France, les Français et les Européens. Dans le moment que nous traversons, il est important de le rappeler.
    Au-delà de ces actions, monsieur le ministre, j’ai la conviction profonde que notre influence dans ce monde incertain dépend aussi de l’action éducative et culturelle. Notre réseau d’enseignement français à l’étranger est un atout majeur pour le rayonnement international de la France. Il s’agit d’un outil indispensable pour promouvoir nos valeurs, à une époque où notre modèle est parfois contesté.
    Depuis le début du quinquennat, nous avons fait du renforcement de ce réseau une priorité politique. L’attribution de moyens supplémentaires lui a permis de résister quand la crise sanitaire est arrivée. Soyons clairs : le plan massif de soutien aux établissements, aux familles et à l’AEFE a permis qu’aucun établissement ne cesse son activité.
    Pour nombre de nos compatriotes établis à l’étranger, notre réseau d’enseignement est essentiel, parce qu’il permet de maintenir le lien avec la France. Il doit également nous aider à faire vivre le modèle français et européen auquel nous sommes attachés ; il peut contribuer à élaborer le nouvel humanisme du XXIe siècle, qui prenne en considération les bouleversements technologiques, climatiques et géopolitiques qui nous frappent.
    Quelles priorités avez-vous définies pour continuer à renforcer ce réseau et doubler les effectifs des lycées français à l’étranger d’ici à 2030 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    J’ai déjà partiellement répondu à vos interrogations lors de mon intervention initiale et d’une de mes précédentes réponses. Comme vous, j’estime que la dimension éducative de la diplomatie est essentielle pour maintenir notre influence. Il faut veiller à la préserver et œuvrer à la renforcer. Depuis 2017, soixante établissements supplémentaires ont vu le jour ; comme je l’ai dit, treize nouveaux établissements ont rejoint le réseau depuis 2021, au Liban, en Côte d’Ivoire, en Tunisie et en Égypte.
    Ce résultat a été possible parce que nous avons simplifié les procédures d’homologation et soutenu l’accélération de projets d’initiative privée, en diminuant les délais et en allégeant les contraintes. Nous avons assoupli les homologations sans rogner sur la qualité, pour éviter de dégrader la situation. Le résultat de cette action est l’augmentation des effectifs. La crise n’a pas eu d’incidence ; au contraire, on observe une dynamique de croissance, et il nous faut agir vigoureusement pour l’entretenir.
    Je le répète, le réseau d’enseignement fonctionne bien, les campagnes d’homologation donnent des résultats, et nous encourageons les initiatives, qu’elles soient publiques ou privées, afin d’accueillir davantage d’étrangers dans nos établissements. Voilà ce qui fait la force de ce réseau, qui contribuera demain à renforcer notre influence.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Fiona Lazaar.

    Mme Fiona Lazaar (LaREM)

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    Le monde va mal. Il connaît la pandémie, bien sûr, mais aussi…

    M. Fabien Di Filippo

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    Un gouvernement incompétent !

    Mme Fiona Lazaar

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    …une escalade de violences et de menaces, qui agite les quatre coins du monde et qui doit nous alarmer et nous mobiliser. La France est un grand pays diplomatique, qui possède de nombreux atouts, construits au fil de l’histoire. Militaires, diplomatiques et culturels, ils garantissent la défense de nos intérêts et du modèle français et européen, dans le contexte incertain et tendu que nous connaissons.
    Alors que nos valeurs de progrès et de liberté, la défense de l’État de droit et le respect des individus sont remis en cause, son histoire, son prestige et sa puissance donnent à la France le devoir de jouer un rôle de premier plan pour défendre et promouvoir ses valeurs.
    À cet égard, l’élaboration de la première feuille de route de l’influence de la diplomatie française me réjouit tout particulièrement. La montée des tensions qui mobilise nos chancelleries ne doit pas nous faire perdre de vue les enjeux essentiels, qui risquent de passer au second plan. Je pense à la lutte contre les inégalités et à la défense des droits fondamentaux, partout dans le monde. À titre d’illustration, au moment où nous pouvons nous réjouir d’importants progrès en matière de droits des femmes dans notre pays, ceux-ci sont plus fragiles que jamais dans le monde. Par endroits même, ils reculent sévèrement ; je pense aux femmes afghanes, aux femmes ouïghoures et aux jeunes filles de tant de pays qui n’ont pas accès à l’éducation ni à la santé.
    Dans ce domaine, je salue l’effort continu de la France, lors de la présidence française du G7 en 2019 et du forum Génération égalité en 2021, avec l’augmentation de l’aide au développement et le lancement du fonds de soutien aux organisations féministes du sud. Il faut persévérer. Quels sont les projets pour renforcer l’agenda en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ?
    En cette période de pandémie qui fragilise les droits les plus fondamentaux, notamment l’accès aux soins, je souhaite vous entendre plus particulièrement sur l’engagement de la France dans le programme Covax, qui vise à permettre un accès à la vaccination contre le covid. Il se situe dans le prolongement de l’initiative française ACT-A, qui a suscité, dès avril 2020, une collaboration mondiale destinée à assurer un accès équitable aux outils de lutte contre la pandémie. Quels résultats avons-nous obtenus, et quelles sont nos ambitions pour les prochaines semaines et les prochains mois ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Le programme Covax est le résultat d’une initiative française. Nous y avons contribué à hauteur de 200 millions d’euros, sur un total de 1 milliard. Ce dispositif vise à acheter et à distribuer des doses de vaccin dans les pays les plus en difficulté. Grâce à Covax, 700 millions de doses ont été distribuées dans le monde entier. C’est donc un vrai succès, que nous ne mettons peut-être pas suffisamment en valeur. Les pays où le dispositif a fonctionné reconnaissent le rôle que la France a joué, grâce à l’initiative que le président Macron a prise dès le début de la pandémie.
    D’autre part, sur la question que vous posez concernant les femmes, nous constatons que les acquis des décennies précédentes sont désormais menacés par une contre-offensive conservatrice, qui cible leurs droits – droit à l’avortement, à la contraception, à l’éducation sexuelle, à l’accès aux soins. Il nous faut donc faire progresser ces droits et nous battre contre l’érosion de principes jusqu’à présent partagés. À court terme, alors que nous présidons l’Union européenne, nous nous efforçons de promouvoir son adhésion à la convention d’Istanbul et nous espérons atteindre cet objectif.
    Nous allons également lancer le débat sur la reconnaissance du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, comme cela a été annoncé par le Président de la République à Strasbourg il y a quelques jours. Nous soutenons aussi l’initiative de la Commission sur les violences de genre, qui vise à doter les États membres des outils nécessaires pour la prévention des violences, la protection des victimes et l’application de sanctions efficaces contre les auteurs. Enfin, comme vous le savez, nous allons essayer d’aboutir à un accord – nous devrions y parvenir – sur la directive sur la transparence salariale entre les femmes et les hommes et sur les quotas dans les conseils d’administration.
    Dernier point, puisque vous avez rappelé l’importance du forum Génération égalité, la France a été à la tête de ce mouvement et continuera à jouer son rôle de leader, y compris dans l’organisation de nouvelles manifestations, en partenariat avec le Mexique qui était à l’initiative, avec nous, de ce grand rassemblement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mansour Kamardine.

    M. Mansour Kamardine (LR)

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    À l’occasion du débat de ce jour sur la feuille de route de l’influence de la diplomatie française, nous ne pouvons que constater une inquiétante contestation de notre action en Afrique subsaharienne, en particulier au Sahel, comme en atteste l’annonce, hier, du renvoi brutal de notre ambassadeur au Mali. Pourtant, dans les dix lignes de force de la feuille de route, l’Afrique subsaharienne est clairement affichée comme une zone de priorité géographique ; la lutte contre les manipulations de l’information est inscrite parmi les six priorités stratégiques.
    Notre amicale influence et l’affirmation de la part d’africanité de la France semblent rencontrer une forte adversité parmi les peuples du Sahel, comme en attestent la situation au Mali et les manifestations antifrançaises, notamment au Niger, sur fond de manipulation des informations. Notre diplomatie semble de plus en plus souvent surprise par la réalité des situations dans les pays amis d’Afrique subsaharienne, et impuissante à anticiper : pouvoir centrafricain se tournant vers le mercenariat, putsch au Mali, putsch en Guinée, putsch au Burkina Faso. Monsieur le ministre, la feuille de route définie en 2019 semble rencontrer de grandes difficultés pour porter ses fruits : prenons donc garde à ce qu’elle ne se transforme pas en déroute.
    Afin de recouvrer une crédibilité, d’éviter que notre influence ne s’effondre comme un château de cartes et de susciter de nouveaux sentiments d’amitié avec les peuples, je prends la liberté de vous faire des suggestions. Tout d’abord, il est urgent de porter un soin particulier à la constitution d’équipes dans nos postes diplomatiques à même d’établir une synthèse des situations proche des réalités du terrain. Deuxièmement, il est incontournable que la France se mette au diapason des aspirations des peuples d’Afrique subsaharienne : à cet égard, il semble que les opinions locales au Burkina Faso réclament davantage de pouvoir. Pouvez-vous nous préciser les initiatives susceptibles d’être entreprises pour les soutenir dans leur volonté de recouvrer la maîtrise de leur territoire et de reconstruire l’État ?
    Monsieur le ministre, selon les enseignements de Nelson Mandela et de Kwame Nkrumah, ce qui se fait dans le peuple sans le peuple se fait contre les peuples. Ne faisons pas pour les peuples, mais aidons-les à réaliser les destins qu’ils se donnent : être au diapason des peuples et les accompagner dans la voie qu’ils choisissent, telle doit être notre feuille de route.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    J’ai déjà répondu à trois reprises cet après-midi à des questions sur le Mali – le Premier ministre a également répondu à une question –, mais vous n’étiez peut-être pas là : il ne s’agit pas d’un sujet entre le Mali et la France, mais entre le Mali et ses voisins et entre le Mali et la communauté internationale, car c’est le Mali qui s’isole, avec Wagner, son seul soutien dans la région.
    D’aucuns disent que le fait que le Mali se comporte de cette manière revient à affaiblir la France : non ! C’est un affaiblissement du Mali,…

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    Eh oui !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    …qui s’isole complètement de la communauté internationale. Il n’a personne pour le soutenir. Vous qui connaissez bien l’Afrique, dites-moi qui le soutient aujourd’hui ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Quel chef d’État s’est levé pour dire qu’il soutenait le colonel Goïta ?

    Mme Danielle Brulebois

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    Aucun !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Personne, parce que tous les pays de la zone se sont mobilisés contre deux choses, à commencer par l’absence de processus démocratique.
    Il faudrait tout de même dire publiquement – j’espère que l’ensemble des parlementaires sera d’accord pour le faire – qu’une junte ne saurait, après deux coups d’État, déclarer vouloir rester sept ans au pouvoir sans consultation démocratique : cette junte s’isole, ce n’est pas la France qui perd de l’influence. Ce coup d’État est inacceptable et illégitime. C’est parce que j’ai dit que ce coup d’État était illégitime que la junte a estimé devoir renvoyer notre ambassadeur.
    Par ailleurs, l’Union africaine a repris l’ensemble de ces éléments auprès de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), afin de prendre des mesures de blocus. Ils sont donc seuls, et j’espère qu’ils n’auront pas de soutiens en France. L’influence française signifie que l’on aide les pays qui combattent l’évolution actuelle du Mali. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Cordier.

    M. Pierre Cordier (LR)

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    Je souhaiterais parler de diplomatie économique. Nous avons eu l’occasion de travailler, en 2018, avec un collègue de la majorité, dans le cadre d’un rapport parlementaire étudiant des pistes pour relancer nos exportations. Nous avons auditionné, avec Denis Masséglia, plusieurs chefs d’entreprise, mais également beaucoup de structures – comme Business France ou Expertise France. Nous avons formulé plusieurs propositions dans ce rapport, qui nous a demandé huit mois de travail. Au vu des chiffres que nous connaissons tous ici, force est de constater que les choses ne s’améliorent pas : le déficit commercial atteint près de 80 milliards d’euros, alors que l’excédent de l’Allemagne s’est élevé à 210 milliards d’euros sur les douze derniers mois.
    Les maux de l’économie française sont connus dans ce domaine : les chefs d’entreprise ont beaucoup évoqué à l’époque – mais cela se vérifie encore aujourd’hui – la complexité de nombreuses procédures, notamment pour les petites entreprises, qui, dans nos circonscriptions, veulent exporter mais rencontrent des barrières, souvent administratives et techniques.
    Quel est, monsieur le ministre, votre sentiment sur ce chiffre ? Que pensez-vous des propositions que nous avions avancées dans le cadre de ce rapport transpartisan, qui évitait la politique politicienne – mes conceptions ne présentaient pas de différences avec celles de mon collègue de la majorité ? En particulier, quel est votre avis sur l’échec – un de plus – d’Emmanuel Macron à atteindre 200 000 exportateurs dans notre pays, le chiffre dépassant difficilement les 140 000 ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je partage l’esprit conciliant que vous avez évoqué concernant le rapport que vous avez effectué avec M. Masséglia, mais je regrette que vous ayez adopté une posture polémique à la fin de votre question.

    M. Pierre Cordier

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    Pas du tout, c’était un constat.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Constat pour constat, nous pouvons polémiquer, j’en ai suffisamment l’habitude, mais je n’en ai pas l’intention,…

    M. Pierre Cordier

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    Moi non plus !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    …car ce débat mérite mieux. Tout d’abord, je suis convaincu…

    M. Fabien Di Filippo

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    Quand on n’est pas d’accord, c’est incroyable, il ne le supporte pas !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Est-ce que je peux répondre, même brièvement, ou persistez-vous à perturber le débat ?

    M. Fabien Di Filippo

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    On ne veut pas polémiquer, on veut des réponses factuelles.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    C’est ce que je vais essayer de faire, si vous m’en donnez le temps ! Madame la Présidente, est-ce que je peux répondre ?

    M. Fabien Di Filippo

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    Faites ce que vous voulez !

    Une députée du groupe LaREM

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    Mais laissez le ministre parler !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    C’est à la présidente que je m’adresse.

    Mme la présidente

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    Vous seul avez la parole, monsieur le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Vous souhaitez encore parler ou je peux répondre ?

    M. Fabien Di Filippo

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    Gagnez autant de temps que vous voulez, si vous ne voulez pas répondre !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je ferai trois observations majeures, monsieur Cordier. Tout d’abord, l’attractivité ne se décrète pas, elle se construit dans le temps. La diplomatie économique n’est pas uniquement le commerce extérieur, c’est aussi l’attractivité. Or, depuis trois ans, la France est reconnue comme étant le pays le plus attractif, notamment aux yeux des différents acteurs internationaux qui veulent investir en France : lors de la journée Choose France du 17 janvier dernier, vingt et un projets d’investissements, représentant 4 milliards d’euros, ont été identifiés.
    En matière de commerce extérieur, la France souffre en revanche – vous avez raison de le souligner –, de handicaps. Le premier est celui de la désindustrialisation lente et progressive de la France, comme l’évoque votre rapport, que j’ai lu lorsque vous l’avez produit, puisque nous avons fait quelques réformes allant dans votre sens : des efforts sont en cours en matière de réindustrialisation, ce qui se ressent aussi sur les métiers de l’exportation.
    Deuxièmement, on considérait que seuls les grands groupes avaient la capacité d’exporter et on sous-estimait ou dévalorisait l’action des petites et moyennes entreprises : nous y avons remédié, et il n’y a jamais eu autant d’entreprises exportatrices en France qu’actuellement. C’est dommage que vous ne m’écoutiez pas !

    M. Fabien Di Filippo

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    Mais je vous écoute !

    Mme la présidente

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    Monsieur Di Filippo, n’êtes-vous venu que pour cela ?

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est lui qui m’interpelle !

    M. Bruno Fuchs

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    Vous cherchez le ministre, là !

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est lui qui me cherche !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Cher monsieur, j’ai été député durant quarante-quatre ans…

    M. Fabien Di Filippo

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    Cela se voit !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    …et j’en ai vu d’autres. Je suis quelque peu irrité par votre comportement. Puis-je continuer à répondre à M. Cordier ?

    Mme la présidente

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    C’est exaspérant !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Sortez si vous le souhaitez, puisque vous vous apprêtiez à le faire !

    M. Fabien Di Filippo

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    Le ministre est à côté de ses pompes !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je m’arrête là ! Au revoir, monsieur Cordier.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Fuchs. Le calme était olympien depuis le début de l’après-midi…

    M. Fabien Di Filippo

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    Le ministre prend des députés à partie !

    M. Rodrigue Kokouendo

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    C’est vous qui prenez le ministre à partie !

    Mme la présidente

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    Monsieur Di Filippo, si vous n’avez rien d’autre à ne rien dire, vous pouvez quitter cet hémicycle. Seul M. Fuchs a la parole.

    M. Bruno Fuchs (Dem)

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    Son influence décline, donc il cherche à créer un peu de mouvement. Puis-je m’exprimer ?

    M. Fabien Di Filippo

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    Quand vous voulez !

    M. Bruno Fuchs

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    L’influence d’une puissance se mesure entre autres par sa capacité à imposer un référentiel, constitué de sa propre culture et de sa propre langue. Or on observe que la France utilise de plus en plus fréquemment la langue de nos concurrents : en renforçant leur influence, on réduit mécaniquement la nôtre.
    Parmi les tendances notables des pratiques françaises, figure une anglicisation croissante. Ainsi, l’initiative multilatérale française en faveur du climat a été baptisée One Planet Summit, tandis que celle intitulée « Make our planet great again » visait à accompagner les investisseurs étrangers dans la transition écologique. Le sommet d’attractivité de la France se nommait Choose France. Le programme de l’AFD pour soutenir les entrepreneurs africains a lui aussi été conçu dans la langue de Shakespeare et s’appelle Choose Africa. Le guichet d’accompagnement à l’export de la France se nomme Team France Export.
    Visiblement encouragées par cette anglicisation, les collectivités territoriales s’essayent aussi – curieusement – à l’anglais. Ainsi, la région Grand Est a baptisé son grand plan de relance de l’investissement Business Act, s’adressant ainsi aux acteurs régionaux.
    Cette tendance est d’autant plus curieuse et contre-productive que ces anglicismes sont utilisés pour évoquer l’influence française dont nous débattons aujourd’hui. D’après la feuille de route, il y aura 750 millions de locuteurs francophones potentiels en 2050. Comment rendre notre langue attractive si nous-mêmes faisons la promotion de l’anglais ? Le remplacement de la langue française par la langue anglaise est illustré de manière évidente par l’usage du français à la Commission européenne, par exemple : 2,5 % des textes sont actuellement écrits en langue française, contre 60 % en 1960 et 34 % en 1998.
    Monsieur le ministre, êtes-vous préoccupé par le fait que ces anglicismes desservent notre stratégie d’influence ? Comment entendez-vous lutter en faveur de l’usage du français au sein de votre propre administration, notamment pour les noms donnés à nos initiatives d’influence ? Enfin, que compte faire la France, qui occupe la présidence de l’Union européenne, pour renforcer l’usage du français en Europe ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Vous posez une question pertinente, en particulier au moment où la France préside l’Union européenne, cette position nous donnant l’occasion de réinscrire dans l’agenda européen les engagements sur la place du français dans les institutions européennes.
    Ainsi, le groupe de travail sur la francophonie et le multilinguisme, institué au mois d’avril 2021 par le secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie et par le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, a remis un rapport dressant l’état des lieux de la diversité linguistique au sein de l’Union européenne et proposant des actions. Nous présenterons un plan d’action pluriannuel sur la diversité linguistique au sein des institutions européennes, qui aura vocation à établir une stratégie de long terme, ambitieuse et réaliste, lancée dans la perspective de la présidence française. L’objectif de ce plan est de réintroduire une dynamique politique en faveur du respect du multilinguisme et du plurilinguisme par les États membres de l’Union européenne. Nous serons très vigilants sur ce point.
    Étant donné que la présidence française organisera également des événements visibles sur la question de la diversité linguistique et de la langue française, en particulier au mois de mars prochain, nous avons singulièrement augmenté le budget dit du mille-feuille, par lequel nous délivrons des cours de français aux cadres supérieurs des institutions européennes.
    Vous faites preuve avec raison d’une grande vigilance. Néanmoins, je n’irai pas jusqu’au bout de votre raisonnement car la promotion de la langue française n’est pas la négation des autres langues, notamment de la langue anglaise dont la présence sur la scène internationale est une réalité. La promotion du français renforce la diversité ; le fait que tel ou tel mot anglais soit intégré dans la langue française à l’occasion de différentes manifestations n’est pas automatiquement un handicap.
    L’enjeu principal est de faire en sorte que la langue française soit utilisée comme langue véhiculaire dans les instances où cela est prévu sans que l’on rogne les principes fondamentaux. Nous nous y attellerons pendant toute la présidence française.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier (SOC)

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    Je vais vous donner lecture de l’essentiel du courrier que nous avons adressé aujourd’hui avec mon collègue Jean-Paul Lecoq et ma collègue Mireille Clapot au Président de la République, avec copie au Premier ministre, et qui vous est, bien entendu, directement destiné.
    Il fait référence au vote unanime du 20 janvier de la proposition de résolution européenne visant à inscrire parmi les priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne l’adoption d’une législation ambitieuse sur le devoir de vigilance des multinationales. Elle a bénéficié du soutien du Gouvernement, représenté par Franck Riester. Ce texte, cosigné par 124 députés issus de l’ensemble des groupes parlementaires composant l’hémicycle, invite le Gouvernement à défendre la mise en œuvre d’un devoir de vigilance européen, reprenant les avancées de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.
    La veille, le 19 janvier, le Président de la République, répondant à des députés de divers horizons et de différents pays de l’Union européenne, avait rappelé qu’il s’engageait à ce qu’une norme comparable soit adoptée.
    Avec Jean-Paul Lecoq et Mireille Clapot, ainsi qu’avec les 124 députés qui ont signé cette proposition de résolution et les 128 qui l’ont votée à l’unanimité, nous nous demandons quel est le détail de la feuille de route qui nous réunira. En effet, le temps est compté. Le commissaire Thierry Breton et son collègue chargé de la justice ont prévu, dans les semaines qui viennent, de publier un projet de règlement. Dès lors, la France doit être prête dans le temps très court qui lui sera imparti à organiser les débats relatifs à la réglementation française et à la législation européenne, à promouvoir une France unie et vaillante sur ces sujets, à faire alliance avec les fondations sociales-démocrates allemande et française, notamment la Fondation Jean-Jaurès.
    Nous avons des arguments très pratiques et très précis à faire valoir pour entraîner les pays latins et l’Europe orientale. Bref, notre diplomatie doit se montrer active pour bâtir un édifice législatif européen et français cohérent avec les initiatives conduites en matière de lutte contre le travail des enfants et contre la déforestation, et sur toutes les questions visant à humaniser la mondialisation et à contribuer à la paix du monde. Ainsi, monsieur le ministre, quelle est votre feuille de route ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Monsieur le député, vous le savez, je me suis déjà exprimé sur ce sujet à plusieurs reprises. Nous avons fait en sorte que votre proposition de résolution soit votée, vos orientations ayant été reprises lors du débat qui a conduit au vote à l’unanimité.
    Dans l’immédiat, ma réponse sera brève : nous attendons un texte de la Commission au mois de février. Nous prenons la responsabilité qu’il soit adopté sous la présidence française, soit avant le 1er juillet. C’est un engagement que j’ai pris et que je prends une nouvelle fois devant vous, et que le Président de la République a réaffirmé. En effet, c’est un engagement très fort, symbolique, mais qui aura en même temps des implications concrètes et qui correspond aux valeurs fondamentales de ce que nous considérons être l’humanisme européen. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Bilde.

    M. Bruno Bilde

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    On prend la porte et on prend note. Voilà comment peut se résumer l’influence de votre diplomatie à l’aune des derniers événements au Mali. En effet, la junte malienne a sommé notre ambassadeur de quitter Bamako dans les soixante-douze heures, alors que notre armée est engagée sur place pour défendre le Mali contre les djihadistes.
    Le représentant de la France est expulsé comme un vulgaire clandestin, alors que cinquante-trois fils de France sont tombés pour la liberté et la sécurité de ce pays. Le fait de prendre acte de cette décision constitue une humiliation pour la France et discrédite la sixième puissance du monde. Depuis 2013 et le début de notre intervention de secours au Sahel, à la demande du gouvernement malien, vous avez laissé pourrir la situation entre désintérêt et résignation. Ces cinq dernières années, la France a considérablement perdu de son influence en Afrique : c’est l’un des échecs de votre diplomatie et l’un des désastres d’Emmanuel Macron qui n’a pas su ni voulu faire valoir nos intérêts stratégiques. À ce titre, le soutien du président sortant à la ministre des affaires étrangères du Rwanda, pays ouvertement francophobe, pour prendre la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) demeure une véritable énigme.
    Monsieur le ministre, à force de répéter que l’horizon de notre diplomatie est fondamentalement européen, vous en oubliez de défendre la place et la voix de la France. Le bilan est implacable : votre diplomatie n’a plus d’influence, votre diplomatie n’est plus française. Qu’attendez-vous pour renvoyer immédiatement l’ambassadeur du Mali ? Qu’attendez-vous pour fermer le robinet de l’aide au développement à destination du Mali ? Qu’attendez-vous pour bloquer l’intégralité des avoirs des dirigeants maliens en France ? Qu’attendez-vous pour arrêter l’intégralité des transferts de fonds financiers qui partent de France au Mali ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Je crois avoir répondu déjà cinq fois aujourd’hui à la même question. Peut-être n’étiez-vous pas présent au moment où je répondais, j’en suis désolé pour vous. Puisque vous m’y invitez, je livrerai quelques observations sur le Mali que j’ai déjà évoquées.
    En Afrique, seul le Mali est d’accord avec le Mali. Si vous mesurez le niveau d’influence que peut avoir la France au rassemblement de l’ensemble des pays africains, qui sont contre l’évolution de la situation au Mali, vous pouvez en déduire qu’il est grand. Il n’y a en effet pas un seul pays africain qui soutient le Mali.
    Au sein de la communauté internationale, c’est le Mali qui s’isole. L’Union africaine elle-même a pris des positions très claires pour condamner ce qui se passe au Mali et le comportement de la junte, notamment l’expulsion de l’ambassadeur, et pour lui demander d’élaborer un calendrier démocratique. Ainsi, la France est tout à fait en harmonie avec ce que disent les Africains sur la question malienne.
    Par ailleurs, depuis trois ans, toutes les initiatives internationales qui ont été prises en direction de l’Afrique l’ont toutes été sous l’impulsion de la France. Mi-février se tiendra un sommet réunissant les dirigeants de l’Union européenne et de l’Union africaine, que nous avons préparé avec les Africains il y a quelques semaines. Lors du sommet de Paris du 18 mai dernier, les chefs d’État africains ont élaboré, à l’initiative du Président de la République, le plan de relance africain après la pandémie, avec les Européens. Cette initiative française se concrétisera grâce à la mobilisation de 100 milliards de droits de tirage spéciaux – DTS – qui interviendra au moment du sommet, afin de permettre à l’Afrique de se doter d’infrastructures et d’être au rendez-vous de la transition numérique et écologique.
    C’est grâce à la France que l’initiative Covax a pu être initiée. Grâce à celle-ci, l’Afrique a reçu 120 millions de doses de la part de notre pays, entre autres, et des usines de production de vaccins ouvriront demain au Cap et à Dakar. C’est sous l’impulsion de la France que se prennent les initiatives universitaires évoquées dans mon propos introductif que vous n’avez malheureusement pas pu écouter. La France est au rendez-vous de l’Afrique ; c’est le Mali qui n’est pas au rendez-vous de l’Afrique et non la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Mme la présidente

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    Le débat est clos.

    3. Stratégie de l’Union européenne pour la décarbonation de l’électricité

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat sur la stratégie de l’Union européenne pour la décarbonation de l’électricité et l’efficacité énergétique à l’horizon 2050.
    La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
    La parole est à M. Philippe Bolo.

    M. Philippe Bolo (Dem)

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    Débattre de la stratégie énergétique de l’Union européenne impose de faire référence à son histoire. L’Europe s’est en effet bâtie autour de l’énergie. Au sortir d’une seconde guerre mondiale qui a meurtri le continent, une ambition partagée a pris corps : celle de rendre aussi impensable qu’impossible tout nouveau conflit entre la France et l’Allemagne. Elle s’est matérialisée en 1951 par la création de la première institution supranationale de notre continent, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), suivie, sept années plus tard, par la création d’une autre instance, la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA).
    La sécurité est le dénominateur commun de cette union politique autour de l’énergie, la crise du canal de Suez ayant révélé les difficultés d’approvisionnement en pétrole au moment même où celui-ci remplaçait progressivement le charbon. L’Europe politique était née. Elle s’est depuis dotée d’un traité de fonctionnement, toujours en vigueur aujourd’hui.
    L’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) précise le cadre de la politique énergétique européenne, articulée autour de trois principes que sont le fonctionnement du marché intérieur, l’exigence de préserver l’environnement et la solidarité entre les États membres. En cohérence avec ces trois principes, la politique énergétique européenne est déclinée en quatre objectifs : la sécurisation des approvisionnements de l’Union, le soutien à l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et le développement des interconnexions des réseaux.
    L’article 194 du TFUE révèle cependant une contradiction. Malgré la volonté de construire une politique de l’énergie commune, les États membres demeurent libres d’exploiter comme ils l’entendent leurs ressources énergétiques et ils peuvent choisir librement leurs sources d’énergie et leur approvisionnement. Plus de soixante ans après la fondation de l’Europe autour des communautés du charbon, de l’acier et de l’atome, les sujets de l’époque restent d’actualité.
    Si le changement climatique doit être la priorité pour orienter notre action, la compétitivité économique, les interconnexions et l’indépendance énergétique demeurent, comme dans les années 1950, des sujets cruciaux pour l’Europe.
    À la lumière de cet aperçu des origines de l’Europe, je veux vous exposer trois axes de réflexion en lien avec la politique énergétique européenne.
    Le premier point a trait à la dépendance énergétique de l’Union. La pandémie de covid-19 a provoqué une crise économique majeure à la suite de la paralysie de l’outil de production mondiale. À la faveur des politiques de relance et de maîtrise de l’épidémie, l’activité économique a rebondi à un rythme soutenu et inédit, provoquant un désordre systémique, notamment en termes de demande d’énergie. Le jeu de l’offre et de la demande a provoqué l’augmentation de la consommation d’énergie et, par effet domino, un emballement des prix à la hausse.
    Les prix de gros du gaz ont augmenté de 150 % entre avril et octobre 2021. Sur la même période, le tarif du baril de pétrole a grimpé de 40 %. Le prix du charbon était cinq fois plus élevé en octobre 2021 qu’un an plus tôt. Les prix de l’électricité sur les marchés de gros ont épousé la hausse des prix du gaz. Le prix de l’électricité dépend en effet du coût marginal de production de la dernière centrale appelée pour satisfaire la demande ; c’est-à-dire des centrales fonctionnant aux énergies fossiles, notamment au gaz. Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), le prix des électrons a triplé entre l’automne 2020 et l’automne 2021.
    Cette tension sur les marchés de l’énergie a mis en lumière la très forte dépendance de l’Union aux énergies fossiles. Qui, avant la pandémie, s’inquiétait d’un taux de 70 % d’énergies fossiles dans le mix énergétique européen ? Qui s’inquiétait du volume des énergies fossiles importées, qui s’élève à 97 % dans le cas du pétrole et à 90 % dans celui du gaz ?
    Au-delà de l’enjeu de la décarbonation, qui s’inscrit comme une priorité en raison de l’objectif de réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, la situation a fait prendre conscience aux États membres d’autres enjeux : la souveraineté énergétique et la maîtrise des prix de l’énergie.
    La stratégie énergétique européenne n’a pas assuré la sécurisation des approvisionnements, ce qui a des conséquences sur son indépendance, sa souveraineté, sa résilience et sa liberté de manœuvre sur la scène géopolitique.
    Deuxièmement, je voudrais partager avec vous quelques réflexions sur le marché européen de l’énergie. Il n’a pas produit les effets que l’on attendait de lui. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que l’un des principes du bon fonctionnement du marché intérieur de l’énergie consiste en la garantie de prix de l’énergie abordables. En effet, le marché doit garantir aux foyers et aux entreprises de l’Union un approvisionnement énergétique sûr, durable, compétitif et abordable. Force est de constater que ce principe n’a pas été respecté dans le contexte de la pandémie. L’intensité de la crise explique sans doute en partie ce constat d’échec. Cette situation révèle cependant un besoin d’adaptation et elle a donné lieu à un cortège de critiques et de mécontentements.
    Les particuliers ont exprimé leur désapprobation devant l’ampleur de l’augmentation des prix, qui varie selon les contrats d’approvisionnement souscrits. L’intervention de l’État a joué pour contenir l’augmentation des tarifs réglementés de vente et des tarifs à prix de marché. Si ces derniers ont mieux résisté, ils ont parfois mis à mal leurs fournisseurs. La disparition de certains d’entre eux a laissé des consommateurs sans accompagnement.
    La hausse se fait particulièrement ressentir dans les entreprises électro-intensives, ce qui entraîne des conséquences sur les décisions d’investissement. Espérons que la dérive des prix à la hausse ne soit pas l’occasion de remettre en cause les investissements ciblés de réindustrialisation et de décarbonation.
    La Commission européenne n’est pas restée sans réponse devant cette situation. Elle a proposé, dès octobre 2021, différentes lignes directrices aux États membres en les invitant à adopter les mesures suivantes : baisser les fiscalités énergétiques nationales ; affecter à des dispositifs de soutien des recettes excédentaires du système d’échange des quotas d’émission de gaz à effet de serre ; instituer des aides ponctuelles pour les ménages les plus vulnérables.
    Malgré tout, le mécanisme de marché européen n’est pas parvenu à endiguer la hausse des prix des énergies, de sorte que l’accroissement des dépenses énergétiques s’est ajouté à d’autres coûts provoqués par la pandémie.
    Troisièmement, je voudrais partager avec vous quelques réflexions sur le déploiement hétérogène des stratégies énergétiques des États membres. En dépit des jalons définis par la trajectoire européenne déclinée par les États membres, on constate des différences sur les orientations technologiques et le calendrier de mise en œuvre. Les pays les moins riches utilisent plus de charbon. Les contextes sociétaux, culturels et géographiques, ainsi que les capacités financières, facilitent ou entravent les politiques de transition énergétique.
    La solidarité européenne n’est pas au rendez-vous : chaque pays détermine ses propres choix en matière de décarbonation et d’efficacité énergétique, en cohérence avec les principes de libre administration énergétique de l’article 194 du TFUE.
    À la lumière de ces trois axes de réflexion, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés considère que les solutions aux difficultés identifiées passent par les interconnexions énergétiques. Elles représentent pour nous un levier indispensable au renforcement de la résilience de l’Union européenne. Le principe des interconnexions impose un projet européen plus fédéraliste qui, en augmentant les interdépendances entre pays de l’Union, renforce leur cohésion et favorise la solidarité européenne.
    Si les réflexions que je viens d’exposer soulignent des points faibles de la politique énergétique européenne, elles sont surtout l’occasion d’affirmer le besoin d’élaborer une stratégie au bénéfice de la résilience de l’Union. Ce renforcement passe inexorablement par la décarbonation et l’efficacité énergétique : sortir des énergies fossiles n’est pas uniquement un impératif climatique mais une voie de souveraineté indispensable à l’Union. Des réformes structurelles et conjoncturelles sont indispensables pour diminuer les risques systémiques imposés par les fluctuations du marché mondial des énergies. Ces réformes permettront de se mettre à l’abri des prochains soubresauts d’un marché en tension et de nouvelles flambées des prix qui ne manqueront pas de se produire.
    Je formule le souhait que ces nécessaires réformes soient portées par notre pays dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne qui vient de s’ouvrir. Les enjeux de l’énergie nous obligent à prendre de la hauteur et à nous extraire d’un débat qui s’est trop souvent cristallisé autour de clivages idéologiques et d’affrontements politiques stériles entre ceux qui sont favorables et ceux qui sont opposés au nucléaire, entre ceux qui sont favorables et ceux qui sont opposés aux énergies renouvelables. Ces oppositions frontales n’ont que très peu de sens quand on considère que la décarbonation de l’énergie passe par l’électrification massive de nos consommations.
    L’énergie est une préoccupation quotidienne pour un grand nombre de Français qui doivent chauffer leur habitation ou se rendre à leur travail. Cette préoccupation est d’autant plus forte chez ceux pour qui les dépenses en énergie représentent une part significative de leur budget. L’énergie est aussi une des conditions de la compétitivité de l’industrie française, donc un facteur de réussite des politiques de réindustrialisation du pays.
    En conclusion, mes chers collègues, si mon intervention a souligné le rôle clé de l’énergie dans l’histoire de l’Union européenne, elle démontre également que l’énergie est son avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM et Agir ens.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

    Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC)

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    Les enjeux de la politique énergétique et les échéances cruciales qui s’annoncent exigent un débat rationnel. Celui-ci s’inscrit dans le contexte de la première loi quinquennale de programmation de la politique énergétique qui doit être adoptée avant le 1er juillet 2023, de décisions à prendre quant au devenir des concessions hydroélectriques françaises, de l’extinction de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) en 2025, mais aussi de l’augmentation des besoins en électrification. S’ajoutent à cela la hausse exponentielle des prix de l’énergie et les tensions de l’approvisionnement en électricité en raison de la forte dépendance de l’Union européenne aux énergies fossiles.
    Depuis l’accord de Paris sur le climat en 2015, dont la réussite doit beaucoup à la France, l’Union européenne s’est engagée pour le climat, au travers notamment du pacte vert européen et du paquet législatif « Ajustement à l’objectif 55 ». Cette politique environnementale ambitieuse bénéficie du soutien du plan de relance européen et du budget septennal de l’Union.
    La Commission européenne souhaite, d’ici à 2030, réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport au niveau de 1990 et doubler la part des énergies renouvelables (ENR) dans le mix énergétique de l’Union européenne ; elle veut également atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. L’Union entend donner l’exemple. Nous nous en réjouissons et nous ne devons pas manquer ce rendez-vous.
    Le mix énergétique de l’Union européenne comprend actuellement 70 % d’énergies fossiles, ce qui est beaucoup trop. Les textes proposés par la Commission dans le cadre de l’initiative « Ajustement à l’objectif 55 » imposent que la France prenne position dès à présent sur la refonte du marché du carbone, la fin des quotas de carbone gratuits pour l’aviation, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, la fin des voitures thermiques en 2035, les carburants alternatifs ou durables, la fiscalité de l’énergie ou encore le mix énergétique européen et la rénovation thermique des bâtiments.
    Sur tous ces sujets, il faut accroître la coordination et la solidarité européennes. S’il existe des convergences fortes entre les États membres sur plusieurs questions, des divergences se font sentir. Je pense notamment aux débats sur la taxonomie verte, mais ce ne sont pas les seuls.
    La France a des atouts et elle doit s’appuyer sur sa position singulière grâce à son mix énergétique largement décarboné. Cela compte pour satisfaire l’objectif prioritaire qu’est la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La production et la consommation d’énergie représentent plus de 75 % des émissions de l’Union européenne.
    Grâce à sa production décarbonée fondée sur les énergies hydraulique et nucléaire, la France a su assurer la stabilité et la flexibilité de son approvisionnement. Sans dogmatisme aucun, les États membres doivent s’accorder sur le fait que pour se passer des énergies fossiles tout en satisfaisant les besoins en électrification qui sont amenés à croître, nous aurons besoin de toutes les sources d’énergies renouvelables et faiblement émettrices de CO2. Alors seulement nous assurerons la souveraineté et l’indépendance énergétique de l’Europe.
    Réussir la transition énergétique nécessite également une réelle coordination entre le monde du travail et les partenaires sociaux, comme en témoigne une tribune syndicale mondiale parue à l’occasion de la COP26. La mobilisation des salariés est essentielle : ils doivent être davantage impliqués dans les réformes que mènent les États membres. Le dialogue social est nécessaire pour bâtir une transition socialement juste.
    Les États membres doivent également investir massivement dans les nouvelles sources d’énergie comme l’hydrogène vert afin de décarboner les secteurs les plus émetteurs de CO2. Le plan France 2030 décline cette ambition européenne au niveau national mais, eu égard aux besoins et aux coûts que cela suppose, ce soutien doit être renforcé et il doit s’appuyer sur les atouts industriels de l’Europe.
    Il faut également trouver un accord sur une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne pour éviter les fuites de carbone à travers les délocalisations industrielles ; envisager la désindexation des prix de l’électricité sur ceux du gaz dont les ménages et les entreprises payent aujourd’hui le coût ; accélérer la réforme du stockage d’énergie au niveau européen, en valorisant les atouts de notre modèle national afin d’aller plus loin et de conduire une réforme ambitieuse du marché européen du carbone.
    Enfin, la France ne devra pas manquer de défendre auprès de la Commission européenne le caractère intégré d’EDF qui en fait un grand service public de l’énergie. Plus que le défendre, nous devons aller encore plus loin pour répondre au défi environnemental et aux besoins de la population, assurer la planification de la production, préserver notre industrie et réguler les prix. Nous devons sortir de la croyance dans la main invisible du marché et dans la concurrence pure, libre et non faussée pour guider la transition bas carbone, sans quoi elle se fera dans l’injustice sociale et demeurera inefficace.
    Nous devons sortir de l’ambiguïté. Chacun doit prendre sa juste part dans ce combat pour le climat, y compris la Chine dont le rôle fut ambigu au cours de la COP21. L’Europe, quant à elle, ne doit plus se diviser sur un sujet stratégique qui avait réussi à l’unir au moment de la création de la CECA.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Becht.

    M. Olivier Becht (Agir ens)

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    En 2015, presque tous les pays de la planète s’étaient accordés pour faire en sorte que nous atteignions la neutralité carbone en 2050. Nous avons pris cet engagement non seulement pour la planète mais aussi pour nous-mêmes et pour nos enfants, car il y va du monde dans lequel ils vivront.
    Quand on observe le rythme des événements climatiques et l’accélération du réchauffement, 2050 paraît être une date extrêmement proche ; quand on regarde les obligations que nous devons nous imposer pour enrayer ce réchauffement, ce délai paraît encore plus court : dans vingt-huit ans, c’est demain ! Il faudra au cours de cette période, comme on l’a dit précédemment, changer quasiment toutes les chaudières, transformer tous les véhicules – tels que les voitures, les avions et une partie des trains, qui fonctionnent encore au diesel sur certaines lignes – et surtout changer une partie des modes de production. Nous devons faire tout cela en maintenant l’énergie à des prix les moins élevés possibles, afin de soutenir à la fois le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Le défi est gigantesque.
    Alors que faire, quelle stratégie adopter ?
    Le groupe Agir ensemble considère que nous devons travailler selon trois axes.
    Le premier, bien sûr, ce sont les énergies renouvelables – le solaire, l’éolien – que nous devons développer. Pour cela, il est impératif de maîtriser les filières de stockage, car ces énergies renouvelables sont intermittentes, et à moins de décider qu’on ne branche la télévision ou le réfrigérateur que lorsqu’il y a du soleil ou du vent, il faudra disposer de batteries idoines, donc des minerais nécessaires à leur fabrication – lithium, terres rares, nickel, cobalt… Or on sait que ces matières premières ne se trouvent pas toutes en Europe : il faudra donc, pour préserver notre souveraineté, en maîtriser les filières d’approvisionnement.
    Le deuxième axe, c’est celui de l’énergie nucléaire, à laquelle il ne faut sans doute pas renoncer trop vite. Certes, ce n’est pas l’énergie la plus propre, puisqu’elle produit des déchets qui resteront actifs pendant des dizaines de milliers d’années. Mais comment s’en passer aujourd’hui ? Nous devons continuer d’exploiter l’énergie nucléaire et nous pouvons mettre beaucoup d’espoirs dans la fusion nucléaire, qui n’aurait pas les mêmes inconvénients pour ce qui est des déchets.
    Le troisième axe, c’est celui des énergies nouvelles, celles que nous connaissons déjà, comme l’hydrogène, mais aussi celles que nous ne connaissons pas encore. Nous ne sommes après tout qu’au XXIe siècle, et il y a 120 ans, nous ne savions rien de l’énergie atomique : il est probable qu’il y ait encore dans la nature d’autres types d’énergie que nous ne connaissons pas, et que des recherches nous permettraient d’apprendre à exploiter.
    Quel rôle peut jouer l’Europe ? Elle s’est construite dès son origine, je l’ai dit tout à l’heure, sur les énergies – je pense au traité sur la Communauté européenne du charbon et de l’acier, signé en 1951, déjà cité, mais aussi au deuxième traité de Rome, signé en 1957, qui a fondé la CEEA, autrement appelée EURATOM. Nous croyons qu’il y a de la place pour une nouvelle communauté des énergies, notamment renouvelables. Nous la pensons nécessaire au niveau de l’Union européenne mais aussi pourquoi pas à l’échelle de la grande Europe : comment ne pas voir que notre puissant voisin russe, dont l’économie repose essentiellement sur le gaz et le pétrole, mais également la Turquie, qui se situe sur la voie des gazoducs et des oléoducs qui remontent notamment de la mer Caspienne, devront concevoir un avenir proche – l’horizon 2050 – sans ces énergies ? Ces pays devront être associés à cette transformation énergétique que nous, Européens, devons mener.
    Une telle communauté est nécessaire pour constituer une sorte de banque des matières premières, afin d’assurer notre approvisionnement notamment en minerais indispensables au fonctionnement des énergies renouvelables. Elle est tout autant nécessaire en matière de recherche et développement, comme pour faire fonctionner les réseaux de ces futures énergies, puisque l’on sait que, malheureusement, nous n’aurons pas besoin de moins, mais de plus d’énergie.
    Saint-Exupéry a écrit : la Terre ne nous appartient pas, nous l’empruntons à nos enfants. Faisons en sorte que l’Europe joue son rôle, pour le bien de la planète et de nos enfants. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde (UDI-I)

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    La place de l’Union européenne doit toujours être du côté de la science, face à celles et ceux qui préfèrent la croyance et l’incantation – vous en connaissez beaucoup, madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Ce sont les scientifiques qui nous donnent les éléments nécessaires à la construction d’une politique économique, énergétique et environnementale qui doit viser deux objectifs : la neutralité carbone avant 2050 et la limitation du réchauffement planétaire en dessous de 2 degrés Celsius.
    Notre stratégie continentale doit reposer en grande partie sur nos choix concernant notre mix énergétique, avec deux idées simples : nous devons consommer moins d’énergie et décarboner massivement sa production.
    J’aborde en premier lieu ce point de l’efficacité énergétique, car je partage avec vous, madame la secrétaire d’État, un constat que je résumerai d’une phrase empruntée à l’économie circulaire : la meilleure énergie, c’est celle que l’on n’a pas besoin de produire.
    Mais notre accord s’arrête ici, car je dois vous avouer que je suis effaré de voir que la France n’a pas su résoudre le problème des plus de 5 millions de passoires thermiques existant dans notre pays. En 2019, nous proposions lors des élections européennes la création, à l’échelle continentale, d’une épargne populaire, d’un livret vert, d’un livret E, qui finance des investissements écologiques, notamment pour la rénovation des logements. Alors que le financement des logements sociaux au travers du livret A est à l’arrêt, décider sa transformation pour permettre à la Caisse des dépôts de financer la rénovation des passoires thermiques apparaît comme une évidence. Avec la crise sanitaire que nous connaissons, les chiffres de l’épargne s’envolent en Europe, à tel point que plus de 1 400 milliards d’euros ne sont pas utilisés, dont 470 milliards rien qu’en France !
    L’autre enjeu, c’est bien sûr l’électrification du mix énergétique, par des sources décarbonées, qu’elles soient renouvelables ou non. Je combats tout dogmatisme en matière d’énergie nucléaire : peu importe ici que celle-ci soit plus ou moins vertueuse que d’autres sources. Je ne sais qu’une chose, que je tire des rapports scientifiques, et notamment ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : le nucléaire a un rôle fondamental à jouer en tant que source d’énergie abondante et stable pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris.
    De ce point de vue, madame la secrétaire d’État, la politique française souffre d’un grave défaut stratégique : on ne fait pas du nucléaire à la petite semaine pour plaire à l’opinion publique et on ne change pas constamment d’avis, car il faut ici réfléchir sur le très long terme.
    Dans la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, vous avez confirmé la fermeture de quatorze réacteurs dans les prochaines années ; mais aujourd’hui le candidat Macron nous explique que de nouveaux réacteurs sont nécessaires. On ferme, on ouvre, on promet : bref, on s’adapte à l’opinion publique…

    M. Philippe Bolo

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    Ce n’est pas exactement cela !

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    …au lieu de concevoir une stratégie, comme l’avait fait le président Valéry Giscard d’Estaing, que nous honorerons demain dans cet hémicycle. L’inconstance, en matière d’énergie nucléaire, est une faute lourde, qu’il faut souligner.
    Par ailleurs, le marché européen de l’énergie et l’interconnexion de nos réseaux sont des éléments essentiels dans notre stratégie de décarbonation. Mais notre marché ne doit pas voir ses prix complètement faussés, dès lors qu’ils sont indexés sur le gaz, qui n’est pas produit en Europe et qui connaît une augmentation exponentielle. C’est ce que vivent les Français aujourd’hui !
    Je m’amuse d’ailleurs d’entendre le Gouvernement dire que si l’on demande un effort à EDF pour payer la facture, c’est parce que l’entreprise dispose de sources de production qui sont amorties. Oui, bien sûr, c’est vrai, mais parce qu’elles ont été pensées sur un temps très long. Si les centrales nucléaires françaises sont amorties et peu émettrices, alors en laissant ouverte celle de Fessenheim vous auriez sans doute épargné quelques peines aux Français.
    Quoi qu’il en soit, la composition du mix électrique doit rester un choix de raison, et nous devons choisir le moyen le plus efficace pour parvenir à la décarbonation.
    Le débat actuel autour de la taxonomie me laisse sans voix quant à l’influence de la France en Europe, alors que l’Allemagne n’a jamais eu de mal à préserver les intérêts de ses industries automobiles dans nos législations communes, quelque peu vertueuses qu’elles soient en matière environnementale.
    Actuellement, 70 % de l’énergie consommée en Europe est d’origine fossile. L’électrification de certaines pratiques est possible dès aujourd’hui, et pour cela nous devons rapidement construire des sources d’énergie renouvelable.
    Mais d’autres changements nécessiteront des évolutions technologiques qui nous laissent peu de temps pour agir. Je préférerais voir la Pologne lancer dès aujourd’hui des projets de centrales nucléaires plutôt que de la voir continuer à faire tourner ses mines de charbon.
    Pour illustrer l’importance fondamentale de la décarbonation de notre mix électrique pour l’avenir de notre stratégie zéro carbone, je terminerai par une anecdote concernant la mobilité électrique.
    L’Europe a intelligemment choisi, sous l’impulsion d’ailleurs du Président de la République, de rapatrier une part importante de la production de batteries sur le continent. Et c’est essentiel, car une récente étude a démontré qu’une batterie produite sur le sol norvégien pour une voiture roulant dans ce même pays ne devra parcourir – parce que la Norvège a une électricité décarbonée – que 8 000 kilomètres pour compenser les émissions de CO2 qui ont été nécessaires à sa production. En Chine, où l’électricité n’est pas du tout décarbonée, il faudrait qu’elle parcoure 180 000 kilomètres, plus de vingt fois plus !
    Oui, nous avons besoin d’une énergie électrique décarbonée. La France est le pays le plus vertueux en la matière, et elle devrait reprendre la main en matière d’énergies renouvelables sans tourner le dos à l’énergie nucléaire pour faire plaisir à quelques croyants : c’est l’addition des deux qui nous permettra d’avoir l’énergie la plus décarbonée du monde.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert (LT)

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    Atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 : voilà l’horizon ambitieux que nous a fixé l’Union européenne avec le Pacte vert. Pour y parvenir, il faut remplacer des millions de véhicules thermiques, rénover en masse les bâtiments ou encore décarboner des processus industriels lourds ; il nous faut aussi, et surtout, revoir radicalement nos modes de production et de consommation de l’énergie. À ce sujet, la France, seul pays de l’Union européenne à avoir manqué ses objectifs en matière de déploiement d’énergies renouvelables, a encore de gros progrès à faire – c’est un euphémisme. Nous n’entendons d’ailleurs pas beaucoup la majorité s’expliquer sur cet échec.
    Nous devons baisser notre consommation énergétique en attaquant nos problèmes structurels.
    Ainsi, nous souffrons de la mobilité contrainte, celle qui oblige à utiliser la voiture : adoptons au contraire une stratégie de la ville du quart d’heure et du territoire de la demi-heure. Réinstallons à proximité des gens des services, du travail, des soins, des loisirs, des commerces.
    La mobilité de nos marchandises est désordonnée. La France est seizième au classement mondial de la performance logistique – encore un chiffre que la majorité ne cite pas beaucoup – et seulement huitième à l’échelle européenne. Nous avons perdu la boussole logistique lorsque votre gouvernement a enterré, en septembre 2017, France Logistique 2025. Chaque tonne de marchandises déplacée pour rien, n’importe comment, c’est de l’énergie consommée et des gaz à effet de serre émis.
    Nous devons maîtriser notre société de gaspillage : nous détruisons trois fois plus de matières premières que ce qu’autorisent les limites de notre planète. Il nous faut une véritable stratégie d’économie circulaire pour mieux utiliser les ressources ; nous devons créer plus de richesses par kilogramme de matière utilisée, apprendre à partager l’usage plutôt que la propriété d’un bien… Il y a de formidables leviers pour ne pas surconsommer, donc ne pas produire de gaz à effet de serre.
    La stratégie de l’Union européenne pour l’intégration du système électrique, présentée en juillet 2020, entend relever ces défis en utilisant trois leviers : une meilleure utilisation des sources d’énergie existantes, une électrification massive et un recours à de nouvelles énergies propres. Évidemment, je souscris à ces grands objectifs. Mais les derniers arbitrages pour relever le défi de la décarbonation ne me semblent pas aller dans le bon sens.
    J’en veux pour preuve la décision prise par la Commission européenne – et soutenue par le gouvernement français – d’inclure le nucléaire et le gaz dans la taxonomie verte. Certes, ce classement est subordonné à certaines clauses : les investissements dans les centrales nucléaires ne seront qualifiés d’écologiques qu’à condition que le projet dispose de fonds de démantèlement suffisants et d’un site pour éliminer les déchets radioactifs en toute sécurité. Mais l’on peut s’inquiéter du fait que l’État et EDF ne provisionnent pas des montants suffisants pour le démantèlement des centrales et la gestion des déchets radioactifs, ce que nous pouvons déjà constater.
    D’ailleurs, cette nouvelle condition ne résout pas le problème de fond : avec le nucléaire, il n’y aura jamais de sécurité absolue, pas plus qu’il n’y aura de confiance totale. Qui peut prédire aujourd’hui les conséquences à long terme d’un accident sur notre santé et sur la biodiversité, mais aussi plus prosaïquement sur le cours en bourse d’EDF et sur sa capacité à maintenir notre réseau électrique en état de fonctionnement ? Même un accident à l’autre bout de la planète provoquerait l’effondrement du cours en bourse d’EDF et ébranlerait notre système électrique. Voilà la réalité !
    Quant à la capacité de cette énergie à répondre à l’urgence climatique, elle est illusoire. Nous ne verrons pas émerger de nouvelles centrales avant une dizaine, voire une vingtaine, d’années. Or la décennie à venir sera déterminante pour notre capacité à faire face au changement climatique. Il nous faut vite répondre à la demande croissante en électricité, et cela passera nécessairement par le déploiement d’énergies véritablement renouvelables. C’est l’un des enjeux de la stratégie de la sobriété.
    Le ministre de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Luxembourg le dit clairement : à courir derrière la chimère du nucléaire, nous ratons le train des énergies renouvelables.
    Concernant l’efficacité énergétique, nous devrons tirer profit de la présidence française du Conseil de l’Union européenne pour mener à bien les négociations sur la révision de la directive sur le sujet. Dans ce cadre, une question me semble avoir une importance toute particulière : celle de l’énergie fatale. C’est à ce jour un impensé de nos politiques publiques. Sa récupération pourrait pourtant nous permettre de faire des économies d’énergie substantielles : on parle de l’équivalent de la consommation électrique de l’Île-de-France, pour la seule énergie fatale des grandes entreprises. Or il n’y a pas de stratégie en la matière.
    La question de la transition énergétique est en outre indissociable de celle de la justice sociale. À ce titre, il me faut évoquer le fonds social pour le climat, annoncé et défendu par la Commission européenne. Les institutions communautaires proposent, grâce à ce mécanisme, d’atténuer les impacts sociaux attendus de la mise en place d’un nouveau marché du carbone pour les émissions liées aux secteurs du bâtiment et du transport routier.
    À l’heure où les marchés européens de l’énergie font face à une crise historique, causée principalement par l’envolée des cours des énergies fossiles, il me semble urgent de réfléchir aux moyens d’accompagner les plus précaires dans la transition écologique. Le Gouvernement a fait part de ses réticences concernant le fonds social pour le climat. Allez-vous défendre une alternative au cours de six prochains mois ?
    Pour conclure, un seul modus operandi semble actuellement se dégager au sein de l’Union européenne : celui selon lequel il est urgent d’attendre. Or à l’heure de l’urgence écologique et climatique, nous devrions au contraire nous en préoccuper bien davantage. La France est toutefois loin de favoriser le consensus – nous l’avons vu s’agissant du nucléaire et du gaz : notre pays participe plutôt des divisions et de l’immobilisme, en défendant mordicus un secteur nucléaire contesté partout ailleurs.

    Mme la présidente

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    Chers collègues, je crois comprendre que la plupart des orateurs inscrits souhaitent s’exprimer avant la levée de la séance. Je leur donnerai la parole ; en conséquence nous reprendrons nos travaux à vingt et une heures quarante-cinq.
    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot (FI)

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    Le néolibéralisme, c’est merveilleux !
    Le néolibéralisme, c’est cette doctrine appliquée par la Commission européenne. Tout ce qui ressemble de près ou de loin à une règle, à une norme ou, pire, à un monopole public, lui donne de l’urticaire. Alors, elle déréglemente, elle libéralise. Car pour la Commission européenne, il faut libérer les énergies !
    C’est précisément ce qu’elle a fait dans le domaine qui nous occupe aujourd’hui : l’énergie. Avant, l’entreprise publique EDF mutualisait les coûts et investissait sur le long terme ; bref, elle œuvrait pour l’intérêt général. EDF produisait l’électricité et la revendait aux consommateurs et aux entreprises.
    Mais c’était trop pour la Commission européenne, furieuse de ne pas voir appliqué le mythe de la concurrence pure et parfaite. Alors, comme toujours, elle a déréglementé et libéralisé. Résultat : entre 2007 et 2020, les prix de l’électricité ont augmenté de 50 % en France. Le néolibéralisme, c’est merveilleux !
    C’est si merveilleux que l’État a dû intervenir ces derniers mois pour contenir la flambée des prix. Sans intervention de la puissance publique, la hausse de l’électricité se serait élevée à 44 %. Avec la mise en concurrence, les fournisseurs privés se sont multipliés, entraînant des frais supplémentaires étant donné qu’ils ne font rien d’autre qu’acheter et revendre de l’électricité. En bref, ce ne sont que des parasites qui ne servent qu’à une chose : engraisser les actionnaires. TotalEnergies vient d’ailleurs d’annoncer un résultat de 15 milliards d’euros en 2021, en pleine crise énergétique.
    Le néolibéralisme, c’est donc merveilleux, mais pas pour tout le monde. Cela l’est moins pour les 12 millions de personnes en situation de précarité énergétique qui peinent à payer leurs factures. Cela l’est moins pour les 4,8 millions de familles qui vivent dans des passoires thermiques.
    Les Français sont nombreux à ne pas pouvoir se permettre d’allumer le chauffage et à se couvrir de plaids, de pulls et de manteaux à la maison. L’hiver dernier, déjà plus d’un Français sur deux avait été obligé de limiter son chauffage pour faire baisser sa facture d’énergie. Le Médiateur national de l’énergie indique que cette population avait doublé en deux ans.
    Le Gouvernement n’en a que faire. Le marché d’abord : voilà la promesse du néolibéralisme ! C’est pour cette raison que cette doctrine n’est pas une merveille, mais une calamité ; un désastre sur le plan humain, social et environnemental.
    Le marché détraqué de l’énergie empêche toute politique sérieuse de décarbonation et de bifurcation écologique. Comment imaginer que l’instabilité et la volatilité extrêmes des prix permettront au secteur de l’énergie d’effectuer les investissements nécessaires ?
    La conséquence, madame la secrétaire d’État, est que la France est le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir atteint ses objectifs en matière d’énergies renouvelables, lesquelles n’ont représenté que 19 % de la consommation finale brute d’énergie, ce qui est loin, très loin de l’objectif de 23 % que le Gouvernement avait fixé.
    Quand il s’agit des énergies renouvelables, le Gouvernement traîne les pieds. En revanche, quand il faut défendre le nucléaire, on voit le Président de la République courir à grandes enjambées. Dans ce domaine, il est sans foi ni loi ! Emmanuel Macron est prêt à magouiller avec les régimes hongrois et polonais pour sauver le soldat nucléaire et l’intégrer, avec le gaz, dans la taxonomie verte européenne.
    Emmanuel Macron et Viktor Orban : l’extrême marché et l’extrême droite, main dans la main pour faire triompher les intérêts des lobbies sur l’intérêt général. Ces manœuvres honteuses doivent cesser. Nous devons instaurer une planification écologique qui parte des besoins des gens et non des besoins des puissances de l’argent. Pour cela, il est impératif de construire un pôle public de l’énergie, car partout où elle passe, l’idéologie néolibérale ne fait que semer le chaos.
    Il faut renationaliser EDF et Engie et cesser de faire confiance à des marchés devenus fous. Nous devons engager le passage vers 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2050 et fermer notre dernier réacteur nucléaire en 2045. Surtout, nous devons immédiatement bloquer les prix de l’électricité, du gaz et des carburants.
    Rappelez-vous qu’il a suffi d’une étincelle pour que le peuple se soulève. J’ai entendu dire que certains étaient de retour sur les ronds-points. Madame la secrétaire d’État, méfiez-vous toujours du peuple qu’on maltraite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. Loïc Prud’homme

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    Magnifique et imparable !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Anthony Cellier.

    M. Anthony Cellier (LaREM)

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    Je tiens à remercier vivement le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés pour l’organisation de ce débat sur ce sujet d’importance à l’heure où nos pays sont touchés de plein fouet par une crise sans précédent des énergies fossiles. Disons-le, il s’agit en effet d’une crise des énergies fossiles, dont notre dépendance nous place dans une situation de fragilité et réduit nos marges d’action.
    La France, grâce à la loi « énergie climat » de 2019, et l’Union européenne, depuis juin dernier, se sont fixé un cap commun : celui d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
    Eu égard à l’impératif climatique, la réalisation de cet objectif nous oblige à repenser en profondeur notre rapport à l’énergie. En effet, nous devrons, d’ici trente ans, passer d’un mix énergétique européen composé à 70 % d’énergies fossiles à un mix énergétique neutre en carbone. C’est tout simplement colossal !
    Si 2050 est un horizon temporel, les efforts doivent être réalisés dès maintenant. Pour cela, nous devons agir selon une méthode qui fait consensus au niveau européen : baisser notre consommation d’énergie et accélérer la production d’énergie décarbonée.
    Tous les scénarios d’atteinte de la neutralité carbone reposent sur une forte baisse de la consommation énergétique. Tous les secteurs résidentiels, industriels et tertiaires sont concernés, et tous les leviers d’action doivent être mobilisés.
    Cependant, malgré la rénovation énergétique des logements, l’amélioration des procédés industriels et la baisse de la consommation du secteur tertiaire, nous aurons besoin de plus d’électricité pour substituer notre dépendance aux énergies fossiles. Nous devons accompagner et surtout anticiper cette électrification des usages.
    Dans tous les scénarios d’atteinte de la neutralité carbone, les énergies renouvelables jouent un rôle déterminant et représentent au moins 70 % de la production totale d’électricité en Europe d’ici à 2050. Ce n’est pas du dogmatisme que de miser sur la complémentarité des énergies renouvelables électriques et de l’énergie nucléaire pilotable :…

    M. Loïc Prud’homme

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    Elle n’est pas pilotable !

    M. Anthony Cellier

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    …c’est bien l’une des clés essentielles de notre ambition commune. En ce sens, la France représente un pilier solide et stable de la transition énergétique européenne.
    Notre pays joue également un rôle essentiel dans le fonctionnement du système électrique européen, qui repose sur un équilibre complexe entre l’offre et la demande.
    En Europe, 305 000 kilomètres de ligne fonctionnent sur la même fréquence, grâce à plus de 400 interconnexions reliant près de 600 millions de citoyens européens. Savez-vous, chers collègues, qu’après une chute de fréquence en Europe de l’Est, c’est l’interruption, en quelques secondes, de gros sites industriels français qui a permis de prévenir un black-out généralisé ? C’est bien la démonstration d’un système électrique intégré, interconnecté et solidaire : c’est aussi cela l’Union européenne.
    L’Union européenne a fixé un objectif ainsi qu’une méthode – nous l’avons vu –, mais des efforts restent à faire s’agissant de l’application. En d’autres termes, la politique énergétique de l’Europe demeure à bâtir, ou du moins à consolider. Par exemple, la question de la complémentarité des mix électriques européens n’est que trop peu abordée dans le débat public.
    La question d’une coordination efficace des politiques énergétiques nationales doit se traiter au niveau européen, sans pour autant méconnaître ou contraindre les choix nationaux. À l’heure actuelle, la production d’électricité en France est assurée à 60 % par l’énergie nucléaire. En Pologne, le charbon domine, tandis qu’en Suède l’énergie hydraulique est la plus importante. Le niveau de carbone de la production d’électricité est donc très différent d’un pays à l’autre.
    Partant de ce constat, il est nécessaire d’engager une action européenne résolument volontariste pour décarboner la production d’électricité.
    S’agissant d’abord du charbon, l’ennemi climatique numéro 1, il est nécessaire de planifier, comme l’a fait la France, une sortie du charbon la plus rapide possible. La poursuite de l’activité des centrales à charbon n’est pas compatible avec les objectifs affichés de décarbonation. Ayons le courage de le dire et accompagnons prioritairement vers la transition énergétique les pays qui l’utilisent.
    En ce qui concerne le gaz, nous devons limiter l’activité des centrales thermiques à flamme. Cela ne signifie pas que le gaz disparaîtra de notre mix énergétique, bien au contraire, mais il va et doit se verdir. Les bioénergies et l’hydrogène seront essentiels à l’atteinte de la neutralité carbone.
    Dans ce défi, la France a toute sa place. Notre pays est le premier exportateur européen d’électricité : une électricité bas carbone qui contribue à la décarbonation de notre économie et de celle de nos voisins. À cet égard, le choix d’une relance du programme nucléaire et l’accélération considérable du déploiement des capacités renouvelables conforteront cette position stratégique.
    La France possède des atouts géographiques, des savoir-faire dans toutes les filières, ainsi qu’un réseau d’infrastructures de transport et de distribution qui maille notre territoire. Notre pays est donc un partenaire indispensable de la politique énergétique européenne.
    Mes chers collègues, il nous faut garder une chose à l’esprit : les décisions que nous allons prendre en France et en Europe feront le climat de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Laurence Maillart-Méhaignerie applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles de la Verpillière.

    M. Charles de la Verpillière (LR)

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    Ce débat sur la stratégie de l’Union européenne pour la décarbonation de l’électricité et l’efficacité énergétique fait ressortir une évidence : sur le nucléaire, sur l’énergie en général, comme sur tout le reste, le quinquennat d’Emmanuel Macron aura été celui du zigzag permanent.
    La centrale de Fessenheim a été fermée, alors que ses réacteurs pouvaient encore fonctionner au moins dix ans. Les centrales à charbon ont été rouvertes : le Gouvernement vient de rehausser de mille heures le recours à cette source d’énergie.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Eh oui !

    M. Charles de la Verpillière

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    Et les prix de l’énergie ont flambé, la facture de chaque ménage français, surtout les plus modestes, ayant augmenté de 360 euros par an – 510 euros dans les territoires ruraux.
    Le Gouvernement a certes tenté de masquer la hausse en promettant des chèques – il en a l’habitude –, mais il a en même temps, selon la formule consacrée, reporté la charge sur EDF et sur l’État, qui devront chacun s’acquitter de 8 milliards d’euros supplémentaires, qui viendront encore alourdir la dette.
    Avec Valérie Pécresse,…

    Mme Laurence Maillart-Méhaignerie

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    Ils sont fabuleux !

    M. Charles de la Verpillière

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    …nous pensons qu’il faut sortir du flou entretenu par l’actuel Président de la République. Les objectifs de la politique énergétique de la France doivent être d’abord clairement affichés.
    Il faut lutter contre le réchauffement climatique, en privilégiant les énergies décarbonées que sont le nucléaire, l’hydraulique et les énergies renouvelables. Il faut produire au meilleur coût et en quantité suffisante une électricité disponible en permanence : le nucléaire est à cet égard une énergie pilotable qui peut suppléer en cas de besoin les énergies renouvelables intermittentes, comme le solaire ou l’éolien. Enfin, il faut bien sûr maintenir l’indépendance et la souveraineté énergétiques de la France.
    Les moyens pour atteindre ces objectifs ont été étudiés par l’organisme public RTE – Réseau de transport d’électricité. Le scénario le plus crédible prévoit le maintien au maximum du parc existant de réacteurs nucléaires et la construction, d’ici à 2050, de quatorze réacteurs EPR – réacteurs pressurisés européens – et de nouveaux réacteurs SMR – petits réacteurs modulaires. Encore faut-il préciser que ce scénario se fonde sur l’hypothèse optimiste d’une baisse de la consommation totale d’énergie.
    Le programme de Valérie Pécresse prévoit, pour sa part (Rires sur les bancs des groupes LaREM et Dem),…

    Mme Laurence Maillart-Méhaignerie

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    Ce n’est pas le sujet !

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Au moins, le programme de Pécresse est cohérent !

    M. Charles de la Verpillière

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    Mes chers collègues, si vous voulez intervenir à ma place, venez à la tribune, n’hésitez pas !
    Le programme de Valérie Pécresse, donc, prévoit de renoncer à la fermeture programmée de quatorze réacteurs actuellement en service ainsi que de renoncer à plafonner à 50 % en 2035 la part du nucléaire dans ce que l’on appelle le mix énergétique. Il prévoit aussi de lancer sans plus attendre la construction de six EPR, dont quatre devront démarrer d’ici à 2035, avec une réflexion à mener sur le renouvellement de l’ensemble des centrales existantes, et de demander au Parlement d’approuver – mais, pour cela, il faut du courage – le projet Cigéo d’enfouissement des déchets les plus radioactifs. Il y est également inscrit l’objectif de relancer le programme de recherche ASTRID sur le réacteur de quatrième génération, déjà cité par d’autres orateurs. Enfin, une réflexion devra être menée sur l’éolien : d’ores et déjà, nous proposons qu’aucune éolienne ne puisse être implantée sans l’accord des communes concernées.
    Pour terminer, j’insisterai sur deux points. Tout d’abord, la réalisation du programme de Valérie Pécresse passera par le maintien d’EDF, cette grande entreprise publique créée par le général de Gaulle ; il ne faut en aucun cas l’affaiblir, car les investissements à réaliser seront considérables.
    En second lieu, il faut penser à ce qui est en train de se passer dans l’Union européenne. Celle-ci élabore en ce moment la feuille de route, intitulée Pacte vert pour l’Europe, sur le financement des investissements énergétiques dans le cadre de la taxonomie verte. Selon ce qui sera décidé, la France aura accès ou non aux instruments européens de financement et pourra ou non emprunter sur les marchés financiers. Or l’Allemagne se débrouille beaucoup mieux que nous puisqu’elle est en passe d’obtenir que le gaz, avec tous les investissements qu’il comporte, soit qualifié d’énergie verte.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Eh oui !

    M. Charles de la Verpillière

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    Vous admettrez que c’est une performance remarquable. À l’inverse, la France, alors que M. Macron assure la présidence du Conseil de l’Union européenne, n’a pas réussi, ni même essayé de faire lever toutes les restrictions qui pèsent sur le nucléaire dans les projets de texte de la Commission européenne.

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
    Suite du débat sur la stratégie de l’Union européenne pour la décarbonation de l’électricité et l’efficacité énergétique à horizon 2050 ;
    Débat sur les suites à donner aux propositions de la commission d’enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures quinze.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra